M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie mardi dernier est parvenue à un accord.
Si ce texte traduit le budget rectificatif classique de fin de gestion de la part du Gouvernement, il a également été amendé et travaillé avec sérieux par les deux chambres de notre Parlement. Il contient donc, faut-il le noter, des avancées significatives pour les Français et les collectivités territoriales.
En effet, le Sénat a réussi à s’accorder avec l’Assemblée nationale sur un texte qui comporte notamment une enveloppe de 2,5 milliards d’euros d’aides supplémentaires pour faire face à l’inflation et à la crise énergétique. À cet égard, je le redis : une réponse européenne est attendue sur les prix, la réponse budgétaire ne pouvant être durable.
La sagesse de notre Haute Assemblée ne s’est pas arrêtée à la confirmation des annonces gouvernementales. Nous avons aussi proposé de nouvelles dispositions en faveur de nos territoires.
Ainsi, nous avons débloqué 50 millions d’euros pour la réfection des ponts et du réseau routier, dont les besoins sont aujourd’hui très importants pour des raisons de sécurité et de bonne circulation.
Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à lire l’excellent rapport d’information de notre collègue Bruno Belin, publié en juin dernier et intitulé Sécurité des ponts : face au chantier du siècle, l’urgence d’une action publique plus ambitieuse. Il fait suite à d’autres travaux, notamment à ceux d’Hervé Maurey.
Nous avons également voté l’accélération de la rénovation des réseaux d’eau, par une subvention exceptionnelle accordée aux agences de l’eau à hauteur de 50 millions d’euros. En effet, les sécheresses de l’été 2022 ont endommagé les infrastructures du réseau d’eau déjà fortement abîmées, puisqu’on estime que, chaque année, 20 % du volume d’eau potable distribuée chez les usagers est perdu, ce qui représente un milliard de mètres cubes d’eau.
Sur l’initiative de la commission des finances, nous avons aussi voté l’augmentation de 12,5 millions d’euros des crédits dédiés au financement des maisons France Services. Cela permettra d’assurer un appui renforcé à leur fonctionnement, pour que ces guichets de proximité, qui regroupent plusieurs administrations, soient des lieux d’accompagnement de nos concitoyens dans tous les territoires et soient, à terme, financés à hauteur de 50 000 euros par maison.
Enfin nous avons ajouté une nouvelle dotation destinée aux travaux d’insonorisation des riverains des grands aéroports à hauteur de 20 millions d’euros.
Je me félicite par ailleurs que l’amendement que j’ai eu l’honneur de porter ait été voté et retenu par la CMP. Il permet de rétablir la situation prévalant avant 2022 quant à l’affectation du produit de la taxe d’aménagement au sein du bloc communal au seul bénéfice de la commune, dans le respect des libertés locales et des pactes financiers territoriaux qui peuvent ensuite se nouer.
Cette demande remontait de nos territoires, car, en plus de bouleverser les équilibres financiers entre communes et intercommunalités, le caractère obligatoire du reversement diminuait encore un peu plus l’autonomie financière des communes, notamment des communes rurales.
Comme celle qui concerne l’Ifer, cette mesure permettant de stabiliser et de sécuriser les ressources des départements et du bloc communal est à saluer.
Sur cette question, je souhaite d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous puissiez détailler les aspects techniques de l’abrogation et nous confirmer notamment que les délibérations déjà prises cette année seront bien automatiquement abrogées.
Je tiens également à souligner les apports de nos collègues du groupe LR à l’Assemblée nationale, qui ont défendu notamment la prorogation en 2023 de l’attribution de MaPrimeRénov’ sans condition de ressources et le soutien aux ménages qui se chauffent au bois dans leurs achats de pellets et de bûches de bois.
C’est là une aide concrète envers nos concitoyens, qui font face à la hausse des prix de l’énergie, quelle que soit la source, sur le modèle de celle que nous avions proposée dans le cadre du premier PLFR en faveur de ceux qui se chauffent au fioul.
Protéger de manière ciblée tout en accélérant le rétablissement de nos comptes publics est aussi notre volonté.
Cette CMP conclusive même sur un texte de fin de gestion classique souligne la capacité du Parlement à travailler en bonne intelligence pour trouver des solutions et apporter des avancées pour notre pays, pour peu que le Gouvernement entende et accepte les propositions qui lui sont faites.
Avant de conclure, je tiens à remercier au nom de mon groupe le travail de notre rapporteur général, qui a permis d’aboutir à cet accord. Nous savons le rythme de travail auquel il est soumis lors du marathon budgétaire de fin d’année.
Mes remerciements vous sont également adressés, monsieur le ministre, pour l’écoute dont vous faites preuve.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce second projet de loi de finances rectificative pour 2022, tel qu’il ressort des conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis à mon tour que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur le deuxième projet de loi de finances rectificative de l’année.
C’est un coup double pour l’année 2022 : après l’adoption du paquet pouvoir d’achat cet été, l’Assemblée nationale et le Sénat sont de nouveau parvenus à élaborer un texte commun au bénéfice des Français.
Permettez-moi, néanmoins, de commencer par une brève remarque critique, qui rejoint les propos du rapporteur général. Par sa voix, la commission des finances du Sénat a regretté que le véhicule du PLFR de fin d’année que nous examinons en même temps que le PLF pour l’année 2023 intègre des mesures fiscales nouvelles, notamment pour 2023, contrairement à la vocation première d’un PLFR.
Avant la crise sanitaire, le Gouvernement avait fait preuve d’une rigueur appréciable, en vidant les collectifs budgétaires de fin d’exercice des mesures budgétaires et fiscales les plus lourdes. Cela permettait de concentrer les débats de PLFR sur les ajustements classiques et nécessaires en fin d’exercice.
Cette méthode a le mérite de clarifier les choses, j’espère que nous pourrons bientôt l’appliquer de nouveau.
Je ne reviendrai pas sur les grands équilibres de ce texte, qui n’ont pas évolué de manière significative au cours des débats.
Nous sommes parvenus à maintenir le déficit public à 5 % du PIB, malgré des dépenses supplémentaires votées par les deux chambres, et ce grâce à des recettes plus dynamiques que prévu, ce qui confirme la résilience de notre économie.
Ces recettes supplémentaires ont notamment permis de financer le chèque énergie exceptionnel. Cette aide, d’un montant de 100 à 200 euros, concerne les ménages les plus modestes.
Bien sûr, la politique du chèque a des défauts et des limites que je ne m’attarderai pas à rappeler – bon nombre de nos collègues s’en sont déjà chargés. Je tiens toutefois à saluer le fait que ce chèque soit ciblé sur les plus modestes, même si le ciblage demeure assez large, puisque 40 % des foyers y sont éligibles.
Le ciblage des mesures de soutien au pouvoir d’achat matérialise le passage du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ». Les certitudes sur le présent et, surtout, les incertitudes sur le futur nous obligent à aborder les dépenses publiques avec davantage de prudence.
Je n’ai pas pour habitude de me réjouir des dépenses publiques supplémentaires, mais il est une ouverture de crédits prévue par ce projet de loi de finances rectificative que je tiens à saluer. Il s’agit du renforcement de l’aide militaire de la France à l’Ukraine.
Ces crédits supplémentaires font suite aux engagements pris par le Président de la République. Au total, ce texte apporte 1,1 milliard d’euros pour financer l’aide que nous apportons aux hérauts de la liberté que sont les Ukrainiens.
Il est indispensable que la France poursuive son soutien matériel à l’Ukraine, car un soutien moral sans soutien matériel, c’est un peu comme un chèque en bois : à la fin, on perd en crédit bien davantage que ce qu’on espérait gagner.
Ce qui se joue à l’Est est bien davantage que la paix en Europe, ce qui est déjà immense ; c’est la survie de la démocratie face aux dictatures. Il ne faut pas faiblir.
Je me réjouis que personne, notamment à l’Assemblée nationale, n’ait appliqué à ces crédits une lecture strictement comptable. Cela aurait soit révélé une courte vue, soit dénoncé de coupables accointances.
Une grande partie de nos dépenses publiques nouvelles, et donc des sacrifices que les Français consentent, soit aujourd’hui par l’inflation, soit demain par l’impôt, sont indirectement le fait du boucher du Kremlin, ne l’oublions pas.
En résumé, mes chers collègues, notre groupe soutiendra bien évidemment ce texte issu du compromis en CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Breuiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative de fin d’année est assez exceptionnel, puisque, grâce à l’accord obtenu en CMP, il sera promulgué prochainement sans passer par l’article 49.3. C’est devenu assez rare pour le souligner.
Il est vrai que le texte contient, par rapport au projet de loi de finances rectificative de cet été, des mesures ajustées, qui sont bienvenues.
Je pense notamment aux 275 millions d’euros pour aider les universités, les Crous et les opérateurs de recherche à payer leur facture énergétique. Le chèque énergie exceptionnel ou encore l’aide exceptionnelle aux ménages se chauffant aux pellets ou à la bûche sont également de bonnes mesures, parce qu’elles sont des mesures ciblées en direction des ménages les plus modestes, et c’est essentiel.
Nous saluons aussi les différentes avancées obtenues en commission mixte paritaire, comme l’augmentation du budget consacré à l’aide alimentaire ou encore la possibilité, pour les communes, de revaloriser les revenus du personnel soignant.
Certains apports du Sénat ont été maintenus, bien que revus à la baisse, comme les crédits nécessaires débloqués pour la réfection des ponts et du réseau routier ou la subvention exceptionnelle accordée aux agences de l’eau, qui est tout aussi nécessaire.
Monsieur le ministre, cette liste non exhaustive montre que, quand le Gouvernement écoute, quand vous laissez le temps au dialogue parlementaire, nous pouvons arriver à des compromis. D’ailleurs, le compromis serait encore meilleur si vous écoutiez plus de l’oreille gauche. (Sourires.)
Cependant, en miroir à l’examen du PLF dont nous venons de terminer la discussion de la première partie, nous déplorons toujours que l’écologie ne soit pas le cœur des projets et des budgets.
Nous vous avons proposé quelques mesures écologiques et sociales, comme l’exonération de TVA sur l’usage domestique des premiers mètres cubes d’eau, soit la quantité jugée vitale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
J’entends bien que toucher à la TVA est contraire au droit européen, mais, chers collègues, l’accès à l’eau pour les besoins élémentaires est un droit fondamental. Il faudra donc changer les choses pour que les besoins de base ou le fait de remplir sa piscine ne soient plus tarifés de la même manière.
Le plafonnement de la hausse des prix de l’énergie à 15 % prévu par le bouclier tarifaire a des effets positifs, mais demeure d’une faible efficacité en matière de justice écologique et sociale. C’est le sens de la demande de rapport que nous avons faite sur une tarification duale, qui protégerait davantage les ménages en deçà d’un seuil de consommation et les soumettrait au prix de marché au-delà.
Nous vous avons également proposé de soutenir les collectivités par l’amortissement de la revalorisation du point d’indice sur trois ans. Vous avez balayé cette proposition d’un revers de main.
Je veux donner deux exemples concrets. À Grenoble, cette revalorisation conduit à une hausse de la masse salariale de 2,7 millions d’euros en 2022 et de 5 millions en année pleine. À Arcueil, la hausse est de 750 000 euros.
Les collectivités savent gérer de nouvelles charges, mais, lorsqu’on leur impose une trajectoire sur cinq ans inférieure à l’inflation, l’exercice devient périlleux, voire impossible.
Cette mesure ne serait d’ailleurs pas indispensable si vous reteniez le vote du Sénat en faveur de l’indexation sur l’inflation du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Je terminerai mon propos sur ce PLFR, texte technique de fin de gestion, en vous invitant de nouveau à vous pencher sur la question de la résilience de notre pays et sur la nécessité de penser chaque mesure d’urgence du point de vue de la résilience.
Les mesures de court terme peuvent être nécessaires. Elles peuvent panser des plaies et stopper des hémorragies, mais elles ne suffisent pas.
Notre planète est malade, malade de notre suractivité, de notre surconsommation et de notre surcompétitivité, qui consiste parfois à créer des produits en France, les fabriquer en Chine et les ramener par bateau dans notre pays. Il est urgent de changer de modèle. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2022.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 69 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 268 |
Pour l’adoption | 252 |
Contre | 16 |
Le Sénat a adopté définitivement.
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Loi de finances pour 2023
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 114, rapport général n° 115, avis nos 116 à 121).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Sécurités
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » (et article 46 ter) et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de la mission « Sécurités » pour 2023 s’inscrit dans un contexte qui pourrait appeler à la nouveauté : d’une part, il s’agit du premier budget du second quinquennat du président Emmanuel Macron ; d’autre part, c’est également le premier budget de mise en œuvre des annonces faites dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), en cours d’examen par le Parlement.
Pourtant, en examinant précisément le budget de la mission, on constate avant tout une forme de continuité.
Certes, il y a des changements positifs qu’il faut souligner. Globalement, les crédits de la mission sont ainsi en hausse et je m’en réjouis.
Le projet de Lopmi prévoit d’ailleurs une hausse cumulée du budget du ministère de l’intérieur de 15 milliards d’euros entre 2023 et 2027.
En 2023, pour ce qui concerne l’ensemble de la mission « Sécurités », la hausse des crédits s’élève à 1,43 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une hausse d’un peu moins de 7 %. Pour la police et la gendarmerie nationales, les crédits de paiement sont en hausse de 1,34 milliard d’euros.
Pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », les dépenses hors titre 2 augmentent de 2,1 % en autorisations d’engagement et de 10 % en crédits de paiement. En 2023, ces crédits sont en particulier dédiés à la modernisation numérique et à l’équipement de la gendarmerie et de la police nationales. C’est une dynamique nécessaire.
S’agissant du numérique, il est notamment prévu, d’une part, de développer les outils numériques des forces de sécurité intérieure afin d’améliorer leurs conditions de travail et favoriser leur présence et leur efficacité sur le terrain, d’autre part, de renforcer les moyens de lutte contre la cybercriminalité, en augmentant par exemple le nombre de « cyberpatrouilleurs », et d’améliorer la relation numérique avec les citoyens.
Par ailleurs, l’équipement des policiers et gendarmes fait également l’objet d’efforts pour assurer l’opérationnalité de nos forces et accompagner les hausses d’effectifs. Est notamment prévu en 2023 le renouvellement des équipements de protection, d’intervention et de maintien de l’ordre, de l’habillement et des outils technologiques de pointe. La tenue de la Coupe du monde de rugby en 2023 et la préparation des jeux Olympiques de 2024 justifient cet effort sur l’équipement de nos forces.
Pour autant, comme je le disais, le présent budget présente aussi des caractéristiques de continuité ; on pourrait même dire qu’il retombe dans certains travers constatés par le passé, ce que l’on peut regretter.
En premier lieu, on constate une stabilisation de la part des dépenses de personnel dans l’ensemble des dépenses de la police et de la gendarmerie en 2023. C’est une mauvaise nouvelle, d’autant qu’une dynamique de baisse avait été amorcée en 2021.
Comme je l’ai souvent rappelé, il est indispensable de réduire la part des dépenses de personnel dans l’ensemble du budget des deux forces, afin de dégager des marges de manœuvre suffisantes pour l’équipement et l’investissement.
Or il est souvent arrivé dans le passé que les dépenses de personnel dérapent au détriment de l’investissement et des autres dépenses de fonctionnement. En 2023, 83 % des autorisations d’engagement et 86 % des crédits de paiement seront consacrés aux dépenses de personnel pour les deux forces – c’est beaucoup.
Cette stabilisation de la part des dépenses de personnel s’explique par le fait que ces dernières augmentent de 5,8 % pour les deux forces en 2023.
Cette hausse provient, d’abord, de la poursuite de la politique de recrutement. Comme vous le savez, le Président de la République a décidé la création de plus de 10 000 emplois de 2018 à 2022.
Alors que ce plan de création de postes était achevé, la Première ministre, Élisabeth Borne, a annoncé, le 6 septembre dernier, la création de 8 500 postes de policiers et de gendarmes d’ici à 2027, poursuivant ainsi sur la lancée du quinquennat précédent.
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit la création de 2 857 postes équivalents temps plein (ETP) pour les deux forces, dont 1 907 pour la police nationale et 950 pour la gendarmerie nationale. Ces recrutements ont nécessairement des conséquences financières notables.
En outre, l’année 2023 sera également marquée par le coût lié à la revalorisation du point d’indice de la fonction publique intervenue au 1er juillet 2022, pour un coût d’environ 170 millions d’euros pour les deux forces.
Enfin, le poids des mesures catégorielles atteindra, en 2023, 85 millions d’euros pour la police nationale et 72 millions pour la gendarmerie nationale. Ce montant est en forte hausse du fait des premières conséquences budgétaires des deux protocoles conclus en mars 2022.
En second lieu, et c’est la deuxième limite du présent budget, les crédits de la mission sont insatisfaisants s’agissant de certaines dépenses de fonctionnement et d’investissement. Le risque est, comme cela est déjà arrivé par le passé, qu’à la sortie d’un plan d’équipement porté cette fois-ci par le plan de relance les dépenses d’investissement se tarissent, dans une sorte de stop and go difficilement soutenable.
En particulier, l’investissement dans l’immobilier ne répond pas à l’acuité des enjeux, surtout pour la gendarmerie nationale.
En effet, les crédits d’investissement portés par la mission pour les locaux de la gendarmerie, c’est-à-dire principalement les casernes, sont en baisse de 42,5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Ils n’augmentent que très modérément, de 13,5 millions d’euros, en crédits de paiement.
Globalement, les crédits de paiement s’établissent ainsi à 130 millions d’euros en 2023, chiffre à comparer au montant des revalorisations catégorielles que je viens d’évoquer. Le caractère modeste de cette somme doit être souligné, d’autant qu’à compter de 2023 les crédits du plan de relance ne viennent plus apporter un complément significatif comme cela avait été le cas en 2021 et 2022.
Je rappelle que, s’agissant de l’immobilier, l’effort doit être maintenu sur la durée.
Je voudrais conclure par quelques mots sur le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et sur la politique de sécurité routière.
En 2021, année encore marquée par les restrictions de déplacement dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, la mortalité avait augmenté par rapport à 2020, 3 219 personnes ayant alors été tuées sur les routes de France.
Par rapport à 2019, cependant, année de référence avant la pandémie, la mortalité avait diminué de 9 % et l’accidentalité, de 4,5 %.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Le bilan sur les sept premiers mois de 2022 présente quant à lui une augmentation de la mortalité routière par rapport à 2019.
Les recettes et les crédits du CAS sont en hausse de 7 %. Ses dépenses comprendront notamment 200 millions d’euros pour la modernisation, la maintenance et le déploiement des radars automatiques.
Au nom de la commission des finances, j’émets un avis favorable sur les crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais, en préambule de mon intervention, rendre hommage à l’ensemble des sapeurs-pompiers, des pilotes et des formations militaires de la sécurité civile et des associations agréées : tous s’investissent sans compter dans la lutte contre les crises qui touchent notre pays, comme nous l’avons de nouveau constaté cet été, marqué par des feux de forêt d’une ampleur quasi inégalée.
Ces incendies ont rappelé à quel point notre modèle de sécurité civile doit être préservé. Je me félicite à cet égard de la hausse importante des crédits du budget du programme 161 pour l’année 2023.
Je voudrais en premier lieu m’attarder sur l’enjeu du soutien de l’État en faveur des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), plus particulièrement sur la concrétisation en 2023 des « pactes capacitaires », qui permettront, dans le cadre de cofinancements entre l’État et les collectivités locales, de soutenir des projets d’investissement au bénéfice des Sdis.
Un montant de 30 millions d’euros sur cinq ans devait initialement leur être consacré, ce qui apparaissait particulièrement faible au regard des besoins d’investissement des Sdis. Le Gouvernement a toutefois procédé à un renforcement bienvenu de cette dotation durant l’examen de ce PLF, en l’abondant d’un montant de 150 millions d’euros, dont 37,5 millions au titre de l’année 2023.
Le Président de la République a néanmoins indiqué, lors de ses annonces du 28 octobre dernier, que cette dotation de 150 millions d’euros s’inscrivait dans le cadre de la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. On ne peut donc pas présenter cette enveloppe comme un véritable renouvellement de l’effort de l’État en faveur du financement des Sdis, puisqu’elle consiste en réalité en une réaffectation aux Sdis d’une recette qui bénéficiait déjà à leurs principaux financeurs, à savoir les collectivités locales.
Malgré cette réserve, on ne peut que se féliciter de la concrétisation de ces pactes capacitaires dans un contexte où les Sdis doivent investir massivement pour se doter des moyens de faire face à l’augmentation des sollicitations opérationnelles.
J’en viens maintenant à la question du nécessaire renforcement de la flotte aérienne de la sécurité civile. Ce projet de loi de finances pour 2023 contient plusieurs avancées à cet égard.
Je me félicite tout d’abord du renouvellement et de l’extension à venir de notre flotte d’hélicoptères Dragon vieillissante et amputée ces dernières années de plusieurs appareils à la suite d’accidents tragiques.
Ce PLF concrétise la commande de 36 nouveaux appareils annoncée dans le cadre du projet de Lopmi, ce qui se matérialise par près de 470 millions d’euros en autorisations d’engagement. Ces hélicoptères, contrairement à ceux de la flotte actuelle, seront équipés d’une capacité de largage d’eau importante et pourront dès lors être utilement mobilisés pour la lutte contre les feux de forêt.
Le vieillissement de la flotte de canadairs constitue également une source de préoccupation partagée depuis plusieurs années par l’ensemble des acteurs de la sécurité civile.
Les annonces faites par le Président de la République le 28 octobre dernier d’un renouvellement intégral et d’une extension de cette flotte se sont traduites par un amendement du Gouvernement visant à financer une commande d’une douzaine d’appareils.
Cette commande est évidemment bienvenue, mais le calendrier de livraison des canadairs suscite des interrogations : la chaîne de production de ces avions, à l’arrêt depuis plusieurs années, vient à peine d’être relancée et les premiers appareils ne pourront probablement pas être livrés avant 2027.
Il est donc important que le ministère de l’intérieur identifie d’autres pistes de renforcement de la flotte à court terme.
Il me semble par ailleurs que l’enjeu du renforcement des moyens aériens de la sécurité civile ne peut être envisagé sous le seul prisme capacitaire.
Les problématiques de prévention des feux de forêt, du dimensionnement des infrastructures d’accueil des aéronefs ou de la disponibilité des moyens humains nécessaires au fonctionnement opérationnel de la flotte doivent également être prises en considération.
Or la direction générale de la sécurité civile est confrontée à de grandes difficultés pour recruter et fidéliser ses pilotes d’aéronefs. Cette profession souffre indéniablement d’un déficit d’attractivité : en moyenne, un pilote de la sécurité civile est trois fois moins payé qu’un pilote de l’aviation commerciale.
Le présent PLF prévoit certes des mesures de revalorisation pour les personnels navigants, estimées à 1,5 million d’euros, mais je souhaiterais vous entendre, madame la ministre, sur la stratégie envisagée par le ministère de l’intérieur pour pallier ces difficultés de recrutement et renforcer l’attractivité de la profession de pilote de la sécurité civile.
Je conclurai mon propos en évoquant le projet de mutualisation des systèmes d’information des Sdis : NexSIS 18-112.
Les nombreux retards dans le déploiement du projet ont conduit à entamer la confiance des Sdis dans sa concrétisation. Cette situation fragilise le modèle économique de NexSIS, puisque les Sdis sont largement impliqués dans le financement du programme par l’intermédiaire de leurs contributions volontaires. Ces contributions devraient être complétées par un soutien renforcé de l’État en faveur de l’Agence du numérique de la sécurité civile, dont les moyens sont aujourd’hui bien trop faibles pour permettre le déploiement du projet dans de bonnes conditions.
En tout état de cause, les investissements consentis dans le cadre de ce budget pour 2023 vont indéniablement dans le bon sens. Pour cette raison, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)