M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Marchand, nous faisons face à un immense défi économique pour le XXIe siècle : le défi de l’industrie verte et de la décarbonation industrielle. Ce doit être l’occasion historique pour la France d’inverser la tendance, après trente années de délocalisations industrielles, et de relancer l’industrie sur son territoire sur une base décarbonée.
Le Gouvernement, tous les élus de la République – je salue votre engagement en ce sens dans le Nord, monsieur le sénateur – et les associations doivent se mobiliser collectivement pour relever ce défi, qui est aussi une bataille face à la Chine, aux États-Unis d’Amérique et à l’Inflation Reduction Act de M. Biden.
Avec Roland Lescure, j’ai annoncé deux nouvelles zones industrielles à faibles émissions carbone : l’une dans le Nord, chez vous, monsieur le sénateur, et l’autre à Fos-sur-Mer. Nous en annoncerons une dizaine d’autres d’ici à quelques semaines sur la base des réponses à l’appel à projets qui a été lancé à la fin de l’année 2022.
Ce dispositif se complète de deux autres actions stratégiques, que nous menons sous l’autorité de la Première ministre et du Président de la République.
La première est d’avoir une énergie décarbonée au prix le plus faible possible. C’est ce qui justifie la relance du secteur nucléaire en France, qui est un atout absolument stratégique pour gagner cette bataille de l’industrie verte.
M. Thomas Dossus. C’est cher !
M. Bruno Le Maire, ministre. La seconde se traduira par la discussion du projet de loi sur l’industrie verte que j’ai proposé à la Première ministre et au Président de la République.
Celui-ci aura d’abord pour objet d’améliorer les soutiens financiers. Je pense que les subventions ne sont pas suffisantes et qu’il faut aussi réfléchir à des crédits d’impôt pour donner de la visibilité et de la stabilité à notre production industrielle.
Nous devons aussi travailler, avec Sylvie Retailleau et Pap Ndiaye, à la relance des qualifications, des formations et à la valorisation des métiers industriels.
Nous voulons également réfléchir à la manière de réserver nos subventions et nos soutiens financiers à des productions réalisées en Europe, et non pas en Chine ou ailleurs.
Bref, nous voulons faire de ce projet de loi pour l’industrie verte l’un des moteurs, avec les zones dont vous avez parlé, de cette réindustrialisation, qui permettra à la France de retrouver son rang de grande puissance industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
mise à contribution des fournisseurs d’énergie
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Voilà près de deux ans, j’interrogeais déjà Mme Barbara Pompili sur l’explosion des factures énergétiques, qui impactait alors fortement nos concitoyens.
Aujourd’hui, la crise énergétique est encore plus alarmante et difficilement supportable pour les particuliers, les collectivités, les agriculteurs et les entreprises. Alors que l’objectif initial du marché européen de l’énergie était de faire baisser les prix, le constat est une nouvelle fois le même : le libéralisme à outrance ne tient pas ses promesses.
En 2021, les tarifs de l’électricité avaient déjà augmenté de 60 % depuis l’ouverture du marché en 2007, preuve que le conflit en Ukraine n’est pas la seule explication.
Face à cette crise, les textes, nationaux et européens, passent les uns après les autres, mais ce ne sont que des rustines d’argent public qui financent allégrement les fournisseurs alternatifs et ne permettent pas de mettre un terme aux dysfonctionnements et errements du marché de l’énergie.
Monsieur le ministre, des solutions sont pourtant proposées sur l’ensemble des travées de la chambre haute : elles doivent être enfin écoutées !
Alors qu’une proposition législative pour réformer le marché de l’énergie sera présentée par la Commission européenne dans les mois à venir, la France doit prendre toute sa part dans ces négociations, en n’évitant aucun sujet.
La décorrélation entre les prix du gaz et ceux de l’électricité, le maintien de l’ensemble des tarifs réglementés de vente et leur rétablissement pour les collectivités, les hôpitaux, les petites et moyennes entreprises et les exploitations agricoles, ainsi que la préservation des concessions hydrauliques en dehors des logiques du marché, doivent être des priorités dans ces négociations.
Comme l’ont fait l’Espagne et le Portugal, avec à la clé une baisse des factures d’électricité de 10 % à 20 %, la France doit également demander une dérogation temporaire pour fixer le prix de l’électricité en fonction de son propre mix énergétique.
En ce sens, reprendre la main sur un tel marché nécessite d’avoir un opérateur historique avec de réelles capacités d’investissement. Monsieur le ministre, je vous ai déjà posé la question, mais je la renouvelle : pouvez-vous enfin nous éclairer sur les projets du Gouvernement pour le groupe EDF ?
Il est temps de considérer l’électricité comme un bien commun, qui ne peut plus subir les logiques d’un marché qui devient fou.
Quelle position tiendra la France et quelles propositions fera-t-elle dans les négociations européennes à venir ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, cela vous surprendra peut-être, mais je suis d’accord avec tous vos propos. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Agnès Pannier-Runacher dirait la même chose, sous le contrôle de la Première ministre.
Faut-il que les énergéticiens soient taxés parce qu’ils bénéficient d’une rente et qu’il faut bien payer le bouclier tarifaire que nous avons mis en place pour protéger nos compatriotes et les entreprises contre la flambée des prix de l’électricité et du gaz ? Oui, et ils règlent déjà plus de la moitié de la facture grâce à la contribution sur la rente inframarginale que nous avons mise en place et qui va rapporter cette année 26 milliards d’euros.
M. Fabien Gay. Vous leur redonnez de la main gauche ce que vous leur avez pris de la main droite !
M. Bruno Le Maire, ministre. Doivent-ils contribuer au coût pour les finances publiques des 280 euros le mégawattheure en moyenne que nous avons imposés, à la demande du Président de la République, pour les très petites entreprises, afin qu’elles n’aient pas à payer des factures sur la base de 500 euros, 600 euros ou 1 000 euros le mégawattheure ? Oui, bien sûr, et je recevrai la semaine prochaine les fournisseurs d’énergie pour les rappeler à leurs obligations. Je vous le dis, ces 280 euros le mégawattheure doivent être payés, au moins en partie, par les fournisseurs d’énergie.
Faut-il réformer le marché européen de l’énergie ? Nous avons déjà engagé cette bataille, avec le Président de la République, depuis des mois.
M. Fabien Gay. On voit le résultat !
M. Bruno Le Maire, ministre. Agnès Pannier-Runacher et moi-même ne passons pas une semaine, voire un jour, sans discuter avec nos partenaires européens pour obtenir exactement ce que vous souhaitez, et qui nous semble juste : que le prix de l’énergie en France soit fixé en fonction du coût de production, et non pas au coût marginal d’ouverture de la dernière centrale à gaz. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Cette solution a dominé pendant des années, mais elle est désormais obsolète. J’y insiste, nous voulons que nos compatriotes payent le prix de l’énergie au coût de production et non pas au coût marginal d’ouverture d’une centrale à gaz.
Enfin, nous avons repris le contrôle de 100 % d’EDF, ce qui devrait vous réjouir. Nous estimons, comme vous, que l’énergie est un bien stratégique et que l’électricité sera la grande question économique du XXIe siècle. En prenant le contrôle de la production d’électricité décarbonée en France, nous nous donnons tous les moyens d’être compétitifs et d’avoir une économie qui réussit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation des ehpad
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. La Défenseure des droits vient de rendre publiques ses recommandations à la suite de son rapport de 2021 sur les droits des personnes âgées accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Les atteintes graves ou maltraitances envers les résidents persistent, et certaines sont systémiques. Mme Claire Hédon propose ainsi plusieurs actions à mener d’urgence pour mettre fin à ces situations inacceptables et restaurer la confiance des résidents et de leurs familles.
Je ne peux que souscrire à ces prescriptions. Et, bien modestement, j’en ajouterai une : le soutien au financement des Ehpad publics, car ces établissements cherchent non pas à faire du profit, mais simplement à rendre un service de qualité, tout en équilibrant leurs comptes. Ces établissements, qui sont ancrés au cœur de nos territoires et de nos collectivités locales, connaissent actuellement une situation financière dégradée, avec une capacité d’autofinancement négative.
Il y a plusieurs raisons à cela : des taux d’évolution des tarifs, fixés en fin d’année 2021, avant l’annonce de la revalorisation du point d’indice des personnels et l’explosion de l’inflation, sans oublier le sous-financement des mesures pérennes, comme le complément de traitement indiciaire, les mesures d’attractivité du Ségur ou la revalorisation des carrières.
Sans prise en considération de ces éléments, les Ehpad publics ne pourront pas continuer à exercer, laissant au seul secteur privé la responsabilité de l’accueil des personnes âgées.
Voilà quelques jours, le maire de Frontignan, dans l’Hérault, m’annonçait pour sa commune un déficit prévisionnel de 1,85 million d’euros pour ses maisons de retraite en 2022.
Aussi, monsieur le ministre, comptez-vous mettre à jour le plan Solidarité grand âge, qui date de 2006, en prenant en compte la situation des Ehpad publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Bilhac, vous l’avez dit, l’inflation touche aujourd’hui durement un certain nombre de nos concitoyens, mais également les structures privées et publiques dans notre pays. Malheureusement, le secteur du grand âge et des Ehpad ne fait pas exception. Pour autant, celui-ci peut compter sur un certain nombre de mesures de protection dont bénéficient aujourd’hui l’ensemble de nos concitoyens, grâce à notre action résolue.
Nous avons ainsi accordé 440 millions d’euros de crédits supplémentaires en fin d’année aux agences régionales de santé (ARS) pour soutenir les établissements. Nous avons inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 une augmentation des dotations de soins de plus de 5 %, afin de compenser les différentes augmentations, notamment celles touchant les salaires des collaborateurs des Ehpad. Nous avons enfin étendu le bouclier tarifaire sur l’électricité et le gaz à l’ensemble de ces établissements, avec un effet rétroactif au 1er juillet 2022.
Vous le constatez, le soutien de l’État ne se dément pas. Nous avons ainsi évité un certain nombre de défaillances d’établissements en grande difficulté. J’ai demandé moi-même aux ARS d’être extrêmement vigilantes sur le soutien à apporter aux établissements dans une situation difficile, notamment les établissements publics, en lien avec les départements, avec lesquels je travaille au quotidien par l’intermédiaire de l’Assemblée des départements de France. Nous envisageons notamment l’augmentation des tarifs hébergement et dépendance.
Il importe de concilier une réalité, qui est celle du juste financement de ces établissements, dont dépend la qualité de service et d’accompagnement des personnes âgées, avec l’accessibilité de l’offre, notamment à l’aide sociale, dans ces établissements.
Au-delà de ces causes conjoncturelles, il faut aussi s’attaquer à des causes plus structurelles, dont l’attractivité des métiers, le recours à l’intérim, qui a aussi un coût très élevé, et les taux d’occupation, qui sont aujourd’hui trop faibles.
Nous allons aborder toutes ces causes dans les mois qui viennent dans le cadre du Conseil national de la refondation, avant d’envisager des mesures législatives sur le « bien vieillir ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
coût de l’énergie
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque jour, nous sommes alertés par les élus locaux et par les artisans et commerçants de nos territoires sur la flambée des prix de l’énergie.
Boulangers, bouchers, restaurateurs, hôteliers, acteurs du tourisme, de la montagne : tous sont touchés de plein fouet par cette crise inédite. Les TPE-PME du monde rural sont confrontées à une hausse de leurs charges d’autant plus importante qu’elles supportent aussi des coûts de transport très lourds. La situation dans nos départements devient très préoccupante !
Dernièrement, dans un communiqué de presse, l’Assemblée des départements de France a formulé plusieurs demandes. Elle a appelé à restaurer l’autonomie que la décentralisation avait conférée aux départements pour pouvoir répondre au besoin de proximité de nos concitoyens, mais également à sortir de la logique de dérégulation du marché de l’électricité. Ces propositions sont légitimes et bienvenues pour éviter les dépôts de bilan, les licenciements, tout simplement la disparition de la vie dans nos territoires par la fermeture des commerces de proximité.
Il ne suffit pas d’indemniser les collectivités et les entreprises, comme le fait l’État, aggravant ainsi le déficit public. Il est essentiel de prendre des mesures fortes, comme la décorrélation du prix de l’électricité de celui du gaz.
Nous produisons une électricité à un prix peu élevé grâce à notre parc nucléaire et à notre hydroélectricité. Nous ne pouvons plus sacrifier notre tissu économique et social et mettre le pays tout entier en grave danger pour conserver « quoi qu’il en coûte » notre participation à un marché européen de l’électricité dérégulé. Celui-ci s’est retourné contre nous, ce qui nous pénalise fortement dans les circonstances actuelles.
Le Gouvernement va-t-il enfin entendre cet appel pour la décorrélation du prix de notre électricité de celui du gaz ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Madame la sénatrice Berthet, vous m’interrogez sur la réforme du marché de l’électricité. Permettez-moi d’abord de rappeler, car c’est important, que les ménages français et les très petites entreprises françaises bénéficient aujourd’hui du bouclier énergétique et du plafonnement du prix de l’électricité, soit l’un des dispositifs les plus puissants de protection contre la hausse des prix de l’énergie mis en place en Europe.
Comme mon collègue Bruno Le Maire, ministre de l’économie, vient d’ailleurs de le préciser, ce dispositif est essentiellement financé par la récupération des profits réalisés par les fournisseurs d’électricité, qui ont bénéficié d’une augmentation des prix n’ayant rien à voir avec le coût de revient de leur propre production ou avec leur coût de fourniture.
Pour autant, vous avez raison d’appeler de vos vœux une réforme en profondeur du marché européen de l’électricité. Nous menons ce combat depuis maintenant plusieurs mois avec Bruno Le Maire, Barbara Pompili l’ayant accompagné avant moi.
M. Fabien Genet. Sans résultat !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Madame la sénatrice, je veux vous rassurer.
Oui, nous travaillons à une réforme du marché permettant aux Français de bénéficier d’un prix de l’électricité qui représente la réalité de la production électrique française.
Mme Sophie Primas. Non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Oui, la Commission européenne a évoqué à la fin de l’année 2022 un cadrage de cette réforme qui va dans le sens des propositions que nous lui avons faites.
Mme Sophie Primas. Non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Oui, la Commission européenne a indiqué qu’elle soumettrait au Conseil européen des ministres de l’énergie, dans le courant du premier semestre 2023, une proposition de texte allant dans ce sens.
Mme Sophie Primas. Non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous sommes effectivement à la manœuvre (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) pour obtenir cette évolution, qui permettra aux entreprises produisant de l’électricité d’en produire plus sur notre territoire. C’est aussi tout l’enjeu des projets de loi visant à accélérer la production des énergies renouvelables et les procédures administratives sur le nucléaire. Pour payer le juste prix de l’électricité,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … encore faut-il en produire suffisamment. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. Madame la ministre, tout cela est trop long. Venez dans nos territoires voir les entreprises qui sont en train de fermer. Il est urgent d’agir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
directive sur les travailleurs des plateformes
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au printemps 2021, je défendais avec le groupe socialiste une proposition de loi visant à imposer la présomption de salariat pour les travailleurs de plateforme ubérisés que Mme la Première ministre, alors ministre du travail, rejetait d’un revers de main.
Depuis, la Commission européenne, sous l’impulsion de Nicolas Schmit, a présenté au mois de décembre 2021 une proposition de directive reprenant ce principe, et le Parlement européen adoptera une position en faveur de ce texte dans les prochains jours.
Dans le même temps, vous ne parvenez pas, et c’est heureux, à convaincre les autres gouvernements de venir sur vos positions, comme en atteste l’isolement de la France au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne.
Monsieur le ministre du travail, alors que le Président de la République se fait le chantre de la construction européenne, alors que la majorité des institutions et de plus en plus de gouvernements se prononcent en faveur de la présomption de salariat, et donc d’une véritable avancée sociale à l’échelle européenne, quand allez-vous changer de position ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Jacquin, vous avez évoqué la situation des travailleurs des plateformes et la meilleure façon de leur reconnaître des droits sociaux collectifs. Le droit français est connu : il a été fixé dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, qui a donné lieu à deux ordonnances, elles-mêmes ratifiées par le Parlement – en tout cas la première –, et qui fixent justement ces principes de représentation.
Depuis, il y a eu l’initiative de la Commission européenne visant à faire adopter par le Parlement et par le Conseil une directive sur le droit des travailleurs de plateforme. Vous dites que la France est isolée sur le sujet.
Lors du dernier Conseil des ministres du travail de l’Union européenne, le 8 décembre 2022, il n’y a eu aucune majorité ni pour le projet de directive ni contre. La France, que vous jugez isolée, a défendu de son côté une position qui était partagée par une bonne douzaine de pays européens. Convenez que, lorsque le Conseil se divise en trois tiers, on ne peut pas vraiment parler d’isolement pour notre pays.
Nous continuons à discuter. La présidence suédoise a indiqué vouloir remettre ce projet de directive à l’ordre du jour, et nous estimons que les travaux pourraient aboutir à la fin de la présidence espagnole, c’est-à-dire à la fin du second semestre de 2023.
Nous sommes convaincus de pouvoir trouver, dans le dialogue, une position qui soit respectueuse de chacune des législations nationales, tout en permettant de garantir le droit des travailleurs de plateforme.
Dans l’attente, nous continuons à travailler à l’échelon national. À la fin du mois d’octobre dernier, j’ai installé les premiers groupes de travail à la suite des élections visant à désigner les représentants tant des plateformes que des travailleurs des plateformes. Le dialogue est fécond, puisque, dans quelques minutes, avec Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports, nous rejoindrons les locaux de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe) pour assister, avec les représentants des chauffeurs et des plateformes, à la signature du premier accord social en la matière. Cet accord porte sur le tarif minimum des courses et il est soutenu par les représentants de 70 % des chauffeurs.
C’est la démonstration que le choix que nous avons fait de respecter le principe d’indépendance des chauffeurs, dans la mesure où leurs droits sont respectés, peut se marier avec l’idée d’une protection collective. Cet accord, qui en appelle d’autres, nous permet de montrer à nos partenaires européens que nous pouvons concilier l’indépendance, l’entrepreneuriat et la protection des droits sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, votre réponse ne m’étonne pas. Elle s’appuie sur votre doxa : un dialogue social qui, in fine, consiste à défendre plus les plateformes que les travailleurs des plateformes. Quelle est la réalité de ces derniers ? Une précarité extrême, et il s’agit souvent de travailleurs sans papiers. Vous suivez en fait une politique du laisser-faire qui vise à mener à un tiers-statut.
Que vaut votre dialogue social, alors que les élections professionnelles que vous avez organisées ont connu un très faible succès, avec un pourcentage très bas de participation des chauffeurs et des livreurs ? L’accord d’aujourd’hui réunit peut-être 70 % des chauffeurs, mais quatre organisations sur sept et les deux syndicats n’ont pas souhaité le signer, car il n’évoque pas de revenu minimum.
En somme, qu’il s’occupe des retraites, de l’assurance chômage ou de l’ubérisation du travail, votre gouvernement est véritablement celui de la régression sociale, en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
guichet unique
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il est compliqué de simplifier !
Réclamée par notre collègue Olivier Cadic, auteur d’un rapport en avril 2018 au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises, la fusion des 1 400 guichets des six pôles de formalités aux entreprises a été réalisée par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte). Le choix de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) pour gérer ce guichet unique avait surpris : on ne passe pas facilement de l’enregistrement de 15 000 brevets par an à la gestion de 5 millions de formalités concernant les créations d’entreprises, les modifications et les cessations. Surtout, on ne simplifie pas en se contentant de numériser sans alléger les procédures.
Sur l’année 2022, ce service a été marqué par de nombreux dysfonctionnements et blocages. Depuis le 1er janvier 2023, le site est la voie unique obligatoire pour effectuer les différentes formalités d’entreprise. Malheureusement, une attaque informatique l’a rendu inutilisable du 3 janvier au 7 janvier !
Monsieur le ministre, quand ce guichet unique fonctionnera-t-il correctement et, surtout, quand sera-t-il simplifié pour que nos entrepreneurs produisent de la valeur plutôt que des renseignements administratifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Babary, je vous remercie de poser cette question, qui préoccupe, je le sais, des milliers d’entrepreneurs.
Est-ce que l’idée de créer un guichet unique était bonne ? Vous l’avez portée, et je suis convaincu, tout comme l’immense majorité des entrepreneurs, que c’était nécessaire. Cela a permis de passer de six guichets à un seul, de 56 formulaires à un seul, et de 70 % de démarches écrites à 100 % de démarches numérisées. J’y insiste, c’est un facteur de simplification majeure.
Est-ce que la situation actuelle est satisfaisante ? Non ! D’abord, nous avons été l’objet, comme vous l’avez rappelé, d’une cyberattaque, avec 120 000 connexions par seconde qui ont saturé le site. Il a fallu le remettre en état, ce qui nous a pris quelques jours.
Par ailleurs, sur l’ergonomie même du site, il reste des améliorations à apporter ; je le reconnais bien volontiers. Est-ce que nous faisons le nécessaire ? Oui ! Nous avons reçu hier le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, et nous lui avons demandé des corrections.
Nous sommes à l’écoute de tous ceux qui créent leur entreprise ou qui modifient des indications sur leur entreprise pour leur apporter toutes les réponses qu’ils souhaitent. Je le redis, nous sommes au service des entrepreneurs.
La création de ce site est de nature à améliorer la vie des entreprises. Il doit néanmoins être corrigé dans son fonctionnement, ce qui sera fait dans les toutes prochaines semaines. Nous avons laissé à l’Inpi jusqu’au début du mois de mars, pas plus tard, pour que le site soit effectif, opérationnel, simple et d’accès direct pour tous les entrepreneurs.
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.
M. Serge Babary. Monsieur le ministre, l’État a été prévenu très en amont des risques de dysfonctionnement. Dès l’automne 2022, des inquiétudes sur le caractère opérationnel du guichet unique se sont fait jour chez tous les professionnels qui accompagnent les entreprises : experts-comptables, avocats, notaires, etc. Des remontées préoccupantes du terrain ont incité de nombreux sénateurs à vous alerter au moyen de questions écrites, de courriers. Nous avons même organisé deux tables rondes, dont il est ressorti des propositions de repli en cas de blocage.
Vous avez reconnu que le système nécessitait quelques optimisations – en effet ! –, mais aussi une protection efficace contre les cyberattaques. En catastrophe, un arrêté du 28 décembre 2022 a prévu une procédure de secours, de manière à assurer la continuité de service. C’est ce que font aujourd’hui les réseaux consulaires et Infogreffe. Ces derniers jouent les pompiers face au bug de ce lancement raté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
lutte contre le harcèlement scolaire