M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
Voilà quelques jours, dans les Vosges, Lucas, 13 ans, s’est donné la mort. Il était victime de harcèlement scolaire car homosexuel. Sa famille avait pourtant signalé la situation au mois de septembre dernier. L’action de l’équipe pédagogique du collège n’a pas suffi. Une enquête diligentée par le parquet d’Épinal est en cours et déterminera les responsabilités de chacun.
Nos pensées vont naturellement à ses parents et à ses proches. Permettez-moi d’y associer tout particulièrement mon collègue Daniel Gremillet.
Selon un rapport de nos collègues Colette Mélot et Sabine Van Heghe, 10 % des élèves, soit presque 1 million d’enfants, pourraient subir une forme de harcèlement au cours de leur scolarité. Un quart de ces victimes songent au suicide. En 2021, 22 enfants ont mis fin à leurs jours à cause du harcèlement qu’ils subissaient.
À l’évidence, malgré la loi de mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, notre système éducatif ne réagit pas comme il le faudrait.
J’avais déjà interpellé votre prédécesseur au sujet des messages haineux et violents présents sur les réseaux sociaux à l’encontre de collégiens. Dans sa réponse, le ministre avait rappelé l’importance du programme pHARe, dont l’ambition était l’avènement d’une « école sans harcèlement ».
Monsieur le ministre, vous partagez cette ambition. Vous venez de le rappeler en réponse à l’intervention de notre collègue Mélanie Vogel. Encore faut-il que les dispositifs annoncés pour lutter contre l’homophobie soient efficaces.
Au mois de novembre dernier, vous avez souligné les excellents résultats du programme pHARe. Permettez-moi d’en douter : ce programme était censé s’appliquer dans le collège de Lucas. Dès lors, il est permis de s’interroger sur les moyens mis au service de la lutte contre le harcèlement sous toutes ses formes, comme sur l’efficacité du pôle national de lutte contre la haine en ligne.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Hingray, en effet, Lucas est une victime de plus du harcèlement scolaire, en l’occurrence de harcèlement homophobe. Cette situation, comme vous l’indiquez, avait été signalée par les parents et prise en charge à l’automne par la communauté éducative du collège Louis-Armand de Golbey, dans votre département des Vosges. À l’évidence, cela n’a pas suffi. Une enquête est en cours, et nous aurons à en tirer les leçons.
La loi Balanant, que vous avez votée, a fait un délit du harcèlement scolaire et a accentué la prise de conscience sur la gravité du phénomène. Vous l’avez dit, un élève sur dix est victime de harcèlement au cours de sa scolarité, avec des conséquences parfois catastrophiques.
Le programme pHARe de prévention et de lutte contre les phénomènes de harcèlement était en version expérimentale, si je puis dire, dans six académies jusqu’à la rentrée dernière. Il a donné de bons résultats. C’est pourquoi nous avons décidé de le généraliser, avec la création d’équipes d’élèves ambassadeurs et la formation de personnels référents. Nous avons aussi lancé une grande campagne de communication à propos des numéros 3020 et 3018. C’est d’ailleurs ce que préconisaient les sénatrices Mélot et Van Heghe dans leur rapport sur le harcèlement scolaire et sur le cyberharcèlement.
Vous avez raison d’indiquer que le cyberharcèlement prolonge, en quelque sorte, les situations de harcèlement scolaire. Aussi, les plateformes de réseaux sociaux doivent faire plus en la matière. Nous nous efforçons de pousser en ce sens.
L’objectif est de faire en sorte que les communautés éducatives soient plus protectrices, plus engagées et mieux formées. Vous pouvez compter à cet égard sur l’éducation nationale et sur l’ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.
M. Jean Hingray. Monsieur le ministre, la première dame, Mme Brigitte Macron, est apparemment très engagée sur le sujet. Elle disait voilà encore quelques mois : « Tous les jours, je pleure. » Les larmes ne suffisent plus. Nous comptons sur vous ! Notre jeunesse compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, GEST et SER.)
milices en france
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Depuis des semaines, plusieurs quartiers de Marseille, mais aussi d’autres métropoles, comme Nantes, sont victimes d’une véritable conquête de territoires par des trafiquants de drogue et par le crime organisé. Certains des habitants de ces quartiers se sont même mobilisés pour essayer d’empêcher l’installation du trafic et protéger leur famille en se relayant jour et nuit.
Comment en sommes-nous arrivés là, monsieur le ministre ? Comment des quartiers autrefois tranquilles ont-ils pu se transformer en moins d’une génération en « Chicago-sur-Rhône » ou en « Bronx-sur-Loire » ? Quand des citoyens en viennent à devoir se protéger par eux-mêmes, c’est le début d’une lente déconstruction du processus de civilisation.
L’État recule, les lois de la République s’effacent et la loi du plus fort s’impose à tous.
Ce que subissent les habitants de ces quartiers, c’est la conséquence à la fois de l’explosion de la délinquance des mineurs, de l’effondrement de la chaîne pénale, de la surpopulation carcérale, mais également de la banalisation de la drogue.
La drogue, justement : voilà le cœur du problème. Et seule la fermeté, seule une guerre menée sans relâche contre ce fléau pourra le régler définitivement ! Monsieur le ministre de l’intérieur, êtes-vous prêt à véritablement mener cette guerre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Le Rudulier, je peux être d’accord avec une partie de votre intervention. M. le ministre de la justice présentera dans quelques semaines, sous l’autorité de la Première ministre, un projet de loi qui répondra, me semble-t-il, aux questions que vous avez évoquées sur la chaîne pénale ou sur l’action de nos tribunaux.
Permettez-moi de revenir plus concrètement sur l’action du ministère de l’intérieur, notamment dans votre département.
Vous avez raison : depuis une génération, on observe une banalisation de la drogue. Les trafiquants, quels qu’ils soient – vous avez évoqué les mineurs, mais il ne s’agit pas uniquement de mineurs, comme vous le savez bien –, qui se nourrissent du trafic de drogue ont multiplié les points de deal en quête d’argent sale, de l’argent facile qui vient de la drogue, mettant en coupe réglée un certain nombre de quartiers.
Je ne peux cependant pas vous laisser dire que l’État baisse les bras, que son autorité n’est pas au rendez-vous ou que cette guerre n’est pas menée.
Je voudrais vous en donner pour exemple des chiffres très concrets, tirés de votre département ; je sais que vous les connaissez, comme vous êtes en lien avec la préfète de police des Bouches-du-Rhône. Le nombre de trafiquants arrêtés a augmenté de 90 % en un an. Le volume des saisies de cannabis dans votre département a doublé, de 2,8 tonnes à 5,7 tonnes. En outre, 300 policiers et gendarmes supplémentaires ont été affectés dans la ville de Marseille en un an et demi. Enfin, de 222 points de deal, ce qui est considérable, on est passé à 180, soit 42 points de deal en moins.
Toutefois, le fait qu’il demeure 180 points atteste qu’il reste encore énormément de trafic, y compris dans le quartier que vous avez évoqué. À ce propos, si la mobilisation des habitants a été forte pendant toute une semaine, celle de la police et de la gendarmerie l’est tout autant : désormais, une section de CRS est présente en continu dans ce quartier, 10 interpellations ont eu lieu et ce point de deal ne s’est pas installé dans ce quartier. Je voudrais d’ailleurs saluer votre engagement sur ce sujet, ainsi que celui de la députée Sabrina Agresti-Roubache.
Ce qui manque aussi à Marseille, comme vous le savez bien, ce sont des caméras de vidéoprotection. Vous avez cité des villes peu équipées en la matière. Nous assurons désormais 80 % du financement de ces caméras dans la cité phocéenne, dont le maire s’est engagé dans cette voie. J’espère que, tous ensemble, nous le convaincrons d’aller encore plus loin, parce que cinquante caméras par an, ce n’est pas encore assez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, je ne doute pas de la sincérité de votre engagement dans ce combat, mais il faut clairement aller beaucoup plus loin.
Aller beaucoup plus loin, c’est construire des prisons pour rétablir la chaîne pénale.
Aller beaucoup plus loin, c’est condamner et incarcérer systématiquement les primodélinquants sur le chemin de la multirécidive.
Aller beaucoup plus loin, c’est également en finir avec l’excuse de minorité.
Aller beaucoup plus loin, c’est enfin, avant tout, enlever de l’esprit de certains consommateurs l’idée qu’acheter une barrette de cannabis, c’est comme acheter un tube de Doliprane ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Victoire Jasmin. Madame la Première ministre, depuis la présentation de votre projet de réforme des retraites, la colère gronde partout en France.
Les Français sont très inquiets. Or vous avez décidé d’ignorer les partenaires sociaux.
Votre projet n’est pas indispensable pour le moment ; il entraînera un recul social sans précédent. De fait, 70 % des Français refusent cette réforme injuste et injustifiée.
Vous avez fait le choix d’humilier les syndicats. L’absence de concertation et de dialogue social s’apparente à un mépris volontaire. Demain, le pays s’arrêtera, compte tenu du front syndical uni qui appelle à la mobilisation contre votre projet.
Après la crise sanitaire, la France a besoin de sérénité. Or vous avez fait le choix de la double peine, en repoussant brutalement l’âge légal de départ à la retraite sans tenir compte de la pénibilité, des carrières perturbées et des parcours compliqués. Cela affectera particulièrement les femmes, qui payeront un lourd tribut, mais aussi celles et ceux qui sont victimes de situations très difficiles et ont des revenus modestes.
Madame la Première ministre, pourquoi refusez-vous le dialogue social ? Pourquoi choisissez-vous le chaos partout en France ? Pourquoi voulez-vous remettre au travail les plus pauvres, les plus fragiles et particulièrement les femmes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Jasmin, je dois avouer être quelque peu de perplexe à l’écoute de votre question.
Je suis perplexe, parce qu’il me semble que nous débattons collectivement de la question des retraites depuis déjà quatre ans ou cinq ans.
Surtout, depuis maintenant quatre mois, avec Mme la Première ministre, nous avons organisé des concertations auxquelles toutes les organisations patronales, mais aussi syndicales, absolument toutes les organisations représentées au Conseil d’orientation des retraites, ont participé. Il y a eu des dizaines de réunions, des dizaines d’heures de discussion.
Or le projet que nous avons présenté avec la cheffe du Gouvernement a été, sur bien des aspects, amélioré par cette concertation.
Amélioré quant à la prise en compte de la pénibilité, de manière à mieux protéger les métiers les plus exposés à l’usure professionnelle : c’est 1 milliard d’euros que nous allons consacrer à la prévention de la pénibilité, tout en renforçant le suivi médical.
Amélioré quant à la prise en compte des carrières longues, par une considération toute particulière apportée à ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans, qui n’étaient jusqu’à présent pas plus protégés que ceux qui commençaient avant 20 ans, pour leur permettre un départ anticipé, là aussi, dès 60 ans ; cela concerne tout particulièrement les apprentis.
Amélioré en matière d’emploi des seniors, amélioré aussi concernant la retraite minimale, qui sera indexée, pour tenir cette promesse que la République s’est longtemps faite de mieux protéger ses aînés, mais aussi pour revaloriser la pension des retraités actuels qui ont les plus petits revenus après une carrière complète.
Amélioré sur les retraites agricoles, amélioré aussi par la prise en compte des trimestres obtenus au titre de l’assurance vieillesse par les parents au foyer, au travers de leur éligibilité au minimum de retraite, mais aussi à des départs anticipés pour carrière longue.
Ce sont les concertations qui ont permis cela, madame la sénatrice !
Nous savons que, demain, il y aura une mobilisation ; je sais que, parmi les manifestants, beaucoup sont de bonne foi,…
Mme Céline Brulin. Tous !
M. Olivier Dussopt, ministre. … que beaucoup souhaitent faire entendre une opinion que nous devons écouter, que nous devons entendre. Je n’adresserai de reproches qu’à un seul groupe : ceux qui diffusent des fake news, de fausses informations, qui font peur, ceux qui disent ainsi – c’est souvent sur vos travées ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) – que les 25 % les plus pauvres seraient déjà décédés avant d’atteindre le nouvel âge légal.
Je suis perplexe quand j’entends promettre, dans les rangs du groupe socialiste, l’instauration de la retraite à 60 ans, alors qu’on sait que cela coûte 85 milliards d’euros ; même votre président de groupe qualifiait d’ailleurs cela d’accord bricolé sur un coin de table, sans aucun réalisme ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe SER.)
Madame la sénatrice, regardez seulement le texte que nous défendons, et je suis sûr que vous, qui aviez voté l’allongement à 43 ans de la durée de cotisation, saurez vous retrouver dans l’accompagnement que nous mettrons en place ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour la réplique.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, c’est moi qui suis perplexe : pourquoi ne vous attaquez-vous pas aux superprofits ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pourquoi ce mépris à l’égard des syndicats ? Vous avez parlé de concertation. Mais pourquoi seront-ils demain dans la rue, unis ? Posez-vous les vraies questions ! Ce n’est pas parce qu’ils étaient à côté de vous que vous les avez entendus. Alors, faites l’effort nécessaire pour que les syndicats soient satisfaits dans leurs demandes et pour que les femmes ne soient pas la variable d’ajustement.
Madame la Première ministre, vous avez, ces derniers temps, pris l’habitude des « 49.3 ». J’espère vraiment que le dialogue permettra d’aboutir à des mesures qui puissent satisfaire les syndicats et les personnes qui connaissent déjà beaucoup de pénibilité dans leur emploi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.)
production de pommes
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, « mangez des pommes », c’est fini ; nous l’avons bien compris !
Aujourd’hui, nos vergers de pommiers sont en danger, nos pomiculteurs sont à l’agonie, du fait de la hausse des coûts de production, principalement due à la crise énergétique, de la baisse des rendements et d’une permanente révision à la baisse des prix d’achat par les grossistes et les grandes surfaces ; nous assistons là à un véritable massacre à la tronçonneuse. Ce ne sont pas mes mots ; ce sont ceux que j’entends partout sur le terrain.
Un chiffre suffit pour illustrer l’impact économique de tels phénomènes sur la filière : le coût du stockage moyen connaît cette année une hausse de plus de 400 %.
Nos arboriculteurs ont aussi dû faire face, en 2022, à une quantité d’aléas climatiques : gel, épisodes de grêle, sécheresse historique… Ils sont en outre aujourd’hui acculés par la crise énergétique.
Voici un autre chiffre, monsieur le ministre, si vous me le permettez : aujourd’hui, la grande distribution achète le kilo de pommes à moins de 30 centimes alors que le prix de production est de 45 centimes ; en toute logique, il faudrait en recevoir au minimum 50 centimes ! Le bon prix, ce n’est pas le prix bas : le bon prix, c’est le juste prix, celui qui va permettre à nos producteurs de pommes de vivre dignement de leur métier.
M. le ministre de l’agriculture vient d’annoncer son plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes. Il serait inconcevable de ne pas réagir, avec responsabilité et pragmatisme, vis-à-vis de nos producteurs agricoles et, en particulier, de nos producteurs de pommes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, je vous prie d’excuser l’absence de Marc Fesneau, qui rencontre justement des pomiculteurs au salon de l’Association nationale pommes poires, à Angers.
Je comprends la situation que vous décrivez, monsieur le sénateur. Nous sommes d’ailleurs à pied d’œuvre, car nous sommes conscients des difficultés, depuis la hausse des coûts de production et les difficultés rencontrées dans les négociations commerciales jusqu’au manque de main-d’œuvre, ou encore à la concurrence de certains pays comme la Pologne.
Nous comprenons donc la première demande des producteurs, à savoir l’augmentation de 20 centimes du prix du kilo de pommes dans les grandes surfaces. C’est une question essentielle pour leur trésorerie, pour leur capacité à produire. C’est bien tout l’enjeu de la loi Égalim 2. Mais celle-ci, comme vous le savez, ne couvre pas les fruits et légumes, à la demande de leurs producteurs d’ailleurs. Nous regrettons cette lacune. Il faut sans doute se poser la question et y travailler.
En effet, pour protéger la rémunération des agriculteurs, il faut que des contrats soient conclus dans le cadre de cette loi, mais il faut aussi assumer un discours clair devant les Français. Le bon prix, ce n’est pas le prix le plus bas : c’est le prix juste, celui qui permet de rémunérer le producteur.
Celui-ci aime ses fruits. Je crois que c’est Félix Leclerc qui chantait : « Chaque pomme est une fleur qui a connu l’amour. » (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.) Il nous faut donc valoriser ces fruits !
Le deuxième sujet de préoccupation des producteurs de pommes est le retrait du marché des produits phytosanitaires et les difficultés qu’ils rencontrent dans leur lutte contre les pucerons – c’est un peu moins romantique ! – ; ou encore le développement de maladies liées à des champignons.
Là aussi, il faut assumer un discours clair. Il faut mener les transitions en cours et anticiper celles qui sont encore à venir, et ce dans un double objectif : protéger nos cultures et répondre aux enjeux environnementaux et de santé publique, ainsi qu’aux attentes sociales. Produire, oui, mais produire mieux : c’est tout le sens de la planification souhaitée par Mme la Première ministre.
Ce sont des transitions que nous devons mener à l’échelle européenne, afin qu’elles ne pénalisent pas les producteurs français. Il convient aussi d’accompagner la filière en développant la recherche d’alternatives, afin de ne pas laisser les producteurs sans solutions techniques. C’est l’un des objectifs du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes qui est en train d’être construit avec les acteurs, sous l’égide de mon éminent collègue Marc Fesneau.
enquête sur l’explosion du port de beyrouth
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Elle fait suite à mon cinquième déplacement au Liban.
En arrivant à Beyrouth, l’odeur du fioul qui alimente les générateurs vous prend à la gorge. L’absence d’électricité m’a rappelé mon arrivée en Ukraine.
En trois ans, la livre libanaise a perdu 90 % de sa valeur. L’inflation, sur un an, s’élève à 162 %. La crise bancaire a ruiné les Libanais.
Le Liban connaît une aggravation de sa situation économique et sociale, qui a entraîné un exode massif, sans précédent, de la population active.
Le blocage politique orchestré par le Hezbollah, qui a privé le Liban d’un président pendant plus de deux ans, se reproduit depuis le mois d’octobre.
J’ai rencontré de nombreuses associations et des personnalités politiques de toutes tendances.
J’ai pu apprécier le travail des équipes diplomatiques françaises, conduites par notre remarquable ambassadrice Anne Grillo, dans les domaines de la santé, de l’enseignement, des infrastructures ou encore de l’action sociale.
Tous mes interlocuteurs louent l’action menée par la France pour aider les Libanais. Je vous le dis, madame la ministre, cette reconnaissance m’a procuré un grand sentiment de fierté pour la France et pour notre action collective.
Ils décrient une élite qui entrave les enquêtes sur les dizaines de millions de dollars qui auraient été détournés des fonds de la banque centrale, puis blanchis en Europe, mais aussi celle qui est menée sur l’explosion du port de Beyrouth, qui a tué plus de 220 personnes, dont trois de nos compatriotes, et causé plus de 5 000 blessés et 80 000 déplacés.
Mes interlocuteurs m’ont demandé de relayer auprès de vous, madame la ministre, leur appel à tout faire pour que justice soit rendue. « Un crime impuni est un crime récompensé », m’a lancé un député.
Des juges européens viennent d’arriver à Beyrouth, dont un juge français. Quels progrès pouvons-nous attendre de leur déplacement au Liban ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Hussein Bourgi et Serge Mérillou applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Cadic, merci de votre intérêt pour le Liban, un pays cher à la France, où vous vous êtes rendu en mission voilà quelques jours encore.
Au Liban, la France n’a qu’un objectif : le bien-être du peuple libanais.
Nous le soutenons, sur le plan humanitaire et économique, par une aide, l’année passée encore, de 100 millions d’euros.
Nous le soutenons sur le plan politique, comme je l’ai fait au mois d’octobre dernier, comme vous l’avez fait récemment. Je le redis aujourd’hui : les responsables libanais doivent dépasser le blocage actuel et le Liban doit se doter d’un président ; un président doit être élu sans plus de délai !
Enfin, nous relayons l’aspiration du peuple libanais à la justice. Vous avez mentionné le déplacement de juges d’instruction français. Il s’agit d’une affaire judiciaire en cours ; il ne m’appartient donc pas de la commenter.
Quant à l’enquête relative à l’explosion survenue sur le port de Beyrouth le 4 août 2020, c’est une procédure distincte. Il est essentiel que toute la lumière soit faite sur cette explosion qui a non seulement dévasté le port, mais aussi fait de très nombreuses victimes. Comme vous le savez, le Liban a fait le choix d’une enquête nationale. C’est son choix souverain. La France reste disponible pour apporter toute l’aide qui serait nécessaire ; le Liban le sait.
Oui, l’enquête est aujourd’hui bloquée. Il faut redire que les victimes ont droit à la vérité, que celle-ci leur est nécessaire. Cette enquête doit reprendre, sans délai, et elle doit naturellement être conduite en toute transparence et en toute indépendance. Pour être plus précise, elle doit être conduite à l’abri de toute interférence politique. La justice doit être rendue et les responsables doivent rendre des comptes. C’est donc bien volontiers que je réponds ainsi à votre appel, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.
M. Olivier Cadic. Vous le savez, madame la ministre, pour de nombreux observateurs, aucune solution politique, économique ou sécuritaire n’est envisageable au Liban tant que durera l’occupation iranienne subie par ce pays au travers du Hezbollah. Nous devons donc soutenir toutes les initiatives qui visent à rétablir la neutralité du Liban. Par ailleurs, 80 % des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté ; ne les oublions pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 25 janvier, à quinze heures.