Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

harcèlement scolaire et discriminations à l’école

Mme Mélanie Vogel ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

« larmes de sirène »

M. Joël Guerriau ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

réforme des retraites (I)

M. Gérard Longuet ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion ; M. Gérard Longuet.

soutien militaire à l’ukraine

M. François Bonneau ; M. Sébastien Lecornu, ministre des armées ; M. François Bonneau.

réforme des retraites (II)

Mme Éliane Assassi ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

zones industrielles bas-carbone

M. Frédéric Marchand ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

mise à contribution des fournisseurs d’énergie

M. Jean-Claude Tissot ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

situation des ehpad

M. Christian Bilhac ; M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

coût de l’énergie

Mme Martine Berthet ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique ; Mme Martine Berthet.

directive sur les travailleurs des plateformes

M. Olivier Jacquin ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion ; M. Olivier Jacquin.

guichet unique

M. Serge Babary ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Serge Babary.

lutte contre le harcèlement scolaire

M. Jean Hingray ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Jean Hingray.

milices en france

M. Stéphane Le Rudulier ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Stéphane Le Rudulier.

réforme des retraites (iii)

Mme Victoire Jasmin ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion ; Mme Victoire Jasmin.

production de pommes

M. Jean-Baptiste Blanc ; M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

enquête sur l’explosion du port de beyrouth

M. Olivier Cadic ; Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Olivier Cadic.

3. Candidatures à une commission mixte paritaire

4. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’invite chacun à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

harcèlement scolaire et discriminations à l’école

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme Mélanie Vogel. Il avait seulement 13 ans et toute la vie devant lui. Pourtant, le 7 janvier dernier, Lucas s’est donné la mort. Pourquoi, en 2023 en France, un gamin homosexuel en arrive-t-il à se suicider ? Parce que – et, croyez-moi, je sais trop bien de quoi je parle –, à n’envisager qu’une vie de moqueries, de rejet, d’exclusion et de haine, on en arrive parfois à ne plus envisager de vie du tout.

C’est donc avec beaucoup d’émotion, mais aussi avec beaucoup de gravité, que je voudrais m’adresser aujourd’hui à toutes celles et à tous ceux, y compris au Gouvernement, dont les propos ont nourri et nourrissent ces violences ; à toutes celles et à tous ceux qui ont marché avec La Manif pour tous, qui ont raconté que nos familles étaient contre-nature, que nos droits étaient d’égoïstes caprices, que respecter les mineurs trans, c’était de l’idéologie, qu’apprendre aux élèves le respect de la diversité, c’était de la propagande, que moi, j’étais un problème lorsque je publie des photos avec ma compagne, précisément pour donner à voir à des adolescents comme Lucas un avenir dans lequel ils peuvent avoir une place et – pourquoi pas ? – devenir un jour un élu de la République ; à toutes celles et à tous ceux qui, par homophobie, par transphobie, parfois par simple cynisme électoraliste, nous prennent pour des boucs émissaires.

Si le suicide de jeunes LGBT vous peine, si vous voulez réellement que cela s’arrête, commencez par le commencement ! Faites votre examen de conscience ! Dites-nous que vous vous êtes trompés, que ce drame vous a fait comprendre quelque chose : que nous étions non pas une idéologie, un argument de campagne, mais des humains ?

Lucas, Dinah, Luna auraient pu être vos enfants, vos petits-enfants. Et leurs harceleurs aussi. Les enfants entendent et répètent ce que les adultes racontent. L’école est dans la société. Elle est traversée par ses débats, nourrie par ses haines et pétrie par sa violence.

Aurez-vous pour la famille de Lucas, pour ses amis, l’humilité de changer ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Vogel, quand un enfant met fin à ses jours, il n’y a pas de mots pour dire l’émotion, le chagrin, la douleur. Il n’y a pas de mots… (La voix de M. le ministre laisse transparaître sa vive émotion.) Que voulez-vous que je vous dise ?

J’adresse mes pensées les plus émues à ses parents, à ses proches, à ses amis.

Ce drame montre à quel point la lutte contre le harcèlement scolaire, la lutte contre l’homophobie – parce que, oui, l’homophobie tue ! – doit demeurer une priorité du Gouvernement.

L’orientation sexuelle est souvent un point d’appui des auteurs de harcèlement. C’est vrai aussi d’autres caractéristiques, comme l’apparence physique, l’origine, la condition sociale. Au-delà de la généralisation du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), sur laquelle j’aurai peut-être l’occasion de revenir, nous agissons pour changer les représentations qui alimentent les haines.

En matière d’homophobie et d’égalité entre les femmes et les hommes, la prévention passe en particulier par l’éducation à la sexualité. C’est pour cela que, dès le mois de septembre dernier, j’ai pris des mesures pour rendre effectifs ces enseignements, qui, admettons-le, ne sont pas correctement assurés aujourd’hui. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir récemment avec les sénatrices Annick Billon, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et Alexandra Borchio Fontimp.

Enfin, pour lutter contre l’homophobie à l’école, j’ai décidé, comme je l’ai annoncé hier, de généraliser au cours des prochaines semaines des groupes de sensibilisation, de prévention et d’action contre les LGBTphobies dans chaque académie. Je suivrai cela personnellement.

Nous avons encore – c’est vrai, madame la sénatrice – du chemin à parcourir. La question du harcèlement, de même que celle de l’homophobie, concerne tout le monde. L’éducation nationale est pleinement engagée en la matière. Vous pouvez compter sur moi. (Applaudissements.)

« larmes de sirène »

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Joël Guerriau. Les « larmes de sirènes » : cela pourrait être le titre d’un conte pour enfants, d’une fable, d’un prochain James Bond, d’un film féerique. Malheureusement, il n’en est rien.

Les larmes de sirène sont des granulés de plastique à usage industriel qui, à l’instant où je vous parle, viennent, poussées par des vents de l’ouest, envahir nos côtes et nos plages de Loire-Atlantique et de Vendée. Elles sont moins visibles qu’une marée noire, mais si nombreuses et si petites qu’il est impossible de les ramasser toutes, malgré les efforts des associations et des collectivités territoriales. Je tiens à saluer ici l’arrivée du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) dès ce matin à Pornic.

Les larmes de sirène se dégradent avec le temps en microparticules dans l’air et dans l’eau. Cette pollution est un véritable désastre pour la biodiversité. La contamination tue la vie marine. Les poissons ingurgitent toujours plus de plastique, qui se retrouve ensuite dans notre alimentation. Nous ingérons entre 39 000 et 52 000 particules de microplastique par an. C’est un enjeu de santé publique.

La loi et des décrets obligent les entreprises à se doter d’équipements limitant la fuite de ces granulés et à mettre en place des mesures de protection. Cela n’apparaît plus suffisant, puisque la pollution actuelle provient du transport maritime.

Une telle atteinte à l’environnement est inadmissible ; nous devons agir plus fortement. Nous n’avons aucun moyen de retracer précisément l’origine de cette pollution. Les containers perdus en mer ne sont pas déclarés ! Nous ignorons la provenance des navires, leur destination et, bien entendu, les quantités transportées…

L’Organisation maritime internationale est chargée de prévenir des pollutions. Que fait-elle en la matière ? Quelle suite sera donnée à la plainte contre X des maires de Pornic, Jean-Michel Brard, et des Sables-d’Olonne, Yannick Moreau ? Peuvent-ils compter sur le soutien de l’État ? Quelles mesures seront prises pour faire respecter la législation actuelle et pour la faire évoluer à l’échelon européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Joël Guerriau, je n’aime pas beaucoup l’expression « larmes de sirènes », car elle est tellement poétique qu’elle peut faire penser à quelque chose de positif.

Or ce que vous décrivez est un cauchemar environnemental. Des dizaines de milliers de tonnes de granulés plastiques industriels s’échouent sur toutes les plages d’Europe. Ces billes représentent l’équivalent de 10 milliards de bouteilles en plastique. Si cela se matérialisait ainsi, il serait autrement plus simple pour les associations d’intervenir…

Une fois que les granulés sont dans la nature, il est très compliqué de les récupérer, car ils sont ingérés par l’ensemble des écosystèmes, en particulier par les poissons. Ils se diffusent partout. Il faut donc agir en amont.

C’est ce que nous avons fait. Nous pouvons être collectivement fiers que notre pays soit le plus ambitieux au monde en matière de lutte contre ces granulés de plastique industriels. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, prévoit l’obligation depuis le 1er janvier 2022 pour tous les sites industriels qui utilisent ces granulés de mettre en place des dispositifs de séparation, comme des grilles, pour les collecter s’ils s’échappent. Cette obligation vaut pour les sites, pour les plateformes logistiques, pour les ports fluviaux et pour les ports maritimes, mais elle ne vaut qu’en France.

Or la pollution qui souille à l’heure actuelle nos côtes est probablement d’origine internationale. Nous devons donc faire des efforts, en particulier avec l’Organisation maritime internationale. À cet égard, nous avons de la chance. Le Président de la République l’a redit hier, nous accueillerons au printemps une session de négociations du traité international sur l’élimination des plastiques. Ce doit être l’occasion pour nous de pousser sur le sujet.

Compte tenu des dégâts provoqués par la pollution que vous évoquez, nous soutenons bien entendu les maires qui portent plainte contre X. J’étudie également la possibilité pour le ministère de s’associer à cette plainte. Très concrètement, nous sommes évidemment solidaires, car nous avons tous la même ambition : préserver la biodiversité et rendre la transition écologique concrète, en faire plus qu’un slogan. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

réforme des retraites (I)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet. Madame la Première ministre, le 10 janvier dernier, vous avez enfin présenté votre projet de réforme des retraites en vous fixant l’objectif de sauver les retraites par répartition, et vous avez raison. Ce projet ne pouvait pas être reporté. Il eût été irresponsable de ne pas débattre de la question, et nous avons l’intention de le faire.

S’est invité dans ce débat un acteur qui avait été jusqu’alors négligé : le déclin démographique de notre pays. Alors que l’on comptait 820 000 naissances en 2012, voilà dix ans, on n’en dénombrait plus que 720 000 en 2022, soit une diminution de 100 000 en une décennie. Toutes ces années, nous aurons ces enfants en moins. Il est – hélas ! – vraisemblable que le mouvement se prolonge.

Nous avons pourtant, il est vrai, le taux de fécondité le plus élevé d’Europe, mais cela ne permet pas d’assurer le renouvellement de la population. En outre, ce taux a diminué de 10 % en dix ans.

Le désir d’enfants des femmes et des hommes reste élevé, mais, selon une étude de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), 53 % des mères déclarent qu’elles auraient aimé avoir plus d’enfants.

Madame la Première ministre, allez-vous vous résigner à un tel naufrage, qui compromettrait définitivement notre régime de retraite par répartition ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Longuet, vous avez indiqué qu’il y avait deux éléments à prendre en compte dans le débat sur la réforme des retraites.

Le premier, c’est le caractère d’urgence. Comme vous, nous sommes convaincus qu’un déficit de 12,5 milliards d’euros par an dès 2027, de près de 15 milliards d’euros en 2030 et de 25 milliards d’euros en 2040 rend nécessaire un rééquilibrage du système. Nous sommes aussi convaincus – ce sera l’objet de nos débats – qu’il faut non seulement équilibrer le système, mais également l’améliorer : octroyer des droits, apporter des réponses à un certain nombre d’assurés qui ont des carrières différentes de celles que nous avons connues précédemment et qu’il faut mieux protéger.

Le second élément est la situation démographique – vous avez parlé de « déclin » – de notre pays. Je pense en réalité que cette question s’est invitée depuis longtemps dans le débat sur les retraites. La principale explication au déficit que nous connaîtrons dans les prochaines années si nous ne faisons rien est précisément d’ordre démographique.

Vous le savez comme moi, dans les années 1970, nous avions trois cotisants pour un retraité. C’est le propre d’un système par répartition et de solidarité intergénérationnelle. Ce chiffre a décru depuis. Nous comptons aujourd’hui 1,7 cotisant par retraité. À l’horizon 2050, le chiffre pourrait s’établir à 1,2. Une telle décrue explique les mesures de rééquilibrage de notre système que nous prenons et les dispositions que nous avons introduites dans le projet de loi tel qu’il sera examiné par le conseil des ministres, puis par le Parlement.

Nous allons par exemple proposer non seulement de maintenir la possibilité de valider des trimestres au titre de la parentalité, mais aussi de prendre en compte les trimestres particuliers cotisés au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer dans les critères d’éligibilité au minimum de pension et, en fonction de la durée de cotisation, au dispositif de départ anticipé pour carrière longue. Nous levons ainsi des freins, afin de permettre de concilier parentalité, vie familiale et accès dans de bonnes conditions à la retraite.

Nous allons par ailleurs demander au Conseil d’orientation des retraites de travailler sur l’harmonisation et la modernisation des droits familiaux. Je ne doute pas que les parlementaires sauront apporter leur contribution à cette réflexion.

Nous aurons aussi à parler plus largement de démographie, mais, vous le comprendrez, le sujet dépasse le périmètre de mon seul ministère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour la réplique.

M. Gérard Longuet. Je vous suggère une autre voie, complémentaire : l’amour de la famille ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.) La famille transmet la langue, la culture, les valeurs, les réflexes et les comportements. Choisissez tout simplement l’amour de la famille, qui transmet la vie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

soutien militaire à l’ukraine

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. François Bonneau. Monsieur le ministre des armées, depuis onze mois, l’Ukraine subit une crise dévastatrice. Ce week-end encore, l’Union européenne dénonçait un crime de guerre à la suite d’une frappe contre un immeuble ayant fait au moins quarante morts. Nous avons également une pensée pour le ministre de l’intérieur ukrainien après le drame qui lui a coûté la vie ce matin.

Face à l’intensité du déploiement militaire de son agresseur russe, l’Ukraine est insuffisamment dotée en équipements.

Le Royaume-Uni annonce la livraison à l’armée ukrainienne de 14 chars lourds Challenger 2 et de 30 obusiers. D’autres pays européens doivent procéder à la livraison de blindés lourds. La Pologne attend le feu vert allemand pour faire de même. La France conforte son aide militaire et livrera prochainement à l’Ukraine des chars de combat légers AMX-10 RC ; nous ne pouvons que le saluer.

Cependant, compte tenu de la gravité de la situation et du nombre d’Ukrainiens qui perdent la vie chaque jour, la France et l’ensemble des pays européens ne peuvent pas différer plus longtemps la livraison des matériels blindés encore plus performants qui servent aujourd’hui à l’entraînement de nos armées et que l’Ukraine réclame avec insistance.

La livraison de chars lourds, de missiles et de lanceurs sol-air permettrait aux forces ukrainiennes de protéger davantage les civils et d’être équipées d’un matériel de qualité reconnue.

Même si ces équipements ne sont pas disponibles dans l’immédiat et s’ils nécessitent une formation et une logistique spécifiques, nous nous devons de répondre à une demande légitime de l’Ukraine, afin de lui permettre de résister aux innombrables attaques de l’ogre russe, qui cherche par tous les moyens la destruction et l’asservissement de son voisin slave.

Monsieur le ministre, allez-vous compléter la livraison des chars AMX 10 RC par des chars Leclerc et de nouveaux systèmes antimissiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le sénateur Bonneau, permettez-moi de m’associer au nom du Gouvernement à votre message de condoléances au peuple et au gouvernement ukrainiens, à la suite du terrible drame qui a eu lieu ce matin et qui a coûté la vie au ministre de l’intérieur de ce pays.

Je commencerai par rappeler les trois critères que nous examinons à chaque fois que nous procédons à une cession d’armes à l’Ukraine ; c’est, en quelque sorte, notre doctrine.

Le premier critère, connu du Sénat, est évidemment la logique défensive dans la maîtrise de l’escalade.

Le deuxième, contrôlé régulièrement par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, est de ne pas détériorer notre modèle de sécurité et de défense, soit parce que les délais de recomplètement seraient trop lents, soit tout simplement parce que la nature des équipements cédés pourrait nuire à notre système de défense.

Le troisième, et non des moindres, est le maintien en conditions opérationnelles des équipements qui ont déjà été donnés à l’Ukraine. Cela devrait être délicat dans les semaines et les mois à venir. C’est un enjeu de taille pour les canons Caesar. Sur les dix-huit canons livrés à l’Ukraine, l’un, vous le savez, est malheureusement désormais complètement hors d’usage. La question des chars Leclerc est particulièrement sensible et centrale en matière de maintien en conditions opérationnelles.

Le Président de la République a demandé au Gouvernement de proposer une solution rapide. À cet égard, l’AMX-10 est une réponse saluée par les Ukrainiens. Le chef de l’État a par ailleurs demandé au chef d’état-major des armées et à moi-même d’instruire la demande de chars Leclerc en prenant en compte les trois critères que je viens de vous indiquer.

D’autres cessions pourront être envisagées dans les temps qui viennent. On parle beaucoup des chars ce mois-ci ; au mois de décembre, on parlait beaucoup de la défense sol-air. Je rappelle que, sur le segment de défense sol-air, nous aurons des choses à proposer à l’Ukraine dans les prochaines semaines, notamment sur les couches les plus élevées de défense du territoire ukrainien. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.

M. François Bonneau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. L’Ukraine doit gagner cette guerre : il y va de l’avenir du monde libre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

réforme des retraites (II)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Madame la Première ministre, vous qualifiez votre projet de réforme des retraites de « juste », « solidaire » et « pérenne ». Telle n’est pourtant pas la réalité. Pourquoi ?

Votre projet est injuste, puisque vous portez la durée de cotisation à quarante-trois annuités et l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Ce sont principalement les ouvriers, les employés et les femmes qui seront pénalisés.

Votre projet est injuste, puisque les salariés les mieux rémunérés vont davantage capitaliser pour leur retraite tandis que la grande majorité des travailleurs ne pourront pas bénéficier du minimum de pension à 1 200 euros brut.

Votre projet est injuste, car vous allez appauvrir les seniors, qui seront plus longtemps au chômage et que vous avez précarisés à l’extrême.

Votre projet ne sera pas pérenne, car vous ne changez pas le logiciel du financement.

D’autres solutions existent pourtant : il suffirait, et ce n’est qu’un exemple, de taxer de 2 % la fortune des milliardaires.

Vous avez versé 160 milliards d’euros aux entreprises, sans contrepartie, pendant la crise du covid-19. Ce « quoi qu’il en coûte » ne peut-il être décidé pour garantir une réelle retraite, en bonne santé, une retraite sereine ? Il nous faut faire un choix de société, entre un monde de juste répartition des richesses, dans l’intérêt général, et un CAC 40 gorgé de dividendes.

Madame la Première ministre, vous avez choisi, alors qu’il n’y a pas d’urgence extrême, d’avoir recours à un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour restreindre les débats parlementaires à vingt jours à l’Assemblée nationale et à quinze jours au Sénat. Vous avez dégainé un « super 49.3 » ! Des voix s’élèvent pour souligner l’inconstitutionnalité de votre démarche.

Madame la Première ministre, c’est parce que cette réforme voulue par Emmanuel Macron est injuste et parce qu’elle frappe les plus faibles qu’elle est rejetée très massivement. Avec l’ensemble des syndicats, la société tout entière est vent debout contre votre projet. Seuls le Medef et M. Ciotti vous soutiennent encore.

Madame la Première ministre, nous relayons ici le vaste mouvement qui s’enclenche. Dès demain, le 19 janvier, nous serons dans la rue, avec le peuple, qui exige le retrait de votre projet ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la sénatrice Assassi, comme vous, je suis profondément attachée à notre système de retraite par répartition. Comme vous, je considère que c’est l’un des piliers de notre modèle social. Et – j’en suis sûre – comme vous, je veux que les jeunes d’aujourd’hui aient une retraite demain.

Mais, madame la sénatrice Assassi, nous sommes confrontés à des faits : le nombre d’actifs baisse par rapport au nombre de retraités. Ce n’est pas une opinion ; c’est un constat. Si nous ne faisions rien, nous creuserions inévitablement les déficits et nous serions conduits à baisser les pensions ou à augmenter les impôts, voire à remettre en cause notre système de retraite par répartition. Et cela, avec le Président de la République, nous n’en voulons pas !

C’est pourquoi j’ai présenté la semaine dernière notre projet pour l’avenir de nos retraites. C’est un projet d’équilibre : nous demandons aux Français qui le peuvent de travailler progressivement plus longtemps. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.) Et je mesure ce que cela représente pour beaucoup.

Je rappelle, madame la sénatrice, que l’allongement à quarante-trois annuités de la durée de cotisation a été voté en 2014 dans la réforme Touraine. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous ne l’avons pas votée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous n’avons pas prévu d’aller au-delà des quarante-trois annuités de cotisation, mais c’est la condition pour préserver notre système de retraite par répartition.

Au-delà, nous avons construit, dans la concertation avec les organisations syndicales et patronales, avec les groupes politiques, un projet de justice et de progrès social.

Notre projet est un projet de justice. Nous allons ainsi améliorer le dispositif dit « carrière longue ». Celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront bénéficier d’un départ anticipé de deux ans à six ans avant l’âge légal de départ à la retraite.

Nous reconnaissons mieux la difficulté de certains métiers en prenant en compte de nouveaux facteurs d’usure professionnelle, en favorisant les départs anticipés pour raisons de santé, en prenant le tournant de la prévention et en facilitant les reconversions. Les personnes en invalidité, en incapacité ou en inaptitude pourront bénéficier d’une retraite à taux plein à 62 ans.

Au total, quatre Français sur dix, souvent les plus modestes, les plus fragiles, celles et ceux qui exercent des métiers difficiles, pourront partir avant 64 ans. Ce sont les 20 % de travailleurs les plus modestes qui auront le moins à décaler leur départ à la retraite.

Notre projet, madame la sénatrice, est aussi un projet de progrès social. (Rires sur les travées des groupes CRCE et SER.) Nous allons augmenter le montant minimal de la pension à 85 % du Smic net pour ceux qui ont une carrière complète au Smic. Cela représente une hausse de 100 euros par mois, dont bénéficieront dès cette année près de 2 millions de personnes, futurs et actuels retraités. C’est là une véritable avancée sociale. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)

Madame la sénatrice Assassi, nous avons la responsabilité d’assurer l’avenir de notre système de retraite par répartition, parce que c’est lui qui protège les plus modestes. C’est grâce à lui que nous assurerons par la solidarité nationale une retraite digne à toutes celles et à tous ceux qui ont travaillé toute leur vie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

zones industrielles bas-carbone

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, je souhaite vous parler aujourd’hui de « Zibac ».

Je veux vous rassurer, mes chers collègues, il ne s’agit pas d’un talent émergent sur la scène musicale rap ! Je parle bien du développement des zones industrielles bas-carbone (Zibac). Ce programme vise à accompagner les territoires industriels dans leur transformation écologique et énergétique pour gagner en compétitivité et en attractivité.

Les deux premières zones industrielles bas-carbone sélectionnées dans le cadre du plan d’investissement France 2030 ont été dévoilées lundi : il s’agit des zones industrielles et portuaires de Dunkerque et de Fos-sur-Mer, qui représentent à elles seules près de la moitié des émissions industrielles de CO2 en France. Elles recevront 17 millions d’euros pour concevoir de nouveaux modes de production et de captation du CO2.

Je salue cette politique, qui vise à créer une synergie entre notre engagement pour le climat par une réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 et la réindustrialisation de notre territoire, pour assurer notre souveraineté énergétique, favoriser l’emploi, l’innovation, la formation et conforter notre attractivité.

Pour le Dunkerquois, c’est une incroyable opportunité. Ce territoire, que l’on considérait voilà encore quelques années comme relégué économiquement, marqué à jamais par les conséquences économiques et sociales de la crise portuaire et sidérurgique, est aujourd’hui un modèle inspirant en matière de transition écologique, énergétique et économique.

Grâce à cette nouvelle ambition industrielle, des laboratoires sont créés, scrutés et enviés pour leur dynamisme. L’espoir et la fierté sont de retour. Ce sont près de 16 000 emplois qui sont attendus sur le littoral dunkerquois dans les dix années à venir. Permettez au Nordiste que je suis d’en être plus que satisfait.

Le travail est colossal, mais exaltant, le bassin en question représentant 21 % des émissions industrielles de CO2. Le site d’ArcelorMittal a déjà mis en place un processus de recyclage de l’acier, ce qui permet de réduire d’un million de tonnes les émissions annuelles de CO2.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser davantage les actions lancées dans ce cadre sur les sites retenus et leur lien avec le futur projet de loi pour l’industrie verte ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Marchand, nous faisons face à un immense défi économique pour le XXIe siècle : le défi de l’industrie verte et de la décarbonation industrielle. Ce doit être l’occasion historique pour la France d’inverser la tendance, après trente années de délocalisations industrielles, et de relancer l’industrie sur son territoire sur une base décarbonée.

Le Gouvernement, tous les élus de la République – je salue votre engagement en ce sens dans le Nord, monsieur le sénateur – et les associations doivent se mobiliser collectivement pour relever ce défi, qui est aussi une bataille face à la Chine, aux États-Unis d’Amérique et à l’Inflation Reduction Act de M. Biden.

Avec Roland Lescure, j’ai annoncé deux nouvelles zones industrielles à faibles émissions carbone : l’une dans le Nord, chez vous, monsieur le sénateur, et l’autre à Fos-sur-Mer. Nous en annoncerons une dizaine d’autres d’ici à quelques semaines sur la base des réponses à l’appel à projets qui a été lancé à la fin de l’année 2022.

Ce dispositif se complète de deux autres actions stratégiques, que nous menons sous l’autorité de la Première ministre et du Président de la République.

La première est d’avoir une énergie décarbonée au prix le plus faible possible. C’est ce qui justifie la relance du secteur nucléaire en France, qui est un atout absolument stratégique pour gagner cette bataille de l’industrie verte.

M. Thomas Dossus. C’est cher !

M. Bruno Le Maire, ministre. La seconde se traduira par la discussion du projet de loi sur l’industrie verte que j’ai proposé à la Première ministre et au Président de la République.

Celui-ci aura d’abord pour objet d’améliorer les soutiens financiers. Je pense que les subventions ne sont pas suffisantes et qu’il faut aussi réfléchir à des crédits d’impôt pour donner de la visibilité et de la stabilité à notre production industrielle.

Nous devons aussi travailler, avec Sylvie Retailleau et Pap Ndiaye, à la relance des qualifications, des formations et à la valorisation des métiers industriels.

Nous voulons également réfléchir à la manière de réserver nos subventions et nos soutiens financiers à des productions réalisées en Europe, et non pas en Chine ou ailleurs.

Bref, nous voulons faire de ce projet de loi pour l’industrie verte l’un des moteurs, avec les zones dont vous avez parlé, de cette réindustrialisation, qui permettra à la France de retrouver son rang de grande puissance industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

mise à contribution des fournisseurs d’énergie

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Voilà près de deux ans, j’interrogeais déjà Mme Barbara Pompili sur l’explosion des factures énergétiques, qui impactait alors fortement nos concitoyens.

Aujourd’hui, la crise énergétique est encore plus alarmante et difficilement supportable pour les particuliers, les collectivités, les agriculteurs et les entreprises. Alors que l’objectif initial du marché européen de l’énergie était de faire baisser les prix, le constat est une nouvelle fois le même : le libéralisme à outrance ne tient pas ses promesses.

En 2021, les tarifs de l’électricité avaient déjà augmenté de 60 % depuis l’ouverture du marché en 2007, preuve que le conflit en Ukraine n’est pas la seule explication.

Face à cette crise, les textes, nationaux et européens, passent les uns après les autres, mais ce ne sont que des rustines d’argent public qui financent allégrement les fournisseurs alternatifs et ne permettent pas de mettre un terme aux dysfonctionnements et errements du marché de l’énergie.

Monsieur le ministre, des solutions sont pourtant proposées sur l’ensemble des travées de la chambre haute : elles doivent être enfin écoutées !

Alors qu’une proposition législative pour réformer le marché de l’énergie sera présentée par la Commission européenne dans les mois à venir, la France doit prendre toute sa part dans ces négociations, en n’évitant aucun sujet.

La décorrélation entre les prix du gaz et ceux de l’électricité, le maintien de l’ensemble des tarifs réglementés de vente et leur rétablissement pour les collectivités, les hôpitaux, les petites et moyennes entreprises et les exploitations agricoles, ainsi que la préservation des concessions hydrauliques en dehors des logiques du marché, doivent être des priorités dans ces négociations.

Comme l’ont fait l’Espagne et le Portugal, avec à la clé une baisse des factures d’électricité de 10 % à 20 %, la France doit également demander une dérogation temporaire pour fixer le prix de l’électricité en fonction de son propre mix énergétique.

En ce sens, reprendre la main sur un tel marché nécessite d’avoir un opérateur historique avec de réelles capacités d’investissement. Monsieur le ministre, je vous ai déjà posé la question, mais je la renouvelle : pouvez-vous enfin nous éclairer sur les projets du Gouvernement pour le groupe EDF ?

Il est temps de considérer l’électricité comme un bien commun, qui ne peut plus subir les logiques d’un marché qui devient fou.

Quelle position tiendra la France et quelles propositions fera-t-elle dans les négociations européennes à venir ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, cela vous surprendra peut-être, mais je suis d’accord avec tous vos propos. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Agnès Pannier-Runacher dirait la même chose, sous le contrôle de la Première ministre.

Faut-il que les énergéticiens soient taxés parce qu’ils bénéficient d’une rente et qu’il faut bien payer le bouclier tarifaire que nous avons mis en place pour protéger nos compatriotes et les entreprises contre la flambée des prix de l’électricité et du gaz ? Oui, et ils règlent déjà plus de la moitié de la facture grâce à la contribution sur la rente inframarginale que nous avons mise en place et qui va rapporter cette année 26 milliards d’euros.

M. Fabien Gay. Vous leur redonnez de la main gauche ce que vous leur avez pris de la main droite !

M. Bruno Le Maire, ministre. Doivent-ils contribuer au coût pour les finances publiques des 280 euros le mégawattheure en moyenne que nous avons imposés, à la demande du Président de la République, pour les très petites entreprises, afin qu’elles n’aient pas à payer des factures sur la base de 500 euros, 600 euros ou 1 000 euros le mégawattheure ? Oui, bien sûr, et je recevrai la semaine prochaine les fournisseurs d’énergie pour les rappeler à leurs obligations. Je vous le dis, ces 280 euros le mégawattheure doivent être payés, au moins en partie, par les fournisseurs d’énergie.

Faut-il réformer le marché européen de l’énergie ? Nous avons déjà engagé cette bataille, avec le Président de la République, depuis des mois.

M. Fabien Gay. On voit le résultat !

M. Bruno Le Maire, ministre. Agnès Pannier-Runacher et moi-même ne passons pas une semaine, voire un jour, sans discuter avec nos partenaires européens pour obtenir exactement ce que vous souhaitez, et qui nous semble juste : que le prix de l’énergie en France soit fixé en fonction du coût de production, et non pas au coût marginal d’ouverture de la dernière centrale à gaz. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Cette solution a dominé pendant des années, mais elle est désormais obsolète. J’y insiste, nous voulons que nos compatriotes payent le prix de l’énergie au coût de production et non pas au coût marginal d’ouverture d’une centrale à gaz.

Enfin, nous avons repris le contrôle de 100 % d’EDF, ce qui devrait vous réjouir. Nous estimons, comme vous, que l’énergie est un bien stratégique et que l’électricité sera la grande question économique du XXIe siècle. En prenant le contrôle de la production d’électricité décarbonée en France, nous nous donnons tous les moyens d’être compétitifs et d’avoir une économie qui réussit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation des ehpad

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. La Défenseure des droits vient de rendre publiques ses recommandations à la suite de son rapport de 2021 sur les droits des personnes âgées accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Les atteintes graves ou maltraitances envers les résidents persistent, et certaines sont systémiques. Mme Claire Hédon propose ainsi plusieurs actions à mener d’urgence pour mettre fin à ces situations inacceptables et restaurer la confiance des résidents et de leurs familles.

Je ne peux que souscrire à ces prescriptions. Et, bien modestement, j’en ajouterai une : le soutien au financement des Ehpad publics, car ces établissements cherchent non pas à faire du profit, mais simplement à rendre un service de qualité, tout en équilibrant leurs comptes. Ces établissements, qui sont ancrés au cœur de nos territoires et de nos collectivités locales, connaissent actuellement une situation financière dégradée, avec une capacité d’autofinancement négative.

Il y a plusieurs raisons à cela : des taux d’évolution des tarifs, fixés en fin d’année 2021, avant l’annonce de la revalorisation du point d’indice des personnels et l’explosion de l’inflation, sans oublier le sous-financement des mesures pérennes, comme le complément de traitement indiciaire, les mesures d’attractivité du Ségur ou la revalorisation des carrières.

Sans prise en considération de ces éléments, les Ehpad publics ne pourront pas continuer à exercer, laissant au seul secteur privé la responsabilité de l’accueil des personnes âgées.

Voilà quelques jours, le maire de Frontignan, dans l’Hérault, m’annonçait pour sa commune un déficit prévisionnel de 1,85 million d’euros pour ses maisons de retraite en 2022.

Aussi, monsieur le ministre, comptez-vous mettre à jour le plan Solidarité grand âge, qui date de 2006, en prenant en compte la situation des Ehpad publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Bilhac, vous l’avez dit, l’inflation touche aujourd’hui durement un certain nombre de nos concitoyens, mais également les structures privées et publiques dans notre pays. Malheureusement, le secteur du grand âge et des Ehpad ne fait pas exception. Pour autant, celui-ci peut compter sur un certain nombre de mesures de protection dont bénéficient aujourd’hui l’ensemble de nos concitoyens, grâce à notre action résolue.

Nous avons ainsi accordé 440 millions d’euros de crédits supplémentaires en fin d’année aux agences régionales de santé (ARS) pour soutenir les établissements. Nous avons inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 une augmentation des dotations de soins de plus de 5 %, afin de compenser les différentes augmentations, notamment celles touchant les salaires des collaborateurs des Ehpad. Nous avons enfin étendu le bouclier tarifaire sur l’électricité et le gaz à l’ensemble de ces établissements, avec un effet rétroactif au 1er juillet 2022.

Vous le constatez, le soutien de l’État ne se dément pas. Nous avons ainsi évité un certain nombre de défaillances d’établissements en grande difficulté. J’ai demandé moi-même aux ARS d’être extrêmement vigilantes sur le soutien à apporter aux établissements dans une situation difficile, notamment les établissements publics, en lien avec les départements, avec lesquels je travaille au quotidien par l’intermédiaire de l’Assemblée des départements de France. Nous envisageons notamment l’augmentation des tarifs hébergement et dépendance.

Il importe de concilier une réalité, qui est celle du juste financement de ces établissements, dont dépend la qualité de service et d’accompagnement des personnes âgées, avec l’accessibilité de l’offre, notamment à l’aide sociale, dans ces établissements.

Au-delà de ces causes conjoncturelles, il faut aussi s’attaquer à des causes plus structurelles, dont l’attractivité des métiers, le recours à l’intérim, qui a aussi un coût très élevé, et les taux d’occupation, qui sont aujourd’hui trop faibles.

Nous allons aborder toutes ces causes dans les mois qui viennent dans le cadre du Conseil national de la refondation, avant d’envisager des mesures législatives sur le « bien vieillir ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

coût de l’énergie

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Martine Berthet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque jour, nous sommes alertés par les élus locaux et par les artisans et commerçants de nos territoires sur la flambée des prix de l’énergie.

Boulangers, bouchers, restaurateurs, hôteliers, acteurs du tourisme, de la montagne : tous sont touchés de plein fouet par cette crise inédite. Les TPE-PME du monde rural sont confrontées à une hausse de leurs charges d’autant plus importante qu’elles supportent aussi des coûts de transport très lourds. La situation dans nos départements devient très préoccupante !

Dernièrement, dans un communiqué de presse, l’Assemblée des départements de France a formulé plusieurs demandes. Elle a appelé à restaurer l’autonomie que la décentralisation avait conférée aux départements pour pouvoir répondre au besoin de proximité de nos concitoyens, mais également à sortir de la logique de dérégulation du marché de l’électricité. Ces propositions sont légitimes et bienvenues pour éviter les dépôts de bilan, les licenciements, tout simplement la disparition de la vie dans nos territoires par la fermeture des commerces de proximité.

Il ne suffit pas d’indemniser les collectivités et les entreprises, comme le fait l’État, aggravant ainsi le déficit public. Il est essentiel de prendre des mesures fortes, comme la décorrélation du prix de l’électricité de celui du gaz.

Nous produisons une électricité à un prix peu élevé grâce à notre parc nucléaire et à notre hydroélectricité. Nous ne pouvons plus sacrifier notre tissu économique et social et mettre le pays tout entier en grave danger pour conserver « quoi qu’il en coûte » notre participation à un marché européen de l’électricité dérégulé. Celui-ci s’est retourné contre nous, ce qui nous pénalise fortement dans les circonstances actuelles.

Le Gouvernement va-t-il enfin entendre cet appel pour la décorrélation du prix de notre électricité de celui du gaz ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Madame la sénatrice Berthet, vous m’interrogez sur la réforme du marché de l’électricité. Permettez-moi d’abord de rappeler, car c’est important, que les ménages français et les très petites entreprises françaises bénéficient aujourd’hui du bouclier énergétique et du plafonnement du prix de l’électricité, soit l’un des dispositifs les plus puissants de protection contre la hausse des prix de l’énergie mis en place en Europe.

Comme mon collègue Bruno Le Maire, ministre de l’économie, vient d’ailleurs de le préciser, ce dispositif est essentiellement financé par la récupération des profits réalisés par les fournisseurs d’électricité, qui ont bénéficié d’une augmentation des prix n’ayant rien à voir avec le coût de revient de leur propre production ou avec leur coût de fourniture.

Pour autant, vous avez raison d’appeler de vos vœux une réforme en profondeur du marché européen de l’électricité. Nous menons ce combat depuis maintenant plusieurs mois avec Bruno Le Maire, Barbara Pompili l’ayant accompagné avant moi.

M. Fabien Genet. Sans résultat !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Madame la sénatrice, je veux vous rassurer.

Oui, nous travaillons à une réforme du marché permettant aux Français de bénéficier d’un prix de l’électricité qui représente la réalité de la production électrique française.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Oui, la Commission européenne a évoqué à la fin de l’année 2022 un cadrage de cette réforme qui va dans le sens des propositions que nous lui avons faites.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Oui, la Commission européenne a indiqué qu’elle soumettrait au Conseil européen des ministres de l’énergie, dans le courant du premier semestre 2023, une proposition de texte allant dans ce sens.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous sommes effectivement à la manœuvre (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) pour obtenir cette évolution, qui permettra aux entreprises produisant de l’électricité d’en produire plus sur notre territoire. C’est aussi tout l’enjeu des projets de loi visant à accélérer la production des énergies renouvelables et les procédures administratives sur le nucléaire. Pour payer le juste prix de l’électricité,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … encore faut-il en produire suffisamment. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.

Mme Martine Berthet. Madame la ministre, tout cela est trop long. Venez dans nos territoires voir les entreprises qui sont en train de fermer. Il est urgent d’agir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

directive sur les travailleurs des plateformes

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au printemps 2021, je défendais avec le groupe socialiste une proposition de loi visant à imposer la présomption de salariat pour les travailleurs de plateforme ubérisés que Mme la Première ministre, alors ministre du travail, rejetait d’un revers de main.

Depuis, la Commission européenne, sous l’impulsion de Nicolas Schmit, a présenté au mois de décembre 2021 une proposition de directive reprenant ce principe, et le Parlement européen adoptera une position en faveur de ce texte dans les prochains jours.

Dans le même temps, vous ne parvenez pas, et c’est heureux, à convaincre les autres gouvernements de venir sur vos positions, comme en atteste l’isolement de la France au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne.

Monsieur le ministre du travail, alors que le Président de la République se fait le chantre de la construction européenne, alors que la majorité des institutions et de plus en plus de gouvernements se prononcent en faveur de la présomption de salariat, et donc d’une véritable avancée sociale à l’échelle européenne, quand allez-vous changer de position ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Jacquin, vous avez évoqué la situation des travailleurs des plateformes et la meilleure façon de leur reconnaître des droits sociaux collectifs. Le droit français est connu : il a été fixé dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, qui a donné lieu à deux ordonnances, elles-mêmes ratifiées par le Parlement – en tout cas la première –, et qui fixent justement ces principes de représentation.

Depuis, il y a eu l’initiative de la Commission européenne visant à faire adopter par le Parlement et par le Conseil une directive sur le droit des travailleurs de plateforme. Vous dites que la France est isolée sur le sujet.

Lors du dernier Conseil des ministres du travail de l’Union européenne, le 8 décembre 2022, il n’y a eu aucune majorité ni pour le projet de directive ni contre. La France, que vous jugez isolée, a défendu de son côté une position qui était partagée par une bonne douzaine de pays européens. Convenez que, lorsque le Conseil se divise en trois tiers, on ne peut pas vraiment parler d’isolement pour notre pays.

Nous continuons à discuter. La présidence suédoise a indiqué vouloir remettre ce projet de directive à l’ordre du jour, et nous estimons que les travaux pourraient aboutir à la fin de la présidence espagnole, c’est-à-dire à la fin du second semestre de 2023.

Nous sommes convaincus de pouvoir trouver, dans le dialogue, une position qui soit respectueuse de chacune des législations nationales, tout en permettant de garantir le droit des travailleurs de plateforme.

Dans l’attente, nous continuons à travailler à l’échelon national. À la fin du mois d’octobre dernier, j’ai installé les premiers groupes de travail à la suite des élections visant à désigner les représentants tant des plateformes que des travailleurs des plateformes. Le dialogue est fécond, puisque, dans quelques minutes, avec Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports, nous rejoindrons les locaux de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe) pour assister, avec les représentants des chauffeurs et des plateformes, à la signature du premier accord social en la matière. Cet accord porte sur le tarif minimum des courses et il est soutenu par les représentants de 70 % des chauffeurs.

C’est la démonstration que le choix que nous avons fait de respecter le principe d’indépendance des chauffeurs, dans la mesure où leurs droits sont respectés, peut se marier avec l’idée d’une protection collective. Cet accord, qui en appelle d’autres, nous permet de montrer à nos partenaires européens que nous pouvons concilier l’indépendance, l’entrepreneuriat et la protection des droits sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.

M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, votre réponse ne m’étonne pas. Elle s’appuie sur votre doxa : un dialogue social qui, in fine, consiste à défendre plus les plateformes que les travailleurs des plateformes. Quelle est la réalité de ces derniers ? Une précarité extrême, et il s’agit souvent de travailleurs sans papiers. Vous suivez en fait une politique du laisser-faire qui vise à mener à un tiers-statut.

Que vaut votre dialogue social, alors que les élections professionnelles que vous avez organisées ont connu un très faible succès, avec un pourcentage très bas de participation des chauffeurs et des livreurs ? L’accord d’aujourd’hui réunit peut-être 70 % des chauffeurs, mais quatre organisations sur sept et les deux syndicats n’ont pas souhaité le signer, car il n’évoque pas de revenu minimum.

En somme, qu’il s’occupe des retraites, de l’assurance chômage ou de l’ubérisation du travail, votre gouvernement est véritablement celui de la régression sociale, en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

guichet unique

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il est compliqué de simplifier !

Réclamée par notre collègue Olivier Cadic, auteur d’un rapport en avril 2018 au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises, la fusion des 1 400 guichets des six pôles de formalités aux entreprises a été réalisée par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte). Le choix de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) pour gérer ce guichet unique avait surpris : on ne passe pas facilement de l’enregistrement de 15 000 brevets par an à la gestion de 5 millions de formalités concernant les créations d’entreprises, les modifications et les cessations. Surtout, on ne simplifie pas en se contentant de numériser sans alléger les procédures.

Sur l’année 2022, ce service a été marqué par de nombreux dysfonctionnements et blocages. Depuis le 1er janvier 2023, le site est la voie unique obligatoire pour effectuer les différentes formalités d’entreprise. Malheureusement, une attaque informatique l’a rendu inutilisable du 3 janvier au 7 janvier !

Monsieur le ministre, quand ce guichet unique fonctionnera-t-il correctement et, surtout, quand sera-t-il simplifié pour que nos entrepreneurs produisent de la valeur plutôt que des renseignements administratifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Babary, je vous remercie de poser cette question, qui préoccupe, je le sais, des milliers d’entrepreneurs.

Est-ce que l’idée de créer un guichet unique était bonne ? Vous l’avez portée, et je suis convaincu, tout comme l’immense majorité des entrepreneurs, que c’était nécessaire. Cela a permis de passer de six guichets à un seul, de 56 formulaires à un seul, et de 70 % de démarches écrites à 100 % de démarches numérisées. J’y insiste, c’est un facteur de simplification majeure.

Est-ce que la situation actuelle est satisfaisante ? Non ! D’abord, nous avons été l’objet, comme vous l’avez rappelé, d’une cyberattaque, avec 120 000 connexions par seconde qui ont saturé le site. Il a fallu le remettre en état, ce qui nous a pris quelques jours.

Par ailleurs, sur l’ergonomie même du site, il reste des améliorations à apporter ; je le reconnais bien volontiers. Est-ce que nous faisons le nécessaire ? Oui ! Nous avons reçu hier le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, et nous lui avons demandé des corrections.

Nous sommes à l’écoute de tous ceux qui créent leur entreprise ou qui modifient des indications sur leur entreprise pour leur apporter toutes les réponses qu’ils souhaitent. Je le redis, nous sommes au service des entrepreneurs.

La création de ce site est de nature à améliorer la vie des entreprises. Il doit néanmoins être corrigé dans son fonctionnement, ce qui sera fait dans les toutes prochaines semaines. Nous avons laissé à l’Inpi jusqu’au début du mois de mars, pas plus tard, pour que le site soit effectif, opérationnel, simple et d’accès direct pour tous les entrepreneurs.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.

M. Serge Babary. Monsieur le ministre, l’État a été prévenu très en amont des risques de dysfonctionnement. Dès l’automne 2022, des inquiétudes sur le caractère opérationnel du guichet unique se sont fait jour chez tous les professionnels qui accompagnent les entreprises : experts-comptables, avocats, notaires, etc. Des remontées préoccupantes du terrain ont incité de nombreux sénateurs à vous alerter au moyen de questions écrites, de courriers. Nous avons même organisé deux tables rondes, dont il est ressorti des propositions de repli en cas de blocage.

Vous avez reconnu que le système nécessitait quelques optimisations – en effet ! –, mais aussi une protection efficace contre les cyberattaques. En catastrophe, un arrêté du 28 décembre 2022 a prévu une procédure de secours, de manière à assurer la continuité de service. C’est ce que font aujourd’hui les réseaux consulaires et Infogreffe. Ces derniers jouent les pompiers face au bug de ce lancement raté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

lutte contre le harcèlement scolaire

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean Hingray. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Voilà quelques jours, dans les Vosges, Lucas, 13 ans, s’est donné la mort. Il était victime de harcèlement scolaire car homosexuel. Sa famille avait pourtant signalé la situation au mois de septembre dernier. L’action de l’équipe pédagogique du collège n’a pas suffi. Une enquête diligentée par le parquet d’Épinal est en cours et déterminera les responsabilités de chacun.

Nos pensées vont naturellement à ses parents et à ses proches. Permettez-moi d’y associer tout particulièrement mon collègue Daniel Gremillet.

Selon un rapport de nos collègues Colette Mélot et Sabine Van Heghe, 10 % des élèves, soit presque 1 million d’enfants, pourraient subir une forme de harcèlement au cours de leur scolarité. Un quart de ces victimes songent au suicide. En 2021, 22 enfants ont mis fin à leurs jours à cause du harcèlement qu’ils subissaient.

À l’évidence, malgré la loi de mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, notre système éducatif ne réagit pas comme il le faudrait.

J’avais déjà interpellé votre prédécesseur au sujet des messages haineux et violents présents sur les réseaux sociaux à l’encontre de collégiens. Dans sa réponse, le ministre avait rappelé l’importance du programme pHARe, dont l’ambition était l’avènement d’une « école sans harcèlement ».

Monsieur le ministre, vous partagez cette ambition. Vous venez de le rappeler en réponse à l’intervention de notre collègue Mélanie Vogel. Encore faut-il que les dispositifs annoncés pour lutter contre l’homophobie soient efficaces.

Au mois de novembre dernier, vous avez souligné les excellents résultats du programme pHARe. Permettez-moi d’en douter : ce programme était censé s’appliquer dans le collège de Lucas. Dès lors, il est permis de s’interroger sur les moyens mis au service de la lutte contre le harcèlement sous toutes ses formes, comme sur l’efficacité du pôle national de lutte contre la haine en ligne.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Hingray, en effet, Lucas est une victime de plus du harcèlement scolaire, en l’occurrence de harcèlement homophobe. Cette situation, comme vous l’indiquez, avait été signalée par les parents et prise en charge à l’automne par la communauté éducative du collège Louis-Armand de Golbey, dans votre département des Vosges. À l’évidence, cela n’a pas suffi. Une enquête est en cours, et nous aurons à en tirer les leçons.

La loi Balanant, que vous avez votée, a fait un délit du harcèlement scolaire et a accentué la prise de conscience sur la gravité du phénomène. Vous l’avez dit, un élève sur dix est victime de harcèlement au cours de sa scolarité, avec des conséquences parfois catastrophiques.

Le programme pHARe de prévention et de lutte contre les phénomènes de harcèlement était en version expérimentale, si je puis dire, dans six académies jusqu’à la rentrée dernière. Il a donné de bons résultats. C’est pourquoi nous avons décidé de le généraliser, avec la création d’équipes d’élèves ambassadeurs et la formation de personnels référents. Nous avons aussi lancé une grande campagne de communication à propos des numéros 3020 et 3018. C’est d’ailleurs ce que préconisaient les sénatrices Mélot et Van Heghe dans leur rapport sur le harcèlement scolaire et sur le cyberharcèlement.

Vous avez raison d’indiquer que le cyberharcèlement prolonge, en quelque sorte, les situations de harcèlement scolaire. Aussi, les plateformes de réseaux sociaux doivent faire plus en la matière. Nous nous efforçons de pousser en ce sens.

L’objectif est de faire en sorte que les communautés éducatives soient plus protectrices, plus engagées et mieux formées. Vous pouvez compter à cet égard sur l’éducation nationale et sur l’ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.

M. Jean Hingray. Monsieur le ministre, la première dame, Mme Brigitte Macron, est apparemment très engagée sur le sujet. Elle disait voilà encore quelques mois : « Tous les jours, je pleure. » Les larmes ne suffisent plus. Nous comptons sur vous ! Notre jeunesse compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, GEST et SER.)

milices en france

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Depuis des semaines, plusieurs quartiers de Marseille, mais aussi d’autres métropoles, comme Nantes, sont victimes d’une véritable conquête de territoires par des trafiquants de drogue et par le crime organisé. Certains des habitants de ces quartiers se sont même mobilisés pour essayer d’empêcher l’installation du trafic et protéger leur famille en se relayant jour et nuit.

Comment en sommes-nous arrivés là, monsieur le ministre ? Comment des quartiers autrefois tranquilles ont-ils pu se transformer en moins d’une génération en « Chicago-sur-Rhône » ou en « Bronx-sur-Loire » ? Quand des citoyens en viennent à devoir se protéger par eux-mêmes, c’est le début d’une lente déconstruction du processus de civilisation.

L’État recule, les lois de la République s’effacent et la loi du plus fort s’impose à tous.

Ce que subissent les habitants de ces quartiers, c’est la conséquence à la fois de l’explosion de la délinquance des mineurs, de l’effondrement de la chaîne pénale, de la surpopulation carcérale, mais également de la banalisation de la drogue.

La drogue, justement : voilà le cœur du problème. Et seule la fermeté, seule une guerre menée sans relâche contre ce fléau pourra le régler définitivement ! Monsieur le ministre de l’intérieur, êtes-vous prêt à véritablement mener cette guerre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Le Rudulier, je peux être d’accord avec une partie de votre intervention. M. le ministre de la justice présentera dans quelques semaines, sous l’autorité de la Première ministre, un projet de loi qui répondra, me semble-t-il, aux questions que vous avez évoquées sur la chaîne pénale ou sur l’action de nos tribunaux.

Permettez-moi de revenir plus concrètement sur l’action du ministère de l’intérieur, notamment dans votre département.

Vous avez raison : depuis une génération, on observe une banalisation de la drogue. Les trafiquants, quels qu’ils soient – vous avez évoqué les mineurs, mais il ne s’agit pas uniquement de mineurs, comme vous le savez bien –, qui se nourrissent du trafic de drogue ont multiplié les points de deal en quête d’argent sale, de l’argent facile qui vient de la drogue, mettant en coupe réglée un certain nombre de quartiers.

Je ne peux cependant pas vous laisser dire que l’État baisse les bras, que son autorité n’est pas au rendez-vous ou que cette guerre n’est pas menée.

Je voudrais vous en donner pour exemple des chiffres très concrets, tirés de votre département ; je sais que vous les connaissez, comme vous êtes en lien avec la préfète de police des Bouches-du-Rhône. Le nombre de trafiquants arrêtés a augmenté de 90 % en un an. Le volume des saisies de cannabis dans votre département a doublé, de 2,8 tonnes à 5,7 tonnes. En outre, 300 policiers et gendarmes supplémentaires ont été affectés dans la ville de Marseille en un an et demi. Enfin, de 222 points de deal, ce qui est considérable, on est passé à 180, soit 42 points de deal en moins.

Toutefois, le fait qu’il demeure 180 points atteste qu’il reste encore énormément de trafic, y compris dans le quartier que vous avez évoqué. À ce propos, si la mobilisation des habitants a été forte pendant toute une semaine, celle de la police et de la gendarmerie l’est tout autant : désormais, une section de CRS est présente en continu dans ce quartier, 10 interpellations ont eu lieu et ce point de deal ne s’est pas installé dans ce quartier. Je voudrais d’ailleurs saluer votre engagement sur ce sujet, ainsi que celui de la députée Sabrina Agresti-Roubache.

Ce qui manque aussi à Marseille, comme vous le savez bien, ce sont des caméras de vidéoprotection. Vous avez cité des villes peu équipées en la matière. Nous assurons désormais 80 % du financement de ces caméras dans la cité phocéenne, dont le maire s’est engagé dans cette voie. J’espère que, tous ensemble, nous le convaincrons d’aller encore plus loin, parce que cinquante caméras par an, ce n’est pas encore assez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, je ne doute pas de la sincérité de votre engagement dans ce combat, mais il faut clairement aller beaucoup plus loin.

Aller beaucoup plus loin, c’est construire des prisons pour rétablir la chaîne pénale.

Aller beaucoup plus loin, c’est condamner et incarcérer systématiquement les primodélinquants sur le chemin de la multirécidive.

Aller beaucoup plus loin, c’est également en finir avec l’excuse de minorité.

Aller beaucoup plus loin, c’est enfin, avant tout, enlever de l’esprit de certains consommateurs l’idée qu’acheter une barrette de cannabis, c’est comme acheter un tube de Doliprane ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Jérôme Durain. Ça fait cher le Doliprane !

réforme des retraites (iii)

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Victoire Jasmin. Madame la Première ministre, depuis la présentation de votre projet de réforme des retraites, la colère gronde partout en France.

Les Français sont très inquiets. Or vous avez décidé d’ignorer les partenaires sociaux.

Votre projet n’est pas indispensable pour le moment ; il entraînera un recul social sans précédent. De fait, 70 % des Français refusent cette réforme injuste et injustifiée.

Vous avez fait le choix d’humilier les syndicats. L’absence de concertation et de dialogue social s’apparente à un mépris volontaire. Demain, le pays s’arrêtera, compte tenu du front syndical uni qui appelle à la mobilisation contre votre projet.

Après la crise sanitaire, la France a besoin de sérénité. Or vous avez fait le choix de la double peine, en repoussant brutalement l’âge légal de départ à la retraite sans tenir compte de la pénibilité, des carrières perturbées et des parcours compliqués. Cela affectera particulièrement les femmes, qui payeront un lourd tribut, mais aussi celles et ceux qui sont victimes de situations très difficiles et ont des revenus modestes.

Madame la Première ministre, pourquoi refusez-vous le dialogue social ? Pourquoi choisissez-vous le chaos partout en France ? Pourquoi voulez-vous remettre au travail les plus pauvres, les plus fragiles et particulièrement les femmes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Madame la sénatrice Jasmin, je dois avouer être quelque peu de perplexe à l’écoute de votre question.

Je suis perplexe, parce qu’il me semble que nous débattons collectivement de la question des retraites depuis déjà quatre ans ou cinq ans.

Surtout, depuis maintenant quatre mois, avec Mme la Première ministre, nous avons organisé des concertations auxquelles toutes les organisations patronales, mais aussi syndicales, absolument toutes les organisations représentées au Conseil d’orientation des retraites, ont participé. Il y a eu des dizaines de réunions, des dizaines d’heures de discussion.

Or le projet que nous avons présenté avec la cheffe du Gouvernement a été, sur bien des aspects, amélioré par cette concertation.

Amélioré quant à la prise en compte de la pénibilité, de manière à mieux protéger les métiers les plus exposés à l’usure professionnelle : c’est 1 milliard d’euros que nous allons consacrer à la prévention de la pénibilité, tout en renforçant le suivi médical.

Amélioré quant à la prise en compte des carrières longues, par une considération toute particulière apportée à ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans, qui n’étaient jusqu’à présent pas plus protégés que ceux qui commençaient avant 20 ans, pour leur permettre un départ anticipé, là aussi, dès 60 ans ; cela concerne tout particulièrement les apprentis.

Amélioré en matière d’emploi des seniors, amélioré aussi concernant la retraite minimale, qui sera indexée, pour tenir cette promesse que la République s’est longtemps faite de mieux protéger ses aînés, mais aussi pour revaloriser la pension des retraités actuels qui ont les plus petits revenus après une carrière complète.

Amélioré sur les retraites agricoles, amélioré aussi par la prise en compte des trimestres obtenus au titre de l’assurance vieillesse par les parents au foyer, au travers de leur éligibilité au minimum de retraite, mais aussi à des départs anticipés pour carrière longue.

Ce sont les concertations qui ont permis cela, madame la sénatrice !

Nous savons que, demain, il y aura une mobilisation ; je sais que, parmi les manifestants, beaucoup sont de bonne foi,…

M. Olivier Dussopt, ministre. … que beaucoup souhaitent faire entendre une opinion que nous devons écouter, que nous devons entendre. Je n’adresserai de reproches qu’à un seul groupe : ceux qui diffusent des fake news, de fausses informations, qui font peur, ceux qui disent ainsi – c’est souvent sur vos travées ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) – que les 25 % les plus pauvres seraient déjà décédés avant d’atteindre le nouvel âge légal.

Je suis perplexe quand j’entends promettre, dans les rangs du groupe socialiste, l’instauration de la retraite à 60 ans, alors qu’on sait que cela coûte 85 milliards d’euros ; même votre président de groupe qualifiait d’ailleurs cela d’accord bricolé sur un coin de table, sans aucun réalisme ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe SER.)

Madame la sénatrice, regardez seulement le texte que nous défendons, et je suis sûr que vous, qui aviez voté l’allongement à 43 ans de la durée de cotisation, saurez vous retrouver dans l’accompagnement que nous mettrons en place ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour la réplique.

Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, c’est moi qui suis perplexe : pourquoi ne vous attaquez-vous pas aux superprofits ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pourquoi ce mépris à l’égard des syndicats ? Vous avez parlé de concertation. Mais pourquoi seront-ils demain dans la rue, unis ? Posez-vous les vraies questions ! Ce n’est pas parce qu’ils étaient à côté de vous que vous les avez entendus. Alors, faites l’effort nécessaire pour que les syndicats soient satisfaits dans leurs demandes et pour que les femmes ne soient pas la variable d’ajustement.

Madame la Première ministre, vous avez, ces derniers temps, pris l’habitude des « 49.3 ». J’espère vraiment que le dialogue permettra d’aboutir à des mesures qui puissent satisfaire les syndicats et les personnes qui connaissent déjà beaucoup de pénibilité dans leur emploi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.)

production de pommes

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, « mangez des pommes », c’est fini ; nous l’avons bien compris !

Aujourd’hui, nos vergers de pommiers sont en danger, nos pomiculteurs sont à l’agonie, du fait de la hausse des coûts de production, principalement due à la crise énergétique, de la baisse des rendements et d’une permanente révision à la baisse des prix d’achat par les grossistes et les grandes surfaces ; nous assistons là à un véritable massacre à la tronçonneuse. Ce ne sont pas mes mots ; ce sont ceux que j’entends partout sur le terrain.

Un chiffre suffit pour illustrer l’impact économique de tels phénomènes sur la filière : le coût du stockage moyen connaît cette année une hausse de plus de 400 %.

Nos arboriculteurs ont aussi dû faire face, en 2022, à une quantité d’aléas climatiques : gel, épisodes de grêle, sécheresse historique… Ils sont en outre aujourd’hui acculés par la crise énergétique.

Voici un autre chiffre, monsieur le ministre, si vous me le permettez : aujourd’hui, la grande distribution achète le kilo de pommes à moins de 30 centimes alors que le prix de production est de 45 centimes ; en toute logique, il faudrait en recevoir au minimum 50 centimes ! Le bon prix, ce n’est pas le prix bas : le bon prix, c’est le juste prix, celui qui va permettre à nos producteurs de pommes de vivre dignement de leur métier.

M. le ministre de l’agriculture vient d’annoncer son plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes. Il serait inconcevable de ne pas réagir, avec responsabilité et pragmatisme, vis-à-vis de nos producteurs agricoles et, en particulier, de nos producteurs de pommes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, je vous prie d’excuser l’absence de Marc Fesneau, qui rencontre justement des pomiculteurs au salon de l’Association nationale pommes poires, à Angers.

Je comprends la situation que vous décrivez, monsieur le sénateur. Nous sommes d’ailleurs à pied d’œuvre, car nous sommes conscients des difficultés, depuis la hausse des coûts de production et les difficultés rencontrées dans les négociations commerciales jusqu’au manque de main-d’œuvre, ou encore à la concurrence de certains pays comme la Pologne.

Nous comprenons donc la première demande des producteurs, à savoir l’augmentation de 20 centimes du prix du kilo de pommes dans les grandes surfaces. C’est une question essentielle pour leur trésorerie, pour leur capacité à produire. C’est bien tout l’enjeu de la loi Égalim 2. Mais celle-ci, comme vous le savez, ne couvre pas les fruits et légumes, à la demande de leurs producteurs d’ailleurs. Nous regrettons cette lacune. Il faut sans doute se poser la question et y travailler.

En effet, pour protéger la rémunération des agriculteurs, il faut que des contrats soient conclus dans le cadre de cette loi, mais il faut aussi assumer un discours clair devant les Français. Le bon prix, ce n’est pas le prix le plus bas : c’est le prix juste, celui qui permet de rémunérer le producteur.

Celui-ci aime ses fruits. Je crois que c’est Félix Leclerc qui chantait : « Chaque pomme est une fleur qui a connu l’amour. » (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.) Il nous faut donc valoriser ces fruits !

Le deuxième sujet de préoccupation des producteurs de pommes est le retrait du marché des produits phytosanitaires et les difficultés qu’ils rencontrent dans leur lutte contre les pucerons – c’est un peu moins romantique ! – ; ou encore le développement de maladies liées à des champignons.

Là aussi, il faut assumer un discours clair. Il faut mener les transitions en cours et anticiper celles qui sont encore à venir, et ce dans un double objectif : protéger nos cultures et répondre aux enjeux environnementaux et de santé publique, ainsi qu’aux attentes sociales. Produire, oui, mais produire mieux : c’est tout le sens de la planification souhaitée par Mme la Première ministre.

Ce sont des transitions que nous devons mener à l’échelle européenne, afin qu’elles ne pénalisent pas les producteurs français. Il convient aussi d’accompagner la filière en développant la recherche d’alternatives, afin de ne pas laisser les producteurs sans solutions techniques. C’est l’un des objectifs du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes qui est en train d’être construit avec les acteurs, sous l’égide de mon éminent collègue Marc Fesneau.

enquête sur l’explosion du port de beyrouth

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Elle fait suite à mon cinquième déplacement au Liban.

En arrivant à Beyrouth, l’odeur du fioul qui alimente les générateurs vous prend à la gorge. L’absence d’électricité m’a rappelé mon arrivée en Ukraine.

En trois ans, la livre libanaise a perdu 90 % de sa valeur. L’inflation, sur un an, s’élève à 162 %. La crise bancaire a ruiné les Libanais.

Le Liban connaît une aggravation de sa situation économique et sociale, qui a entraîné un exode massif, sans précédent, de la population active.

Le blocage politique orchestré par le Hezbollah, qui a privé le Liban d’un président pendant plus de deux ans, se reproduit depuis le mois d’octobre.

J’ai rencontré de nombreuses associations et des personnalités politiques de toutes tendances.

J’ai pu apprécier le travail des équipes diplomatiques françaises, conduites par notre remarquable ambassadrice Anne Grillo, dans les domaines de la santé, de l’enseignement, des infrastructures ou encore de l’action sociale.

Tous mes interlocuteurs louent l’action menée par la France pour aider les Libanais. Je vous le dis, madame la ministre, cette reconnaissance m’a procuré un grand sentiment de fierté pour la France et pour notre action collective.

Ils décrient une élite qui entrave les enquêtes sur les dizaines de millions de dollars qui auraient été détournés des fonds de la banque centrale, puis blanchis en Europe, mais aussi celle qui est menée sur l’explosion du port de Beyrouth, qui a tué plus de 220 personnes, dont trois de nos compatriotes, et causé plus de 5 000 blessés et 80 000 déplacés.

Mes interlocuteurs m’ont demandé de relayer auprès de vous, madame la ministre, leur appel à tout faire pour que justice soit rendue. « Un crime impuni est un crime récompensé », m’a lancé un député.

Des juges européens viennent d’arriver à Beyrouth, dont un juge français. Quels progrès pouvons-nous attendre de leur déplacement au Liban ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Hussein Bourgi et Serge Mérillou applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Cadic, merci de votre intérêt pour le Liban, un pays cher à la France, où vous vous êtes rendu en mission voilà quelques jours encore.

Au Liban, la France n’a qu’un objectif : le bien-être du peuple libanais.

Nous le soutenons, sur le plan humanitaire et économique, par une aide, l’année passée encore, de 100 millions d’euros.

Nous le soutenons sur le plan politique, comme je l’ai fait au mois d’octobre dernier, comme vous l’avez fait récemment. Je le redis aujourd’hui : les responsables libanais doivent dépasser le blocage actuel et le Liban doit se doter d’un président ; un président doit être élu sans plus de délai !

Enfin, nous relayons l’aspiration du peuple libanais à la justice. Vous avez mentionné le déplacement de juges d’instruction français. Il s’agit d’une affaire judiciaire en cours ; il ne m’appartient donc pas de la commenter.

Quant à l’enquête relative à l’explosion survenue sur le port de Beyrouth le 4 août 2020, c’est une procédure distincte. Il est essentiel que toute la lumière soit faite sur cette explosion qui a non seulement dévasté le port, mais aussi fait de très nombreuses victimes. Comme vous le savez, le Liban a fait le choix d’une enquête nationale. C’est son choix souverain. La France reste disponible pour apporter toute l’aide qui serait nécessaire ; le Liban le sait.

Oui, l’enquête est aujourd’hui bloquée. Il faut redire que les victimes ont droit à la vérité, que celle-ci leur est nécessaire. Cette enquête doit reprendre, sans délai, et elle doit naturellement être conduite en toute transparence et en toute indépendance. Pour être plus précise, elle doit être conduite à l’abri de toute interférence politique. La justice doit être rendue et les responsables doivent rendre des comptes. C’est donc bien volontiers que je réponds ainsi à votre appel, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.

M. Olivier Cadic. Vous le savez, madame la ministre, pour de nombreux observateurs, aucune solution politique, économique ou sécuritaire n’est envisageable au Liban tant que durera l’occupation iranienne subie par ce pays au travers du Hezbollah. Nous devons donc soutenir toutes les initiatives qui visent à rétablir la neutralité du Liban. Par ailleurs, 80 % des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté ; ne les oublions pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 25 janvier, à quinze heures.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 24 janvier 2023 :

À neuf heures trente :

Questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (procédure accélérée ; texte de la commission n° 237, 2022-2023) ;

Projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 249, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures quinze.)

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission de laménagement du territoire et du développement durable pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à laccélération de la production dénergies renouvelables a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. Didier Mandelli, Mmes Sophie Primas, Laurence Garnier, MM. Patrick Chauvet, Franck Montaugé, Hervé Gillé et Mme Nadège Havet ;

Suppléants : MM. Guillaume Chevrollier, Philippe Tabarot, Daniel Gremillet, Jean-François Longeot, Mme Martine Filleul, M. Jean-Pierre Corbisez et Mme Marie-Claude Varaillas.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER