M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. L’article 4 s’inscrit dans la continuité des interventions précédentes ; je pense notamment aux nouvelles missions confiées à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).

Je souhaite présenter quelques éléments à caractère financier.

L’ONACVG, doté d’un budget de 108 millions d’euros, fait partie, avec l’Institution nationale des invalides, des deux opérateurs de l’État dont le financement est prévu au programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », que la commission des finances a examiné au mois de novembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.

Le programme 169 connaît, du fait de la démographie, malheureusement, une légère baisse de ses crédits, qui s’établissent à 1,97 milliard d’euros, y compris les crédits consacrés à l’ONACVG.

Cet office est un acteur important de la mise en œuvre des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » et s’appuie sur 805 équivalents temps plein (ETP). Cet établissement public, placé sous la tutelle du ministre des armées, a des missions importantes, notamment mémorielles. Il compte 104 services déconcentrés, présents dans chaque département, y compris en outre-mer, ainsi qu’en Algérie et au Maroc.

Toutefois, si le volet financier est important, le volet humain l’est tout autant, car il faut examiner la situation des rapatriés. Il convient de pérenniser les aides versées aux harkis, ainsi qu’à leurs ayants droit, et de mieux prendre en considération chaque situation. Tel est notre vœu.

Je voterai bien entendu cet article.

M. le président. L’amendement n° 57, présenté par MM. Iacovelli, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Après les mots :

du fait de

insérer les mots :

l’indignité de

2° Après les mots :

conditions d’accueil

insérer les mots :

et de séjour dans certaines structures

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement est purement rédactionnel : il vise à tirer les conséquences de modifications adoptées en commission et en séance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Avis favorable également.

Je tiens par ailleurs à remercier M. Laménie d’avoir évoqué l’ONACVG, que je suis heureuse d’avoir pérennisé dans tous les territoires. Cet office a signé un contrat d’objectifs et de performance qui tient la route, pour six ans. Je vous remercie d’en avoir dit un mot, monsieur le sénateur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français
Article 6

Article 5

(Non modifié)

Le 4° de l’article 81 du code général des impôts est complété par un d ainsi rédigé :

« d. La somme forfaitaire valant réparation prévue à l’article 2 de la loi n° … du … portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français ; ». – (Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français
Article 7

Article 6

(Non modifié)

Le II de l’article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « assujetties » est remplacé par le mot : « assujettis » ;

2° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° La somme forfaitaire valant réparation prévue à l’article 2 de la loi n° … du … portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français. » – (Adopté.)

Chapitre II

Mesures relatives à l’allocation viagère

Article 6
Dossier législatif : projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français
Article additionnel après l'article 7 - Amendements n° 58 rectifié, n° 35 rectifié bis, n° 52 et n° 10 rectifié

Article 7

L’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Après le mot : « survivants », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « d’anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, si ces derniers ont fixé leur domicile en France, selon des modalités fixées par décret. » ;

b) Le 3° est abrogé ;

2° Le II est ainsi rédigé :

« II. – S’ils n’ont présenté leur demande d’attribution de l’allocation viagère ni avant le 31 décembre 2016, ni dans l’année ayant suivi le décès, les conjoints et ex-conjoints survivants d’un ancien membre des formations supplétives ou assimilé décédé avant la publication de la loi n° … du … portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français. » ;

3° Au III, la référence : « au I » est remplacée par les références : « aux I, II et II bis » et, après le mot : « supplétives », sont insérés les mots : « ou assimilé » ;

4° Après le II, sont insérés des II bis et II ter ainsi rédigés :

« II bis. – Sous réserve du respect des conditions prévues aux 1° et 2° du I, sont éligibles à l’allocation viagère les conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants d’anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local, ayant servi en Algérie, si ces derniers ont fixé leur domicile dans un autre État membre de l’Union européenne.

« II ter. – Les personnes mentionnées aux II et II bis bénéficient des arrérages de l’allocation afférents à la période postérieure au décès de leur conjoint, dans la limite des quatre années précédant celle de leur demande. »

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. Je profite de la discussion sur l’article 7, relatif à l’allocation viagère, pour revenir sur les dispositifs d’accompagnement des rapatriés d’Algérie.

Les lois successives ont créé un empilement de dispositifs d’aide, dont la lisibilité et l’efficacité posent question.

Selon le rapport sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2022, qui a été rédigé par notre collègue Laménie et qui énumère les aides actuelles, l’allocation de reconnaissance touche 4 787 harkis et veuves, l’allocation viagère 1 117 veuves, les compléments de bourses pour les enfants scolarisés 99 enfants. L’aide spécifique au conjoint survivant bénéficiait à 35 personnes en 2019. Enfin, l’aide au rachat de trimestres de cotisations retraite pour des enfants de harkis n’a aucun bénéficiaire, en raison de conditions d’âge trop restrictives.

Plutôt que de maintenir un empilement de dispositifs qui s’adressent à quelques centaines de familles, ce texte aurait pu accorder une indemnisation unique pour tous les harkis.

Nous regrettons le choix de créer une indemnisation forfaitaire, dont les critères sont très contestables ; cette indemnisation s’ajoutera aux dispositifs existants et, in fine, divisera encore les familles de harkis, au lieu de les rassembler.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 65 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 69 est présenté par Mme Richer, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 10

1° Remplacer les mots :

II et

par les mots :

I à

2° Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

six

La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 65.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Le présent amendement a pour objet d’allonger de quatre à six années la période au titre de laquelle les veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l’allocation viagère auxquelles elles auraient pu prétendre au titre des années antérieures à celle du dépôt de leur demande.

Cet allongement de la durée à six ans est justifié par la date de l’instauration de l’allocation viagère en 2016.

Je remercie Mme la rapporteure de sa vigilance, puisque c’est à sa demande que j’ai déposé cet amendement. Elle a bien perçu la faille dans le dispositif que nous proposions. Cela nous évitera d’avoir une nouvelle épine à nous sortir du pied…

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 69.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Il s’agit d’une réelle avancée, qui permettra d’accroître de plusieurs milliers d’euros la somme versée aux veuves de harkis décédés cinq ou six ans avant la date de leur demande de bénéfice de l’allocation viagère.

Cet amendement tend également à étendre la faculté de solliciter ces arrérages aux futurs bénéficiaires de l’allocation viagère dont le conjoint ne serait pas encore décédé.

Je vous remercie d’avoir répondu favorablement à notre demande, madame la ministre.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 69.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 68, présenté par Mme Richer, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au 12° du I de l’article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « versée au profit des conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France dans les conditions prévues » sont remplacés par les mots : « viagère prévue ».

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français
Article additionnel après l'article 7 - Amendement n° 27 rectifié

Après l’article 7

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Fernique, Mmes de Marco et Poncet Monge et MM. Dantec et Parigi, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi rédigé :

« Art. 5. – Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait visant une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés constitue une injure au sens de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés constitue une diffamation au sens de l’article 32 de la même loi. »

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à combler un vide juridique.

L’article 5 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés avait pour but d’interdire la diffamation et l’injure à l’encontre des harkis. Malheureusement, cette interdiction n’est assortie d’aucune sanction.

Ainsi, les personnes ayant proféré des insultes ou des propos diffamatoires à l’encontre des harkis sont systématiquement relaxées ; pour preuve, je cite plusieurs arrêts dans l’objet de cet amendement.

Par ailleurs, l’article 5 de la loi précitée ne détermine pas les éléments constitutifs de l’infraction et ne fait pas référence à la loi sur la presse. Or, en vertu du principe de légalité des peines, aucune peine ne peut être prononcée à raison d’un fait qui n’est qualifié par la loi ni de crime, ni de délit, ni de contravention.

C’est pourquoi le présent amendement vise à renvoyer aux articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin de définir les éléments constitutifs des infractions de diffamation et d’insulte à l’encontre des harkis, pour permettre à ceux qui seront visés par ces infractions nouvellement créées d’obtenir réparation devant un tribunal du préjudice qui leur est causé.

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par MM. Tabarot, Mandelli, J.-M. Arnaud, J.-B. Blanc, Le Rudulier, Laménie, Hingray, Longuet, Belin, Détraigne et Favreau, Mme Herzog, M. Somon, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne et Daubresse, Mme V. Boyer, M. Sol et Mme Demas, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est complété par les mots : « , sous peine d’une amende de 12 000 euros ou d’emprisonnement de douze mois maximum ».

La parole est à M. Philippe Tabarot.

M. Philippe Tabarot. Cet amendement, analogue au précédent, vise à instaurer une sanction pénale pour une injure ou une diffamation à l’égard d’un harki en raison de cette qualité.

L’article 5 de la loi du 23 février 2005 précitée instaure le principe de l’interdiction de toute injure ou de toute diffamation envers un harki et de l’apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d’Évian. Toutefois, cet article est lacunaire, puisqu’il n’institue aucune sanction pénale.

Le présent amendement vise donc à remédier à cette lacune, en instaurant une sanction pénale au travers d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à douze mois.

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par M. Bourgi, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Temal, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est passible d’une peine d’amende de 45 000 €. » ;

2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est passible d’une peine d’amende de 45 000 €. »

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Comme les deux orateurs précédents l’ont indiqué, le législateur a créé une infraction, au travers de la loi de 2005. Mais, pour qu’une infraction soit opposable à un tiers et reconnue par les tribunaux, il faut lui adjoindre une sanction.

C’est pourquoi, au travers de ces amendements, nous proposons de combler un vide juridique. Depuis que la loi a été adoptée, chaque fois qu’un harki a été victime de ces injures, de ces incitations à la haine ou de la négation du drame qu’il a subi, les tribunaux saisis, jusqu’aux plus hautes juridictions, ont constaté ce vide juridique, qu’il nous appartient, je le répète, de combler.

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est puni de 12 000 euros d’amende. » ;

2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est puni de 45 000 euros d’amende. »

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Tous les quatre, nous avons le même objectif, mes chers collègues : faire en sorte que les injures dont sont victimes les harkis puissent être réprimées. En effet, les insultes faites aux harkis ne peuvent plus être acceptées, compte tenu du parcours et de l’histoire de ces derniers ; nous l’avons démontré tout au long de cette soirée.

À plusieurs reprises, le législateur a tenté de réprimer ces actes, sans réel succès. Ainsi, selon l’article 5 de la loi de 2005, « Sont interdites :

« - toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés ;

« - toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d’Évian.

« L’État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur. »

Or, cela a été souligné, l’absence de sanction pénale assortie directement à ce dispositif a rendu ce dernier inapplicable, comme l’a estimé la Cour de cassation dans un arrêt du 31 mars 2009.

Une nouvelle démarche en ce sens a été engagée au travers de la loi du 7 mars 2012 relative aux formations supplétives des forces armées, puis un rapport, publié en juillet 2018, a proposé de rendre applicable le dispositif juridique de l’article 5 de la loi précitée de 2005 en l’assortissant d’une amende de 12 000 euros.

Par conséquent, l’amendement que je propose tend, parallèlement à ceux qui sont en discussion commune, à instaurer une amende de 45 000 euros pour sanctionner l’apologie de crimes contre les harkis.

Il est temps de rendre applicable, au travers du texte que nous examinons, l’interdiction des insultes envers les harkis, afin de faire en sorte que les injures dont ils font l’objet en France puissent être réprimées. Peut-être pourrait-on également envisager un autre dispositif, pour que les insultes dont ils font également l’objet de l’autre côté de la Méditerranée soient un jour réprimées, mais mon amendement ne vise que les cas se produisant en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Au travers de rédactions différentes, ces amendements en discussion commune tendent à créer une peine d’amende spécifique pour l’injure et la diffamation commises envers un harki en raison de sa qualité, ainsi que pour l’apologie des crimes commis contre les anciens supplétifs, après les accords d’Évian.

La loi du 7 mars 2012 relative aux formations supplétives des forces armées assimile l’injure et la diffamation à l’encontre des forces supplétives à celles qui visent les forces armées, pour lesquelles les articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoient déjà des sanctions, à savoir 45 000 euros d’amende pour la diffamation et 12 000 euros pour l’injure.

Elle permet également aux associations défendant les intérêts moraux et l’honneur des harkis et justifiant d’une ancienneté d’au moins cinq ans de se constituer partie civile.

L’injure et la diffamation adressées à une personne considérée individuellement en raison de sa qualité réelle ou supposée d’ancien supplétif relèvent en revanche du droit commun. Les intéressés sont donc libres d’engager des poursuites pénales au titre de l’injure ou de la diffamation de droit commun.

L’institution d’un régime pénal spécifique pour l’injure et la diffamation commises envers une personne à titre individuel du fait de sa qualité d’ancien supplétif pourrait se révéler contraire au principe d’égalité devant la loi et faire l’objet de la censure du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, une telle mesure ne manquerait pas de faire émerger des demandes comparables émanant d’autres communautés.

Ainsi, l’état actuel du droit ne me semblant pas nécessiter de modification, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je ne dirai pas mieux que Mme la rapporteure, qui a parfaitement énuméré les dispositifs existants et a très bien présenté les difficultés qu’il y aurait à appliquer aux harkis des dispositions spécifiques, dérogeant au droit commun.

En revanche, vous avez raison, madame la sénatrice Boyer, toute injure adressée aux harkis est absolument scandaleuse. Nous l’exprimons, nous le clamons et, chaque fois que nous en avons connaissance, nous disons combien nous sommes, comme vous tous, heurtés par ces injures.

Par ailleurs, ce qui devrait progressivement faire cesser ce type de comportements injurieux, c’est la connaissance. Pour ressentir de la reconnaissance, il faut avoir de la connaissance : celle des sujets, de l’histoire, des faits. Or la loi que nous examinons aujourd’hui est importante parce qu’elle souligne le fait que les harkis sont des Français qui comptent, dont nous prenons soin et qui ont compté dans l’histoire de nos armées.

C’est cela que nous devons exprimer, chacun à notre échelle et, progressivement, les injures devraient, je crois, cesser.

Pour les raisons exposées par Mme la rapporteure, j’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, vous vivez dans le monde des Bisounours !

Votre très belle déclaration avait l’air très sincère, mais vous ne vous rendez pas compte de la montée des insultes dans notre pays, liées notamment au communautarisme ; et les Harkis sont en première ligne. Notre collègue Valérie Boyer l’a souligné, ils sont régulièrement traités de « collaborateurs » de l’autre côté de la Méditerranée, par un ancien président qui, certes, n’est plus de ce monde, et ici, dans nos banlieues. C’est très mal vécu par les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants de harkis.

On nous dit que c’est censé relever du droit commun et que d’autres communautés pourraient porter des revendications similaires, mais il faut agir sur cette question. Vous ne me paraissez pas suffisamment consciente de la souffrance de ces personnes. La communauté des harkis n’est pas une communauté comme une autre.

Nombre de nos amendements ont fait l’objet d’un avis défavorable ce soir, mais il faut travailler sur cette question et trouver le moyen, dans le cadre juridique de notre pays, de sanctionner très fortement ceux qui insultent cette communauté ayant déjà suffisamment souffert par le passé.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, madame la rapporteure, je suis en désaccord avec vous pour au moins trois raisons.

En premier lieu, Mme la rapporteure nous dit que le droit français actuel est satisfaisant, mais, s’il l’était, il aurait été appliqué par les tribunaux. Si les tribunaux, y compris la Cour de cassation, ont indiqué que le droit était parcellaire, incomplet, qu’il y avait un vide juridique ; il nous appartient d’en prendre acte.

En deuxième lieu, Mme la rapporteure justifie son avis défavorable sur cet amendement par le fait que le Conseil constitutionnel pourrait censurer une telle mesure. Mais, si nous devions deviner chaque fois l’avis du Conseil constitutionnel à l’avance, si nous partions de tels présupposés, nous nous arrêterions de légiférer !

En troisième lieu, enfin, j’aimerais partager votre optimisme, madame la ministre, mais, vous le savez, il existe des lois contre l’antisémitisme et le négationnisme en France. Or, malheureusement, nous continuons à dénombrer chaque année des agressions antisémites et des propos négationnistes. Malheureusement, s’il existe des lois contre le racisme et l’homophobie dans notre pays, nous continuons d’observer des infractions à caractère raciste ou homophobe.

Je crains donc fort que, si le projet de loi que vous défendez est adopté, il ne permette pas de répondre à ce type de situation ni de faire diminuer le nombre d’infractions – injures, propos négationnistes, incitations à la haine – que subissent nos compatriotes harkis.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Le processus ne fonctionne pas, la Cour de cassation l’a fait remarquer et nous l’a signalé : aucune condamnation n’est prononcée aujourd’hui, car il n’est pas possible de réprimer des injures à l’égard des harkis.

Vous avez parlé des supplétifs, mais il ne s’agit pas seulement d’eux ; nous parlons de l’ensemble de la communauté des harkis.

Puisque la loi ne satisfait pas cette demande et que l’on peut injurier des harkis sans être pour autant sanctionné, nous demandons la mise en place d’un dispositif. La proposition que j’ai formulée n’ouvrira pas la porte à des demandes de nouveaux dispositifs de la part des uns et des autres. Il ne s’agit pas d’un nouveau dispositif : on utilise la loi sur la presse et la loi de 2005, qui existent déjà. Simplement, on fait en sorte que le délit puisse donner lieu à condamnation. Cela n’ouvre la porte à rien du tout !

En outre, notre collègue le disait, si l’on doit se demander, chaque fois que l’on vote sur un amendement, si, par hasard, il y a une chance que, peut-être, le Conseil constitutionnel censure la disposition, on n’avancera jamais, donc autant de ne rien faire et ne rien proposer. Les règles relatives à la recevabilité de nos amendements complexifient déjà la modification d’un texte comme celui-ci…

Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir voter pour ces amendements.