compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’invite chacun à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
harcèlement scolaire et discriminations à l’école
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Mélanie Vogel. Il avait seulement 13 ans et toute la vie devant lui. Pourtant, le 7 janvier dernier, Lucas s’est donné la mort. Pourquoi, en 2023 en France, un gamin homosexuel en arrive-t-il à se suicider ? Parce que – et, croyez-moi, je sais trop bien de quoi je parle –, à n’envisager qu’une vie de moqueries, de rejet, d’exclusion et de haine, on en arrive parfois à ne plus envisager de vie du tout.
C’est donc avec beaucoup d’émotion, mais aussi avec beaucoup de gravité, que je voudrais m’adresser aujourd’hui à toutes celles et à tous ceux, y compris au Gouvernement, dont les propos ont nourri et nourrissent ces violences ; à toutes celles et à tous ceux qui ont marché avec La Manif pour tous, qui ont raconté que nos familles étaient contre-nature, que nos droits étaient d’égoïstes caprices, que respecter les mineurs trans, c’était de l’idéologie, qu’apprendre aux élèves le respect de la diversité, c’était de la propagande, que moi, j’étais un problème lorsque je publie des photos avec ma compagne, précisément pour donner à voir à des adolescents comme Lucas un avenir dans lequel ils peuvent avoir une place et – pourquoi pas ? – devenir un jour un élu de la République ; à toutes celles et à tous ceux qui, par homophobie, par transphobie, parfois par simple cynisme électoraliste, nous prennent pour des boucs émissaires.
Si le suicide de jeunes LGBT vous peine, si vous voulez réellement que cela s’arrête, commencez par le commencement ! Faites votre examen de conscience ! Dites-nous que vous vous êtes trompés, que ce drame vous a fait comprendre quelque chose : que nous étions non pas une idéologie, un argument de campagne, mais des humains ?
Lucas, Dinah, Luna auraient pu être vos enfants, vos petits-enfants. Et leurs harceleurs aussi. Les enfants entendent et répètent ce que les adultes racontent. L’école est dans la société. Elle est traversée par ses débats, nourrie par ses haines et pétrie par sa violence.
Aurez-vous pour la famille de Lucas, pour ses amis, l’humilité de changer ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Vogel, quand un enfant met fin à ses jours, il n’y a pas de mots pour dire l’émotion, le chagrin, la douleur. Il n’y a pas de mots… (La voix de M. le ministre laisse transparaître sa vive émotion.) Que voulez-vous que je vous dise ?
J’adresse mes pensées les plus émues à ses parents, à ses proches, à ses amis.
Ce drame montre à quel point la lutte contre le harcèlement scolaire, la lutte contre l’homophobie – parce que, oui, l’homophobie tue ! – doit demeurer une priorité du Gouvernement.
L’orientation sexuelle est souvent un point d’appui des auteurs de harcèlement. C’est vrai aussi d’autres caractéristiques, comme l’apparence physique, l’origine, la condition sociale. Au-delà de la généralisation du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), sur laquelle j’aurai peut-être l’occasion de revenir, nous agissons pour changer les représentations qui alimentent les haines.
En matière d’homophobie et d’égalité entre les femmes et les hommes, la prévention passe en particulier par l’éducation à la sexualité. C’est pour cela que, dès le mois de septembre dernier, j’ai pris des mesures pour rendre effectifs ces enseignements, qui, admettons-le, ne sont pas correctement assurés aujourd’hui. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir récemment avec les sénatrices Annick Billon, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et Alexandra Borchio Fontimp.
Enfin, pour lutter contre l’homophobie à l’école, j’ai décidé, comme je l’ai annoncé hier, de généraliser au cours des prochaines semaines des groupes de sensibilisation, de prévention et d’action contre les LGBTphobies dans chaque académie. Je suivrai cela personnellement.
Nous avons encore – c’est vrai, madame la sénatrice – du chemin à parcourir. La question du harcèlement, de même que celle de l’homophobie, concerne tout le monde. L’éducation nationale est pleinement engagée en la matière. Vous pouvez compter sur moi. (Applaudissements.)
« larmes de sirène »
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Joël Guerriau. Les « larmes de sirènes » : cela pourrait être le titre d’un conte pour enfants, d’une fable, d’un prochain James Bond, d’un film féerique. Malheureusement, il n’en est rien.
Les larmes de sirène sont des granulés de plastique à usage industriel qui, à l’instant où je vous parle, viennent, poussées par des vents de l’ouest, envahir nos côtes et nos plages de Loire-Atlantique et de Vendée. Elles sont moins visibles qu’une marée noire, mais si nombreuses et si petites qu’il est impossible de les ramasser toutes, malgré les efforts des associations et des collectivités territoriales. Je tiens à saluer ici l’arrivée du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) dès ce matin à Pornic.
Les larmes de sirène se dégradent avec le temps en microparticules dans l’air et dans l’eau. Cette pollution est un véritable désastre pour la biodiversité. La contamination tue la vie marine. Les poissons ingurgitent toujours plus de plastique, qui se retrouve ensuite dans notre alimentation. Nous ingérons entre 39 000 et 52 000 particules de microplastique par an. C’est un enjeu de santé publique.
La loi et des décrets obligent les entreprises à se doter d’équipements limitant la fuite de ces granulés et à mettre en place des mesures de protection. Cela n’apparaît plus suffisant, puisque la pollution actuelle provient du transport maritime.
Une telle atteinte à l’environnement est inadmissible ; nous devons agir plus fortement. Nous n’avons aucun moyen de retracer précisément l’origine de cette pollution. Les containers perdus en mer ne sont pas déclarés ! Nous ignorons la provenance des navires, leur destination et, bien entendu, les quantités transportées…
L’Organisation maritime internationale est chargée de prévenir des pollutions. Que fait-elle en la matière ? Quelle suite sera donnée à la plainte contre X des maires de Pornic, Jean-Michel Brard, et des Sables-d’Olonne, Yannick Moreau ? Peuvent-ils compter sur le soutien de l’État ? Quelles mesures seront prises pour faire respecter la législation actuelle et pour la faire évoluer à l’échelon européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Joël Guerriau, je n’aime pas beaucoup l’expression « larmes de sirènes », car elle est tellement poétique qu’elle peut faire penser à quelque chose de positif.
Or ce que vous décrivez est un cauchemar environnemental. Des dizaines de milliers de tonnes de granulés plastiques industriels s’échouent sur toutes les plages d’Europe. Ces billes représentent l’équivalent de 10 milliards de bouteilles en plastique. Si cela se matérialisait ainsi, il serait autrement plus simple pour les associations d’intervenir…
Une fois que les granulés sont dans la nature, il est très compliqué de les récupérer, car ils sont ingérés par l’ensemble des écosystèmes, en particulier par les poissons. Ils se diffusent partout. Il faut donc agir en amont.
C’est ce que nous avons fait. Nous pouvons être collectivement fiers que notre pays soit le plus ambitieux au monde en matière de lutte contre ces granulés de plastique industriels. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, prévoit l’obligation depuis le 1er janvier 2022 pour tous les sites industriels qui utilisent ces granulés de mettre en place des dispositifs de séparation, comme des grilles, pour les collecter s’ils s’échappent. Cette obligation vaut pour les sites, pour les plateformes logistiques, pour les ports fluviaux et pour les ports maritimes, mais elle ne vaut qu’en France.
Or la pollution qui souille à l’heure actuelle nos côtes est probablement d’origine internationale. Nous devons donc faire des efforts, en particulier avec l’Organisation maritime internationale. À cet égard, nous avons de la chance. Le Président de la République l’a redit hier, nous accueillerons au printemps une session de négociations du traité international sur l’élimination des plastiques. Ce doit être l’occasion pour nous de pousser sur le sujet.
Compte tenu des dégâts provoqués par la pollution que vous évoquez, nous soutenons bien entendu les maires qui portent plainte contre X. J’étudie également la possibilité pour le ministère de s’associer à cette plainte. Très concrètement, nous sommes évidemment solidaires, car nous avons tous la même ambition : préserver la biodiversité et rendre la transition écologique concrète, en faire plus qu’un slogan. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
réforme des retraites (I)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Madame la Première ministre, le 10 janvier dernier, vous avez enfin présenté votre projet de réforme des retraites en vous fixant l’objectif de sauver les retraites par répartition, et vous avez raison. Ce projet ne pouvait pas être reporté. Il eût été irresponsable de ne pas débattre de la question, et nous avons l’intention de le faire.
S’est invité dans ce débat un acteur qui avait été jusqu’alors négligé : le déclin démographique de notre pays. Alors que l’on comptait 820 000 naissances en 2012, voilà dix ans, on n’en dénombrait plus que 720 000 en 2022, soit une diminution de 100 000 en une décennie. Toutes ces années, nous aurons ces enfants en moins. Il est – hélas ! – vraisemblable que le mouvement se prolonge.
Nous avons pourtant, il est vrai, le taux de fécondité le plus élevé d’Europe, mais cela ne permet pas d’assurer le renouvellement de la population. En outre, ce taux a diminué de 10 % en dix ans.
Le désir d’enfants des femmes et des hommes reste élevé, mais, selon une étude de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), 53 % des mères déclarent qu’elles auraient aimé avoir plus d’enfants.
Madame la Première ministre, allez-vous vous résigner à un tel naufrage, qui compromettrait définitivement notre régime de retraite par répartition ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Longuet, vous avez indiqué qu’il y avait deux éléments à prendre en compte dans le débat sur la réforme des retraites.
Le premier, c’est le caractère d’urgence. Comme vous, nous sommes convaincus qu’un déficit de 12,5 milliards d’euros par an dès 2027, de près de 15 milliards d’euros en 2030 et de 25 milliards d’euros en 2040 rend nécessaire un rééquilibrage du système. Nous sommes aussi convaincus – ce sera l’objet de nos débats – qu’il faut non seulement équilibrer le système, mais également l’améliorer : octroyer des droits, apporter des réponses à un certain nombre d’assurés qui ont des carrières différentes de celles que nous avons connues précédemment et qu’il faut mieux protéger.
Le second élément est la situation démographique – vous avez parlé de « déclin » – de notre pays. Je pense en réalité que cette question s’est invitée depuis longtemps dans le débat sur les retraites. La principale explication au déficit que nous connaîtrons dans les prochaines années si nous ne faisons rien est précisément d’ordre démographique.
Vous le savez comme moi, dans les années 1970, nous avions trois cotisants pour un retraité. C’est le propre d’un système par répartition et de solidarité intergénérationnelle. Ce chiffre a décru depuis. Nous comptons aujourd’hui 1,7 cotisant par retraité. À l’horizon 2050, le chiffre pourrait s’établir à 1,2. Une telle décrue explique les mesures de rééquilibrage de notre système que nous prenons et les dispositions que nous avons introduites dans le projet de loi tel qu’il sera examiné par le conseil des ministres, puis par le Parlement.
Nous allons par exemple proposer non seulement de maintenir la possibilité de valider des trimestres au titre de la parentalité, mais aussi de prendre en compte les trimestres particuliers cotisés au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer dans les critères d’éligibilité au minimum de pension et, en fonction de la durée de cotisation, au dispositif de départ anticipé pour carrière longue. Nous levons ainsi des freins, afin de permettre de concilier parentalité, vie familiale et accès dans de bonnes conditions à la retraite.
Nous allons par ailleurs demander au Conseil d’orientation des retraites de travailler sur l’harmonisation et la modernisation des droits familiaux. Je ne doute pas que les parlementaires sauront apporter leur contribution à cette réflexion.
Nous aurons aussi à parler plus largement de démographie, mais, vous le comprendrez, le sujet dépasse le périmètre de mon seul ministère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour la réplique.
M. Gérard Longuet. Je vous suggère une autre voie, complémentaire : l’amour de la famille ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.) La famille transmet la langue, la culture, les valeurs, les réflexes et les comportements. Choisissez tout simplement l’amour de la famille, qui transmet la vie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
soutien militaire à l’ukraine
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. François Bonneau. Monsieur le ministre des armées, depuis onze mois, l’Ukraine subit une crise dévastatrice. Ce week-end encore, l’Union européenne dénonçait un crime de guerre à la suite d’une frappe contre un immeuble ayant fait au moins quarante morts. Nous avons également une pensée pour le ministre de l’intérieur ukrainien après le drame qui lui a coûté la vie ce matin.
Face à l’intensité du déploiement militaire de son agresseur russe, l’Ukraine est insuffisamment dotée en équipements.
Le Royaume-Uni annonce la livraison à l’armée ukrainienne de 14 chars lourds Challenger 2 et de 30 obusiers. D’autres pays européens doivent procéder à la livraison de blindés lourds. La Pologne attend le feu vert allemand pour faire de même. La France conforte son aide militaire et livrera prochainement à l’Ukraine des chars de combat légers AMX-10 RC ; nous ne pouvons que le saluer.
Cependant, compte tenu de la gravité de la situation et du nombre d’Ukrainiens qui perdent la vie chaque jour, la France et l’ensemble des pays européens ne peuvent pas différer plus longtemps la livraison des matériels blindés encore plus performants qui servent aujourd’hui à l’entraînement de nos armées et que l’Ukraine réclame avec insistance.
La livraison de chars lourds, de missiles et de lanceurs sol-air permettrait aux forces ukrainiennes de protéger davantage les civils et d’être équipées d’un matériel de qualité reconnue.
Même si ces équipements ne sont pas disponibles dans l’immédiat et s’ils nécessitent une formation et une logistique spécifiques, nous nous devons de répondre à une demande légitime de l’Ukraine, afin de lui permettre de résister aux innombrables attaques de l’ogre russe, qui cherche par tous les moyens la destruction et l’asservissement de son voisin slave.
Monsieur le ministre, allez-vous compléter la livraison des chars AMX 10 RC par des chars Leclerc et de nouveaux systèmes antimissiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le sénateur Bonneau, permettez-moi de m’associer au nom du Gouvernement à votre message de condoléances au peuple et au gouvernement ukrainiens, à la suite du terrible drame qui a eu lieu ce matin et qui a coûté la vie au ministre de l’intérieur de ce pays.
Je commencerai par rappeler les trois critères que nous examinons à chaque fois que nous procédons à une cession d’armes à l’Ukraine ; c’est, en quelque sorte, notre doctrine.
Le premier critère, connu du Sénat, est évidemment la logique défensive dans la maîtrise de l’escalade.
Le deuxième, contrôlé régulièrement par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, est de ne pas détériorer notre modèle de sécurité et de défense, soit parce que les délais de recomplètement seraient trop lents, soit tout simplement parce que la nature des équipements cédés pourrait nuire à notre système de défense.
Le troisième, et non des moindres, est le maintien en conditions opérationnelles des équipements qui ont déjà été donnés à l’Ukraine. Cela devrait être délicat dans les semaines et les mois à venir. C’est un enjeu de taille pour les canons Caesar. Sur les dix-huit canons livrés à l’Ukraine, l’un, vous le savez, est malheureusement désormais complètement hors d’usage. La question des chars Leclerc est particulièrement sensible et centrale en matière de maintien en conditions opérationnelles.
Le Président de la République a demandé au Gouvernement de proposer une solution rapide. À cet égard, l’AMX-10 est une réponse saluée par les Ukrainiens. Le chef de l’État a par ailleurs demandé au chef d’état-major des armées et à moi-même d’instruire la demande de chars Leclerc en prenant en compte les trois critères que je viens de vous indiquer.
D’autres cessions pourront être envisagées dans les temps qui viennent. On parle beaucoup des chars ce mois-ci ; au mois de décembre, on parlait beaucoup de la défense sol-air. Je rappelle que, sur le segment de défense sol-air, nous aurons des choses à proposer à l’Ukraine dans les prochaines semaines, notamment sur les couches les plus élevées de défense du territoire ukrainien. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.
M. François Bonneau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. L’Ukraine doit gagner cette guerre : il y va de l’avenir du monde libre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
réforme des retraites (II)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Madame la Première ministre, vous qualifiez votre projet de réforme des retraites de « juste », « solidaire » et « pérenne ». Telle n’est pourtant pas la réalité. Pourquoi ?
Votre projet est injuste, puisque vous portez la durée de cotisation à quarante-trois annuités et l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Ce sont principalement les ouvriers, les employés et les femmes qui seront pénalisés.
Votre projet est injuste, puisque les salariés les mieux rémunérés vont davantage capitaliser pour leur retraite tandis que la grande majorité des travailleurs ne pourront pas bénéficier du minimum de pension à 1 200 euros brut.
Votre projet est injuste, car vous allez appauvrir les seniors, qui seront plus longtemps au chômage et que vous avez précarisés à l’extrême.
Votre projet ne sera pas pérenne, car vous ne changez pas le logiciel du financement.
D’autres solutions existent pourtant : il suffirait, et ce n’est qu’un exemple, de taxer de 2 % la fortune des milliardaires.
Vous avez versé 160 milliards d’euros aux entreprises, sans contrepartie, pendant la crise du covid-19. Ce « quoi qu’il en coûte » ne peut-il être décidé pour garantir une réelle retraite, en bonne santé, une retraite sereine ? Il nous faut faire un choix de société, entre un monde de juste répartition des richesses, dans l’intérêt général, et un CAC 40 gorgé de dividendes.
Madame la Première ministre, vous avez choisi, alors qu’il n’y a pas d’urgence extrême, d’avoir recours à un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour restreindre les débats parlementaires à vingt jours à l’Assemblée nationale et à quinze jours au Sénat. Vous avez dégainé un « super 49.3 » ! Des voix s’élèvent pour souligner l’inconstitutionnalité de votre démarche.
Madame la Première ministre, c’est parce que cette réforme voulue par Emmanuel Macron est injuste et parce qu’elle frappe les plus faibles qu’elle est rejetée très massivement. Avec l’ensemble des syndicats, la société tout entière est vent debout contre votre projet. Seuls le Medef et M. Ciotti vous soutiennent encore.
Madame la Première ministre, nous relayons ici le vaste mouvement qui s’enclenche. Dès demain, le 19 janvier, nous serons dans la rue, avec le peuple, qui exige le retrait de votre projet ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la sénatrice Assassi, comme vous, je suis profondément attachée à notre système de retraite par répartition. Comme vous, je considère que c’est l’un des piliers de notre modèle social. Et – j’en suis sûre – comme vous, je veux que les jeunes d’aujourd’hui aient une retraite demain.
Mais, madame la sénatrice Assassi, nous sommes confrontés à des faits : le nombre d’actifs baisse par rapport au nombre de retraités. Ce n’est pas une opinion ; c’est un constat. Si nous ne faisions rien, nous creuserions inévitablement les déficits et nous serions conduits à baisser les pensions ou à augmenter les impôts, voire à remettre en cause notre système de retraite par répartition. Et cela, avec le Président de la République, nous n’en voulons pas !
C’est pourquoi j’ai présenté la semaine dernière notre projet pour l’avenir de nos retraites. C’est un projet d’équilibre : nous demandons aux Français qui le peuvent de travailler progressivement plus longtemps. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.) Et je mesure ce que cela représente pour beaucoup.
Je rappelle, madame la sénatrice, que l’allongement à quarante-trois annuités de la durée de cotisation a été voté en 2014 dans la réforme Touraine. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous ne l’avons pas votée !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous n’avons pas prévu d’aller au-delà des quarante-trois annuités de cotisation, mais c’est la condition pour préserver notre système de retraite par répartition.
Au-delà, nous avons construit, dans la concertation avec les organisations syndicales et patronales, avec les groupes politiques, un projet de justice et de progrès social.
Notre projet est un projet de justice. Nous allons ainsi améliorer le dispositif dit « carrière longue ». Celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront bénéficier d’un départ anticipé de deux ans à six ans avant l’âge légal de départ à la retraite.
Nous reconnaissons mieux la difficulté de certains métiers en prenant en compte de nouveaux facteurs d’usure professionnelle, en favorisant les départs anticipés pour raisons de santé, en prenant le tournant de la prévention et en facilitant les reconversions. Les personnes en invalidité, en incapacité ou en inaptitude pourront bénéficier d’une retraite à taux plein à 62 ans.
Au total, quatre Français sur dix, souvent les plus modestes, les plus fragiles, celles et ceux qui exercent des métiers difficiles, pourront partir avant 64 ans. Ce sont les 20 % de travailleurs les plus modestes qui auront le moins à décaler leur départ à la retraite.
Notre projet, madame la sénatrice, est aussi un projet de progrès social. (Rires sur les travées des groupes CRCE et SER.) Nous allons augmenter le montant minimal de la pension à 85 % du Smic net pour ceux qui ont une carrière complète au Smic. Cela représente une hausse de 100 euros par mois, dont bénéficieront dès cette année près de 2 millions de personnes, futurs et actuels retraités. C’est là une véritable avancée sociale. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Madame la sénatrice Assassi, nous avons la responsabilité d’assurer l’avenir de notre système de retraite par répartition, parce que c’est lui qui protège les plus modestes. C’est grâce à lui que nous assurerons par la solidarité nationale une retraite digne à toutes celles et à tous ceux qui ont travaillé toute leur vie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
zones industrielles bas-carbone
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, je souhaite vous parler aujourd’hui de « Zibac ».
Je veux vous rassurer, mes chers collègues, il ne s’agit pas d’un talent émergent sur la scène musicale rap ! Je parle bien du développement des zones industrielles bas-carbone (Zibac). Ce programme vise à accompagner les territoires industriels dans leur transformation écologique et énergétique pour gagner en compétitivité et en attractivité.
Les deux premières zones industrielles bas-carbone sélectionnées dans le cadre du plan d’investissement France 2030 ont été dévoilées lundi : il s’agit des zones industrielles et portuaires de Dunkerque et de Fos-sur-Mer, qui représentent à elles seules près de la moitié des émissions industrielles de CO2 en France. Elles recevront 17 millions d’euros pour concevoir de nouveaux modes de production et de captation du CO2.
Je salue cette politique, qui vise à créer une synergie entre notre engagement pour le climat par une réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 et la réindustrialisation de notre territoire, pour assurer notre souveraineté énergétique, favoriser l’emploi, l’innovation, la formation et conforter notre attractivité.
Pour le Dunkerquois, c’est une incroyable opportunité. Ce territoire, que l’on considérait voilà encore quelques années comme relégué économiquement, marqué à jamais par les conséquences économiques et sociales de la crise portuaire et sidérurgique, est aujourd’hui un modèle inspirant en matière de transition écologique, énergétique et économique.
Grâce à cette nouvelle ambition industrielle, des laboratoires sont créés, scrutés et enviés pour leur dynamisme. L’espoir et la fierté sont de retour. Ce sont près de 16 000 emplois qui sont attendus sur le littoral dunkerquois dans les dix années à venir. Permettez au Nordiste que je suis d’en être plus que satisfait.
Le travail est colossal, mais exaltant, le bassin en question représentant 21 % des émissions industrielles de CO2. Le site d’ArcelorMittal a déjà mis en place un processus de recyclage de l’acier, ce qui permet de réduire d’un million de tonnes les émissions annuelles de CO2.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser davantage les actions lancées dans ce cadre sur les sites retenus et leur lien avec le futur projet de loi pour l’industrie verte ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)