M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour un rappel au règlement.
M. René-Paul Savary, rapporteur. 36 15 ! (Rires.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cela vous fait rire, monsieur Savary ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je plaisantais.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas drôle du tout. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Mais pour qui vous prenez-vous ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Allons, mes chers collègues, restez calmes ! Ne vous excitez pas, tout va bien se passer ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez Mme Apourceau-Poly s’exprimer !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente de la commission, je pense que vous n’avez pas dû comprendre ma collègue Laurence Cohen tout à l’heure,…
M. Philippe Pemezec. Dites tout de suite que nous sommes des idiots !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … lorsqu’elle vous a demandé légitimement de réunir la commission des affaires sociales.
Les plus de soixante-dix amendements que vous allez rendre sans objet ont été jugés recevables, madame la présidente.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait, ils ont déjà été examinés !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous êtes en train d’employer tous les artifices possibles pour nous empêcher de défendre nos amendements de suppression. Or nous nous apprêtions à les présenter en développant des arguments importants, en évoquant notamment les actions de prévention nécessaires à mettre en place à nos yeux.
Finalement, si notre assemblée avait pu débattre de ces amendements, elle n’y aurait consacré que deux heures et demie. Or, compte tenu des différents rappels au règlement que vous avez provoqués, qui relèvent, je le rappelle, du droit des parlementaires, nous en sommes déjà à une heure de discussion !
Alors, réfléchissez bien à ce que vous faites, mes chers collègues, parce qu’il me semble que vous vous êtes fait prendre à votre propre jeu !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour un rappel au règlement.
M. Jérôme Durain. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis du règlement du Sénat.
Tout d’abord, je vais réitérer les demandes d’explications qu’ont formulées un certain nombre d’orateurs sur la décision d’appeler en priorité l’amendement n° 2132 de la commission, et celle de disjoindre celui-ci des autres amendements en discussion commune.
Je ferai ensuite une remarque, qui pourra vous paraître naïve : sur un plan purement arithmétique, la procédure a été enclenchée à vingt et une heures et cinquante-quatre minutes. Or, si l’on tient compte du fait que tous les auteurs des amendements de suppression de l’article 9 n’étaient pas présents dans l’hémicycle au moment de la demande de priorité, vous risquez de ne pas gagner une seule minute dans cette affaire !
Pire, nous aurons passé plus d’une heure, une heure et demie, à parler de la forme, et pas du fond ! (Protestations sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
Vous pouvez nous adresser tous les reproches que vous voulez, mais celui qui dira ici que les membres des trois groupes de gauche n’ont pas travaillé sur le fond du texte et n’avaient pas, à la faveur des amendements de suppression, des questions fondamentales à poser, qui intéressent les Français dans leur vie quotidienne, ne rend pas justice aux efforts que nous avons fournis.
Enfin, permettez-moi de vous dire que, si nous avions à expliquer aux Français, après le leur avoir présenté dans le détail, que c’est à cause de l’amendement de la commission que nous venons de passer une heure à ne parler de rien d’important, alors que nous aurions pu discuter de plein de sujets qui les concernent, je crains que l’image du Sénat n’en sorte pas grandie ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Les sénateurs ici présents ont beaucoup d’heures de vol en politique. (Sourires.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Certains plus que d’autres !
M. Patrick Kanner. Mais s’il n’y a pas beaucoup de perdreaux de l’année dans cet hémicycle, il y a en revanche des arroseurs arrosés. J’en vois beaucoup sur le côté droit de l’hémicycle !
M. Durain vient de le rappeler, si vous voulez nous brider en termes de temps de parole, nous avons aussi des moyens à notre disposition : vous utilisez l’article 46 bis du règlement, nous utilisons notre droit d’user de rappels au règlement !
Mais il faut arrêter maintenant ! Parlons du fond ; ça fait plus une heure et demie que nous ne parlons pas du fond !
Si vous pensez que nous allons plier le genou, mettre notre robe de bure et nous passer la corde au cou, la réponse est non !
M. Roger Karoutchi. Vous allez y être contraints !
M. Patrick Kanner. Pouvons-nous faire preuve d’intelligence ? Nous avons des choses à dire, vous avez des choses à dire et à défendre. Mes chers collègues de droite, vous faites fausse route en appelant en priorité cet amendement intéressant, mais qui n’est pas cardinal, pour contourner des amendements de suppression, reconnus comme essentiels. Ressaisissez-vous et nous serons en mesure de montrer aux Français que la Haute Assemblée défend leurs intérêts, quelles que soient les travées ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Mickaël Vallet. Bravo !
M. Jean-François Husson. Pour l’instant, c’est l’inverse !
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Fernique. C’est un rappel au règlement sur le fondement des articles 46 bis et 36. Nous découvrons, et vous aussi, le fait qu’il n’y a pas de limite aux rappels au règlement.
Vous tentez de raccourcir nos débats, surtout quand ils portent sur des enjeux essentiels de la réforme, en ouvrant les vannes des débats de procédure. Il est temps de mesurer les avantages et les inconvénients de votre méthode.
On vit une période assez inédite. Je suis nouveau ici, mais beaucoup me disent qu’ils n’ont jamais vu ça. Prenons en compte les uns et les autres l’image que donne notre Sénat et avançons sur le fond. Il y a encore un certain nombre d’heures d’ici au moment où le carrosse se transformera peut-être en citrouille, dimanche à minuit ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jean-François Husson. Il ne tient qu’à vous ! Parlez moins et agissez plus !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Luc Fichet. Nous exprimons le fond de nos pensées. Depuis le début, nous accrochons sur la pénibilité. Le Président de la République a d’abord supprimé les quatre critères les plus importants. Puis, il propose ensuite, avec l’allongement du départ à la retraite, il repousse pour les personnes handicapées et en difficulté l’âge légal de 62 ans à 64 ans. Ce soir, à travers cet article 9, nous aurions pu discuter de ces questions de pénibilité, mais vous faites tomber tous nos amendements. C’est très révélateur de la perception qui est la vôtre du travail !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Il en reste 140 !
M. Jean-Luc Fichet. En matière de procédure visant à écarter certains amendements, je connais l’article 40 de la Constitution. On nous l’oppose assez souvent pour déclarer irrecevables nos propositions, au motif qu’elles entraîneraient de nouvelles dépenses. Mais, ici, il n’y a pas de nouvelles dépenses ; il s’agit seulement d’un débat de fond. Je regrette vraiment la situation dans laquelle nous nous trouvons !
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour un rappel au règlement.
M. Rémi Cardon. Mon rappel au règlement se fonde sur le fondement de l’article 42 bis. Chers collègues, au moment d’aborder la question de la pénibilité, vous devenez pénibles ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. Quel bon mot !
M. Rémi Cardon. Pour vous, c’est enfin le grand soir ; vous êtes totalement convertis au macronisme ! (Mêmes mouvements.) M. Macron a dit au mois d’octobre 2019 qu’il n’aimait pas le mot de pénibilité, car il donne le sentiment que le travail est pénible. On vous proposait de débattre sur des amendements relatifs à la pénibilité, vous ne voulez pas. Mais je suis assez inquiet sur votre comportement : jouez-vous au bonneteau ? Vous essayez de changer les règles alors que la réforme des retraites est déjà compliquée pour les Français. Et vous, vous en rajoutez !
Ressaisissez-vous, retirez cet amendement et revenons à la case départ de ce « macronpoly » !
Article 9 (suite)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 9 prévoit la création de fonds d’investissement dans la prévention de l’« usure professionnelle ». « Usure professionnelle » plutôt que « pénibilité au travail » : nous notons les mots du pouvoir autant que le pouvoir des mots.
Pourtant, usure et pénibilité sont intrinsèquement corrélées. À des mots, nous répondrons donc par des chiffres. Les données scientifiques disponibles permettent d’estimer que 8,5 % des cancers sont d’origine professionnelle ! Selon la chercheuse Dominique Méda, pour plus de 43 % des Français, leur emploi implique de déplacer des charges lourdes. Pour 57 % des Français, leur travail implique des positions douloureuses ou fatigantes. Selon la dernière enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels, 2 millions de personnes sont exposées à au moins un agent cancérogène. Selon l’Insee, il y a onze ans d’écart d’espérance de vie sans incapacité séparent les hommes, les ouvriers et cadres, comme dans une moindre mesure les femmes.
À quand, monsieur le ministre, une réforme des retraites dont l’espérance de vie en bonne santé sera le paramètre central ?
Depuis 2017, le nombre de morts au travail a de nouveau grimpé passant à 719. La Confédération européenne des syndicats (CES) donne comme objectif pour 2030 zéro mort au travail. Vous avez du pain sur la planche !
Ainsi, ne devrait-on pas parler de pénibilité ? Lorsque nous parlons d’usure, ce sont les corps qui s’usent par le travail, ce qui renvoie à une réalité individuelle constatée, donc curative, alors que quand lorsqu’on parle de pénibilité, ce sont les métiers qui sont pénibles, d’où une présomption « d’usure » et une notion préventive.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Ce soir, j’ai honte ! J’ai honte parce qu’avec votre décision, vous dites aux Français que vous empêchez le débat sur un sujet essentiel de cette réforme : la pénibilité que des milliers de salariés vivent au quotidien.
Oui, j’ai honte que le Sénat soit dans cette situation et que nous ne puissions pas en parler.
Pour autant, vous n’allez pas m’empêcher de parler dans le cadre de cette intervention sur l’article et de dire tout ce que j’avais prévu d’évoquer.
Le droit à la retraite est une grande conquête sociale. On ne peut pas parler de retraite sans parler du travail et des conditions de travail. Or, dans votre projet de réforme, monsieur le ministre, la question de la pénibilité au travail est posée de manière pour le moins problématique. Que vous le vouliez ou non, certains métiers sont dangereux, pénibles !
Mais le Gouvernement préfère parler d’usure professionnelle que de pénibilité. Or ce n’est pas la même chose. La pénibilité porte sur le travail sur ses conditions, donc sur une responsabilité collective, alors que l’usure professionnelle porte sur les corps des travailleurs, donc sur une responsabilité individuelle. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !
Il est toujours utile de rappeler que lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, en 2017 – c’était à peine hier –, l’exécutif a supprimé par ordonnance quatre critères de pénibilité sur dix introduits en 2015 : le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, comme celles des marteaux-piqueurs, et l’exposition aux risques chimiques, qui n’ouvrent donc plus la possibilité de partir tôt.
Nous avions proposé un amendement pour réintroduire ces critères dans le compte professionnel de prévention. Mais, là encore, dans la mesure où le véhicule législatif choisi est un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale, on ne nous permet pas de débattre de ces vrais enjeux, et on déclare nos amendements irrecevables. Voilà comment nous sommes empêchés de débattre !
Avec votre réforme, force est de constater que vous demandez à des Français déjà exposés de travailler davantage ! (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Un grand auteur a un jour confié à un journaliste : « Au fur et à mesure que l’épreuve de l’usine avance, il faut puiser au plus profond de ses ressources pour pouvoir continuer à tenir, et on se raccroche à tout ce qui peut nous faire tenir ». Non, chers collègues, il ne s’agit d’un auteur ni du XIXe siècle ni du XXe siècle. C’est un contemporain qui décrit le travail dans un abattoir d’aujourd’hui. Il s’agit des mots du défunt écrivain Joseph Ponthus, auteur du livre À la ligne, lors d’une interview sur France Culture voilà trois ans.
Lors de l’examen de cette réforme, que ce soit à l’Assemblée nationale ou, ici, au Sénat, vous n’avez de cesse d’essayer de segmenter les hommes et les femmes de ce pays, entre les supposés privilégiés des régimes spéciaux et les autres, le droit des nouveaux entrants et les autres bénéficiant de la clause du grand-père. Ce constat s’applique jusqu’à vos choix sémantiques.
On ne doit pas dire « ouvrier », mais on doit dire « opérateur de production ». On ne dit plus « chaîne », mais « ligne ». On ne doit surtout pas évoquer le mot de « pénibilité » lorsque l’on parle du travail. Cette euphémisation des termes que l’on constate depuis des années, que j’observe depuis nos débats de vendredi dernier et que je déplore, dans les rares propos de la droite comme dans les vôtres, monsieur le ministre, sont symptomatiques de votre déconnexion de la dure réalité du travail d’une grande partie des travailleurs de ce pays. Je me risque même à affirmer que cela traduit un certain mépris de classe !
M. Xavier Iacovelli. Sérieusement ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est dur ; c’est même très dur de travailler à l’usine, comme en témoigne le surcoût en rente d’invalidité de 1,8 milliard d’euros par an en cas de relèvement de deux ans de l’âge de départ à la retraite. Face à cela, vous comptez ne doter que de 250 millions d’euros par an votre fonds jusqu’en 2027.
En résumé, alors même que la pénibilité au travail devrait être un sujet central de ce projet de loi, le Gouvernement n’y consacre qu’un article largement insuffisant ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. Je rappelle que la conférence des Présidents a décidé qu’il n’y avait qu’une prise de parole sur l’article par groupe.
L’amendement n° 2132, présenté par M. Savary et Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, alinéa 5, deuxième phrase, et alinéa 10
Après la référence :
1°
insérer les mots :
et au a du 2°
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
aux 1°
par les mots :
au 1° et au a du 2°
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement appelé en priorité.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je peux enfin m’exprimer. Je m’impatientais.
Certains m’ont demandé des explications. Dans la vie, j’ai appris que l’on récoltait ce que l’on sème. (Exclamations à gauche.) Vous récoltez ce que vous avez semé la semaine dernière. La semaine dernière, vous n’avez pas tenu vos engagements.
M. Éric Kerrouche. Quels engagements ? Qu’est-ce que cela signifie ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Demandez à vos présidents de groupe ; ils savent bien de quoi je parle ! (Marques d’étonnement sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Martin Lévrier. Tout à fait ! Il y a eu un accord !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Tenez vos engagements ! Il y a des accords qui permettent de travailler dans de bonnes conditions, avec des fixations de date pour répondre aux exigences tout à fait compréhensibles de certains. Mais, en contrepartie, il était question que l’on puisse débattre et aller au bout du texte.
Mme Monique Lubin. Nous voulons aller jusqu’au bout !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Vous savez combien je me préoccupe de la question de la pénibilité. Mais face à tous ces amendements de suppression sur un article aussi important, j’ai demandé l’autorisation de présenter mon amendement en priorité.
Pourquoi ? Parce que les agents chimiques ne sont pas pris en compte, ni dans le C2P ni dans les propositions qui sont faites à travers la création d’un fonds d’investissement. C’est une divergence que nous avons avec le Gouvernement. Voilà pourquoi je veux qu’on en discute. Je ne veux pas qu’il sorte un texte non voté, en raison de l’obstruction, sans avoir pu apporter des améliorations. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
Entrons maintenant dans le cœur du sujet. La commission a souhaité, à la demande des syndicats, qu’on reprenne des mesures de prévention sur les agents chimiques. Actuellement, ces derniers sont traités complètement différemment. On pense aux agents chimiques qui sont vendus et distribués, mais on ne pense pas à tous ces travailleurs qui sont exposés à la fumée, aux poussières ! Ce sont pourtant bien des agents chimiques. On doit le prendre en compte plutôt avec des actions de prévention que des actions de réparation.
C’est la raison pour laquelle il nous a paru indispensable d’inscrire cette disposition dès à présent ouvrant droit au fonds d’investissement qui va être créé. Il n’est réservé qu’aux troubles ergonomiques. Il y a, certes, une dissociation dans la pénibilité, mais on ne découpe pas les gens en tranches !
Pour autant, certains facteurs sont faciles à exprimer, comme ceux qui figurent dans le C2P : travail de nuit, travail en équipe, etc. Pour eux, c’est facile, on peut déterminer des points, car on sait qui a travaillé la nuit et qui a travaillé en équipe. Mais il existe des facteurs plus complexes – ce n’est pas pour autant qu’il faut les mettre de côté –, notamment les facteurs ergonomiques : 50 % des accidents du travail à 80 % des maladies professionnelles sont liés à des facteurs ergonomiques. C’est la raison pour laquelle ce dispositif prévoit une amélioration.
Par ailleurs, nous avons proposé un autre dispositif qui n’était pas non plus à l’ordre du jour. C’est un dispositif ô combien important, puisqu’il s’agit, dans le cadre du C2P, de prendre notamment en compte les activités partielles pour les plafonner avant les années de retraite et les consacrer à rémunération complète en fin de carrière pour les personnes exposées à différents facteurs de risque, l’idée étant qu’elles puissent finir plus progressivement leur carrière. Vous voyez que ce sont des améliorations importantes, surtout quand on demande un effort pour travailler plus longtemps : il vaut mieux terminer de façon progressive !
C’est une mesure de prévention plus importante que la mesure de réparation. Actuellement, c’est un âge anticipé. Les travailleurs la choisissent parce qu’ils y voient un moyen de partir plus précocement. Mais ce n’est pas un service qu’on leur rend. Il vaut mieux éviter qu’ils restent trop longtemps sous des facteurs d’usure et de pénibilité.
Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que nos propositions soient prises en compte. Cette inscription des facteurs chimiques au titre du fonds d’investissement est un élément tout à fait important. J’attends de votre part un engagement ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Monique Lubin applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin de réorganiser les débats.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, sur l’amendement n° 2132, je suis saisi des sous-amendements nos 5500 à 5654.
Ces sous-amendements ont été publiés sur le dossier législatif en ligne.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, hier soir, lorsque nous nous sommes quittés, le dérouleur affichait 1 037 amendements restant en discussion. Par curiosité, ce matin, lorsque je me suis réveillé, j’ai regardé où en était le dérouleur. Nous en étions à 1 250 : 200 sous-amendements avaient été déposés pendant la nuit.
Puis, au fil de cette journée, vous avez débattu, examiné, et voté un nombre considérable d’amendements, mais le nombre d’amendements inscrits au dérouleur ne cesse d’augmenter !
M. Patrick Kanner. Une vis sans fin !
M. Hussein Bourgi. C’est la productivité. (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Olivier Dussopt, ministre. C’est effectivement une vis sans fin !
Nous avons regardé les sous-amendements qui ont été déposés. Certains ont été défendus, d’autres ont été retirés, d’autres enfin ont été rejetés. Nous avons eu des séries de sous-amendements qui, lorsqu’une demande de rapport était formulée avec une date de remise au 1er avril 2024, tendait à proposer plutôt le 2 avril, puis le 3 avril, puis le 4 avril, puis le 5 avril, etc. (Mme Annie Le Houerou le conteste.)
Nous avons eu, voilà un instant, communication des 150 ou 160 sous-amendements déposés sur l’amendement n° 2132 de M. le rapporteur.
M. Guillaume Gontard. Je demande la parole !
Mme Sophie Primas. Laissez le ministre parler !
M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur le sénateur, depuis quelques jours, je me perfectionne dans le règlement du Sénat : il se trouve que la parole du Gouvernement est libre ! Je peux donc m’exprimer quand je le souhaite sur tous les sujets qui intéressent le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
Ces 160 sous-amendements font le tour du dictionnaire des produits chimiques et des agents chimiques de France ! C’est une volonté manifeste d’obstruction. Il n’y a pas de volonté de débat ; il n’y a pas de volonté de construction ; il y a une volonté de blocage. Ce blocage se mesure par les chiffres : 5 700 ou à 5 800 amendements ont été déposés, exception faite des irrecevabilités.
J’ai entendu, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, votre réflexion : ce sera une vis sans fin ; ça va monter, monter, monter !
En réalité, ce que vous voulez, c’est que le Sénat soit privé de sa capacité à voter ce texte. (Protestations sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.) Vous voulez que le Sénat se voie confisquer sa capacité à délibérer démocratiquement. D’une certaine manière, mesdames, messieurs les sénateurs, vous opposez ce que vous appelez la légitimité de la rue à la légitimité du Parlement. Or nous croyons en la légitimité du Parlement ! (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
M. David Assouline. C’est la réponse du berger à la bergère !
M. Olivier Dussopt, ministre. Un certain nombre de présidents de groupe, un certain nombre de sénateurs ont eu recours à l’utilisation d’un certain nombre d’articles du règlement du Sénat. Vous avez tous reconnu que si l’opposition avait la possibilité d’utiliser le règlement pour faire de l’obstruction, selon vos propres mots, la majorité pouvait avoir recours au règlement pour garantir un bon déroulement du débat. Il se trouve que le Gouvernement peut aussi le faire.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Olivier Dussopt, ministre. Par conséquent, en application de l’article 44, alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement s’oppose à l’examen de l’ensemble des sous-amendements déposés sur l’amendement n° 2132 de M. le rapporteur qui n’ont pas été soumis à l’examen de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. David Assouline. Scandale !
M. le président. Conformément à l’article 44, alinéa 2 de la Constitution et à l’article 46 bis alinéa 4 du règlement, le Gouvernement s’oppose à l’examen des sous-amendements à l’amendement n° 2132 qui n’ont pas été antérieurement soumis à la commission.
Madame la présidente de la commission, confirmez-vous que l’ensemble de ses sous-amendements n’ont pas été soumis antérieurement à la commission avant l’ouverture du débat ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je le confirme, monsieur le président.
M. le président. Dans ces conditions, ces sous-amendements ne peuvent pas être examinés.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 2132 ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement partage pleinement la préoccupation de la commission sur la prévention du risque chimique.
Les obligations du code du travail, qui prévoient la suppression des expositions aux agents les plus dangereux, pour d’autres, la limitation au minimum possible en mettant en œuvre tous les moyens de protection disponibles sont notre boussole en la matière. L’inspection du travail en assure le respect au quotidien.
Le quatrième plan santé au travail renforce les actions de prévention sur le terrain contre le risque chimique. Je rappelle que les TPE peuvent, via les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), obtenir des aides financières à cette fin. Les conventions d’objectifs et de gestion à a branche AT-MP sont autant d’outils que nous mobilisons en la matière.
Il y a 22 000 substances enregistrées à l’échelon européen, avec des situations d’exposition, des normes d’exposition maximum qui sont extrêmement variées. De la pétrochimie au coiffeur, en passant par les employés de la propreté, de nombreux salariés français sont potentiellement concernés.
Le Gouvernement – M. le rapporteur le sait – est extrêmement réservé sur l’extension du financement du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle à la question des agents chimiques. Pourquoi cette réserve ? Pour deux raisons.
Premièrement, nous considérons que la meilleure prévention en la matière est de respecter les normes limitant le niveau d’exposition et de respecter les interdictions. Nous ne sommes pas dans un champ de prévention ; nous sommes dans un champ de sécurité.
Deuxièmement, aujourd’hui, les employeurs ont une obligation : assurer la sécurité de leurs employés. Dans ce cadre, ils doivent à la fois respecter les normes d’exposition, tout comme ils doivent respecter les normes d’interdiction lorsque les agents chimiques sont particulièrement dangereux.
Les mêmes employeurs ont une obligation en matière d’équipement personnel et collectif de sécurité. Le Gouvernement ne souhaite pas que le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu) puisse être mobilisé pour financer des équipements de protection individuelle, qui relèvent aujourd’hui d’une obligation de protection des employeurs. Il est difficile de définir un champ aussi ténu d’intervention du Fipu en matière d’usure professionnelle sur la question des agents chimiques, à part peut-être sur la question de la formation au titre de la prévention, mais en aucun cas sur les éléments de sécurité, qui sont d’ores et déjà à la charge des employeurs dans le cadre de cette obligation.
C’est la raison pour laquelle nous avions émis cette réserve, qui me conduit à une demande de retrait.
L’amendement ayant été adopté par la commission des affaires sociales, j’ai bien conscience que cette discussion continuera dans le cadre de la navette parlementaire.
Rappels au règlement