Sommaire
Présidence de M. Georges Patient
Secrétaires :
Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
prise en charge du financement des accompagnants des élèves en situation de handicap
Question n° 1982 de Mme Françoise Gatel. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Françoise Gatel.
reconnaissance du métier de prothésiste dentaire clinicien
Question n° 2079 de M. Michel Savin. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Michel Savin.
traitement par filtration biominérale de l’eau d’une piscine publique
Question n° 2081 de M. Frédéric Marchand. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
Question n° 2085 de Mme Catherine Deroche. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Catherine Deroche.
fléchage des investissements du ségur de la santé
Question n° 2087 de M. Didier Marie. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Didier Marie.
lutte contre la cigarette et évaluation des alternatives
Question n° 2076 de Mme Catherine Procaccia. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Catherine Procaccia.
réglementation concernant la vente du cannabidiol sur le territoire français
Question n° 1768 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
déductions fiscales sur les complémentaires santé
Question n° 2006 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Jean-Pierre Sueur.
situation particulièrement préoccupante de l’accès aux soins dans le département de l’ariège
Question n° 2015 de M. Jean-Jacques Michau. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Jean-Jacques Michau.
prise en charge des cas de myocardite et de péricardite chez les adolescents
Question n° 1985 de Mme Laurence Muller-Bronn. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
situation du centre hospitalier de lisieux
Question n° 2019 de Mme Sonia de La Provôté. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Sonia de La Provôté.
revalorisation de la visite à domicile pour sos médecins
Question n° 1833 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
effacement administratif des enfants défunts
Question n° 1911 de M. Yves Détraigne. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Yves Détraigne.
ajustements du forfait de participation aux urgences du patient
Question n° 2053 de Mme Véronique Guillotin. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
impact du parc éolien des quatre seigneurs sur les riverains et les élevages
Question n° 2014 de Mme Laurence Garnier. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
Question n° 2050 de M. Patrice Joly. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Patrice Joly.
situation préoccupante du groupe hospitalier du sud de l’oise
Question n° 2058 de Mme Laurence Rossignol. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
responsabilité pénale des communes ou intercommunalités et soins médicaux
Question n° 2030 de M. Christian Bilhac. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville.
éligibilité des dépenses de déneigement au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
Question n° 2039 de M. Éric Gold. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville.
Question n° 1838 de Mme Marie Mercier. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; Mme Marie Mercier.
soutien de l’état dans la gestion communale des eaux
Question n° 2067 de Mme Sylvie Vermeillet. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; Mme Sylvie Vermeillet.
sanctuarisation de la dotation globale de fonctionnement
Question n° 2025 de M. Philippe Tabarot. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; M. Philippe Tabarot.
contrats d’assurance souscrits par les collectivités
Question n° 2018 de Mme Vivette Lopez. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; Mme Vivette Lopez.
bilan des études menées sur les choucas
Question n° 2000 de M. Michel Canévet. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Michel Canévet.
dysfonctionnements de la plateforme « maprimerénov’ »
Question n° 1656 de Mme Nadia Sollogoub. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Nadia Sollogoub.
financement du matériel nécessaire à l’ouverture de nouvelles lignes de trains de nuit
Question n° 1962 de M. Jean Sol. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jean Sol.
difficultés importantes de circulation qui touchent la commune de rungis
Question n° 2083 de M. Laurent Lafon. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
Question n° 2066 de M. Thomas Dossus. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Thomas Dossus.
Question n° 2088 de M. Cyril Pellevat. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
Question n° 1965 de M. Arnaud Bazin. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Arnaud Bazin.
approvisionnement des scieries françaises en chênes
Question n° 1872 de M. Patrick Chaize. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Patrick Chaize.
accès aux réseaux numériques des grands gestionnaires d’infrastructures
Question n° 2068 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Anne-Catherine Loisier.
inquiétude des collectivités territoriales liée au prix de l’énergie
Question n° 2084 de M. Jean-Baptiste Blanc. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jean-Baptiste Blanc.
menace de fermeture de bureaux de poste dans l’essonne
Question n° 2002 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jean-Raymond Hugonet.
situation d’abandon du musée parisien d’art monographique hébert
Question n° 2077 de Mme Catherine Dumas. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Catherine Dumas.
détournement des missions de l’inspection du travail au nom de « la lutte contre le séparatisme »
Question n° 1914 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion ; Mme Sophie Taillé-Polian.
bilan de la politique pour la jeunesse du gouvernement
Question n° 1996 de M. Rémi Cardon. – Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion ; M. Rémi Cardon.
Question n° 1993 de M. Jean-Claude Anglars. – Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion.
situation des secrétaires de mairie et difficultés de recrutement
Question n° 2065 de Mme Céline Brulin. – Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion ; Mme Céline Brulin.
mise en œuvre des dispositions nouvelles d’accès aux archives publiques
Question n° 2086 de M. Pierre Ouzoulias. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.
honorariat au grade supérieur pour les réservistes opérationnels
Question n° 1954 de M. Jean-Marc Todeschini. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ; M. Jean-Marc Todeschini.
Question n° 2017 de Mme Martine Filleul. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.
rapatriement des enfants français et de leurs mères détenus en syrie
Question n° 1777 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ; M. Yannick Vaugrenard.
évolution du référentiel de critères permettant le classement des stations classées de tourisme
Question n° 1997 de M. Didier Rambaud. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ; M. Didier Rambaud.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
3. Agences de l’eau. – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains
M. Frédéric Marchand ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Pierre-Jean Verzelen ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Daniel Gremillet ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Daniel Gremillet.
M. Ronan Dantec ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Ronan Dantec ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État ; M. Ronan Dantec.
Mme Marie-Claude Varaillas ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Marie-Claude Varaillas ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État ; Mme Marie-Claude Varaillas.
M. Pierre Louault ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Pierre Louault ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État ; M. Pierre Louault.
M. Éric Gold ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Éric Gold ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État.
M. Jean Louis Masson ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jean Louis Masson ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État ; M. Jean Louis Masson.
Mme Angèle Préville ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
Mme Sylviane Noël ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Sylviane Noël ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État ; Mme Sylviane Noël.
Mme Annick Billon ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Annick Billon ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État ; Mme Annick Billon.
M. Hervé Gillé ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Hervé Gillé ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État ; M. Hervé Gillé.
Mme Catherine Belrhiti ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Catherine Belrhiti.
M. Thierry Cozic ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
Mme Sabine Drexler ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Sabine Drexler ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État.
M. Hugues Saury ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Hugues Saury ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État ; M. Hugues Saury.
M. Laurent Duplomb ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains
Suspension et reprise de la séance
4. Harkis et autres personnes rapatriées d’Algérie. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Discussion générale :
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 39 de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Amendement n° 31 rectifié de M. Philippe Tabarot. – Rejet.
Amendement n° 3 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 18 de Mme Brigitte Devésa. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 53 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Amendement n° 32 rectifié de M. Philippe Tabarot. – Rejet.
Amendement n° 40 de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 43 de M. Lucien Stanzione. – Rejet.
Amendement n° 33 rectifié de M. Philippe Tabarot. – Rejet.
Amendement n° 41 de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 42 de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié de M. André Guiol. – Rejet.
Amendement n° 51 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Amendement n° 59 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 5 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 44 de M. Lucien Stanzione. – Rejet.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 50 de M. Hussein Bourgi. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
6. Mise au point au sujet d’un vote
7. Souhaits de bienvenue à des associations en tribune
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
8. Harkis et autres personnes rapatriées d’Algérie. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 6 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 22 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 61 de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Amendement n° 11 rectifié quater de M. Laurent Burgoa. – Adoption.
Amendement n° 28 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 63 rectifié de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Retrait.
Amendement n° 1 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Adoption.
Amendement n° 49 rectifié bis de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 56 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 57 de M. Xavier Iacovelli. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 68 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 35 rectifié bis de M. Philippe Tabarot. – Devenu sans objet.
Amendement n° 52 de M. Hussein Bourgi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 10 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Devenu sans objet.
Amendement n° 27 rectifié de M. Guy Benarroche. – Retrait.
Amendement n° 36 de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 38 de M. Rachid Temal. – Adoption de l’amendement modifiant l’intitulé.
Amendement n° 37 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 90, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Georges Patient
vice-président
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 20 janvier 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
prise en charge du financement des accompagnants des élèves en situation de handicap
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la question n° 1982, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Françoise Gatel. J’appelle l’attention du Gouvernement sur une politique très positive qu’il a mise en œuvre : l’école inclusive.
Nous savons tous, cependant, que subsistent un certain nombre de difficultés, notamment depuis la décision du Conseil d’État en 2020. Celle-ci précise que, sur le temps périscolaire – cantine et garderie –, il appartient aux autorités qui en sont organisatrices, c’est-à-dire aux communes, de mettre à disposition les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dont la présence est prescrite par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
Cela nous pose de véritables difficultés, monsieur le secrétaire d’État, car la MDPH décide, mais ce sont les communes qui doivent trouver le personnel et le financer.
Or au-delà du financement, il est difficile de trouver du personnel sur le temps du midi, pour une durée d’une heure ou d’une heure et demie, et cela freine l’accueil des enfants handicapés à l’école.
Nous devons donc, à mon sens, réfléchir à l’évolution de ce service. Sous réserve de l’accord des départements, et dès lors que ceux-ci disposeront des financements nécessaires, ne pourrait-on pas expérimenter la mise en place d’un service mutualisé d’AESH à leur niveau ? Cela offrirait de plus des perspectives de carrière et de formation à ces personnels qui jouent un rôle extrêmement important auprès des enfants handicapés et des familles.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, je vous réponds au nom de Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel.
Depuis 2017, l’école inclusive est, non pas une « obsession », mais une priorité du Gouvernement, car l’école de la République se doit d’accueillir tous les enfants de la République ; qui pense le contraire n’est pas républicain.
Le service public de l’école inclusive a pour objectif d’assurer une scolarité de qualité à tous les élèves, de la maternelle au lycée. En 2021, ce sont ainsi plus de 400 000 élèves en situation de handicap qui ont été scolarisés. Aux côtés des professeurs et de l’ensemble des personnels, 125 000 AESH interviennent quotidiennement, vous l’avez rappelé.
Vous nous interrogez sur le financement de ces postes et, plus précisément, sur la pertinence d’engager une évolution de ce dispositif afin de le confier en totalité aux départements.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été accompli ces dernières années s’agissant notamment du statut de ces personnels.
Votre proposition peut s’entendre sur le plan de la responsabilité globale d’une politique de solidarité, dans la mesure où le département intervient dans le champ de l’enfance et du handicap depuis la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont nous célébrerons l’anniversaire.
En effet, le département assure désormais la tutelle administrative et financière des maisons départementales des personnes handicapées, lesquelles délivrent des prescriptions d’aide humaine aux élèves en situation de handicap.
La proposition que vous formulez aurait pu, après avoir fait l’objet d’une concertation approfondie avec l’ensemble des parties, être discutée dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, adopté en première lecture au Sénat puis à l’Assemblée nationale.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ce débat n’a pas eu lieu, mais il y en a eu de nombreux autres. Dès lors, la ligne de partage entre ce qui relève de la compétence de l’État et du service public de l’éducation, d’une part, et de celle de la collectivité qui organise le service périscolaire, d’autre part, doit être préservée.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Toutefois, la réflexion que vous appelez de vos vœux, madame la sénatrice, pourrait être menée dans les semaines ou dans les mois à venir.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.
Mme Françoise Gatel. Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Nous avons su faire preuve d’audace dans le cadre du projet de loi 3DS, s’agissant du transfert de personnels d’État vers les collectivités, quand le bon sens le commandait ; nous n’avons toutefois pas pu le faire sur ce sujet, parce qu’il appartient au Gouvernement de lever le gage.
Je souhaite qu’une réflexion soit engagée sur les AESH, car, comme vous l’avez très justement indiqué, on ne peut pas imposer cela aux départements sans que ceux-ci soient volontaires et que les conditions le permettent.
En tout état de cause, je forme le vœu que l’on ouvre ce débat afin de conduire une expérimentation dans quelques départements.
reconnaissance du métier de prothésiste dentaire clinicien
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 2079, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d’État, l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et transposant en droit français la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles a été définitivement ratifiée par le Parlement le 16 février 2021, lui donnant force de loi.
Cette ordonnance s’accompagne de trois textes d’application parus au Journal officiel, lesquels ouvrent la voie à l’accès partiel aux professions médicales ou paramédicales, comme les techniciens de laboratoire médical, les pédicures-podologues, les orthophonistes, les opticiens, les aides-soignants, les ambulanciers ou encore les assistants dentaires.
Ces textes permettent à un professionnel d’un pays de l’Union européenne d’exercer sa profession dans un autre pays même si celle-ci n’est pas encore reconnue en tant que telle. C’est le cas, par exemple, des prothésistes dentaires cliniciens et des hygiénistes dentaires.
De ce fait, ces métiers devraient être intégrés dans le code de la santé publique français.
Or, aujourd’hui, un prothésiste dentaire clinicien installé dans un pays de l’Union européenne et souhaitant revenir exercer en France ne parvient pas à obtenir de réponse de l’administration.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce type de demandes d’installation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, l’accès partiel désigne cette possibilité, pour un professionnel formé dans un État membre de l’Union européenne – ou un État partie à l’Espace économique européen –, d’exercer une partie des activités relevant du champ d’une profession réglementée en France.
Conformément au droit européen et à sa transposition à l’article L. 4002-3 du code de la santé publique, l’accès partiel à une profession de santé peut-être accordé lorsque trois conditions sont remplies.
Premièrement, le professionnel doit disposer, dans son État d’origine, des qualifications professionnelles spécifiques à l’exercice de la profession de santé concernée.
Deuxièmement, il faut que les mesures de compensation qui pourraient être demandées ne suffisent pas à couvrir la différence substantielle entre l’activité professionnelle légalement exercée dans l’État d’origine et la profession correspondante en France.
Troisièmement, enfin, l’activité professionnelle pour laquelle l’intéressé sollicite cet accès doit pouvoir objectivement être séparée d’autres activités relevant de la profession en France.
La mise en œuvre de cette procédure est appréciée au cas par cas, au regard des qualifications professionnelles détenues par le demandeur. Dès lors, les conditions dans lesquelles les métiers de prothésiste dentaire clinicien et d’hygiéniste dentaire pourraient permettre un tel accès partiel nécessitent un examen approfondi.
Je rappelle également que le mécanisme d’accès partiel ne s’applique que lorsque celui qui en fait la demande en France est titulaire d’une qualification professionnelle délivrée par un État membre ou partie autre que la France.
Enfin, comme l’a rappelé la Cour de justice des Communautés européennes le 9 février 1994, la reconnaissance d’un titre de la part d’un État membre n’engage pas les autres États membres à reconnaître le même titre avec les mêmes prérogatives.
Ce sujet est technique et complexe, mais les services du ministère se tiennent à votre disposition, monsieur le sénateur, si vous souhaitez poursuivre cet échange.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.
M. Michel Savin. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État, ces sujets sont techniques et complexes, c’est la raison pour laquelle il n’est pas normal que l’administration n’ait pas donné de réponse au bout d’un an.
Peut-être faut-il de nouveau la solliciter, afin que des explications soient apportées à ces professionnels français qui sont expatriés et qui veulent revenir travailler en France ?
Il s’agit de garantir leur activité professionnelle, laquelle est reconnue techniquement puisque ces personnes disposent des diplômes nécessaires. Si vous pouviez intervenir auprès de l’administration de sorte qu’elles obtiennent une réponse définitive, cela constituerait une avancée importante.
traitement par filtration biominérale de l’eau d’une piscine publique
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 2081, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le secrétaire d’État, le traitement biologique de l’eau de piscine publique, écartant ou limitant l’usage de produits chimiques, notamment au travers du système innovant de traitement par filtration biominérale, permet une filtration plus rapide que les systèmes classiquement utilisés pour filtrer l’eau des baignades artificielles.
Plusieurs collectivités françaises, pionnières en la matière et soucieuses du bien-être de leurs habitants, en particulier la ville de Coudekerque-Branche, dans le Nord, ont intégré dans leur projet de piscine publique un traitement biologique de l’eau par filtration biominérale.
L’interprétation des textes en vigueur par les différentes agences régionales de santé (ARS) suscite toutefois des interrogations : le traitement au chlore des bassins dépend de la réglementation des piscines, alors que le traitement biologique, au sujet duquel un décret a été pris début avril 2019 sur rapport du ministère des solidarités et la santé, dépend, quant à lui, de la réglementation de la baignade.
Les porteurs de projet ont donc un impérieux besoin d’obtenir une clarification de la situation, ce que ne permet pas le décret d’avril 2019. Celui-ci limite en effet considérablement la fréquentation maximale instantanée et journalière des piscines, ce qui ne rend pas l’exploitation de la piscine publique économiquement viable. Dans le cadre du dispositif France Expérimentation, un dossier a été déposé afin d’augmenter ces plafonnements en baignade artificielle en système fermé.
La direction générale de la santé, au vu du caractère innovant des systèmes de filtration biominérale, a émis un avis de principe favorable quant à leur utilisation, et cet avis a été confirmé par un courrier du ministre des solidarités et de la santé en date de mai 2021.
Toutefois, le protocole expérimental que doit présenter France Expérimentation dans un cadre interministériel, soumis ensuite à l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) n’a toujours pas été délivré à ce jour. Alors que les chantiers de construction des équipements sont en cours, ce vide juridique met en péril la réalisation définitive et l’ouverture des sites.
Ce traitement innovant, permettant de se baigner à la piscine comme dans un lac de montagne, est de toute évidence une source de progrès pour les habitants, pour les usagers, mais aussi pour les personnels des centres aquatiques, et il va dans le sens de la transition écologique.
Monsieur le secrétaire d’État, dans quel délai l’encadrement de cette démarche expérimentale pourra-t-il être défini, et toutes les incertitudes, levées ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur sénateur, vous appelez l’attention du ministère sur l’utilisation de ce traitement par filtration biominérale développé par la société Aquatic Science France pour des projets d’ouverture de centres aquatiques portés par plusieurs collectivités.
Ces projets, eu égard à leur nature, doivent répondre aux règles sanitaires applicables aux baignades dites « artificielles ». Par ailleurs, compte tenu de la nécessité de déroger à certaines dispositions réglementaires relatives à la fréquentation de baigneurs et au caractère innovant du procédé de traitement envisagé, les porteurs de projets ont été invités à les soumettre au dispositif France Expérimentation.
Un accord de principe pour la mise en place d’expérimentations a été accordé par le cabinet du Premier ministre fin octobre dernier, sous réserve que les travaux préparatoires à venir permettent de s’assurer que le projet ne présente pas de risque sanitaire pour les baigneurs. La mise en expérimentation pourrait alors être définitivement actée.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, si la direction générale de la santé a émis un avis de principe favorable et si l’intégration de ces dossiers au dispositif France Expérimentation a été actée par le cabinet du Premier ministre, il reste encore à définir et à encadrer les modalités de mise en œuvre concrète de ces projets.
À cet effet, une première réunion, pilotée par les services de France Expérimentation, qui réunira l’ensemble des acteurs concernés, dont les services de la direction générale de la santé, est prévue demain 26 janvier, afin d’échanger sur l’encadrement de cette démarche expérimentale et d’arrêter un calendrier prévisionnel pour donner de la visibilité aux porteurs aux porteurs de projets.
Je ne doute pas que vous continuerez à être associé à ces discussions, ou du moins, à en être tenu informé.
plan douleur
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la question n° 2085, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Deroche. Ma question concerne la prise en charge de la douleur. Si la lutte contre la douleur est un objectif consacré dans la loi depuis 2002, force est de constater l’existence d’une crise majeure de santé publique liée à la mauvaise prise en compte de celle-ci.
Dans un rapport récent, la commission des affaires sociales a d’ailleurs renouvelé le constat du déficit de culture palliative et de moyens y afférents dans notre pays.
À l’occasion de l’évaluation du troisième plan national d’amélioration de la prise en charge de la douleur, qui a couvert la période 2006-2010, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a formulé plusieurs recommandations pour l’élaboration d’un futur plan douleur, mais celui-ci n’a pas été renouvelé.
Pourtant, le besoin est avéré. Les recommandations publiées en novembre 2019 par la Haute Autorité de santé (HAS) sur les parcours de soins de patients douloureux chroniques s’appuient sur des données statistiques : parmi les 12 millions de personnes souffrant de douleurs chroniques dans notre pays, 70 % ne reçoivent pas de traitement approprié et moins de 3 % bénéficient d’une prise en charge dans une structure « douleurs chroniques » d’établissement.
Un nouveau plan serait donc nécessaire. Il pourrait reposer sur trois axes : la recherche sur la douleur, mais aussi sur les pathologies qui la causent ; l’organisation des soins, avec un premier palier de prise en charge constitué par les soins de ville en partenariat avec les structures spécialisées dans la douleur chronique ; la diffusion des bonnes pratiques auprès des professionnels de santé.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement s’agissant de l’élaboration d’un nouveau plan contre la douleur ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice Deroche, avec un Français sur trois qui souffre de douleurs chroniques, la prise en compte de la douleur peut être qualifiée de véritable phénomène de société. Cela représente, pour des millions de personnes, une dégradation considérable de leur qualité de vie au quotidien. Il s’agit d’un enjeu réel de santé publique et d’un critère de qualité de vie.
En 2016, la loi n° 2016-41 de modernisation de notre système de santé a permis d’améliorer la prise en compte de la douleur et d’avancer en matière de prévention collective et individuelle de la douleur.
Ce texte précise notamment les missions du médecin généraliste relatives à l’administration et à la coordination des soins visant à soulager la douleur, si nécessaire en relation avec des structures spécialisées, en les intégrant pleinement aux missions de l’équipe de soins en la matière.
En 2020, le dispositif national dédié au soulagement de la douleur comptait 278 structures « douleurs chroniques », dont 7 structures exclusivement pédiatriques, et 36 spécialisées en pédiatrie, c’est-à-dire dotées de pédiatres dédiés, sachant que toutes les autres structures accueillent les enfants en première intention.
Ces structures de recours sont destinées à prendre en charge les patients adressés par leur médecin traitant lorsque leurs douleurs demeurent réfractaires aux traitements administrés en ville.
Un groupe de travail a par ailleurs été constitué afin de mener une réflexion sur la modernisation et l’adaptation du financement des prises en charge ambulatoires. Les prestations dites « frontières » en hôpital de jour sont en effet particulièrement fréquentes pour les douleurs chroniques.
Une autre réflexion, sur les parcours patients, est également en voie de finalisation.
Enfin, la récente création d’une formation spécialisée transversale en médecine de la douleur doit permettre de mieux former tous les professionnels de demain à ces enjeux.
J’ajoute qu’un cinquième plan national de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie, couvrant la période 2021-2024, a bien été annoncé. Structuré autour de quinze actions et de trois axes, il permettra de favoriser l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie, de conforter l’expertise en soins palliatifs et de définir des parcours de soins gradués et de proximité.
Notre objectif est clair, madame la sénatrice : plus un seul département ne doit être dépourvu de structure palliative à l’horizon 2024.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Je note bien les efforts nécessaires réalisés en matière de soins palliatifs, mais tous les patients atteints de douleurs chroniques ne relèvent pas – heureusement pour eux ! – de soins de fin de vie.
Il s’agit d’un vrai sujet, qui concerne des gens qui sont éloignés de l’emploi et dont la vie sociale, familiale et professionnelle est très complexe. La crise des opioïdes aux États-Unis a offert un exemple paroxystique du mésusage de certains médicaments.
Les structures « douleurs chroniques », qu’elles soient pédiatriques ou non, sont en nombre insuffisant et, pour la plupart, saturées.
Comme l’indiquent les rapports du HCSP, de la HAS, du ministère et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il faut maintenant passer à l’action, notamment sur la prise en charge.
fléchage des investissements du ségur de la santé
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 2087, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous alerter sur la situation des hôpitaux publics en Normandie, où la population est vieillissante, et l’espérance de vie, plus faible qu’ailleurs. Cette région est la deuxième de France métropolitaine qui présente les indicateurs de densité médicale les plus défavorables, avec 292 médecins pour 100 000 habitants et une répartition des professionnels de santé qui pose de véritables difficultés d’inégalité d’accès aux soins.
L’enjeu du renforcement de l’attractivité des établissements de santé y représente également un défi majeur, puisque les hôpitaux publics normands sont ceux qui manquent le plus de personnel, en particulier en médecine d’urgence, en psychiatrie, en gériatrie et en médecine générale.
Ces hôpitaux étaient déjà en difficulté financière avant le covid, mais la pandémie a aggravé la situation. D’après une récente enquête de la Fédération hospitalière de France (FHF), les dépenses dues au covid s’élèvent ainsi à 49 millions d’euros en 2021, alors que 28 millions d’euros seulement seraient couverts à ce jour pour onze établissements, dont les plus importants : les centres hospitalo-universitaires (CHU) de Rouen et de Caen, l’hôpital de Dieppe, ainsi que celui d’Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil.
En juillet 2020, le Gouvernement a annoncé un plan d’investissement de 19 milliards d’euros pour la période 2021-2030, qui a été décliné localement par le ministre des solidarités et de la santé. Cet effort est bienvenu, mais les montants annoncés méritent d’être analysés.
Pour le centre hospitalier Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, le ministre a par exemple annoncé 11 millions d’euros d’aides à l’investissement, alors qu’il ne s’agit principalement que d’un rebasage de la dette, à raison de 1 million d’euros pendant neuf ans, soit 9 millions d’euros. Seulement 2 millions d’euros de subventions seront donc réellement consentis afin d’étendre le secteur de la réanimation. C’est insuffisant.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement prévoit-il de réévaluer les subventions d’investissement là où celles-ci semblent insuffisantes ? Envisage-t-il d’accompagner les hôpitaux par une compensation des surcoûts liés à la crise sanitaire, en attendant une hypothétique réforme de la tarification ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, merci d’avoir mis en lumière le plan d’investissement ambitieux de 19 milliards d’euros adopté par le Gouvernement dans le cadre du Ségur de la santé en faveur de notre système de santé.
En Normandie, 650 millions d’euros seront ainsi consacrés au soutien de 68 hôpitaux et de très nombreux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La reconstruction totale du CHU de Caen qui est en cours a notamment fait l’objet de l’aide la plus forte accordée à une opération hospitalière en métropole.
Une large concertation a été menée tout au long du processus de décision avec l’ensemble des collectivités. À l’issue de celui-ci, en décembre 2021, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie de Normandie a émis un avis favorable quasi unanime sur les choix effectués dans le cadre de cette stratégie régionale d’investissement.
Je me permets également de souligner l’engagement de la région, à hauteur de 200 millions d’euros, et les manifestations d’intérêt d’autres collectivités, tout à fait bienvenues.
L’ARS de Normandie financera pour sa part des projets de modernisation des Ehpad à hauteur de 60 millions d’euros. En 2021, 16,5 millions d’euros ont ainsi été alloués à la conduite des dix premières opérations.
Les accords du Ségur comportaient aussi des mesures de revalorisation des rémunérations prises pour reconnaître l’engagement sans faille des professionnels des établissements sanitaires et médico-sociaux, pour un montant de 8,2 milliards d’euros au niveau national. En Normandie, 91 000 soignants ont ainsi vu leurs salaires revalorisés.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, l’impact du Ségur pour la Normandie est évident et puissant ; il permettra d’améliorer les parcours de soins de l’ensemble de ses habitants.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien vos propos, mais il reste deux problèmes à traiter.
Le premier est le rebasage des déficits des hôpitaux, lesquels se sont élevés à 112 millions d’euros en 2021 et devraient atteindre 95 millions d’euros en 2022.
Le second concerne le plan d’investissement, effectivement nécessaire, qui doit être réévalué hôpital par hôpital, car certains d’entre eux ne sont pas suffisamment pourvus.
lutte contre la cigarette et évaluation des alternatives
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 2076, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d’État, la presse s’est fait l’écho d’une baisse des ventes de cigarettes en 2021, laissant penser que cette diminution voudrait dire qu’il y a moins de fumeurs en France. C’est oublier, pourtant, l’importance des achats frontaliers, en augmentation par rapport à 2020, année durant laquelle les déplacements étaient interdits.
Si le plan national de lutte contre le tabac 2018-2022 a eu des effets, le nombre de fumeurs est reparti à la hausse l’an dernier : un Français sur trois fume toujours, soit près de 15 millions de personnes. Nous restons de loin le pays d’Europe de l’Ouest qui fume le plus, deux fois plus que le Royaume-Uni, par exemple, alors que nos deux pays connaissaient la même prévalence tabagique il y a vingt ans.
La baisse des dernières années ne doit pas non plus occulter le report significatif des fumeurs vers les alternatives, telles que la cigarette électronique et le tabac à chauffer.
J’estime toutefois qu’il est utopique de penser que 15 millions de personnes veulent et peuvent s’arrêter de fumer.
À la veille d’un nouveau plan pluriannuel, la responsabilité du Gouvernement est de faire évaluer ces alternatives sans combustion, afin de vérifier si celles-ci sont moins dangereuses pour la santé, sans jamais oublier qu’elles ne doivent pas jouer un rôle initiateur, en particulier pour les jeunes.
Cela irait dans le sens de l’avis rendu début janvier par le Haut Conseil de la santé publique, qui appelait à étudier ces alternatives afin de déterminer si elles pourraient constituer une sorte de troisième voie entre cigarette et sevrage.
Comment, et à quelle échéance, le Gouvernement entend-il faire évaluer ces alternatives sans combustion, notamment le vapotage et le tabac à chauffer, dans le cadre du futur plan de lutte contre le tabac ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, le tabagisme a un coût très élevé pour notre société, en termes de décès prématurés, de maladies et de perte de qualité de vie.
Les mesures mises en place, notamment dans le cadre du plan national de lutte contre le tabac pour les années 2018-2022, ont tout de même permis d’amoindrir le nombre de fumeurs quotidiens de 1,9 million entre 2014 et 2019.
S’agissant des pratiques liées, il ne faut pas confondre les produits de vapotage, avec ou sans nicotine, avec les produits de tabac à chauffer, qui suppose la combustion de bâtons de tabac par un dispositif électronique. L’argument, mis en avant par les cigarettiers, d’un moindre risque par rapport au tabac classique n’est pas étayé scientifiquement. En tout état de cause, le ministère n’y souscrit pas.
Concernant le vapotage, le HCSP conclut que cette technique n’a pas fait la preuve de son utilité dans l’aide au sevrage tabagique, un constat partagé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à l’exception de populations très spécifiques souffrant d’une forte dépendance et n’adhérant pas aux traitements médicamenteux qui existent par ailleurs.
Les données actuelles montrent qu’une majorité des utilisateurs des produits de vapotage continue d’ailleurs à consommer du tabac.
Enfin, elles démontrent également que le vapotage est un déterminant d’initiation ou d’usage du tabac chez les adolescents. En France, la moitié des jeunes l’ont expérimenté en 2018, contre un tiers en 2015.
Concernant la toxicité des produits de vapotage, l’Anses est chargée d’analyser la composition de ceux qui contiennent de la nicotine et d’identifier les risques liés aux substances chimiques entrant dans leur composition.
Pour le consommateur et pour son entourage, ces constats justifient le maintien du cadre français, en particulier l’interdiction de vente aux mineurs ainsi que les règles relatives à la publicité et à la promotion du vapotage.
Je sais que vous partagez notre volonté de veiller à ce que les politiques de santé publique s’appuient sur des données probantes, validées et établies sur le fondement de connaissances scientifiques.
C’est pourquoi les dispositions relatives au vapotage qui seront incluses dans le prochain plan national de lutte contre le tabac, dont l’élaboration commencera cette année, s’appuieront sur les recommandations du HCSP ainsi que sur les analyses de l’Anses.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d’État, j’évoquais la possibilité d’entreprendre des études scientifiques, aussi bien françaises qu’internationales, de manière à déterminer si ces produits constituent ou non de véritables alternatives.
Je ne fume pas moi-même, mais je connais des personnes qui refusent d’arrêter de fumer. J’estime que nous devons nous efforcer d’évaluer ces alternatives scientifiquement pour ces personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas arrêter.
réglementation concernant la vente du cannabidiol sur le territoire français
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 1768, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le secrétaire d’État, après le tabac, passons au chanvre !
Vous avez bien voulu, via un arrêté du 30 décembre 2021, préciser la réglementation applicable à la culture, à l’importation et à l’utilisation du chanvre. Le nouveau cadre réglementaire, que nous saluons, maintient un haut niveau de protection des consommateurs et préserve la politique ambitieuse de lutte contre les trafics de stupéfiants mise en œuvre depuis 2019, tout en permettant le développement sécurisé de nouvelles activités économiques liées à la culture et à la production industrielle d’extraits de chanvre ainsi qu’à la commercialisation de produits qui en intègrent.
En particulier, le cannabidiol (CBD) étant considéré comme un nouvel aliment, celui-ci et les denrées alimentaires en contenant ne peuvent être commercialisés sans évaluation préalable par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et sans autorisation.
Or, à ce jour, plusieurs dossiers sont en cours d’évaluation par l’EFSA. Compte tenu de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne rendue sur le sujet, de la réalité du marché et de ses contraintes actuelles, comment et dans quel délai comptez-vous clarifier la situation réglementaire concernant les compléments alimentaires qui se trouvent actuellement en zone grise ?
Des mesures transitoires peuvent-elles être envisagées pour permettre la mise en place rapide d’un cadre national pour les compléments alimentaires contenant du cannabidiol ? En effet, le chanvre est assurément un produit intéressant pour les terres agricoles pauvres.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, comme vous l’indiquez, en tant que denrées alimentaires, ces compléments alimentaires sont régis par le cadre européen applicable aux nouveaux aliments. Leur commercialisation est interdite en l’absence d’une évaluation préalable et d’une autorisation délivrée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments.
Ce cadre européen a pour but de favoriser une harmonisation maximale ; les autorités françaises ne peuvent y déroger. Il n’est donc pas possible de mettre en place, à l’échelon national, des mesures transitoires pour autoriser, même sous certaines conditions ou de manière anticipée, la commercialisation de compléments alimentaires qui contiendraient du cannabidiol.
Il va de soi que les autorités françaises sont en contact étroit avec la Commission européenne et ses partenaires quant à l’interprétation de ces règles européennes. Nous continuerons de l’être, car comme vous l’avez mentionné, certains points doivent être clarifiés. L’enjeu, important, est de garantir, à tous les égards, la santé des consommateurs français, et plus largement, européens.
déductions fiscales sur les complémentaires santé
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 2006, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite attirer l’attention de monsieur le secrétaire d’État sur les inégalités de cotisations qui portent préjudice aux retraités en matière de complémentaire santé.
La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui n’est entrée en vigueur qu’en 2016, instaure l’obligation de souscrire à une complémentaire santé d’entreprise. Depuis le 1er janvier 2016, la totalité des salariés et de leurs ayants droit bénéficient de la prise en charge par leur employeur d’une somme correspondant au minimum à 50 % du montant de leur cotisation.
Par ailleurs, ils peuvent déduire de leurs revenus imposables le montant de la cotisation personnellement supporté, dans la limite de 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
Je note que les travailleurs indépendants peuvent également bénéficier d’une déduction fiscale dans le cadre de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle.
Cependant, lorsque le travailleur arrive à l’âge de la retraite, il doit supporter la totalité de la cotisation pour sa complémentaire santé et ne peut bénéficier d’aucune déduction de cette charge sur ses revenus.
J’ai donc l’honneur de vous demander, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement compte prendre des dispositions pour que les retraités puissent également bénéficier d’une déduction fiscale sur le montant de leur cotisation de complémentaire santé.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, nous partageons votre souci de garantir à tous nos concitoyens un accès à une couverture complémentaire santé abordable. Cette vigilance doit sans doute être redoublée à l’égard de nos concitoyens âgés.
Toutefois, nous ne croyons pas que la déduction fiscale soit un outil adéquat, car il est fort probable que son application conduirait les organismes complémentaires à augmenter les prix. Or les retraités sont souvent captifs des contrats individuels qu’ils ont souscrits, de sorte que la déduction bénéficierait sans doute, non pas aux clients des organismes complémentaires, mais à ces organismes eux-mêmes.
Un encadrement souple des tarifs des contrats individuels souscrits par les retraités nous semble plus efficace. La loi n° 88-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, dite loi Évin, impose d’ores et déjà aux organismes assureurs de maintenir les garanties des complémentaires santé des anciens salariés à un tarif encadré.
Le décret du 21 mars 2017 a consolidé cet encadrement en organisant un plafonnement progressif des tarifs, échelonné sur trois ans, après le départ à la retraite des salariés.
Les retraités les plus modestes peuvent, par ailleurs, accéder à la complémentaire santé solidaire. Ce dispositif remplace depuis le 1er novembre 2019 la couverture maladie universelle complémentaire et l’aide au paiement d’une complémentaire santé. Sous condition de ressources, il permet à des foyers modestes de disposer d’une complémentaire santé gratuite ou à très faible coût.
Enfin, permettez-moi de rappeler les nombreux chantiers engagés durant le quinquennat, qui visent à renforcer la lisibilité des contrats, le droit de résiliation des assurés et la concurrence entre les organismes complémentaires. Les retraités qui ont souscrit des contrats individuels en sont les premiers bénéficiaires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vos explications. Il n’en reste pas moins qu’il existe une inégalité au détriment des retraités en matière de complémentaire santé. J’entends votre argument relatif au risque d’augmentation des prix. Toutefois, l’inégalité subsiste, et j’espère qu’on parviendra à la réduire.
situation particulièrement préoccupante de l’accès aux soins dans le département de l’ariège
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 2015, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la situation particulièrement préoccupante de l’accès aux soins dans le département de l’Ariège.
En effet, ce département, comme d’autres, est touché de plein fouet par les effets d’une désertification médicale galopante qui ne cesse d’inquiéter la population, les personnels soignants et l’ensemble des élus de ce territoire. Cette pénurie de médecins conduit bon nombre d’Ariégeois à ne plus disposer de médecin référent.
En parallèle, nos hôpitaux se trouvent eux aussi en grande difficulté. C’est le cas notamment du centre hospitalier Ariège Couserans (CHAC) et du centre hospitalier intercommunal des vallées de l’Ariège (Chiva).
S’agissant du CHAC, j’ai sollicité le ministre des solidarités et de la santé par écrit, il y a plusieurs semaines, et j’attends sa réponse.
Je souhaite évoquer avec vous les difficultés rencontrées par le Chiva et de son service d’urgences qui manque cruellement de personnel, particulièrement de médecins urgentistes.
Six médecins font défaut, ce qui a conduit la direction à fermer les urgences du site de Lavelanet. Cette situation est intolérable, car celles-ci desservent non seulement le pays d’Olmes, mais aussi des zones montagneuses, comme le Quérigut, le pays de Sault ou le Chalabrais, situées dans le département voisin de l’Aude.
Les habitants de ces zones se trouvent à plus d’une heure du service d’urgences du Chiva, ce qui augmente les risques de mortalité. C’est d’ailleurs ce que montre la récente étude réalisée par l’Association des maires ruraux de France : en milieu rural, on vit deux ans de moins qu’en ville.
Monsieur le secrétaire d’État, en ce qui concerne le département de l’Ariège, il est temps de programmer au plus vite la nécessaire réouverture des urgences du site de Lavelanet en renforçant les équipes soignantes du Chiva. On ne peut accepter qu’une partie de la population du pays d’Olmes et au-delà soit laissée sans accès aux soins d’urgence.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, vous vous faites l’écho de l’inquiétude qu’inspirent à nombre de nos compatriotes la démographie médicale en baisse depuis plusieurs années et les conséquences que cela emporte en termes d’accès aux soins. L’Ariège n’échappe pas à ce constat, dont le caractère rural explique sans doute le manque d’attractivité pour certains jeunes soignants, notamment les médecins.
Afin d’améliorer l’accès aux soins, l’agence régionale de santé d’Occitanie met en œuvre plusieurs mesures qui relèvent du plan Ma santé 2022, débattu dans cette enceinte, et du projet régional de santé pour la médecine de ville. En effet, la question des urgences – vous le savez bien – inclut celle des soins en amont.
S’agissant de la médecine de ville, l’agence régionale de santé a reconnu l’ensemble du département comme prioritaire du fait de la baisse de la démographie médicale que l’on observe depuis quatre ans. Grâce au futur zonage des médecins, une aide à l’installation de 50 000 euros sera proposée à tous les médecins, ainsi qu’aux dentistes, car le problème de démographie touche également les spécialistes.
Les deux établissements hospitaliers, le CHAC et le Chiva, bénéficient des dispositifs réglementaires visant à améliorer l’attractivité de l’hôpital public.
Les membres de la commission paritaire régionale interprofessionnelle d’Occitanie ont mené une réflexion dès 2018 pour développer l’attractivité du territoire, et des propositions concrètes ont été avancées en ce qui concerne l’hôpital public, dont certaines rejoignent les mesures prises dans le cadre de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.
Depuis l’automne 2020, une expérimentation régionale tend à favoriser et à réguler les pratiques de remplacement médical dans les établissements publics de santé du département. Par ailleurs, les coopérations entre les professionnels de santé sont facilitées via des protocoles de délégation de tâches, dont deux nouveaux sont en cours d’instruction. L’exercice des dix-neuf maisons de santé pluriprofessionnelles que l’agence régionale de santé accompagne est un autre exemple des mesures prises afin d’améliorer l’attractivité de ce territoire.
Enfin, le développement de la télémédecine complète l’offre et réduit les contraintes géographiques auxquelles le département peut être confronté.
Grâce à ce panel de mesures, monsieur le sénateur, nous pourrons répondre aux enjeux que soulève la situation de votre territoire, que l’on retrouve aussi ailleurs dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour la réplique.
M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends toutes vos considérations, mais en Ariège il y a des gens qui souffrent et que l’on met en danger. Les pompiers prennent parfois plus de trois heures pour transporter les patients jusqu’au Chiva, ce qui aggrave la situation des personnes qui ont besoin d’être secourues.
C’est à l’État qu’il revient d’aider les territoires à régler cette question.
prise en charge des cas de myocardite et de péricardite chez les adolescents
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, auteure de la question n° 1985, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la prise en charge des effets secondaires, dont les cas de myocardite et de péricardite dus au vaccin contre la covid, qui ont conduit certains adolescents et jeunes adultes en soins intensifs ou en réanimation.
Ces maladies sont certes reconnues comme effets secondaires du vaccin, mais les données sur leur fréquence et leur évolution ne sont pas accessibles, ce qui laisse les familles encore plus démunies face aux conséquences de ces pathologies.
Pourtant, il est confirmé que pour les moins de 18 ans et les jeunes adultes, la vaccination, dans la mesure où elle vise à protéger des formes graves de la maladie et à réduire la tension hospitalière, n’a pas de sens, car ceux-ci ne sont concernés ni par l’un ni par l’autre de ces objectifs.
De plus, passe sanitaire puis vaccinal oblige, ils sont plus de 4 millions à être vaccinés, sans surveillance des effets secondaires. L’étude EPI-PHARE sur le sujet s’arrête au 20 juillet dernier, alors que les jeunes n’ont été incités à se faire vacciner que depuis la mise en place du passe sanitaire, le 9 août dernier. Elle n’est donc pas fiable.
En revanche, les données du système de pharmacovigilance américain Vaers (Vaccine Advance Event Reporting System) font état de chiffres préoccupants. Pour l’année 2021, elles recensent 499 cas de myocardite chez les jeunes âgés de 12 à 18 ans, contre seulement 16 cas les années précédentes.
Nous ne pouvons pas ignorer que les bénéfices du vaccin sont quasi nuls pour cette partie de la population, alors que les risques sont en revanche bien réels.
Les problèmes cardiaques chez les jeunes pourront avoir des conséquences invalidantes dans leur vie quotidienne, alors qu’ils étaient en parfaite santé. Quelle sera la suite ? Ils ne peuvent plus faire de sport, ils souffrent d’une fatigue inhabituelle et invalidante et présentent des risques de séquelles nécessitant des contrôles réguliers au moyen d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Les conséquences peuvent être dramatiques et constituer un grave préjudice pour leur scolarité, leur santé mentale et, au-delà, pour leur avenir.
Monsieur le secrétaire d’État, les familles m’interrogent et s’inquiètent. Ma question est donc la suivante : par quels moyens ces jeunes seront-ils pris en charge et accompagnés à moyen et long terme ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, nous avons tous, quel que soit notre âge, besoin d’être protégés contre le virus, car même des enfants en bas âge se trouvent hospitalisés ou en réanimation. Le nombre de cas est, fort heureusement, très réduit, mais aucun parent, père ou mère, ne souhaite voir son enfant hospitalisé.
L’incidence de la myocardite se situe entre un et dix cas pour 100 000 personnes par an. Le risque le plus élevé concerne les hommes âgés de 18 à 30 ans, plus particulièrement les individus actifs et en bonne santé. Il est à noter que l’infection naturelle au covid-19 peut elle-même provoquer des myocardites chez les sujets infectés. Selon l’agence américaine de santé publique, le risque de développer une myocardite après une infection au covid-19 est de l’ordre de 146 cas pour 100 000 personnes.
D’après le rapport du comité d’évaluation des risques en pharmacovigilance, les myocardites et les péricardites sont considérées comme un effet indésirable pouvant survenir très rarement à la suite de l’injection d’un vaccin à ARN messager contre la covid.
La vaccination par ce type de vaccin est associée chez les personnes âgées de 12 à 50 ans à une légère augmentation des risques de myocardite et de péricardite, dans les sept jours qui suivent la vaccination, pouvant entraîner des hospitalisations.
Le risque de myocardite apparaît plus marqué chez les jeunes hommes âgés de moins de 30 ans, notamment après qu’ils ont reçu la deuxième dose de vaccin et lorsque celui-ci est de la marque Moderna.
Toutefois, le nombre de cas attribuables au vaccin apparaît peu fréquent au regard du nombre de doses administrées – je rappelle que, à ce jour, plus de 120 millions de doses ont été injectées en France.
L’évolution clinique des cas de myocardite et de péricardite post-vaccinales apparaît généralement favorable, la durée d’hospitalisation étant de deux à quatre jours en moyenne.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) recommande à toute personne venant de se faire vacciner et présentant des symptômes, tels qu’un essoufflement, des douleurs dans la poitrine, des palpitations ou un rythme cardiaque irrégulier, de consulter rapidement un médecin.
En conclusion, la myocardite consécutive à la vaccination anti-covid est rare, et le risque est beaucoup plus faible que pour les myocardites liées à l’infection naturelle par le SARS-CoV-2. À ce jour, les données de pharmaco-épidémiologie ne remettent pas en cause le rapport bénéfices-risques des vaccins à ARN messager contre la covid-19.
situation du centre hospitalier de lisieux
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 2019, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la situation du centre hospitalier de Lisieux et j’associe à cette question, une fois n’est pas coutume, ma collègue députée Nathalie Porte.
Le service de médecine interne du centre hospitalier de Lisieux doit désormais fusionner avec le service de gastroentérologie par manque de médecins. Quelque 25 lits seront fermés, soit 10 % de la capacité de l’hôpital.
L’été dernier, les urgences de nuit ont fermé pendant trois semaines. La semaine dernière, les urgences pédiatriques ont fermé partiellement, avec pour conséquence la perte de 3 lits de néonatologie. Le centre hospitalier de Lisieux est pourtant l’hôpital référent pour l’accueil local des enfants prématurés.
Depuis juillet 2020, on dénombre au total une perte de plus de 30 lits, de sorte qu’il n’en reste plus que 255. Malheureusement, la tendance se poursuit et d’autres services sont sous la menace d’une réorganisation du fait des départs à la retraite, notamment en pneumologie et en réanimation.
Certes la crise sanitaire a des conséquences lourdes en termes de ressources humaines, mais elle n’explique pas tout, car seuls 3 lits de réanimation sont occupés par des patients atteints du covid.
Récemment, l’ARS a proposé des réponses conjoncturelles comme le report de congés, la majoration des émoluments ou la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. Or le plan blanc doit rester un dispositif d’urgence et ne peut, par nature, devenir pérenne.
Tout le monde le sait et vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, le problème est structurel. Au-delà du centre hospitalier de Lisieux, partout, l’hôpital public est confronté au même problème. En atteste constitution d’une commission d’enquête sénatoriale sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, dont les travaux sont en cours.
Au-delà des murs, au-delà même des moyens dégagés par le Ségur de la santé, aussi importants soient-ils, c’est dans l’humain qu’il faut investir, dans les médecins et les soignants.
Qu’est-il prévu, monsieur le secrétaire d’État, pour améliorer le fonctionnement du centre hospitalier de Lisieux, le plus rapidement possible, car il est indispensable aux habitants ? Il faut fixer des objectifs en matière de calendrier, de chiffres et de montants.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, le centre hospitalier de Lisieux connaît en effet des difficultés de recrutement médical, qui l’ont conduit à adapter temporairement l’organisation de ses activités, pour garantir la sécurité des prises en charge tout en assurant la gestion de l’épidémie, tant pour les soins que pour la vaccination.
En lien avec le CHU de Caen, l’unité de formation et de recherche (UFR) Santé et l’ARS, il mène une politique active pour stabiliser les équipes médicales et assurer leur renouvellement.
Un certain nombre de mesures ont été prises, dont la proposition faite aux jeunes médecins d’effectuer un post-internat, notamment en temps partagé avec le CHU, l’ouverture de postes d’internes pour faire connaître l’établissement aux jeunes qui sont en formation, l’autorisation d’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne, la création d’un vivier de remplaçants et la mise en place de la prime de solidarité territoriale pour inciter les praticiens hospitaliers à consacrer une partie de leur temps de travail à des remplacements.
Le centre hospitalier de Lisieux occupe une place essentielle au sein du groupement hospitalier de territoire Normandie Centre. C’est la raison pour laquelle l’établissement compte parmi les plus soutenus de la région, au titre du Ségur.
Il bénéficiera ainsi d’une aide de l’État d’un montant de 26 millions d’euros afin d’assurer la pérennité de son offre de soins et de renforcer son attractivité. Un projet de modernisation et de mise aux normes impliquant le réaménagement de son bâtiment principal d’hospitalisation pourra ainsi être conduit. De plus, 11 millions d’euros lui seront alloués afin de restaurer ses capacités financières et de garantir ainsi une reprise durable de l’investissement courant.
Par ailleurs, l’investissement de l’agence régionale de santé auprès du centre hospitalier de Lisieux s’inscrit dans la durée. Une aide de 1,3 million d’euros accompagnera le projet de reconstruction du service d’urgences. Des investissements du quotidien à hauteur de 700 000 euros, en 2021, ont déjà permis de financer des verticalisateurs, des brancards, des fauteuils de dialyse, entre autres matériels. L’établissement a également reçu un soutien de 2 millions d’euros en crédits non reconductibles pour faire face à des difficultés de trésorerie.
Un travail global est en cours qui porte véritablement sur la qualité des soins et sur l’activité professionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le secrétaire d’État, merci de votre réponse, mais le plus bel hôpital du monde ne soignera bien que s’il dispose de soignants à l’intérieur. Même si l’investissement est important, le véritable sujet reste celui du fonctionnement.
revalorisation de la visite à domicile pour sos médecins
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1833, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la revalorisation des visites à domicile pour SOS Médecins.
L’avenant n° 9 à la convention médicale, négocié entre la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et les syndicats de médecins libéraux, a abouti à l’été 2021 à la revalorisation des visites à domicile, mais SOS Médecins a été étrangement exclu du dispositif.
Pourtant, la visite à domicile est dans l’ADN de SOS Médecins, qui organise une permanence de soins depuis 1966, en activité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, qui reçoit 6 millions d’appels par an, générant 3 millions d’actes, et qui regroupe 1 300 médecins.
Si des négociations ont effectivement débuté à l’automne dernier pour la revalorisation du forfait pour la permanence des soins ambulatoires, elles n’ont en réalité, pour l’heure, toujours pas abouti. Entre-temps, trois associations de SOS Médecins ont dû fermer dans le Rhône, par manque d’effectifs.
Dans mon département des Alpes-Maritimes, SOS Médecins Nice accomplit ses missions avec seulement deux médecins sur six ; SOS Médecins Cannes ne réalise plus de visite certains jours ; SOS Médecins Antibes n’accomplit plus de garde la nuit.
Alors que le système de santé de ville est embouteillé, entraînant une raréfaction de la visite à domicile, celle-ci reste pourtant essentielle pour les premières urgences, pour les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et celles souffrant de pathologies lourdes.
Monsieur le secrétaire d’État, où en sont les négociations avec la CNAM sur la revalorisation de la visite à domicile ? Qu’entendez-vous mettre en œuvre pour pérenniser SOS Médecins à l’échelle nationale ? Que propose le Gouvernement pour mieux articuler l’activité de consultation et les visites à domicile, afin d’attirer de nouveaux médecins ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, l’intervention de professionnels de santé à domicile est un enjeu majeur, dont vous avez dessiné les contours. Elle est essentielle pour les personnes en perte d’autonomie et pour prévenir la dépendance, sujet dont on sait l’importance pour l’avenir de notre société.
C’est pourquoi le Gouvernement a demandé à l’assurance maladie de conclure un nouvel accord avec les médecins libéraux. L’avenant n° 9, signé l’été dernier par les syndicats de médecins de ville, prévoit le doublement de la rémunération des visites à domicile effectuées par les médecins traitants, passant de 35 euros à 70 euros pour le suivi des personnes âgées de plus de 80 ans souffrant d’une affection de longue durée (ALD). Il s’agit là d’un investissement de près de 150 millions d’euros dans la visite à domicile.
Je souhaite saluer, à cette occasion, l’engagement des médecins pour répondre à la demande de soins urgents de nos concitoyens.
Organiser cette réponse, tel est l’objectif du service d’accès aux soins (SAS) proposé dans le cadre du pacte de refondation des urgences et réaffirmé lors du Ségur de la santé. Il s’agit de répondre à la demande de soins urgents de la population, partout, à toute heure, grâce à une chaîne de soins qui soit lisible et coordonnée entre les acteurs de santé de l’hôpital et de la ville – vous savez, en effet, que la question des urgences va bien au-delà des seules urgences.
Les médecins libéraux de SOS Médecins ont toute leur place au sein du SAS et bénéficieront pleinement des financements prévus par l’avenant n° 9.
Je rappelle qu’à la fin du mois de décembre dernier, un arrêté a revalorisé de 20 % les astreintes effectuées par les médecins dans le cadre de la permanence des soins.
En outre, dans la perspective des travaux de la future convention médicale, la CNAM a proposé à SOS Médecins d’établir un « groupe contact » pour identifier les enjeux liés à cette nouvelle convention, qui pourront concerner SOS Médecins et la visite à domicile.
Enfin, le ministre Olivier Véran a demandé aux agences régionales de santé de soutenir les associations de médecins qui organisent la réponse médicale non programmée à domicile. Plus de 5 millions d’euros ont ainsi été débloqués à cet effet.
Nous sommes donc mobilisés pour répondre aux attentes du secteur sur l’ensemble de ces problématiques.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. À ce jour, cette mobilisation reste encore insuffisante. SOS Médecins est débordé et contraint de limiter le nombre d’appels.
Le système tourne en rond, la visite à domicile est véritablement en danger et il est indispensable de lui redonner sa juste place dans le parcours de soins des patients.
effacement administratif des enfants défunts
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 1911, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller au sujet de la disparition administrative de l’enfant défunt et du statut administratif de ses parents.
En effet, en France, lorsqu’un enfant décède, l’administration le supprime des formulaires administratifs, pour lesquels seuls comptent les enfants à charge, que ce soit pour les caisses d’allocations familiales, pour la sécurité sociale ou pour les impôts, et cela, même si son nom reste visible avec la mention « décédé » sur les écrans des agents.
Cet effacement est inapproprié, voire irrespectueux, pour de nombreux parents, qui souhaitent que l’administration laisse le nom de leur enfant décédé visible sur les dossiers administratifs et rétablisse leur composition familiale.
Il suffirait pour cela de créer une ligne administrative pour faire figurer les nom et prénom de l’enfant tout en spécifiant « non à charge » ou « décédé ». Une place pour l’enfant défunt serait ainsi conservée, et le parent d’un enfant unique décédé serait reconnu comme ayant été un parent.
Alors que la loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021 a accordé aux parents d’un enfant né sans vie le droit de lui donner un nom, ce souhait d’autres pères et mères, eux aussi touchés par le deuil, de ne plus effacer les enfants décédés sur les dossiers administratifs paraît légitime.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, entendez-vous œuvrer contre l’absence de trace administrative de l’enfant défunt et celle de statut administratif de ses parents ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, je suis personnellement très investi sur ce sujet, en tant que secrétaire d’État à l’enfance et aux familles et pour avoir pris part aux discussions avec les organisations syndicales et, surtout, avec les associations de parents, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de votre collègue député Bricout visant à instaurer un congé de deuil parental – l’expression est impropre.
À l’occasion de mes rencontres avec les associations de parents, j’ai pu comprendre ce qui relève en réalité de l’évidence, à savoir que l’on reste parent même après la mort de son enfant. C’est une évidence, et pourtant jamais je n’avais entendu personne la formuler de manière aussi éclatante.
C’est la raison pour laquelle nous avons pris un certain nombre de dispositions pour accompagner les familles endeuillées par le décès d’un enfant, parmi lesquelles l’allongement de ce « congé de deuil » pour lequel il faudrait trouver un autre nom, la création d’une allocation forfaitaire pour toutes les familles, d’un montant de 2 000 euros, qui met fin aux disparités territoriales en fonction des politiques des caisses d’allocations familiales, un meilleur accompagnement psychologique non seulement des parents, mais aussi des fratries, trop souvent oubliées dans ces situations, ou encore la mise en place d’un « parcours décès » visant à améliorer l’accompagnement des familles dans l’ensemble de leurs démarches par les travailleurs sociaux.
L’enjeu se situe également au niveau des entreprises, car les employeurs et les salariés doivent être davantage sensibilisés à ce genre de situations, afin de pouvoir accompagner leurs collègues concernés.
Dans le cadre des discussions que nous avons eues, les familles endeuillées nous ont fait part d’insuffisances dans la prise en compte de leur situation, notamment d’une certaine complexité dans le parcours administratif, par la demande répétée de mêmes informations et de toute sorte de détails dont on ne perçoit pas la violence quand on ne vit pas soi-même ce type de situation.
Monsieur le président, je risque de dépasser le temps de parole sur ce sujet important et je vous prie par avance de m’en excuser.
Avec Amélie de Montchalin, nous avons missionné en mars dernier la direction interministérielle de la transformation publique pour travailler sur les parcours administratifs des parents endeuillés, avec pour objectif d’identifier des points de simplification et d’amélioration. Un plan d’action nous a été présenté en juin 2021. Il appartient désormais aux acteurs concernés – les CAF, mais aussi les services des impôts et l’ensemble des administrations – de le mettre en œuvre.
Un premier point d’étape a été réalisé en octobre dernier, au cours duquel la question la disparation administrative a été évoquée. Les échanges font apparaître la nécessité de pouvoir s’adapter aux situations particulières,…
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, je vais devoir vous interrompre.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je conclus en vous disant que la mention « décédé » sera intégrée dans les choix d’options lors de l’élaboration des formulaires administratifs.
Je me tiens à votre disposition pour poursuivre cet échange, si vous le souhaitez, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour la réplique.
M. Yves Détraigne. Je ne prendrai que quelques secondes pour remercier M. le secrétaire d’État des avancées qui sont en cours.
ajustements du forfait de participation aux urgences du patient
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 2053, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le secrétaire d’État, cette question intervient à la suite d’une proposition de l’Association des maires ruraux de France, au sujet du forfait de participation aux urgences du patient. Mis en place depuis le 1er janvier 2022, celui-ci prévoit l’acquittement d’une somme forfaitaire de 19,61 euros pour chaque passage aux urgences sans hospitalisation.
Quelques exonérations sont possibles, notamment pour les femmes enceintes, pour les bénéficiaires de pension d’invalidité ou encore pour les nourrissons. D’autres patients peuvent se voir attribuer le montant minoré de 8,49 euros, comme les personnes souffrant d’une affection de longue durée.
Lors du vote du forfait patient urgences (FPU), à la fin de 2020, je vous avais fait part de mes réticences. En effet, faute de mesures complémentaires et sans un accès aux soins performant en amont des urgences, ce forfait ne remplira pas son rôle de désengorgement des urgences.
Ces montants sont certes intégralement remboursés par les complémentaires santé, mais 5 % de la population n’en possèdent pas.
Cette difficulté s’ajoute dans de nombreux cas à celle de la désertification médicale, qui touche malheureusement de nombreux Français.
Comme le souligne très justement l’Association des maires ruraux de France, les urgences sont pour nombre de nos concitoyens le seul recours en l’absence d’un médecin généraliste déclaré. Or, selon l’assurance maladie, plus de 5 millions de Français n’ont pas de médecin traitant et ce chiffre a plutôt tendance à s’aggraver qu’à s’améliorer.
Des mesures ont été engagées par le Gouvernement pour y remédier, que j’ai majoritairement soutenues parce qu’elles étaient nécessaires. Cependant, à l’instar de l’augmentation du numerus clausus, elles mettront du temps à porter leurs fruits.
Ce nouveau forfait ne doit pas être perçu comme une double peine pour ceux qui éprouvent déjà des difficultés à se faire soigner et qui n’ont pas ou plus de médecin traitant référent, faute de praticien de proximité.
Ma question est simple : le ministère envisage-t-il de réexaminer ces critères d’exclusion du forfait de participation aux urgences et d’exonérer de cette contribution les patients qui ne trouvent pas de médecin traitant ? Ce ne serait, selon moi, qu’une mesure de bon sens et de justice.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice Véronique Guillotin, je vous remercie de m’offrir l’occasion de m’exprimer de nouveau sur cette question. Nous partageons votre préoccupation, et c’est pourquoi nous veillons à garantir l’accès aux soins pour tous sur l’ensemble du territoire.
Permettez-moi de rappeler que les assurés acquittaient déjà une participation au titre de leur passage aux urgences. Le forfait patient urgences n’augmente pas les restes à charge des patients, notamment ceux résidant dans les communes rurales. Ce nouveau dispositif simplifie néanmoins les modalités de calcul, en prévoyant, non plus un ticket modérateur proportionnel à l’intensité de la prise en charge, mais une participation forfaitaire.
Cette forfaitisation offre une meilleure protection des usagers nécessitant des soins complexes – leur participation pouvait atteindre auparavant un montant de 60 euros.
Le forfait patient urgences est pris en charge par les complémentaires santé : la question des restes à charge est donc davantage liée à l’accès aux mutuelles. Comme vous le savez, seuls 4 % des assurés n’en disposent pas.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour faciliter le recours à ces organismes, notamment à la complémentaire santé solidaire, destinée aux assurés les plus précaires, comme en témoignent les mesures adoptées par le Sénat dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
La qualité et la sécurité du parcours de soins des patients ne sont pas altérées par la mise en place du forfait patient urgences : l’accès aux urgences est toujours possible pour les patients qui ne disposent pas de leur carte Vitale ou de leur pièce d’identité, de même que pour ceux ayant des difficultés à consulter un médecin en ville.
Bien sûr, il nous faut continuer à agir pour un meilleur accès aux soins de tous les patients : c’est là une priorité constante du Gouvernement.
En tout état de cause, durant ces quatre dernières années nous avons essayé de résoudre ensemble les difficultés structurelles que vous évoquez : nous avons ainsi encouragé le développement de l’exercice coordonné de la médecine, grâce à la mise en œuvre des communautés professionnelles territoriales de santé, et nous avons favorisé la création de postes d’assistants médicaux, le déploiement de 400 médecins généralistes dans les territoires prioritaires ainsi que la mise en place du service d’accès aux soins. Nous continuerons à déployer l’ensemble de ces mesures.
impact du parc éolien des quatre seigneurs sur les riverains et les élevages
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 2014, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Laurence Garnier. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le parc éolien des Quatre Seigneurs, situé sur le territoire des communes de Nozay, Puceul, Abbaretz et Saffré, au nord de la Loire-Atlantique.
Depuis plusieurs années, des éleveurs ont signalé des problèmes de santé touchant leurs animaux : plusieurs d’entre eux sont morts, tandis que d’autres souffrent de mammites, engendrant des baisses très nettes de la production de lait.
De plus, certains riverains du site ont fait état de troubles de santé tels que des maux de tête ou des troubles du sommeil.
Prenant acte de ces difficultés, le ministre de la transition écologique et le ministre de l’agriculture ont demandé à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) de réaliser une enquête. Selon les conclusions de celle-ci, publiées le mois dernier, un lien entre l’implantation des éoliennes et les difficultés rencontrées par les éleveurs apparaît hautement improbable, voire exclu.
Pourtant, l’Anses ne conteste pas les difficultés et les troubles de santé, bien réels, constatés sur le territoire.
De quelle manière envisagez-vous d’approfondir les recherches, monsieur le secrétaire d’État ?
L’Anses suggère la création d’un observatoire recensant toutes les perturbations liées à la présence d’éoliennes à proximité des élevages. Pensez-vous suivre cette recommandation de l’Agence ? Sinon, quel dispositif comptez-vous mettre en place ?
Sur place, les éleveurs et les riverains du site, de même que les maires et les élus locaux, attendent des réponses. Plus largement, nous avons tous besoin de comprendre ce qui se passe sur ce site, car cette situation alimente les inquiétudes et les doutes suscités par le développement du parc éolien français. Je vous remercie par avance de vos réponses, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, je souhaite en préambule revenir sur l’ensemble des conclusions – récentes ou plus anciennes – établies au sujet du parc éolien des Quatre Seigneurs et des troubles touchant les bovins rapportés par deux éleveurs.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail avait été saisie par le Gouvernement en mai 2019 ; elle a rendu son avis le 16 décembre dernier, concluant que les troubles rencontrés ne sont très probablement pas liés à la présence des éoliennes.
Les conséquences de l’implantation de parcs éoliens sur la santé humaine ont fait l’objet de plusieurs expertises. La dernière porte plus particulièrement sur le bruit émis par ces dispositifs.
Dans un avis rendu en 2017, l’Anses précisait que les données disponibles ne mettaient pas en évidence d’arguments scientifiques suffisants en faveur de l’existence d’effets sanitaires qui seraient liés à l’exposition aux infrasons et aux basses fréquences émis lors du fonctionnement des éoliennes.
Par ailleurs, dans son rapport de 2017, l’Académie nationale de médecine indiquait que les nuisances sanitaires des éoliennes terrestres semblent avant tout d’ordre visuel et, à un moindre degré, sonore.
Sachez par ailleurs qu’une étude épidémiologique est en cours, madame la sénatrice : il s’agit du projet de recherche sur les impacts du bruit éolien sur l’humain, dit RIBEolH, mené par l’université Gustave-Eiffel, qui a pour objectif d’étudier les effets sur la santé du bruit émis par les éoliennes. Une étude psycho-acoustique et physiologique sera menée afin de comprendre les mécanismes auditifs qui sont associés à la gêne due aux infrasons.
Les résultats de cette étude, attendus pour 2025, devraient apporter des éléments scientifiques complémentaires au sujet des effets de l’éolien sur la santé humaine. Nous disposerons ainsi de données complètes et vérifiées.
dysfonctionnements dans la nièvre à la suite du transfert du centre de réception et de régulation des appels 15 en côte-d’or
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 2050, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Patrice Joly. Monsieur le secrétaire d’État, depuis le 2 octobre 2018, le projet régional de santé arrêté par l’ARS de Bourgogne-Franche-Comté a confié au CHU de Dijon la régulation médicale des appels au centre 15, afin de « garantir à la fois la qualité de la régulation des appels d’urgence et un renfort à distance des équipes médicales d’urgence nivernaises par les équipes du CHU de Dijon ».
Trois ans plus tard, nous disposons du recul nécessaire pour évoquer les nombreux dysfonctionnements résultant de ce transfert, dont les Nivernais sont malheureusement victimes.
Les personnels et les élus, que j’ai consultés, sont unanimes.
Tout d’abord, ils nous ont tous fait part des grandes difficultés rencontrées par les Nivernais pour joindre le centre 15 de Dijon, très engorgé, parfois injoignable et n’offrant régulièrement aucun accès à un médecin urgentiste régulateur.
De plus, ils ont constaté que les délais d’intervention se sont allongés en raison d’imprécisions dans les informations transmises du fait d’une méconnaissance du territoire – erreurs dans les adresses communiquées, méconnaissance des hôpitaux de proximité pouvant accueillir les victimes, incohérences dans les données médicales fournies.
Ces retards sont susceptibles d’entraîner des pertes de chance et, pour certains, constituent d’ores et déjà la cause d’un certain nombre de décès qui auraient pu être évités.
Les situations au cours desquelles les pompiers se retrouvent totalement seuls face aux victimes se multiplient : ils doivent alors prodiguer des soins en l’absence de médecins urgentistes, qu’ils attendent en vain, ou composer entre les instructions parfois contradictoires du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Nièvre et du centre 15.
Enfin, on observe également des difficultés de régulation entre les ambulances privées et les pompiers, difficultés qui compromettent encore la rapidité des interventions et entraînent une plus forte mobilisation des pompiers.
Vous l’aurez compris, cette situation participe d’un sentiment d’abandon et d’insécurité de la population nivernaise, qui se sent une nouvelle fois isolée et fragilisée sur le plan de la santé. De plus, les pompiers volontaires sont démotivés.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle analyse faites-vous de ces difficultés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, le regroupement de la régulation médicale des appels au centre 15 de la Nièvre et de la Côte-d’Or visait à répondre au constat récurrent de dysfonctionnements graves – je pense que nous pourrons nous rejoindre sur ce point.
Il a été réalisé dans la concertation avec l’ensemble des acteurs de l’urgence sur le terrain et grâce à l’engagement remarquable des équipes du CHU de Dijon. La réussite de ce travail partenarial a d’ailleurs été saluée au mois d’octobre 2020 par le président du conseil d’administration du SDIS de la Nièvre lui-même, ainsi que par le président de l’association départementale des transports sanitaires urgents de la Nièvre.
Loin de concourir, comme vous l’avez indiqué, à un « abandon » de la population nivernaise, cette nouvelle organisation place directement les équipes du CHU de Dijon au service des Nivernais. Elle garantit la plus stricte égalité de la qualité de la régulation médicale des appels d’urgence – que ces appels proviennent du cœur du Morvan ou du centre-ville de Dijon.
J’ajoute que le centre 15 du CHU de Dijon fait partie des vingt-deux sites pilotes nationaux qui ont été retenus pour déployer le service d’accès aux soins : les habitants de la Nièvre bénéficieront ainsi de la primeur de ce nouveau service.
Enfin, le projet régional de santé arrêté par l’agence régionale de santé prévoit une évaluation externe et approfondie de ce regroupement, portant sur toutes les dimensions de la transformation. Engagée depuis la fin de l’année dernière, cette évaluation associe un nombre important d’acteurs de terrain – je crois que vous y êtes vous-même associé, monsieur le sénateur, ou, qu’en tout cas, vous avez été invité à participer à ces travaux.
Je ne peux que vous encourager à y prendre part et à poursuivre le dialogue avec l’agence régionale de santé afin d’évaluer cette réorganisation sur des bases techniques, précises et objectives : nous souhaitons tous améliorer la qualité du service rendu aux Nivernais, quelle que soit leur localisation.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Je participerai prochainement à cette évaluation. Vos propos, monsieur le secrétaire d’État, laissent à penser qu’en théorie les choses fonctionnent bien. Mais ce qui se passe dans la Nièvre ne correspond pas à la situation du pays imaginaire que vous avez décrite.
situation préoccupante du groupe hospitalier du sud de l’oise
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 2058, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la situation préoccupante du groupe hospitalier public du sud de l’Oise (GHPSO).
La population de ce bassin de vie voit depuis très longtemps l’état de son groupement hospitalier se dégrader, et cette dégradation s’est encore accélérée depuis le début de la crise sanitaire.
La désertification de la médecine de ville et la fusion des sites hospitaliers de Senlis et de Creil, imposée par les autorités sanitaires, ont créé les conditions d’un basculement sans retour lorsque l’épidémie est apparue.
La diminution du nombre de lits d’hôpitaux, les transferts de compétences incompréhensibles, les fermetures de services par souci d’économie de façade, comme pour la maternité, ou par manque de personnel, comme pour le service de cardiologie ainsi que l’envoi du personnel d’un site à l’autre – et donc d’une ville à l’autre : Creil et Senlis sont deux villes distantes d’une dizaine de kilomètres ! – en fonction des urgences ont entraîné la fuite des personnels épuisés par leurs conditions de travail et ont plongé les habitants de ce bassin de vie dans une grande précarité sanitaire – une précarité supplémentaire dont ils n’avaient pas besoin !
Durant l’été 2021, le service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) a été suspendu – de manière temporaire heureusement – en raison du manque de ressources médicales. Durant les fêtes de fin d’année, le service des urgences de Senlis a été fermé à son tour.
La fusion des maternités devait permettre de créer une « super maternité » à l’échelle de l’agglomération. Or le nombre d’accouchements a chuté de 30 %, puisque les femmes se déplacent désormais vers le nord de l’Oise et choisissent des cliniques privées, ou se rendent directement en Île-de-France.
Un plan de relance a été annoncé récemment, de même que le recrutement d’un nouveau directeur – l’intérim étant assuré par le directeur de l’hôpital de Beauvais.
Tel est le contexte dans lequel s’inscrivent mes questions.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle sera la feuille de route de la nouvelle équipe ? Sera-t-elle en mesure de mener l’exécution des travaux du dernier étage de l’hôpital ? Quand le nouveau matériel promis aux équipes arrivera-t-il ?
La ville de Creil est devenue délégataire de service public de l’État en matière de dépistage et de vaccination. La totalité des frais engagés depuis le début de l’épidémie de covid-19 lui sera-t-elle remboursée ?
Le moratoire sur la dette de l’hôpital attendu de longue date sera-t-il mis en place ?
Enfin, envisagez-vous la réouverture de la maternité de Creil ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, votre question dense et précise appelle une réponse de même teneur !
La feuille de route adressée au nouveau directeur par intérim porte notamment sur deux chapitres : d’une part, la situation aux urgences, et, d’autre part, la rédaction du projet stratégique et médical.
Permettez-moi de rappeler que l’ARS est intervenue spécifiquement sur le service d’accueil des urgences : une délégation de personnes-ressources expertes a travaillé dès le mois de novembre 2021 avec les équipes de l’établissement pour proposer une organisation sécurisée des urgences et du SMUR de Creil.
L’ARS conduit d’ailleurs une réflexion sur l’organisation globale du GHPSO ; elle mettra à la disposition du directeur par intérim les moyens et l’expertise nécessaires pour poursuivre la réflexion sur les restructurations indispensables à court et moyen terme.
Le projet médico-soignant constitue l’outil pour parvenir à ces objectifs. Il devra formaliser les filières intrahospitalières de prise en charge des patients en aval des urgences, ainsi qu’entre les sites de Creil et de Senlis. Par ailleurs, il devra consolider le schéma directeur des investissements pour engager la modernisation tant attendue des établissements, notamment des derniers étages du site de Creil.
Les premiers travaux préfigurateurs ont été menés : ils doivent être poursuivis par les instances pour finaliser le projet. Il convient de ne pas perdre de vue que le projet architectural doit être au service du projet médical et non le contraire. Je rappelle d’ailleurs qu’une aide de 35 millions d’euros, au titre des investissements structurants, a été prévue pour ce projet.
Il sera également nécessaire de porter une attention particulière à la filière gériatrique du territoire, eu égard aux caractéristiques de la population, que vous connaissez bien.
Il conviendra en outre de constituer le dossier de présentation du projet au dispositif du Ségur de la santé, au titre du soutien aux investissements prioritaires – la clé de voûte de la nouvelle gouvernance du GHPSO.
En lien avec les acteurs locaux, celle-ci devra notamment consolider les coopérations avec les centres hospitaliers du territoire et rechercher des partenariats indispensables avec les professionnels de santé de ville pour faciliter et développer l’ensemble des parcours de soins.
Concernant les surcoûts, l’établissement a indiqué que la compensation couvrait les charges engagées.
Enfin, un éventuel moratoire sur la dette n’est pas du ressort de l’ARS ou de l’établissement : ce dernier est contraint de rembourser ses prêts, sous peine d’être fiché à la Banque de France et d’être déclaré interdit bancaire.
Tels sont les premiers éléments de réponse que je souhaitais porter à votre connaissance, madame la sénatrice.
responsabilité pénale des communes ou intercommunalités et soins médicaux
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, auteur de la question n° 2030, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Christian Bilhac. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la question de la responsabilité pénale des maires, des présidents d’intercommunalités et des présidents de conseils départementaux qui salarient des médecins.
Face à la pénurie de médecins en milieu rural ou hyper-rural, de nombreuses collectivités choisissent en effet de recruter des médecins salariés pour pallier l’absence de médecins libéraux. Ainsi, en Occitanie, le conseil régional a décidé de lancer un plan de soutien aux collectivités pour lutter contre les déserts médicaux.
Bien que ces médecins soient employés par une collectivité territoriale, leurs salaires sont généralement indexés sur ceux de la fonction publique hospitalière – c’est le cas par exemple en Saône-et-Loire dans le centre médical départemental. Ils disposent ainsi d’un régime de rémunération différent de tous les autres employés territoriaux.
Il semble par ailleurs déraisonnable que les médecins salariés des centres de santé territoriaux soient assujettis aux mêmes contraintes et aux mêmes lois que ceux exerçant dans des hôpitaux publics, eu égard à la différence de moyens, de matériel et d’encadrement existant entre les deux systèmes.
Ces médecins ont dès lors un statut ambigu, car ils répondent aux contraintes et devoirs spécifiques relatifs à la profession médicale, notamment à la prise en charge des patients, mais ils sont également soumis aux mêmes règles que n’importe quel agent territorial.
Bien que responsable des actes de tous ses agents, comme le prévoit l’article L. 121-3 du code pénal, l’employeur public se trouve face à un agent qui possède des caractéristiques spécifiques et des compétences que lui-même ne maîtrise pas. Tous les maires ne sont pas médecins !
Nombre d’entre eux s’interrogent : leur responsabilité pénale pourrait-elle être engagée en cas de problème lié à cette activité ? Un délai trop long d’intervention, une erreur de diagnostic ou encore un manque de moyens du cabinet médical pourraient-ils être invoqués ? Madame la ministre, pouvez-vous rassurer les maires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Christian Bilhac, comme vous le soulignez, l’accès aux soins pour tous et sur tout le territoire, notamment en milieu rural, est au cœur des préoccupations des Français. Dans le cadre de la stratégie Ma santé 2022, le Gouvernement a engagé une réforme des soins de proximité visant à y répondre.
Pour faire face à des besoins spécifiques sur leur territoire, les collectivités et leurs groupements peuvent recruter, au sein notamment des centres de santé dont elles sont gestionnaires, des médecins généralistes salariés. Les conditions de recrutement et d’emploi seront précisées notamment par les articles 33 et 34 du projet de loi 3DS.
En principe, la responsabilité pénale peut être recherchée à l’égard des professionnels de santé, des établissements et des services et organismes de santé.
La responsabilité pénale d’un professionnel de santé peut en effet être recherchée dans le cas où il est l’auteur direct d’une infraction par commission d’une faute ou d’un manquement qui se trouve directement à l’origine du dommage, ou dans le cas où il est l’auteur indirect d’une infraction par commission d’une faute ou d’un manquement qui a contribué à la situation ayant permis la réalisation du dommage.
Par ailleurs, certains délits susceptibles d’engager la responsabilité pénale d’un professionnel de santé sont totalement indépendants de toute notion de dommage, comme la mise en danger d’autrui.
Toutefois, dans le cas que vous évoquez, il semblerait qu’aucune jurisprudence n’ait, à ce jour, admis la responsabilité pénale d’un maire ou d’un président d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) du fait d’une faute commise par un professionnel de santé salarié de la commune ou de l’EPCI.
En effet, la responsabilité pénale est personnelle, comme le prévoit l’article L. 121-1 du code pénal aux termes duquel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». C’est donc bien la responsabilité pénale du professionnel de santé qui sera recherchée en premier lieu.
éligibilité des dépenses de déneigement au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, auteur de la question n° 2039, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Éric Gold. Madame la ministre, nous voici en plein cœur de l’hiver et, dans certaines régions, la neige a fait son apparition depuis déjà plusieurs semaines, parfois de manière très abondante.
L’entretien des routes communales faisant partie des attributions des mairies, les services municipaux ont pour obligation d’assurer le déneigement des voies. Or cette mission est considérée comme une dépense de fonctionnement, et non d’investissement, ce qui ne la rend pas éligible au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Comme le balayage, le déneigement est assimilé à une dépense visant à assurer des conditions normales de circulation, et non comme un travail d’entretien et de réparation de la voirie. Les communes ne peuvent donc pas l’imputer sur le compte « entretien et réparation – voirie » créé en 2016, qui permet d’identifier les dépenses d’entretien de la voirie éligibles au FCTVA.
Certes, ces opérations bénéficient du taux réduit de TVA à 10 %, mais leur coût, qui demeure élevé, pèse sur le budget des communes.
J’ai ainsi été interpellé par plusieurs maires de mon département, pour qui les dépenses de déneigement constituent une lourde charge chaque hiver. De plus, dans ces territoires ruraux, l’offre de prestataires est limitée, ce qui empêche toute négociation des tarifs à la baisse.
Les gouvernements successifs ont jusqu’à présent refusé de procéder à une réforme visant à rendre le déneigement éligible au FCTVA. La situation a toutefois évolué. Aujourd’hui, nos collectivités font face, comme le reste de la population, à une forte inflation, notamment à une envolée des prix de l’énergie, qui entraînent pour certaines communes des dérapages de budget difficiles à assumer, dans un contexte de crise déjà tendu.
Aussi, nous sommes nombreux à considérer qu’un geste de l’État serait particulièrement bienvenu dans cette période compliquée. L’entretien de la voirie pourrait aisément être considéré comme une dépense d’investissement, puisqu’elle permet d’éviter d’autres dépenses à moyen et à long terme.
Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement quant à l’éligibilité des dépenses de déneigement au FCTVA ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Éric Gold, le FCTVA vise par principe à soutenir l’investissement local en compensant la TVA payée par les collectivités sur leurs dépenses d’investissement. À titre dérogatoire, le FCTVA a été ouvert à certaines dépenses de fonctionnement, telles que les dépenses d’entretien des bâtiments publics, de la voirie et des réseaux.
Or les coûts liés aux opérations de déneigement constituent des dépenses de fonctionnement qui ne sont pas rattachables aux dépenses d’entretien de la voirie, qui permettent de maintenir la voirie dans des conditions normales de circulation. Par conséquent, du fait de leur nature, au même titre que les dépenses de nettoyage des locaux, les dépenses de déneigement n’entrent pas dans le champ des dépenses éligibles au FCTVA.
En outre, les dépenses de déneigement sont souvent des contrats de prestations de services, réalisées par une entreprise extérieure : elles ne sont donc pas davantage éligibles que les contrats de maintenance, prévus par exemple pour l’entretien des installations de sécurité des bâtiments publics.
Les dépenses de déneigement bénéficient toutefois d’un taux de TVA réduit à 10 %, notamment sur les remboursements et les rémunérations versés aux exploitants assurant les prestations de déneigement des voies publiques. De cette manière, l’État soutient indirectement les collectivités dans les dépenses qu’elles engagent à ce titre, le coût de cette réduction de TVA étant de l’ordre de 8 millions d’euros pour l’État.
Si le législateur a souhaité ouvrir à titre dérogatoire le bénéfice du FCTVA à certaines catégories de dépenses d’entretien, il n’est pas prévu, à ce stade, d’ouvrir l’éligibilité du fonds à des dépenses d’une autre nature.
Ce nouvel élargissement de l’assiette interviendrait dans le contexte de la mise en œuvre progressive de la réforme de l’automatisation du FCTVA, amorcée le 1er janvier 2021 et qui se poursuivra jusqu’en 2023. Dans ce contexte, il paraît préférable de privilégier une stabilité de l’assiette, conformément à l’objectif de neutralité budgétaire de la réforme.
communes privées de dotation
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 1838, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur la situation financière des communes rurales qui sont privées de dotations d’État. Leurs difficultés sont considérables et les maires se sentent asphyxiés, mais surtout abandonnés.
Ils se sentent asphyxiés pour une raison simple : ils n’ont pas de moyens. Ils ont beau voter des budgets avec des charges de fonctionnement toujours plus réduites, ils ne peuvent plus rien faire !
Mais, avant tout, ces maires se sentent abandonnés.
Ayant été saisie par le maire d’une commune de Saône-et-Loire, Massilly, qui compte 361 habitants, j’ai écrit à votre ministère le 5 juillet dernier. Je n’ai reçu de réponse ni à ce courrier, ni à la question écrite que je vous ai adressée le 7 octobre.
Madame la ministre, j’ose espérer que ce matin vous pourrez m’apporter une réponse pour ces maires. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour éviter que la situation ne se reproduise ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Marie Mercier, les communes rurales bénéficient tout particulièrement des choix opérés depuis 2017 : les concours financiers de l’État ont été stabilisés, le soutien à l’investissement local a été renforcé et l’effort de solidarité a progressé.
Je souligne que seul un nombre anecdotique de communes rurales n’ont plus reçu de dotation globale de fonctionnement (DGF) en 2021 : à peine 1 % des communes de moins de 3 500 habitants – 436 sur 31 578 – est concerné. Cette situation résulte du fait que leur dotation forfaitaire est nulle et que leurs indicateurs de richesse, notamment leur potentiel financier par habitant, sont meilleurs que ceux de leurs homologues, ce qui les exclut de la péréquation.
Les communes rurales sont, dans leur immense majorité, bien dotées par l’État.
J’en veux pour preuve que la dotation de solidarité rurale (DSR) atteindra près de 1,88 milliard d’euros en 2022, contre 421 millions d’euros en 2004. La loi de finances pour 2022 prévoit une augmentation de 95 millions d’euros de cette dotation par rapport à 2021, soit un effort encore supérieur à celui réalisé l’an passé.
De 2017 à 2021, la « DSR cible », dont bénéficient les 10 000 communes rurales les plus fragiles, a par ailleurs augmenté de 57 %, tandis que la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), qui a permis de soutenir plus de 20 000 projets en 2020, s’élève à 1,046 milliard d’euros en 2022.
Les communes rurales bénéficient également de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui atteindra le montant historique de 873 millions d’euros en 2022.
Enfin, comme toutes les communes, les communes rurales ont largement bénéficié des dotations d’investissement instituées dans le cadre du plan de relance, comme en témoignent l’abondement exceptionnel de la DSIL pour les années 2020 et 2021 à hauteur de 950 millions d’euros ainsi que la dotation de soutien à la rénovation thermique des bâtiments communaux d’un montant de 650 millions d’euros. Ces deux dotations ont aujourd’hui été intégralement engagées au profit du bloc communal.
Ces quelques exemples illustrent la politique volontariste de soutien aux communes rurales menée par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, vous semblez estimer que la situation des communes dont je me fais l’écho serait « anecdotique », mais elle ne l’est certainement pas pour les maires et les administrés de ces communes !
Vous évoquez – entre autres – la DSR et la DGF. Madame la ministre, personne ne comprend plus rien au mode de calcul, qui est devenu illisible et manque de transparence ! Nous essayons de nous rapprocher des trésoreries et des directions départementales des finances publiques (DDFiP). Malgré tout, les règles ne sont pas claires.
Les maires sont des gens pratiques et des gens du terrain. Ils savent compter, or il y a du manquant, comme on dit chez moi !
Vous soutenez que la DGF a augmenté, mais c’est faux ! La Saône-et-Loire subit une baisse globale de 0,8 %. Certes, vous pourrez toujours prétendre que celle-ci est anecdotique. Mais quel est le sens de ce mot lorsqu’on gère une commune et que la démocratie de proximité s’appuie, jour et nuit et 365 jours par an, sur les maires ? Le sacerdoce que les maires vouent à leur commune n’est pas anecdotique !
Je souhaite vraiment que le Gouvernement prenne la mesure de ces difficultés financières et ne plus jamais entendre ce mot : « anecdotique » ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
soutien de l’état dans la gestion communale des eaux
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la question n° 2067, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés de gestion de l’eau rencontrées par les municipalités qui ont choisi d’en conserver la compétence jusqu’en 2026, comme le prévoit la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.
Ce choix a été fait par certaines communes rurales pour lesquelles le transfert de cette compétence à l’EPCI n’était pas opportun au regard de leur organisation.
Toutefois, dans le cadre de l’exercice de cette faculté, nombre d’entre elles se sentent aujourd’hui abandonnées par l’État et complètement dépassées aussi bien dans l’adoption d’un mode de gestion que pour faire face aux coûts qu’implique le maintien des compétences eau et assainissement.
Or la gestion de l’eau est capitale.
À titre d’exemple, le maire de la commune de Chapois, dans le département du Jura, hésite à lancer d’importants travaux sur le réseau, lesquels seraient pourtant plus que nécessaires pour la pérennité de l’approvisionnement en eau.
De tels travaux ont un coût élevé, or la quasi-totalité des agences de l’eau excluent du mécanisme d’aide les communes qui ont décidé de ne pas transférer leur compétence.
Les élus attendent un véritable soutien de l’État. Ils veulent d’abord être accompagnés dans la conduite technique et financière de ces travaux. Compte tenu des enjeux liés aux sécheresses, ils espèrent également une aide prospective à la décision en termes de gestion de l’eau.
Avant d’engager des travaux, les petites communes ont besoin de conseils techniques fiables. Or aucun document-cadre n’a à ce jour été édité par les services déconcentrés, ce qui laisse les communes livrées à elles-mêmes, dans l’incertitude. Tout juste les renvoie-t-on à la réalisation d’études prospectives qu’elles n’ont pas les moyens de mener ou pour lesquelles elles ne trouvent pas de spécialistes.
Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour mettre fin aux inquiétudes des communes rurales et faire en sorte qu’elles ne se trouvent pas démunies face aux investissements durables qu’elles doivent réaliser ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Sylvie Vermeillet, nous partageons le constat qu’il est nécessaire d’investir massivement dans les réseaux d’eau et d’assainissement pour garantir leur fiabilité et assurer ainsi un meilleur service aux usagers.
Dans cette perspective, plusieurs outils sont à la disposition des acteurs locaux.
Les communes rurales sont ainsi éligibles aux aides des agences de l’eau. Des critères de priorisation des dossiers ont été instaurés pour accompagner le transfert des compétences eau et assainissement aux EPCI. Mais les communes qui ont fait le choix de conserver ces compétences peuvent également être financièrement accompagnées pour l’entretien de leurs réseaux.
Vous évoquez la commune de Chapois. Cette ville de 219 habitants peut également bénéficier de l’aide conventionnelle proposée par le département du Jura qui, depuis 2019, a renforcé son action en la matière via l’agence Territoires Ingénierie Jura.
Dans ce cadre, la commune peut obtenir une assistance technique en matière d’assainissement, qu’il s’agisse de la gestion patrimoniale de son système d’assainissement collectif ou de l’organisation du contrôle des installations autonomes.
Les compétences eau et assainissement sont des compétences historiques, non pas de l’État, mais des communes. La situation que vous décrivez confirme cependant le bien-fondé de la démarche d’intercommunalisation que promeut le Gouvernement.
La loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes que vous avez citée ouvre une possibilité de report, afin de bien préparer le transfert de ces compétences. Dans cette perspective, le Gouvernement se tient à l’écoute des communes rurales qui sollicitent un temps de préparation.
Toutefois, seule la mutualisation des moyens des communes permet d’améliorer le service rendu aux usagers et de faire face aux besoins en termes d’ingénierie et d’investissement indispensables sur les réseaux.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, à l’évidence, les agences de l’eau se penchent sur les difficultés des métropoles et pas sur celles des petites communes. Ce que vous venez de me dire reste donc à démontrer.
sanctuarisation de la dotation globale de fonctionnement
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 2025, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, le 18 novembre 2021, à l’occasion du Congrès des maires, le Président de la République affirmait que « conformément aux engagements pris, la dotation globale de fonctionnement [avait] été sanctuarisée ».
Après les 700 millions d’euros de baisse de cette importante aide de l’État aux communes, la plus importante même sous le quinquennat Hollande-Macron – M. Macron était alors ministre des finances –, cette sanctuarisation de façade annoncée par Emmanuel Macron-président cache en fait une réalité bien différente, en trompe-l’œil.
En effet, plus de la moitié des communes, 53 % d’entre elles exactement, subissent encore une diminution de leur dotation globale de fonctionnement. Cette baisse concerne 55 % des communes de moins de 1 000 habitants, même si l’on part du niveau le plus bas atteint depuis 2017.
Vous hiérarchisez les communes en opposant les quelques rares gagnantes aux nombreuses perdantes. Le « quoi qu’il en coûte » s’est visiblement arrêté au perron des mairies.
Pourtant, cela fait deux ans que les communes, eu égard aux moyens dont elles disposent, sont absolument exemplaires dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, palliant ainsi la longue inertie de l’État.
Aujourd’hui, les maires doivent gérer de plus en plus de champs d’action, notamment pour le compte de l’État, et ce, malgré une pression financière croissante. À la différence de l’État, ils ont en outre l’obligation de voter leur budget en équilibre.
Après de longues années de pertes financières, on aurait pu s’attendre à une forme de reconnaissance budgétaire. Cet espoir a été douché par un État ingrat, qui demande toujours beaucoup, aide toujours moins, et étouffe progressivement les collectivités.
Madame la ministre, quand le Gouvernement sanctuarisera-t-il réellement, voire augmentera-t-il la DGF, après cette longue période de détérioration, de sorte qu’aucun maire ne voit sa dotation baisser de nouveau ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Tabarot, le Gouvernement a fait le choix de mettre un terme à la baisse unilatérale des dotations de l’État aux collectivités territoriales, particulièrement à celle de la DGF.
Depuis 2018, la DGF versée aux communes est stable au niveau national. C’est un engagement que nous avons tenu : le Président de la République a donc raison de le rappeler.
Bien entendu, et vous le savez très bien, monsieur le sénateur, les règles de répartition peuvent conduire à des variations dans les attributions individuelles aux communes, à la hausse comme à la baisse.
La DGF doit rester une dotation « vivante », calculée chaque année pour tenir compte de la réalité de la situation de chaque collectivité à partir de critères objectifs de ressources et de charges. Je crois que ce fonctionnement correspond à la demande des élus.
Si nous figions la DGF de chaque commune, cela signifierait que certaines communes gagnantes, par exemple des communes rurales pauvres ou des villes dont la population augmente fortement, ne verraient pas leurs dotations suivre, ce qui serait profondément injuste.
J’ajoute que la sanctuarisation de l’enveloppe de la DGF s’accompagne d’un effort assumé en faveur de la péréquation et, donc, d’une forme de solidarité en direction des communes les moins dotées.
De 2017 à 2021, environ 740 millions d’euros ont ainsi été redéployés des composantes historiques ou figées de la DGF vers les dispositifs de la péréquation communale.
Par ailleurs, considérer les variations individuelles du montant brut de la DGF n’a que peu de sens. Si cette dotation représente en moyenne 15 % des recettes de fonctionnement des communes, cette proportion varie très fortement d’une commune à l’autre. Il faut en réalité la rapporter au budget de chacune pour en avoir une perception fidèle. Depuis 2017, dans près de 3 700 communes, la hausse de la DGF a ainsi été supérieure à 5 % des recettes de fonctionnement.
Enfin, en réponse à votre attaque contre un gouvernement, le nôtre, qui ne soutiendrait pas les collectivités en ces temps de crise, je rappelle que l’ensemble des dotations hors DGF – je pense notamment à la DETR, à la DSIL, à la dotation de solidarité urbaine (DSU) et à la DSR – ont augmenté ces deux dernières années.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Je ne dois pas avoir de chance, madame la ministre, parce que les communes de mon département que je connais le mieux subissent toutes une diminution de leur dotation par rapport à 2020 : pour Grasse, la baisse est de 400 000 euros ; pour Vallauris, elle atteint 110 000 euros ; pour Le Cannet, enfin, elle s’élève à 100 000 euros.
La mise sous tutelle se poursuit, madame la ministre : en témoigne la réalité édifiante de mon département !
contrats d’assurance souscrits par les collectivités
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, auteur de la question n° 2018, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Vivette Lopez. Madame la ministre, ma question a trait aux souscriptions de contrats d’assurance, notamment pour les dommages aux biens des collectivités.
Plusieurs assureurs habituels semblent en effet mener une politique de plus en plus restrictive auprès des collectivités, tout spécialement à l’égard des communes situées dans des zones jugées à risque élevé. Nous le constatons en particulier dans le Gard.
Les élus se trouvent de plus en plus souvent confrontés à des appels d’offres infructueux, ce qui les inquiète vivement quant à l’assurabilité de leurs biens.
Aussi, et notamment du fait de la hausse de la sinistralité climatique, de nombreuses collectivités font désormais face à une situation particulièrement inconfortable, qui pourrait les pousser à contractualiser avec des assureurs situés hors de France, et ce, sans avoir la garantie que leurs contrats seront bien gérés.
Au vu de cette situation qui touche un nombre croissant de collectivités, pourriez-vous préciser les mesures que le Gouvernement entend prendre, madame la ministre, non seulement pour rassurer les maires, mais aussi pour assurer nos biens communs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Lopez, votre question soulève une difficulté qui nous a été remontée par quelques collectivités, même si elle reste très localisée au niveau de certains territoires dans lesquels les risques naturels sont très importants.
Rappelons quelques éléments de contexte pour bien comprendre la situation.
Dans un passé récent, un grand nombre d’assureurs se sont intéressés aux risques subis par les collectivités. Parfois, on a même observé qu’une dizaine d’entreprises répondaient aux appels d’offres. Il en a résulté une pression à la baisse sur les tarifs des polices d’assurance.
Depuis quelques années, cependant, les collectivités font face à une sinistralité croissante, du fait d’incendies ou d’événements climatiques graves, notamment dans les régions montagneuses du sud du pays.
L’augmentation du coût des risques assurables a donc conduit certains acteurs à se retirer du marché. Parallèlement, les assureurs restant sur le marché ont augmenté leurs tarifs, en relevant les franchises, par exemple.
À terme, cette situation pourrait présenter deux risques.
En premier lieu, certaines collectivités pourraient renoncer à souscrire une police d’assurance.
En second lieu, l’État pourrait être contraint d’aider les collectivités à négocier leurs contrats ou de contribuer à leur paiement, ce qui n’est pas son rôle, et ce qui ne serait pas conforme à l’esprit de la décentralisation. Surtout, une telle démarche serait inefficace, puisque le subventionnement des assurances ne conduirait sans doute qu’à une hausse de leur coût.
Le rôle de l’État est avant tout d’accompagner les collectivités dans la définition de projets d’aménagement de leur territoire permettant d’identifier les risques et d’anticiper le changement climatique afin d’améliorer leur résilience.
Il a également pour mission de les accompagner dans la mise en œuvre de travaux de protection contre les risques et d’aménagements urbains résilients – je pense aux mises aux normes incendie, à la prévention des inondations, à la renaturation des sols ou des friches.
Des financements existent : subventions d’investissement, comme la DSIL, crédits des agences de l’eau ou du fonds pour le recyclage des friches – le fonds Friches –, mobilisation de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi).
Ce soutien permet de prévenir les risques et les coûts potentiels qui y sont associés et partant, de réduire le coût de l’assurance.
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour la réplique.
Mme Vivette Lopez. Madame la ministre, je regrette votre réponse, qui a manifestement été préparée à l’avance. Vous n’avez fait que lire des informations…
En attendant, les maires ne peuvent plus souscrire de contrat d’assurance. Peut-être qu’à un moment donné, ils ne chercheront même plus à le faire ou le feront auprès d’assureurs étrangers, ce qui est un peu dommage.
Tout comme mes deux précédents collègues, Marie Mercier et Philippe Tabarot, je vous alerte sur le fait que nos collectivités souffrent profondément du manque d’intérêt que vous leur portez, que ce soit pour les subventions ou pour les aides.
Le maire d’une commune vient encore de m’interpeller, parce que, depuis le 3 octobre dernier, à la suite des inondations… Je m’arrête là, madame la ministre, car je constate que ce que je vous dis ne vous intéresse pas ! Vous êtes sur votre téléphone portable : cela doit être plus important que ce que j’ai à vous dire…
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Madame, je vous ai répondu !
bilan des études menées sur les choucas
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 2000, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Michel Canévet. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller sur les conséquences des dégâts occasionnés par certaines espèces animales sur l’activité agricole.
Vous le savez, pour bien connaître le sujet, les agriculteurs sont aujourd’hui en grande difficulté, non seulement parce qu’ils ne tirent pas de leurs ventes des prix suffisamment rémunérateurs, mais aussi parce qu’ils doivent faire face à un certain nombre de dommages causés à leur production, ce qui est particulièrement regrettable.
Parmi les espèces à l’origine de ces dégâts, il y a notamment les choucas, ces corvidés qui dégradent souvent les parcelles au moment des semences. Les agriculteurs ne sont du reste pas les seuls à être affectés par les ravages occasionnés par ces volatiles : quand ils vont nicher dans les cheminées, ils peuvent aussi provoquer des incendies dans les maisons.
J’ai déjà eu l’occasion d’interroger le Gouvernement à ce sujet. On m’avait répondu que des études étaient en cours, notamment une étude diligentée par l’université de Rennes pour évaluer l’importance de cette population.
Madame la secrétaire d’État, où en sont ces études ? Quelles sont les premières mesures que le Gouvernement envisage de prendre ? Va-t-on enfin faire en sorte que les choucas, dont la population s’accroît à grande vitesse, cessent d’occasionner de tels dégâts ? En d’autres termes, va-t-on parvenir à réguler cette espèce ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Canévet, le problème que vous décrivez nous pousse à nous mobiliser depuis de nombreux mois pour trouver des réponses adéquates.
En Bretagne, les dégâts causés par le choucas des tours sont très importants. Ces volatiles constituent une réelle source d’inquiétude pour tous ceux qui sont concernés. C’est pourquoi les agriculteurs, les associations, les collectivités, les services de l’État sont tous mobilisés à ce sujet.
Nous faisons tout d’abord en sorte de disposer d’une meilleure connaissance des effectifs et du comportement de cette population. Sur ce point, les travaux ont pris du retard – je vais y revenir.
Nous menons ensuite des actions de prévention, notamment en anticipant, dans les constructions, ce qui pourrait constituer ultérieurement un habitat pour ces oiseaux.
Enfin, nous prenons des mesures en matière de régulation, notamment via des arrêtés autorisant des prélèvements dérogatoires, qu’il nous faudra préciser sur le fondement des connaissances acquises.
Face aux dégâts causés par le choucas, nous avons non pas une, mais plusieurs solutions à proposer.
Il faut tout d’abord rendre les méthodes de prélèvement, qu’elles prennent la forme de tirs ou de piégeages, plus efficaces.
Il importe aussi de mieux connaître l’écologie de l’espèce.
Ainsi, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de Bretagne a lancé une étude visant à acquérir des connaissances sur les spécificités bioécologiques du choucas, laquelle devait initialement durer deux ans, pour la période 2020–2021.
Cette étude a hélas dû être prolongée, et pour cause : le ministère de la transition écologique et la Fondation François Sommer, qui la financent, ont fait face à des retards dus essentiellement au premier confinement, ainsi qu’à un problème matériel affectant les GPS qui équipaient les oiseaux, et qui étaient destinés à évaluer leurs distances de déplacement afin de cibler les interventions.
Nous avons donc été obligés de conduire de nouvelles opérations de terrain à la suite de ces retards dus, je le répète, aux confinements successifs et aux problèmes techniques rencontrés au niveau du matériel de balisage, qui ont empêché toute collecte de données exploitables.
Les résultats de l’étude seront transmis à la Dreal le 5 février prochain ; leur restitution aux partenaires est prévue au tout début du mois de mars 2022. L’étude sera ensuite présentée aux organisations agricoles, ainsi qu’au conseil scientifique régional du patrimoine naturel.
Un plan régional d’action pour la prévention des choucas, qui intégrera toutes ces données, sera présenté…
M. le président. Merci !
M. le président. Je demande à chacun de respecter le temps de parole qui lui est imparti.
La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces explications.
Il est important que nous agissions vite, car la période des semences va commencer. Il faut absolument que les actions que vous citez aboutissent, d’autant que, je l’ai dit tout à l’heure, les agriculteurs ne parviennent pas à obtenir des prix suffisamment rémunérateurs et qu’à chaque fois qu’ils font face à des dommages au niveau de leur production ce sont autant de pertes d’exploitation qu’ils subissent.
En attendant que nous puissions réellement dresser un bilan de ces études, il nous faut prendre des mesures : je pense à l’éventuelle mise en place de dispositifs d’aide aux calamités agricoles.
dysfonctionnements de la plateforme « maprimerénov’ »
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 1656, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur les dysfonctionnements persistants de la plateforme MaPrimeRénov’.
Cette plateforme centralise les demandes des ménages qui souhaitent bénéficier d’une aide financière et d’un accompagnement dans leurs démarches de rénovation énergétique.
Depuis plusieurs mois, elle doit gérer un nombre élevé de dossiers et n’apparaît pas dimensionnée pour y répondre, si bien que le processus pose aujourd’hui de multiples difficultés aux usagers.
Ainsi les ménages sont-ils confrontés à une dégradation du service en termes de conseil et d’accompagnement comme de traitement des dossiers, à des bugs informatiques répétés et à des délais inadaptés, notamment pour le versement des aides.
La situation est devenue très problématique tant du côté des usagers que des conseillers, qui ne peuvent faire face à cet afflux de demandes et de critiques quant au fonctionnement de la plateforme.
Les désillusions et les mécontentements vont grandissant, sans compter que le choix du « tout numérique » s’est traduit par une exclusion de fait des ménages situés dans l’hyper-ruralité, en raison d’un manque d’accès ou de maîtrise d’internet. C’est toute la notion de service public de la rénovation énergétique qui est actuellement en danger.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour corriger ces dysfonctionnements ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Sollogoub, en 2021, plus de 760 000 dossiers ont été déposés sur cette plateforme et près de 660 000 sont aujourd’hui en cours d’instruction pour un montant de près de 2 milliards d’euros : je crois que l’on peut convenir que MaPrimeRénov’ est un succès incontestable. Celui-ci ne saurait être éclipsé par les quelques dossiers en souffrance que vous évoquez, pour le traitement desquels nous nous mobilisons.
Les enquêtes de satisfaction sont sans conteste : 89 % des bénéficiaires se sont déclarés satisfaits du dispositif et 77 % de la facilité des démarches en ligne. Cela mérite également d’être souligné.
Cela étant, je vous rejoins sur un point : des bugs informatiques et une très forte demande ont créé des dysfonctionnements et suscité des retards dans le traitement de certains dossiers dits « en difficulté ». Il faut cependant savoir que ces dossiers ne représentent que 0,5 % de l’ensemble des dossiers déposés en 2021.
L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a été sollicitée pour les débloquer dans les meilleurs délais. Ainsi, sur les 3 000 dossiers identifiés en souffrance en octobre, 2 575 ont déjà été résolus au 11 janvier 2022 grâce à une équipe dédiée.
Nous avons en outre pris différentes mesures pour répondre à cette situation de surchauffe : tout d’abord, les points de contacts locaux ont été transférés vers le central d’appel de l’ANAH ; des guides en ligne et des foires aux questions ont été complétés et précisés ; des primes exceptionnelles ont été versées ; enfin, l’instauration cette année de France Rénov’, le nouveau service public de la rénovation de l’habitat, contribuera à simplifier les démarches, grâce à une plateforme internet unique et un numéro unique pour 450 guichets répartis sur tout le territoire.
Dans le cadre de MaPrimeRénov’, il est également prévu qu’un mandataire puisse réaliser la demande en ligne pour le compte des ménages, que ce soit un proche ou l’entreprise choisie pour réaliser les travaux. D’après une étude réalisée par Ipsos, une telle démarche concernerait 45 % des dossiers. Cette proportion tout à fait significative prouve qu’il était utile d’autoriser cette procédure de demande en ligne par procuration.
Vous le voyez, madame la sénatrice, le dispositif MaPrimeRénov’ a été soutenu et renforcé. Nous nous attelons à offrir le meilleur accès et à assurer le plus grand succès possible à cette politique de rénovation énergétique des logements, au service des Français bien entendu, mais aussi de la lutte contre le réchauffement climatique.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur le fait que trois départements de la région Bourgogne-Franche-Comté, parmi lesquels la Nièvre dont je suis élue, ne peuvent pas bénéficier de la prime dite de « surchauffe » pour des raisons administratives liées à la nature des financements qu’ils perçoivent et qu’ils n’ont pas choisis, ce qui est particulièrement injuste. En outre, pour ceux qui en sont bénéficiaires, le versement n’interviendra qu’en avril 2022.
Permettez-moi également une remarque sur les dispositifs. D’« Habiter mieux », on est passé à « MaPrimeRénov’ », puis maintenant à « France Rénov’ », tandis que, sur le terrain, les acteurs interviennent avec différentes casquettes : espaces Faire, agences locales de l’énergie et du climat (ALEC), agences départementales d’information sur le logement (ADIL), etc. Il y a là de quoi noyer tout le monde ! Un peu de clarté et de stabilité seraient donc les bienvenues.
Enfin, l’ANAH a annoncé une grande campagne de communication sur la refonte des aides dès le début de cette année. Il serait souhaitable que les effets de cette campagne, notamment en termes de volume d’appels, soient anticipés de manière à éviter d’éventuelles surchauffes.
financement du matériel nécessaire à l’ouverture de nouvelles lignes de trains de nuit
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, auteur de la question n° 1962, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
M. Jean Sol. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le besoin de financement nécessaire à l’ouverture de nouvelles lignes de trains de nuit.
L’étude du développement de nouvelles lignes de trains d’équilibre du territoire (TET), datée du mois de mai 2021, insistait sur la nécessité d’investir dans le matériel roulant, tel que des voitures et des locomotives.
En effet, pour un réseau de 25 trains de nuit, l’étude préconisait l’acquisition de 600 voitures et de 60 locomotives, pour un montant de 1,5 milliard d’euros.
Or, depuis 2018, 144 millions d’euros seulement ont été investis en faveur des trains de nuit. Ce montant semble insuffisant au regard des fortes attentes des usagers et des collectivités, comme en témoigne la pétition « Oui au train de nuit » signée par plus de 200 000 personnes.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a annoncé un ambitieux projet de multiplication des trains de nuit entre 2026 et 2030, pour un montant total de 800 millions d’euros.
À quelle hauteur l’exécutif entend-il investir pour le matériel nécessaire à l’ouverture de ces nouvelles lignes de trains de nuit ? Plus précisément, compte-t-il renouveler le matériel vétuste de la ligne Paris-Latour-de-Carol ? Enfin, pouvez-vous me dire si le concept d’« hôtel sur rails » est à l’étude, au-delà du projet de la start-up française Midnight Trains ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Sol, c’est avec beaucoup de plaisir et de joie que je réponds à votre question, puisque, alors députée et rapporteure du projet de loi d’orientation des mobilités, j’avais moi-même défendu l’indispensable relance des trains de nuit et élaboré un rapport, qui me permet de vous présenter aujourd’hui les nombreuses avancées et les perspectives tout aussi enthousiasmantes en la matière.
Cette offre de transport est effectivement nécessaire, non seulement en termes d’aménagement du territoire, mais aussi pour remédier à l’absence d’alternatives. Il s’agit d’une offre de transport longue distance à la fois écologique et sociale.
En 2017, il ne restait que deux lignes de trains de nuit au niveau national. Ces lignes ont tout d’abord été remises en service par le Gouvernement, au printemps 2021 pour le Paris-Nice, et depuis quelques semaines pour le Paris-Tarbes-Lourdes. Les voyageurs sont au rendez-vous, puisque nous disposons de très bons chiffres de fréquentation.
Nous avons en outre annoncé la relance du train de nuit Paris-Aurillac pour la fin 2023.
De son côté, la SNCF, avec ses partenaires allemand et autrichien, a mis en place, en décembre 2021, le train de nuit Paris-Vienne. Elle envisage désormais de relancer la ligne Paris-Berlin pour fin 2023.
L’élan en faveur de la mise en place d’un nouveau réseau de trains de nuit se poursuit, puisque de nouvelles lignes sont annoncées d’ici 2030.
Le développement de ces lignes implique, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, un renouvellement du matériel roulant, dont le coût s’élèverait au total, selon nos estimations, à 800 millions d’euros.
Les réflexions sont en cours pour affiner les besoins. L’objectif d’un développement des lignes de trains de nuit sera visé à la fois au niveau national et pour toute l’Europe.
Pour terminer, j’évoquerai l’effort consenti en faveur de la ligne de nuit Paris-Latour-de-Carol, qui bénéficie de la rénovation de son matériel roulant.
Ce programme qui concerne toutes les lignes nationales s’achèvera au milieu de l’année 2023 et représente un investissement global de 130 millions d’euros, montant qui sera intégralement financé par l’État, dont 100 millions d’euros le seront dans le cadre de France Relance.
C’est vous dire, monsieur le sénateur, tout l’intérêt que nous portons au redéploiement des trains de nuit.
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.
M. Jean Sol. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Comme vous le savez, les lignes de trains de nuit répondent à un véritable besoin. Celles-ci sont en effet créatrices d’emplois, écologiques, abordables et nécessaires au développement des territoires. Elles sont aussi et surtout indispensables pour désenclaver et relier les territoires les plus éloignés des grands axes de circulation.
Nous ne pouvons donc pas attendre et comptons sur votre réactivité et, surtout, sur votre volonté d’agir le plus rapidement possible pour nos usagers.
difficultés importantes de circulation qui touchent la commune de rungis
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la question n° 2083, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
M. Laurent Lafon. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les importantes difficultés de circulation rencontrées dans la commune de Rungis.
Cette ville, véritable poumon économique de notre département du Val-de-Marne et, plus largement, de l’ensemble de la région Île-de-France, avec près de 35 000 emplois pour 5 700 habitants, entourée par le marché international de Rungis, impénétrable, ainsi que par les autoroutes A86, A10 et A106, saturées et non connectées entre elles, ne peut plus supporter, aussi bien pour ses habitants que pour ceux qui y travaillent, de flux de circulation supplémentaires compte tenu de la voirie existante.
Or il existe actuellement de nombreux projets économiques autour de Rungis, qui présentent tous un réel intérêt : je pense à la création de 170 000 mètres carrés d’entrepôts au niveau du marché d’intérêt national (MIN), à l’installation d’un nouveau siège des douanes et d’un hôtel à l’entrée de la Sogaris, ou encore à l’arrivée du plus gros logisticien mondial à l’entrée du MIN, avec 600 emplois à la clé.
À construction nouvelle une infrastructure de transport nouvelle s’impose.
Les embouteillages actuels ne sont pas dus aux Rungissois sortant de la ville, mais bien plutôt à la multiplicité des axes convergeant vers elle, notamment au niveau de deux carrefours, celui de l’Europe et celui de la République. Ces deux carrefours ne sont pas du ressort de la commune. Or ils impliquent, pour résorber les bouchons, que l’on crée des voies de délestage en amont et en aval.
Des solutions existent. Par exemple, on pourrait créer une voie de contournement, via la voie des Avernais au sud, ou une bretelle d’accès de Rungis vers Paris sur l’A106, comme il en existe une dans l’autre sens.
Bruno Marcillaud, maire de Rungis, travaille depuis son élection sur ce dossier complexe, en mettant en relation les décideurs et en cherchant les financements idoines. Le conseil départemental s’est d’ores et déjà engagé à réaliser des études et à trouver des solutions. Les villes voisines sont elles aussi associées à la démarche. Des pistes ont aussi été évoquées avec Mme Sophie Thibault, préfète du Val-de-Marne.
Néanmoins, pour l’heure, aucune solution n’a été entérinée, et ce, alors même que les projets économiques sont là.
Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : comment l’État compte-t-il s’engager aux côtés des acteurs de terrain pour agir sur la fluidité des axes routiers qui entourent la ville de Rungis ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Lafon, Rungis est effectivement le véritable poumon économique du Val-de-Marne, et plus largement de l’Île-de-France.
C’est pourquoi nous devons nous mobiliser au sujet des difficultés de circulation qui l’affectent, que tout le monde constate et subit.
La commune est un pôle d’échange national et international, qui draine aussi une circulation et des flux régionaux et locaux très importants.
L’État reconnaît le besoin que vous mentionnez d’améliorer autant que possible la fluidité de la circulation : il s’agit vraiment d’un enjeu partagé.
Au niveau national, nous avons déjà conduit un certain nombre d’actions.
Tout d’abord, nous nous sommes résolument engagés à développer le report modal – à cet égard, nous pouvons tous nous réjouir de la remise en service du train des primeurs, ce fameux Perpignan-Rungis, qui est une première réponse pour réduire le nombre de poids lourds.
D’autres projets suivront : je pense évidemment au projet de transport combiné avec le marché international de Rungis, en cours de développement.
Au niveau local, vous l’avez évoqué, monsieur le sénateur, les services de l’État travaillent étroitement avec les collectivités.
À la mi-décembre, la préfète du Val-de-Marne a reçu le maire de Rungis. Il a été convenu que cette problématique pourrait être traitée dans le cadre du projet partenarial d’aménagement d’Orly. Cette réunion a été l’occasion, non seulement de discuter des flux de circulation autour de Rungis, mais surtout de montrer la volonté de l’État d’accompagner la commune et l’ensemble des partenaires locaux dans ces réflexions.
Il est important que ce dialogue étroit se poursuive dans les semaines qui viennent.
Je vous le redis, vous pouvez compter sur la mobilisation des services de l’État aux côtés des collectivités pour améliorer cette situation et remédier aux difficultés de trafic autour de Rungis.
aménagement de l’a46 sud
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, auteur de la question n° 2066, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
M. Thomas Dossus. Ma question porte sur le projet d’aménagement de l’autoroute A46 Sud.
Ce projet, porté par l’État et la société Autoroutes du Sud de la France, prévoit d’élargir l’autoroute A46 Sud, qui contourne la métropole lyonnaise par le sud-est, en la passant à deux fois trois voies et en aménageant plusieurs nœuds routiers, comme celui de Manissieux.
En amont de ces travaux, cet été, s’est déroulée une concertation préalable au projet.
La quasi-totalité des élus locaux, l’écrasante majorité des territoires concernés sont opposés à ce projet d’élargissement, tous bords politiques confondus. Il en va de même des habitants et des associations locales, également dans leur très grande majorité – j’ai reçu récemment un courrier du maire de Givors, qui a fait voter un vœu à l’unanimité contre le projet.
Le bilan de cette concertation est donc sans appel.
Au cours de celle-ci, certaines alternatives ont en outre pu être étudiées, notamment l’option ferroviaire, qui attend la réalisation du contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise pour le transport de marchandises. Ce projet, dont l’utilité publique a été reconnue en 2012 pour la partie nord, peine toujours à se concrétiser. Il permettrait pourtant de contribuer aux objectifs fixés par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, prévoyant un « doublement de la part modale du fret ferroviaire ».
En France, il est toujours plus difficile de dérouler du rail que du bitume !
Malgré tout cela, le 21 décembre 2021, le Gouvernement a confirmé vouloir poursuivre les études relatives à la mise en œuvre de l’élargissement de l’A46.
Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : pourquoi vous entêter dans ce projet, qui va à l’encontre des engagements climatiques de la France et augmentera la pollution de l’air dans l’Est lyonnais, déjà bien touché ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La concertation menée à l’été 2021 sur le projet de mise en deux fois trois voies de l’autoroute A46 Sud et de réaménagement du nœud de Manissieux, sous l’égide des garants désignés par la Commission nationale du débat public (CNDP), a mis en lumière les attentes exprimées en matière de mobilité dans l’Est lyonnais, notamment l’intérêt de développer, en complément des actions menées en faveur de la mobilité des personnes, un fret ferroviaire et fluvial.
Il convient tout de même de souligner le consensus des différentes parties prenantes sur deux points : d’une part, la nécessité d’améliorer les conditions de circulation sur l’A46 Sud – où elles étaient particulièrement dégradées – et sur les réseaux secondaires, touchés par des congestions récurrentes ; d’autre part, les gains à attendre de cette opération de réaménagement en matière de sécurité routière, lesquels constituent un objectif que l’on ne peut méconnaître.
Les échanges ont révélé un besoin de vigilance environnementale – je ne peux évidemment que vous rejoindre sur ce point, monsieur le sénateur Dossus. Sont plus spécifiquement concernées les questions du bruit et de la pollution de l’air. Nous y serons particulièrement attentifs.
Il faut également veiller à une bonne articulation entre ce projet et les autres grands projets d’infrastructure prévus sur l’aire lyonnaise.
Dans ce contexte, le ministre délégué chargé des transports a décidé d’engager une nouvelle phase d’échange, avec les autorités organisatrices de la mobilité et les acteurs de la mobilité du territoire, notamment, et sous l’égide du préfet de région. L’objectif est de pouvoir apporter des réponses réellement claires au regard des observations faites et des attentes exprimées en termes de mobilité.
Par ailleurs, une concertation continue sera mise en place avec les riverains et les usagers pour continuer de préciser les effets du projet d’aménagement de l’A46 Sud.
Cette démarche respectera également, pour l’ensemble des impacts environnementaux identifiés, la mise en œuvre d’une séquence « éviter, réduire, compenser », une attention particulièrement étant bien évidemment portée à la première étape, celle de l’évitement. Nous nous attacherons, à ce titre, aux études de trafic, à l’évaluation de la qualité de l’air et au traitement du bruit, qui feront l’objet d’échanges réguliers.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour la réplique.
M. Thomas Dossus. Vous confirmez le projet étatique d’élargissement de l’A46, madame la secrétaire d’État. Pourtant, on l’a vu à peu près partout, on ne luttera pas contre la congestion en rajoutant des voies.
La transition, c’est faire des choix, changer de modèle. Or vous continuez de financer ou d’encourager un certain nombre de projets routiers dans de nombreux points du territoire français, que ce soit ici, au sud de Lyon, ou à Rouen, Avignon, Orléans, etc.
On fonce dans le mur, et vous restez dans le déni, méprisant, cette fois-ci, la démocratie locale. Soyez à la hauteur : abandonnez ces projets, et engagez des solutions alternatives. En somme, faites le choix de la transition !
épidémie de brucellose en haute-savoie et nécessité de procéder à l’abattage total des bouquetins du bargy
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 2088, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Cyril Pellevat. Ma question porte sur l’épidémie de brucellose en Haute-Savoie et sur la nécessité de trouver une réelle solution, viable et pérenne, à ce problème.
Un nouveau cas de brucellose – une maladie dangereuse pour l’homme, qui peut être contaminé par le biais de produits laitiers – a été détecté dans un élevage de vaches laitières du massif du Bargy, en Haute-Savoie.
Les scientifiques sont unanimes, la vache séropositive a été contaminée après avoir été en contact avec des bouquetins porteurs de la maladie. Il est en effet connu que la prévalence de la maladie est élevée dans le troupeau de bouquetins se trouvant sur le massif.
Pour éviter tous risques pour l’homme, le troupeau de vaches a dû être entièrement abattu, ce qui entraîne des conséquences économiques désastreuses pour l’éleveur, mais aussi pour l’ensemble de la filière du fromage non pasteurisé, notamment celle du reblochon.
Voilà maintenant neuf ans que ce malheureux feuilleton dure.
L’Anses a été saisie à de nombreuses reprises pour essayer de déterminer la solution la plus adaptée. Dans chacun de ses avis, et même si elle a proposé des solutions alternatives, qui ont d’ailleurs toutes été essayées et qui ont toutes échoué à permettre une élimination de la séroprévalence dans le troupeau de bouquetins, l’abattage total du troupeau est toujours le scénario à l’issue duquel la probabilité d’une extinction de l’épidémie est la plus haute.
Malgré cela, et en dépit des nombreux échecs de cette méthode et de nos réticences, c’est à nouveau la voie de la constitution d’un noyau sain qui a été retenue.
Vous me direz, madame la secrétaire d’État, que la solution d’un abattage total du troupeau de bouquetins présente un risque pour la conservation de l’espèce.
L’Anses, elle-même, relève que, d’après le Groupe national bouquetin, la France compterait une quarantaine de populations de bouquetins, pour environ 10 000 individus. Ainsi, l’abattage des bouquetins du massif du Bargy ne remet pas en cause la conservation de l’espèce, surtout si l’on envisage une réintroduction ultérieure.
Vous pourriez aussi dire que cette solution présente un risque de fuite des bouquetins vers d’autres massifs.
Pourtant, toujours dans le même avis, l’Anses indiquait que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, jugeait possible d’empêcher les fuites d’animaux par les couloirs identifiés, en y mettant les moyens appropriés. D’après cet avis, les experts considèrent le risque de fuite comme très faible si des moyens importants sont mis en œuvre. Je m’étonne, d’ailleurs, que ce point n’ait pas été repris dans le dernier avis de novembre 2021.
Enfin, le dernier argument qui pourrait être opposé à cette solution est que le scénario de l’abattage total risque d’empêcher la surveillance de la maladie, car seul un petit nombre de bouquetins réussira à y échapper. Toutefois, même si l’exercice sera moins aisé, rien n’empêchera la surveillance si des bouquetins sont de nouveau repérés sur le massif.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Cyril Pellevat. Va-t-on enfin pouvoir trouver une solution, madame la secrétaire d’État ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La contamination par la brucellose d’un élevage en Haute-Savoie, confirmée au début du mois de novembre, a conduit à l’abattage total d’un troupeau. Les services déconcentrés de l’État se sont pleinement mobilisés dans cette opération, et je les en remercie, pour indemniser les pertes économiques, mais surtout apporter une aide psychologique et soutenir la filière du reblochon, qui est impactée.
La souche brucellique identifiée est bien la même que celle qui circule parmi la population de bouquetins du massif du Bargy.
Le foyer est surveillé depuis une dizaine d’années, et des avis scientifiques ont conduit à prendre des mesures de captures et de tirs des bouquetins. Par ces actions, la séroprévalence au sein de cette population a été divisée par dix en une décennie, passant de 40 % en 2012 à 4 % en 2021. Les bouquetins capturés sont testés, puis marqués et relâchés en cas de test favorable. Ils sont évidemment abattus, en cas de test défavorable.
L’Anses, saisie à deux reprises, a examiné neuf scénarios de gestion, couplant tirs et/ou captures sur plusieurs années, dans le but de parvenir à une extinction naturelle de la maladie, tout en conservant un noyau d’animaux sains, le bouquetin étant une espèce protégée.
Avec l’éclairage des avis les plus récents de l’agence, des mesures vont être mises en œuvre pour obtenir, à l’horizon de 2022, un noyau sain de bouquetins marqués, maintenir une surveillance et renforcer ce noyau sain dans les années suivantes, avec de larges opérations de captures et de tests.
L’obtention de ce noyau sain nécessite des opérations importantes de captures et de tirs, car la population de bouquetins demeure encore largement non marquée. Par ailleurs, la surveillance de cette population rejoint celle d’autres animaux de la faune sauvage, comme les chamois et les cervidés, qui sera également renforcée.
L’abattage total des bouquetins que vous préconisez, monsieur le sénateur Pellevat, a été modélisé par l’Anses.
Il présente, comme vous le soulignez, un risque de déplacements d’individus possiblement infectés vers d’autres massifs.
La mise en œuvre opérationnelle de cette solution n’est, de plus, pas très réaliste, puisque l’on sait les difficultés à atteindre l’ensemble d’une telle population, avec des effets collatéraux qui pourraient compromettre, à moyen terme, les chances d’éradiquer la brucellose, notamment par une baisse de la qualité de la surveillance.
Enfin, la solidité juridique de cette solution est mince en cas de recours contentieux.
Or il y va de notre crédibilité à tous ; les opérations de ce genre doivent être réalistes et juridiquement solides.
cessions en ligne d’animaux
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 1965, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Arnaud Bazin. Le huitième alinéa de l’article 18 de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes modifie la rédaction de l’article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime en ce sens : « La cession en ligne à titre onéreux d’animaux de compagnie ne peut être réalisée que par les personnes exerçant les activités mentionnées aux articles L. 214-6-2 et L. 214-6-3. »
Ainsi, sont exclues de la vente en ligne à titre onéreux les personnes visées par les articles L.214-6-1 et L.214-6-5 du même code, c’est-à-dire les fondations et associations de protection animale, avec et sans refuge.
Par ailleurs, le code civil, dans ses articles 893 et 1107, indique que la cession à titre gratuit ne peut faire l’objet d’aucune contrepartie.
Les particuliers éleveurs à titre non commercial d’animaux de compagnie autres que chiens et chats sont également concernés par cette exclusion. A contrario, les particuliers peuvent céder en ligne à titre onéreux des chiens et des chats dont ils détiennent la femelle reproductrice, étant alors considérés comme des éleveurs.
Cette exclusion a évidemment des conséquences. Or celle-ci découlant d’un amendement gouvernemental – je me réfère à l’amendement n° 162, déposé par le Gouvernement lors de l’examen au Sénat –, je souhaite interroger celui-ci sur ses intentions.
Madame la secrétaire d’État, si les intentions du Gouvernement étaient bien celles qui ont été affichées, comment assurer la survie des associations ? Ces dernières ne pourront plus utiliser les annonces en ligne ou devront céder les chiens et les chats sans contrepartie, ce qui pose le problème de leurs ressources, donc de leur pérennité.
Par ailleurs, pour les animaux de compagnie autres que chiens et chats, pour lesquels les particuliers ne peuvent plus passer d’annonces à titre onéreux, ne craignez-vous pas d’assister à des lâchers d’espèces potentiellement invasives dans la nature ?
Si, donc, le Gouvernement n’avait pas comme intention d’engendrer de telles conséquences, comment allons-nous remédier à la situation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La lutte contre la maltraitance animale et le renforcement des liens entre les animaux et les hommes étaient au cœur de la loi promulguée le 30 novembre 2021, qui a permis des avancées majeures.
Le renforcement du contrôle de la vente d’animaux en ligne faisait en particulier l’objet d’attentes très fortes.
L’article 4 sexies que vous avez cité, monsieur le sénateur Bazin, prévoyait que soient précisées, dans le décret d’application rédigé par le pouvoir exécutif, les modalités de mise en œuvre de ces cessions en ligne.
Pour répondre précisément et sans délai à votre question, les services du ministère de l’agriculture et de l’alimentation échangent d’ores et déjà avec les associations concernées.
Je vous confirme que l’objectif du Gouvernement est bien de s’assurer, à travers la rédaction du décret, que les associations de protection animale sans but lucratif pourront poursuivre leurs activités de cessions en ligne, afin de lutter contre l’abandon des animaux de compagnie. En revanche, l’article prévoit effectivement que ces cessions en ligne resteront possibles, uniquement si elles sont réalisées à titre gratuit.
Notre objectif est bien de réduire les trafics issus des cessions onéreuses et de limiter les abandons via les cessions gratuites.
Le contenu du décret d’application sera donc établi en concertation avec les associations de protection animale, considérées comme cédants à titre gratuit, ce qui implique qu’elles pourront seulement exiger la prise en charge des frais inhérents à l’adoption.
La notion de contrat à titre onéreux est définie à l’article 1107 du code civil : « Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure ».
Il importe donc, dans le cas des associations susmentionnées, que l’absence de réciprocité soit voulue et volontaire, la condition pour qu’une cession soit considérée comme une cession à titre onéreux étant la relative équivalence de la valeur des contreparties.
Selon la loi du 30 novembre 2021, pour pouvoir effectuer des cessions en ligne, les associations, dont celles qui ne disposent pas de refuge, devront donc céder les animaux à titre gratuit. Elles pourront faire payer les frais de vaccination et d’identification, voire une adhésion, mais elles devront pouvoir justifier du caractère gratuit de cette cession et établir un document signé en ce sens.
M. le président. Je dois vous interrompre, madame la secrétaire d’État, car vous avez dépassé le temps de parole qui vous est imparti.
approvisionnement des scieries françaises en chênes
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 1872, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Patrick Chaize. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’approvisionnement en grumes de chêne des scieries françaises.
Les scieurs connaissent un niveau d’activité satisfaisant, avec une demande grandissante sur le marché domestique, mais également à l’exportation.
Toutefois, force est de constater qu’un quart de la récolte de grumes de chêne quitte notre territoire sans subir la moindre transformation et, donc, sans engendrer la moindre valeur ajoutée. De plus, cette essence est exportée en Asie, principalement en Chine, à un prix supérieur de 25 % à 30 % au prix que les scieurs français sont en mesure d’offrir pour rester compétitifs.
Pour les transformateurs, c’est la double peine : ils souffrent du manque de matières premières et peinent à proposer des tarifs concurrentiels aux propriétaires forestiers.
Or, depuis dix années, les scieurs ont investi massivement, notamment dans mon département de l’Ain, pour rester compétitifs et répondre à une demande soutenue, tout en améliorant les conditions de travail. Des investissements structurants sont encore à l’étude, mais le manque de certitude quant à l’approvisionnement pourrait les compromettre, placer en difficulté ce secteur et priver notre pays d’un outil de transformation pourtant essentiel, avec des emplois à la clé et des incidences fortes pour la filière du bâtiment.
Alors que la France est le premier producteur de chêne en Europe et le troisième producteur mondial, pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, quelles mesures urgentes le Gouvernement envisage de prendre pour permettre aux scieurs de chêne de retrouver confiance en l’avenir, en étant assurés qu’ils pourront être suffisamment approvisionnés en cette essence de bois, selon des conditions qui soient à la fois satisfaisantes et équilibrées ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Chaize, on observe depuis une dizaine d’années une dynamique à l’export dans le secteur des grumes de chêne, avec des pics en 2015 et 2018 ayant appelé une réponse forte.
Sur les dix premiers mois de l’année, le cumul des exportations de chêne vers la Chine a atteint un record, une progression de 31 % étant constatée par rapport à 2020. Tous pays confondus, ces exportations atteignent sur la même période 48 623 mètres cubes.
Cette situation engendre évidemment deux difficultés principales : du point de vue structurel, une hausse des prix du bois pour les transformateurs et scieurs français ; du point de vue conjoncturel, des difficultés en termes de disponibilité de la matière première et, donc, de capacité de ces mêmes acteurs à constituer un stock suffisamment stable pour poursuivre leurs activités.
Face à ce constat, nous nous sommes mobilisés.
Nous l’avons d’abord fait au niveau européen, puisque, c’est parfaitement normal, la régulation aux frontières est une compétence de l’Union européenne, la libre circulation des biens et personnes à l’intérieur de l’Union ayant fait sa force et apporté paix et prospérité depuis quatre-vingts ans.
Nous avons notamment saisi la Commission européenne dès cet été sur le sujet. Elle travaille à nos côtés pour appliquer des clauses de sauvegarde ou des barrières tarifaires en vue de limiter ces exportations de grumes.
La priorité est aussi, évidemment, de lutter contre les traders, qui spéculent sur les tensions du marché et le perturbent au niveau international.
Pour cela, nous avons introduit dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021 un article prévoyant la mise en place de « cartes d’exportateur ». Il s’agit, non pas d’interdire toute exportation, mais de mieux encadrer les conditions d’exportation des bois ronds sans transformation au sein de l’Union européenne – j’insiste sur cette absence de transformation.
Il n’est ni souhaitable du point de vue écologique ni soutenable sur le plan économique d’envoyer des grumes de chêne dans des usines de transformation à l’autre bout du monde, a fortiori quand celles-ci nous reviennent ensuite transformées.
Nous sommes donc au rendez-vous. Je mentionnerai en particulier le label « Transformation UE », par lequel l’État, en tant que propriétaire forestier, ou les communes forestières peuvent conditionner leurs ventes à une première transformation locale,…
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … mais d’autres dispositifs seront déployés dans les mois à venir.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. J’ai bien entendu votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais il faut passer à des actes concrets !
Aujourd’hui, les exportations se poursuivent, dans des conditions qui ne sont pas acceptables, et la pénurie continue. Peut-être faut-il avancer, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, des solutions pérennes – certains États membres ont déjà pris des mesures drastiques. Si le conventionnement est une solution, la régulation en est une autre.
En tout cas, il faut arrêter de parler de souveraineté, et agir pour la souveraineté. Je suis persuadé que la biodiversité ne s’en portera que mieux !
accès aux réseaux numériques des grands gestionnaires d’infrastructures
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 2068, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je souhaite interroger le Gouvernement, madame la secrétaire d’État, sur les pratiques des concessions autoroutières ou de la SNCF concernant l’accès à leurs infrastructures numériques, pratiques qui, semble-t-il, restreignent la concurrence.
Les tarifs pour utiliser ces infrastructures sont effectivement prohibitifs. De fait, la protection des gestionnaires quant à l’usage de leurs fourreaux, pourtant largement amortis et loués à des conditions désavantageuses, empêche certains opérateurs de proximité du numérique d’emprunter ces infrastructures.
Ces derniers sont alors contraints d’utiliser les offres éclairées ou inactivées – la fibre optique noire – d’opérateurs tiers, pour la plupart non européens, ces offres étant proposées à des tarifs non régulés, ne permettant pas de créer des conditions d’une concurrence locale, telle que souhaitée par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) sur le marché des entreprises, des professionnels et des collectivités. Je rappelle que, dès 2017, ce marché a été qualifié par l’Arcep de « parent pauvre » de la régulation.
Il serait pourtant possible, madame la secrétaire d’État, de capitaliser sur une démarche plus vertueuse et plus souveraine en matière d’économie circulaire : les besoins des opérateurs de proximité bénéficieraient à des acteurs nationaux européens, contribuant ainsi au développement et à la pérennité d’un secteur essentiel à la relance économique de notre pays.
Or les opérateurs alternatifs se retrouvent aujourd’hui dans une situation où la création de valeur est captée par des acteurs le plus souvent américains, ce qui contribue à asseoir encore un peu plus la domination mondiale de ces acteurs sur ces infrastructures essentielles.
Madame la secrétaire d’État, comment envisagez-vous de rendre ce marché plus transparent ? Instaurerez-vous des tarifs adaptés pour l’accès des opérateurs de proximité à ces infrastructures ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Comme vous le savez, madame la sénatrice Loisier, les offres d’accès aux infrastructures de génie civil commercialisées par les sociétés autoroutières pour le déploiement des réseaux de communications électroniques doivent respecter certaines règles, en application de la directive 2014/61/UE du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, directive ayant été transposée dans le droit français.
Les conditions d’accès doivent être fournies selon des modalités et dans des conditions, y compris tarifaires, équitables et raisonnables.
L’orientation du tarif vers les coûts n’est toutefois pas imposée dans ce cadre. En cas de différend entre les parties, notamment sur le volet tarifaire, il est bien prévu que l’Arcep puisse être saisie pour se prononcer sur ce différend. À la connaissance du Gouvernement, aucune demande en ce sens n’a été à ce jour adressée à l’autorité de régulation.
S’agissant de la régulation ex ante opérée par l’Arcep, il est à noter que le marché de la fourniture en gros d’accès aux infrastructures physiques de génie civil pour le déploiement des réseaux de communications électroniques n’est pas inclus dans la liste des marchés pertinents recensés dans la recommandation n° 2014/710/UE de la Commission européenne.
Néanmoins, au terme des travaux menés dans le cadre du sixième cycle d’analyse des marchés, l’Arcep a estimé nécessaire de maintenir une régulation ex ante asymétrique de ce marché, qu’elle a précisément délimité et sur lequel elle a mis en évidence des barrières élevées et non provisoires à l’entrée, avec une absence de perspectives d’évolution vers une concurrence effective à l’horizon du cycle d’analyse. Elle a également souligné l’insuffisance du droit de la concurrence à remédier seul aux dysfonctionnements constatés.
Dans sa décision n° 2020-1445 de décembre 2020, l’Autorité a défini les limites du marché pertinent, en retenant les offres d’accès aux infrastructures de génie civil, souterraines ou aériennes, proposées par des opérateurs de communications électroniques, des collectivités territoriales ou Enedis, dès lors qu’elles sont mobilisables pour le déploiement de réseaux de boucle locale et de collecte.
La même décision identifie un opérateur puissant, Orange, et lui fixe des obligations.
Les offres d’accès aux infrastructures de génie civil des réseaux autoroutiers n’ont pas été retenues dans la délimitation du marché pertinent. En effet, elles ne présentent pas la même capillarité que les offres d’accès proposées par les opérateurs de communications électroniques ou les collectivités territoriales pour le déploiement de réseaux de boucle locale et de collecte.
Il serait donc vraiment disproportionné de soumettre les sociétés d’autoroute à des obligations excessivement contraignantes, notamment d’orientation sur les coûts…
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. De telles obligations ne se justifient pas sur un plan juridique dans des conditions très précises et pour un opérateur exerçant une influence significative.
M. le président. Je vous remercie de respecter votre temps de parole, madame la secrétaire d’État.
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. J’entends vos explications, madame la secrétaire d’État. Mais, à l’heure où l’on parle de réindustrialisation de nos territoires, il est véritablement regrettable de se priver de ces réseaux qui maillent l’ensemble de nos territoires. La question ne me semble absolument pas clarifiée. Je vous invite donc à l’évoquer avec l’Arcep – ce que, pour ma part, je ferai.
inquiétude des collectivités territoriales liée au prix de l’énergie
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 2084, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Jean-Baptiste Blanc. M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance a récemment déclaré que l’explosion des prix de l’énergie n’était pas soutenable pour les particuliers et les entreprises. Il ne faudrait pas que les collectivités locales soient, une fois de plus, les grandes oubliées !
Face à la hausse inédite du prix de l’énergie, le Gouvernement a proposé une série de mesures s’adressant aux particuliers. Nous ne nions pas leur utilité. Mais qu’en est-il de nos collectivités locales, tout particulièrement de celles qui négocient actuellement le renouvellement de leur contrat de fourniture et voient les prix qui leur sont proposés multipliés, selon elles, par quatre, voire cinq ?
Depuis de nombreuses années, nos collectivités ont beaucoup investi pour une meilleure gestion de leur consommation et accéléré la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Force est de constater, aujourd’hui, que les économies réalisées sont complètement masquées par cette hausse du prix de l’énergie.
Dans ces conditions, comment amorcer sereinement les discussions budgétaires ?
L’explosion des coûts de fonctionnement contraindra nombre de nos communes à accroître leur fiscalité locale ou à freiner leurs investissements. La commande publique s’en trouvera ralentie, ce qui affectera encore un peu plus nos entreprises, déjà bien mises à mal.
Au regard de cette situation inédite, les communes sollicitent, en complément de l’allégement de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), qui est insuffisante, une compensation de l’État.
Celui-ci a répondu à cette demande par la mise en place d’un groupe de travail – un classique ! – pour mesurer l’impact et réfléchir à des mesures. Les maires et les présidents des collectivités concernées ne peuvent pas se satisfaire de cette réponse, car cette décision ne peut pas attendre.
Une fois de plus, le manque d’anticipation du Gouvernement risque de conduire de nombreuses communes dans l’impasse.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il réellement prendre cette question de la hausse du prix de l’énergie à bras-le-corps ? Nos communes pourront-elles encore assurer, demain, les services essentiels à leur population, tout en préservant la fiscalité locale et les investissements ? Il faut prendre leurs inquiétudes au sérieux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La hausse sans précédent des prix de l’énergie s’inscrit effectivement dans un contexte de tension sur la disponibilité des installations de production électrique française et sur l’approvisionnement gazier en Europe.
Face à cette situation, le Gouvernement a décidé des mesures exceptionnelles pour préserver, à la fois, le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises. Je citerai notamment le chèque énergie, l’indemnité inflation et le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité.
S’agissant du gaz, les tarifs réglementés ont été gelés à leur niveau du mois d’octobre 2021, et ce pour tout l’hiver, avec, au besoin, un report de l’échéance à la fin de l’année 2022. L’État prendra en charge le surcoût induit par ce gel pour les fournisseurs, conformément aux dispositions que vous avez bien voulu adopter dans le cadre de la loi de finances pour 2022.
S’agissant de l’électricité, la hausse des tarifs réglementés du début de l’année 2022 sera limitée à 4 %, au lieu de près de 35 % si rien n’avait été fait. La taxation sur l’électricité est réduite pour un an à son niveau minimum prévu par le droit européen, à compter du 1er février prochain. Cela représente un coût budgétaire pour l’État de 8 milliards d’euros, directement au bénéfice des particuliers, des collectivités et des entreprises.
Des mesures complémentaires ont été annoncées en janvier. Nous avons décidé, à titre exceptionnel, d’augmenter de 20 térawattheures le volume d’électricité vendu à un prix réduit via le mécanisme de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) qui sera livré en 2022, afin que l’ensemble des consommateurs bénéficient de la compétitivité du parc électronucléaire français.
Ces volumes seront accessibles à tous les consommateurs – particuliers, collectivités, professionnels –, et ce quel que soit leur fournisseur. Les fournisseurs devront en effet répercuter intégralement l’avantage retiré au bénéfice des consommateurs ; ce point fera bien sûr l’objet d’une surveillance étroite, en lien avec la Commission de régulation de l’énergie, la CRE.
Dans le même temps, pour assurer une juste rémunération de l’outil de production, qui contribue à la protection de l’ensemble des consommateurs français, le prix de ces volumes additionnels d’Arenh sera révisé à 46,20 euros par mégawattheure. Ce prix couvre les coûts de production d’EDF, y compris les coûts de démantèlement et de gestion des déchets des centrales.
M. le président. Je vais être tenu de vous couper, madame la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Les autorités européennes ont été informées de cette décision, qui s’inscrit dans le cadre de mesures exceptionnelles d’adaptation à une situation de crise.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Merci de ce rappel, madame la secrétaire d’État, mais ma question portait essentiellement sur les collectivités locales, dont les charges en termes d’énergie explosent. C’est, me semble-t-il, une dimension particulière de ce dossier et une problématique qu’il faut prendre à bras-le-corps.
menace de fermeture de bureaux de poste dans l’essonne
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 2002, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Jean-Raymond Hugonet. Depuis des années, madame la secrétaire d’État, les maires ont dû assumer auprès de leurs concitoyens de nombreuses fermetures ou transferts de services publics, décidés sans concertation.
Une fois de plus, je suis saisi par un maire de l’Essonne – Grégoire de Lasteyrie, maire de Palaiseau – du projet de fermeture du bureau de poste situé dans le quartier Lozère.
Les élus et les habitants de ce quartier s’opposent bien évidemment à cette fermeture, et ce d’autant plus que le groupe La Poste s’était engagé en 2015 au maintien de son service postal au moins cinq matinées par semaine.
Faut-il rappeler, ici, la mission première de La Poste en matière de service public d’aménagement du territoire, au titre de laquelle elle est tenue de maintenir un réseau d’au moins 17 000 points de contact sur le territoire national ?
La Poste est amenée à adapter son réseau, et on peut le comprendre, mais elle doit le faire au bénéfice des usagers, en concertation avec les élus.
Le quartier Lozère accueille plus de 6 000 habitants, avec une forte proportion de seniors, dont le déplacement en centre-ville est particulièrement difficile. La présence d’un service postal de proximité leur est essentielle.
Aussi, pour lutter contre le projet de fermeture de ce bureau de poste, les élus et habitants de Palaiseau se mobilisent : ils sont plus de 1 000 à avoir déjà signé la pétition en ligne.
Que comptez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour lutter contre la désertification des services publics de proximité ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Hugonet, cette crise sanitaire a confirmé, s’il en était besoin, le caractère essentiel des services postaux.
La Poste, dans ses missions de service public, doit évidemment, tout en adaptant celui-ci, assurer aux usagers un service de haute qualité. D’ailleurs, cette présence postale et le maintien d’un maillage fin de tous les territoires par les points de contact postaux et des horaires d’ouverture adaptés sont essentiels pour garantir cet accès à tous.
À cet égard, la loi fait obligation à La Poste de maintenir au moins 17 000 points de contact sur le territoire, répartis de telle sorte que 90 % de la population d’un département se trouve à moins de cinq kilomètres ou de vingt minutes en voiture de l’un d’entre eux.
Cette obligation légale est respectée dans le département de l’Essonne, puisque 99,1 % de la population est à moins de cinq kilomètres et à moins de vingt minutes en voiture d’un point de contact. Au 1er janvier 2021, cette offre postale s’appuie sur 151 points de contact, 95 bureaux en gestion directe, 35 agences postales gérées par des agents territoriaux dans le cadre de conventions et 21 relais poste gérés par des commerçants dans le cadre de conventions de partenariat.
La Poste doit effectivement faire face à l’évolution de nos habitudes, à la baisse de fréquentation de ses bureaux et, par conséquent, adapter les modalités de sa présence physique en fonction des spécificités des territoires. Comme vous, nous sommes attentifs à cette proximité.
Interrogée par mes services, La Poste nous a indiqué que, dans l’Essonne, un projet de transformation est en cours de discussion, celui du bureau de poste de Palaiseau-Lozère, une ville qui dispose aujourd’hui de quatre points de contact pour 39 000 habitants.
Les consultations se poursuivent, et un nouveau rendez-vous a été proposé au maire de la ville.
Je me veux donc rassurante : il n’existe aucun autre projet de transformation de bureaux de poste dans le département. La direction régionale de La Poste a d’ailleurs, le 10 novembre dernier, adressé une réponse en ce sens au maire de Viry-Châtillon.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie. Je conçois que, entre le secrétariat d’État chargé de la biodiversité et La Poste, il y ait une marge et que vous soyez contrainte par les deux minutes dont vous disposez pour votre réponse.
J’engage toutefois respectueusement la personne qui a rédigé votre réponse à venir en Essonne quand elle le souhaite afin de constater exactement ce qu’il en est.
En tout état de cause, ce ne sont pas des confettis de paroles qui vont rassurer les élus !
situation d’abandon du musée parisien d’art monographique hébert
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 2077, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Catherine Dumas. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi d’appeler l’attention de la ministre de la culture sur la situation d’abandon, depuis dix-huit ans, du musée Hébert, situé dans le VIe arrondissement de Paris.
Ce dossier m’a été signalé par le maire de l’arrondissement, Jean-Pierre Lecoq.
Inauguré en 1978, ce musée national a fermé en 2004 pour des raisons de sécurité. Il est aujourd’hui dans un état de délabrement avancé. Installé dans un hôtel particulier dont la façade est classée monument historique, le musée abrite les œuvres d’Ernest Hébert, portraitiste mondain renommé de la seconde moitié du XIXe siècle.
Ce musée est issu des donations consenties à l’État pour ses collections et à la Réunion des musées nationaux pour son bâtiment par René Patris d’Uckermann, fils adoptif de la veuve de l’artiste, qui, en outre, a institué la Fondation de France légataire universel en l’absence d’héritiers directs.
Un rapport de l’inspection générale des affaires culturelles sur l’avenir du musée Hébert proposait en 2017 une solution qui permettait sa réouverture dans les conditions acceptées par l’État. Madame la secrétaire d’État, pourquoi cette voie n’a-t-elle pas été suivie ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Dumas, vous le soulignez, la situation du musée national Ernest Hébert est très particulière et très délicate.
Depuis sa fermeture, en 2004, parce que les conditions pour accueillir le public en toute sécurité n’étaient plus réunies, l’État, en particulier le ministère de la culture, n’a cessé de rechercher des solutions. Diverses pistes ont été explorées, sans toutefois qu’aucune d’entre elles se soit imposée et ait abouti.
Cette situation tient essentiellement à l’enchevêtrement à la fois des responsabilités et des problématiques à résoudre entre les différentes parties que sont l’État, qui possède la collection, le musée d’Orsay, auquel est rattaché le musée national Ernest Hébert, l’établissement public de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, qui possède l’immeuble de la rue du Cherche-Midi, et, enfin, la Fondation de France, qui est légataire universel du donateur René Patris d’Uckermann, et qui veille à ce titre au respect des volontés de ce dernier.
Toute avancée dans ce dossier suppose donc de trouver une solution équilibrée qui convienne à l’ensemble des parties. Celle-ci devra tenir compte à la fois des enjeux culturels – la valorisation de l’œuvre du peintre –, des enjeux patrimoniaux, pour permettre à la collection d’être conservée dans de bonnes conditions, des enjeux juridiques, afin de respecter les volontés du donateur, et des enjeux financiers.
Le ministère de la culture, loin d’abandonner ce musée, s’emploie très activement, avec l’ensemble des parties, à rechercher cette issue pérenne. La mairie du VIe arrondissement de Paris, dont les efforts pour contribuer à trouver une solution sont à saluer, en sera informée dès que celle-ci se dessinera.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais permettez-moi de regretter que la ministre de la culture n’ait pas pu venir répondre à cette question importante, qui concerne un dossier pendant depuis fort longtemps.
Le 28 juillet dernier, j’ai adressé une lettre à la direction générale des patrimoines et de l’architecture pour lui demander de me transmettre les conclusions de l’étude qu’elle a menée : je ne les connais toujours pas !
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’indiquer à votre collègue chargée de la culture qu’il conviendrait de réunir tous les acteurs du dossier, notamment la mairie du VIe arrondissement, pour faire le point rapidement afin de sauvegarder ce remarquable bâtiment parisien.
détournement des missions de l’inspection du travail au nom de « la lutte contre le séparatisme »
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, auteure de la question n° 1914, adressée à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre, la lutte contre le terrorisme doit bien évidemment mobiliser tous les moyens de l’État, mais dans le respect de l’État de droit, notamment, si cela est nécessaire – et nous savons que tel est le cas –, en accroissant les moyens du renseignement.
Or on observe une utilisation dévoyée d’autres moyens de l’État, notamment de l’inspection du travail. Plus grave encore, en période de pandémie, alors qu’elle devrait se consacrer pleinement à ses missions de protection des salariés, on a demandé à certains inspecteurs d’effectuer des contrôles qui ne relèvent pas de leurs missions. Cela contrevient non seulement aux règles de l’État de droit, mais aussi aux conventions internationales qui nous lient, en particulier celles de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Madame la secrétaire d’État, quels moyens ont été mis en œuvre pour que soient respectées les missions de l’inspection du travail, ce qui est essentiel pour la préservation de notre État de droit ? La réforme de l’organisation territoriale de l’État n’induit-elle pas des effets pervers majeurs, notamment par la mise à disposition, sous le couvert des préfets et des préfètes, de moyens de l’inspection du travail, qui devrait être indépendante, au risque de faire peser un grave danger sur la protection des salariés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Madame la sénatrice, je peux vous assurer que les agents de l’inspection du travail exercent leur activité dans un cadre leur permettant de garantir leur indépendance, conformément à l’article 6 de la convention n° 81 de l’OIT, que vous mentionnez.
Le code du travail prévoit que les agents de contrôle de l’inspection du travail ont pour mission de contrôler l’application du droit du travail ; ils n’ont pas, dans ce cadre, pour mission de lutter contre le séparatisme.
Je le dis clairement : les agents de l’inspection du travail n’ont pas vocation à être mobilisés dans le cadre d’actions ayant pour seule fin la lutte contre le séparatisme et n’ayant aucun lien avec la protection des travailleurs et le respect de la législation du travail.
Pour autant, ces agents peuvent être amenés à contribuer, dans le cadre de leurs missions et prérogatives, à des actions coordonnées en lien avec leurs missions habituelles, comme la lutte contre le travail illégal. En effet, les directions départementales et régionales de l’emploi participent aux différentes instances de coordination interministérielle, notamment les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf).
Par ailleurs, il faut rappeler que chaque inspecteur du travail qui aurait connaissance de faits susceptibles de constituer un délit en dehors du droit du travail doit le porter à la connaissance du parquet au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
L’inspection du travail peut donc être amenée à contribuer indirectement à des actions ayant pour visée la lutte contre le séparatisme, mais toujours dans le plein respect de ses prérogatives, de ses capacités d’action et, bien sûr, de son indépendance.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre, le nombre d’inspecteurs du travail a baissé ces dernières années, cependant que les salariés expriment des besoins très forts pour que soit garantie la protection de leur santé et de leurs droits.
Il est urgent d’agir pour que ces moyens ne soient pas dévoyés, surtout si c’est pour mener une politique de harcèlement sans visée réelle et sans qu’il soit possible de savoir si le cadre légal a été respecté.
bilan de la politique pour la jeunesse du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 1996, adressée à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, voilà déjà un an, je déposais une proposition de loi tendant à ouvrir le bénéfice du revenu de solidarité active (RSA) dès 18 ans pour répondre au péril qui menace de notre jeunesse.
À l’époque, vous aviez jugé, en dépit de l’urgence sociale, des difficultés liées à la crise sanitaire, de sa détresse financière et psychologique, des files d’attente devant les banques alimentaires, que notre jeunesse méritait mieux qu’un RSA.
Alors, madame la ministre, je vais peut-être vous surprendre, mais, sur ce point, je suis d’accord avec vous. Hélas ! le mieux est l’ennemi du bien, et vous l’avez démontré.
Vous nous avez annoncé la garantie jeunes universelle, qui pourrait être un bon dispositif si elle ne se limitait pas à 200 000 bénéficiaires.
Puis, vous avez annoncé un nouveau dispositif, le revenu d’engagement pour les jeunes, bizarrement devenu « contrat d’engagement jeune », qui devait bénéficier à 1 million des jeunes. Finalement, 400 000 en bénéficieront, dont 300 000 sont déjà attributaires de la garantie jeunes ou relèvent de l’accompagnement intensif des jeunes (AIJ).
Une année plus tard, j’ai un sentiment de déjà-vu. Un jeune sur six a arrêté ses études, 26 % des jeunes sont au chômage et un tiers d’entre eux renoncent parfois à se soigner. Sans compter que les files d’attente réapparaissent, pour notre plus grande honte.
Madame la ministre, quand comptez-vous aller au-delà des effets d’annonce et, enfin, non pas accompagner la jeunesse, mais lui porter secours, alors qu’elle est plus que jamais en souffrance ? L’urgence est là.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Monsieur le sénateur, vous proposez un RSA jeune ; nous, nous préférons le contrat d’engagement jeune. D’ailleurs, l’Assemblée nationale, à deux reprises au cours de cette législature, a rejeté l’idée d’un RSA jeune.
Nous croyons en effet dans la capacité de tous les jeunes à accéder à un emploi durable. L’objectif du Gouvernement, avec le contrat d’engagement jeune, est de garantir à chaque jeune une insertion professionnelle réussie.
Le constat de départ, c’est qu’en France, la période entre la fin de la scolarité et le premier emploi, en particulier pour les décrocheurs, est trop longue.
Pour changer cela, la première étape est de réussir à remettre le jeune en activité le plus vite possible, par des formations, des immersions en entreprise, des services civiques et un accompagnement soutenu. C’est pour cela que nous créons un dispositif cohérent qui allie accompagnement intensif et mise en activité, bien sûr en sécurisant financièrement le jeune lorsqu’il en a besoin.
Monsieur le sénateur, vous faites également référence aux invisibles, qui sont les plus en difficulté. Nous ne les oublions pas, au contraire : nous estimons qu’il faut mener des politiques conçues sur mesure pour eux.
Le premier défi, c’est d’aller les chercher. Pour y arriver, le service public de l’emploi ne suffit pas. Beaucoup de jeunes, en particulier les plus éloignés, ne passent plus les portes des missions locales et de Pôle emploi.
C’est pourquoi nous souhaitons nous appuyer sur les associations de lutte contre la pauvreté pour leur proposer un parcours sur mesure. Ces jeunes bénéficieront d’un accompagnement non seulement professionnel, mais aussi social. Enfin, ils pourront bénéficier chaque mois d’une allocation de 500 euros.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, vous avez essayé de répondre à la question, mais vous avez oublié de revenir sur les faits, c’est-à-dire les chiffres que je vous ai indiqués. De fait, la situation n’a pas changé depuis un an, malgré vos prétendues actions.
Vous avez parlé des jeunes qui ne sont « ni en emploi, ni en études, ni en formation » (NEET). On en compte aujourd’hui 1,2 million ! Or votre dispositif s’adresse à 300 000 ou 400 000 jeunes. Qu’en est-il des autres ?
revalorisation des pensions de retraite les plus faibles des artisans et commerçants et solidarité nationale
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 1993, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail.
M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre, d’après l’Insee, le niveau de vie médian des retraités est légèrement supérieur à celui du reste de la population, mais ce constat cache de fortes disparités parmi les retraités. En effet, 37 % d’entre eux perçoivent une pension mensuelle de droit direct inférieure à 1 000 euros brut par mois, ce qui correspond au seuil de pauvreté pour une personne seule.
Certaines catégories socioprofessionnelles sont particulièrement concernées par cette précarité économique. Il s’agit notamment des non-salariés et de certains indépendants, comme les exploitants agricoles et leurs conjoints collaborateurs, ou encore les artisans et les commerçants.
Pour le secteur agricole, la loi n° 2020-839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer permet, depuis le 1er novembre 2021, aux exploitants agricoles de percevoir une pension à hauteur de 85 % du SMIC, ce qui reste peu.
Après l’abandon par le Gouvernement du projet de réforme des retraites, la question de la revalorisation des petites retraites n’a pas été envisagée dans son ensemble. Aujourd’hui encore, d’autres retraités perçoivent une pension d’un montant trop faible et sont ainsi proches du seuil de pauvreté, alors qu’ils ont travaillé et cotisé tout au long de leur carrière.
C’est notamment le cas de certains artisans et commerçants, qui, souvent, découvrent la faiblesse de leur future pension quelques mois seulement avant leur départ à la retraite, comme le relève le rapport Turquois-Causse sur les petites pensions de retraite, remis au secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail le 10 mai 2021.
Aussi, madame la ministre, je vous interroge sur les solutions envisagées par le Gouvernement pour revaloriser les pensions les plus faibles des artisans et commerçants, que ce soit par la réhabilitation des cotisations sociales ou par le biais de mécanismes de solidarité. Est-il envisagé, sur le modèle de ce qui a été fait pour les exploitants agricoles, de leur garantir une retraite minimale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Monsieur le sénateur, vous rappelez que, grâce à notre modèle de protection sociale, le niveau de vie des retraités est globalement plus élevé que celui du reste de la population. Nous devons le protéger.
Il existe néanmoins un nombre important de petites retraites : c’est l’objet du rapport remis à Laurent Pietraszewski par les députés Causse et Turquois. Le faible montant de ces retraites est avant tout dû aux interruptions de carrière ou aux temps partiels prolongés. Les travailleurs indépendants, dont les anciens commerçants, sont concernés en raison de l’émergence tardive d’un régime obligatoire de retraite complémentaire.
Le Gouvernement, à travers deux propositions de loi votées à l’unanimité, a déjà œuvré en faveur des petites pensions en revalorisant les minima de pension des retraités agricoles.
Permettez-moi aussi de rappeler les mesures mises en place durant ce quinquennat en faveur du pouvoir d’achat des retraités modestes, à savoir l’augmentation de 100 euros du minimum vieillesse, qui dépasse désormais les 900 euros mensuels pour une seule personne, mais aussi l’amélioration continue du droit à l’information, qui permet d’anticiper en amont le niveau de sa retraite.
Concernant la mise en place d’une garantie de pension minimale pour les artisans et commerçants, dans la droite ligne des enseignements du rapport Turquois-Causse, l’approche des minima de pension ne peut être que globale, la question des petites retraites touchant tous les publics. La réponse à cette difficulté d’une grande complexité technique nécessite un véhicule législatif spécifique ainsi qu’un financement dédié.
Le coût d’un tel dispositif sera nécessairement important – jusqu’à 2,5 milliards d’euros selon le rapport précité. C’est pourquoi le Président de la République a appelé de ses vœux une réforme des retraites qui permettrait à une personne ayant effectué une carrière complète de percevoir une pension mensuelle égale à au moins 1 000 euros, indépendamment de son statut.
situation des secrétaires de mairie et difficultés de recrutement
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 2065, transmise à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, de nombreuses communes rurales rencontrent des difficultés à recruter des secrétaires de mairie.
La maire d’une commune du pays de Bray me disait récemment le refus du centre de gestion de Seine-Maritime d’affecter une personne sur un poste de remplacement au motif de sa prétendue timidité. Résultat : la commune a dû faire appel à Pôle emploi.
Il manque une cinquantaine de secrétaires de mairie dans mon département. Combien au niveau national ? C’est ma première question.
Appui essentiel des élus, les secrétaires de mairie ont vu leur cadre d’emploi s’éteindre. Dans les communes de plus de 2 000 habitants, elles ont été reconnues comme fonctionnaires de catégorie A, mais, dans les plus petites communes, ce sont des catégories B et C qui constituent le « gros des troupes », si je puis dire.
Elles – car ce sont souvent des femmes – disent manquer de formation pour assurer la multiplicité de leurs missions, très étendues, et pour faire face à l’isolement qu’elles vivent du fait du recul des services publics et de la présence de l’État en milieu rural.
Leur grille indiciaire est très éloignée de leurs responsabilités, avec un traitement à peine plus élevé que le SMIC dans beaucoup de cas.
Du fait du manque d’attractivité du métier, il sera difficile de remplacer les départs à la retraite massifs prévus dans les prochaines années.
Face à cela, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a formulé des propositions, mais le changement de nom, annoncé par le Gouvernement, et une maigre revalorisation salariale risquent de ne pas suffire.
Madame la ministre, quelles autres pistes envisagez-vous pour revaloriser ce métier ? Envisagez-vous de créer un véritable cadre d’emploi permettant une meilleure reconnaissance ? Quels moyens le Gouvernement est-il prêt à consentir aux communes rurales pour qu’elles puissent concrétiser des augmentations de revenus ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Madame la sénatrice, les secrétaires de mairie constituent effectivement un maillon essentiel au bon fonctionnement des communes.
Le Gouvernement est particulièrement engagé sur ce sujet. Ainsi, Amélie de Montchalin et Jacqueline Gourault ont pris plusieurs mesures à l’issue de nombreuses concertations et rencontres avec les secrétaires de mairie, comme cela a été annoncé lors d’un récent déplacement dans le Loiret de la première, accompagnée de son collègue Joël Giraud.
En premier lieu, une revalorisation des fonctions de secrétaire de mairie entrera bientôt en vigueur. La nouvelle bonification indiciaire des secrétaires exerçant dans les communes de moins de 2 000 habitants sera revalorisée à hauteur de 15 points d’indice majoré.
Cette revalorisation s’accompagnera effectivement d’une nouvelle dénomination de ces fonctions, plus valorisante, et permettant mieux d’identifier l’intérêt des missions qu’elles recouvrent pour les candidats potentiels : celles de secrétaire général de mairie.
En second lieu, s’agissant du volet recrutement et formation, Amélie de Montchalin a mobilisé le directeur général de Pôle emploi pour accompagner les communes dans le recrutement des secrétaires de mairie et pris l’initiative de coordonner un échange entre les différents acteurs concernés, notamment Pôle emploi, l’AMF et la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale (FNCDG) afin de soutenir les besoins de recrutement des communes et la montée en compétences des secrétaires de mairie.
Concrètement, ces échanges permettront de consolider les dispositifs déjà mis en place sur notre territoire, le plus souvent sur l’initiative des collectivités et de leurs élus, pour dynamiser le recrutement des secrétaires de mairie.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. La revalorisation salariale que vous évoquez est évidemment bienvenue, même si elle me semble insuffisante, mais ma question portait aussi sur le soutien aux communes.
Chaque fois que le traitement des secrétaires de catégories C, par exemple, est revalorisé pour atteindre le niveau du SMIC, c’est à la seule charge des communes, dont on connaît l’état des finances. Il faut que l’État soutienne les communes pour leur permettre de financer ces augmentations et, ainsi, revaloriser les carrières.
mise en œuvre des dispositions nouvelles d’accès aux archives publiques
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 2086, adressée à Mme la ministre des armées.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, ma question, quelque peu technique, porte sur la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, plus particulièrement sur son article 25, qui concerne les archives publiques, sur lequel le Conseil constitutionnel a émis deux réserves majeures d’interprétation.
Premièrement, il a indiqué que ce dispositif ne saurait être rétroactif. Pour dire les choses clairement, toutes les archives qui étaient communicables avant ce texte le resteront après.
Ma question est simple : comment allez-vous, concrètement et pratiquement, assurer le respect de cette obligation ?
Deuxièmement, le Conseil constitutionnel a considéré que la constatation matérielle du délai glissant qui concerne certaines installations pouvait être faite par d’autres moyens qu’un acte publié, ce que prévoit le texte de loi. Quelles instructions allez-vous donner à vos services pour que la fin de l’affectation des installations en question puisse être contrôlée par d’autres moyens que ceux qui sont indiqués dans la loi ?
En outre, lors des débats dans l’hémicycle, la ministre des armées nous avait indiqué que les missions de renseignement exercées à titre principal seraient sans doute limitées au service du premier et du deuxième cercles, cette précision devant être apportée par un décret en Conseil d’État publié à la fin de ce mois. Qu’en est-il ?
Enfin, les services se sont aperçus que cette loi, qui devait ne concerner que très peu d’actes, en concerne en fait énormément. Ainsi, près de deux kilomètres linéaires d’archives resteront inaccessibles.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur, les dispositions relatives à l’accès aux archives les plus sensibles s’appliquent depuis six mois.
Rassurez-vous, le Service historique de la défense (SHD) n’a pas bloqué la consultation des archives susceptibles d’être concernées par un allongement du délai de cinquante ans ; au contraire, l’examen de la communicabilité de chaque archive est mené au fil de l’eau, en fonction de chaque demande d’accès.
Cette mise en œuvre requiert un surcroît d’engagement de la part des personnels, que je tiens à saluer, mais n’entraîne aucune difficulté majeure avérée.
Les réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel, que vous avez évoquées, ne soulèvent pas non plus de difficultés particulières.
Si les informations contenues dans un document classifié sont déjà connues du public, alors aucune prolongation de l’incommunicabilité au-delà de cinquante ans n’est possible.
De même, est pleinement mis en œuvre le principe de non-application de la loi nouvelle aux documents non classifiés ou formellement déclassifiés : les documents qui étaient déclassifiés le restent.
La seconde réserve n’exige aucune démarche particulière de la part des archives et du Service historique de la défense. Les services compétents doivent constater par un acte la désaffection de toute installation militaire, acte qui sera signalé au SHD.
Si une installation devait se trouver désaffectée sans que cela ait été officiellement constaté, l’usager pourrait apporter lui-même la preuve de cette désaffection, le SHD ne pouvant écarter celle-ci au seul motif de l’absence d’une constatation officielle.
Enfin, concernant le décret d’application désignant les services de renseignement du ministère de l’intérieur concernés par ces nouvelles dispositions, il sera publié en mars prochain.
honorariat au grade supérieur pour les réservistes opérationnels
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 1954, adressée à Mme la ministre des armées.
M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, membre du Conseil supérieur de la réserve militaire, j’ai été, à ce titre, interpellé sur le sujet de l’honorariat au grade supérieur pour les réservistes opérationnels devant quitter la réserve par atteinte de la limite d’âge.
Lorsqu’ils quittent la réserve militaire ou quand ils en sont radiés, les officiers, sous-officiers et militaires du rang peuvent, à leur demande, se voir accorder l’honorariat du dernier grade détenu à titre définitif.
Depuis le 30 septembre 2019, les militaires qui quittent la réserve opérationnelle et demandent l’honorariat de leur grade peuvent dorénavant être proposés par l’autorité militaire au grade immédiatement supérieur dans leur corps d’appartenance. Dès lors, aucune démarche individuelle ne serait nécessaire. La sélection, qui resterait exceptionnelle, serait opérée par la direction des ressources humaines, la direction du personnel de l’armée ou la direction ou le service d’appartenance parmi les postulants les plus méritants remplissant les conditions.
Dans les faits, il s’avère que ce nouveau décret connaîtrait des difficultés d’application ; il semblerait que les services attendent qu’une instruction soit prise.
La réserve opérationnelle est un acteur majeur du travail de nos armées dont les personnels dévoués ne comptent ni leur temps ni leur énergie. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que les compétences professionnelles qu’ils apportent sont souvent décisives au bon déroulement du service et viennent compléter le travail des militaires d’active, facilitant leur quotidien ou permettant ponctuellement de soutenir les opérations.
En outre, la réserve opérationnelle est un élément essentiel du lien entre l’armée et la Nation.
En tout état de cause, il apparaît nécessaire de la valoriser et de faciliter son développement.
Ma question est simple, madame la ministre : pourquoi la mise en œuvre des dispositions encadrant le passage à l’honorariat au grade supérieur connaît-elle des difficultés ? Quels projets portez-vous pour valoriser la réserve opérationnelle ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur, vous le savez, le ministère des armées a mis en place le dispositif d’honorariat au grade immédiatement supérieur par décret du 30 septembre 2019 afin de valoriser l’engagement des réservistes opérationnels les plus méritants.
Intégré à l’article R. 4211-6 du code de la défense, il est aujourd’hui immédiatement applicable par les autorités militaires qui souhaiteraient proposer leurs réservistes au regard de cette condition.
Cependant, l’obtention de l’honorariat au grade immédiatement supérieur n’est pas de droit. C’est ce caractère exceptionnel de l’attribution qui constitue l’essence même de cette mesure, en assurant une meilleure valorisation des engagements qui, par leur fréquence, leur durée et leur qualité, appellent une reconnaissance particulière.
La procédure décrite par le code de la défense sera prochainement révisée, à la lumière des conclusions et des recommandations du groupe de travail constitué de représentants de l’ensemble des forces armées et des formations rattachées.
Par souci d’équité et de reconnaissance de l’engagement de tous les militaires, il convient de veiller à la cohérence des critères conduisant à l’attribution de l’honorariat au grade immédiatement supérieur, notamment afin d’éviter qu’un réserviste opérationnel puisse ainsi obtenir un grade dans des conditions moins restrictives que celles qui sont prévues pour la promotion des militaires d’active.
Vous le savez, la garde nationale a fait un important travail sur les sujets de la réserve opérationnelle et des formes d’engagement. C’est bien la singularité du statut des réservistes opérationnels, militaires à part entière lorsqu’ils accomplissent leur engagement, qui permet cette intégration. Ils sont ainsi assujettis aux mêmes obligations et aux mêmes droits que leurs camarades d’active, et perçoivent à ce titre la même solde.
Enfin, la relation avec les employeurs des volontaires dans les réserves opérationnelles constitue le noyau fort des politiques menées au titre de la garde nationale.
Nous serons donc attentifs à cette question, mais – vous le comprenez parfaitement –, il nous faut garder un équilibre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour la réplique.
M. Jean-Marc Todeschini. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J’espère simplement que la situation évoluera assez rapidement, dans la mesure où le même type de réponse a déjà été apporté par le passé.
Je connais les difficultés liées à ce dossier, mais je souhaite que vous le suiviez de près pour qu’il puisse avancer, car nos réservistes doivent être intégrés dans les meilleures conditions.
Je n’ai par ailleurs pas prétendu que l’accession à l’honorariat devait être automatique : elle revêt au contraire un caractère tout à fait exceptionnel.
situation en palestine
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 2017, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Martine Filleul. Madame la ministre, au Moyen-Orient, la violence qui s’abat sur les Palestiniens s’accroît inexorablement.
Depuis près de quatorze ans, le gouvernement israélien impose à Gaza un blocus aux conséquences désastreuses. Les activités de colonisation, y compris l’annexion de fait de la Cisjordanie par Israël, les démolitions et les expulsions se poursuivent, réduisant chaque jour les perspectives d’une solution négociée entre les parties.
Le 22 octobre 2021, le gouvernement israélien a inscrit six organisations palestiniennes de défense des droits humains sur sa liste des organisations terroristes, arguant de leurs liens avec le Front populaire de libération de la Palestine. Cette décision, prise sans fournir aucun élément de preuve et dénoncée par l’ONU, va assécher les ressources de ces organisations et priver de nombreux bénéficiaires de l’aide qu’elles apportent.
Plus grave encore, dans un récent rapport, l’organisation Human Rights Watch indique que la domination systématique des Israéliens sur les Palestiniens, l’ensemble des actions discriminatoires menées à leur encontre, combinées à une répression particulièrement sévère, équivalent aux crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution – j’y insiste ! – tels que définis par le droit international.
Cette organisation a également documenté de graves violations des lois de la guerre et d’apparents crimes de guerre lors des hostilités de mai dernier, notamment des frappes israéliennes à Gaza qui ont tué de nombreux civils.
Madame la ministre, où est donc la France dans la dénonciation de ces crimes ? Que fait-elle réellement pour les empêcher ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Je vous prie de bien vouloir excuser, madame la sénatrice, l’absence de M. Jean-Yves Le Drian, empêché, qui m’a demandé de vous apporter la réponse suivante.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler l’attachement de la France à la liberté d’expression et d’action des organisations de la société civile, dont le rôle est indispensable à la vie démocratique, en Israël et dans les territoires palestiniens comme partout dans le monde.
En ce sens, nous souhaitons que les sociétés dans toutes leurs composantes, y compris les organisations non gouvernementales (ONG), puissent bénéficier d’un espace et de conditions respectueuses de l’État de droit et des libertés fondamentales.
Il est de la responsabilité des États de préserver un environnement libre, sûr et ouvert pour que les organisations de la société civile puissent jouer pleinement leur rôle et poursuivre leur travail. C’est une position que nous rappelons avec clarté et exigence à l’occasion de chacun de nos contacts avec les autorités israéliennes comme auprès de l’Autorité palestinienne, à titre bilatéral et aux côtés de nos partenaires européens.
Nous prenons la pleine mesure de la désignation par les autorités israéliennes de six organisations non gouvernementales palestiniennes humanitaires et de défense des droits de l’homme comme organisations terroristes, ainsi que des conséquences de cette décision pour le travail humanitaire et la défense des droits de l’homme en Israël et dans les territoires palestiniens.
La porte-parole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a exprimé publiquement, le 26 octobre dernier, nos préoccupations au sujet de cette décision, qui concerne notamment une ONG ayant reçu le prix des droits de l’homme de la République française en 2018. Cette décision contribue au rétrécissement de l’espace de la société civile dans les territoires palestiniens.
Nous avons donc engagé des démarches pour demander des éclaircissements aux autorités israéliennes sur les raisons de cette décision, et nous leur avons fait part, conjointement avec nos partenaires européens, de nos préoccupations quant à ses conséquences sur le terrain.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que la France demeure mobilisée en faveur de ces organisations et continuera de leur apporter son soutien, en pleine conformité avec la législation française et avec les exigences rigoureuses de contrôle et de vérification qu’elle emporte.
rapatriement des enfants français et de leurs mères détenus en syrie
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1777, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la ministre, plus de 200 enfants et leurs mères sont actuellement détenus dans les camps de Roj et d’Al-Hol dans le nord-est de la Syrie. Cette situation qui s’éternise est humainement inacceptable. Notre pays doit prendre ses responsabilités pour les sortir de ces prisons aux conditions de vie extrêmement dégradées. Il s’agit de mineurs français en situation de détresse matérielle et morale, et de danger grave et immédiat.
De plus en plus de voix s’élèvent pour que ces enfants ne soient pas abandonnés. Le Parlement européen a notamment voté une résolution en février de l’an passé, appelant au rapatriement de tous les enfants européens dans leur « intérêt légitime ».
Belgique, Finlande et Danemark ont annoncé leur décision de faire revenir l’ensemble de leurs ressortissants. L’Allemagne et l’Italie ont commencé à faire de même. États-Unis, Russie, Kosovo, Ukraine, Bosnie et Albanie agissent de manière identique.
Très récemment, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik appelait opportunément le Président de la République à rapatrier ces enfants ainsi que leurs mères. Ces dernières font déjà l’objet d’une procédure judiciaire antiterroriste et d’un mandat d’arrêt international délivré par un juge français. Elles seraient donc incarcérées et jugées sur notre territoire.
Nous sommes convaincus que laisser ces femmes et ces enfants dans les camps syriens peut mener irrémédiablement au terrorisme de demain.
Les enfants ne sont pas responsables des erreurs et des fautes des adultes : leur retour sur notre territoire national s’impose afin qu’ils soient entourés, protégés, éduqués et bénéficient d’un indispensable soutien affectif.
C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, d’agir sans délai pour le rapatriement de l’ensemble de ces enfants, ainsi que de leurs mères.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur, nous concevons l’incompréhension et le désarroi de ceux qui ont vu partir un fils ou une fille. J’en mesure l’étendue, surtout dans les circonstances humainement très dures que vous évoquez.
Les personnes adultes, hommes et femmes, qui sont aujourd’hui détenues ou retenues dans des camps de réfugiés et de déplacés du Nord-Est syrien ont pris la décision de rejoindre les rangs de Daech, organisation terroriste qui s’est livrée à des exactions avant tout contre ses victimes syriennes et irakiennes.
Il ne saurait y avoir d’impunité pour de tels crimes. Ces hommes et ces femmes doivent être jugés au plus près du lieu où ils ont commis leurs crimes. C’est une question de sécurité et de justice à l’égard des victimes.
Il s’agit d’un véritable défi juridique international. La lutte contre l’impunité de ces combattants de Daech doit être traitée collectivement avec nos partenaires de la coalition internationale, et nous y travaillons, en tenant compte du caractère à la fois très grave et proprement exceptionnel des actes commis dans cette région entre la création du califat territorial de Daech et sa chute.
À la différence de leurs parents, les enfants n’ont pas choisi de rejoindre la cause d’une organisation terroriste.
Notre priorité absolue est de ramener ces enfants. Ces opérations de rapatriement sont extrêmement difficiles à mener, car il s’agit d’une zone de guerre, encore très dangereuse, sur laquelle nous n’avons aucun contrôle effectif. Dès que nous le pouvons, nous organisons de telles opérations, mais cela demande un travail de préparation très ardu et de longues négociations avec les forces locales.
Nous soutenons par ailleurs le travail précieux que les organisations humanitaires internationales mènent à leur endroit.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la ministre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) doit statuer très prochainement sur le respect des droits de l’enfant par la France dans ce dossier.
Il serait bon que nous prenions des décisions rapides. Je sais que les rapatriements ont commencé. Il faut véritablement les accentuer pour que notre pays ne soit pas condamné par la justice européenne.
évolution du référentiel de critères permettant le classement des stations classées de tourisme
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 1997, adressée à M. le ministre délégué ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.
M. Didier Rambaud. Madame la ministre, je souhaite vous interpeller au sujet du label « station classée de tourisme ».
L’arrêté du 16 avril 2019, modifiant l’arrêté du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme, impose désormais, sur le territoire des communes candidates à ce classement, la présence de certains commerces : plus précisément, de services de restauration, de commerces de bouche, d’un service bancaire, d’un service de consommation courante, d’un marché forain hebdomadaire en haute saison touristique et d’une pharmacie.
Sur le point précis de la présence d’une pharmacie, la rédaction de l’arrêté de 2008 prévoyait « la présence d’un professionnel de santé ou d’une offre de soins dans un rayon de vingt minutes de trajet automobile ». La différence de rédaction entre les deux arrêtés est primordiale.
En effet, si les communes touristiques peuvent et doivent agir pour répondre au cadre posé par l’État, cela ne peut s’entendre que dans les domaines où elles ont une capacité réelle à agir.
On peut par exemple imaginer de la part des communes candidates pour accéder au label « station classée de tourisme » une mobilisation pour assurer la présence d’un restaurant, d’un commerce de bouche ou encore d’un marché forain.
En revanche, l’implantation d’une officine de pharmacie est des plus complexes. En effet, entre autres critères, le code de la santé publique indique que l’ouverture d’une officine n’est possible que dans les communes de plus de 2 500 habitants.
Par conséquent, la nouvelle rédaction de l’arrêté de 2019 interdira de fait l’accès au label « station classée de tourisme » à toutes les communes de moins de 2 500 habitants.
À l’heure où le Gouvernement annonce des plans de reconquête et de transformation du tourisme, une telle mesure inquiète.
J’ai été saisi de telles craintes par plusieurs communes, notamment celle de Vaujany, dans mon département. Ce sont au total plus d’une trentaine de communes qui sont en phase de perte de classement au niveau national. Vous comprendrez que pour celles-ci, la perte du label « station classée de tourisme » constituerait un mauvais signal économique.
Madame la ministre, quelle réponse pouvez-vous apporter aux craintes de ces petites communes de montagne ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Je vous prie de bien vouloir excuser, monsieur le sénateur, l’absence de M. Jean-Baptiste Lemoyne, empêché, qui m’a demandé de vous apporter la réponse suivante.
La qualification de station classée constitue, pour une commune, la reconnaissance d’une politique touristique d’excellence et de la qualité des services rendus aux touristes. Le classement en station de tourisme est le second niveau de reconnaissance de l’État en matière touristique, le premier étant la dénomination en commune touristique.
L’article L. 133-13 du code du tourisme dispose : « Seules les communes touristiques […] qui mettent en œuvre une politique active d’accueil, d’information et de promotion touristiques tendant, d’une part, à assurer la fréquentation plurisaisonnière de leurs territoires, d’autre part, à mettre en valeur leurs ressources naturelles, patrimoniales ou celles qu’elles mobilisent en matière de créations et d’animations culturelles et d’activités physiques et sportives peuvent être érigées en stations classées de tourisme[.] »
Cette reconnaissance d’excellence ne peut donc être décernée qu’à des communes remplissant l’ensemble des critères définis par la réglementation.
Depuis l’arrêté du 16 avril 2019 modifiant l’arrêté du 2 septembre 2008, les critères ont été simplifiés. La réforme a permis de les rationaliser et de supprimer les moins pertinents : 23 critères sont désormais à remplir, contre 45 auparavant.
Parmi ces critères, l’attention a été portée sur une meilleure prise en compte des besoins et attentes des touristes, notamment pour ce qui concerne l’accès aux services de proximité.
À ce titre, il a été admis que la présence d’une pharmacie sur le territoire d’une commune prétendant au classement en station de tourisme constituait un service de proximité indispensable. S’agissant des autres professionnels de santé, ils peuvent se trouver dans un rayon de vingt minutes de trajet automobile.
De plus, l’établissement de ces critères a fait l’objet d’une concertation avec les acteurs institutionnels du tourisme, notamment les représentants des élus des territoires touristiques. Ces derniers ont validé ces critères, y compris celui portant sur l’implantation d’une pharmacie.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour la réplique.
M. Didier Rambaud. Je vous remercie, madame la ministre, mais vous n’apportez pas de réponse à l’interpellation de ces petites communes de montagne qui risquent de perdre ce label, ce qui serait regrettable. Nous allons continuer nos démarches…
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Agences de l’eau
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur les agences de l’eau.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris à la tribune, conformément à la décision de la conférence des présidents réunie le 1er décembre dernier. J’invite par ailleurs chacune et chacun à respecter les gestes barrières.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe auteur de la demande.
M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’eau, c’est la vie ! Elle est une ressource essentielle et stratégique pour notre planète comme pour notre pays. Je me réjouis donc que notre groupe Les Républicains ait demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour.
Le législateur a souhaité, via la création des agences de l’eau, rappeler que cette ressource faisait partie du « patrimoine commun de la Nation ». Or ce patrimoine souffre parfois d’un trop-plein de concertation, d’un manque de visibilité. Pis, il est souvent employé à des fins idéologiques pour pointer du doigt les industriels, les agriculteurs, voire les collectivités gestionnaires de l’eau.
Avant d’aborder la partie « problèmes, attentes et recommandations », permettez-moi de revenir très brièvement sur la construction des agences de l’eau.
La loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution a consacré une nouvelle organisation de la politique publique de l’eau, fondée sur une gestion décentralisée en bassins versants, et sur de grands principes permettant, à la fois, de lutter contre la pollution – en vertu du principe du pollueur-payeur – et de concilier les besoins en eau pour les collectivités, l’agriculture et l’industrie.
L’objectif était de mettre en place une politique profondément décentralisée, respectant l’un des principes clés de la gestion environnementale : la subsidiarité.
Avons-nous atteint cet objectif ? Poser la question, c’est y répondre…
Un premier problème doit être mis en avant. Il concerne l’absence de visibilité, et surtout la complexité du fonctionnement de ces agences.
En effet, comme vous le savez, la loi de 1964 a créé trois institutions chargées de la politique de l’eau : les comités de bassin, auxquels s’ajoutent les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les sous-bassins ; les agences de l’eau ; et le préfet coordonnateur de bassin qui représente l’État au niveau de ces instances pour surveiller et coordonner l’action des bassins.
Je rappelle également la création, au niveau national, du Comité national de l’eau (CNE), qui donne un avis consultatif sur les actions engagées.
Le problème est qu’il faut parcourir un véritable « labyrinthe crétois » pour trouver l’acteur qui prend réellement les décisions. L’organisation est en effet d’autant plus complexe et chronophage qu’elle mobilise beaucoup trop d’acteurs.
Aux côtés des acteurs présents parce qu’ils ont été élus, on trouve une palanquée d’acteurs nommés – experts, associations, bientôt conseil scientifique –, qui n’aident pas à la compréhension du fonctionnement des agences de l’eau mais qui, surtout – n’ayons pas peur de le dire ! – sèment le doute sur la capacité des élus, des collectivités, des chambres consulaires, des utilisateurs et des usagers à gérer la politique de l’eau, mettant en cause leur légitimité.
Une simplification du labyrinthe s’impose donc.
Le deuxième problème concerne le financement des agences de l’eau et l’étendue des leurs missions, un ensemble qui pousse au non-respect d’un principe fondateur selon lequel « l’eau paye l’eau ». Comment en sommes-nous arrivés à cette situation de non-respect dudit principe ?
Cela a commencé en 2010 par la politique de l’ancienne ministre de l’environnement, Dominique Voynet, qui avait mis en place tout un système visant à siphonner les excédents des agences de l’eau pour abonder le budget de l’État. De moins 400 millions d’euros par-ci en moins 200 millions par-là, nous sommes passés du principe « l’eau paye l’eau » au principe « l’eau paye l’État ».
S’est ensuivi, en 2018, l’abaissement du plafond de recettes des agences de l’eau, dit « plafond mordant », qui a également poussé les comités de bassin à réduire la fiscalité de l’eau et a entraîné une forte baisse des moyens alloués aux politiques des agences, notamment celles visant à venir en aide aux projets des collectivités territoriales.
Notons que ces ponctions se faisaient au moment où l’on demandait aux collectivités locales de se mettre aux normes pour leur assainissement collectif, et en outre d’élargir leur domaine d’action via la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi).
Enfin, comment ne pas évoquer l’étendue des prérogatives des agences de l’eau ?
Nous savons qu’elles sont passées de la gestion de ce que l’on appelle « le petit cycle de l’eau » – eau potable et assainissement – à celle des « grands cycle de l’eau », lesquels comprennent les milieux aquatiques, le littoral, l’agriculture et la biodiversité…
Le problème est survenu avec la création de l’Office français de la biodiversité (OFB).
Selon les dernières données, 80 % du financement de l’OFB sont assurés par les redevances gérées par les agences de l’eau, ou au titre du littoral. Comment, dans ces conditions, assurer le principe fondateur « l’eau paye l’eau » ?
Nous avions pourtant indiqué à maintes reprises, au Sénat, lors de la création de l’OFB, que cette instance allait poser des problèmes financiers aux agences. Comme c’est souvent le cas, nous avions tort d’avoir raison trop tôt !
Pour résumer, le message que l’État adresse aux agences est le suivant : « Faites plus avec beaucoup moins, et surtout débrouillez-vous ! »
Enfin, je veux évoquer un autre problème, qui n’est certainement pas le dernier : la péréquation, d’abord entre les agences de l’eau, ensuite au niveau des territoires ruraux.
En effet, comment expliquer la différence entre les annuels des agences de l’eau Seine-Normandie et Loire-Bretagne ? La première perçoit 685 millions d’euros, quand la seconde ne perçoit que 376 millions d’euros, soit un différentiel de 309 millions, et ce, alors que l’agence Loire-Bretagne regroupe deux fois plus de territoires.
J’en viens à la péréquation au bénéfice des territoires ruraux. Ces derniers sont producteurs de « services environnementaux » importants dans le domaine de l’eau et de la biodiversité. Si le dispositif actuel de péréquation permet une redistribution des villes vers les campagnes, de l’aval du bassin vers l’amont, du littoral vers l’intérieur, il faut réfléchir à une évolution plus large afin de véritablement rémunérer les services environnementaux rendus par les espaces ruraux.
Ces territoires sont particulièrement étendus dans certains bassins, comme celui de Loire-Bretagne, dont 55 % de la superficie est classée en zone de revitalisation rurale (ZRR).
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tous ces constats, remarques et recommandations m’amènent à penser que le dossier de l’eau est très largement devant nous. Nous croyions l’avoir réglé, mais le dérèglement climatique et l’arrivée massive dans les instances des adeptes du « frein à main » des projets viennent bouleverser nos certitudes.
Cela nous impose de revoir ou de diversifier nos outils, qu’il s’agisse : des modalités d’intervention, de planification, de gouvernance et de décomplexification ; de la sécurisation des quantités de l’eau, élément stratégique qui passe par la simplification des procédures de retenues collinaires ; de la diversification des ressources financières pour faire face à l’élargissement du périmètre d’intervention des agences de l’eau en matière de biodiversité et de milieu marin ; de la péréquation et de la répartition entre les bassins des moyens disponibles, en fonction des objectifs à atteindre et de la place des territoires ruraux.
J’espère que notre débat nourrira nos réflexions pour élaborer, dans un avenir proche, une grande loi relative à l’eau. Celle-ci semble s’imposer à nous. Je formulais cette recommandation, en 2016, dans un rapport sur la gestion de l’eau.
Une chose est sûre, la future gestion de l’eau dans notre pays devra se faire avec pragmatisme et discernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous donner l’occasion d’échanger sur les agences de l’eau, passées, présentes et à venir.
Les agences de l’eau sont au cœur de notre politique d’intervention pour l’eau et la biodiversité dans un contexte, que vous connaissez, de réchauffement climatique, de tension sur les ressources et de défis auxquels nous devons faire face en termes de qualité des masses d’eau et de structuration de nos territoires.
Ces agences sont des opérateurs stratégiques, mais insuffisamment connus, du ministère de la transition écologique. Elles sont pourtant au cœur de la refondation de notre politique de l’eau, laquelle a été débattue dès 2017 lors d’une première séquence des Assises de l’eau portant sur la rénovation de nos dispositifs d’assainissement et d’eau potable.
En 2019, une deuxième séquence des Assises de l’eau a été consacrée à l’adaptation au changement climatique et à la gestion globale de la ressource.
Une troisième séquence, que j’anime depuis plusieurs mois avec mon collègue Julien Denormandie, se concentre sur la gestion de l’eau pour les agriculteurs. Le choix cette thématique était une évidence car, comme vous le savez, on constate trop souvent dans nos territoires les tensions qu’entraîne la pression sur la ressource, qui s’amenuise. Il nous fallait donc avoir ce débat et construire un chemin commun entre les acteurs de l’eau et les agriculteurs, lesquels doivent réinterroger certaines pratiques.
L’anticipation des conséquences du changement climatique et les tensions sur le partage de la ressource nous exposent à des enjeux toujours plus forts, s’agissant notamment de la gestion quantitative.
Ce nouveau regard, nous le portons au travers du décret que je vous ai présenté cet été. Il vise à l’amélioration de la qualité de l’eau et à la lutte contre les micropolluants et les microplastiques.
Cette lutte, qu’il convient de renforcer, trouve un écho extrêmement fort au niveau communautaire et international. En effet, l’érosion de la biodiversité se poursuivant à un rythme effréné, il nous faut préserver et restaurer les écosystèmes naturels, développer de nouvelles aires protégées et sauvegarder les zones humides, ô combien essentielles. Aujourd’hui, toutes les collectivités le savent et s’y engagent.
Les six agences de l’eau, établissements publics de l’État présents sur le territoire métropolitain, jouent un rôle central d’animation de ces débats et d’accompagnement de ces transitions. Elles sont le reflet de la gestion intégrée de la ressource en eau par comités de bassin.
Instaurée depuis cinquante ans dans notre pays, celle-ci permet d’administrer chaque bassin hydrographique de manière décentralisée, au plus près des territoires, des enjeux et des décisions des élus.
Les agences perçoivent aujourd’hui, en termes de ressources, 2,197 milliards d’euros de redevances tenant compte, d’une part, de l’eau consommée au robinet et, d’autre part, de certaines atteintes à l’environnement – prélèvements excessifs sur la ressource ; pollutions ponctuelles et diffuses dues aux rejets d’eaux usées domestiques et industrielles, ou encore aux rejets azotés ou phytosanitaires. Ces recettes permettent aux agences de l’eau de soutenir des projets d’investissement portés par les collectivités ou d’autres acteurs, économiques ou non, mais toujours extrêmement structurants pour nos territoires.
Ces mêmes acteurs décident des financements, de leur répartition et de leurs modalités d’attribution au sein des programmes d’intervention, qui sont d’une durée de six ans. Il s’agit, dans le respect des cadrages nationaux, d’un modèle tout à fait original et qui a su s’adapter avec le temps.
Chaque million d’euros investi par les agences de l’eau engendre ou préserve de 30 à 35 emplois, ce qui représente, pour un montant d’environ 2 milliards d’euros par an, entre 60 000 et 70 000 emplois créés ou préservés chaque année dans l’ensemble des bassins.
Cet accompagnement financier essentiel pour la vie des territoires et cette démarche de contractualisation avec les collectivités locales, qui s’accompagne de larges concertations, doivent être préservés.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, les agences de l’eau ne sont plus aujourd’hui uniquement des agences de l’eau, car nous avons élargi leurs missions. La loi de n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite loi Biodiversité, accompagne ainsi leur action en faveur de la préservation de la biodiversité et des milieux marins.
Conformément au souhait du Gouvernement, les agences de l’eau ont ainsi accentué l’accompagnement des projets en faveur de la gestion du grand cycle de l’eau, de la qualité des milieux aquatiques et de l’adaptation rendue nécessaire par le changement climatique. Au-delà de la puissance financière de leurs interventions, elles ne cessent d’innover, de proposer, de tester de nouvelles réponses à ces enjeux émergents.
Les enjeux auxquels nous devons faire face indiquent très clairement que cette action doit encore être renforcée – nous partageons ce diagnostic. Dans le contexte du premier anniversaire de la stratégie nationale pour les aires protégées, et de la publication prochaine de la troisième stratégie nationale pour la biodiversité, nous devons relever ces défis avec la plus grande ambition. En matière d’intervention comme de financement, des ressources importantes doivent en effet être trouvées pour accompagner cette montée en puissance des agences de l’eau et répondre à l’urgence.
Une part notable des investissements des agences de l’eau répond toujours au besoin persistant d’amélioration des infrastructures et des réseaux d’eau potable et d’assainissement. Malgré la diversification des missions des agences de l’eau, cette capacité d’intervention demeure : au niveau national, plus de 45 % des aides allouées au sein des onzièmes programmes d’intervention des agences de l’eau visent à l’amélioration des infrastructures et des réseaux d’eau potable et d’assainissement.
Je souhaite également insister sur la nécessaire solidarité entre l’urbain et le rural, à laquelle nous sommes particulièrement attachés. Dans le cadre des onzièmes programmes, le fléchage de crédits en faveur des zones de revitalisation rurale a été accentué.
De même que nous devons toujours affirmer le principe du pollueur-payeur, nous devons en effet valoriser les aménités rurales, car les territoires ruraux contribuent à la préservation de ressources et d’une qualité des milieux essentiels à tous les Français.
Je vous rejoins donc, monsieur le sénateur, sur la nécessité de flécher les crédits en direction des territoires les plus impliqués, qui sont également ceux qui connaissent la plus grande tension. Nous devons éviter un effet de « saupoudrage » des aides, et concentrer nos actions sur les territoires qui appellent le plus d’attention – définir ces priorités est le travail des agences, en concertation avec les territoires.
Nous sommes au rendez-vous, puisque le 30 juin 2021, les agences avaient déjà octroyé plus de 700 millions d’euros, depuis 2019, aux collectivités rurales pour les aider à renouveler leurs installations d’eau potable et d’assainissement.
Ces deux dernières années, les agences de l’eau ont par ailleurs démontré leur grande robustesse et leur adaptabilité. Saluons en particulier leur mobilisation et leur engagement lors de la crise sanitaire, leur réactivité afin d’assurer la continuité de leurs services, tout comme la rapidité record de l’instruction des dossiers portés dans le cadre de France Relance.
La totalité des 260 millions d’euros alloués aux agences de l’eau dans le cadre du plan France Relance a été engagée en moins de sept mois.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je détaillerai donc au fil de vos questions les interventions menées dans le cadre du plan France Relance.
Il y a également de bonnes nouvelles sur le front des effectifs : pour la première fois depuis 2008, il me semble, nous avons stoppé la baisse des effectifs dans les agences de l’eau. C’était une nécessité, car celles-ci ont largement participé à l’effort de maîtrise des effectifs parmi les opérateurs de l’État. Nous avons mis fin à ces baisses pour permettre aux agences de l’eau de répondre à l’élargissement de leurs missions et à leur montée en puissance. (M. Alain Richard applaudit.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique, en application du nouveau règlement sur les temps de parole.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente, et aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Madame la secrétaire d’État, 8 000 kilomètres de cours d’eau, 80 rivières, 20 nappes phréatiques, 270 kilomètres de côtes, 4,8 millions d’habitants. Voilà, très rapidement brossé, le portrait du bassin Artois-Picardie, qui requiert toute l’attention du sénateur du Nord que je suis.
Sa gestion durable doit faire l’objet d’une nouvelle feuille de route pour les six prochaines années. La réévaluation et l’adoption du Sdage pour la période 2022-2027 sont prévues en mars prochain.
Enjeux, témoignages et pratiques durables ont été au cœur des débats préparatoires, qui ont permis de mesurer à quel point il est nécessaire que nos concitoyens s’approprient pleinement ce sujet, car l’eau n’est pas une ressource inépuisable.
En effet, nous savons tous que le changement climatique est l’un des enjeux majeurs de la politique de l’eau, et que les agences de l’eau ont un rôle prépondérant à jouer pour réduire les pollutions de l’eau de toutes origines, protéger les ressources en eau et lutter contre l’érosion de la biodiversité.
À ce titre, l’ambitieux onzième programme d’intervention 2019-2024 de l’agence de l’eau Artois-Picardie est à la hauteur des enjeux climatiques de notre époque. Il apporte des moyens importants pour financer l’ensemble des projets territoriaux.
Parmi les objectifs de ce programme, la lutte contre les phénomènes de sécheresse et d’étiage de nos cours d’eau rend nécessaire d’être davantage attentifs aux fuites dans les réseaux d’eau potable et au bon fonctionnement de nos systèmes d’assainissement, pour éviter les pollutions des milieux naturels.
Madame la secrétaire d’État, la gestion de l’eau dans le bassin Artois-Picardie emporte plusieurs enjeux : prévenir les périodes de sécheresse, réguler les risques d’inondations et veiller à la qualité de l’eau. Le 16 novembre dernier, vous avez déclaré à Lille que 88 % des bassins de Corse sont en bon état, contre 22 % en Artois-Picardie.
Les agences de l’eau sont résolument engagées dans le cadre du plan de relance. Sur les 250 millions d’euros d’aides allouées à des projets portant notamment sur la mise aux normes des stations de traitement des eaux usées et la rénovation des réseaux d’assainissement, plus de 16 millions d’euros concernent directement l’agence de l’eau Artois-Picardie.
Madame la secrétaire d’État, si je me réjouis moi aussi bien évidemment que les effectifs des agences soient maintenus cette année, après des années de baisse historique, je souhaiterais que vous nous confirmiez que les engagements pris lors de l’annonce du plan national de gestion durable des eaux pluviales permettront réellement à l’agence Artois-Picardie de mener ses missions dans le département du Nord, lequel a connu, ces derniers mois, des phénomènes aux conséquences dramatiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur Marchand.
La gestion des eaux de pluie à la source est en effet liée au bon fonctionnement des systèmes d’épuration et à l’adaptation au changement climatique. Elle constitue également un réel levier de prévention des phénomènes d’inondation que, malheureusement, le Nord n’a que trop connus – des projets exemplaires ont d’ailleurs été mis en œuvre dans ce département.
J’ai effectivement annoncé à Lille en novembre dernier un plan national de gestion durable des eaux pluviales, question qui touche particulièrement le bassin Artois-Picardie.
Une lutte innovante contre l’érosion des sols est menée en milieu rural, pour recharger les nappes phréatiques.
En zone urbaine, les jours de fortes pluies, les réseaux débordent, rejetant directement des eaux usées dans les milieux. Une intervention est évidemment nécessaire.
L’infiltration des eaux de pluie à la source permet d’ailleurs la création d’îlots de fraîcheur en ville, ce qui, compte tenu de la fréquence des épisodes de chaleur que nous connaissons, devient indispensable.
En tout état de cause, la gestion des eaux de pluie est un sujet très important des onzièmes programmes des agences de l’eau.
Dans le bassin Artois-Picardie, sur six ans, le budget prévu pour accompagner les projets des collectivités s’élève à 60 millions d’euros, avec des taux d’aides très incitatifs, de l’ordre de 70 %, pour la réalisation d’études préalables et pour l’investissement dans des solutions fondées sur la nature, comme les noues d’infiltration.
Le budget alloué aux projets de lutte contre l’érosion des sols a quant à lui été complété par un redéploiement, car à mi-programme, il a déjà été consommé à 200 %. C’est dire la maturité de ces projets, dont les acteurs se saisissent pour répondre aux enjeux auxquels nous faisons face.
L’agence de l’eau Artois-Picardie finance également depuis 1997 l’association Adopta, qui fait émerger des projets, anime un réseau d’acteurs et constitue un observatoire public valorisant les nouvelles réalisations, ce qui est essentiel pour que les bonnes pratiques soient partagées.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur le sujet des inondations qui surviennent, non pas seulement à l’occasion de phénomènes climatiques extrêmes, mais de manière régulière dans de très nombreux territoires, comme dans mon département de l’Aisne il y a quelques semaines. La situation est telle qu’il suffit parfois de 50 millimètres de précipitations par mètre carré en une journée pour que les champs soient transformés en plans d’eau, que les routes soient barrées et des foyers touchés.
Les explications sont nombreuses : les conditions météorologiques font qu’il pleut plus vite, de manière plus localisée, mais l’écoulement de l’eau pose également de réelles difficultés, car depuis quelque temps, les cours d’eau et les fossés sont moins bien entretenus. En fin de compte, des millions de litres d’eau ne peuvent plus s’écouler dans la nature.
Si les propriétaires, les agriculteurs ou les communes ne les entretiennent plus, c’est parce que plus personne n’y comprend rien. Quelle est la différence entre un ru, un cours d’eau et un fossé ? Quels travaux a-t-on le droit d’y faire ? Sur quelle largeur peut-on retirer de la terre, et que faire de la terre que l’on extrait ? On a du mal à répondre à toutes ces questions, ce qui inquiète beaucoup les différents propriétaires, qui redoutent le contrôle de la police de l’eau.
Il me semble que les agences de l’eau, qui ont une réelle expertise sur ces sujets, devraient travailler main dans la main avec les directions départementales des territoires (DDT) afin de proposer, pour chaque territoire, un cahier des charges présentant de manière didactique les opérations possibles. Chacun pourrait ainsi en tirer profit, et nous retrouverions enfin des fossés et des cours d’eau entretenus, ce qui permettrait de limiter les débordements quand il y a des précipitations de l’ordre de celles que j’évoquais tout à l’heure.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous rejoins totalement sur la nécessité de partager les bonnes pratiques, au moyen de guides ou de fiches qui, du reste, dans les méandres de nos différentes plateformes d’information, existent déjà sûrement. Ces bonnes pratiques doivent être largement diffusées, pour servir de repères à ceux qui sont amenés à entretenir ces cours d’eau.
Les agences de l’eau peuvent également offrir un support financier lorsque les projets sont suffisamment aboutis, ou en amont pour soutenir l’ingénierie et discuter des interventions à venir en partenariat avec les acteurs. Les programmes des agences de l’eau incluent d’ailleurs cet objectif, que nous partageons.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Madame la secrétaire d’État, la situation des agences de l’eau continue de nous interpeller. Alors que leurs missions n’ont cessé de se diversifier et de s’étoffer, notamment sous l’impulsion de la loi Biodiversité de 2016, leurs effectifs ont connu une chute de 21 % entre 2010 et 2021.
Depuis 2018, les ponctions régulières sur leurs ressources et l’existence d’un plafond mordant ont limité leurs capacités opérationnelles.
Pour les années 2019-2024, le budget des onzièmes programmes pluriannuels d’intervention a enregistré un recul de près d’un milliard d’euros par rapport aux précédents programmes.
Parallèlement, la réforme sur les redevances perçues par les agences, qui devait être inscrite dans le projet de loi de finances pour 2022 et qui a suscité des inquiétudes l’été dernier, a été ajournée.
La question de la capacité des agences de l’eau à accompagner les collectivités territoriales et les acteurs locaux dans leurs projets en matière de gestion de l’eau se pose désormais.
Alors que ces agences jouent un rôle déterminant, tant dans la bonne mise en œuvre des politiques de préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques que dans la performance des services et la maîtrise des coûts, il est urgent de trouver des stratégies de financement pertinentes et de tracer une orientation budgétaire à long terme.
Nous devons aussi nous prémunir contre toute remise en question de leurs missions historiques qui serait opérée selon des calculs purement comptables.
Je pense au dossier de l’assainissement non collectif, qui n’a pas été retenu parmi les priorités ministérielles en matière d’intervention des agences de l’eau pour la période 2019-2024. Dans les territoires, cela se traduit par des difficultés importantes, tandis que les aides sont de plus en plus rares pour la mise aux normes des installations et que les maires ou les présidents d’intercommunalités se retrouvent démunis face à leurs habitants.
Ma question est donc simple, madame la secrétaire d’État : pouvez-vous nous indiquer ce que contiendra la future réforme sur les redevances perçues par les agences et à quelle échéance elle sera mise en œuvre ? S’appuiera-t-elle sur une révision à mi-parcours, d’ici la fin de l’année, des onzièmes programmes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Je suis persuadée que les agences de l’eau, pour monter en puissance et diversifier leurs missions face aux défis que nous devrons relever dans les prochaines décennies – restaurer le bon état des masses d’eau dans le contexte du réchauffement climatique tout en répondant à d’éventuels contentieux communautaires – doivent être soulagées de cet effort de réduction des effectifs auquel les opérateurs de l’État ont été soumis dans le contexte d’une nécessaire maîtrise de la dette publique, effort auquel les agences de l’eau ont déjà largement contribué.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, les parlementaires ont bien voulu voter en faveur de notre proposition de gel des effectifs des agences de l’eau. Nous avons donc stoppé la baisse de leurs effectifs. Les personnels de ces agences espéraient cette mesure nécessaire, qui, me semble-t-il, est intervenue au bon moment.
S’agissant de la question de l’assainissement non collectif, sachez que le débat anime le cabinet ministériel depuis quelque temps.
L’effort des agences de l’eau en la matière a semblé trouver ses limites à un certain moment. Aujourd’hui, alors que les exécutifs ont changé et que certaines collectivités sont plus volontaristes, cette question doit être reconsidérée. L’assainissement non collectif représente en effet un budget important pour certains Français que nous laissons sans réponse.
Nous cherchons donc à élaborer un dispositif d’aide, mais les arbitrages étant en cours, je ne peux à ce stade vous en dévoiler la teneur.
Les agences de l’eau ont un temps contribué à cet effort, mais nous pouvons envisager un dispositif d’incitation fiscale, ou même, dans une perspective de plus long terme, un service unique de l’assainissement. Cette dernière option, qui avait été un temps évoquée, permettrait d’apporter une réponse à des situations parfois très disparates, mais elle relève du domaine législatif.
En urgence et en priorité, l’intervention des agences de l’eau doit être portée sur les milieux les plus à risque et dans les territoires les plus en tension. Il nous reviendra, dans le cadre d’un plus long débat, de dessiner ensemble le format de cette aide.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Les ponctions sur le budget des agences de l’eau ont été décidées sans aucune concertation. Aujourd’hui, ce sont nos territoires et nos concitoyens qui en sont les victimes. Ils sont abandonnés, alors qu’ils ont participé au financement des agences de l’eau.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je rejoins totalement les propos tenus par mes collègues Rémy Pointereau et Daniel Gremillet. Plus généralement, je suis toujours d’accord avec la droite sénatoriale lorsqu’elle considère que les moyens alloués à l’action publique sont insuffisants, que les redevances sont trop faibles et que l’on manque d’agents de service public pour remplir les missions et favoriser les mutualisations entre les territoires. (Sourires.)
Madame la secrétaire d’État, dans votre propos liminaire, vous avez indiqué qu’un million d’euros investi permettait de créer 35 emplois. Ma question est simple : pourquoi vous priver de la création de 35 000 emplois ? Entre les onzièmes et les dixièmes programmes, on observe en effet une baisse des crédits engagés d’environ un milliard d’euros.
Sur quelles analyses et quelles études l’État s’est-il fondé pour baisser ainsi d’un milliard d’euros les crédits des agences de l’eau, alors que les raisons d’intervention de ces agences ont augmenté, et que nous sommes tous d’accord pour considérer que les enjeux sont essentiels ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Dantec, nous partageons le même diagnostic : il est nécessaire de renforcer les moyens des agences de l’eau, qui sont au cœur des dispositifs d’adaptation au changement climatique et du combat que nous devons mener pour restaurer le bon état des masses d’eau.
L’abaissement du plafond des recettes en 2019 a tout de même permis une réduction de la fiscalité appliquée à l’eau potable d’environ 9 %, ce dont on ne peut que se féliciter.
Nous cherchons de nouvelles ressources, sans vouloir augmenter la pression fiscale pesant sur les Français – objectif que nous partageons, je le pense. Nous devons trouver de nouveaux dispositifs, sans doute en renforçant le principe du pollueur-payeur.
Cette fiscalité, ces redevances, ces ressources, ces recettes, quelle que soit leur forme, doivent augmenter, c’est un fait établi par le rapport remis par MM. Jerretie et Richard. Si nous souhaitons ne pas nous tromper, ni sur l’envergure de cette réforme ni sur le public amené à participer à ce nouvel effort, il me semble que nous devrons en débattre, en particulier au niveau parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Madame la secrétaire d’État, merci de la franchise de votre réponse. L’État souhaitait donc clairement amoindrir la redevance des agences de l’eau, alors que celle-ci était largement acceptée par les Français. Et maintenant, il faut bien sûr trouver de nouvelles recettes !
Je peux d’ores et déjà vous indiquer où ces nouvelles recettes seront prélevées : au niveau de la compétence Gemapi ! Au fond, vous transférez vers les collectivités territoriales, à travers la compétence Gemapi, une partie de l’effort.
Vous considérez en effet qu’une augmentation des impôts est jugée plus acceptable par nos concitoyens quand elle est demandée par les collectivités locales plutôt que par l’État, ce qui est une très mauvaise analyse.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez indiqué, une baisse des effectifs des agences de l’eau à hauteur de 40 équivalents temps plein (ETP) est bien inscrite dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Non, monsieur le sénateur. Reprenons le projet de loi de finances pour 2022 : les agences de l’eau n’ont pas connu de réduction d’effectifs cette année, ce qui, j’y insiste, n’avait pas été le cas depuis 2008. Les agences de l’eau connaissaient jusqu’alors en moyenne une baisse de plus de 2 % de leurs effectifs chaque année. Réjouissons-nous tout de même de ce geste fort.
Dans leur grande majorité, les opérateurs français continuent de travailler à la réduction de la dépense publique, au travers notamment de la baisse des ETP. La décision de cesser cette réduction des effectifs pour des opérateurs de l’eau et de la biodiversité tels que les agences de l’eau, les parcs nationaux, dont les effectifs ont même été renforcés, l’OFB ou le Conservatoire du littoral, mérite à ce titre d’être signalée.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Le schéma d’emploi prévoit une réduction de 40 ETP – je le lis dans les rapports. Si le nombre d’agents reste le même, ce n’est que parce qu’un correctif technique lié à la mise à disposition d’agents des agences de l’eau auprès de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) a été apporté par la suite. Mais une baisse de 40 ETP est bien prévue, de même que la diminution du nombre d’agents de l’OFB.
Je pourrais également évoquer la police de l’eau, dont les missions relatives au respect des normes et des pratiques sont fondamentales. On ne dénombre pourtant qu’un agent de la police de l’eau pour 1 000 kilomètres de rivière ! Une réelle police de l’eau n’est pas possible avec aussi peu d’agents.
La création d’emplois reste un sujet essentiel. Si l’on baisse constamment les crédits, nous ne pourrons pas mener de politique cohérente. Les enjeux sont pourtant essentiels, nous en sommes tous d’accord, et sur ce point, je ne vous fais aucun procès d’intention, madame la secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la secrétaire d’État, les agences de l’eau remplissent des missions essentielles dans le contexte du dérèglement climatique et de la nécessaire adaptation des territoires.
Pour autant, ces agences font les frais d’une cure d’austérité drastique. Les chiffres sont terrifiants : dix années de baisses d’effectifs continues, soit une suppression de 21 % de leurs emplois !
Alors que les missions des agences ont été largement étendues au fil des évolutions législatives afin de prendre en compte les thématiques de la biodiversité et du changement climatique, leurs moyens financiers n’ont pas suivi cet accroissement de leurs responsabilités.
Pis, ces moyens ont été rabotés par l’instauration d’un plafond mordant.
Pourtant, le rythme de la reconquête des masses d’eau reste largement insuffisant. Il devrait tripler pour atteindre l’objectif de 70 % de masses d’eau remises en bon état d’ici à 2027. Sur les six prochaines années, le besoin de financement correspondant est estimé à plus de 3 milliards d’euros.
Comment comptez-vous assurer une capacité de financement permettant aux agences de faire face à ces enjeux, notamment dans les bassins très ruraux à faible potentiel fiscal ?
Comment faire jouer davantage la solidarité nationale et comment réviser le plafond des agences à la hausse afin de sécuriser leurs interventions face au changement climatique ?
Comptez-vous leur redonner les moyens humains nécessaires pour préserver leur capacité d’action et leur permettre de remplir leurs missions de service public et de proximité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Permettez-moi tout d’abord, en réponse à la question précédente de M. Dantec, de revenir sur les schémas d’emplois : il est exact que le projet de loi de finances pour 2021, qui a été débattu à la fin de 2020, prévoyait une diminution des effectifs de 41 ETP précisément. En revanche, dans le projet de loi de finances pour 2022 débattu fin 2021, le nombre d’ETP est bien stable.
M. Ronan Dantec. Vous avez un point !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Merci de le reconnaître, monsieur le sénateur.
J’en viens aux besoins de financement et aux effectifs des agences. Nous avons pour objectif de stabiliser les ressources de ces opérateurs afin de leur donner davantage de visibilité dans le cadre de leurs nouvelles missions.
Depuis 2013, nous avons connu une baisse de 350 ETP, soit près de 20 % des effectifs des agences. Il devient difficile, alors même qu’un effort a été réalisé sur les fonctions support et sur les mutualisations, d’imaginer que les agences de l’eau puissent remplir leurs missions sans que ces effectifs soient au moins stabilisés. Nous avons fait un premier pas en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2022.
Parallèlement, nous menons une réflexion – vous y participez d’ailleurs, madame la sénatrice – sur le financement global de la biodiversité.
Du programme 113, « Paysages, eau et biodiversité », à la fiscalité affectée aux agences de l’eau en passant par les fonds redistribués entre l’Office français de la biodiversité et les parcs nationaux, le financement de la biodiversité est aujourd’hui un véritable « Beaubourg ». Nous devons tout remettre à plat.
Depuis maintenant plusieurs mois, nous nous y employons, en nous appuyant notamment différents travaux parlementaires. Le rapport Jerretie-Richard concernant le financement des agences de l’eau est à cet égard très éclairant.
Nous nous y employons également, au travers de la réécriture de la stratégie nationale pour la biodiversité. Dans ce cadre, une mission d’inspection relative au financement des aires protégées et au financement global de la biodiversité a été confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et à l’Inspection générale des finances (IGF).
En tout état de cause, il nous faut clarifier le financement de la biodiversité. Le principe d’une fiscalité affectée à ce domaine est un bon moyen de faire comprendre aux Français que ces moyens sont nécessaires et que cet effort collectif doit être accepté. Mais cela appelle une plus grande transparence concernant l’affectation de ces crédits.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. Alors que le principe de la décentralisation prévaut pour l’eau, nous pouvons aujourd’hui légitimement craindre que des politiques nationales échouent à s’adapter aux réalités territoriales.
C’est la notion même de « bassin » qui est mise à mal, alors qu’elle a pourtant été au cœur de la création de ces agences, qui sont des outils stratégiques et des lieux de dialogue entre l’État et les collectivités. Il faut maintenir le caractère décentralisé du pilotage des agences et l’implication des collectivités en leur sein.
Nous savons qu’il faut aussi préserver leur capacité à mettre en œuvre une solidarité entre l’urbain et le rural, l’amont et l’aval, comme entre les générations, par le biais des redevances qu’elles perçoivent.
Comment vous comptez leur permettre d’assurer ces missions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Il faut évidemment maintenir la gouvernance locale des comités de bassin. Ce modèle exceptionnel est d’ailleurs le pendant de la nécessaire transparence en matière de fiscalité et de financement de la biodiversité.
Le besoin de prise en compte de l’ancrage territorial et des réalités de terrain est indiscutable. De fait, les comités de bassin gèrent leur plafond en fonction du contexte local.
Ce modèle de gouvernance est tout à fait pertinent, et j’estime que nous devons collectivement le défendre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la secrétaire d’État, les élus sont inquiets de cette réforme des redevances, qui risque de mettre à mal le modèle même des agences.
Si l’on transfère aux collectivités territoriales le soin de lever la redevance, de supporter les impayés dans le budget annexe de l’assainissement et de prendre en charge toutes les procédures y afférentes – je pense notamment à la facturation et au recouvrement –, une augmentation des redevances des usagers, destinée à équilibrer les budgets, est à craindre. Or le signal envoyé par l’assujettissement des stations d’épuration entre en contradiction avec le principe pollueur-payeur, fondement de la politique de gestion de l’eau en France.
Le système des redevances des agences de l’eau mérite certes d’être revu en profondeur ; mais le but doit être de renforcer sa vocation environnementale et d’en faire un véritable outil de progrès, non de lui conférer une simple fonction fiscale.
Enfin, il convient de garantir le principe fondateur selon lequel l’eau paie l’eau et la biodiversité paie la biodiversité.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Louault.
M. Pierre Louault. Madame la secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite Gemapi.
Ce texte avait plusieurs objectifs et il est efficace pour la protection des petits milieux naturels, notamment des petits cours d’eau. Néanmoins, dans le territoire dont je suis élu, pour la partie basse de la vallée de la Loire, nous devons également assurer la protection contre les inondations, qui relève désormais de la compétence des intercommunalités.
Prenons un exemple. La petite communauté de communes d’Azay-le-Rideau est traversée non seulement par la Loire – elle totalise, à ce titre, quinze kilomètres de digues –, mais aussi par les affluents de l’Indre, du Cher et de la Vienne. Tous ces cours d’eau prennent leur source dans le Massif central.
La loi Gemapi confie aux intercommunalités la responsabilité d’entretenir, à leurs frais, toutes les digues. C’est une profonde injustice, parce qu’il est tout simplement impossible de relever un défi national à l’aide d’un financement local, même si les acteurs concernés essaient de se regrouper en syndicats mixtes.
De plus, une agence de l’eau couvre l’ensemble du bassin concerné : je ne vois pas pourquoi on n’a pas décidé, au moment de l’élaboration de la loi, que les agences de l’eau s’investiraient dans la protection contre les crues majeures, notamment celles de la Loire et de ses affluents.
Cette compétence sera très bientôt transférée aux collectivités locales, alors que, pendant de nombreuses années, l’État a fait l’impasse sur l’entretien de ces digues. Il faut bel et bien renforcer les digues et les entretenir au quotidien, afin qu’elles ne soient pas fragilisées par la végétation, mais c’est une mission quasi impossible pour de petites communautés de communes.
Ne pourrait-on donc imaginer de recentraliser les missions et le financement des agences de l’eau afin de définir une véritable politique de l’eau ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, vous le savez : les aides liées à l’aménagement du territoire, au remembrement et, de manière générale, à toutes ces actions essentielles et potentiellement assez budgétivores, sont très largement prises en charge par les agences de l’eau. En revanche, les interventions sur les digues et les barrages relèvent effectivement du fonds Barnier.
Vous souhaiteriez plus de facilité, de fluidité ou de simplicité dans l’accès à ces aides ; je puis l’entendre, mais il me semble nécessaire de maintenir ce schéma, qui est somme toute assez lisible et qui permet une montée en puissance des capacités financières.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Louault, pour la réplique.
M. Pierre Louault. L’intervention du fonds Barnier représente effectivement une amélioration, mais le reste à financer outrepasse réellement les capacités des petites collectivités locales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La capacité d’intervention du fonds Barnier est de l’ordre de 40 % ; j’entends donc votre difficulté à boucler le tour de table pour financer des travaux importants.
Aussi, n’hésitez pas à nous faire part des projets précis pour lesquels vous rencontreriez ce type de difficultés. (M. Pierre Louault opine.) D’expérience, quand cette question se pose, on trouve toujours des montages permettant de boucler le tour de table, si les travaux ou interventions envisagés se révèlent nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Louault.
M. Pierre Louault. Pour renforcer un kilomètre de digue en bord de Loire, il faut 1 million d’euros. Cela vous donne une idée de l’ampleur du besoin…
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’adaptation au changement climatique préoccupe l’ensemble des usagers de l’eau. Le débit moyen annuel des rivières devrait baisser de 10 % à 40 % au cours des prochaines décennies, ce qui conduira inévitablement à des conflits d’usage. La question du partage d’une ressource dont la quantité et la qualité sont menacées implique donc de définir des orientations fortes à l’échelle nationale.
En dépit de cet objectif commun, nous constatons des divergences d’application des politiques publiques menées par les agences de l’eau, selon les bassins versants. Ainsi, au sujet des retenues – enjeu particulièrement sensible dans nos territoires –, les usagers se voient opposer des réponses différentes selon les agences.
Ainsi, la création de retenues collinaires, qui permettent de récupérer les excédents d’eau en période hivernale ou en période de crue pour les restituer en période de stress hydrique, ne fait pas l’objet d’une même doctrine et ne bénéficie donc pas des mêmes financements ici ou là, ce qui accentue les tensions locales.
Après les assises de l’eau de 2018 et 2019, l’initiative du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique était bienvenue : elle doit permettre, grâce au dialogue et à la concertation, de construire des solutions pour l’avenir dans un cadre apaisé, l’agriculture étant particulièrement vulnérable. Malheureusement, plusieurs des parties prenantes n’ont pas souhaité y participer.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement entend-il améliorer la coordination de l’action des agences de l’eau face au changement climatique qui est devant nous ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, l’urgence climatique exige effectivement notre mobilisation, notamment auprès des agriculteurs, qui sont non seulement les premiers témoins des tensions sur la ressource en eau, mais encore les premiers touchés, au travers de leurs pratiques et de leurs activités, alors que leur modèle économique est déjà extrêmement fragile.
Le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, et moi-même devions donc élaborer en urgence des réponses communes en respectant une nouvelle vision de la ressource en eau : qu’est-il possible de faire face à une ressource mobilisable qui s’amenuise, et non de quoi a-t-on besoin ?
C’est ce que nous avons fait avec la quasi-totalité des parties prenantes : seule une association n’a pas souhaité participer. Elle craignait que la politique de l’eau, qui relève du ministère de la transition écologique, ne soit menacée par les intérêts économiques du monde agricole. Néanmoins, elle a porté ensuite un regard très attentif sur nos travaux.
Nos échanges se poursuivent : le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique devrait se conclure, si je ne m’abuse, le 1er février prochain. Ce sera l’occasion de montrer que nous avons su trouver des équilibres.
Il s’agissait d’abord de s’entendre sur une vision commune de cette ressource, des possibles et des volumes prélevables ; c’était l’objet du décret du 23 juin 2021 relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse. En effet, pour sécuriser l’activité des agriculteurs, la clef consiste à partager avec eux une vision des volumes prélevables, car, tant qu’ils connaissent ces volumes, ils sont prêts à adapter leurs pratiques.
Ensuite, nous devions montrer que nous pouvions nous améliorer en simplifiant le montage des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), qui s’inscrivent dans le cadre des assises de l’eau et qui s’appuient sur une vision globale.
Nous devons sans doute accélérer la mise en œuvre des « projets sans regret » et la réalisation des premiers pas, en réponse aux besoins locaux et aux urgences de la sphère agricole. Sans menacer les équilibres de la ressource mobilisable en eau, il faut également enclencher des projets plus globaux et des dynamiques de territoire, en particulier au titre des infrastructures.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.
M. Éric Gold. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Vous avez mentionné les changements de pratiques agricoles, sujet sur lequel vous vous penchez avec M. Denormandie. Toutefois, s’il faut effectivement engager une réflexion sur la ressource en eau, il ne faut pas pour autant se refuser à imaginer des systèmes de retenue d’eau captant des excédents pendant la période hivernale et les restituant en période de stress hydrique.
Les événements climatiques des dernières années doivent orienter les agences de l’eau vers des décisions innovantes et pragmatiques, libres de tout raisonnement dogmatique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Nous ne nous interdisons rien, dès lors que l’on ne met pas en péril nos ressources en eau et que l’on priorise les usages.
L’été dernier, certains départements français, comme le Lot, ont connu des ruptures d’eau potable : ce sont des situations que l’on ne souhaite évidemment pas voir se reproduire et s’installer dans la durée.
Nous avons donc besoin de projets respectant l’équilibre de la ressource et recourant à tous les moyens mobilisables, qu’il s’agisse d’économies en eau, de réutilisation des eaux usées ou de stockage, lorsque c’est possible. La question des excédents hivernaux s’inscrit dans ce cadre. C’est vrai, le décret dit « gestion quantitative » est plutôt fondé sur la notion d’étiage lors de situations de tensions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le secrétaire d’État, le principe de base est que le pollueur doit être le payeur.
Or, depuis des décennies, nous sommes confrontés au problème de la pollution de la Moselle par les rejets de chlorures nocifs des soudières de la vallée de la Meurthe.
À ce titre, les gouvernements successifs n’ont strictement rien fait. Ils ont même cautionné ces pollueurs scandaleux, puisque, chaque fois que de l’argent public a été investi pour écrêter les pics de pollution en période d’étiage, c’est-à-dire en été, les soudières en ont profité pour augmenter leur pollution.
Actuellement, ces entreprises rejettent deux fois plus de chlorures nocifs dans la Moselle qu’il y a quarante ans et l’attitude des pouvoirs publics est plus scandaleuse que jamais : ces derniers persistent à cautionner la situation au lieu de réagir. Il serait peut-être temps que les pouvoirs publics, quels qu’ils soient, se décident à réagir fermement et à sanctionner les pollueurs !
Comme pour les rejets de bauxite en Méditerranée, on nous dit : « Tant pis, on n’y peut rien… » Il est particulièrement urgent que vous fassiez quelque chose. Vous ne pouvez pas laisser perdurer cette situation, qui est devenue intenable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. L’agence de l’eau compétente a engagé une action avec les services des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) afin de trouver une solution technique, passant par la filtration pour éviter les rejets directs dans les milieux naturels. (M. Sébastien Meurant manifeste sa circonspection.) Il s’agit donc d’une réflexion technique et d’un engagement financier permettant de donner un début de réponse à cette situation : une telle pollution directe est bien sûr inacceptable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.
M. Jean Louis Masson. Quand j’étais député, un ministre m’avait répondu à peu près la même chose que vous : il était difficile de ne pas rejeter des chlorures dans la Moselle, parce que, si on les rejetait en mer du Nord, cela polluerait la mer. Votre réponse est à peu près aussi dense que celle de ce ministre giscardien…
Je suis scandalisé. On nous dit qu’on ne peut rien faire : évidemment, puisqu’on ne fait rien, et cela fait quarante ans que cela dure !
On en a par-dessus la tête : il serait temps de se réveiller, madame le secrétaire d’État ! C’est à vous que je le dis, mais vos prédécesseurs n’étaient pas mieux…
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, si j’avais été sollicitée par un simple courrier de votre part m’alertant sur ce dossier, j’aurais préparé une réponse un peu plus étayée…
M. Jean Louis Masson. Cela fait vingt ans que je pose cette question par écrit !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. En tout état de cause, je viens d’apprendre qu’un contrat a été conclu entre la région…
M. Jean Louis Masson. Cela ne résout rien du tout !
Mme la présidente. Mon cher collègue, attendez que Mme la secrétaire d’État ait fini de s’exprimer pour lui répondre.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … et les différents acteurs pour avancer vers la résolution du problème que vous soulevez. La réflexion avance et une solution se dessine, avec des moyens dédiés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. C’est un dialogue de sourds !
Ces procédés ne règlent rien du tout et la pollution continue comme avant ! Cela et rien, c’est la même chose…
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Chaque été, le bassin Adour-Garonne connaît des étiages préoccupants, qui seront probablement réduits de moitié à l’horizon de 2050. La température de l’eau frise alors les 30 degrés.
Aux sécheresses de plus en plus fréquentes et sévères s’ajoute l’augmentation de la distribution d’eau à Toulouse et à Bordeaux, métropoles très attractives qui accueillent chacune quelque 15 000 habitants de plus chaque année.
Nous sommes ainsi confrontés à une équation bien difficile à résoudre et les enjeux, déjà nombreux, ne cessent de se multiplier. Si le réchauffement climatique s’installe petit à petit dans ce qui s’apparente à un voyage sans retour, nous devons aussi faire face au constat alarmant d’une accumulation de micropolluants dans les eaux de nos rivières : microplastiques et même nanoplastiques, résidus de médicaments, pesticides et autres substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS). Malheureusement, les conséquences sur la santé sont certaines…
Voilà donc des enjeux d’avenir primordiaux, car l’eau, c’est la vie.
Ces défis immenses qui nous attendent représentent des coûts considérables et il est à craindre que l’augmentation des moyens nécessaires ne pèse sur nos concitoyens, comme c’est le cas aujourd’hui. En effet, plus de 70 % des revenus perçus par les agences de l’eau viennent des particuliers. La reconquête et le bon état de nos masses d’eau exigent non seulement une organisation locale simplifiée, mais aussi, bien entendu, des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux.
La première stratégie des agences de l’eau est de réussir à préserver ce bien commun essentiel. Les comités de bassin sont des lieux de dialogue et d’équilibre entre personnes qualifiées, collectivités territoriales et associations. Cet esprit de concertation et le caractère décentralisé de cette gouvernance sont les mieux à même de répondre aux situations locales.
Madame la secrétaire d’État, dans cette perspective, entendez-vous poursuivre le gel de la baisse des effectifs de ces agences au-delà de 2022 ? Comment comptez-vous assurer une adaptation responsable au dérèglement climatique et aux pollutions diffuses ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Préville, avant tout, je tiens à vous remercier de votre implication sur ces sujets, notamment sur celui des micropolluants. J’espère que le colloque que vous prévoyez d’organiser pourra avoir lieu.
Nous élaborons actuellement le prochain plan sur ce sujet : la question des micropolluants véhiculés par les eaux pluviales – les microplastiques, les cosmétiques – sera au cœur de ce nouveau plan de lutte, auquel vos travaux et vos réflexions contribuent grandement.
Le bassin Adour-Garonne connaît effectivement une tension particulière sur cette ressource. (Mme Angèle Préville acquiesce.) Nos plans d’adaptation au changement climatique identifient cette vulnérabilité et doivent nous permettre d’identifier les leviers d’adaptation. Les schémas directeurs d’aménagement et de la gestion des eaux (Sdage), en cours de révision, doivent également proposer une vision commune et une perspective pour la gestion et la maîtrise de cette ressource.
Vous évoquez les comités de bassin. Je le répète : je défends résolument ce modèle et son ancrage à l’échelle du bassin, qui lui permet de répondre aux enjeux locaux. Cette forme de gouvernance me semble la mieux à même d’assurer une vision commune assumée par tous.
Les comités de bassin doivent représenter les élus des territoires : nous devons préserver ce modèle et exercer notre vigilance sur les besoins majeurs afin de renforcer nos ressources face à ces défis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. L’article L. 210-1 du code de l’environnement définit l’eau comme faisant « partie du patrimoine commun de la Nation ».
Les agences de l’eau ont été créées en 1964 pour favoriser la solidarité territoriale et financer non seulement le petit cycle de l’eau, mais encore la prévention, en amont.
Le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, auquel le département de la Haute-Savoie est rattaché, est le plus concerné par les événements climatiques en France. De 1982 à 2018, 6 750 communes, soit 92 % des communes du bassin, ont été touchées au moins une fois par une inondation déclarée catastrophe naturelle.
La multiplication de ces catastrophes climatiques justifie la mobilisation de crédits exceptionnels pour permettre des reconstructions dans les départements sinistrés, mais le budget de l’agence de l’eau chargée de ce comité de bassin s’en trouve très sollicité, alors même que le contexte général est déjà défavorable : les capacités totales annuelles d’intervention de l’agence ont reculé de plus de 15 % par rapport à la période 2013-2018.
Cette agence regroupe une très grande part des territoires de montagne de notre pays. Ces derniers constituent – je le rappelle – les principaux châteaux d’eau de notre Nation, mais ils se révèlent particulièrement vulnérables, car ils sont soumis à des aléas climatiques plus forts : cette agence, qui fait face à de très grands enjeux environnementaux, devrait donc bénéficier d’une solidarité financière nationale.
Madame la secrétaire d’État, que pensez-vous de cette proposition ?
Par ailleurs, face aux défis climatiques qui seront, demain, plus importants et plus nombreux qu’hier pour les agences de l’eau, le principe de plafond mordant, introduit par la loi de finances pour 2018, a-t-il encore du sens ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Noël, vous êtes bien placée pour connaître les impacts terribles et la violence de certains épisodes liés au dérèglement climatique, auxquels nous avons dû nous adapter en faisant preuve de résilience.
Très concrètement, nous devons aussi trouver les moyens de faire face à ces terribles catastrophes naturelles.
Le régime d’indemnisation fait déjà appel à la solidarité nationale, qui se manifeste également dans la prévention, au travers d’études et de travaux, voire de délocalisations lorsque c’est nécessaire.
C’est principalement au travers du fonds de prévention des risques naturels majeurs, mieux connu sous le nom de fonds Barnier, que l’on intervient. En deux ans, les crédits de ce fonds ont augmenté de plus de 70 %, passant de 131 à 235 millions d’euros en 2022, avec une enveloppe supplémentaire spécifique post-tempête Alex d’un montant de 30 millions d’euros en 2022.
Dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, l’agence de l’eau a largement contribué au financement des travaux de réparation des systèmes d’assainissement, des réseaux d’eau potable et des réseaux collectifs d’irrigation, ou encore à la restauration des cours d’eau. Elle apporte ainsi un concours important au travers d’une enveloppe de 25 millions d’euros destinée aux travaux faisant suite à la tempête Alex.
Pour ce qui concerne la solidarité nationale dans le cadre des interventions des agences de l’eau, un rééquilibrage des recettes entre les différentes agences a eu lieu lors de la préparation des onzièmes programmes des agences de l’eau, en fonction de notre expérience dans les différents bassins, et des mutualisations entre agences ont eu lieu.
Pour la définition des douzièmes programmes, nous portons une attention toute particulière au maintien de cet équilibre et de la solidarité nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Madame la secrétaire d’État, il me semble que vous ne m’avez pas répondu au sujet des plafonds mordants.
Pour revenir à ma première question, je n’ignore pas l’existence de mécanismes de péréquation ; mais ils se révèlent gravement insuffisants pour l’agence de l’eau dont il s’agit, chargée d’intérêts stratégiques allant bien au-delà de son territoire et concernant l’ensemble de la Nation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises : nous devons à la fois maîtriser la pression fiscale pesant sur les ménages français et assurer la montée en puissance des financements. Un rapport du sénateur Richard et du député Jerretie, dont je salue la teneur, éclaire d’ailleurs ces réflexions.
Celles-ci doivent être mises en regard d’autres questions, je pense notamment à celle du sénateur Guené. Nous ne pouvons envisager ces réflexions sur la fiscalité que dans le cadre d’une réflexion plus large, incluant la fiscalité des collectivités territoriales. Ce problème ne peut pas être vu que par le prisme des agences de l’eau : notre réflexion doit être beaucoup plus large.
Je n’ai pas souhaité apporter à ces questions une solution clefs en main, que j’aurais conçue seule au sein de mon ministère sans avoir une vision globale avec les différentes collectivités. Cette réflexion sur la fiscalité, nous l’aurons beaucoup plus largement à l’échelle nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Je ne propose pas de réévaluer les redevances demandées aux particuliers ; je pense plutôt aux crédits que l’État a pris aux agences de l’eau pour financer l’Office français de la biodiversité (OFB).
Cette situation n’est pas normale, et c’est sur ce point qu’il faut intervenir : l’eau doit payer pour l’eau et l’OFB n’est pas concerné par les cotisations des agences de l’eau.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Le stress hydrique est déjà une réalité pour nombre de nos départements. Demain, le réchauffement climatique imposera de mettre en œuvre des solutions novatrices pour y répondre.
Parmi celles qui sont envisagées figure le projet Jourdain, mené par le syndicat départemental Vendée Eau.
Ce projet ambitieux, de 17 millions d’euros sur dix ans, est un programme global de production indirecte d’eau potable à partir d’eaux usées. Après traitement, il serait question non plus de les rejeter à la mer, mais de les réinjecter dans le circuit de l’eau potable à l’issue d’un processus comprenant une unité d’affinage et une zone de transition végétalisée.
Cette expérimentation est une première en Europe. Elle pourrait dégager des ressources en eau considérables. Reproductible, elle peut constituer une réponse pertinente pour de nombreux territoires, en particulier littoraux.
L’agence de l’eau accompagne Vendée Eau pour la première phase du projet, à hauteur de 4 millions d’euros sur les 9 millions engagés à ce jour, mais elle refuse d’envisager un soutien à l’intégralité du projet. Ainsi, la canalisation, la zone végétalisée et les études d’impact indispensables à la réalisation de ce projet ne seraient pas éligibles à une aide, ce qui risque de compromettre l’expérimentation de la démonstration qui doit faire avancer la réglementation, sauf à s’orienter vers un financement privé.
Madame la secrétaire d’État, pouvons-nous raisonnablement confier à des sociétés privées le soin d’offrir une réponse à la ressource en eau, alors qu’un organisme d’État est censé s’y consacrer ? Pouvez-vous enfin vous engager à financer ce projet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Le projet Jourdain, défendu par le syndicat départemental d’eau potable de Vendée, est effectivement très innovant. Nous y accordons le plus grand intérêt.
En effet, avec un tel démonstrateur expérimental permettant de tester et d’évaluer in situ une solution de recyclage indirect des eaux usées traitées, qui offre des perspectives de réutilisation des eaux usées après affinage pour compléter la ressource en eau, nous avons un dispositif permettant de renforcer l’alimentation en eau potable de la population du littoral vendéen. Ce levier est donc extrêmement intéressant.
Ce projet, engagé depuis 2018, a bénéficié d’un accompagnement de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, avec un financement de 4,18 millions d’euros d’aide pour une dépense totale de 8,69 millions d’euros à ce jour.
La région des Pays de la Loire y a contribué, avec un montant de 1 million d’euros issus du Fonds européen de développement régional (Feder). Le département de Vendée apporte, quant à lui, 1,7 million d’euros. Ce budget important témoigne de l’ambition que nous avons pour ce projet.
Les prochaines phases, qui concernent la canalisation et les ouvrages associés, la zone de transition et les études et bilans, sont estimées à 13 millions d’euros par le syndicat départemental. Nous sommes donc à la recherche de financements complémentaires dans le cadre d’un tour de table. La vision globale des prochaines étapes du projet doit inclure la démonstration de son caractère reconductible.
L’ensemble de ces priorités justifient bel et bien un financement exceptionnel : l’agence de l’eau étudiera ce projet afin d’évaluer le soutien qui peut encore y être apporté, en complément des partenaires financeurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, ce que je veux, aujourd’hui, c’est une réponse sur la deuxième phase du projet.
Le ministère dit que c’est un bon projet et l’agence de l’eau a participé à sa première phase, mais on ne sait toujours pas comment financer sa deuxième phase.
C’est bien de manifester de l’intérêt, mais il faut désormais apporter des réponses claires au syndicat Vendée Eau. Hier encore, l’agence de l’eau rencontrait le président de ce syndicat, Jacky Dallet, qui n’a toujours pas de réponse à ce stade.
Vous devez donner une réponse claire sur la deuxième phase de travaux. Sinon, le projet ne pourra pas aboutir.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je vous confirme l’accord de principe, l’intérêt et le soutien de l’État et du Gouvernement pour ce projet. Toutefois – vous le savez –, la décision appartient au conseil d’administration et à la commission d’intervention de l’agence de l’eau, entre les mains desquels se trouve ce dossier.
Cela étant, le tour de table semble bien parti : de forts investissements ont déjà été consentis et tous les partenaires semblent décidés à soutenir ce projet jusqu’au bout.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Il semble qu’il y ait tout de même des problèmes de gouvernance, vu le temps que l’on aura mis à aboutir à ce résultat.
Le projet est lancé depuis 2017 ; l’agence de l’eau accepte peut-être de participer à la deuxième phase, mais demande à sectionner les différents travaux, ce qui est impossible.
Essayons d’avoir une gouvernance et des projections claires. Il s’agit d’investissements extrêmement lourds, qui ne doivent pas être supportés par les seuls Vendéens. (M. Yves Détraigne opine.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Madame la secrétaire d’État, les politiques de l’eau ne sont pas toujours visibles et leur mise en œuvre est trop complexe. Peut-on envisager de réformer la gouvernance de l’eau pour la simplifier et l’asseoir sur la confiance avec les collectivités ?
Ce chantier suppose nécessairement de renforcer les partenariats entre les régions et les agences de l’eau, notamment en développant les contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER), un peu en souffrance aujourd’hui.
Surtout, il faut travailler de concert avec les collectivités territoriales, lesquelles doivent pouvoir maîtriser l’organisation des projets de territoire. En vertu de ses pouvoirs régaliens, l’État devra assurer la cohérence des actions menées aux échelles nationale et européenne.
Les comités de bassin et les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) doivent également affirmer leurs prérogatives en matière d’expertise, en y intégrant l’appui aux politiques de prévention et de gestion des inondations.
Dans cette perspective, il serait souhaitable de rapprocher les documents relatifs aux plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) et aux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) pour une cohérence d’action autour d’un cycle global de l’eau.
Enfin, il faut clarifier et affirmer le modèle financier pour accompagner l’ensemble des plans d’action et faciliter les contractualisations.
L’ensemble de ces éléments devraient participer à la mise en œuvre d’une nouvelle loi-cadre sur l’eau visant à simplifier les organisations et à renforcer le rôle des collectivités territoriales, tout particulièrement celui des régions.
Quelle est votre position sur ces différents sujets ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous confirme l’intérêt de cette proposition très technique : le rapprochement des PGRI et des Sdage semble cohérent et pertinent.
Une telle disposition me semble d’ordre législatif. Elle devra donc être soumise au débat parlementaire. La réflexion doit encore être prolongée ; mais elle a du sens, qu’il s’agisse de l’efficacité, de la lisibilité ou de la cohérence de nos dispositifs. Elle mérite de s’inscrire dans la discussion du prochain programme sur six ans.
Je ne vous le cache pas : la gouvernance des agences de l’eau que vous appelez de vos vœux m’a un peu déroutée. En effet, elle me semble correspondre parfaitement à la gouvernance actuelle, ce dont je me félicite.
Votre question invite peut-être à faire preuve d’une plus grande clarté encore au sujet de ce mode de fonctionnement. Les comités de bassin décisionnaires, sur lesquels repose cette gouvernance et auxquels participent tous les élus locaux, à quelque échelon que ce soit, participent de ce modèle tout à fait exceptionnel qu’il nous faut préserver.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Madame la secrétaire d’État, je vais préciser ma pensée : je souhaite surtout un approfondissement de la décentralisation.
En effet, l’État est parfois un peu trop présent sur des projets territoriaux et devrait rester dans son rôle régalien. Il faut affirmer le poids des collectivités territoriales, notamment celui des régions, et renforcer le dialogue interrégions. Les CPIER sont encore relativement creux sur ces sujets. Or certains comités de bassin, comme celui de l’Adour-Garonne, s’étendent sur deux régions.
Pourriez-vous nous donner plus de précisions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Ces bassins hydrographiques, qui s’affranchissent des frontières administratives, demandent effectivement un travail particulier de concertation et de décloisonnement des politiques.
Toutefois, ce défi est déjà connu. Nous y faisons face pour certaines aires protégées, comme les parcs nationaux par exemple, qui peuvent être à cheval sur différents départements ou différentes régions.
Ces cas de figure appellent un certain nombre d’innovations. Ils exigent une véritable intelligence des situations locales. Toutefois, les actions mises en œuvre doivent rester à la main des élus des collectivités et donc des territoires.
En parallèle, la vision globale de la politique de l’eau doit demeurer du ressort de l’État. Si le cadre national dans lequel s’inscrivent les PTGE, les Sdage et cette vision même de la ressource doit être conservé, l’adaptation des dispositifs, des besoins et des interventions doit être menée à l’échelle des bassins.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Aujourd’hui, les questions ont essentiellement porté sur le financement de la Gemapi et les risques d’inondation.
Vous avez évoqué le fonds Barnier, mais il reste un solde à payer relativement important. Or la contractualisation n’est pas claire aujourd’hui : le manque de lisibilité entre les régions, les départements et les différentes parties prenantes prive les collectivités locales qui se sont emparées de la compétence Gemapi de visibilité financière.
La marge d’incertitude reste forte, parce que les plans de financement ne sont pas suffisamment consolidés à la fois dans le cadre du dialogue interrégional et à l’échelle des collectivités territoriales.
Il faut aller vers un renforcement des compétences des collectivités territoriales, vers une meilleure visibilité pour améliorer l’accompagnement de projets qui peuvent être lourds de conséquences sur le plan financier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur l’une des préoccupations des communes rurales, qui sont nombreuses dans mon département de la Moselle.
Depuis le début de mon mandat, je suis régulièrement interpellée par les maires de petites communes qui éprouvent de plus en plus de difficultés dans leurs rapports avec l’agence de l’eau de notre bassin.
Pour ces collectivités territoriales, la mise aux normes de l’assainissement, imposée par les mêmes agences de l’eau ou par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), représente des coûts importants.
Vous le savez : les budgets de ces communes sont contraints et la rénovation des réseaux, collectifs ou non collectifs, est particulièrement onéreuse. L’État, à l’instar des départements et des régions, ne les subventionne quasiment pas.
Le programme des agences de 2014 abandonnait le financement du collectif au profit du non-collectif. De nombreuses communes ont alors commandé des études dans l’espoir de bénéficier des subventions des agences. Mais le onzième programme, entré en vigueur en 2019, ne subventionne plus le non-collectif.
Compte tenu du temps nécessaire à la réalisation des études, des délais d’instruction et des fréquents changements des zonages déterminés par les agences, les communes n’ont tout simplement pas pu bénéficier des subventions du dixième programme. Elles sont aujourd’hui confrontées à de graves difficultés et ne trouvent pas de solution.
La rénovation de l’assainissement non collectif représente un véritable casse-tête, car la collectivité n’a souvent pas d’autre choix que d’avancer les sommes pour que les particuliers mettent aux normes leurs systèmes individuels.
Madame la secrétaire d’État, alors que les fonds du plan de relance sont censés favoriser les travaux de mise aux normes environnementales de l’assainissement, les communes rurales ont besoin de savoir si le non-collectif fait partie des priorités de l’État. Dans l’affirmative, comment mobiliser enfin des subventions à leur profit ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice, je vous rejoins : il est aujourd’hui nécessaire d’apporter une réponse aux exécutifs locaux, qui ont été largement renouvelés et qui font désormais preuve de volontarisme en la matière (Mme Catherine Belrhiti acquiesce.) – ce n’était pas le cas lorsque les agences de l’eau participaient au financement de l’assainissement non collectif.
Nous devons aider ces communes en grande difficulté à mener à bien des projets locaux d’assainissement qui supposent des budgets tout à fait considérables.
Sur la forme, le Gouvernement n’a pas souhaité poursuivre ces interventions, longtemps financées. Il a fallu faire des choix et nous avons redirigé les capacités d’intervention des agences de l’eau dans le cadre du onzième programme.
À nous d’imaginer d’autres dispositifs. Encore une fois, je n’ai pas de réponse toute faite. Les situations peuvent être très diverses, selon qu’il s’agit d’un projet strictement individuel ou élaboré par un EPCI. Dans ce dernier cas, il faut trouver un montage financier à même de répondre, de manière opérationnelle, à des enjeux un peu plus globaux.
Nous pouvons imaginer des réponses immédiates, via des incitations fiscales par exemple. À moyen terme, la mise en œuvre d’un service unique d’assainissement pourrait offrir une entrée globale, notamment avec un accompagnement en termes d’ingénierie financière.
Le débat est ouvert. Comme vous, j’estime qu’il est grand temps d’apporter des réponses aux collectivités. (M. François Bonhomme s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la secrétaire d’État, je vous le confirme, il faut absolument trouver des solutions.
Au fil des années, les prescriptions des agences de l’eau ont connu un certain nombre de revirements, si bien que les communes ne savent plus à quoi s’en tenir. Certaines d’entre elles voudraient aider les particuliers, mais elles ne peuvent pas s’endetter.
Face à ces situations bloquées, un certain nombre de maires reviennent régulièrement vers moi. J’y insiste, il faut rapidement apporter une solution à ces communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Madame la secrétaire d’État, depuis 2017, les sept agences de l’eau sont devenues, de fait, le bras armé des comités de bassin, qui financent une part de plus en plus importante des politiques environnementales, bien au-delà de leurs compétences propres : Agence française pour la biodiversité (AFB), parcs nationaux et j’en passe.
Plutôt que d’accorder à ces opérateurs des crédits propres, le Gouvernement puise dans le budget des agences de l’eau, lui-même constitué de redevances payées par tous les usagers. Ainsi, les agences de l’eau financent actuellement près de la moitié des politiques de la biodiversité.
Mais cela ne s’arrête pas là : vous avez institué un plafond mordant, autrement dit un seuil, fixé à 2,1 milliards d’euros en 2019, au-delà duquel les recettes perçues par les agences sont directement reversées au budget de l’État. Or un rapport parlementaire émanant de votre propre majorité dispose que les agences de l’eau ont besoin de 400 millions d’euros supplémentaires par an pour mener à bien leurs missions.
Ledit rapport rappelle que les agences sont des acteurs essentiels de la préservation de l’eau : elles mènent ou financent des actions de dépollution, d’entretien des réseaux et de restauration des rivières. Ce plafond mordant vient donc imposer une règle budgétaire totalement anachronique, qui ne prend pas la mesure des problématiques de notre temps, d’autant que ces dernières ne manquent pas : multiplication des inondations et des sécheresses, raréfaction des ressources en eau, élévation du niveau de la mer en raison du dérèglement climatique, etc.
Ce sont là autant de sujets qui vont nécessiter des actions de grande ampleur.
D’ici à la fin du siècle, les agences de l’eau prévoient une baisse de 10 % à 50 % du débit d’étiage des grands fleuves et de 10 % à 30 % des nappes phréatiques, ce qui entraînera une plus grande concentration des polluants dans les rivières.
En organisant, par le biais du plafond mordant, l’attrition des finances des agences de l’eau, ne nous éloignons-nous pas du modèle décentralisé de gestion de l’eau par les agences et les comités de bassin et, de fait, du principe selon lequel l’eau paye l’eau ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, pour moi, l’eau et la biodiversité relèvent d’une seule et même problématique. La gestion de l’eau est l’un des principaux piliers de la biodiversité, dans tous ses aspects. (M. Alain Richard acquiesce.)
Nous devons nous affranchir de ces limites et nous efforcer d’aborder les problèmes de manière globale. Il en va de même des financements : l’effort national, l’effort de tous les Français pour participer au financement de la préservation de l’eau et de la biodiversité doit s’inscrire dans le même esprit de décloisonnement et de solidarité.
En revanche, nous devons donner aux projets locaux la meilleure visibilité possible sur les interventions et les partenariats, notamment au regard des attentes de certaines collectivités. Il faut préciser qui fait quoi, quelles missions sont attribuées aux différents opérateurs, quels financements peuvent être mobilisés et auprès de qui. Nous devons mener ce travail de clarification.
Les recettes qui reviennent au budget de l’État au titre du plafond mordant ne se volatilisent pas : elles ne disparaissent pas dans les poches du Gouvernement. Elles financent d’autres services publics, comme l’hôpital ou l’école, en vertu du principe de solidarité. Les recettes du budget de l’État ne sont pas affectées.
J’y insiste, ces ressources financent d’autres dépenses nécessaires au fonctionnement de notre société. Ce choix n’est pas un coup de rabot : il permet de garantir un équilibre entre les différentes missions régaliennes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler.
Mme Sabine Drexler. Madame la secrétaire d’État, la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) a créé une compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, la Gemapi, attribuée exclusivement aux communes. Le but est d’assurer une approche plus globale, à l’échelle d’un bassin versant, de la qualité de l’eau et de la préservation des zones humides.
La Gemapi a fait apparaître de nouveaux et importants acteurs locaux dans le domaine de l’eau avec la création des syndicats dits « gémapiens » et des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (Épage).
Après plusieurs années de mise en œuvre, nous constatons aujourd’hui les limites de la Gemapi, notamment en raison des positionnements ambigus des agences de l’eau à l’égard desdits syndicats et Épage.
Ainsi, l’agence de l’eau Rhin-Meuse continue de subventionner des études et des travaux pour des collectivités non seulement en dehors de leur champ de compétence, mais surtout en contradiction avec les priorités fixées par les syndicats mixtes compétents, ce qui suscite des tensions et fait peser des contraintes sur les autres membres du syndicat.
Après trois années de mise en œuvre de la Gemapi, les acteurs de l’eau estiment qu’il serait temps que ces agences respectent la loi.
Il serait temps aussi que des contrôles soient mis en place, comme l’a préconisé la Cour des comptes en 2015, afin de lutter contre les conflits d’intérêts qui perdurent et de mieux suivre les financements publics et les subventions allouées.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Drexler, il s’agit d’un cas bien particulier, et j’espère que le différend entre la communauté de communes du pays de Rhin-Brisach et le syndicat mixte des canaux et cours d’eau de la plaine du Rhin demeurera une exception.
L’agence de l’eau a attribué une aide à cette communauté de communes, qui avait candidaté en 2017 à un appel à manifestation d’intérêt pour « renaturer » les anciens bassins de mine de potasse d’Alsace sur une île du Rhin, avant de transférer, en 2019, la compétence Gemapi au syndicat mixte précité, alors même que la communauté de communes ne prétendait pas renoncer totalement à sa maîtrise d’ouvrage sur le projet des îles du Rhin.
Il n’appartient sans doute pas à l’agence de l’eau de trancher un différend entre deux collectivités. L’agence a sollicité des éléments complémentaires auprès de la communauté de communes et du syndicat pour acter du devenir de cette aide, sans suite à ce stade.
Évidemment, l’agence de l’eau ne méconnaît pas la compétence Gemapi exclusive du syndicat mixte sur la plaine du Rhin : à preuve, elle a apporté des aides à son délégataire.
La situation de conflit d’intérêts n’est pas établie, d’autant qu’aucun élu de la communauté de communes n’est membre des instances de l’eau. En tout état de cause, les personnes susceptibles d’être en situation de conflit d’intérêts ne participent ni aux débats ni aux votes.
Le ministère a été particulièrement vigilant au respect des règles de déontologie dans l’attribution de ces aides publiques. À ce titre, les administrateurs des agences de l’eau sont soumis au respect d’une charte de déontologie dont les exigences sont définies par un arrêté ministériel du 5 février 2021.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour la réplique.
Mme Sabine Drexler. L’objectif du législateur était de parvenir à une meilleure structuration de l’action publique pour la gestion des milieux aquatiques. Las, par endroits, ce n’est pas encore une réalité.
Afin d’organiser le plus efficacement possible la compétence Gemapi en sécurisant les structures existantes, il vous faudrait lever certaines imprécisions, notamment quant aux limites de compétences et aux responsabilités liées des agences de l’eau.
Il faut qu’enfin les synergies voulues deviennent une réalité dans nos territoires et non une source de blocages et de tensions supplémentaires, comme l’appelle également de ses vœux l’Assemblée des communautés de France.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je le répète, nous espérons que cette situation très locale ne se reproduira pas ailleurs.
Toutes vos propositions sont d’ordre législatif : ce débat appartient donc au Parlement. Toutefois, j’observe que, quand le cadre de la Gemapi est respecté, il s’applique relativement bien.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Saury.
M. Hugues Saury. Pierre angulaire de notre politique nationale de l’eau, la loi de 1964 a institué les six agences que nous connaissons.
Le principe fondateur du financement de ce service public était alors clairement défini : l’eau paye l’eau. Or les élus locaux constatent aujourd’hui que ce principe est plus que jamais menacé. J’en donnerai deux exemples.
Le plus criant concerne les financements nécessaires au renouvellement des réseaux : beaucoup de petites et moyennes communes ne parviennent pas à obtenir les aides suffisantes pour restaurer les réseaux, malgré leur état de vétusté et un rendement alarmant. Doit-on comprendre que ces rénovations indispensables, urgentes, ne sont plus prioritaires pour les agences de l’eau en dépit des nécessités du service public ? Que doivent faire les élus des communes, sans moyens financiers suffisants, confrontés à cette problématique vitale pour leurs administrés ?
Le plus saugrenu tient à la politique de subventions au sein d’un même territoire. Ainsi, deux agences sont opérantes dans le Loiret ; elles correspondent à deux bassins différents et n’ont pas les mêmes priorités : la cohérence de leur soutien est souvent obscure pour les maires, notamment ceux dont les communes sont limitrophes d’un autre bassin.
Madame la secrétaire d’État, comment expliquer au maire d’une petite commune de Beauce que l’agence Loire-Bretagne concentre ses financements sur la prévention et non sur la réduction de la teneur en nitrate de l’eau potable, alors que la France est mise en demeure par la Commission européenne sur ce sujet ? De même, comment expliquer au maire d’une commune du Gâtinais que la gestion des eaux pluviales n’est plus une priorité de l’agence Seine-Normandie ?
Ces situations confinant à l’absurde sont bien connues des maires du Loiret, qui bien entendu les déplorent.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, il s’agit à nouveau d’un cas particulier, propre à votre département.
Cela étant, on ne peut exiger une définition des enjeux au plus près des besoins des différents bassins tout en déplorant que les dispositifs déployés ne soient pas homogènes sur tout le territoire.
Les priorités doivent se définir à la fois aux échelles nationale et communautaire, au regard de nos objectifs de bon état de nos eaux, et au plus près du terrain.
Vous regrettez une certaine forme de priorisation de ces aides, ce que je puis entendre. Toutefois, je pense que ces dossiers sont traités au cas par cas et le plus finement possible par les agences de l’eau de votre territoire.
Depuis la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite loi Biodiversité, une continuité des différentes politiques de biodiversité est assurée, de la terre à la mer. Nous devons toujours porter un regard global sur nos interventions.
Nous devons aussi savoir prioriser certaines urgences, certains enjeux spécifiques à différents territoires et à différents bassins. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait dans le cadre du plan France Relance : au total, 250 millions d’euros d’investissements ont été déployés par les agences de l’eau. C’est dire l’importance des besoins ; c’est dire aussi la maturité des acteurs locaux pour mettre en œuvre ces solutions.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. Madame la secrétaire d’État, je refuse de croire que l’urgence écologique, par ailleurs évidente, est le véritable motif de l’abandon des priorités initiales.
Tout au contraire, cette urgence nous oblige à revenir au plus vite au principe fondateur de notre politique de contribution : tout l’argent qui provient de l’eau, via les redevances, bénéficie à l’eau par le financement et l’entretien des équipements. Aujourd’hui, pouvez-vous encore affirmer que l’eau paye l’eau ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je l’ai déjà souligné au cours de ce débat : pour moi, l’eau et la biodiversité ne sont qu’un seul et même problème.
On pourrait porter un regard plus général, mais je ne voudrais pas défrayer la chronique en annonçant qu’il me semblerait nécessaire de fusionner, à terme, l’Ademe, l’Office français de la biodiversité et les agences de l’eau – c’est ambitieux !
Cela étant, les politiques de biodiversité incluent clairement les politiques de l’eau. Le changement climatique et l’érosion de la biodiversité sont des problématiques intimement liées. De même, du fait du continuum terre-mer, les petits et grands cycles ne sont pas si indépendants que cela : nous devons développer une vision globale de toutes ces questions.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Saury.
M. Hugues Saury. Madame la secrétaire d’État, j’ai soulevé deux points qui me semblent majeurs.
Le premier a trait à la nécessité d’aider davantage les communes, notamment via les agences de l’eau, pour la rénovation de leurs réseaux d’eau potable, qui sont parfois vétustes.
Le second est relatif à la disparité des politiques d’aide, alors même que certains départements relèvent de plusieurs bassins et donc de plusieurs agences. Cette situation rend à la fois illisible et inéquitable l’action des agences et, plus généralement, la politique de l’eau.
Je vous interpelle, car il s’agit d’un enjeu majeur pour nos élus locaux. Je ne suis pas certain que vous ayez pris la pleine mesure de l’urgence et de la difficulté de leur situation. Garantir l’usage économe d’une eau potable de bonne qualité, à un coût raisonnable, est peut-être le premier des combats écologiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. Madame la secrétaire d’État, le projet de Sdage de l’agence Loire-Bretagne 2022-2027 est en cours d’élaboration dans un contexte de tensions plus que palpables.
Lors d’un premier scrutin, en octobre 2021, 49 % des voix y étaient favorables, malgré 32 % de votes blancs. Ce résultat, selon moi, ne confère pas au projet une légitimité suffisante pour entrer en application. À titre de comparaison, le Sdage d’Adour-Garonne a été adopté à 72 %.
Le collège des industriels du comité de bassin m’a fait part des différents points de blocage, dont la préfète de bassin a été informée et que je vous ai moi-même indiqués par courrier.
Ces industriels pointent du doigt un manque de concertation, dont je m’étais ouvert dans la lettre que je vous ai adressée le 4 février 2021 : les règles de démocratie n’ont pas été véritablement appliquées au sein de l’agence.
Ils dénoncent également le caractère excessivement prescriptif du Sdage, qui introduit un rapport de conformité et non de compatibilité, les nombreux biais méthodologiques dont souffre la rédaction de ce projet – la méthodologie utilisée est contestable et entachée de plusieurs erreurs substantielles –, la non-prise en compte des enjeux socio-économiques du territoire, le manque de cohérence et de lisibilité du projet, la vision dogmatique du changement climatique, sous le seul angle de la pénurie d’eau, et l’absence de possibilités de stockage ou de création de ressources.
L’agence Loire-Bretagne intervient sur le bassin hydrographique de l’Allier, qui est l’un des principaux affluents de la Loire. Le barrage de Naussac permet de stocker 360 millions de litres d’eau, mais l’étiage de l’Allier est souvent arrêté de manière arbitraire, si bien que l’on n’utilise pas plus de la moitié de ces capacités.
Au regard des éléments que m’ont transmis les industriels et du manque de cohérence et de concertation, je vous demande, comme je l’ai déjà fait par courrier, de reporter l’élaboration du Sdage Loire-Bretagne d’au moins six mois : il faut revoir la copie et permettre à tout le monde d’être entendu pour parvenir enfin à une vraie solution concertée et mettre en place ce Sdage dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Duplomb, cette situation particulière de tension ne nous a évidemment pas échappé.
Les rapports entre l’amont et l’aval entraînent beaucoup de crispations au titre de la redéfinition du Sdage du bassin Loire-Bretagne. La préfète de bassin est pleinement impliquée dans cette concertation, qui est à l’œuvre et doit durer encore deux mois. En effet, les nouveaux contours du Sdage doivent être arrêtés d’ici au mois de mars prochain.
Ces questions trouvent un écho dans les réflexions que nous menons dans le cadre du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, dans la mesure où la tension sur les ressources concerne particulièrement les agriculteurs du bassin Loire-Bretagne.
Par ailleurs, je vous confirme le lancement d’une mission, que j’ai souhaitée, dédiée à la mobilisation des barrages hydroélectriques pour un soutien à l’étiage. Cette mission a été confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Elle devra nous éclairer sur l’intuition que vous partagez avec d’autres, à savoir qu’il serait possible d’affiner ces volumes pour répondre ponctuellement aux situations de tension.
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe auteur de la demande.
M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de résumer en quelques mots les messages que vous ont adressés l’ensemble de nos collègues.
Aujourd’hui, l’on ponctionne toujours davantage les recettes des agences de l’eau, notamment au titre des plafonds mordants, alors que leurs missions ne cessent de s’étendre et de se diversifier.
Certains orateurs vous ont d’ailleurs fait remarquer qu’au-delà des enjeux abordés certains sujets ne sont pas pris en compte. Je pense notamment à l’assainissement collectif et au ruissellement, question qui, en tant qu’élu ardéchois, me soucie tout particulièrement.
Si nous sommes ravis que le Gouvernement comprenne nos inquiétudes, nous aurions aimé qu’il se saisisse plus avant de ces problèmes, qui préoccupent nombre d’élus ruraux.
Pour toutes ces raisons – vous le comprendrez –, nous ne sommes pas pleinement rassurés.
Surtout, ce qui nous inquiète, c’est l’une des conclusions de l’excellent rapport de notre collègue Rémy Pointereau. En effet, un constat s’impose : l’eau ne paye plus l’eau. Or c’était là un point d’équilibre essentiel. Pis – M. Pointereau le souligne dans ce même rapport –, l’eau paye l’État.
Notre inquiétude va donc grandissant, à mesure que les nuages s’amoncellent devant nous. Je pense en particulier au changement climatique, auquel de nombreux orateurs ont fait référence, et à la gestion, de plus en plus problématique, de la ressource en eau dans nos territoires.
Selon moi, il est temps d’envoyer un véritable signal d’alerte quant aux pistes de financement – sur ce point non plus vous ne nous avez pas complètement rassurés.
Tôt ou tard, il faudra bien entrer dans le vif du sujet ! Disons-le très clairement : nous restons sur notre faim. Non seulement les ressources des agences de l’eau se tarissent – sans mauvais jeu de mots –, mais l’État, notamment via la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), ne cesse d’aggraver cette situation budgétaire et donc le défaut d’accompagnement desdites agences.
Enfin, à quelques heures de la commission mixte paritaire dédiée au projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, ou projet de loi 3DS, nous aurions été en droit d’attendre une prise en compte de la nécessaire agilité revendiquée par l’ensemble des élus locaux du territoire. Or il n’en est rien !
À cet égard, permettez-moi de revenir sur un sujet qui préoccupe le Sénat et sur lequel nous nous sommes particulièrement investis. Je veux parler de la compétence « eau et assainissement ». J’y insiste, nous espérions qu’une grande agilité serait offerte aux élus des territoires. (M. Laurent Burgoa acquiesce.)
La vérité, c’est que les bassins hydrographiques commandent aux hommes. Nous avons donc besoin de disposer de l’agilité permettant de préfigurer les futures gouvernances de l’eau dans nos territoires.
Nul besoin de tout voir au prisme des intercommunalités : faisons également confiance aux syndicats, qui ont souvent une gouvernance un peu plus souple.
Au-delà du travail des agences de l’eau, des ressources complémentaires dont nous avons besoin et que nous appelons de nos vœux, il faudra bien que les collectivités prennent à bras-le-corps les problématiques des ressources en eau. Pour ce faire, il faut s’organiser à l’échelle des bassins versants en laissant aux acteurs la plus grande souplesse pour être au rendez-vous des enjeux qui sont devant nous.
Je le dis avec insistance, car nous avons parfois le sentiment d’être enfermés dans une logique trop technocratique. La question de la gouvernance, évoquée par plusieurs de mes collègues, n’a reçu aucune réponse à ce jour. Dans les territoires, les élus attendent plus de réactivité.
Madame la secrétaire d’État, vous l’aurez compris : nous espérons des réponses très concrètes, qu’il s’agisse de l’évolution de la gouvernance ou des ressources nécessaires face au changement climatique.
Comme le disait mon collègue Rémy Pointereau en préambule, l’eau, c’est la vie, et il y va de l’avenir de nos territoires ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur les agences de l’eau.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Harkis et autres personnes rapatriées d’Algérie
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français (projet n° 178, texte de la commission n° 341, rapport n° 340).
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. Je vous informe que les candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions de ce projet de loi restant en discussion ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Discussion générale
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’histoire des harkis, c’est l’histoire de France. L’histoire des harkis, c’est l’histoire d’une loyauté française et d’une fidélité déçue.
Cette histoire, nous la regardons en face, avec ses ombres et ses lumières, avec la vérité comme exigence et la clarté comme guide.
Tel est l’objet et le sens du discours du Président de la République prononcé le 20 septembre dernier. À cette occasion, le chef de l’État a prolongé le chemin de la reconnaissance ouvert par Jacques Chirac et suivi par tous ses successeurs depuis lors. Il a renouvelé la reconnaissance des manquements de la France et a rappelé la singularité de cette tragédie française.
Il a souhaité aller plus loin – plus loin dans la reconnaissance, plus loin dans la réparation, plus loin dans la transmission mémorielle –, en annonçant l’inscription dans le marbre de nos lois de la reconnaissance et de la réparation à l’égard des harkis.
Ce projet de loi en est la traduction et l’expression. Il est à la fois important et grave, pour les harkis et leurs enfants, pour toutes les générations d’hommes et de femmes ayant subi la guerre d’Algérie, pour la mémoire nationale.
C’est peu dire que nos discussions de ce jour sont attendues par les harkis, leurs associations, leurs enfants et leurs ayants droit. Nous savons, nous entendons les espérances et la soif de reconnaissance. L’examen en commission l’a très justement rappelé ; à ce titre, je tiens à saluer le travail mené par Mme la rapporteure et les membres de la commission.
Ces attentes, nous les avons entendues tout au long du mandat. Je les ai entendues dans les instances de consultation du monde combattant, lors de l’élaboration du rapport Ceaux, que j’ai demandé dès l’automne 2017, au cours de mes déplacements et lors de chaque cérémonie.
Ce projet de loi s’inscrit dans le temps du pardon, ouvert par le chef de l’État. Il est celui de la reconnaissance par la Nation d’une profonde déchirure et d’une tragédie française, d’une page sombre de notre histoire.
La France a tourné le dos à des combattants valeureux (M. Yves Détraigne acquiesce.), qui l’avaient loyalement servie de 1954 à 1962. En cela, notre pays n’a été fidèle ni à son histoire ni à ses valeurs.
Par ce texte, la France leur renouvelle sa gratitude ; car l’histoire des harkis est avant tout une histoire de soldats, d’hommes et de femmes servant sous le drapeau français.
L’histoire des harkis, c’est aussi celle d’une tragédie : celle de femmes, d’hommes et d’enfants abandonnés sur leur terre natale ; celle de femmes, d’hommes et d’enfants rapatriés en métropole, déracinés et, pour certains, relégués. Pour toutes et tous, le 19 mars 1962, les accords d’Évian et l’application du cessez-le-feu ont été un tournant.
Nous le savons : la vérité est cruelle. La France a tergiversé pour ouvrir ses portes aux harkis et à leurs familles. Pour ceux qui parvinrent à atteindre les rives du sud de la France, ce fut le début du déchirement et d’un douloureux exil, d’un temps d’incompréhension et d’incertitude. Ils attendaient l’hospitalité et la fraternité : ils ont souvent trouvé l’hostilité, voire l’arbitraire. Pour beaucoup, l’arrivée sur le sol métropolitain marqua le début des meurtrissures et de la marginalisation.
Environ 90 000 harkis, avec leurs proches, leurs enfants, ainsi qu’un certain nombre de veuves, sont arrivés en France après le 19 mars 1962. Près de la moitié d’entre eux a été reléguée, parfois durant des années, dans des camps et des hameaux de forestage. Vous le savez : ils y ont vécu dans des conditions de vie indignes.
C’était en France ; c’était hier. Dans ces lieux, les harkis et leurs familles ont connu l’arbitraire, les barbelés, l’enfermement, le froid, les carences alimentaires, la promiscuité et l’absence d’intimité. Ils ont subi les brimades, les humiliations, les abus et les détournements de prestations ; autant de maux, autant de traumatismes.
Je le rappelle, plusieurs milliers d’enfants ont été déscolarisés, mal accueillis et mal instruits. La France n’a pas été au rendez-vous de la plus belle des promesses républicaines, celle de l’école et de l’instruction.
Ces lieux de bannissement ont meurtri, traumatisé et, parfois, tué. Cette situation, qui a duré, a été à juste titre ressentie et vécue comme une trahison.
Conscient de ces souffrances et de leurs conséquences, notre pays, depuis plusieurs décennies et sous plusieurs gouvernements, a été aux côtés des harkis sur la voie de la justice et de la réparation. À cette fin, l’État a mis en place des dispositifs spécifiques. Il continue à les actualiser et poursuit le travail de mémoire.
Toutes ces actions de mémoire, toutes ces mesures de réparation, nous les avons intensifiées depuis 2017.
Conformément aux conclusions du rapport Ceaux, nous avons créé un dispositif de soutien pour la deuxième génération, pour les enfants de harkis ayant vécu dans les camps et hameaux de forestage. Nous aidons un nombre sans cesse croissant d’enfants de harkis à faire face à des dépenses d’insertion, de santé ou de logement.
Pour les harkis combattants, nous avons mis en œuvre, ces dernières années, la plus forte augmentation jamais décidée des allocations de reconnaissance et des allocations viagères. Le 1er janvier dernier, nous avons encore franchi une nouvelle étape avec le doublement de ces allocations, qui sont passées de 4 200 euros à près de 8 400 euros annuels par combattant ou par veuve. C’est un message clair ; c’est la preuve tangible de la reconnaissance de la Nation envers ces combattants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, par ce projet de loi, la République renouvelle la reconnaissance de ses manquements et couronne l’édifice de réparation.
L’article 1er réaffirme la gratitude de la Nation à l’égard de tous les combattants qui ont servi la France entre 1954 et 1962. De plus, pour la première fois, la nation française reconnaît sa responsabilité dans les conditions indignes, précaires et attentatoires aux libertés pour l’accueil sur notre territoire de certains harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives, accompagnés de leurs familles.
Nous ancrons dans la loi la journée nationale du 25 septembre et nous l’enrichissons d’un hommage aux compatriotes, aux officiers, aux particuliers et aux maires qui ont accompagné des harkis dans leur nouvelle vie sur les plans moral et matériel, pour les accueillir et les aider à s’intégrer. Ces femmes et ces hommes ont fait honneur à la France. Je me réjouis que nous trouvions les moyens de leur témoigner l’estime et la reconnaissance de la Nation.
Ensuite, ce projet de loi précise le périmètre de la réparation des préjudices subis. Sont éligibles au dispositif les harkis et leurs familles ayant séjourné dans des lieux, principalement des camps et hameaux de forestage, qui, du fait de la précarité, de l’enfermement, de la privation de liberté et de l’isolement, contrevenaient à nos principes républicains fondamentaux.
La réparation prend la forme d’une indemnisation forfaitaire et individualisée selon la durée du séjour dans les structures concernées. Les mesures de réparation accordées bénéficieront de règles d’exonération fiscale.
Le texte instaure une commission nationale de reconnaissance et de réparation. Cette instance sera chargée de statuer sur les demandes de réparation après instruction par les services de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Parce que le travail de mémoire est essentiel, la commission mènera également une mission mémorielle pour recueillir, conserver et transmettre la mémoire des harkis.
Enfin, ce projet de loi actualise les dispositifs préexistants et les renforce pour davantage d’équité. Il rend plus favorable le régime d’allocations viagères en supprimant les forclusions. Une telle disposition permet de rouvrir l’octroi de cette allocation aux conjoints survivants qui n’avaient pas présenté de demande dans le délai légal.
Parallèlement, l’accès à l’allocation viagère est étendu aux personnes dont les conjoints décédés ont fixé leur domicile dans un pays de l’Union européenne et par la loi aux veuves des personnes « assimilées » aux membres des formations supplétives.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est pas de meilleure reconnaissance que la connaissance. La transmission est donc essentielle et même prioritaire.
L’histoire des harkis est trop méconnue des Français. Nous devons la faire connaître et favoriser son enseignement ; nous devons renforcer le travail mémoriel.
Le souvenir des harkis est désormais rappelé sur les sites où ils ont vécu. Nous avons œuvré pour reconnaître les mémoires les plus douloureuses ; je pense particulièrement au travail accompli autour des cimetières. La maison d’histoire et de mémoire d’Ongles, seul lieu de mémoire uniquement dédié à l’histoire des harkis, est soutenue par le ministère des armées.
De même, un important travail d’archives et de collecte des témoignages a été déployé. Les expositions réalisées par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre sont à la disposition de tous. Elles sont au cœur des actions menées dans les établissements scolaires. Bien sûr, les recueils mémoriels de la commission seront déterminants pour amplifier la transmission.
Je connais l’attachement de la Haute Assemblée au monde combattant et son intérêt fort pour les enjeux de transmission, de reconnaissance et de réparation. Ainsi, ce projet de loi vous offre toute latitude pour renouveler l’hommage aux harkis, acter la reconnaissance de l’accueil indigne, ouvrir un nouveau chemin de la réparation et déterminer les conditions y ouvrant droit. Nous sommes ensemble sur ce chemin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales. « Aux combattants, à ces hommes, à ces femmes, j’exprime la reconnaissance de la Nation. C’est pour la France une question de dignité et de fidélité. La République ne laissera pas l’injure raviver les douleurs du passé. Elle ne laissera pas l’abandon s’ajouter au sacrifice. Elle ne laissera pas l’oubli recouvrir la mort et la souffrance. » Par ces mots prononcés le 25 septembre 2001, le Président Jacques Chirac reconnaissait la responsabilité de la Nation dans l’abandon des harkis et des autres supplétifs qui avaient fait le choix de la France, au péril de leur vie.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’engagement des harkis, leur abandon, les traumatismes et les difficultés qu’ils ont subis, j’en ai reçu le témoignage en entendant, pour l’examen de ce projet de loi, des harkis et des membres de leurs familles. Leur parole est poignante, bouleversante, et leur histoire est celle de la France. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.)
Aux côtés de l’armée, la France a pu compter sur l’engagement de milliers de supplétifs d’origine algérienne : harkis, moghaznis, auxiliaires de la gendarmerie, groupes d’autodéfense, groupes mobiles de police rurale. S’y ajoutent plusieurs catégories de personnes assimilées aux membres des formations supplétives, à l’instar des agents de renseignements, des gardes champêtres ou des auxiliaires médico-sociaux des armées.
À la fin de la guerre, le plan général de rapatriement du Gouvernement ne permet de rapatrier qu’une partie des anciens supplétifs, accompagnés de leur famille, dont la sécurité était menacée en Algérie. Nombre de ceux qui sont restés en Algérie, abandonnés, livrés à leur sort, considérés comme des traîtres, sont alors victimes d’exactions indescriptibles et assassinés malgré les engagements du Front de libération nationale (FLN).
Sur les 82 000 rapatriés d’origine algérienne qui sont arrivés en France, 42 000 anciens supplétifs et membres de leurs familles ont été accueillis dans des camps de transit et de reclassement, ainsi que dans des hameaux de forestage, où ils ont été engagés sur des chantiers d’aménagement de zones forestières.
Les résidents de ces structures administrées par l’État ont subi des conditions de vie indignes et précaires : promiscuité, difficultés d’accès à la nourriture, brimades, humiliations, privations, déscolarisation des enfants, restrictions de circulation.
Dans ces camps, le quotidien des harkis et de leurs familles est fait de souffrances et de traumatismes durables. Sous la responsabilité de l’État, ces structures, auxquelles il est difficile d’accoler le mot d’accueil, imposent des conditions de vie contraires aux lois et aux valeurs de la République.
Après une révolte menée par les enfants de harkis, la fermeture administrative des derniers camps est décidée en conseil des ministres le 6 août 1975. Toutefois, nombre de familles de harkis y sont demeurées pendant plusieurs décennies, parfois jusqu’à aujourd’hui, notamment au camp de Bias. (Mme la ministre déléguée manifeste son désaccord.)
On ne peut le nier : depuis lors, de nombreuses mesures d’aide, de reconnaissance et d’indemnisation ont été déployées pour les anciens supplétifs et leurs ayants droit. Aides sociales à la réinstallation, indemnisation des biens perdus en Algérie, mesures de désendettement, aides au logement, possibilité de rachat de trimestres de retraite pour les enfants ayant séjourné dans les camps, emplois réservés dans l’administration : tous ces dispositifs ont bénéficié à des milliers d’anciens harkis et à leurs familles, en complément de l’aide sociale de droit commun.
En parallèle, le devoir de reconnaissance et de mémoire envers les harkis s’est traduit depuis 2001 dans la parole présidentielle. Les Présidents Chirac, Sarkozy et Hollande ont successivement rendu hommage à l’engagement des harkis et reconnu que la République les avait abandonnés. Le 20 septembre dernier, le Président Macron a réaffirmé cette reconnaissance envers les harkis, en leur présentant, au nom de la Nation, une demande de pardon et en annonçant des mesures de reconnaissance et de réparation qui trouvent leur traduction dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
La reconnaissance de la Nation, exprimée à l’article 1er, recouvre deux aspects.
D’une part, cet article réaffirme la reconnaissance de la Nation envers l’ensemble des supplétifs qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a abandonnés. Cette reconnaissance avait déjà été exprimée par la loi en 1994 et en 2005. Elle est complétée à l’article 1er bis par l’inscription dans la loi de la journée nationale d’hommage aux harkis, fixée au 25 septembre.
D’autre part, l’article 1er reconnaît la responsabilité de l’État du fait de l’indignité des conditions d’accueil et de vie sur son territoire qui ont été réservées aux anciens supplétifs et à leurs familles hébergés dans des structures fermées où ils ont subi des conditions de vie précaires et des atteintes aux libertés individuelles, à savoir les camps de transit et les hameaux de forestage.
Tirant la conséquence de cette responsabilité de l’État, l’article 2 institue un mécanisme de réparation financière en faveur des rapatriés ayant transité par un camp ou un hameau entre la publication des accords d’Évian, le 20 mars 1962, et la fin de l’année de la fermeture administrative des camps et des hameaux, le 31 décembre 1975. Pourront bénéficier de cette réparation les anciens supplétifs et les membres de leurs familles ayant séjourné dans l’une de ces structures entre 1962 et 1975. Seule la preuve du séjour sera à apporter par les demandeurs, le préjudice qu’ils ont subi dans ces structures étant présumé.
Une somme forfaitaire, versée selon un barème fixé par décret, tiendra lieu de réparation. Le montant maximal devrait ainsi s’élever à 15 000 euros pour un séjour de 1962 à 1975, soit la somme au paiement de laquelle l’État a été condamné par le Conseil d’État en 2018 pour un séjour d’une durée comparable.
La liste des structures concernées, fixée par décret, devrait être identique à celle des camps et hameaux retenus dans le cadre du fonds de solidarité envers les enfants de harkis créé à la fin de l’année 2018. La commission a précisé à l’article 1er qu’étaient concernées des structures de toute nature, afin que certaines prisons reconverties en lieux d’accueil pour rapatriés puissent également être comprises dans la liste des structures retenues.
Le champ de la réparation prévue par le texte n’inclut pas les 40 000 rapatriés d’origine algérienne n’ayant pas séjourné dans ces structures, mais dans des cités urbaines, où les conditions de vie étaient également précaires, mais moins attentatoires aux libertés et droits fondamentaux. En effet, ces cités n’étaient pas soumises à un régime administratif dérogatoire du droit commun, contrairement aux structures fermées. On ne peut donc pas imputer à l’État la même responsabilité que celle qui est reconnue pour son administration des camps. Une telle extension créerait en outre une rupture d’égalité envers les autres personnes ayant séjourné dans ces cités au cours de la même période.
Pour autant, une part importante des rapatriés ayant séjourné dans ces cités y ont été orientés après un passage en camp et pourront, à ce titre, bénéficier du droit à réparation.
Les demandes de réparation seront soumises à une commission de reconnaissance et de réparation, créée par l’article 3, qui aura également la charge de recueillir et de transmettre la mémoire des harkis. L’histoire de ces citoyens français, la tragédie qu’ils ont vécue, la souffrance de leurs enfants et la douleur de leurs petits-enfants doivent être connues de tous.
S’appuyant sur les services de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre pour l’instruction des dossiers, cette commission aura un rôle majeur, ce qui explique aussi la méfiance, voire les suspicions, qu’elle suscite. Sa création montre également que rien n’est figé. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a souhaité renforcer les garanties de son indépendance.
Enfin, l’article 7, très attendu par la population harkie, lève plusieurs délais de forclusion applicables à l’allocation viagère, servie depuis 2016 aux conjoints et ex-conjoints survivants d’anciens supplétifs ayant fixé leur domicile en France. La commission vous proposera, en accord avec le Gouvernement, d’étendre de quatre ans à six ans la période au titre de laquelle les veuves des anciens harkis pourront solliciter le bénéfice des arrérages de l’allocation viagère. (Mme la ministre le confirme.) Je remercie Mme la ministre d’avoir accepté notre demande, qui permettra la récupération des montants de l’allocation depuis sa date de création.
Au total, si le texte qui nous est soumis comporte des avancées importantes pour améliorer la reconnaissance et la réparation envers les anciens supplétifs et les membres de leurs familles, ce projet de loi garde un goût d’inachevé.
D’une part, je comprends parfaitement ceux qui considèrent qu’une somme de 15 000 euros n’est pas à la hauteur des souffrances endurées. Aucun montant ne permettrait de réparer intégralement un tel préjudice.
D’autre part, le texte porte à titre principal sur un préjudice bien spécifique, subi par une partie des harkis et de leurs familles. Dès lors, il donne à certains le sentiment que la reconnaissance ainsi proclamée n’est pas la reconnaissance due à l’ensemble des harkis. Le texte ne parvient donc pas pleinement à apaiser et à réunir la communauté harkie. « La douleur est énorme et si irrépressible qu’il est impossible de la combler » : tels sont les mots de l’historien Gilles Manceron, que j’ai auditionné ; je souscris pleinement à ces propos.
C’est la raison pour laquelle la commission a considéré que, s’il contenait des avancées, ce projet de loi ne pouvait en aucun cas constituer un « solde de tout compte ». Notre discussion permettra – je le crois – de préciser que la réflexion doit se poursuivre sur l’opportunité d’instaurer de nouvelles mesures de reconnaissance et de réparation envers les harkis.
La commission estime donc qu’adopter ce projet de loi permet de réaffirmer la reconnaissance de la Nation envers les harkis et de prévoir la réparation du préjudice subi par bon nombre d’entre eux. Sur ce long chemin de mémoire et de réconciliation, il porte reconnaissance d’une partie – je dis bien une partie – de la dette d’honneur que la France doit à ces citoyens français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et RDPI. – Mmes Colette Mélot et Émilienne Poumirol ainsi que M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme la présidente. Je tiens à rappeler aux personnes présentes en tribune qu’elles ne doivent pas émettre d’observations pendant les débats.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a bientôt soixante ans, après huit années d’affrontement, la guerre d’Algérie prenait fin. Ce conflit terrible a fait des centaines de milliers de morts, dont 25 000 soldats français.
La présence française en Algérie remontait à plus d’un siècle et les destins de nos populations s’étaient mêlés. La lutte qui a conduit à l’indépendance de notre ancienne colonie a revêtu une dimension de guerre civile, charriant les atrocités inhérentes à ces conflits particulièrement cruels.
Des Algériens avaient pris fait et cause pour la France : les harkis, les moghaznis et autres supplétifs. Au péril de leur vie, tout comme les soldats de métropole, mais sans bénéficier du même statut que ces forces régulières, ils ont servi notre pays.
Pour eux, la souffrance, ne s’est, hélas ! pas arrêtée avec la fin des combats. Une fois le cessez-le-feu signé le 19 mars 1962, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été torturées et assassinées en Algérie. Je veux rendre hommage à la mémoire de ceux qui ont servi la France et qui ont payé cet engagement de leur vie et de celles des membres de leur famille. Nous ne devons pas les oublier.
Parmi les 82 000 personnes qui ont pu être rapatriées, certaines ont connu un sort douloureux. Elles ont été accueillies dans des conditions indignes. Mme la ministre et Mme la rapporteure l’ont rappelé : on les a envoyées dans des camps d’internement, des hameaux de forestage ou encore des prisons reconverties pour la circonstance.
La France les a abandonnées. Elle n’a pas traité ceux qui se sont battus pour elle comme ses enfants. Ainsi a-t-elle manqué à son devoir.
Le Gouvernement soumet aujourd’hui à notre examen un projet de loi dont l’objet est double.
Il s’agit tout d’abord d’inscrire dans la loi la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont servi la France et d’admettre que les personnes accueillies dans des conditions indignes ont subi un préjudice.
Cette reconnaissance s’inscrit dans la lignée des déclarations que les Présidents de la République successifs ont pu faire. Elle n’en est pas moins importante, qu’il s’agisse des personnes concernées ou de notre travail de mémoire.
Il s’agit, ensuite, d’entreprendre la réparation du préjudice subi par ces populations, tâche délicate s’il en est, car la douleur et le temps perdu se convertissent mal en sommes d’argent. Les réparations sont par essence imparfaites : elles n’ont pas le pouvoir d’effacer la souffrance.
Les montants prévus ne satisferont bien sûr pas tout le monde. Ils ont néanmoins le mérite d’exister. Non seulement ils ne nous semblent pas dérisoires, mais ils seront exonérés d’impôts et de contributions sociales.
Le dispositif prévu par le Gouvernement présente en outre l’avantage de la simplicité. L’indemnisation sera fonction du temps passé dans l’une des structures indignes qui furent destinées à les accueillir, et le préjudice sera présumé. Cette dernière disposition dispensera les quelque 50 000 bénéficiaires potentiels de démontrer la réalité et l’étendue d’un dommage subi voilà maintenant un demi-siècle.
Ce projet de loi modifie également les modalités d’attribution de l’allocation viagère afin que les quelque 200 personnes qui doivent encore en bénéficier soient en mesure d’y prétendre.
Il s’agit là de mesures de justice dont nous nous réjouissons.
Par ailleurs, nous nous félicitons qu’une commission nationale indépendante soit constituée au sein de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Elle aura pour mission spécifique de s’assurer que les démarches engagées sur le fondement de ce texte aboutissent. Elle aura aussi pour mission de contribuer à faire évoluer, le cas échéant, la liste des structures d’accueil au sein desquelles un séjour ouvre droit à indemnisation.
Il est important de regarder le passé en face. C’est la grandeur de la République française que de reconnaître les erreurs qu’elle a pu commettre et de tenter de les réparer. Tous les États ne font pas preuve de la même hauteur de vue.
Nous tenons à saluer notre rapporteure, Marie-Pierre Richer, qui a accompli un excellent travail. Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce projet de loi, tel qu’il a été modifié en commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Marie-Pierre Richer, rapporteure de ce texte, pour le travail appliqué et consciencieux qu’elle a mené.
Comment ne pas penser, en cet instant, à ces hommes et à ces femmes qui, nous écoutant, attendent et espèrent ? Ils n’ont rien oublié de ces heures où l’indépendance de l’Algérie a soudain fait basculer plus d’un siècle d’histoire.
S’agissant de moments troubles à propos desquels aucun manichéisme n’est de mise et d’une mémoire officielle et collective qu’aucun oubli ne doit entacher, il faut dire la responsabilité de la France dans ce qui fut un drame français.
Ne rien oublier, c’est se souvenir que les harkis ont toujours cru en la France, s’acquittant de leur devoir envers elle dans les crises et les guerres. Des bords de la Marne au Mont-Cassin, le sang versé par les Algériens a souvent contribué à la destinée de notre pays.
Ne rien oublier, c’est rappeler le courage qu’il fallut aux harkis pour faire ce choix au moment de l’indépendance de l’Algérie : le choix de la France.
Ne rien oublier, enfin et surtout, c’est prendre conscience des conditions difficiles et même dramatiques dans lesquelles arrivèrent un million de femmes, d’enfants et d’hommes, contraints à un exil forcé, douloureux et sans retour. Loin d’un accueil heureux sur le sol métropolitain, c’est bel et bien, malheureusement, d’un exil long et triste de la terre d’Algérie qu’il fut avant tout question.
La France, alors, aurait pu aider les arrivants en soulageant les vicissitudes d’une installation déjà difficile. En tant que parlementaire de Lot-et-Garonne, département au cœur duquel se trouve le camp de Bias, je peux aisément vous dire combien ces lieux d’infortune furent précaires, honteux et misérables. Quel contraste terrible entre ce confinement au long cours et le prétendu confort moderne des Trente Glorieuses !
Dans les deux chambres, l’examen de ce projet de loi a donné lieu à nombre de travaux, débats, auditions et échanges, et aujourd’hui nous nous accordons sur un point : il s’agit là pour la France d’une question d’honneur.
Malgré le temps passé, réparons les erreurs commises ; les harkis ont longtemps attendu une politique publique à la hauteur de ce qu’exigeait, notamment, leur insertion dans notre société métropolitaine.
Certes, la France a mis en place des régimes d’indemnisation ; elle a aidé les veuves des anciens combattants et contribué à l’essor professionnel des enfants de harkis. Mais que l’on considère la force du symbole ou que l’on évalue de façon réaliste le montant de la juste rétribution financière, le compte n’y est pas. La République ne peut s’en satisfaire !
Au fond, mes chers collègues, donner plus à ceux qui ont moins pour compenser le déterminisme social et économique, n’est-ce pas, précisément, être fidèle à l’idéal républicain ?
C’est la raison pour laquelle j’estime que ce texte a le mérite d’exister : il constitue une pièce importante de cette œuvre de réparation. Je regrette néanmoins qu’il s’adresse aux seuls occupants des camps, comme celui de Bias, ou des hameaux de forestage, et non à toutes les victimes – je pense à celles qui arrivèrent ici, sur le sol métropolitain, par leurs propres moyens. Tel est d’ailleurs le sens d’un des amendements que j’ai déposés : il ne faut pas créer une injustice pour en réparer une autre.
Madame la ministre, je salue l’intention du Gouvernement, ainsi que le travail accompli pour rouvrir un chapitre douloureux de notre histoire, dans le cadre d’un projet de loi qui ne saurait en aucun cas en constituer l’épilogue. Le Président de la République a demandé pardon aux combattants abandonnés. Mais que signifie cette demande de pardon si l’on n’est pas capable d’aller jusqu’au bout de ce que nous impose la vérité ?
À la lumière de cette mise en contexte historique et culturelle, je dois vous avouer ma perplexité à deux égards.
D’une part, je pense au calendrier. Il est bien tard pour exprimer aux harkis un intérêt réel, sincère et dénué de tout électoralisme – nous sommes à la fois au crépuscule du quinquennat présidentiel et à l’aube d’une campagne enfin « officielle ». Un tel projet de loi doit se construire en amont, de manière approfondie et avec sérieux, afin de ne rien oublier ; il doit se construire, autrement dit, en début de législature.
D’autre part, je pense au caractère prétendument définitif de ce texte. Les nombreuses auditions conduites ici même, au Sénat, comme les discussions passionnées et passionnantes que j’ai eues et que je continue d’avoir avec les harkis de Lot-et-Garonne, prouvent plutôt que nous avons un devoir à poursuivre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Guy Benarroche. « Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance. Nous n’oublierons pas. Aux combattants abandonnés […], je demande pardon. Nous n’oublierons pas. […] La France a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants. »
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tels furent les mots du Président de la République en septembre dernier. En 2016, François Hollande avait engagé cette reconnaissance de la responsabilité de la France dans le sort réservé aux harkis ; et en 2018 le Conseil d’État avait reconnu la responsabilité de l’État, condamné à indemniser un fils de harki en réparation du préjudice subi par celui-ci.
Les derniers débats, au sein de notre assemblée, sur la reconnaissance du massacre d’octobre 1961 ont montré combien les blessures de la guerre d’Algérie restaient vives.
Pourtant, à l’approche des soixante ans des accords d’Évian, les conditions inacceptables dans lesquelles les harkis furent accueillis en métropole exigeaient, de toute évidence, une reconnaissance et une réparation.
Ce projet de loi était demandé par les associations représentant les harkis et leurs descendants ; mais il ne répond pas vraiment à leur attente.
Grand espoir soulevé par les paroles que j’ai citées à l’instant, déception presque aussi grande suscitée par le texte initial : oserai-je dire que j’ai reconnu là la patte du Président de la République et de son gouvernement ?
Tout d’abord, sur la forme, de nombreuses associations, dont je salue la présence aujourd’hui en tribune, regrettent le manque de concertation dans la rédaction de ce projet de loi. Critiquant une écriture bâclée, beaucoup, le jugeant restrictif, discriminant et injuste, demandaient qu’il ne soit pas étudié en l’état, mais réécrit avec leur participation.
La première incompréhension a trait aux restrictions à la fois géographiques et temporelles qui limiteront le champ des bénéficiaires.
Comment le Gouvernement justifie-t-il de ne pas étendre cette reconnaissance et cette réparation à l’ensemble des harkis, y compris à celles et à ceux qui sont parvenus en métropole par leurs propres moyens après 1975 ? Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas entendu la revendication d’une extension de cette reconnaissance et de cette réparation à l’ensemble des harkis, qu’ils aient vécu dans des camps, dans des hameaux ou ailleurs ?
L’indignité des conditions de leur accueil dans les camps et autres structures particulières comme les hameaux de forestage était bien sûr un point essentiel, mais on ne saurait limiter la question de cet accueil indigne à ces seules structures. Comme l’indique notre rapporteure, « le champ de la reconnaissance n’inclut pas les 40 000 rapatriés d’origine algérienne n’ayant pas séjourné dans ces structures, mais dans des cités urbaines, où les conditions de vie ne se sont pas toujours avérées plus confortables, mais où ils n’étaient pas privés de la liberté de circulation ».
Si les réparations proposées constituent une avancée majeure, ce n’est pas par leur montant. Les sommes prévues doivent absolument être à la mesure des pertes de chance qu’elles sont censées compenser, celles de toute une génération ; il faut tenir compte, entre autres, de la déscolarisation et des atteintes aux libertés individuelles endurées par toutes ces familles.
Ces réparations constituent bel et bien une avancée, malgré tout, car elles diffèrent des systèmes d’allocations qui, tout utiles qu’ils aient pu être, ne se fondaient que sur le principe d’une solidarité sociale, non sur celui de la compensation des défaillances de l’État.
À cet égard, nous avons entendu les craintes des associations quant au risque d’une certaine fongibilité entre des allocations relevant de l’exercice de la solidarité nationale, d’une part, et la réparation d’un préjudice subi, de l’autre.
C’est pourquoi, une nouvelle fois, je salue la position de notre commission, dont la rapporteure a précisé que les réparations prévues dans ce projet de loi ne sauraient constituer un « solde de tout compte ».
Il est essentiel que l’évaluation des préjudices subis puisse être menée de la manière la moins restrictive possible ; mais comment améliorer ce texte ? Qu’il s’agisse des périodes ouvrant droit à réparation, des critères d’instruction des demandes, de l’inclusion dans la détermination de la somme des années passées dans les prisons algériennes, de la réparation due aux veuves ou même de la création d’une fondation mémorielle, nos amendements ont été jugés irrecevables pour raison financière.
Nous demandons donc au Gouvernement d’assumer ses responsabilités en reprenant ces amendements à son compte. Puisqu’il le peut, il le doit ! Dans le même esprit, nous défendons la création d’une commission indépendante et diverse dans sa composition.
Ce texte de loi pourrait aussi être l’occasion de réparer certains préjudices spécifiques subis, certes à la marge, par quelques dizaines de harkis ; ces situations méritent l’attention du Gouvernement. Nous avons déposé deux amendements à cette fin, mais eux aussi ont été déclarés irrecevables.
Oui, ce texte est incomplet et doit faire l’objet de modifications. Nous l’améliorerons donc ensemble ; je demande au Gouvernement de nous y aider. C’est notre travail d’œuvrer en ce sens. Nous le devons bien aux harkis, à leurs enfants, à leurs petits-enfants.
Ainsi ce texte viendrait-il couronner une réflexion longue sur la place que notre pays n’a pas su leur octroyer. Mais il doit être bien plus que cela : il doit montrer notre volonté de nous confronter à notre histoire, si difficile soit-elle.
En des temps où la réécriture du passé entache la démarche de vérité que nous nous devons à nous-mêmes, où les révisionnismes en tout genre tentent de gommer le travail de nos historiens, il m’apparaît judicieux de soutenir ce texte.
Les harkis ont souffert des décisions de notre État. Leur abandon, péché originel, n’a pas été la dernière humiliation que la France leur a fait subir. Ils ont aussi été maltraités et oubliés, sans que tous ces préjudices soient reconnus ni réparés. Ce projet de loi doit permettre d’y pourvoir enfin, non un peu ou à contrecœur, mais clairement, complètement et avec conviction !
Aussi voterons-nous ce texte enrichi des amendements de la commission, à condition qu’il le soit aussi de ceux qui vont être présentés par notre groupe et par de nombreux autres sénateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 mars 1962 à midi, la guerre d’Algérie a pris fin avec l’entrée en vigueur des accords d’Évian.
À la veille des célébrations du soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, le Président de la République a souhaité avancer vers la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la colonisation de l’Algérie et dans la guerre qui y mit fin.
Ce projet de loi proclame la reconnaissance de la Nation envers les harkis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie.
En prenant la décision d’abandonner à leur sort les harkis et leurs familles en Algérie, le gouvernement français de l’époque a trahi la parole donnée, condamnant ces femmes et ces hommes à des représailles sanglantes.
Selon l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, 80 000 à 90 000 anciens supplétifs, épouses et enfants se sont réfugiés en France à compter du mois de mars 1962.
Ce texte reconnaît officiellement la responsabilité de la Nation pour les conditions dans lesquelles ils ont été accueillis, relégués dans des camps et des hameaux de forestage. Il reconnaît l’inhumanité des conditions de vie auxquelles ils ont été soumis et les atteintes aux libertés individuelles qu’ils ont subies.
Aux privations de liberté et à la précarité des conditions de vie dans les camps et les hameaux de forestage se sont ajoutés les violences, les humiliations et le racisme.
Ce projet de loi, qui prévoit d’accorder une réparation des préjudices subis au titre de l’indignité des conditions d’accueil sur le territoire français, constitue un progrès. Nous restons toutefois au milieu du gué en raison des critères d’indemnisation retenus.
En effet, le processus de réparation se limite aux 42 000 harkis et membres de leurs familles qui sont passés par des structures comme les camps de transit et de reclassement. De fait, il exclut des réparations les personnes et les familles placées dans des cités urbaines et celles qui sont arrivées et ont séjourné sur le territoire français par leurs propres moyens.
Par ailleurs, en limitant la réparation aux harkis ayant vécu dans des structures d’accueil entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, le texte ne tient pas compte des familles qui y sont demeurées pendant de nombreuses années.
Aussi avons-nous déposé un amendement visant à supprimer cette barrière du 31 décembre 1975, afin d’étendre le bénéfice du dispositif à toute personne ayant résidé dans une de ces structures après le 20 mars 1962.
Enfin, le choix de verser une somme forfaitaire en fonction de la seule durée passée dans les camps pose question : il ne tient compte ni des circonstances ni des préjudices personnels endurés, parfois très lourds. Je pense notamment aux conjoints de personnes décédées, pour lesquelles la réparation devrait être plus importante, à rebours des critères envisagés dans l’étude d’impact.
Au total, entre 40 000 et 50 000 harkis et membres de leurs familles sont exclus de toute réparation. Il y a là un véritable problème à l’heure où nous parlons de reconnaissance et de réconciliation, quand bien même ce texte constitue – je le répète – une étape supplémentaire de la reconnaissance que la Nation doit aux harkis et aux oubliés d’Algérie.
Néanmoins, en matière de mémoire, la reconnaissance ne saurait se réduire à la simple repentance et dépasse les dédommagements financiers ; elle exige de travailler sur les questions mémorielles dans un climat d’apaisement, de chaque côté, en Algérie comme en France.
En effet, « si la mémoire divise, l’histoire peut rassembler », comme l’écrit l’historien Pierre Nora. Le rapport de Benjamin Stora préconise par exemple la constitution d’une commission « Mémoires et vérité » chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie.
Pour ce faire, la France doit reconnaître sa responsabilité dans le massacre de Sétif, le 8 mai 1945, celle de l’armée française dans l’assassinat de Maurice Audin, en 1957, et celle de l’État dans les assassinats parisiens du 17 octobre 1961.
M. Philippe Tabarot. Et le 5 juillet 1962 ?
Mme Michelle Gréaume. La réconciliation de la France et de l’Algérie a été trop longtemps entravée par l’impossibilité de construire une mémoire commune entre nos deux pays. La France et les pays du Maghreb ont pourtant un rôle irremplaçable à jouer dans l’écriture de l’avenir du bassin méditerranéen.
Pour l’ensemble de ces raisons, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Éric Jeansannetas et Jean-Pierre Sueur, ainsi que Mmes Esther Benbassa et Raymonde Poncet Monge, applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer la qualité du travail de notre collègue rapporteure Marie-Pierre Richer sur un sujet certes passionnant, mais ô combien complexe.
Le présent texte porte reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local ayant transité par un camp ou un hameau de forestage entre 1962 et 1975.
Cette page d’histoire est particulièrement tragique : plusieurs dizaines de milliers de harkis, considérés comme des traîtres, furent sauvagement assassinés sur le sol algérien. Militaires, civils, femmes, enfants ont été les victimes de ces terribles massacres.
Parmi les 82 000 rapatriés d’origine algérienne ayant réussi à gagner la France, 42 000 personnes ont connu des conditions de vie indignes dans des camps de transit et des hameaux de forestage, où les anciens supplétifs étaient engagés pour travailler sur des chantiers d’aménagement de zones forestières.
La souffrance, les atteintes aux libertés individuelles, la précarité, les humiliations, les privations et la déscolarisation des enfants ont marqué la vie de ces structures. Ce projet de loi s’inscrit donc dans une démarche de réparation des préjudices subis par ces personnes du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français.
Aux yeux des sénateurs du groupe Union Centriste, il est primordial de reconnaître la dette de la Nation à l’égard des harkis et de reconnaître la faute de la France dans la privation de liberté qu’elle leur a fait subir au sein de camps bien particuliers.
Il est essentiel de rendre hommage à l’engagement des harkis durant la guerre d’Algérie. Il est indispensable d’intensifier le soutien que la Nation leur apporte, ainsi qu’à leurs familles, afin d’améliorer leurs conditions de vie.
Le principe d’une responsabilité de l’État envers les harkis a pris corps au fil des dernières décennies. Comme l’a rappelé notre collègue rapporteure, en complément de l’aide sociale de droit commun, des milliers d’anciens harkis et leurs familles ont pu bénéficier d’un grand nombre de mesures d’aide et de reconnaissance : aides sociales à la réinstallation, indemnisation des biens perdus en Algérie, mesures de désendettement, aides au logement, etc.
Par ailleurs, plusieurs mesures financières ont été prises depuis le 1er janvier 2017, par exemple la revalorisation de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère prévue en faveur des conjoints survivants de harkis.
Ce texte instaure de nouvelles mesures de reconnaissance et de réparation. Il pose le principe de la responsabilité de la France dans l’indignité des conditions de vie qui ont été réservées à ces personnes sur son territoire.
Le Gouvernement estime le nombre de bénéficiaires potentiels du dispositif à 50 000, pour un coût global de 302 millions d’euros.
L’indemnité de réparation ne serait assujettie ni à l’impôt sur le revenu ni à la contribution sociale sur les revenus d’activité et de remplacement. Les mesures d’aides sociales élargissent les conditions dans lesquelles peut être versée l’allocation viagère.
Je salue la création d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis et par les autres personnes rapatriées d’Algérie. Cette commission assurera la mission de recueil et de transmission de la mémoire ; elle aura un rôle décisionnel et de pilotage dans la procédure de demande de réparation.
Aucun mot ne peut décrire le comportement de l’État à l’égard des harkis au lendemain de la guerre d’Algérie. Un sentiment d’abandon pèse toujours sur le cœur des survivants et sur celui de leurs descendants.
Nous considérons que ces mesures ne peuvent en aucun cas constituer un « solde de tout compte » dans la reconnaissance due par la Nation aux harkis, qui ont participé au conflit au service de la France. Nous reconnaissons leurs souffrances et leurs sacrifices et tenons à rendre hommage à leurs familles.
Nous ne saurions pourtant laisser penser que rien n’a jamais été fait : diverses lois et mesures prouvent le contraire. De Jacques Chirac à Emmanuel Macron, la parole présidentielle a exprimé la reconnaissance de la République envers les harkis et autres supplétifs pour leur engagement.
Évidemment, la réalité est loin d’être satisfaisante.
Évidemment, aucune mesure ne suffira jamais pour réparer toutes les violences, la souffrance, les atrocités subies par les harkis et par leurs familles.
Évidemment, aucune indemnité financière ne peut aider à refermer les plaies.
Certaines erreurs n’auraient tout simplement pas dû être commises par la France. Après plus de soixante ans, est-il encore possible de réparer l’irréparable ?
Malgré le retard accumulé, ce texte représente une avancée et s’inscrit dans une trajectoire de réparation des blessures d’un passé toujours proche et vivant.
Nous devons continuer ce combat ; nous ne devons pas oublier ! C’est pourquoi les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et RDSE. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il a fallu du temps – trop de temps, sans aucun doute – pour que la France reconnaisse l’abandon dans lequel ont été plongés les harkis au lendemain des fameux accords d’Évian.
Parce qu’ils avaient servi la France, ils eurent le choix entre la mort et l’exil. Dans ces conditions, les harkis n’ont pas hésité à passer, quand ils l’ont pu, de l’autre côté de la Méditerranée, où l’horizon leur paraissait plus clair.
Quelle déception ! La terre promise ne s’est pas révélée aussi accueillante qu’elle aurait dû l’être.
Pour une partie d’entre eux, près de 42 000, le passage ou l’installation dans des camps de transit et de reclassement ou des hameaux de forestage a constitué une véritable relégation faite de souffrances et de légitime amertume. Dans ces camps qui, rappelons-le, étaient fermés, précarité, privations, déscolarisation et brimades étaient le lot quotidien des harkis – notre collègue rapporteure l’a très bien souligné.
Il faut le dire : c’est l’indignité légalisée qui figurait au fronton obscur de ces structures, en lieu et place de la fraternité qui aurait dû y être prodiguée.
Notre pays – patrie des droits de l’homme, dit-on souvent – a clairement raté, à cette époque, le rendez-vous de la compassion à l’égard de ceux qui croyaient en elle et qu’elle aurait dû accueillir avec plus de générosité.
À Bias, en Lot-et-Garonne, à Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, ou au Larzac, dans l’Aveyron, est-il compréhensible que de jeunes enfants aient longtemps vu la France des barbelés avant de connaître celle des libertés ?
Mes chers collègues, vous le savez : on ne saurait prétendre que le législateur n’a rien fait par la suite pour améliorer leur sort. Entre mesures sociales, indemnisation des biens perdus et aides au logement, de nombreux dispositifs ont pu aider certains d’entre eux à s’en sortir. Mais le compte n’y est pas, ce que le Conseil d’État n’a pas manqué de rappeler en 2018, en condamnant l’État à dédommager un fils de harki ayant séjourné dans l’un de ces camps.
Aussi, l’engagement du Président de la République, prononcé le 20 septembre dernier, permettra d’accorder les réparations qu’exige ce sombre épisode de l’histoire de France.
Naturellement, les élus de mon groupe soutiennent ce projet de loi, lequel institue un mécanisme de réparation financière en faveur des rapatriés ayant transité par un camp ou par un hameau de forestage entre 1962 et 1975.
Nous approuvons également les articles renouvelant ou approfondissant la reconnaissance de la Nation à l’égard des harkis.
Je salue enfin la mesure relative à l’allocation viagère : la suppression de la forclusion permettra à des familles qui ignoraient leurs droits de les exercer.
Toutefois, comme le souligne la commission, « ce texte ne saurait constituer le solde de tout compte ». Une majorité des sénateurs de mon groupe aurait d’ailleurs souhaité étendre le bénéfice du dispositif de réparation à tous les harkis (M. André Guiol acquiesce.), qu’ils aient été logés dans des structures fermées ou ouvertes : ainsi, les familles rassemblées dans des habitations à loyer modéré (HLM), souvent à l’écart, ont souffert de toutes sortes de discriminations. Mon collègue André Guiol a déposé un amendement en ce sens, relayant ainsi le vœu de la communauté des harkis de ne pas être divisée.
Madame la ministre, peut-être aurait-il également fallu profiter de ce texte pour régler la situation des quelque vingt-cinq supplétifs de statut civil de droit commun dont le sort est régulièrement discuté au titre des projets de loi de finances.
En attendant ces améliorations, le RDSE approuvera le projet de loi qui concrétise la demande de pardon formulée par le Président de la République. Nous le devons avant tout aux harkis et à leurs enfants ; nous le devons aussi au pacte républicain, dont il faut rapidement réparer les fêlures afin de laisser place à une seule communauté de destins.
Je conclurai sur une note personnelle. Lors de son service militaire, à Rodez, en Aveyron, mon frère a été chargé avec ses camarades d’accueillir les harkis arrivant en gare de Millau, puis de les conduire en camion au camp du Larzac, où ils devaient rester dans le froid et la solitude. Il a gardé un souvenir poignant de ces pauvres bougres venus d’Algérie, que nous avons si mal accueillis.
Je le répète, les élus de notre groupe voteront ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Albert Camus écrivait dans ses Carnets : « Maintenant j’erre parmi des débris, je suis sans loi, écartelé, seul et acceptant de l’être, résigné à ma singularité et à mes infirmités. Et je dois reconstruire une vérité, après avoir vécu toute ma vie dans une sorte de mensonge. »
C’est précisément ce que ressentent les harkis et leurs descendants, témoins et victimes d’une histoire coloniale douloureuse.
Après l’enfer de la guerre d’Algérie, ceux qui ont combattu pour la France ont été abandonnés par elle. Ils ont été livrés à leur sort sur le sol algérien et, à ceux qui ont pu être rapatriés, l’État a infligé une peine terrible : ils ont été entassés comme du bétail dans des camps d’accueil et des hameaux de forestage.
Insalubrité, promiscuité, absence d’eau chaude et d’électricité : ces structures étaient indignes. Les témoignages des harkis et de leurs enfants sont glaçants. De telles conditions de vie ont emporté de graves conséquences sur l’état physique, psychique et psychologique de ces personnes. Les dommages matériels et moraux sont nombreux et irréversibles.
Le temps du silence et de la honte est révolu. Dans son discours du 20 septembre 2021, Emmanuel Macron a déclaré que la République avait contracté à leur égard une dette, qu’il faudrait honorer.
Ce projet de loi est ainsi assujetti à un devoir de réparation au titre de la responsabilité de l’État. Toutefois, il exclut les harkis restés en Algérie, qui ont vécu l’infamie et la persécution et, de ce fait, ne sauraient être oubliés.
En dehors d’une réparation pécuniaire, la reconnaissance solennelle des préjudices subis par les harkis et par leurs descendants est un tournant mémoriel dans l’histoire postcoloniale française. L’État ne peut se contenter de demi-mesures ou d’une loi incomplète. Il ne suffit plus de reconnaître ses torts ou de demander pardon, il est temps d’assumer pleinement ses actes.
Pour ceux qui ont connu le pire de notre administration, pour ceux qui ont été privés de libertés fondamentales, pour ceux qui ont tout perdu pour la France, arrive enfin le temps de la vérité et de la cicatrisation. Ce texte est un premier pas : nous attendons la suite. À ce titre, je regrette que certains de nos amendements n’aient pas été jugés recevables. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer les représentants des associations de harkis présents aujourd’hui en tribune. Devant vous, je veux les remercier des éclairages et des propositions qu’ils ont apportés lors des auditions de la commission. Notre travail a été nourri par ce qui a été leur vie ou celle des leurs.
Je remercie également l’ensemble de mes collègues de leur engagement et de leur participation à un texte aussi important, en particulier Mme la rapporteure.
Nous examinons un projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers l’ensemble des supplétifs qui ont servi la France en Algérie et que celle-ci a abandonnés. Ce texte reconnaît également – il faut nous en féliciter ! – la responsabilité de l’État français dans l’indignité des conditions d’accueil et de vie sur son territoire réservées aux anciens supplétifs et à leurs familles, hébergées dans des structures fermées.
Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité des discours présidentiels, notamment celui de François Hollande, qui, pour la première fois en 2016, a reconnu explicitement la responsabilité des gouvernements français dans l’abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France.
Les dispositions débattues aujourd’hui sont très attendues par les anciens harkis et leurs familles. Elles marqueront – je l’espère – une étape sur le chemin de l’apaisement des mémoires.
Près de soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, la douleur est toujours vive, les plaies peinent à cicatriser et les mémoires sont encore troublées.
L’histoire des harkis, c’est l’histoire de la France, de notre Nation, qu’il nous faut regarder avec lucidité. C’est l’histoire de ces Français, nés en Algérie, qui ont été recrutés pour appuyer l’armée française durant la guerre d’Algérie. Ils sont encore aujourd’hui appelés des supplétifs, terme les rabaissant au rôle d’auxiliaires, d’hommes de second rang, alors même que leur action fut souvent essentielle au sein des forces armées françaises. Auparavant, beaucoup d’entre eux avaient d’ailleurs servi lors d’autres conflits où la France était engagée.
L’histoire des harkis est aussi celle d’un abandon. À la fin de la guerre, le gouvernement français ordonne à l’armée de désarmer les harkis et de limiter strictement leur rapatriement : il a, de fait, laissé sur place une grande partie d’entre eux. Seuls sont rapatriés les Français d’origine européenne et une partie des anciens supplétifs, dont la sécurité est menacée en Algérie.
Les anciens harkis, considérés comme des traîtres en Algérie, sont victimes d’exactions et de massacres sur le sol algérien.
L’histoire de cet abandon se poursuit sur le sol français : sont frappés ceux qui ont réussi à être rapatriés, souvent grâce à la désobéissance de certains officiers français, hommes d’honneur qui, faisant fi des ordres donnés, ont organisé eux-mêmes le rapatriement de leur harka.
Selon l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), entre 80 000 et 90 000 anciens supplétifs, épouses et enfants se sont réfugiés ou ont été rapatriés en France.
À leur arrivée, plus de la moitié d’entre eux furent relégués dans des camps et des hameaux de forestage. Ils y vécurent dans des conditions de vie inhumaines, soumis à un régime dérogatoire du droit commun, isolés à plusieurs kilomètres des villages, devant subir un couvre-feu et le contrôle de leurs déplacements. Ils connurent des conditions d’hygiène déplorables et subirent le manque de scolarisation de leurs enfants.
Exilés, marginalisés, oubliés, devenus invisibles, tous les harkis et leurs proches ont souffert de traumatismes durables.
En se bornant à reconnaître le préjudice des personnes passées dans les camps, ce projet de loi est incomplet. En effet, le champ de la reconnaissance n’inclut pas les 40 000 personnes n’ayant pas séjourné dans ces structures, alors que leurs conditions de vie ne se sont pas toujours révélées plus dignes.
De plus, au-delà des sommes allouées, le système de forfait n’est pas à la hauteur des préjudices dont furent victimes les harkis et leurs familles. Il n’est en aucun cas une reconnaissance par la Nation des violences vécues. Un tel forfait, c’est l’acceptation d’un préjudice sans la reconnaissance de la culpabilité.
Tous les anciens harkis et leurs familles méritent que leur histoire et leurs souffrances soient entendues et bénéficient d’une réparation individuelle, fondée sur ce que chacun d’entre eux a réellement subi.
La dernière partie de ce texte porte sur la reconnaissance mémorielle. À ce titre, je salue le travail remarquable déjà effectué par l’ONACVG : cet office organise des expositions, des recueils de témoignages et des interventions à quatre voix dans les établissements scolaires. Mais il faut aller plus loin encore et faire vivre cette mémoire commune, qui participe de notre richesse, celle de la réconciliation nationale et du vivre ensemble.
Ce texte constitue une avancée, mais il ne saurait être un solde de tout compte. Dans cet esprit, nous veillerons à ce qu’il ne reste pas purement déclaratif : nous proposerons un certain nombre de modifications, même si la plupart de nos amendements ont été déclarés irrecevables ou rejetés en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous cache pas l’émotion que j’éprouve en prenant la parole, alors que notre Haute Assemblée s’apprête à contribuer à écrire un nouveau chapitre de notre histoire. Ma meilleure amie est fille de harki. Elle est née dans le camp de Rivesaltes, où elle a vécu et où elle a souffert des conditions d’existence. Ses douleurs sont telles que la plaie ne s’est jamais refermée.
Je salue les représentants des harkis présents en tribune.
Les uns et les autres l’ont rappelé : les harkis appartiennent à l’histoire de France, et à mon tour je leur rends hommage.
La signature des accords d’Évian a ouvert cette page dramatique : après avoir servi la France durant la guerre d’Algérie, des hommes – harkis, moghaznis et membres des autres formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local – ont été soit délaissés sur leur terre natale, en proie aux exactions et aux massacres, soit rapatriés en métropole, coupés de leurs racines et relégués dans des cités urbaines, des camps ou des hameaux de forestage.
Dans ces camps et ces hameaux de forestage, où certains ont passé des années, ces personnes ont connu l’abandon, l’enfermement et la survie dans des conditions particulièrement précaires et indignes. Leur vie était dominée par le rationnement, la faim, le froid, la promiscuité, la maladie, l’exclusion, les privations de libertés, l’arbitraire et le racisme, au mépris des valeurs qui fondent notre République, au mépris du droit et de toute justice.
Ces souffrances se sont transformées en traumatismes durables, que nous savons difficiles à apaiser complètement, soixante ans plus tard.
C’est pourquoi, le 20 septembre 2021, le Président de la République, Emmanuel Macron, a pris la parole pour demander pardon au nom de la France. Pour réparer cette faute de l’État que fut l’indignité de ces conditions d’accueil et de séjour sur le territoire national, dans ces camps et hameaux de forestage, il a reconnu la nécessité d’inscrire dans le marbre de la loi la responsabilité de l’État d’indemniser et de rendre justice.
Ce nouveau pas franchi est historique.
Par ses articles 1er et 2, le présent texte concrétise cet engagement du Président de la République : il acte la création d’un mécanisme de réparation des préjudices subis par ces personnes, leurs conjoints et leurs enfants dans les structures visées.
Si l’on a retenu tel fait générateur pour déterminer un préjudice spécifique, c’est conformément à la jurisprudence du Conseil d’État. Ainsi ce projet de loi évitera-t-il tout risque d’inconstitutionnalité.
La commission nationale de reconnaissance et de réparation, créée par l’article 3, sera au cœur de ce dispositif. Elle a gagné à l’Assemblée nationale la faculté « de proposer des évolutions de la liste des lieux » dans lesquels il est nécessaire d’avoir séjourné pour bénéficier du mécanisme de réparation. Cette évolution décisive lui confère les moyens d’être une entité active capable de détecter les angles morts et de faire évoluer le mécanisme de réparation.
Sa mission mémorielle est tout aussi déterminante : en recueillant de nouveaux témoignages, elle sera en mesure d’aider à transmettre aux jeunes générations la mémoire la plus précise possible, pour que rien ne soit oublié.
Enfin, c’est un véritable soulagement que l’article 7 vienne supprimer les irritants relatifs à l’allocation viagère, qui empêchaient injustement plusieurs veuves d’y accéder.
Félicitations, madame la rapporteure ! Notre groupe tient à vous remercier de votre travail minutieux et des précisions essentielles que vous avez apportées à ce texte en commission. Je pense notamment à votre amendement tendant à préciser que la responsabilité de l’État concernera des structures « de toute nature » ayant fait subir à leurs résidents des conditions indignes et attentatoires à leurs libertés, ce qui ouvre la voie à l’inclusion de certaines prisons reconverties en lieux d’accueil pour les harkis, pour l’heure encore mal identifiées.
En commission, les élus du groupe RDPI ont eux aussi contribué à améliorer les dispositions relatives à la commission nationale de reconnaissance et de réparation.
Ainsi – le texte le précise désormais sans ambages –, à la demande de la commission, l’ONACVG sollicite systématiquement de tout service de l’État, collectivité publique ou organisme gestionnaire de prestations sociales la communication de tout renseignement utile à l’exercice de ses missions. En outre, on pourra solliciter ces demandes d’informations afin de faire évoluer la liste des structures concernées.
Mes chers collègues, pour poursuivre ces efforts, les membres du groupe RDPI vous proposeront aujourd’hui deux nouveaux amendements.
Le premier tend à préciser les conditions de désignation des membres qui siégeront au sein de la commission en confiant cette prérogative au Premier ministre, sur proposition des autorités compétentes. Notre préoccupation, exprimée sur nombre de nos travées, est de sauvegarder l’indépendance de cette instance.
Le second, que nous défendons avec plusieurs collègues issus des groupes Les Républicains, Union Centriste, RDSE et Les Indépendants – République et Territoires, vise à prévoir spécifiquement un accès prioritaire à la commission pour les anciens combattants harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés. En l’état actuel du texte, ce n’est pas encore prévu.
Madame la ministre, avant de conclure, je tiens à saluer votre engagement infaillible et inlassable. C’est ainsi à vous que l’on doit le doublement des allocations de reconnaissance et viagère.
Mes chers collègues, à l’issue de ces travaux, j’ai l’espoir que nous saurons avancer ensemble sur le chemin de la réconciliation nationale ; que nous saurons contribuer à maintenir la flamme de l’espoir et de la mémoire à jamais allumée, pour ouvrir la voie vers un avenir meilleur.
Bien entendu, les membres de notre groupe voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Yves Détraigne et Claude Kern applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aborde l’examen de ce texte avec gravité et émotion, car nous sommes à un rendez-vous de l’histoire.
J’en suis convaincu de longue date : le temps est venu d’honorer les harkis, citoyens français à part entière ; d’engager enfin la réparation d’un drame humain ; d’écrire la dernière page de cette histoire et de fermer ce livre de l’ombre.
Abandon, massacres, déracinement, camps, discrimination, misère sociale : non seulement cette vérité doit être dite, mais il faut programmer le règlement définitif de la dette immense de la France envers les harkis.
Parce que ces hommes courageux avaient servi sous le drapeau français, ils furent, avec leurs familles, victimes de représailles après le cessez-le-feu, car privés de la protection de la France. Pour survivre et ne pas subir le sort de près de 100 000 de leurs compatriotes, massacrés par l’organisation terroriste du FLN, ils furent condamnés à un exil précipité.
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. Philippe Tabarot. Oui, en Algérie, la France a abandonné une partie de ses propres soldats.
Lorsqu’ils débarquèrent en métropole, sans ressources, sans attaches et sans perspectives, ils furent accueillis dans des conditions indignes ; puis au déracinement s’ajouta l’oubli. Les harkis aimaient la France, mais la France les a abandonnés.
Madame la ministre, avec ce projet de loi, vous accomplissez une avancée louable. Le présent texte traduit, je l’espère, la volonté de réparer l’une des plus grandes injustices du XXe siècle. Je ne saurais croire qu’il ait en fait un but électoraliste, encore moins qu’il résulte de pressions juridiques ou judiciaires du Conseil d’État ou de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Je veux simplement croire que le Président Macron se repent – oui, se repent ! – des propos ignobles qu’il a tenus en 2017 à Alger, en qualifiant la présence française en Algérie de crime contre l’humanité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno applaudit également.)
Toutefois, ce texte cristallise beaucoup de déceptions : derrière les avancées, votre engagement est trop restrictif pour être réparateur. Ce texte entend opérer un tri entre les mémoires et créer des catégories entre les harkis. Certes, dans les camps et hameaux de forestage, il n’y avait ni eau ni électricité et l’on ne mangeait pas à sa faim. Mais, ailleurs, les conditions de vie pouvaient être tout aussi précaires.
Certains ont voulu croire en la parole du chef de l’État. Leur espoir était immense, pour qu’enfin soit reconnue l’indignité de leurs conditions d’accueils. Malheureusement, cet espoir est déçu.
Personne n’a jamais dit que près de la moitié des harkis seraient exclus de la réparation. (Mme Brigitte Micouleau acquiesce.) Leur seul tort est de ne pas avoir vécu entourés de barbelés. En hiérarchisant la souffrance, vous bafouez leur honneur et leur loyauté ; en les condamnant à leur sort, vous créez une défiance qu’il vous faudra réparer pour me convaincre de la portée de ce texte, d’autant qu’il demeure incomplet.
Ainsi, ce projet de loi ne dit rien de la reconnaissance de la qualité de Français aux harkis ; rien de la reconnaissance de la responsabilité de la France dans cet abandon ; rien de l’instauration d’une sanction pénale lorsque est portée à l’égard d’un harki une injure ou une diffamation ; rien de l’abrogation de la journée du 19 mars, date funeste qui, par l’ampleur des massacres commis, n’a pas empêché le sang de couler, bien au contraire. Les harkis ont eu le choix entre la valise et le cercueil !
J’ai noué très tôt des liens d’amitié durables qui m’ont valu d’entrer dans la blessure de ces familles déracinées. Ayant bien connu la précarité de la cité des Mimosas, à Cannes-la-Bocca, je peux en témoigner.
À cet exode forcé, j’associe les rapatriés pieds-noirs…
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Philippe Tabarot. En effet, leur sort est intimement mêlé à celui des harkis. Ils ont été chassés d’une terre où ils étaient nés et où leurs aînés reposent encore, fuyant une mort que leur loyauté rendait certaine. Cet exode aurait dû inspirer une hospitalité digne de leur engagement.
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. Philippe Tabarot. Voilà ce que je défends.
À l’heure où, soixante ans après les faits, des extrémistes se détournent de notre pays selon une logique victimaire anti-France, comment ne pas ériger en héros et en exemples ces musulmans qui ont combattu pour la France ?
Mes chers collègues, posons aujourd’hui un acte global de reconnaissance de cette histoire…
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Philippe Tabarot. … pour mettre un terme à sa méconnaissance.
Un peuple sans mémoire est un peuple sans histoire. Les commémorations n’ont pas la force de guérir à elles seules les blessures. Ce texte fera date s’il apporte une complète réparation et s’il assure l’hommage de la Nation aux membres de cette communauté qui a choisi de défendre notre pays librement, avec son cœur et, trop souvent, avec son sang.
Les harkis ont montré la voie dans cet inconnu permanent de l’avenir qui, un jour, devient histoire.
J’en appelle à votre sens du devoir pour que les harkis, qui ne demandent pas la charité, ne subissent pas une énième trahison, eux qui avaient choisi de se ranger du côté de la France. Tout doit commencer par la vérité ; tout doit finir par la justice. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Brigitte Devésa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier notre collègue Marie-Pierre Richer : je salue le sens de l’écoute et du consensus dont elle a fait preuve durant l’ensemble de nos travaux.
Mes premiers mots iront aux harkis, à leurs familles, aux blessés, aux âmes écorchées, aux morts. Je tiens à rendre hommage à l’ensemble d’entre eux, où qu’ils aient vécu, avant ou après 1975.
Les auditions du Sénat et de l’Assemblée nationale ont fait ressurgir en moi, fille de pieds-noirs, nombre de souvenirs, de témoignages, d’histoires et de visages.
Ils m’ont laissée muette face à la douleur vécue, face à la blessure de l’histoire, face à la vérité criante qui domine chacun de ces témoignages : le cessez-le-feu n’en était pas un ; la guerre a continué ; les accords de paix cachaient une paix bâclée.
Au sommet de l’État français régnait la peur – peur laissée par le souvenir de la guerre d’Indochine, peur de s’enliser dans une guerre interminable. La peur a mené à la précipitation. Doublée d’un manque de considération, elle a rendu l’État, la France, lâche.
C’est la lâcheté qui a conduit à l’abandon de citoyens français ; un abandon grossier, d’abord, qui conduira aux pires massacres. Je pèse mes mots : il s’agissait de massacres.
Persécutés, martyrisés, les harkis ont subi un nouvel abandon, plus sournois que le premier. L’oubli est un abandon. Il aura duré presque soixante ans.
Rendons hommage à Jacques Chirac, grâce à qui l’État cessa de s’enliser dans le déni. Les Présidents Hollande et Sarkozy ont eu des mots forts pour les harkis ; le Président Macron aussi. Ils savent que les harkis n’oublient pas et que jamais au grand jamais ils n’accepteront un énième abandon, une énième lâcheté.
Les harkis honorent la Nation et le peuple français par leur courage, par leur patriotisme, par leur amour de la France. Ils donnent une chance à l’État de sortir d’un silence sournois, d’une pudeur qui entache l’esprit français. N’oublions pas qu’il s’agit d’une réparation par la France, pour la France, pour son unité. Voilà pourquoi l’injure faite aux harkis est une injure faite à la Nation.
Déclassifions les archives, continuons les auditions : les préjudices ne sont pas encore tous établis.
Madame la ministre, je forme le vœu que l’office national indépendant, création de ce gouvernement, fasse toute la lumière sur l’histoire des harkis et leur permette de témoigner de l’ampleur des préjudices subis et des réparations attendues.
Ce texte de loi vient bien tard ; mais nous avons aussi le sentiment qu’il arrive trop tôt, peut-être parce que le Président de la République, qui se décrivait lui-même comme le « maître des horloges », s’en est laissé dicter le tempo par la Cour européenne des droits de l’homme.
En résulte, in fine, un sentiment de frustration. Cette sensation, qu’éprouvent bon nombre d’associations de harkis, m’a conduite à m’interroger longtemps, et avec gravité, sur le sens de mon vote.
Aux associations de harkis, je veux dire que la loi peut paraître froide, mais qu’elle n’est jamais une fin en soi. N’ayez pas peur, car le chemin ne s’arrête pas là.
Ce gouvernement instaure, le 25 septembre, la journée nationale d’hommage aux harkis. Chaque année, mesdames, messieurs les harkis, la République vous entendra. Chaque année, nous essaierons ensemble de faire un pas de plus vers l’apaisement.
Comme l’indiquait ma collègue Jocelyne Guidez, les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Valérie Boyer applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui se doit de répondre enfin aux aspirations de milliers de nos compatriotes : les harkis et leurs familles.
Les harkis servaient dans les forces armées françaises. Ils étaient moghaznis, tirailleurs, spahis, membres des forces régulières, des groupes mobiles de sécurité, des groupes d’autodéfense et des sections administratives. Ils furent 200 000. Nous leur devons remerciements et reconnaissance. Ils ont risqué leur vie pour une patrie qui était et qui demeure la leur : la France.
Pourtant, après la proclamation du cessez-le-feu le 19 mars 1962, les plus hautes autorités de l’État n’ont pas tenu la promesse qui leur avait été faite : leur offrir une protection et la citoyenneté française.
Oui, la citoyenneté française est une promesse, parce que nulle autre au monde ne porte en elle l’idéal républicain.
Les harkis ne furent ni protégés ni rapatriés, mais abandonnés à leur triste sort. Alors, il fallut le courage et la parole de nombreux militaires français, au nom de la fraternité d’armes, pour assurer le rapatriement en France de près de 90 000 soldats harkis et de leurs familles. Ces militaires sont l’honneur de la France.
Près de la moitié des harkis ainsi rapatriés furent condamnés aux camps, de sinistre mémoire, et à leurs violences. Des enfants morts de faim et de froid, enterrés sans sépulture, d’autres déscolarisés, des femmes violentées et humiliées, parfois même violées, l’internement en cas de rébellion, l’insalubrité et la promiscuité au quotidien, la spoliation des maigres revenus par les chefs de camp : chacun peut imaginer les conséquences de telles épreuves sur ces vies brisées.
L’horreur – c’est bien de cela qu’il s’agit –, dura officiellement jusqu’au 31 décembre 1975, soit treize longues années d’inhumanité.
On sait désormais que les autres harkis vécurent une situation d’enfermement social ; qu’ils furent rejetés de l’autre côté de la Méditerranée et mal acceptés ici même, dans leur pays, la France. Les harkis durent attendre douze années après la fin de la guerre d’Algérie pour obtenir le statut, pourtant légitime, d’anciens combattants.
Les Présidents de la République qui se sont succédé – Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et désormais Emmanuel Macron – ont, avec dignité, reconnu la responsabilité de la France.
Reconnaître n’est pas se repentir ; c’est admettre l’expression de la douleur vécue. Il nous faut être respectueux. Le respect est la marque à laquelle on reconnaît l’humanité et c’est toujours l’honneur d’un pays.
Madame la ministre, les associations de harkis attendaient beaucoup de ce projet de loi, né de la volonté présidentielle, le 20 septembre dernier, à l’Élysée – j’y étais. Elles sont déçues et parfois même en colère. Il n’y a pas eu de concertation et ce texte présente bien des lacunes.
Avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je défendrai plusieurs mesures d’importance.
Tout d’abord, il faut reconnaître la qualité de Français à tous les harkis. Cette disposition doit figurer dans l’ensemble du texte et même dans son titre.
Ensuite, la réparation ne peut pas conduire à établir des distinctions entre les harkis : elle doit valoir pour l’ensemble des 90 000 harkis et leurs familles.
En outre, comme le souligne la commission, ce projet de loi ne saurait valoir solde de tout compte. Dans la rédaction actuelle, c’est pourtant le cas. En effet, une réparation forfaitaire qui ne tiendrait pas compte des situations particulières n’apporterait qu’une réponse froidement administrative, ce qui est bien entendu inacceptable : un tel dispositif ne garantirait pas réparation à chacune des personnes.
Enfin, l’État doit favoriser la création d’une fondation mémorielle – j’y reviendrai dans la suite du débat.
Madame la ministre, nous attendons que vous fassiez preuve d’humanité et d’écoute. Saisissez la main que nous vous tendons en retenant nos amendements, voire en les reprenant, afin de faire avancer les choses. C’est ainsi que les harkis pourront rejoindre les grandes pages de notre histoire nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Guy Benarroche applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)
M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion et de gravité que nous abordons ce projet de loi et, avant tout, je tiens à remercier notre rapporteure, Marie-Pierre Richer, de son travail et de son sens de l’écoute.
Cette reconnaissance de la Nation envers les harkis découle d’un long processus, engagé dès 2001 par le Président Jacques Chirac et qu’il convient de poursuivre. À quelques mois d’une élection importante, je refuse d’imaginer que cette initiative est entachée par une tentative de récupération. Que ceux qui s’y laisseraient aller fassent preuve de décence !
L’épreuve de la guerre d’Algérie saigne encore dans le cœur de nombreux Français. Je pense en particulier aux anciens combattants de ce conflit : il suffit d’avoir croisé leur regard embué pour mesurer à quel point la paix est précieuse.
À la fin de cette guerre, la France a rapatrié une partie des anciens supplétifs, accompagnés de leurs familles, dont la sécurité était désormais menacée sur la terre qui les avait vus naître.
Sur ce même sol, plusieurs dizaines de milliers de harkis furent assassinés. Aujourd’hui, comment ne pas rendre hommage à ces victimes, qui ont cru en notre idéal républicain et pour lesquelles la République n’a pas été à la hauteur ?
Parmi les harkis ayant pu être rapatriés, 82 000 étaient d’origine algérienne, dont 42 000 furent accueillis dans des conditions indignes se traduisant par des atteintes aux libertés individuelles, une forte précarité, des brimades ou encore la non-scolarisation des enfants.
Rien ne pourra réparer ces outrages, rien, jamais ! Mais j’en suis intimement persuadé : les grandes nations se reconnaissent à leur faculté de regarder leur histoire droit dans les yeux.
Il ne s’agit pas de se gargariser de ce projet de loi, qui, par ailleurs, a fait naître un grand espoir. Nous devons faire preuve d’humilité face à ceux qui ont été rapatriés, comme face à ceux qui n’ont pu rejoindre notre rive.
Nous sommes nombreux, au sein de cet hémicycle, à déplorer le communautarisme. Oui, notre République, riche de sa diversité, nourrit l’ambition humaniste de ne faire qu’un ! Toutefois, lorsque ces rapatriés sont arrivés sur notre sol, nous avons indéniablement manqué de fraternité à leur égard. En réaction, une formidable solidarité s’est développée au sein de cette communauté : comment le leur reprocher ? À l’instar de certains représentants d’associations, je regrette que ce texte les divise et les segmente.
Bien sûr, les souffrances ont été diverses, elles ont duré plus ou moins longtemps ; mais nous devons cette reconnaissance à l’ensemble des harkis. Certains d’entre eux vivaient certes en milieu ouvert, mais leurs conditions d’existence n’en étaient pas moins précaires.
Ce projet de loi a sans doute été inscrit à l’ordre du jour avec un peu de précipitation, mais je le voterai dans un esprit de responsabilité, à condition que l’amendement cosigné par de nombreux sénateurs de mon groupe, à l’article 3, soit adopté.
Au cours de nos discussions, je veillerai également à garantir l’indépendance de la commission nationale de reconnaissance et de réparation. Ma collègue Christine Bonfanti-Dossat et moi-même avons déposé un amendement en ce sens.
Madame la ministre, mes chers collègues, c’est cette garantie qui permettra à la commission nationale d’exprimer pleinement notre reconnaissance envers les harkis, même si – je le sais parfaitement – cette page douloureuse ne se tournera pas facilement. Il faudra poursuivre notre travail. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant reconnaissance de la nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français
Chapitre Ier
Reconnaissance et mesures de réparation
Article 1er
La Nation exprime sa reconnaissance envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a abandonnés.
Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l’indignité des conditions d’accueil et de vie sur son territoire, à la suite des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie, des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles, hébergés dans des structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles qui ont été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. En vertu de l’article 1er, la nation française exprime sa reconnaissance envers les harkis et les personnels des différentes formations supplétives bénéficiant du statut de civil de droit local, qui l’ont servie en Algérie et qu’elle a abandonnés.
Nous saluons cette reconnaissance, très attendue par les anciens harkis.
L’article reconnaît également la responsabilité de la Nation à l’égard de ces personnes pour l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans les camps et hameaux de forestage, entre 1962 et 1975.
Par le biais d’un amendement, Mme la rapporteure précise et élargit la notion de « structures » présente dans le texte initial. Toutefois, il nous semble que la reconnaissance de l’État et sa responsabilité dans les conditions d’accueil et de vie sur le territoire devraient valoir pour l’ensemble des harkis et membres de leurs familles rapatriés.
Veillons à ne pas écarter celles et ceux qui n’ont pas transité dans ces structures. Dans bien des cas, il s’agit de familles arrivées en France par leurs propres moyens, sans bénéficier d’un rapatriement militaire. Rien ne justifie qu’on les exclue du bénéfice des réparations : elles ont droit, elles aussi, à un traitement équitable.
Nous en sommes convaincus, un droit à réparation individuelle et une reconnaissance non discriminatoire seront sources d’apaisement.
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, sur l’article.
M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, l’article 1er du projet de loi reconnaît la responsabilité de la France dans les conditions indignes et même inhumaines dans lesquelles notre pays a rapatrié et accueilli ces citoyens français, dont le seul tort aura été d’aimer la France, de la servir et de la défendre.
Le patriotisme des harkis a été bien mal récompensé : la mère patrie pour laquelle ils se sont engagés au péril de leur vie les a abandonnés.
L’histoire des harkis, j’ai appris à la connaître en parlant, depuis trente ans, avec ces hommes et ces femmes. J’ai écouté les souffrances endurées et les sévices subis. J’ai écouté le profond sentiment d’injustice qu’ils portent en bandoulière, en lieu et place des armes qui leur servaient à défendre la France et qui leur ont été retirées, de sorte qu’ils ont été livrés aux représailles. J’ai écouté le silence assourdissant de ces hommes et de ces femmes qui, par pudeur ou par épuisement, ne pouvaient ou ne voulaient plus évoquer les exactions et les humiliations endurées.
À force d’écouter les harkis, j’ai épousé leur cause et leur combat. L’histoire des harkis est aussi la nôtre.
Longtemps, ces hommes, ces femmes et leurs enfants ont été relégués dans certains lieux, notamment les hameaux de forestage de mon département, à Saint-Pons-de-Thomières, à Lodève et à Avène, et les centres de transit de ma région, à Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales, à La Cavalerie en Aveyron et à Saint-Maurice-l’Ardoise dans le Gard.
Très longtemps, ces hommes et ces femmes ont aussi subi une relégation mémorielle, comme s’ils étaient la mauvaise conscience de la France.
Madame la ministre, vous nous proposez aujourd’hui de réparer les fautes commises à l’encontre des harkis. Nous y sommes naturellement favorables, mais pas à n’importe quel prix, pas en divisant les harkis, en sélectionnant ceux qui seraient dignes de prétendre à une réparation contre ceux qui le seraient moins.
Certes, le préjudice n’a pas été le même pour tous et il conviendra de l’évaluer de manière individuelle avant de l’indemniser. Mais, de grâce – je vous en conjure –, il ne faut ni mégoter ni barguigner ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est dans l’histoire de France bien des heures glorieuses, mais il est aussi des pages plus sombres, enfouies sous un oubli gêné. C’est le cas de la guerre d’Algérie, dont notre mémoire collective a tant de mal à s’emparer.
Les plaies ne sont pas cicatrisées, peut-être parce que ces « tristes événements », comme on les a longtemps faussement appelés, ne sont pas si lointains ; peut-être aussi parce que notre nation souffre de n’avoir pas su trouver une issue moins sanglante et cruelle à ce conflit.
Certes, rien n’était simple. Entre l’attachement des pieds-noirs au sol d’Afrique, la détermination des indépendantistes algériens et l’impatience de la métropole à sortir de ce bourbier, où tant d’appelés laissèrent leur vie ou leur jeunesse, l’Algérie fut un récif tranchant sur lequel se brisèrent plusieurs gouvernements et même une République.
À la fois guerre civile et guerre d’indépendance, la tragédie algérienne est une page de ce passé qui ne passe pas.
S’il était difficile, voire impossible, de résister au vaste mouvement de décolonisation, si le terrorisme à outrance du Front de libération nationale (FLN) et de l’Organisation armée secrète (OAS) ne cessait de fortifier ce nid de scorpions, le sort réservé aux harkis à la fin du conflit n’est à l’honneur ni de la France ni de l’Algérie.
Ces citoyens français fidèles à la France furent, après les accords d’Évian, doublement persécutés. Abandonnés d’un côté, pourchassés de l’autre, ils périrent par milliers. Pour ceux qui eurent la chance de traverser la Méditerranée et de rallier la France, l’accueil, souvent dans des camps ou des structures de fortune, ne fut pas toujours chaleureux.
Injustement oubliés et négligés, nos amis harkis méritent l’hommage de la nation française tout entière, car c’est leur nation. Leur sacrifice et leur amour de la France ont longtemps été ignorés. Il est temps de le reconnaître. Il est temps de rendre aux harkis, à ces braves et à leurs descendants, ce que la France leur doit.
Ce texte constitue une avancée réelle, mais perfectible. À nous de l’améliorer pour que la France puisse enfin regarder ses fils harkis droit dans les yeux. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, sur l’article.
Mme Valérie Boyer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous accordons tous ce point : nous parlons aujourd’hui d’un drame français.
Pour ma part, je n’aborderai qu’un seul sujet. Depuis des années, nous demandons la reconnaissance de la République pour tous les anciens combattants d’Afrique du Nord et bien évidemment les harkis, forts de leur sens du devoir, de leur courage et de leur fraternité d’armes. Ils ont appris combien être français exigeait de sacrifices. Ils ont vu leurs camarades tomber. Ils ont droit au respect de la Nation.
Il faut le dire aux harkis : notre pays sait ce que nous leur devons. Ils ont tout donné et ils ont tout quitté, parce qu’ils avaient fait le choix de leur pays, la France. Pour savoir ce qu’est l’identité nationale, il suffit de les écouter. Leur histoire nous dit qu’être français c’est choisir la France et l’aimer par-dessus tout.
N’oublions pas ce que fut la guerre d’Algérie, non pas pour raviver les plaies d’un passé douloureux, mais, comme je l’espère, pour construire une mémoire réconciliée, sereine et apaisée. Toutefois, il faudra une volonté mutuelle, ce qui pose quand même problème de l’autre côté de la Méditerranée. En France, tout au moins, il nous faut assurer la justice et la vérité.
Madame la ministre, le discours du Président de la République aux harkis a été bien accueilli, mais le texte que nous examinons aujourd’hui a déçu. Le discours comportait des avancées sans être dénué d’angles morts. Ce moment de l’histoire de France n’est pas celui des fidélités déçues, mais celui des fidélités trahies. La réparation ne pourra pas tout effacer, surtout soixante ans après les faits.
À mon sens, la France ne pourra pas exprimer sa reconnaissance envers les harkis tant qu’elle continuera de célébrer les tragiques accords d’Évian qui marquent le début du drame pour les harkis, comme pour les Français d’Algérie, les Européens et les autres – je pense notamment à la fusillade de la rue d’Isly et au massacre d’Oran. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Nous présenterons des amendements, non pas pour satisfaire les associations, même si celles-ci accomplissent un travail remarquable – je les salue, d’autant que j’ai toujours beaucoup de plaisir et d’émotion à les accompagner –, mais pour donner à ce texte un supplément d’âme grâce auquel la République, dont nous sommes les représentants, retrouvera ses valeurs, son histoire et sa mémoire.
Au moment même où, en Algérie, les harkis devaient se cacher, où ils ne pouvaient sortir que la nuit, d’autres Français traversaient la Méditerranée. Or le ministre de l’intérieur de l’époque, également maire de Marseille, déclarait à leur intention : « Qu’ils aillent se réadapter ailleurs ! Qu’ils repartent d’où ils viennent ! » (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Telle est l’histoire que nous avons en partage. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires saluent l’inscription dans ce texte de la reconnaissance de la Nation envers l’ensemble des supplétifs qui ont servi la France en Algérie et que notre pays a abandonnés, ainsi que de la responsabilité de l’État dans les conditions d’accueil et de vie indignes sur notre territoire faites aux anciens supplétifs, qui avaient choisi la France, et à leurs familles.
Ces personnes ont subi des conditions de vie particulièrement précaires, au sein de structures fermées.
Le champ de la reconnaissance n’inclut pas les 40 000 rapatriés d’origine algérienne qui n’ont pas séjourné dans les camps de transit. Toutefois, certains d’entre eux qui sont passés par ces camps avant d’aller vivre en ville pourront obtenir des indemnités.
Selon nous, tous les rapatriés devraient être indemnisés : dans les structures urbaines, la vie n’avait rien non plus de confortable, quand bien même on gardait la liberté de circuler.
La distinction opérée dans le texte entre les harkis qui pourront toucher réparation pour avoir vécu en structures fermées et ceux qui ne le pourront pas, car ils étaient en ville, n’est pas entièrement satisfaisante.
Toutefois, cette mesure reste une avancée. Elle marque une étape dans le processus de reconnaissance totale des harkis, lequel devra être poursuivi. Nous sommes donc favorables à cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, comme beaucoup de mes collègues, je demande à mon tour que la réparation soit générale, qu’il n’y ait pas de séparation incompréhensible.
J’attire votre attention sur un exemple précis. Dans mon département, le Loiret, plus précisément dans la commune de Semoy, se trouve la cité dite « de l’Herveline ». Depuis des décennies, j’en entends parler par les harkis, par leurs familles et par leurs descendants, qui me disent : « On ne nous reconnaît pas, on ne nous prend pas en considération, nous ne sommes sur aucune liste. »
Conjointement avec le maire de la commune, M. Laurent Baude, avec les harkis du Loiret et leurs représentants, je vous le demande avec force : la future commission doit avoir toute latitude pour examiner l’ensemble des situations ; tous les dossiers doivent pouvoir être examinés ou réexaminés.
Ainsi, des personnes qui se sont trouvées dans une situation d’isolement, venant de cités, de camps de transit , que l’on appelait presque ironiquement des camps d’accueil, ou de hameaux de forestage, et qui ont échoué là ou ailleurs, seront pleinement prises en considération. L’examen de leur dossier leur permettra de bénéficier des réparations.
Dès lors que l’on reconnaît un devoir de réparation, il ne faut pas que les critères mis en œuvre puissent être jugés arbitraires par qui que ce soit. Or le seul moyen d’éviter l’arbitraire, c’est de prendre en compte toutes les situations.
Mme la présidente. Je suis saisie de dix-neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 39, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
assimilés
insérer les mots :
citoyens français anciennement
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Madame la ministre, l’adoption de cet amendement ne coûtera rien, hormis un peu d’honneur.
L’idée est simple : il s’agit de reconnaître dans la loi que les harkis sont des citoyens français. C’est la moindre des choses quand on a servi dans l’armée. En outre, ce statut leur était accordé en vertu du bloc constitutionnel de 1946. Enfin, l’ordonnance du 21 juillet 1962 le précisait de nouveau. Cette demande est donc légitime et naturelle.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse, Longuet et Babary, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
Algérie
insérer les mots :
en tant que citoyens français
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement, comme d’autres déposés par mes collègues, a pour seul objet de rétablir la dignité, la vérité et la justice.
Les associations relaient une forte demande de la part des harkis : inscrire dans le marbre de la loi qu’avant d’être harkis ou membres de telle ou telle formation supplétive ils étaient des citoyens français.
Dans leur immense majorité, ces anciens supplétifs réfugiés en France métropolitaine sont juridiquement redevenus français par la procédure de déclaration recognitive qui leur a été ouverte jusqu’en 1967 par l’ordonnance du 21 juillet 1962.
L’ambition de ce projet de loi étant de « reconnaître la responsabilité de la France du fait des conditions indignes de l’accueil des personnes anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles, rapatriées d’Algérie, sur son territoire après les accords d’Évian et de réparer les préjudices subis par ces personnes résultant de leurs conditions de vie, particulièrement précaires, dans les structures de transit et d’hébergement où ils ont été cantonnés », il convient de nommer justement les événements et les personnes impliquées.
Je rappelle que les harkis étaient des militaires français et qu’ils ont versé leur sang lors de plusieurs conflits, en France métropolitaine ou ailleurs. On refusant de leur reconnaître la nationalité française, on contreviendrait à l’objectif de réparation que fixe le texte.
Tous les 25 septembre et tous les 5 décembre, je me rends aux commémorations en l’honneur des harkis et des soldats morts pendant la guerre d’Algérie. Mais, aujourd’hui, il faut retenir une date unique pour rendre un même hommage à tous les combattants d’alors qui ont choisi la France et qui étaient français. Ce choix est celui de la justice et de la dignité, tant pour notre histoire que pour ces personnes et pour leurs descendants, pour ceux qui sont encore là et qui souffrent toujours de discriminations.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par M. Bourgi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France reconnaît que les harkis étaient des citoyens français à part entière lorsqu’ils servaient et défendaient ses intérêts.
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, lorsque les harkis se sont engagés au service de la France, pendant la guerre d’Algérie, ils étaient considérés comme des citoyens français à part entière. Ils ont perdu la nationalité française lors de la conclusion des accords d’Évian, mais l’ont recouvrée progressivement grâce à l’ordonnance du 21 juillet 1962.
Cet épisode fâcheux a été vécu par les intéressés comme une marque d’indignité infligée par la mère patrie. Plus récemment, certains d’entre eux me disaient qu’ils l’avaient ressenti comme une déchéance de nationalité, comme une infamie de plus.
Il convient de proclamer dans la loi, une bonne fois pour toutes, que les harkis ont été et sont restés des citoyens français à part entière. Au-delà de la réparation symbolique, il s’agit d’une réalité que nul ne peut nier ou contester.
Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Tabarot, Mme V. Boyer, MM. Mandelli, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie et Hingray, Mme Ventalon, MM. Longuet, Belin, Détraigne, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Rietmann, Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol, Mmes Demas et Devésa et M. Saury, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France reconnaît que les harkis ont servi en Algérie en tant que citoyens français.
La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Cet amendement vise à entériner la qualité de Français des harkis qui ont combattu en Algérie.
Comme l’ont dit les orateurs précédents, les harkis se sont battus pour la France et ils étaient bel et bien français avant de perdre cette nationalité lors des accords d’Évian, puis de la recouvrer.
Cet amendement vise à poursuivre le processus de reconnaissance engagé par ce projet de loi. Les harkis étaient français non seulement parce qu’ils avaient fait le choix de la France, mais aussi parce que l’Algérie était française, n’en déplaise à certains.
Madame la ministre, madame la rapporteure, ce point ne souffre aucune contestation historique, si bien que de telles dispositions peuvent être acceptées par tous. Les harkis ont besoin de recevoir une réparation – nous y reviendrons dans quelques instants –, mais ils méritent surtout notre reconnaissance. Nous devons rappeler qu’ils étaient français.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse, Longuet et Babary, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France reconnaît sa responsabilité pleine et entière du fait de l’ordre donné par le Gouvernement français de ne pas rapatrier les harkis et leurs familles, conduisant de fait à leur abandon sur le territoire algérien, postérieurement aux déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie. Elle reconnaît que cet abandon a conduit les populations de harkis et personnes anciennement de statut civil de droit local, exposées aux représailles de membres du Front de libération nationale, à un sort tragique et souvent fatal.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à reconnaître que l’abandon par la France des forces supplétives sur le sol algérien a conduit à de nombreuses représailles contre les harkis et leurs familles. Plusieurs milliers de harkis ont en effet été massacrés sur le sol algérien, dans des conditions particulièrement cruelles.
Dans son discours du 20 septembre dernier, le Président de la République a évoqué la date du 19 mars 1962 comme « la fin des combats, le soulagement pour beaucoup, l’angoisse pour tant d’autres, le début du calvaire pour les harkis, la cruauté des représailles, l’exil ou la mort ». En somme, les harkis ont eu le choix entre la valise et le cercueil.
Si la France ne saurait reconnaître la responsabilité de massacres qu’elle n’a pas commis, elle doit reconnaître sa responsabilité dans l’abandon délibéré des harkis et des personnes anciennement de statut civil de droit local, restés en Algérie, et de leurs familles. C’est cet abandon qui a conduit aux massacres.
Dans un esprit de reconnaissance, il est important que nous votions ces amendements. Je le répète, si la France n’a pas commis ces exactions, elle doit réparation aux Français qu’elle a abandonnés et trahis en Algérie.
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Elle reconnaît que les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie ont amené à l’abandon des harkis, pourtant citoyens français, entraînant des massacres sur le territoire algérien, des représailles ainsi que l’exil forcé de harkis.
La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Bon nombre d’amendements auront la même teneur que celui que je présente, mais il est important de persister pour graver dans le marbre la responsabilité de l’État français dans l’abandon et les massacres des harkis et de leurs familles, après les accords d’Évian du 19 mars 1962.
Cet amendement vise également à inscrire noir sur blanc dans ce texte les mots « citoyens français » pour qualifier les harkis.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l’accueil attentatoire à la dignité humaine de ceux qui ont été relégués dans des structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des spoliations, à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles et aux libertés publiques qui ont été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables induisant une perte de chance pour les harkis et les enfants nés dans ces familles.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement tend à inclure dans le champ de la reconnaissance prévue par cette loi les ayants droit des harkis qui ont subi une perte de chance due à leurs conditions de vie difficiles et à l’absence de scolarisation. On leur a ainsi infligé une rupture d’égalité par rapport aux autres citoyens et enfants de la République.
Élargir la reconnaissance de la faute de la France à l’endroit de la deuxième génération, passée par les camps, hameaux de forestage et foyers, particulièrement quand l’État a failli à son devoir de scolarisation des enfants, constituerait une avancée sans précédent, que le Président de la République a d’ailleurs appelée de ses vœux dans son discours du 20 septembre 2021.
De plus, il s’agit de recueillir les témoignages de la deuxième génération qui a eu à vivre dans les camps, les hameaux de forestage ou les foyers, afin qu’elle obtienne réparation pour ces conditions de vie indignes et l’absence de scolarisation des enfants.
Cet amendement vise donc à mettre en cohérence les paroles prononcées par le Président de la République et ce texte de loi.
Il s’agit également de reconnaître que ceux qui ont été relégués dans les structures d’hébergement ou de transit ont subi divers préjudices, allant de la privation de liberté à la spoliation.
Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par M. Bourgi, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Temal, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
responsabilité
insérer les mots :
dans l’abandon des harkis sur le sol algérien, la gestion aléatoire du rapatriement de certains d’entre eux et les conditions particulièrement inhumaines des harkis qui furent accueillis dans les structures dédiées sur le territoire français
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, ce projet de loi reconnaît la responsabilité de la France à l’égard des harkis vivant dans notre pays. Mais la France porte aussi une responsabilité à l’égard de ceux qui sont restés sur le sol algérien et qui y sont morts. Il convient de le reconnaître, par devoir moral et politique.
Ce faisant, on honorerait la mémoire de ces martyrs. Bon nombre d’entre eux ont été égorgés. Pendant plusieurs jours, leur sang a rougi le sol algérien et le port d’Alger, où ils ont attendu désespérément que l’armée française et la France viennent à leur secours.
Mme Valérie Boyer. C’est vrai !
M. Hussein Bourgi. Bien sûr, il est impossible de leur accorder la moindre réparation ; mais, à tout le moins, il symboliquement leur faire une petite place dans la mémoire collective.
Les dispositions proposées par des collègues siégeant sur toutes les travées témoignent du consensus que suscite cette demande au Sénat. Je vous prie de l’entendre et d’y faire droit.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Tabarot et Mandelli, Mme V. Boyer, MM. Longuet, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie et Hingray, Mme Ventalon, MM. Belin, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol et Mmes Demas et Devésa, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
responsabilité
insérer les mots :
dans l’abandon et
La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Le premier alinéa de l’article 1er reconnaît l’abandon des harkis. Pour notre part, nous souhaitons aller plus loin en précisant la responsabilité de la Nation dans cet abandon. Si la Nation reconnaît avoir abandonné les harkis après le 19 mars 1962, elle doit aussi admettre sa responsabilité dans la défaillance de leur rapatriement.
Cet article est purement déclaratif et nous nous devons d’être fidèles à l’histoire des harkis. Ces derniers ont été abandonnés, désarmés par la France, laissés à leur triste sort face aux actes barbares du FLN.
Tel est donc l’objet de cet amendement : reconnaître la responsabilité de la France, non seulement dans les conditions d’accueil des harkis, mais également dans leur abandon.
Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
personnes rapatriées
par les mots :
citoyens français rapatriés
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par M. Stanzione, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Temal, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
rapatriées
insérer les mots :
ou rentrées en France par leurs propres moyens
La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Ce projet de loi reconnaît les préjudices subis par les harkis et les personnes de statut civil de droit local lors dans leur retour en France.
Circonscrire cette reconnaissance aux seules personnes rapatriées et hébergées dans les structures d’accueil particulières reviendrait, une fois encore, à manquer à notre devoir.
En effet, lors des opérations de rapatriement, certains harkis sont venus en métropole par leurs propres moyens. Or leurs conditions de vie étaient aussi difficiles et indignes que celles des harkis rapatriés.
Toutes ces raisons militent pour une reconnaissance et une réparation identiques : il serait totalement illogique de ne pas inclure dans ce dispositif les personnes rentrées par leurs propres moyens.
Cet amendement vise donc à prendre en considération l’ensemble des personnes rentrées en France : les harkis et les autres personnes anciennement de statut civil de droit local, quel que soit leur mode de retour et d’hébergement en métropole.
M. Rachid Temal. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Tabarot, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
des personnes rapatriées d’Algérie
insérer les mots :
ou arrivées par leurs propres moyens
La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Cet amendement vise à compléter l’article 1er, qui évoque les harkis rapatriés et oublie que certains sont arrivés par leurs propres moyens.
Mme Valérie Boyer. Exactement !
M. Philippe Tabarot. Ainsi, on éviterait d’exclure certaines personnes du champ de la loi.
Certains harkis ont été emprisonnés et torturés en Algérie en violation des fameux accords d’Évian du 19 mars 1962, pourtant censés garantir la sécurité des biens et des personnes. Certains harkis ont ainsi été contraints, du fait de leur emprisonnement en Algérie, de ne rejoindre la France que bien des années plus tard, après le rapatriement initial et par leurs propres moyens.
En évoquant le seul rapatriement, ce projet de loi ne prend pas en compte la réalité vécue par les harkis. Mon amendement vise simplement à corriger cette erreur.
Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, hébergés dans de structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles qui ont été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Les dispositions de cet amendement sont relativement simples et correspondent aux positions défendues, me semble-t-il, sur toutes les travées de cet hémicycle.
Il faut éviter toute distinction entre les harkis ayant transité par des camps et les autres. Ainsi, notre amendement tend à retirer le périmètre limitatif de la disposition, à savoir le passage par les camps.
Mme la présidente. L’amendement n° 42, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
familles,
insérer le mot :
notamment
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Avec cet amendement de repli, nous proposons de ne pas limiter la réparation aux seules personnes ayant transité par les camps.
Il me semble que nous visons tous le même but : réparer l’ensemble du drame vécu par les harkis et reconnaître leurs années de combat pour la France, puis leur abandon par la France. C’est aussi simple que cela.
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Guiol, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
dans des structures de toute nature
par les mots :
pour leur transit puis leur cantonnement dans des structures de toute nature fermées ou ouvertes
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Cet amendement vise à éviter toute discrimination envers la communauté harkie, induite par une distinction fondée, dans la rédaction actuelle de l’article 1er, sur les conditions d’accueil et d’hébergement sur le territoire français.
Si ce projet de loi cible assez bien la reconnaissance des préjudices subis lors de l’accueil des harkis en métropole, il est dommageable de distinguer les structures ouvertes et fermées. Toutes ont, malheureusement, provoqué des frustrations et des situations d’isolement, de gravité et d’intensité variables. Il appartiendra à la commission ad hoc de quantifier le montant du préjudice.
Cette commission nationale indépendante, créée pour la circonstance à l’article 3, pourra instruire les demandes de reconnaissance et de réparation grâce à une enveloppe financière dédiée, annuelle et normée. Elle devra examiner toutes les formes de logement ayant abouti à une relégation.
Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par M. Bourgi, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Temal, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
précaires
par le mot :
inhumaines
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Cet amendement vise à remplacer l’adjectif « précaire » par l’adjectif « inhumaine ». Ce n’est pas simple question sémantique, car derrière les mots se cachent des réalités.
Parler de précarité pour évoquer les conditions d’accueil et de vie des harkis revient, en somme, à atténuer les faits. Les harkis ont été relégués, privés de transports en commun et d’accès à l’eau potable. Leurs enfants ont été déscolarisés. Ils ont subi la promiscuité et l’absence de soins.
Tous ces faits, attestés et prouvés, étaient malheureusement la règle dans beaucoup de hameaux de forestage. Ces derniers étaient très éloignés des villes, des bourgs et des villages. Le but était clair : empêcher les harkis de se mêler à la population.
Voilà ce que j’appelle des conditions inhumaines. Si elles n’avaient été que précaires, les harkis auraient été hébergés à l’hôtel ou dans des lieux plus conformes à la notion de confort.
Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’État français reconnaît avoir refusé de rapatrier tous les harkis en les abandonnant à leur sort sur le territoire algérien.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Comme mes collègues l’ont rappelé, l’article 1er ne concerne que les harkis ayant vécu dans les camps, pas ceux venus d’Algérie par leurs propres moyens.
En Algérie, des centaines de harkis ont été enfermés, maltraités, molestés et torturés pour avoir combattu auprès de la France. Après la guerre, ils ont été livrés à eux-mêmes.
Tous les supplétifs de l’armée française n’ont pas eu le choix entre partir en France ou rester en Algérie. Certains d’entre eux ont réussi à gagner l’Hexagone plusieurs années après le cessez-le-feu ; mais, à leur arrivée, qu’ont-ils trouvé ? Rejet, misère et humiliation ! Il ne faut en aucun cas les exclure du texte et les priver de leur droit à la réparation.
Cet amendement vise à réécrire le deuxième alinéa l’article 1er afin de reconnaître cette double responsabilité de la France : d’une part, l’abandon des harkis sur le territoire français dans les camps d’accueil et les hameaux de forestage ; de l’autre, l’abandon des harkis sur le sol algérien.
N’oublions aucun d’entre eux : ce serait faire injure à leur engagement pour la France. Nous le devons à leurs descendants – je salue d’ailleurs la présence de certains d’entre eux dans les tribunes.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
S’agissant des harkis et des personnes anciennement de statut civil de droit local et leurs familles rapatriées sur son territoire, la France reconnaît sa responsabilité pleine et entière du fait de l’abandon de certains d’entre eux arrivés par leurs propres moyens dans le plus grand dénuement.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à ajouter un alinéa 4 afin d’inclure l’ensemble des harkis et autres personnes anciennement de statut civil de droit local dans le champ de la reconnaissance prévue par ce texte.
Il est bon de le rappeler une fois de plus : certains d’entre eux sont arrivés en France par leurs propres moyens et, sans séjourner dans des structures d’accueil, ont été livrés à la plus grande précarité dans l’indifférence générale, voire parfois dans l’hostilité.
Ils ont de fait subi un préjudice. Circonscrire ce projet de loi à l’espace déterminé des structures de toute nature exclura, en violation du principe constitutionnel d’égalité des citoyens, des harkis qui ne sont pas passés par ces structures, mais qui seraient pourtant éligibles à une reconnaissance du préjudice subi du fait de leur statut.
Cette reconnaissance est une sépulture de dignité pour ceux qui sont morts dans des conditions atroces, victimes d’actes barbares, torturés par le FLN et abandonnés par la France.
Il s’agit également d’une réparation morale : elle doit s’appliquer à toutes les situations si douloureuses vécues par ces Français qui venaient de l’autre côté de la Méditerranée.
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par M. Stanzione, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Temal, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l’accueil attentatoire à la dignité humaine des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles, ainsi que les souffrances et les traumatismes durables occasionnés par ces conditions de rapatriement, induisant une perte de chance pour les harkis et les enfants nés dans ces familles.
La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Dans son discours du 20 septembre 2021, le Président de la République déclarait : « Sur ce sujet, je serai clair : il s’agit de réparer d’abord pour la première génération et de pouvoir revaloriser les allocations pour les anciens combattants et leurs veuves, c’est un devoir. »
Il poursuivait : « Ensuite, il s’agit de recueillir les témoignages et de réparer [les préjudices] pour la deuxième génération qui a eu à vivre les camps, qui a eu à vivre les hameaux de forestage ou les foyers dans des conditions de vie indignes et l’absence d’accès à l’école pour les enfants. »
J’ajoute que ceux qui se sont trouvés isolés en dehors de ces structures de cantonnement forcé ont, eux aussi, été touchés.
Cet amendement vise donc à ce que les traumatismes et les préjudices subis par les enfants accueillis dans ces conditions indignes soient reconnus et inscrits dans la loi.
En résumé, les discours, c’est bien ; mais une réparation effective et sans délai, c’est beaucoup mieux ! (M. Rachid Temal approuve.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. L’article 1er exprime la reconnaissance de la Nation envers les harkis qui ont servi la France et qu’elle a abandonnés.
Il prévoit ensuite de reconnaître la responsabilité de la Nation du fait de l’indignité des conditions d’accueil subies par certains harkis et leurs familles hébergés dans des structures telles que des camps et des hameaux de forestage – nous l’avons tous évoqué lors de la discussion générale.
Rappelons que la reconnaissance de la Nation envers les harkis est déjà exprimée dans deux lois toujours en vigueur : celle du 11 juin 1994 et celle du 23 février 2005.
Je regrouperai les amendements par thème, plusieurs d’entre eux ayant des objets analogues.
Sous des rédactions différentes, les amendements nos 39, 2 rectifié, 14, 31 rectifié et 40 tendent à préciser que les harkis étaient des citoyens français. Or tous les supplétifs n’étaient pas français : certains Marocains et Tunisiens résidant en Algérie ont servi dans les harkas.
Concernant les autres supplétifs, je tiens à être parfaitement claire : nul ne remet en cause leur qualité de citoyen français, qui a motivé leur engagement au service de la France. Je précise qu’aux termes de l’ordonnance du 21 juillet 1962, les supplétifs de statut civil de droit local ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf si, établis en France, ils ont souscrit avant le 22 mars 1967 une déclaration de reconnaissance de la nationalité française. Il ne me semble pas nécessaire d’inscrire cette précision dans la loi.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements ; mais en aucun cas je ne remets en cause le fait que ce sont des citoyens français.
Sous différentes rédactions, les amendements nos 3 rectifié, 18, 53, 32 rectifié, 59 et 5 rectifié visent à reconnaître la responsabilité de l’État du fait de l’abandon des supplétifs en Algérie. Certains tendent à évoquer la mauvaise gestion du rapatriement et le fait que certains harkis sont arrivés en France par leurs propres moyens.
Si je souscris pleinement à l’intention des auteurs, je souligne que le gouvernement de l’époque n’a pas donné l’ordre de ne pas rapatrier les supplétifs, mais de limiter les arrivées au strict cadre du plan général de rapatriement. Rappelons également que le FLN s’était engagé à assurer leur sécurité après les accords d’Évian. (M. Philippe Tabarot s’exclame.) Cela étant, j’y insiste : la France ne saurait se soustraire à sa responsabilité envers les harkis.
Ces amendements me paraissent satisfaits dans la mesure où le premier alinéa de l’article 1er reconnaît déjà explicitement l’abandon des harkis par la France.
J’ajoute qu’une telle précision du champ de la responsabilité de l’État à l’article 1er serait sans effet, puisqu’elle n’entraînerait aucune conséquence en matière de réparation à l’article 2. En conséquence, elle susciterait un espoir qui ne pourrait qu’être déçu.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Les amendements nos 4 rectifié et 44 tendent à mentionner la perte de chance subie par les harkis et leurs enfants.
Ces amendements sont satisfaits, car le présent texte reconnaît déjà l’indignité des conditions d’accueil et de vie de ces personnes dans les structures destinées à les recevoir. Cette indignité tient à leur précarité, aux privations et aux atteintes aux libertés individuelles qui leur ont été infligées ; sont concernés l’ensemble des membres de ces familles, dont les enfants.
La perte de chance subie par les enfants de harkis est prise en compte à la fois par ce texte et par les dispositifs d’aide existants, qui, je le rappelle, s’ajoutent à l’aide sociale de droit commun. Lors de nos auditions, certains ont estimé qu’ils ne pouvaient pas cumuler ces deux types d’aide.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Les amendements nos 43 et 33 rectifié tendent à adjoindre aux anciens supplétifs rapatriés d’Algérie ceux qui sont arrivés en France par leurs propres moyens.
Or le terme « rapatriés » inclut tous les anciens supplétifs ayant servi en Algérie et s’étant installés en France, quel qu’ait été leur moyen de gagner le territoire national. Ainsi, toutes ces personnes et les membres de leur famille seront éligibles au droit à réparation, à la seule condition d’avoir séjourné dans un camp ou dans un hameau de forestage – c’est là le cœur du texte. Ces amendements étant satisfaits, il n’est pas nécessaire d’apporter une telle précision.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Les amendements nos 41, 42 et 15 rectifié visent, sous des rédactions différentes, à étendre le champ de la responsabilité de l’État à l’ensemble des harkis et de leurs familles en supprimant le critère de séjour dans des camps ou hameaux ou en élargissant ce critère à des structures « fermées ou ouvertes ».
Je comprends parfaitement l’intention de leurs auteurs : il est certain que les harkis et leurs familles ont connu des conditions de vie précaires, qu’ils aient été ou non hébergés dans des camps. C’est précisément pourquoi l’alinéa 1er reconnaît leur engagement et leur abandon. En revanche, l’alinéa 2 cible une responsabilité de l’État pour un préjudice particulier, né des conditions d’accueil indignes et privatives de liberté subies dans les camps et hameaux, alors que ces structures étaient sous la responsabilité de l’État. Il y a là une faute imputable à l’État, que l’on ne peut pas étendre aux conditions de vie hors de ces camps.
Voilà pourquoi le droit à réparation, prévu à l’article 2, ne pourrait par exemple pas être étendu à l’accueil dans des cités urbaines, lesquelles n’étaient pas soumises à un régime administratif dérogatoire du droit commun, contrairement aux structures fermées. Une telle mesure créerait par ailleurs une rupture d’égalité envers toutes les autres personnes qui ont séjourné dans ces cités.
Dès lors, l’adoption de cet amendement reviendrait in fine à donner un vain espoir à la communauté harkie et à susciter de la déception. (Mme Valérie Boyer proteste.)
M. Rachid Temal. Mais non !
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Enfin, l’amendement n° 51 vise à mentionner le caractère inhumain des conditions de vie dans les camps et hameaux. Une nouvelle fois, je comprends bien l’intention de nos collègues, qui souhaitent qualifier plus précisément les graves atteintes aux droits et libertés subies par les harkis dans ces structures ainsi que la précarité de leurs conditions de vie. Nul ne peut en douter.
Toutefois, le présent texte indique déjà que les conditions d’accueil étaient indignes, qu’elles ont été marquées par une précarité significative et par des privations et atteintes aux libertés individuelles et aux droits fondamentaux. Ces termes me semblent suffisamment précis pour englober la diversité des conditions de vie subies dans ces structures – les camps, les hameaux ou les prisons reconverties. Il ne me semble pas nécessaire d’apporter la précision proposée.
J’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je reprendrai quelques éléments fournis par Mme la rapporteure et je vous indique d’ores et déjà que je souscris à ses conclusions.
En toute humilité et en toute franchise, je ne pense pas que les dispositions de ces amendements apportent quelque chose à ce texte simple. Ainsi, le terme « abandon », qui y figure noir sur blanc, se suffit à lui-même.
Comme l’a fait valoir Mme la rapporteure, la citoyenneté est un véritable sujet.
Bien sûr que les harkis sont français.
Mme Else Joseph. Eh oui !
M. Olivier Paccaud. Alors, il faut le dire !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. J’ai toujours insisté sur l’appartenance indéfectible des harkis et de leurs familles à la communauté nationale. Dans les communications qui leur sont dédiées, notre ministère le rappelle de manière systématique : au-delà des questions de justice, c’est un simple état de fait.
Néanmoins – Mme la rapporteure l’a souligné –, tous n’étaient pas français : c’est une question de rigueur historique. Certains d’entre eux étaient tunisiens ou marocains.
M. Rachid Temal. Certains !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Ces derniers, comme tous les harkis, peuvent prétendre à réparation s’ils ont vécu dans des camps et des hameaux de forestage.
Si le terme « abandon » se suffit à lui-même, il est vrai que le 19 mars 1962 et le cessez-le-feu ne sont pas synonymes de soulagement. Les appelés, partis faire la guerre, ont pu éprouver ce sentiment, tant ils avaient hâte de rentrer chez eux ; mais nous savons tous que cette date marque aussi de nouvelles flambées de violence. C’est un fait historique.
Il apparaît clairement qu’à la fin de la guerre d’Algérie les autorités en place ont très nettement sous-dimensionné les plans de rapatriement.
M. Rachid Temal. Qui ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Bien sûr, nous pouvons le reconnaître : c’est précisément ce que nous faisons avec la rédaction actuelle de ce projet de loi.
La France avait fait figurer dans les accords, âprement négociés, la protection des harkis par les nouvelles autorités algériennes. La responsabilité des massacres ne lui incombe donc pas – je pense que nous nous rejoindrons tous sur ce point.
Le rapatriement a eu lieu dans des conditions difficiles, pour une raison simple : il a été largement improvisé et, bien souvent, chaotique. Harkis ou pieds-noirs, tous les rapatriés en ont souffert.
Après le 19 mars 1962, on a orchestré un rapatriement insuffisant, de 5 000, puis 10 000 places. En mai 1962, trois instructions de Pierre Messmer, ministre des armées, Louis Joxe, ministre des affaires algériennes, et Roger Frey, ministre de l’intérieur, ont rappelé l’interdiction des rapatriements hors de ce plan ; et, en septembre 1962, Georges Pompidou a décidé de l’accueil des harkis.
Entre 1963 et 1965, l’ambassade de France a appuyé les efforts du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en faveur de la libération des prisonniers harkis en Algérie. S’en est suivie une arrivée perlée sur le sol français.
Ces harkis entreront dans le périmètre de la réparation s’ils ont vécu dans les camps et les hameaux de forestage – c’est bien le cas de certains d’entre eux.
Ce projet de loi n’oublie personne. Je tiens à rappeler un facteur important de reconnaissance, qui ne figure pas dans le texte : il s’agit du doublement, depuis le 1er janvier dernier, de l’allocation de reconnaissance créée par Jacques Chirac. Cette mesure concerne tous les combattants harkis, qu’ils aient ou non séjourné dans les camps ou les hameaux.
En outre, le présent texte tend à réparer les fautes de l’État, qui a contrevenu aux valeurs de notre République, qu’il s’agisse de l’accueil ou de la scolarisation.
M. Rachid Temal. Il a contrevenu à ses promesses !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : les personnes enfermées dans les camps et les hameaux ont été privées de leurs libertés et ont subi une mise sous tutelle de l’État. Telles sont les fautes que nous voulons réparer avec ce projet de loi, comme s’y est engagé le Président de la République dans son discours du 20 septembre 2021.
Lors de son examen par l’Assemblée nationale, ce texte a été enrichi de façon remarquable,…
M. Rachid Temal. Remarquable…
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. … dans la mesure où, sur la base des travaux des historiens, la commission créée par vos collègues députés pourra compléter la liste des lieux considérés.
Pour arrêter cette liste, on a retenu un certain nombre de critères, que je vous ai déjà indiqués : privation de liberté, tutelle de l’État, déscolarisation, absence de conditions d’hygiène minimale. À l’heure actuelle, plus de quatre-vingts lieux ont été répertoriés, dont soixante-treize hameaux de forestage ; cinq autres lieux ont déjà été ajoutés à la liste, que la commission pourra encore compléter…
M. Rachid Temal. Ce n’est pas le sujet !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Ce travail sera au cœur de ses missions.
Aussi, vous constatez que rien n’est cadenassé. La liste pourra évoluer pour apporter la reconnaissance et les réparations les plus larges possible.
J’ajouterai un dernier élément aux propos de Mme la rapporteure. L’abandon des harkis sur le sol algérien doit faire l’objet d’un traitement mémoriel digne de ce nom. Bien sûr, un partenariat avec l’Algérie nous permettrait d’avancer dans cette direction, mais nous en sommes encore loin. Toutefois, nous devons avoir confiance dans l’avenir. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis acquiesce.) Plus le temps passera, plus nous serons à même d’en parler sereinement.
Vous l’avez compris, je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Madame la rapporteure, madame la ministre, je suis extrêmement choqué par vos propos, notamment au sujet de la citoyenneté et de la nationalité française. C’est une vraie claque !
Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que vous venez de dire dans cet hémicycle. Si l’on mentionne le statut civil de droit local, c’est bien en référence aux Algériens. Il ne me semble pas qu’un tel statut ait existé en Tunisie ou au Maroc : dès lors, l’argument tombe. Vous pouvez aussi sous-amender notre amendement afin d’ajouter les mots « à l’exception des Tunisiens et Marocains ». Ainsi, le problème serait réglé.
Si votre seule réponse consiste à dire que des Tunisiens ou des Marocains – combien, d’ailleurs ? On ne le sait pas – pourraient être concernés, vos arguments ne sont pas à la hauteur.
J’y insiste : ils étaient français. Il suffit de l’indiquer dans le projet de loi. Je ne comprends pas votre opposition,…
Mme Valérie Boyer. Moi non plus !
M. Rachid Temal. … à moins que vous ne vouliez humilier les harkis une fois de plus.
Pour ce qui concerne l’élargissement du périmètre retenu, nous pourrons débattre du travail de la commission. Mais le présent texte porte bien concomitamment sur la reconnaissance et la réparation : il ne s’agit pas d’assurer la reconnaissance pour les uns et la réparation pour les autres. (M. Lucien Stanzione opine.)
De plus, la réparation ne dépend pas des seules conditions d’accès : nous la devons à des hommes qui ont pris tous les risques pour la France et qui sont morts pour elle. Nous devons une réponse à l’ensemble des harkis ainsi qu’à leur famille.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.
M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, madame la rapporteure, notre collègue Rachid Temal vient de le souligner : vous tentez vainement d’opposer la qualité de Marocain et de Tunisien à certains combattants ayant servi dans les harkas.
M. Philippe Tabarot. Vous partez d’une spécificité pour éviter une généralité, pour ne pas reconnaître que les harkis étaient français.
Ainsi, avec ce projet de loi, vous niez l’histoire de ces hommes et de ces femmes qui ont choisi la France parce qu’ils étaient français. Vous évoquez des cas particuliers pour éviter un sujet qui vous déplaît.
Aurez-vous le courage de vous présenter devant les harkis, qui ont combattu au nom de la France et qui attendent une reconnaissance, pour leur nier la qualité de Français ?
Vous vous opposez à l’amendement n° 32 rectifié au motif que les espoirs d’indemnisation créés par ses dispositions seraient nécessairement déçus. Je tiens à vous rappeler que l’article 1er du projet de loi préfigure une logique déclarative : seul l’article 2, que nous examinerons dans quelques instants, porte sur l’indemnisation.
Votre argument n’est donc pas recevable. Il s’agit simplement d’admettre la responsabilité de la France,…
Mme Valérie Boyer. Absolument !
M. Philippe Tabarot. … non de présumer les préjudices qui seraient mentionnés à l’article 2.
L’amendement n° 31 rectifié vise à affirmer que les harkis sont français : vous m’opposez que cette précision n’aura aucune conséquence sur l’indemnisation. Soit dit en passant, c’est normal, puisque cet article est déclaratif. Or, pour l’amendement n° 33 rectifié, vous me dites exactement l’inverse : j’ai du mal à vous suivre.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Mon intervention porte sur les quatre premiers amendements, qui ont tous pour objet la citoyenneté française.
Mme Boyer, MM. Temal, Bourgi et Tabarot proposent tous la même chose. Peut-être les dispositions proposées par M. Temal présentent-elles une petite nuance : son amendement tend à ajouter « anciennement » après « citoyens français ».
M. Rachid Temal. Non ! Le terme « anciennement » s’applique au statut.
M. Olivier Paccaud. Madame le ministre, toujours est-il que notre hémicycle est presque unanime sur ce point : la citoyenneté française des harkis doit être gravée dans le marbre.
On ne ressuscite jamais les martyrs. Toutefois, « oublier les morts serait les tuer une deuxième fois », comme disait Elie Wiesel. Un oubli volontaire, conscient et assumé constituerait une insulte à la mémoire de ceux qui ont donné leur vie à la France.
Les harkis étaient des citoyens français. Leurs fils, leurs petits-fils et leurs arrière-petits-fils souhaitent ardemment que cette vérité soit inscrite dans le marbre de la loi.
C’est ce qui a brisé leur destinée. Ils ont choisi la France, ils ont aimé la France, ils ont été loyaux envers la France : c’est pour cela qu’ils ont été stigmatisés, pourchassés et exterminés par les tueurs du FLN.
Au nom de la vérité, au nom de la fidélité des harkis à la France, exauçons la volonté des descendants de ces braves. Rendons-leur justice en leur reconnaissant pour toujours cette citoyenneté française ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, madame la rapporteure, je dois vous le dire, vos propos me laissent assez circonspect : après nous avoir écoutés, comment pouvez-vous nous expliquer que vous nous comprenez, que vous adhérez à nos propos, puis balayer d’un revers de main les dix-neuf amendements qui viennent d’être défendus ?
Il faut que vous en ayez conscience : nos débats sont regardés, non seulement par les hommes et les femmes présents en tribune, mais aussi par les harkis qui, devant leur écran, m’envoient des messages pour me dire combien ils sont choqués et blessés par les propos qui viennent d’être tenus dans cette assemblée.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas, dans le même temps, vous réjouir des avancées accomplies à l’Assemblée nationale et balayer d’un revers de main les amendements déposés par les sénateurs. Le Sénat, lui aussi, a vocation à améliorer le texte ! Le Sénat, lui aussi, a vocation à l’enrichir ! (M. Olivier Paccaud acquiesce.)
Mes chers collègues, quelle que soit votre sensibilité ou votre groupe politique, je vous invite à voter en conscience et en responsabilité !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je voterai ces amendements, car je souhaite que l’on fasse le maximum pour les harkis. Mais, sur ces travées, certains devraient faire preuve d’un peu plus de pudeur.
À droite comme un gauche, on s’insurge, on regrette que l’on n’aille pas plus loin. Mais combien de gouvernements, de droite comme de gauche, se sont succédé cinquante ans ? Personne n’a rien fait : il y a tout de même des responsabilités à chercher !
Mon intention n’est en aucun cas de blanchir le gouvernement actuel – je ne suis pas là pour cela –, mais il ne faut pas exagérer : pendant cinquante ans, on n’a rien fait, on n’a pris aucune mesure… (Protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Jean Louis Masson. J’ai entendu l’un de nos collègues parler du FLN. Mais si les harkis ont été massacrés, ce n’est pas la seule faute du FLN. C’est aussi la faute de ceux qui les ont délibérément abandonnés en Algérie !
Je le répète, je voterai ces amendements. Mais les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, n’ont pas fait ce qu’il fallait faire. Aujourd’hui, on vient nous donner des leçons : c’est un peu fort.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Mon intervention concerne les quatre premiers amendements.
Les harkis étaient aux côtés de la France : ils étaient donc foncièrement des Français. Beaucoup ont versé leur sang pour notre pays et leurs familles ont souvent été persécutées parce qu’ils étaient français.
Madame la rapporteure, madame la ministre, vous avez affirmé que les harkis étaient d’ores et déjà français. Ce projet de loi répare la faute de l’État français : c’est une bonne chose, car l’effort restait insuffisant. Mais, sauf erreur de ma part, l’immense majorité des harkis étaient des citoyens français d’Algérie ; dès lors, il ne me paraît pas illogique de le préciser ici.
M. Philippe Tabarot. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, ce projet de loi mémoriel, soumis au Parlement français, a vocation à réparer les préjudices subis par des Français. Sinon, nous ne serions pas là : peut-être serions-nous en train de débattre une nouvelle fois des accords d’Évian dans une enceinte internationale.
Nous sommes là pour donner une sépulture morale à des Français qui ont choisi le drapeau français ; pour parler de ces Français qui ont choisi la France et l’ont fidèlement servie. Ce texte porte reconnaissance de la Nation.
En effet, nos débats sont très regardés. Ils le sont dans certaines de nos familles, pour ceux d’entre nous qui ont encore des parents ou des grands-parents nés de l’autre côté de la Méditerranée. Ils sont aussi le reflet de notre conscience. En 1962, je suis arrivée en France dans les valises de mes parents. J’ai déjà cité les mots par lesquels Gaston Defferre les a accueillis : « Allez vous réadapter ailleurs ! »
Depuis toutes ces années, certains d’entre nous portent, avec les harkis, le poids de cette mémoire. Comme nos parents nés de l’autre côté de la Méditerranée, les harkis étaient français. Si nous leur dénions cette nationalité, ce texte de réparation devient une offense à notre mémoire !
Aujourd’hui, quelle que soit notre couleur politique, seules trois couleurs nous intéressent, sur l’ensemble de ces travées, celles du drapeau pour lequel les harkis sont partis et sont tombés : le bleu, le blanc et le rouge. En refusant de leur reconnaître la nationalité française, on risque de raviver des plaies qu’il faudrait, au contraire, refermer.
Nous ne demandons pas grand-chose ; nous voulons simplement que ce texte dise la vérité et fasse justice à leur mémoire, à notre mémoire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je souhaite réagir aux propos de M. Masson, que j’invite à faire preuve d’un peu plus de discernement.
Notre collègue nous qualifie de donneurs de leçons : parole d’expert !
M. Rachid Temal. Tout à fait !
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, je m’adresse à vous en tant que représentante du « en même temps ». Vous devriez tenir compte du fait que, contre votre position, des voix concordantes viennent de s’exprimer de part et d’autre de l’hémicycle.
Un certain nombre d’éléments de ces amendements nous conduisent à cette conclusion évidente : ce texte n’est pas encore à la hauteur des attentes, mais il suffirait de peu pour qu’il le soit. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, ces débats sont riches à plus d’un titre. Cela étant, nous n’avons pas encore parlé du contexte colonial dont les harkis sont les protagonistes. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
L’Algérie a été colonisée en 1830 : il s’agissait d’une colonie – je n’y peux rien – et, d’une certaine manière, les harkis en sont les victimes.
On ne peut pas se contenter de parler de réparation et de mémoire. N’oublions pas que, contrairement aux rapatriés, les harkis, qu’ils soient français ou pas, étaient musulmans. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Et alors ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Quel est le rapport ?
Mme Esther Benbassa. Il convient de le souligner.
Les rapatriés n’ont pas été placés dans des camps. Ils n’ont pas suivi les mêmes itinéraires que les harkis. Malgré les immenses difficultés auxquelles ils ont été confrontés, ils ont pu s’insérer plus facilement dans la société.
Ne noyons pas le poisson : « Étaient-ils français ? » ; « Y avait-il aussi des Marocains et des Tunisiens ? » Arrêtons avec ces questions et regardons la réalité en face !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Bien entendu, je peux comprendre l’intention des nombreux collègues signataires de ces amendements, de même que les réactions tout à fait respectables et légitimes suscitées par ces dispositions.
Pour ma part, j’insiste sur la notion de réparation. En tant que rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » – je parle sous l’autorité du président de la commission des finances et de son rapporteur général –, je tiens à mentionner le programme 169, intitulé « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».
Quels que soient les combats considérés, pour tous les représentants du monde combattant, toutes les associations patriotiques et de mémoire, tous les porte-drapeaux, pour qui nous avons aussi beaucoup de respect et de reconnaissance, ce terme de réparation est tout à fait essentiel.
Je salue également le grand travail accompli par la commission des affaires sociales, en particulier par sa rapporteure et par sa présidente. J’ai moi-même cosigné certains amendements et, j’y insiste, la notion de réparation est fondamentale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Au sujet de l’appartenance des harkis à la nation française, qu’il me soit permis d’évoquer la devise de la Légion étrangère : on est aussi français « par le sang versé ».
Nous savons que 60 000 à 150 000 harkis ont été massacrés après les accords d’Évian, censés garantir la paix. Sincèrement, il ne me semble pas décent de débattre aujourd’hui de la nationalité des harkis. Bien sûr qu’ils sont français : et, même s’ils ne l’étaient pas techniquement, je considère qu’il est de notre devoir de leur reconnaître cette qualité !
M. Olivier Paccaud. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, mes chers collègues, la passion que ce débat suscite est bien compréhensible, mais je me dois de vous appeler à un peu plus de calme.
Tout d’abord, je n’admets pas que l’on dénigre le travail de la rapporteure en lui reprochant de piétiner l’honneur des harkis : ce n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et RDSE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.) Quand on veut défendre l’honneur des harkis – ils le méritent –, on s’efforce de tenir des propos modérés à l’égard de ses collègues. C’est la moindre des choses.
Ensuite, sur le fond, nous n’avons jamais dit que les harkis n’étaient pas citoyens français. Simplement – Mme la rapporteure l’a bien précisé –, nous rappelons que certains de ces combattants étaient originaires d’autres pays.
Mme la rapporteure a parlé avec humanité, et tout le monde a salué le travail qu’elle a mené, en particulier lors de ses auditions. C’est pourquoi les propos que j’ai entendus me paraissent inadmissibles. Ils discréditent complètement les positions de ceux qui les prononcent ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Agnès Canayer. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons effectivement aller dans le sens de l’apaisement.
Ce conflit d’Algérie…
M. Guy Benarroche. La guerre d’Algérie !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. La guerre, oui, est difficile, et les mémoires sont toujours à vif soixante ans après.
C’est pourquoi nous devons travailler dans un esprit d’apaisement et rassembler au maximum les mémoires, non pas pour en faire une mémoire unique, mais pour respecter chacune d’elles, pour faire en sorte qu’elles s’inscrivent dans le champ mémoriel de cet événement historique si important pour notre pays.
Pour autant, certains propos m’écorchent les oreilles. Je le répète : j’ai toujours dit que les harkis étaient Français, qu’ils étaient citoyens français depuis toujours. C’est écrit dans le rapport Ceaux…
M. Olivier Paccaud. Mais ce n’est pas écrit dans le texte !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Si vous n’en avez pas encore pris connaissance, je vous en recommande la lecture : il est très complet et très bien documenté, notamment pour ce qui concerne les conditions d’accueil des harkis.
Ce que je crains, avec ces amendements, c’est ce que nous ne créions – cela arrive souvent avec les lois, hélas ! – de nouvelles zones d’exclusion…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ah bon ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. … à l’encontre de certains, ceux qui ont combattu dans l’armée française sans être français.
Comprenez-le bien : c’est ce sujet-là qui me tient à cœur. Des Tunisiens et des Marocains ont combattu aux côtés de l’armée française.
M. Rachid Temal. Combien étaient-ils ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Ils n’étaient peut-être pas très nombreux, mais ils le sont suffisamment pour obtenir eux aussi réparation.
Il ne faut pas que la loi en vienne à exclure : voilà ce qui m’importe. Il est préférable de simplifier les choses, de donner de la lisibilité au texte, de sorte que les droits de chacun soient respectés.
Je ne voudrais pas que, dans quelque temps, l’on en soit réduit à déposer un nouveau projet de loi pour avoir exclu certains supplétifs de nos armées, ces Marocains et ces Tunisiens qui ont combattu pour la France.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Et alors ?
M. Olivier Paccaud. Ils ne demandent pas la nationalité !
M. Rachid Temal. Sous-amendez !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. C’est à ce niveau que je souhaiterais porter le débat.
Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à ces amendements. Notre intention n’est pas du tout de blesser les harkis et leurs familles. Nous faisons tout, au contraire, pour regarder leur situation et leur histoire avec la plus grande humanité et la plus grande écoute possible.
Je puis vous assurer que j’ai contacté et rencontré les représentants des associations. Je m’y emploie depuis cinq ans. Je les connais très bien et, si je ne les connais pas toutes, j’en connais beaucoup. Leurs témoignages sont profondément touchants et troublants.
Cette histoire, que les Français connaissent encore mal, doit être abordée avec beaucoup de dignité au cours de nos débats, mais aussi avec pragmatisme, afin que ce texte de loi soit utile. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Après avoir suivi les travaux de la commission, je n’avais pas l’intention d’intervenir en séance.
Mes chers collègues, nous avons tous les mêmes préoccupations, même si le sujet est certainement plus sensible pour certains que pour d’autres.
Personnellement, je suis rapatrié d’Algérie et ma famille a été directement frappée par la guerre. Ainsi, quand on me parle des événements de la rue d’Isly, je me souviens de ma cousine germaine, qui, lors des mitraillages, avait reçu un cadre sur la tête.
Nous sommes repartis de rien. Comme d’autres, j’ai été élevé dans la culture des événements d’Algérie, qui restent traumatisants : pour ma part, je n’aime pas en parler. Nous avons aussi grandi dans le souvenir des harkis, de ces hommes qui se sont battus à nos côtés. Ils font partie de la France : notre commission ne l’a jamais mis en doute.
Il nous faut retrouver du calme et de la sérénité face à ces événements, qui sont toujours aussi marquants pour le peuple français, et plus encore pour ceux qui y ont participé, de part et d’autre de la Méditerranée.
Personnellement, je fais confiance au travail de la commission. En admettant un certain nombre de faits, nous accomplissons une avancée. Par ailleurs, au-delà des nuances de ces amendements, nous nous retrouvons tous sur un point : la reconnaissance que nous voulons accorder aux harkis.
Je vous invite à suivre l’avis de Mme la rapporteure. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Après Mme Deroche et M. Savary, je tiens à apporter mon soutien à Mme le rapporteur.
Marie-Pierre Richer a réalisé un important travail d’auditions. Elle a été à l’écoute de toutes et tous. Certains propos me paraissent particulièrement blessants, d’autant plus dans cet hémicycle, censé être celui des sages…
Je suis membre de la commission des affaires sociales et élu d’un département où vivent de nombreuses familles de harkis. Je rejoins M. Savary : jamais personne n’a prétendu que les harkis n’étaient pas français. Nous avons toujours dit l’inverse !
Sur un sujet si sensible, efforçons-nous de faire preuve de responsabilité : pour ma part, je suivrai l’avis de Mme le rapporteur. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.
M. Bernard Buis. Aujourd’hui, notre rôle n’est pas de diviser les harkis. Nous devons soutenir l’excellent travail de Mme la rapporteure et nous suivrons l’avis de la commission.
Jamais nous n’avons dit, nous non plus, que les harkis n’étaient pas français. Pour nous, ils sont bel et bien français ; nous avons toujours été à leurs côtés et nous continuerons de l’être. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de procéder aux votes, je précise que, si l’amendement n° 39, l’amendement n° 2 rectifié, l’amendement n° 14 ou l’amendement n° 31 rectifié était adopté, les autres amendements n’auraient plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 39.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Article 1er bis
Est instituée une journée nationale d’hommage aux harkis, aux moghaznis et aux personnels des diverses formations supplétives et assimilés en reconnaissance des sacrifices qu’ils ont consentis du fait de leur engagement au service de la France lors de la guerre d’Algérie. Cette journée rend également hommage aux personnes qui leur ont apporté secours et assistance à l’occasion de leur rapatriement et de leur accueil sur le territoire français.
Cette journée est fixée au 25 septembre.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, sur l’article.
M. Bernard Buis. Le samedi 25 septembre 2021, les harkis ont été doublement honorés dans mon département de la Drôme, le matin par une cérémonie au carré militaire de Valence, l’après-midi lors de l’inauguration d’une plaque commémorative au hameau de forestage de Beaurières, commune voisine de la mienne.
Honorer les combattants, c’est bien ; mais il convient aujourd’hui d’aller plus loin, ce que ce projet de loi va enfin permettre.
Ce texte est nécessaire pour les harkis ainsi que pour leurs descendants, qui seront accompagnés par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et la commission nationale. Il faut le rappeler : les enfants et petits-enfants de harkis sont également au cœur de cette histoire.
Mes chers collègues, je tiens à vous citer les mots de Rekia Danet, arrivée enfant à Beaurières, qui décrit ainsi son hébergement : « On est arrivés fin 1962 : c’était l’hiver ; nous étions logés dans des tentes meublées avec de gros poêles à bois, des lits en fer et des tables de l’armée.
« Quelques jours plus tard, il s’est mis à neiger ; la neige nous arrivait aux genoux et ce n’était pas évident, car il fallait prendre le chemin de l’école, distante de trois kilomètres. Ma petite sœur, en voyant la neige, a dit à ma mère que c’était comme du sable mais que c’était froid. »
Ce froid glaçant a pu, pour certains, être couplé à de l’indifférence, mais – je puis vous le dire d’expérience – pas partout.
La chaleur humaine était présente dans la Drôme. À Beaurières et dans les communes environnantes, la solidarité s’est exercée sous la houlette d’André Reynaud, maire du village, qui n’hésitait pas à faire le tour des maisons et des commerces pour que chacun aide à porter vêtements et nourriture.
Je me félicite que, lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, l’article 1er bis ait étendu la journée nationale d’hommage aux harkis à toutes les personnes qui leur ont porté secours et assistance. Ces dernières font honneur à la République, là où malheureusement l’État a failli.
À Beaurières, les enfants étaient scolarisés ensemble au sein de l’école de la République, dans deux classes supplémentaires créées ex nihilo grâce à l’installation de préfabriqués dans la cour. Élisabeth et Pascal Reynaud, les enfants du maire, nous rappellent régulièrement qu’ils étaient tous assis sur les mêmes bancs et qu’ils jouaient ensemble sans distinction.
La chaleur humaine est grande, mais elle ne peut remédier à tout. Ce projet de loi portant reconnaissance de la Nation représente, notamment grâce à la réparation qu’elle instaure, un apport indéniable. (M. François Patriat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, sur l’article.
Mme Valérie Boyer. Madame la rapporteure, il s’agit effectivement d’un sujet difficile, qui ravive les plaies de beaucoup d’entre nous dans cet hémicycle pour toutes les raisons déjà exposées.
Si nous déposons des amendements, ce n’est pas pour aller à l’encontre de votre excellent travail, mais pour faire avancer le débat et faire valoir nos positions. Certains d’entre nous défendent ces sujets depuis longtemps, pour ne pas dire depuis toujours : nous sommes nés avec, ce n’est pas un choix ! C’est ainsi que les choses se sont passées.
Nous n’allons pas à l’encontre de votre travail ; bien au contraire, nous nous efforçons de le compléter. Tel est le sens de ma prise de parole sur cet article.
Je souhaiterais que ce texte permette à la République française de reconnaître la barbarie et l’ampleur des massacres commis après le 19 mars, notamment ceux de la rue d’Isly ou ceux d’Oran, le 5 juillet, et de parler des disparus à la population française.
Voilà ce qui s’est passé : des militaires, des civils engagés à nos côtés, des harkis, des femmes et des enfants ont été massacrés.
À ce propos, Jean-Jacques Jordi a déclaré : « De 1957 jusqu’aux accords d’Évian, il y a eu à peu près 330 disparus civils. On pouvait s’attendre à ce qu’après les accords d’Évian ce chiffre baisse. Or, entre les accords d’Évian et la date de l’indépendance, le 5 juillet 1962, c’est-à-dire en quelques semaines, il y en a eu plus de 600, donc deux fois plus en quatre mois qu’en six ans de guerre. »
Je tiens à vous parler d’un autre événement extrêmement important : la fusillade de la rue d’Isly, cette fusillade unilatérale qui a duré douze minutes. La France n’a pas respecté le cessez-le-feu : le bilan officiel fut de 49 morts et 200 blessés ; toutes les victimes furent des civils, on ne déplora pas un mort chez les militaires.
Les civils n’ont pas pu enterrer leurs morts dignement ; les obsèques religieuses ont été interdites ; les corps furent convoyés directement au cimetière par camions militaires au jour et à l’heure choisis par les autorités.
Il s’agit d’un événement d’une gravité exceptionnelle, de la répression d’État la plus violente que la France ait jamais orchestrée, de la manifestation de rue la plus meurtrière depuis la Commune.
Permettez-moi de parler d’un dernier événement…
Mme la présidente. Merci, ma chère collègue !
Mme Valérie Boyer. … qui mériterait la reconnaissance de notre nation : les massacres d’Oran du 5 juillet 1962. En quelques heures…
Mme la présidente. Ma chère collègue, votre temps de parole est épuisé.
La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Je dirai quelques mots de cet article 1er bis, consacré à la journée nationale d’hommage aux harkis.
Bien entendu, je salue le travail de la commission des affaires sociales, qui s’appuie sur les auditions des différentes associations patriotiques et de mémoire.
Il est fait directement référence au décret du 31 mars 2003, qui a institué cette journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives.
L’hommage serait également rendu aux personnes ayant apporté secours et assistance à l’occasion de leur rapatriement et de leur accueil sur le territoire français. La date retenue est celle du 25 septembre, date à laquelle des cérémonies sont déjà organisées dans nos départements respectifs, en métropole et outre-mer, sous l’autorité des représentants de l’État et avec la participation des élus, des porte-drapeaux et des représentants des associations patriotiques et de mémoire.
Ce décret du 31 mars 2003, il faut le rappeler, a été pris sur l’initiative du président Jacques Chirac, et cette date a une portée hautement symbolique, comme, d’ailleurs, toutes les cérémonies dites « nationales et locales », pour lesquelles nous avons aussi beaucoup de respect.
N’oublions pas, enfin, que deux autres dates existent, le 5 décembre et le 19 mars, cette dernière étant la journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
Je soutiendrai donc, bien entendu, cet article 1er bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. Les grands peuples se reconnaissent à leur capacité à analyser lucidement leur histoire dans ce qu’elle a de plus beau, mais aussi, parfois, de plus tragique.
C’est ce qui nous rassemble ici ce soir, mes chers collègues : la nécessité d’inscrire un certain nombre d’éléments dans la loi, pour réparer une injustice, flagrante, envers ceux qui ont fait le choix de défendre la France dans une période particulièrement difficile et troublée, alors que notre pays connaissait une forme de guerre civile.
Il me paraît essentiel – bien entendu, je voterai cet article 1er bis – d’instaurer une journée spécifique d’hommage à nos compatriotes harkis, vis-à-vis d’eux, de leurs descendants et de toutes celles et tous ceux qui se sont engagés pour les soutenir dans cette période extrêmement dure.
Bien entendu, d’autres journées nationales, que ce soit le 5 décembre ou le 19 mars, nous ramènent directement à ces événements d’Algérie. Elles méritent aussi respect et attention.
Toutefois, il importe que nous puissions, dans une forme de calme et de sérénité, dire ce que nous pensons au regard de ce qui s’est passé. À cet égard, je salue le travail de notre rapporteure et de toutes celles et tous ceux qui ont fait en sorte que nous puissions débattre de ce sujet et soutenir cette mémoire des harkis.
Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par M. Bourgi, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Temal, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Après le mot :
consentis
insérer les mots :
et des sévices qu’ils ont subis
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Cet amendement tend à compléter l’article 1er bis, auquel, naturellement, nous souscrivons tous.
Dans cet article, il est fait mention des sacrifices que les harkis ont consentis. Personne n’en disconvient, mais il est juste de rappeler que des familles de harkis ont été victimes de représailles, d’exécutions sommaires et de sévices. Ces personnes n’étaient pas engagées dans l’armée française ; elles ont été prises pour cible simplement parce qu’elles étaient liées à un harki qui, lui, était un soldat engagé dans l’armée française.
Chaque année, lorsque je participe aux cérémonies commémoratives, je rencontre des harkis, présents sur le sol français, qui me racontent comment leur père et leur mère ont été exécutés chez eux, dans leur maison – des personnes âgées, assassinées au seul motif que leur fils s’était engagé dans l’armée française.
Le fils avait voulu consentir des sacrifices, mais ses parents n’avaient absolument rien demandé… C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de les inclure symboliquement dans la mémoire collective nationale, dans l’hommage rendu par la Nation aux harkis et à leur famille, leurs femmes, leurs enfants, mais aussi leurs parents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Cet amendement vise à élargir l’objet de la journée nationale d’hommage aux harkis, aux moghaznis et aux autres personnels des diverses formations supplétives et assimilés en intégrant la reconnaissance, non seulement des sacrifices qu’ils ont consentis du fait de leur engagement au service de la France, mais également des sévices qu’ils ont subis pour cette même raison.
Il s’agit là d’une proposition pertinente. Il est indéniable que des milliers d’anciens supplétifs ont subi des persécutions et des massacres en raison de leur soutien à la cause de la France.
C’est pourquoi, sans conteste, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, les sévices que vous évoquez sont bien réels – c’est, dans toute sa gravité, la triste et douloureuse réalité historique –, et personne ne veut bien sûr les minimiser.
La journée nationale d’hommage vise à honorer l’engagement des harkis au service de la France et à rassembler le peuple français autour de cette mémoire. La mention des sévices que ces derniers ont pu subir ou des souffrances qu’ils ont connues dans leur chair est, en réalité, couverte par l’évocation des sacrifices consentis au service de notre pays ; une guerre est en effet toujours douloureuse.
Néanmoins, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Après l’article 1er bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.
L’amendement n° 34 rectifié ter est présenté par MM. Tabarot, Mandelli, Hingray, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Rietmann, Somon, Grosperrin, Paccaud et J.M. Boyer, Mme Demas et M. J.B. Blanc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc est abrogée.
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Ce que la loi a fait, la loi peut le défaire – je dirais même, doit le défaire.
Le 6 décembre 2012, on a imposé sans concertation une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, fixée le 19 mars, date d’entrée en vigueur du prétendu cessez-le-feu issu des accords d’Évian.
En effet, la date du 19 mars est officiellement celle à laquelle un cessez-le-feu a été décrété en Algérie, au lendemain des accords d’Évian. L’ancien chef de l’État Nicolas Sarkozy disait : « Pour qu’une commémoration soit commune, il faut que la date célébrée soit acceptée par tous. Or chacun sait qu’il n’en est rien, le 19 mars reste au cœur d’un débat douloureux. »
Jacques Chirac, qui avait été sous-lieutenant durant ce conflit, choisit avec discernement une autre date d’anniversaire, celle du 5 décembre. Puis, il y eut le 25 septembre, une date qui apaise.
Même François Mitterrand estimait que l’on ne pouvait retenir la date du 19 mars, car « il y aurait confusion dans la mémoire de notre peuple. Ce n’est pas l’acte diplomatique rendu à l’époque qui pourrait s’identifier à ce qui pourrait apparaître comme un grand moment de notre histoire, d’autant plus que la guerre a continué, que d’autres victimes ont été comptées et que, au surplus, il convient de ne froisser la conscience de personne ».
C’est pour cette raison que je souhaitais tout à l’heure évoquer les événements qui se sont déroulés après le 19 mars. En effet, on ne peut pas séparer les mémoires ; toutes les mémoires blessées de la guerre d’Algérie doivent être reconnues et commémorées.
C’est pour cette raison, aussi, que je tenais à citer M. Jean Tenneroni sur cette question précise de la date du 19 mars, qui n’est pas propre à apaiser les mémoires, indépendamment, d’ailleurs, de l’origine, de la confession ou du parcours des Français d’Algérie.
Voici donc un changement que l’on pourrait apporter, pour tenter d’apaiser les mémoires et, en tout cas, ne pas les mettre en concurrence.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié ter.
M. Philippe Tabarot. Avant de défendre cet amendement, ce que je ferai avec plaisir, je dirai un mot à l’attention de Mme la rapporteure et Mme la ministre, qui ont refusé de soutenir nos précédents amendements, notamment s’agissant de la qualité de Français de nos amis harkis.
Ce qui nous a été dit, c’est qu’il y aurait des difficultés par rapport à quelques Marocains et Tunisiens, et cela semblait être un souci pour vous. En revanche, exclure du dispositif de l’article 2 pratiquement 50 000 harkis ne semble vous poser aucun problème !
S’agissant de la date du 19 mars, celle-ci marque l’entrée en vigueur de funestes accords d’Évian, qui n’ont jamais signifié la fin des combats et des exactions. Après cette date, de sinistre mémoire, des milliers de harkis et de pieds-noirs ont perdu la vie dans des assassinats et des massacres, comme ceux de la rue d’Isly et du 5 juillet à Oran.
Commémorer les accords d’Évian, c’est commémorer l’abandon et la douleur subie par ceux qui se battaient pour la France. Si la France souhaite honorer la mémoire des harkis, qui l’ont choisie pour ce qu’elle était et pour les valeurs qu’elle portait, alors nous ne pouvons accepter d’honorer le 19 mars 1962, cette date marquant le début des exactions à leur encontre, ainsi qu’à l’encontre des pieds-noirs – le fameux « la valise ou le cercueil », que j’ai précédemment évoqué à la tribune.
Le présent amendement vise donc à abroger la loi de M. Hollande du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
Je vous demande, mes chers collègues, de soutenir cet amendement particulièrement symbolique.
Profitant de ce qui me reste de temps de parole, j’ajoute un dernier point : nous sommes vraiment le seul pays au monde à célébrer une défaite… Car le 19 mars 1962 est une défaite ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, c’est la paix !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. C’est un sujet important et douloureux que nous évoquons ici, et l’on voit bien à quel point il divise.
Néanmoins, la question ne me semble pas pouvoir être tranchée dans le présent texte : même si je comprends les interventions des uns et des autres, elle doit être portée à un autre moment.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements identiques, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Effectivement, le sujet est profond et difficile.
La date du 19 mars, sur un plan factuel et historique, marque ce que l’on appelle le « cessez-le-feu » à la suite de la signature des accords d’Évian.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. On sait, toujours sur un plan historique, que les violences ont continué au-delà de cette date – d’ailleurs, nous avons voté la fameuse carte du combattant pour les services effectués en Algérie du 3 juillet 1962 au 1er juillet 1964, ce qui montre bien que des combats ont encore eu lieu durant cette période. Néanmoins, les accords d’Évian prévoient bien l’arrêt de la lutte.
S’agissant des journées mémorielles, je suis tout de même assez frappée de voir, aux cérémonies du 19 mars, un certain nombre de personnes que je ne vois jamais à celles du 5 décembre, et inversement. Et c’est un peu la même chose pour le 25 septembre…
Il me semble donc que nous devrions collectivement, avec sagesse, dignité et intelligence, nous orienter vers une date unique. Mais, je puis vous le dire, mesdames, messieurs les sénateurs, nous n’y sommes pas prêts !
Voilà cinq ans que j’entretiens un échange permanent avec les associations. Nous menons, en commission, un travail soutenu et de confiance. Mon sentiment est que nous ne sommes pas encore prêts, même si nous allons progressivement avancer.
À cet égard, je suis très heureuse que, pour les commémorations du soixantième anniversaire des accords d’Évian – ne parlons pas de la fin de la guerre d’Algérie –, un accord ait été trouvé entre les associations pour organiser une cérémonie d’ampleur, rassemblant tout le monde, à une date qui ne sera ni le 19 mars ni le 5 décembre. Ces deux dates étant officielles, il y aura bien sûr des commémorations, mais nous travaillons avec les associations à ce rassemblement sur une seule et même date. Ce sera – je crois que l’annonce a été faite – le 18 octobre.
Le texte que nous examinons aujourd’hui concerne les harkis et leurs familles. La date du 19 mars est, bien entendu, douloureuse pour eux. Mais je ne pense pas qu’il faille l’ôter de ce calendrier, qui est complexe.
Pour rencontrer beaucoup de jeunes dans les établissements scolaires, je puis dire qu’il est très difficile, dans le cadre d’un travail de mémoire, de construire des messages simples à destination de la jeunesse quand on a plusieurs dates de commémoration différentes. La sagesse voudrait donc que, progressivement, nous allions vers une date unique. Cela étant, j’y insiste, nous ne sommes pas encore tout à fait prêts.
Pour finir, je voudrais revenir sur l’évocation par Mme Boyer des exactions commises rue d’Isly le 26 mars 1962. Cette question n’entre pas du tout dans le périmètre du projet de loi, puisque, je le répète, nous traitons aujourd’hui de la question des harkis.
Toutefois, madame la sénatrice, sachez que j’ai participé, le 26 mars dernier, à la cérémonie organisée par les associations au mémorial du quai Branly et que, à cette occasion, j’ai déposé une gerbe au nom du Président de la République. Celui-ci tient donc compte, aussi, de la mémoire des rapatriés et des faits qui se sont déroulés après la date du 19 mars 1962.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Pour être fructueux, le travail de mémoire doit se réaliser ensemble, sans omettre les aspects les plus douloureux. Ce n’est malheureusement pas le sens des amendements que nous examinons maintenant et dont l’objet véritable est, au détour d’un projet de loi de reconnaissance de la Nation, de tenter de réécrire l’histoire.
La guerre d’Algérie a pris fin le 19 mars 1962, avec l’entrée en vigueur du cessez-le-feu prévu par les accords d’Évian. Cette date est celle qui est reconnue par les autorités françaises et algériennes pour la commémoration dans notre pays. Le 5 décembre, journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie, ne correspond à aucune date historique.
C’est surtout l’objet de ces amendements, niant la responsabilité de l’Organisation armée secrète (OAS) dans la tuerie de la rue d’Isly, qui est inacceptable.
Les historiens ont reconnu la responsabilité des activistes d’extrême droite de l’OAS dans la fusillade du 26 mars 1962, ayant entraîné le décès de 80 Européens d’Algérie envoyés contre les forces de police. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Quelle honte ! Cessez de dire des choses pareilles !
Mme Valérie Boyer. Vos propos sont scandaleux !
Mme Michelle Gréaume. Ce sont ces mêmes terroristes qui ont massacré de nombreux militants communistes en Algérie et tenté d’assassiner le général de Gaulle lors de l’attentat du Petit-Clamart.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Vous ne savez pas de quoi vous parlez !
Mme Michelle Gréaume. Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ces amendements identiques, dont les auteurs revisitent et réécrivent l’histoire de la guerre d’Algérie, au mépris des milliers de victimes qu’elle a suscitées.
M. Philippe Tabarot. Porteurs de valises !
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je suis quelque peu étonnée de voir apparaître ces amendements identiques, au détour d’un texte portant sur la reconnaissance et la réparation envers les harkis, et ressurgir le thème de la date du 19 mars, depuis longtemps cher à certains de nos collègues.
Il fallait bien choisir une date, et celle du 19 mars marque tout de même la signature des accords d’Évian, qui ont mis fin à la guerre. Certes, des exactions, des assassinats et des massacres ont été commis de tous côtés par la suite, mais cela n’ôte pas sa validité à la date, et je ne crois pas que toutes les exactions aient cessé après le 11 novembre 1918 ou, plus encore, après le 8 mai 1945.
Il me semble que le cessez-le-feu a constitué un moment essentiel. Cette date du 19 mars, effectivement arrêtée sous la présidence de François Hollande, le 6 décembre 2012, revêt une importance extrême, notamment pour les appelés du contingent qui se trouvaient alors en Algérie. De nombreuses associations d’anciens combattants d’Algérie, du Maroc et de Tunisie y sont d’ailleurs très favorables, comme la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (Fnaca), une association très présente dans ma région.
M. Philippe Tabarot. Une seule association !
Mme Émilienne Poumirol. Personne ne nie les événements qui se sont déroulés après le 19 mars. Néanmoins, cette date marque le début de la paix, et nous nous devons de la célébrer.
Nous voterons donc contre ces amendements.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je ne comprends pas bien non plus ce que viennent faire ces amendements dans l’examen de ce projet de loi. Nous évoquons ici la reconnaissance de la Nation envers les harkis et la prise en compte de toutes les situations qu’ils ont connues, sans distinction ni discrimination ; et voilà que certains de nos collègues ressortent un vieux leitmotiv, qui, on le sait bien, leur tient à cœur.
Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 a été un soulagement pour des milliers de familles, qui ont vu leurs enfants revenir. C’est la date à laquelle la Fnaca, forte de plusieurs milliers d’adhérents, rend chaque année hommage aux victimes de ces conflits.
Pour rappel, depuis 1963, quelque 4 000 lieux de mémoire ont été installés dans nos villes, avec des plaques commémoratives ou des noms de rue. On y rend hommage aux victimes chaque 19 mars.
Ce que vous nous proposez aujourd’hui, madame Boyer, monsieur Tabarot, c’est au fond de supprimer un symbole de paix, comme l’a fort bien dit ma collègue Michelle Gréaume ; c’est d’opposer, une fois de plus, les populations les unes aux autres. (M. Philippe Tabarot proteste.)
Vous voulez que l’on débaptise certaines de nos rues, que l’on retire certaines de nos plaques commémoratives, afin que la mention du 19 mars 1962 n’apparaisse plus nulle part. D’autres ont déjà osé le faire ! D’autres ont déjà réécrit l’histoire ! Deux maires issus du Front national ont ainsi débaptisé des rues portant ce nom et retiré les plaques commémoratives du 19 mars 1962. Pourtant, oui, cette date est celle du cessez-le-feu, qui a mis fin à la guerre d’Algérie.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. On ne choisit jamais une date de commémoration par hasard. Certaines, comme le 11 novembre ou le 8 mai, s’imposent par le poids de granit de l’histoire. Mais d’autres doivent être le fruit d’échanges et de discussions. Cela a d’ailleurs été le cas du 14 juillet : arrêtée par le Parlement, à cause non pas du 14 juillet 1789, mais du 14 juillet 1790, la date de la fête nationale a donné lieu à un débat extrêmement poussé.
Dans le cas présent, vous avez vous-même souligné, madame la ministre, que le 19 mars était une date très douloureuse.
En effet, contrairement à ceux qui accusent M. Philippe Tabarot et Mme Valérie Boyer de vouloir réécrire l’histoire, je tiens à observer que le sang a continué de couler après le 19 mars 1962. Et il a coulé d’une façon encore plus atroce, puisque ceux qui ont été massacrés se trouvaient sans défense, sans protection, et l’ont été précisément du fait que, à compter du 19 mars, les troupes officielles avaient rangé leurs armes.
Il y a bien eu un accord, précisément le 18 mars 1962, entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne. Mais, j’y insiste, le sang ne s’est malheureusement pas arrêté de couler. Le 19 mars 1962 a inauguré des calendes de la haine, pendant lesquelles des dizaines de milliers de personnes sont mortes dans des conditions si terribles que je n’ose même pas les décrire.
Je vous rejoins, madame la ministre : j’espère que nous aboutirons à une date unique. Mais, sincèrement, fixer la commémoration au 19 mars constitue un non-sens historique, une faute morale et une provocation envers les sacrifiés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. L’examen de ces amendements nous renvoie à des débats qui ont maintes fois eu lieu ici, dans cet hémicycle, ainsi que dans d’autres assemblées.
Pour ma part, je ne les voterai pas, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, comme plusieurs de nos collègues l’ont rappelé, nous débattons d’un projet de loi de reconnaissance envers les harkis, et non d’un texte relatif à des actes mémoriels ou des journées nationales du souvenir de tel ou tel événement.
Ensuite, bien entendu, le 19 mars est une date qui fait débat, comme d’autres dates commémoratives, d’ailleurs. Je le dis très sincèrement, tout le monde reconnaît la réalité historique que nos collègues cherchent à dénoncer. Effectivement, des exactions ont été commises après le cessez-le-feu du 19 mars, et nombre de harkis et de leur famille en ont été victimes. Nul ne le conteste !
Pour autant, les propos de Mme la ministre, indiquant qu’il faut prendre le temps de chercher et de trouver un cadre consensuel dans lequel inscrire ce travail de mémoire, ont une très grande importance.
Nous chercherons ce cadre spécifique, mais n’oublions pas qu’une loi du 28 février 2012 a fait du 11 novembre, date de commémoration de la Première Guerre mondiale, une date du souvenir de tous les morts pour la France de toutes les guerres et tous les conflits. C’est aussi, me semble-t-il, un élément important.
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Comme le débat doit être serein, et nous avons tous raison de le vouloir ainsi, prenons les choses simplement.
Effectivement, nous examinons la question des harkis. (M. Philippe Tabarot s’exclame.) Le mieux est donc de se concentrer sur le sujet, d’autant que, comme nous avons pu le constater, il n’est pas simple à traiter.
Par ailleurs, certaines réalités historiques ne peuvent être contestées. La date du 19 mars est celle de la fin des combats, donc, de fait, de la « guerre d’Algérie », même s’il a fallu attendre 1999, sous le gouvernement de Lionel Jospin, pour que l’expression soit officialisée. Personne ne peut prétendre le contraire !
Chacun peut reconnaître, aussi, que des exactions terribles ont été commises de part et d’autre entre le 19 mars 1962 et le début du mois de juillet de la même année, marquant les populations des deux pays. C’est également incontestable !
Monsieur Paccaud, vous avez souligné que la date du 14 juillet avait été arrêtée par le Parlement. Celle du 19 mars a été fixée par une loi de la République ; elle s’impose donc à nous.
Plutôt que de tenter de la supprimer par amendement – je n’étais pas loin d’évoquer un cavalier législatif –, je propose d’avoir un vrai débat parlementaire sur la question. Chacun aura son avis sur la date à arrêter, mais le Parlement y retrouvera toutes ses lettres de noblesse.
En tout cas, il ne me semble pas que l’on puisse aujourd’hui, par amendement, revenir sur une loi, celle qui institue la date commémorative du 19 mars, ou prétendre que certaines réalités historiques n’en sont pas.
Par conséquent, je ne voterai pas ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Bien que je respecte la préoccupation des auteurs de ces amendements – dans notre assemblée, le respect est très important, me semble-t-il –, je suivrai néanmoins l’avis de la commission, exprimé par Mme la rapporteure.
Premièrement, nous sommes associés aux cérémonies du 19 mars, comme à celles du 5 décembre. Cela fait partie de notre mission : nous participons aux cérémonies nationales, comme la journée nationale d’hommage aux harkis, instaurée à l’article 1er bis du présent projet de loi. Ces différentes dates ont été fixées par la loi, et nous la respectons.
Deuxièmement, avec le président Jean-Claude Requier et notre collègue Cécile Cukierman, je rencontre très régulièrement, au nom de nos groupes respectifs, des représentants des associations patriotiques pour évoquer avec eux leurs sujets de préoccupation, en particulier lors de l’examen des lois de finances.
Aussi, je le répète, je soutiens la position de Mme la rapporteure.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Nous examinons un texte relatif aux harkis et nous devons tout faire pour que réparation leur soit donnée des préjudices qu’ils ont subis, afin de leur rendre la dignité à laquelle ils aspirent.
Aussi, je ne comprends vraiment pas pourquoi certains de nos collègues ont cru bon de déposer ces deux amendements polémiques. Certes, nous devons prendre le temps de les examiner, mais ils affaiblissent notre discussion. C’est la raison principale pour laquelle nous ne les voterons pas.
J’en invoquerai une seconde. Comme Valérie Boyer – j’étais sans doute un peu plus âgé qu’elle –, je suis arrivé d’Afrique du Nord ma valise à la main ; de fait, le mois de mars 1962 n’évoque pas de bons souvenirs pour ma famille et nous ne commémorons donc pas cette date pas, en raison de toutes les exactions qui ont eu lieu à ce moment-là et des morts qu’elles ont causées. Sur ce point, je suis d’accord avec vous.
Pour autant, ne réécrivons pas l’histoire, madame Boyer, monsieur Tabarot. Au départ, dans ma ville, ces exactions ont été le fait de l’OAS. Soyons clairs !
J’ai vécu là-bas, et je sais bien, pour les avoir vécues avec mes parents, ce qu’elles ont été ; vous savez de quoi je veux parler. Elles ont été commises par les deux parties, dans une guerre qui fut une vraie guerre d’indépendance.
M. Philippe Tabarot. C’est l’OAS qui a massacré 100 000 harkis ?
M. Guy Benarroche. Monsieur Tabarot, je ne vous ai pas interrompu !
Par conséquent, c’est dans la sérénité, en prenant le temps nécessaire et en impliquant les différentes parties prenantes que nous devons débattre de la date à laquelle certains événements doivent être commémorés, et non pas au détour de l’examen d’un projet de loi sans rapport avec le sujet, en invoquant de mauvais prétextes.
On ne peut pas opposer les morts d’un côté aux morts de l’autre, les exactions de certains aux exactions des autres, ce qui s’est passé rue d’Isly à ce qui s’est passé ailleurs. Il n’est pas possible de le faire, ce soir, ici au Sénat, au détour d’un texte sur les harkis ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, je me permets simplement de poser une question : soixante ans après 1962, serions-nous ce soir dans cet hémicycle pour parler des harkis s’il n’y avait pas eu de massacres après le 19 mars de cette année-là ? Bien sûr que non !
Les harkis ont été massacrés parce qu’ils ont été abandonnés, parce que, comme l’a fort bien dit notre collègue Olivier Paccaud, ils ont été désarmés.
M. Rachid Temal. Désarmés par qui ?
Mme Valérie Boyer. Je suis d’accord avec vous, mon cher collègue : il faut examiner ce texte dans la sérénité. Lorsque j’étais députée, j’avais déposé plusieurs propositions de loi portant sur la date du 19 mars et sur la reconnaissance de ce qui s’est passé rue d’Isly le 26 mars 1962 et à Oran le 5 juillet de la même année.
Madame la ministre, moi aussi, chaque 26 mars, je me rends aux cérémonies en souvenir des 80 Français tués rue d’Isly, à Bab-El-Oued, parce qu’un tel événement doit être commémoré ; je fais de même chaque 5 juillet, en souvenir des 700 personnes tuées à Oran le 5 juillet 1962 et enterrées en catimini au Petit-Lac, parce qu’un tel événement doit être commémoré ; et, bien évidemment, chaque 25 septembre, je me rends au monument érigé en hommage aux harkis, tout comme chaque 5 décembre je rends hommage à tous les morts d’Afrique du Nord.
Aujourd’hui, nous examinons en effet un texte relatif aux harkis, qui sont concernés au premier chef, comme tous les Français des trois départements d’Algérie, par ce qui s’est passé après le 19 mars. C’est la raison pour laquelle nous demandons depuis des années, avec un certain nombre de mes collègues, dont Philippe Tabarot, que cette date soit revue.
Comme je le disais tout à l’heure en présentant mon amendement, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Fixons une date unique pour rassembler et réconcilier les mémoires plutôt que de les diviser. Le 19 mars n’est pas une bonne date. (M. Olivier Paccaud applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Mérillou, pour explication de vote.
M. Serge Mérillou. Je n’avais pas prévu d’intervenir sur ce projet de loi, mais je tiens tout de même à dire que le 19 mars est une date historique, marquant la fin d’une bien trop longue guerre – sept ans –, qui a fait énormément de victimes. Ce fut un soulagement dans tout le pays.
Certains disent que, après le 19 mars, il y a eu des morts et que l’on a assisté à des règlements de comptes. Mais le 8 mai 1945 marque la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que les règlements de comptes ont aussi été très nombreux après cette date. Malheureusement, et c’est ainsi, une guerre ne cesse pas forcément au moment du cessez-le-feu, même si l’histoire retient cette date.
À quoi peut-on bien rattacher la date du 5 décembre, sinon à une quelconque décision politique ? En tout cas, ce n’est pas une date historique. Bien évidemment, je ne voterai pas ces deux amendements identiques : la quasi-totalité des anciens combattants d’Algérie est très attachée à la date du 19 mars, parce qu’ils savent qu’elle marque la fin d’une période qui fut pour eux très difficile.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. La commission a bien compris l’esprit qui sous-tend ces deux amendements identiques, ainsi que les positions des uns et des autres. Nous mesurons tous, dans nos départements, combien cette question est complexe : certaines associations sont favorables au 19 mars, au contraire d’autres. Le débat mérite donc d’être soulevé.
Moi aussi, je serais très favorable à ce que soit fixée une date unique pour commémorer cette histoire douloureuse ; néanmoins, la commission a jugé que nous ne pouvions trancher ce débat au détour de deux amendements déposés sur ce projet de loi. C’est pourquoi, aussi intéressant que soit ce sujet, elle a émis un avis défavorable.
Comme elle l’aurait fait pour tout autre texte, elle s’est attachée à ne pas retenir des amendements tombant sous le coup de l’article 40 ou de l’article 45 de la Constitution, même si, chacun le sait, cette procédure est toujours désagréable pour leurs auteurs – cela m’est arrivé plusieurs fois, comme à beaucoup d’entre vous –, d’autant plus si la question est digne d’intérêt. C’est ainsi que se fait la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Puisque chacun prend la parole, à mon tour de m’exprimer ! (Sourires.)
Je ne m’attendais pas à ce que soit évoquée ce soir la date du 19 mars. Certes, on peut en débattre, mais, comme l’a dit tout à l’heure l’un de nos collègues, elle a un caractère officiel et marque le cessez-le-feu en Algérie, et non pas, malheureusement, la fin des morts et des exactions, nombreuses tant du côté algérien que du côté français. Ainsi va l’histoire, on ne peut pas l’oublier. Mais, je le répète, cette date marque officiellement la fin de la guerre.
En 1962, j’avais 15 ans. Quand les accords d’Évian ont été signés, un dimanche, les bals et les orchestres se sont arrêtés et l’on a annoncé partout que c’était la fin de la guerre d’Algérie.
Souvenez-vous, mes chers collègues : on a envoyé là-bas non seulement l’armée d’active, mais aussi, sans leur demander leur avis, les appelés du contingent, qui ont compté dans leurs rangs de nombreux morts. Le soulagement fut grand dans les familles, parmi les parents, parmi les conjoints. Même si, et l’on ne peut que le regretter, des morts ont été comptés par la suite, on ne peut effacer cette date.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour ne parler que de ce que je connais, j’indiquerai que, en Corrèze, dans le Limousin, les anciens combattants d’Algérie – on en compte encore, heureusement – sont très attachés au 19 mars ; en revanche, le 5 décembre, on ne voit personne !
Aussi, conservons cette date, car c’est ce qu’ils veulent.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié et 34 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Exclamations.)
6
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, le 19 janvier, lors du scrutin public n° 82 sur la motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, Jean-Pierre Decool a été considéré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
7
Souhaits de bienvenue à des associations en tribune
Mme la présidente. Je salue la présence dans nos tribunes de représentants des associations de harkis. Ils sont venus nombreux, et je les en remercie.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Harkis et autres personnes rapatriées d’Algérie
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français.
Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus à l’article 2.
Article 2
(Non modifié)
Les personnes mentionnées à l’article 1er, leurs conjoints et leurs enfants qui ont séjourné, entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans l’une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret peuvent obtenir réparation des préjudices résultant de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans ces structures.
La réparation prend la forme d’une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans des conditions et selon un barème fixés par décret. Son montant est réputé couvrir l’ensemble des préjudices de toute nature subis en raison de ce séjour. En sont déduites, le cas échéant, les sommes déjà perçues en réparation des mêmes chefs de préjudice.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste soutient cette reconnaissance de la responsabilité de la Nation pour les préjudices subis par les harkis et leurs familles à leur arrivée en France.
L’indignité des conditions de vie et d’accueil des harkis, notamment dans les camps et les hameaux, ainsi que les privations de liberté, a entraîné des souffrances et des traumatismes pour des milliers de femmes et d’hommes.
La reconnaissance de la responsabilité prend la forme d’une indemnisation forfaitaire symbolique. Nous considérons que les critères proposés par ce texte sont trop restrictifs pour permettre une indemnisation de l’ensemble des harkis. En ne retenant que les personnes ayant séjourné dans les camps de transit et les hameaux – et encore, pas tous ! –, ils excluent de fait plusieurs milliers de harkis qui sont arrivés par leurs propres moyens ou qui ont séjourné dans d’autres lieux.
Ensuite, le critère de durée de séjour dans une structure n’est pas satisfaisant. En créant une distinction selon les personnes qui ont résidé moins de quatre-vingt-dix jours dans un camp, le Gouvernement divise inutilement les familles de harkis. Surtout, ce critère ne prend pas en considération les circonstances et préjudices particuliers et personnels, par exemple le décès survenu dans un camp. C’est toute la limite d’une indemnisation forfaitaire.
Ensuite, nous regrettons le choix de la date limite pour bénéficier de l’indemnisation, à savoir le 31 décembre 1975, alors que les structures ont continué d’accueillir des familles de harkis.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet article 2.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, sur l’article.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, cet article 2 constitue, avec l’article 1er, le point crucial de ce projet de loi, puisqu’il porte sur les mesures de réparation.
Comme l’ensemble de ce projet de loi, cet article 2 n’est pas à la hauteur du drame que les harkis ont vécu. Je voterai donc contre.
Premier point sur lequel je suis en désaccord, l’indemnisation ne repose que sur la durée de séjour dans les structures destinées à accueillir les harkis. L’utilisation du mot « structures » sous-tend une restriction qui ne dit pas son nom. Ainsi, vous conditionnez l’indemnisation au séjour des harkis dans les camps et hameaux de forestage. Les harkis qui vivaient en dehors de ces structures, dans des conditions tout aussi indignes, n’auraient-ils donc pas droit à l’indemnisation et à la justice ?
Je connais des familles qui, sans séjourner dans ces camps et ces hameaux de forestage, vivaient dans des conditions similaires à celles qui prévalaient dans ces structures. Mais avec votre loi, cette indignité ne sera pas reconnue. Leur seul tort est de ne pas avoir vécu entourés de barbelés…
En commission, j’ai tenté d’ouvrir cette indemnisation à tous, mais, bien évidemment, le couperet de la recevabilité financière est tombé sur ma proposition.
Second point sur lequel je suis en désaccord, cette indemnisation ne prend pas en compte le fait que nombre de harkis de la première génération ayant vécu ce drame ne seront jamais indemnisés, n’étant plus là. Alors, me direz-vous, cela permet à l’État de réduire le coût de cette indemnisation. Mais quand on souhaite apporter des réparations, on se doit d’y mettre les moyens.
Or il n’est pas prévu que, dans le cas où décéderait le bénéficiaire d’une mesure de réparation, celle-ci échoie à son conjoint ou à sa conjointe, ou bien, à défaut, à ses enfants.
Troisième point sur lequel je suis en désaccord, il s’agit ici d’une réparation sur la base d’une somme forfaitaire et d’un barème froid, sans évaluation précise et individualisée des préjudices.
Telles sont les raisons pour lesquelles je m’oppose à ce mécanisme de réparation, qui est à la fois partiel et partial.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Cet article porte sur les mécanismes d’indemnisation. Comme l’a très bien expliqué à l’instant notre collègue Philippe Tabarot, indemniser signifie forcément décaisser.
Dès lors, toute tentative d’améliorer, par voie d’amendements, ce projet de loi en bonifiant les montants alloués est très complexe, voire impossible, au motif de leur irrecevabilité financière. Seul le Gouvernement peut le faire. C’est pourquoi je vous interpelle une nouvelle fois, madame la ministre : si vous en avez la volonté, vous avez la capacité de satisfaire les demandes émanant de plusieurs d’entre nous ici, de tous bords.
J’en citerai quatre.
Premièrement, l’article 2 prévoit que seules les personnes ayant séjourné jusqu’au 31 décembre 1975 dans les structures susvisées pourront obtenir réparation. Or, vous le savez bien, certains harkis sont arrivés en France après cette date. Par conséquent, nous estimons que, au même titre que l’ensemble des harkis et des autres personnes anciennement de statut civil de droit local, ils devraient eux aussi bénéficier de ce mécanisme d’indemnisation. Notre amendement en ce sens a été déclaré irrecevable.
Deuxièmement, tout aussi irrecevable a été l’amendement par lequel nous voulions introduire une certaine souplesse dans les critères d’attribution de cette somme forfaitaire, de telle sorte que la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices tienne compte « notamment » de la durée du séjour dans les structures d’accueil. Le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, avez le pouvoir de le faire.
Troisièmement, un certain nombre de harkis n’ayant pas pu être rapatriés et étant restés emprisonnés en Algérie après le 19 mars, avant de rejoindre la France, nous voulions qu’il soit tenu compte, le cas échéant, de ces années d’emprisonnement.
Quatrièmement, et enfin, nous avons proposé que les veuves de harkis puissent, en tant qu’ayants droit, obtenir elles aussi réparation.
Madame la ministre, sur ces quatre points, nous vous demandons d’agir, puisque nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. Nos collègues l’ont rappelé, cet article crée un mécanisme de réparation lié à l’engagement de la responsabilité de l’État et en fixe les principales modalités.
Il ne s’adresse qu’aux personnes ayant séjourné dans les camps et hameaux de forestage, et uniquement à ceux-là. Le seul critère pris en compte est celui de la durée de séjour.
Or, comme cela a été dit lors de l’examen de l’article 1er, le système de réparation qu’il est prévu de mettre en place est lié à l’engagement de la responsabilité de l’État pour les seules personnes ayant séjourné dans ces structures. Cette responsabilité a été reconnue par la décision du Conseil d’État de 2018.
Se pose tout d’abord un problème de périmètre, certains harkis n’étant pas passés par ces camps, cependant que, dans l’indifférence générale, ils ont vécu dans une très grande précarité.
Par conséquent, conditionner ce droit à réparation au passage dans une structure déterminée rompt avec le principe constitutionnel d’égalité des citoyens. Il est important que tous les harkis et leurs familles puissent être entendus et présenter une demande individuelle de réparation du fait du préjudice qu’ils ont subi.
Ensuite, nous désapprouvons le caractère forfaitaire de la réparation. Nous comprenons aisément, compte tenu de l’urgence de la situation, les facilités qu’offre un tel mécanisme, mais une réparation forfaitaire vaut, certes, reconnaissance d’un préjudice, mais non pas reconnaissance de la faute de l’État. Or il est primordial que cette dernière soit réparée.
Malheureusement, les amendements que nous avions déposés dans ce sens ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, ce que nous déplorons. Ce texte, si important et si attendu par les anciens harkis et leurs descendants, n’est pas à la hauteur de l’espérance qu’il a pu faire naître.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Daubresse, Meurant et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
peuvent
insérer les mots :
, en tant que victimes d’une politique de ségrégation sociale,
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Même s’il faut saluer le travail de notre rapporteure, permettez-moi de dire, alors que nous examinons un texte portant réparation de préjudices subis, qu’il est très compliqué de présenter des amendements, ceux-ci étant chaque fois déclarés irrecevables, même quand ils sont gagés. C’est bien dommage.
Le présent amendement tend à permettre aux personnes visées dans ce projet de loi d’obtenir réparation « en tant que victimes d’une politique de ségrégation sociale ».
En effet, la ségrégation se définit comme une « action par laquelle on met un élément à part, on le sépare de l’ensemble ». La façon dont ont été accueillis les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie – dans les trois départements d’Algérie –, sur le territoire métropolitain, constitue, de fait, une forme de ségrégation sociale.
L’ambition de ce projet de loi étant de reconnaître la responsabilité de la France du fait des conditions indignes de l’accueil des personnes anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles, rapatriées d’Algérie, je souhaite que l’on nomme justement ce qui s’est passé, afin de satisfaire à cet objectif, précisément par l’insertion du mot « ségrégation ».
Il faut distinguer deux types de préjudices : d’une part, le préjudice lié à leur accueil ; d’autre part, et il s’agit bien plus qu’un préjudice, l’outrage, la torture et la barbarie qu’ont subis les harkis demeurés dans ces trois départements français devenus l’Algérie après 1962.
Ici, nous ne parlons que du premier préjudice. Mais il ne serait pas indécent d’envisager, je l’espère dans un avenir proche, au moment où seront peut-être révisées certaines lois mémorielles, par exemple la loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement, que certains citoyens français, les harkis dans le cas d’espèce, puissent bénéficier de réparations au titre des dommages et des outrages qu’ils auraient subis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales. S’il est évident que la communauté harkie a vécu l’abandon et subi l’injustice et la discrimination, il ne semble pas opportun d’apporter une telle précision, qui, du reste, n’aurait aucune incidence sur l’accès au droit à réparation. Celle-ci consacrerait en effet dans la loi un terme particulièrement fort, qui signifie la séparation des personnes pour l’accès au logement, à l’éducation, aux soins, à l’emploi ou aux transports.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. J’ajoute, madame la sénatrice, que cette précision pourrait se révéler restrictive, dès lors que les préjudices subis par les harkis cantonnés dans les camps ne se résument pas à leur mise à l’écart : leur privation de liberté, leur mise sous tutelle administrative, voilà les contraintes qu’a fait subir la République à ces Français qui n’avaient commis aucune faute. Là est le véritable manquement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, madame la rapporteure, je comprends et apprécie vos réponses. Néanmoins, je considère que, dans un texte mémoriel, il est important de nommer les choses, même si, effectivement, ces personnes n’ont pas subi seulement de la ségrégation.
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas une loi mémorielle : c’est une loi de réparation !
Mme Valérie Boyer. Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sur proposition de la commission mentionnée à l’article 3
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. L’article 3 du présent projet de loi prévoit l’institution d’une « commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles ».
Compte tenu de ses missions et de l’expertise que cette commission acquerra dans l’exercice de l’examen et de l’évaluation des préjudices subis, il convient que celle-ci puisse être associée à la fixation des conditions de versement et du barème relatif à la réparation.
Cet amendement a donc pour objet que le décret chargé d’établir ces éléments soit pris sur proposition de ladite commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Comme nous l’avons vu, la commission nationale indépendante sera chargée de proposer, au vu de ses travaux, des évolutions de la liste des structures concernées par le mécanisme de réparation. L’objet de l’amendement est donc en partie satisfait, car cette commission aura un pouvoir de proposition relativement à ce mécanisme.
En outre, un amendement que nous examinerons à l’article 3, auquel la commission est favorable, vise à élargir les pouvoirs et les prérogatives de proposition de la commission à toute mesure de reconnaissance et de réparation.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, à savoir les conditions indignes de vie dans une structure de relégation. Il ne tient pas compte des sommes éventuellement perçues antérieurement à titre de reconnaissance, d’indemnisation de biens ou d’aide sociale.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à préciser clairement que les aides éventuellement perçues antérieurement au titre de la solidarité, de l’aide sociale ou de la reconnaissance des sacrifices endurés ne peuvent être déduites de l’indemnisation proposée dans le cadre de ce projet de loi pour réparation des préjudices évalués.
Je l’ai dit lors de la discussion générale, nous devons être très attentifs au calcul de ces indemnisations. Un certain nombre de harkis et d’associations craignent que celles-ci ne soient considérées comme la suite des allocations déjà perçues.
Ces allocations, je le rappelle, étaient fondées sur le principe de la solidarité sociale et non sur une compensation liée au comportement défaillant de l’État, ce qui est l’objet du présent projet de loi. Aussi, selon nous, il est important d’exclure clairement du calcul desdites allocations les montants déjà perçus. Qu’il n’y ait pas de fongibilité entre les deux nous paraît primordial, et il convient que cela soit inscrit clairement dans la loi.
Par ailleurs, l’aspect définitif de la réparation suscite des craintes. Mme la rapporteure l’a très bien dit, ces indemnisations ne sauraient constituer un solde de tout compte.
Il nous paraît également important que l’aspect définitif de la compensation du préjudice n’empêche pas de nouvelles procédures, ce qui serait totalement restrictif.
Nous souhaitons donc, au travers de cet amendement, acter que les allocations précédemment perçues n’ont rien à voir avec l’indemnisation qui sera calculée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. L’article 2 est très clair concernant les sommes pouvant être déduites du montant de la réparation.
Aucune des autres aides et allocations diverses versées aux anciens supplétifs et aux membres de leurs familles n’étant accordée à titre de réparation de ce préjudice, il ne paraît pas nécessaire d’apporter la précision proposée.
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je considère, comme Mme la rapporteure, que l’amendement est satisfait.
Il ne saurait y avoir de malentendu à cet égard : il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que les aides à caractère social perçues par les harkis ou par les membres de leurs familles le seront au titre de la réparation. C’est d’ailleurs inscrit à l’article 2 : sont déduites de la réparation « les sommes déjà perçues en réparation des mêmes chefs de préjudice ». Ne pourraient être éventuellement concernées que des réparations consécutives à une condamnation prononcée par un juge à l’encontre de l’État.
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une mission d’information parlementaire sur les préjudices subis par les harkis après le 19 mars 1962 est créée. Celle-ci peut suivre les travaux de la commission indépendante instituée par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Un rapport est rendu le 31 décembre 2022.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à créer une mission d’information parlementaire, telle qu’elle est prévue à l’article 51-2 de la Constitution. Elle aura pour objet d’étudier les préjudices subis par harkis après la fin de la guerre d’Algérie, que ce soit sur le sol algérien ou sur le territoire français.
Nous pourrons ainsi mener des auditions d’historiens, de chercheurs, d’universitaires et de descendants de harkis pour être au plus près de la vérité historique. Nous suivrons également les travaux de la commission indépendante instituée par l’ONACVG.
Il est aussi dans les missions du Parlement que d’engager un travail de fond avec le Gouvernement. À l’issue de cette mission d’information, un rapport sera rendu public au plus tard le 31 décembre 2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. L’initiative des travaux de contrôle des parlementaires relève de la conférence des présidents de chaque assemblée, des commissions permanentes et des groupes parlementaires, qui disposent d’un « droit de tirage » annuel. Elle ne relève en aucun de la loi.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. J’ajoute aux propos de Mme la rapporteure que la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices, dont la création est prévue à l’article 3, remettra un rapport annuel d’activité détaillé.
Quant à la composition de la mission d’information que vous souhaitez voir instituer, madame la sénatrice, elle ressemble à celle de la commission indépendante. Il revient au président du Sénat, notamment, de décider si une mission d’information parlementaire se révèle nécessaire.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 61 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 61 est retiré.
Article 3
I. – Il est institué auprès de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre une commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles. Cette commission est chargée :
1° De statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l’article 2, après instruction par les services de l’office ;
2° De contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement au service de la Nation des harkis, des moghaznis et des personnels des diverses formations supplétives et assimilés ainsi que des conditions dans lesquelles ces personnes, les membres de leurs familles ainsi que les autres personnes mentionnées au même article 2 ont été rapatriées et accueillies sur le territoire français ;
3° D’apporter son appui à l’office dans la mise en œuvre des missions définies aux 3° et 3° bis de l’article L. 611-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. À ce titre, la commission signale à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre toute situation individuelle particulière, nécessitant un accompagnement social adapté, dont elle a connaissance dans l’exercice de ses missions ;
4° De proposer des évolutions, au vu de ses travaux, de la liste mentionnée au premier alinéa de l’article 2 de la présente loi.
À la demande de la commission, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre sollicite de tout service de l’État, de toute collectivité publique ou de tout organisme gestionnaire de prestations sociales communication de tous renseignements utiles à l’exercice des missions prévues aux 1° à 4° du présent I.
La commission publie un rapport annuel d’activité, qui rend notamment compte des témoignages recueillis dans le cadre de l’exécution de la mission mentionnée au 2°.
II. – La commission comprend :
1° (Supprimé)
2° Deux maires de communes ayant accueilli sur leur territoire des structures mentionnées au premier alinéa de l’article 2 ;
3° Un membre du Conseil d’État et un magistrat de la Cour de cassation ;
4° Des représentants de l’État, désignés par arrêté du ministre chargé de la mémoire et des anciens combattants ;
5° Des personnalités qualifiées, désignées par le Premier ministre en raison de leurs connaissances dans le domaine de l’histoire des harkis, des moghaznis, des personnels des diverses formations supplétives et assimilés ainsi que des autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local ou de leurs compétences.
Le président de la commission est nommé par le Président de la République parmi les personnes mentionnées aux 3° et 5°du présent II.
Un décret précise la composition et le fonctionnement de la commission, ses attributions et celles de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, les conditions de son indépendance dans l’exercice de ses missions, les modalités de présentation et d’instruction des demandes de réparation ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes concernées peuvent être entendues.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. Je souhaite insister sur le versant mémoriel de ce projet de loi, qui est à mes yeux essentiel. Il s’agit en effet de prévoir, avec ce texte, un travail de mémoire et de transmission de l’histoire des harkis.
Le présent article donne à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices, qu’il crée, la mission de contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement de l’ensemble des harkis.
Je veux saluer, tout d’abord, le travail qui a déjà été effectué par l’ONACVG sur cette question. Ainsi, en 2014, le plan harkis prévoyait le lancement d’une campagne de recueil de témoignages oraux de harkis, afin de collecter et de garder la trace des expériences vécues. Ces témoignages sont mis à disposition du public, mais aussi des chercheurs, dans le cadre de leurs travaux sur la mémoire des harkis.
Néanmoins, une difficulté subsiste quant au recueil de ces témoignages : la barrière de la langue. Il faudra donc veiller à ce que des traducteurs soient présents.
Le deuxième problème est la valorisation de ces mémoires et de ces archives. Il faut soutenir toutes les actions qui y participent. Pour cela, l’ONACVG a conclu des partenariats avec certains services départementaux d’archives, afin d’organiser des journées d’études sur l’histoire et la mémoire des harkis.
J’insiste également sur l’importance de la transmission de cette histoire des harkis. Il est essentiel qu’elle puisse être enseignée, en particulier dans les établissements scolaires.
Le ministère de l’éducation nationale doit s’impliquer pour assurer une diffusion large et pérenne de la connaissance sur ce sujet. À titre d’exemple, des interventions réunissant « quatre voix » – un ancien supplétif, un ancien partisan du FLN, un ancien appelé et un rapatrié d’origine européenne – ont été organisées dans certains établissements.
Ces expériences sont à mon sens très importantes pour permettre la transmission des différentes mémoires de la guerre d’Algérie, ainsi que leur apaisement. Il faut que l’histoire de France, même la plus douloureuse, soit connue et reconnue par l’ensemble de nos concitoyens. C’est une condition du vivre-ensemble.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, sur l’article.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même s’il ne s’agit pas d’une loi mémorielle, la dimension mémorielle de ce texte est bien présente dans cet article 3.
Je me permets d’insister fortement sur le travail qui doit être engagé. Dans l’une de mes interventions précédentes, j’ai indiqué combien la mémoire des harkis était peu connue dans notre pays. Il convient de lui faire toute sa place.
Je viens d’une région qui a eu la malchance d’avoir sur son sol le centre de transit de Rivesaltes, mais qui a la chance aujourd’hui d’accueillir un musée, le Mémorial du camp de Rivesaltes. Dans cet endroit, on permet aux jeunes et aux moins jeunes, aux scolaires comme aux harkis et à leurs enfants, de venir à la rencontre de leur histoire et de leur mémoire.
J’ai évoqué la pudeur éprouvée par certains harkis lorsqu’il s’agit de raconter les exactions et les humiliations qu’ils ont subies. Ils ont cette pudeur, ou bien ils n’ont pas envie de raconter cette histoire à leurs enfants et petits-enfants. Il me semble donc nécessaire que des structures recueillent ces témoignages tant que les harkis sont encore parmi nous, afin que cette mémoire puisse être restituée de la manière la plus objective qui soit à leurs descendants.
Il me paraît également utile de faire toute leur place dans les manuels scolaires aux harkis et à leur histoire tragique et dramatique. Je m’adresse donc à vous, madame la ministre, afin que soient conférés à cette instance les moyens qui lui permettront d’effectuer ce travail de collecte qui, on le sait, est difficile et coûteux. Nous avons besoin de moyens pour que ce travail se fasse dans les meilleures conditions.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Je suis d’accord avec M. Bourgi, mais j’ajouterai, en tant qu’historienne, qu’il faut graver la mémoire dans l’histoire.
La mémoire est passagère, puisqu’elle s’en va avec les êtres humains qui meurent, et elle est fragile. Il faudrait donc, parallèlement à la mémoire, qu’une place plus grande soit accordée dans les livres d’histoire aux recherches faites sur ce sujet, plutôt qu’à une vague idéologie.
Il serait formidable que les générations à venir puissent disposer de cette mémoire, devenue histoire à jamais.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par M. Burgoa, Mmes Bonfanti-Dossat et Estrosi Sassone, MM. Milon, Cardoux et Sol, Mmes Puissat, Belrhiti et V. Boyer, MM. Le Rudulier, Bacci, Bonnus, Regnard et Pellevat, Mmes Lopez et Guidez, M. Grosperrin, Mmes Lassarade et Demas, MM. Bouchet, Anglars et Lefèvre, Mme Devésa, MM. Sido, Grand et Bansard, Mmes Renaud-Garabedian et Gosselin, MM. Hingray, Belin et Genet, Mme Ventalon et MM. Somon et Brisson, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre
par les mots :
du Premier ministre
II. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
, après instruction par les services de l’office
III. – Alinéa 4
1° Première phrase
Remplacer le mot :
office
par les mots :
Office national des anciens combattants et victimes de guerre
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
national des anciens combattants et victimes de guerre
IV. – Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
La commission publie un rapport annuel d’activité, qui rend notamment compte des témoignages recueillis dans le cadre de l’exécution de la mission mentionnée au 2° .
…. – L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre assiste la commission mentionnée au I dans la mise en œuvre de ses missions.
À ce titre, il assure le fonctionnement de la commission, participe à l’instruction des demandes qui lui sont adressées et exécute les décisions qu’elle prend sur le fondement du 1° du même I. Il peut également, à la demande de celle-ci, solliciter de tout service de l’État, de toute collectivité publique ou de tout organisme gestionnaire de prestations sociales communication de tous renseignements utiles à l’exercice de ses missions.
V. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
arrêté du ministre chargé de la mémoire et des anciens combattants
par les mots :
le Premier ministre
VI. – Alinéa 15, au début
Ajouter la mention :
III. –
La parole est à M. Laurent Burgoa.
M. Laurent Burgoa. Le présent amendement, cosigné par ma collègue Christine Bonfanti-Dossat et rédigé avec elle, vise à clarifier l’organisation et les modalités de fonctionnement de la commission instituée à l’article 3 du projet de loi. À cette fin, il prévoit de renforcer les garanties d’indépendance de cette nouvelle instance en la plaçant auprès du Premier ministre, et non plus auprès de l’ONACVG.
Conformément à ce changement de rattachement administratif, il tend également à modifier le II de l’article 3, afin de préciser que les représentants de l’État siégeant au sein de cette commission seront désignés par le Premier ministre, et non plus par le ministre chargé des anciens combattants.
De plus, en complément de ce nouveau positionnement de la commission, le présent amendement tend à conforter l’ONACVG dans sa mission d’instruction des demandes de réparation présentées sur le fondement de l’article 2 du projet de loi et à prévoir que l’établissement public assurera des missions de soutien nécessaires au bon fonctionnement de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. En prévoyant de rattacher la commission au Premier ministre, cette disposition porte au plus haut niveau de la hiérarchie administrative cette commission de reconnaissance. Elle permet aussi de bien cadrer le rôle de l’ONACVG, qui assurera non pas la tutelle de la commission, mais bien un appui et une aide à la décision.
Une telle mesure permet ainsi de compléter les modifications apportées par la commission des affaires sociales, qui a souhaité renforcer l’indépendance de cette commission.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je partage la nécessité de clarifier les prérogatives respectives de la commission nationale indépendante et de l’ONACVG, lequel instruira simplement les dossiers de demandes de réparation.
Placer la commission auprès du Premier ministre est une bonne solution pour garantir son indépendance et sa capacité à travailler dans de bonnes conditions.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.) – (M. Philippe Tabarot et Mme Valérie Boyer applaudissent.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 64 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 66 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Grand, Chasseing, Cadic et Daubresse, Mmes Vermeillet et N. Delattre, MM. Verzelen, Guérini et Hingray et Mme Mélot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° D’entendre à leur demande les combattants mentionnés au premier alinéa de l’article 1er, d’examiner leur situation et de leur proposer toute mesure de reconnaissance appropriée ;
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 64.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Cet amendement vise à garantir à l’ensemble des harkis combattants un accès à la commission, afin que celle-ci examine leur situation et propose toute mesure de reconnaissance appropriée.
L’objectif est de s’assurer que tous les harkis ayant combattu pour la France puissent se faire connaître et être entendus de droit par la commission s’ils le souhaitent, qu’ils aient ou non vécu dans des camps.
J’insiste sur cette mission très importante de la commission. En effet, à côté de la réparation des préjudices spécifiques du fait des manquements de l’État, elle joue un rôle mémoriel majeur – cela a été dit précédemment –, qui ne doit pas être limité aux seuls harkis ayant séjourné dans les camps mais étendu à tous les harkis, afin que la Nation puisse les reconnaître.
Au travers de la reconnaissance de l’ensemble des harkis combattants, c’est leur histoire et leur parcours au service de la France qui sont pris en compte. Nous assurons ainsi de meilleures connaissances et transmissions de la mémoire. Et la commission, j’y insiste, pourra prendre en leur faveur toute mesure de reconnaissance appropriée.
Donner davantage de prérogatives à la commission permet de ne pas enfermer le projet de loi et d’ouvrir des évolutions positives.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 66 rectifié bis.
M. Bernard Buis. L’article 3 du projet de loi fixe les missions principales de la commission nationale indépendante. Celle-ci aura vocation à statuer sur les demandes de réparation, à contribuer au recueil des témoignages et aux actions de transmission de la mémoire, mais aussi à appuyer l’ONACVG dans la conduite de ses missions d’assistance en faveur des rapatriés. Enfin, elle aura la faculté de proposer des évolutions de la liste des lieux dans lesquels il est nécessaire d’avoir séjourné pour bénéficier du mécanisme de réparation.
Cet amendement vise à compléter ces missions, en prévoyant spécifiquement un accès prioritaire à la commission pour les anciens combattants harkis et moghaznis et pour le personnel de diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilé, et cela peu importe leurs conditions de rapatriement et d’accueil sur le territoire national.
En l’état actuel du texte, une telle compétence n’est pas encore prévue. Cet amendement vise à combler ce manque. Je suis certain, mes chers collègues, que vous serez tous naturellement sensibles à cette écoute accordée aux harkis combattants.
Ainsi la commission sera-t-elle compétente pour entendre, à leur demande, ces anciens combattants. Elle pourra leur proposer, au regard de la situation individuelle des personnes entendues, toute mesure de reconnaissance appropriée compte tenu des services qu’ils ont rendus à la Nation.
Je remercie mes collègues des nombreux groupes qui ont cosigné cet amendement et qui le soutiennent, parce qu’ils sont convaincus de sa portée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. En consacrant la mission consistant à entendre les harkis combattants à leur demande, les amendements identiques nos 64 et 66 rectifié bis visent à donner à ces personnes une priorité en termes de recueil de leur témoignage. Ce sera très précieux, et même essentiel, pour le travail mémoriel.
Il conviendra, pour la mise en œuvre effective de cette disposition, de bien articuler cette prérogative avec les missions de l’ONACVG, dont les compétences et le maillage territorial permettent d’accompagner les anciens combattants dans leurs démarches.
J’émets donc un avis de sagesse favorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.
M. Philippe Tabarot. Ces amendements identiques sont de façade ! Celui du Gouvernement a été rédigé à la hâte, car vous savez, madame la ministre, que les harkis sont mécontents du mécanisme d’indemnisation prévu dans ce projet de loi. Cette disposition constitue votre aveu d’échec : vous essayez, en vain, de trouver une échappatoire au dispositif d’indemnisation partielle que vous mettez en place.
Vous pensez en effet que nous nous contenterons de ce mandat, donné à la commission instituée au présent article 3, d’examiner la situation des harkis qui n’entrent pas dans le champ du dispositif d’indemnisation prévu par le texte.
Contrairement à nous, le Gouvernement n’est aucunement tenu par la recevabilité financière de ses amendements. Vous pouvez donc décider d’inclure dans l’indemnisation prévue les 50 000 harkis qui en sont exclus actuellement. Il vous est possible de le faire en modifiant ce mécanisme froid et objectif, qui ne tient pas compte de tous les préjudices.
De plus, ces amendements identiques semblent être un copier-coller de celui du président Retailleau, qui sera présenté par la suite et qui a le mérite d’exister malgré les difficultés de recevabilité financière qu’il pose. Or, même en faisant un tel copier-coller, le Gouvernement continue à être restrictif !
Comme vous l’annoncez dans l’objet de votre amendement, madame la ministre, ceux qui ne seront pas indemnisés dans le cadre du présent projet de loi pourront être entendus par la commission, laquelle devra leur proposer un accompagnement social et administratif adapté. Vous ne prévoyez donc pas une véritable ouverture à l’indemnisation.
Pour toutes ces raisons, je suis contre ces amendements identiques, dont le défaut est d’être plus restrictifs que l’amendement Retailleau que nous allons examiner.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 66 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° De chiffrer le montant global des réparations en fonction de l’évaluation des préjudices effectifs et sociaux subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par les membres de leurs familles ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet d’intégrer aux missions de la commission nationale indépendante la tâche de chiffrer le montant global des réparations, en fonction de l’évaluation des préjudices effectifs et sociaux subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par les membres de leurs familles, qu’il s’agisse des atteintes à leur dignité, des conditions de dénuement dans lesquelles ils ont été contraints de vivre, ou encore des préjudices sociaux tels que la privation d’activité professionnelle.
L’objectif est également de ne pas fonder cette réparation uniquement sur le nombre de mois passés dans les lieux ciblés par la loi, mais de permettre à la commission de poursuivre une évaluation plus précise des préjudices et de travailler à une meilleure réparation en fonction des résultats de ses travaux.
Le montant global des réparations doit en effet, non pas se fonder mathématiquement sur le nombre de mois passés dans des camps ou des hameaux de forestage, mais être déterminé sur le fondement de l’évaluation des préjudices subis par les harkis.
Est aussi visée ici l’équité de traitement dans la réparation individuelle des préjudices subis, sans pour autant remettre en cause le dispositif actuel, mais davantage son chiffrage global, fixé a priori de manière prédéterminée.
Cette proposition est conforme et fidèle à une approche visant à la réalisation d’un véritable travail d’évaluation des préjudices subis par les harkis, seul à même de rendre justice de manière incontestable et incontestée, et ainsi de clore de manière apaisée cette partie de notre histoire commune.
Je veux aussi vous rappeler, madame la ministre, comme l’a fait M. Tabarot – en effet, vous n’avez pas répondu jusqu’à présent de manière claire à cette interpellation commune, formulée à plusieurs reprises –, que vous avez toute latitude pour répondre aux différentes questions qui vous sont posées ici sur l’extension du périmètre de la réparation ou sur la façon de calculer l’indemnisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Le système prévu par le projet de loi permet d’indemniser les intéressés, à la seule condition qu’ils apportent la preuve d’un séjour dans une structure fermée, établissant ainsi une présomption de préjudice.
Le chiffrage proposé n’aurait donc pas de conséquence sur le mécanisme forfaitaire à l’article 2. Il est préférable, comme le prévoit un amendement que nous examinerons par la suite, que la commission soit plus largement force de proposition, pour faire évoluer les dispositifs existants de reconnaissance et de réparation.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, nous avons choisi ce cadre de la durée du séjour et du montant forfaitaire parce que nous voulions un dispositif qui soit simple, accessible et rapide à mettre en œuvre.
Il n’y a pas de durée minimale prévue, et la réparation sera proportionnelle au temps passé dans les camps : elle ne sera pas la même selon que l’on y aura vécu durant une semaine, un mois, dix ans ou quinze ans.
Je puis vous assurer que nombre de dispositifs complexes sont très difficiles à mettre en œuvre. Si nous complexifions les choses, le risque est que dans dix, quinze ou vingt ans, les harkis et leurs familles n’aient pas encore bénéficié de la réparation ! Ce n’est pas du tout ce que nous souhaitons.
Le système que nous mettons en place peut paraître assez basique, mais il est tout à fait équitable, dans la mesure où le calcul du préjudice, donc de la réparation, se fait en tenant compte du temps passé dans les camps.
Je le redis, la réparation est individuelle : elle est perçue par chaque membre de la famille ayant vécu dans ces conditions.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bascher, Belin, J.-B. Blanc et Bouchet, Mme V. Boyer, M. Daubresse, Mmes Dumont et Joseph et MM. Karoutchi, Laménie, Le Gleut, Longuet, Paccaud et Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
D’apporter son appui à
par les mots :
De solliciter autant que nécessaire
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Ce projet de loi est loin de satisfaire les familles des harkis et les associations. Celles de mon territoire des Alpes-Maritimes ont notamment fait part de leur incompréhension face au rôle attribué à la commission instituée par cet article. À leurs yeux, cette dernière n’a pas vocation à être au service de l’ONACVG. Au contraire, il revient à cet office de solliciter la commission, en requérant son expertise.
L’amendement vise donc à rétablir la logique et à « inverser la vapeur », en remettant la commission au centre du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Je vous remercie, ma chère collègue, de présenter cette disposition qui permet de rassurer les associations.
Elle ne remet absolument pas en cause la répartition des rôles entre la commission et l’ONACVG, lequel sera bien chargé d’assister la commission et d’exécuter ses décisions, comme le prévoit l’article 3.
Les conditions d’indépendance de cette commission ont été renforcées dans le texte et son rattachement au Premier ministre, via l’adoption d’un précédent amendement, apporte des garanties utiles et suffisantes.
L’inquiétude exprimée au travers du présent amendement est donc levée par la claire répartition des rôles prévue à l’article 3. J’en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Pour compléter mon propos précédent sur la simplification, je veux ajouter un point sur le rôle de l’ONACVG dans le processus d’indemnisation.
Il suffira à un harki ou à un enfant de harki, ayant vécu dans un camp, de signer un papier pour demander réparation. C’est alors l’ONACVG qui recherchera dans les archives combien de temps cette personne est restée dans ce lieu. Ces démarches de recherche étant toujours très longues et difficiles, l’Office aura un rôle de facilitateur.
Ce travail technique de facilitation permettra une réparation la plus équitable et la plus rapide possible.
En ce qui concerne l’amendement, qui est satisfait, je partage le point de vue de Mme la rapporteure : j’en demande le retrait, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Madame Borchio Fontimp, l’amendement n° 63 rectifié est-il maintenu ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 rectifié est présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.
L’amendement n° 48 est présenté par M. Stanzione, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Temal, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
mentionnée
par les mots :
et de la date du 31 décembre 1975 mentionnées
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à élargir la période de prise en compte de la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis, afin que chacun puisse prétendre aux réparations sans que de dramatiques effets de seuil soient créés.
Nous appelons au bon sens, à la souplesse et à la bienveillance.
Selon plusieurs experts, la fermeture des camps et de certaines structures d’accueil n’a pas réglé la situation des familles de harkis. En 1981, quelque 22 hameaux de forestage sur les 75 répertoriés n’étaient pas encore fermés, tout comme certains foyers de transit de la Société nationale de construction de logement de travailleurs (Sonacotra).
Si les privations de liberté n’étaient pas les mêmes, il n’en demeure pas moins que les harkis y subissaient une sorte de tutelle sociale. C’est pourquoi j’insiste sur la souplesse et la bienveillance dans l’examen des situations, ainsi que sur l’élargissement de la période.
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l’amendement n° 48.
M. Lucien Stanzione. Madame la ministre, si la décision de fermer les camps et les hameaux de forestage a été prise lors du conseil des ministres du 6 août 1975, toutes les familles de harkis n’ont pas quitté ces lieux d’accueil et ces structures ont subsisté après 1975.
En plus de leurs difficultés de relogement, et à cause de leur long isolement, les familles ont dû s’adapter à un environnement économique et social qui leur était étranger.
Cet amendement tend donc à permettre à la commission nationale de proroger le délai de prise en compte des préjudices subis par l’ensemble des personnes concernées et de déterminer une autre date butoir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Ces deux amendements identiques ont été examinés en commission. C’est un fait, la date du 31 décembre 1975 correspond à la fermeture administrative des camps et des hameaux, c’est-à-dire à la fin de leur gestion par l’État.
Toutefois, l’amendement déposé par M. Retailleau, que nous étudierons ensuite, vise à permettre à la commission nationale d’ouvrir un champ plus large pour examiner jusqu’où peut aller l’indemnisation, notamment en ce qui concerne les « zones grises » parmi les lieux où les harkis ont été accueillis.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, la loi a édicté la fermeture des structures à la date du 31 décembre 1975, qui marque officiellement la fin de la tutelle administrative sur les populations concernées.
Je sais bien qu’un certain nombre de harkis a continué à vivre, parfois pendant plusieurs années, dans les hameaux de forestage. Ils ont bien souvent été aidés par les maires des communes où ces hameaux étaient situés – je veux d’ailleurs leur rendre hommage –, à s’équiper et à s’installer avec plus de facilité – je n’ose dire de confort –, mais aussi à réaliser toutes leurs démarches.
Cette date marque cependant la normalisation de la situation. Au-delà, les conditions d’engagement de la responsabilité pour faute de l’État ne sont plus réunies.
Compte tenu de la nature particulière du préjudice subi, que le projet de loi entend réparer, la réévaluation de la limite temporelle au-delà du 31 décembre 1975 ne paraît pas justifiée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 48.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Tabarot, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bansard, Bas et Bazin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Daubresse et de Nicolaÿ, Mmes Deseyne, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau, Frassa et Frogier, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Hugonet et Husson, Mmes Imbert, Jacques, Joseph et M. Jourda, MM. Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Meignen, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Mouiller, Paccaud, Panunzi, Paul, Perrin et Piednoir, Mmes Pluchet, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Reichardt, Mme Renaud-Garabedian, MM. Rietmann, Rojouan, Saury et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol et Somon, Mme Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° De proposer, au vu de ses travaux, toute mesure de reconnaissance et de réparation envers les personnes mentionnées au 2° du présent I.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement est important pour nous. Si ses dispositions ne récapitulent pas totalement le sens de notre démarche, elles disent beaucoup de l’esprit dans lequel nous abordons ce texte.
Je remercie Mme la rapporteure de son travail important. Elle l’a dit lors de la discussion générale : pour nous, ce texte ne constitue en aucun cas un solde de tout compte, un point d’arrivée ou un point final. Il est bien un point de départ.
Lors de l’examen du texte en commission, nous avons ouvert à l’article 1er la reconnaissance des préjudices commis au-delà des camps et des hameaux de forestage, dans les « structures de toute nature » hébergeant ces populations rapatriées.
La commission nationale de reconnaissance et de réparation instituée par le texte va jouer un rôle fondamental, mais seulement à condition qu’elle soit indépendante et que son périmètre d’action soit ouvert.
Avec le temps, cette commission pourrait se voir confier une mission supplémentaire. Il serait tellement naturel qu’elle puisse examiner les dossiers relatifs aux zones grises, pour déterminer quelles reconnaissances et quelles réparations peuvent être apportées à ceux qui y ont souffert.
Les uns et les autres l’ont dit : aucun texte ne peut être à la mesure de la tragédie vécue par ces familles. Aucun !
Nous avons une responsabilité particulière. Si nous ne sommes pas capables d’instituer une commission indépendante dont le travail objectif et scientifique permettrait de prendre en compte des situations que le texte n’a pas déterminées, alors nous passerons à côté du souci de réparation et de reconnaissance, que tous, par-delà les appartenances partisanes, nous voulons inscrire dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Grâce à son expertise et à ses travaux d’instruction des demandes de réparation et de recueil de la mémoire, la commission nationale sera parfaitement bien placée pour évaluer la nécessité de faire évoluer les mesures de reconnaissance et de réparation, ainsi que les aides spécifiques en faveur des harkis.
Ces travaux permettront de poursuivre le travail de mémoire et la réflexion sur les moyens adaptés pour réparer ces souffrances. Ces propositions pourront également nourrir des textes tant législatifs que réglementaires.
La mission proposée par cet amendement semble tout à fait justifiée et opportune. L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avancer positivement concernant cette commission nationale.
Nombre d’éléments visés par l’amendement que vous proposez sont déjà satisfaits : l’indépendance de la commission, ses capacités de juger si certains lieux qui n’auraient pas été répertoriés doivent être inclus dans le périmètre des réparations.
L’amendement n° 64, que je viens de présenter, n’a pas été écrit vite fait sur un coin de table, contrairement à ce que j’ai entendu ! Nous l’avons rédigé après avoir rencontré des associations de harkis, qui souhaitaient pouvoir être auditionnées par la commission, afin que les mesures appropriées de reconnaissance soient prises. Il a été adopté, et nombre d’éléments que vous demandez sont donc déjà inscrits dans le texte.
Je ne voudrais pas que l’institution de cette commission nationale suscite de fortes attentes et de potentielles déceptions. J’émets donc un avis à la fois défavorable et de sagesse, ou plutôt un avis de sagesse défavorable. (Sourires.)
Dans la mesure où presque toutes ses dispositions sont inscrites dans l’article, je ne peux pas vous dire que cet amendement est inutile… Même si je pense qu’il est largement satisfait, je ne me permets pas de vous demander de le retirer.
J’émets donc un avis de sagesse défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous proposons que ce texte concerne tous les harkis, et pas seulement la moitié d’entre eux qui est passée par les camps. Le drame, nous l’avons dit et répété, a été vécu par tous.
Néanmoins, tous nos amendements tendant en ce sens ont été jugés irrecevables, contrairement au vôtre, monsieur Retailleau, je ne sais par quel miracle – vos connaissances en ce qui concerne le fonctionnement du Sénat doivent être plus anciennes que les miennes… (Sourires.)
Nous soutiendrons donc cet amendement, qui vise à examiner non pas uniquement les situations des combattants eux-mêmes, mais tous les cas individuels auprès des familles et des ayants droit.
La priorité doit aller au mécanisme de la somme forfaitaire, qui est simple et qui permet d’agir vite pour les plus anciens passés par les camps. Mais cette commission doit aussi remplir une mission d’examen des cas individuels, pour que chacun ait droit à une reconnaissance des événements passés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je voudrais juste apporter une précision. Je parlais d’un risque de déception, car la commission ne pourra pas elle-même décider des réparations attribuées. Elle pourra uniquement faire des propositions au Gouvernement, et ces dernières devront ensuite faire l’objet d’un nouveau texte de loi.
Bien des points de cet amendement sont déjà satisfaits. Aussi, l’adoption de ce dernier va peut-être susciter de faux espoirs, alors qu’il faudra toujours un acte législatif ensuite, comme M. Retailleau le sait.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Même si un autre texte législatif sera en effet nécessaire, madame la ministre, nous avons toujours dit au cours de ce débat que nous ne souhaitions pas que les discussions s’arrêtent là. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous répétons que nous avons choisi de l’adopter comme une première étape.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Madame la ministre, vous avez fait la moitié du chemin en émettant un avis de sagesse, certes défavorable.
Néanmoins, votre position est paradoxale. Vous ne pouvez pas dire que l’amendement est satisfait et craindre les éventuelles désillusions qu’il pourrait entraîner… Vous voyez bien qu’il y a là comme un choc de sens ! (Sourires.)
Comme cet amendement sera peut-être adopté, je précise qu’il fera partie des lignes rouges que nous défendrons lors des négociations de la commission mixte paritaire.
Nous ne sommes pas à l’origine de ce texte. Nous voulons simplement donner un signal fort et vous accompagner dans la reconnaissance, l’indemnisation et la réparation que la France doit à toutes ces familles, qui ont souffert plus qu’aucun d’entre nous. Nous voulons que le texte ne soit pas verrouillé, pour que, demain, les zones grises puissent être complétées et les situations personnelles et familiales prises en compte.
Nous sommes des législateurs, et nous savons très bien que les lois ne traitent pas tous les cas. À chaque fois, un certain nombre de cas individuels ou familiaux passent à travers les mailles du filet.
Nous voulons simplement inscrire notre démarche dans la durée, en préservant, comme cela a déjà été fait pour d’autres événements historiques, l’indépendance de la commission nationale et ses travaux quasiment scientifiques. La mission supplémentaire que nous souhaitons confier à la commission indépendante lui permettra d’avoir une forme de souveraineté pour reconnaître les cas qui seraient situés dans des zones grises et pour réparer les préjudices.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Monsieur Retailleau, je partage avec vous l’idée que la loi ne doit pas être cadenassée.
C’est ce que nous avons tenté de faire tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, où des amendements visant à faire avancer les prérogatives de la commission ont été votés. Nous partageons les mêmes objectifs. La discussion n’est pas fermée, et nous devons continuer à avancer intelligemment.
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les fonds documentaires recueillis au titre du 2° sont reversés à une fondation pour la mémoire reconnue d’utilité publique. Cette fondation ne bénéficie pas de fonds publics.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise à faire en sorte que, à l’instar des travaux sur la Seconde Guerre mondiale conduits par la Fondation pour la mémoire de la Shoah, le travail documentaire et scientifique de la commission soit utilisé, afin de participer à la connaissance de cette période de notre histoire.
Ces fonds doivent être enseignés et rendus publics, afin de participer au nécessaire et fondamental travail de mémoire sur le long terme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. La loi du 23 février 2005 a déjà institué une fondation. Il serait préférable que les fonds documentaires soient envoyés à cette dernière, dont les statuts pourraient être renforcés, afin qu’elle prenne acte de tous les documents transmis dans le cadre de ce travail mémoriel.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Certes, il est primordial que les travaux et les fonds documentaires de la commission soient conservés et archivés. Néanmoins, cette mission relève du code du patrimoine et du service public d’archives compétent, qui mettra en œuvre le contrôle scientifique et technique permettant de garantir la conservation et l’accessibilité dans les meilleures conditions de ces archives.
Je ne mets pas en doute le fait que les fondations soient capables d’archiver les documents. D’ailleurs, elles peuvent bien entendu conserver un double de ces documents. Mais les services d’archives doivent garantir la conservation des fonds.
Par ailleurs, la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, qui est très efficace, a déjà la capacité de conserver tous les documents concernés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais nous nous sommes mal compris. Nous demandons non pas que soit créée une nouvelle fondation, mais que les documents récupérés par la commission puissent être reversés à cette fondation qui existe déjà.
Les archives départementales sont en effet censées être capables de recevoir ce type de fonds. Mais il serait intéressant, comme c’est le cas pour la Fondation pour la mémoire de la Shoah, que ces documents soient reversés à cette fondation, qui, je le répète, existe déjà.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 9 rectifié est présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.
L’amendement n° 25 est présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.
L’amendement n° 54 est présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Un député et un sénateur désignés par les commissions permanentes chargées de la mémoire et des anciens combattants de l’Assemblée nationale et du Sénat ;
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Je souhaite que nous rétablissions la rédaction initiale de l’article 3, qui prévoyait qu’un député et un sénateur siègent au sein de la commission nationale indépendante.
Je rappelle que le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif seront tous deux représentés dans cette commission, où siégeront notamment un membre du Conseil d’État, un magistrat de la Cour de cassation et des représentants de l’État désignés par arrêté du ministre chargé de la mémoire et des anciens combattants. En l’absence de députés et de sénateurs, le pouvoir législatif ne serait pas représenté.
Le Parlement doit jouer pleinement son rôle et intégrer cette commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis.
Puisqu’il me reste un peu de temps de parole, vous me permettrez, madame la ministre, de revenir sur l’adoption de l’amendement n° 1 rectifié, défendu par M. Retailleau. Alors qu’il a été voté à l’unanimité dans ces travées, j’ai trouvé triste que l’on ergote sur ses propositions consensuelles.
Soixante ans après les faits, il me semble normal qu’une première étape soit votée. Sur un texte de mémoire et de réparation, il est important de prendre en compte les vœux de la représentation nationale. L’émotion des familles qui ont vécu de l’autre côté de la Méditerranée doit être comprise.
Pour cette raison, j’ai voté cet amendement, et je suis satisfaite qu’il ait été adopté par l’ensemble des sénateurs. Mais j’aurais bien aimé qu’il y ait davantage d’enthousiasme, car il me semble normal de prendre en compte aussi les propositions du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 25.
M. Guy Benarroche. Il s’agit de réintégrer dans la commission nationale des parlementaires. Cela permettrait d’accroître la représentativité de cette commission, mais aussi de fournir un premier relais au suivi parlementaire du fonctionnement et des besoins de cette commission.
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l’amendement n° 54.
M. Lucien Stanzione. Les objectifs affichés dans ce texte sont la reconnaissance et la réparation par la Nation des préjudices subis.
Or, la non-participation de la représentation nationale aux travaux de cette commission semble contredire ces objectifs, ce qui est incompréhensible. Nous vous demandons donc, madame la ministre, de faire en sorte que la représentation nationale y siège, par l’intermédiaire de membres de l’Assemblée nationale et du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Cette suppression est conforme aux orientations du bureau du Sénat, qui a considéré, en 2015, qu’il n’était pas souhaitable de multiplier la participation des sénateurs à des organismes extraparlementaires.
En outre, les prérogatives des parlementaires en matière de contrôle et d’évaluation permettront de suivre et de contrôler les activités de cette commission de reconnaissance et de réparation. Si nous y siégeons, nous serions en quelque sorte juges et parties. (Mme Émilienne Poumirol et M. Lucien Stanzione protestent.)
Il est donc préférable de suivre les recommandations du bureau du Sénat et de nous inscrire dans nos prérogatives constitutionnelles, plutôt que de siéger dans cette commission.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Ma position diffère de celle qui vient d’être exprimée par Mme la rapporteure. Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, le Gouvernement ne s’était pas opposé à un amendement similaire, qui avait été adopté par les députés. Le texte transmis au Sénat comprenait ces dispositions.
Cette question relève davantage des échanges entre les deux assemblées, qui sont souveraines. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Les parlementaires sont les représentants de la Nation. Il est tout de même étonnant qu’ils s’excluent eux-mêmes d’un organisme qui concerne une bonne partie de cette dernière !
Je voterai en faveur de ces amendements. Je comprends que le bureau du Sénat ne souhaite pas multiplier la présence de parlementaires dans des organismes divers, mais cette commission est très importante (M. Tabarot approuve.), et les parlementaires y ont toute leur place. Je pense que ce serait une faute de ne pas y participer. (Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Lucien Stanzione approuvent.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je voudrais moi aussi revenir au texte, tel qu’il a été transmis par l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons pas sans cesse nous plaindre du peu de place laissée au Parlement et, en même temps, nous exclure nous-mêmes du rôle de contrôle que nous pouvons jouer dans ce type de commission !
Comme cela vient d’être rappelé, il s’agit d’un sujet majeur. Aussi, il nous semble essentiel de participer à cette commission.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, je voterai en faveur de ces amendements.
Pour être dans l’air du temps, je vous ferai cependant remarquer que, pour avoir la parité, il faudrait que cette commission comporte deux députés et deux sénateurs, car si les députés élisaient un homme, ils ne pourraient pas alors nous obliger à élire une femme. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié, 25 et 54.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 56 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, désignés en concertation avec les associations d’élus
II. – Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, désignés, respectivement, sur proposition du vice-président du Conseil d’État et du premier président de la Cour de cassation
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à prévoir les conditions de désignation des membres qui siégeront au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation créée par l’article 3 du projet de loi.
En effet, la composition de cette commission a été précisée à l’Assemblée nationale. Si les autorités compétentes désignant les représentants de l’État et les personnalités qualifiées ont bien été précisées, tel n’est en revanche pas le cas pour les autres catégories.
Cet amendement vise à remédier à cette omission. Ainsi, il semble opportun de préciser que la désignation du membre du Conseil d’État et du magistrat de la Cour de cassation interviendra sur proposition du vice-président du Sénat et du président de la Cour de cassation.
De même, la désignation des maires des communes ayant accueilli sur leur territoire des structures mentionnées à l’article 2 du présent projet de loi interviendra en concertation avec les associations d’élus, afin que leur indépendance soit garantie.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet amendement a pour objet d’assurer l’indépendance des membres siégeant au sein de la commission, et d’associer pleinement les autorités concernées au processus de désignation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. L’amendement proposé est différent de celui qui a été examiné par la commission.
Comme la commission n’a pas pu examiner cette version rectifiée de l’amendement, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. L’amendement tend à préciser utilement les conditions de désignation des membres de la commission.
Il vise à renforcer les garanties d’impartialité conférées par le projet de loi, en précisant que les maires des communes ayant accueilli sur leur sol des structures de transit et d’hébergement au sein desquelles ont séjourné des personnes rapatriées d’Algérie seront désignées en concertation avec les associations d’élus. De telles dispositions sont tout à fait normales.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Des représentants des associations de harkis et de leurs familles ;
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Les représentants mentionnés au II ne sont pas rémunérés.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. La commission nationale de reconnaissance et de réparation aura différentes missions.
En plus de statuer sur les demandes de réparation, elle participera au recueil et à la transmission de la mémoire, en ce qui concerne tant l’engagement des harkis que les conditions de leur rapatriement et de leur accueil sur le territoire national. Elle coordonnera et facilitera l’application des dispositions législatives et réglementaires concernant les rapatriés, notamment celles destinées à faciliter leur réinstallation. Elle aura encore pour but de faciliter les démarches administratives des enfants et des petits-enfants des harkis et assimilés.
De plus, afin de mener ces missions, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre peut solliciter, à la demande de la commission de reconnaissance et de réparation, la communication des renseignements utiles de la part de tout service de l’État, de toute collectivité publique ou de tout organisme gestionnaire de prestations sociales.
Pour mieux prendre en compte les problématiques rencontrées par les harkis, nous souhaitons que des représentants des associations de harkis, mobilisées de longue date, complètent la composition de cette commission. Ils doivent en effet être au plus près des décisions et des discussions qui seront prises à leur sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Au travers de cet amendement, mon cher collègue, vous proposez que des représentants de harkis siègent au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation.
Cette commission a d’ailleurs vocation à recueillir le témoignage de ceux qui ont vécu cette histoire.
Pour autant, il me semble délicat et compliqué de prévoir que des harkis siégeront au sein de cette commission en tant que membres. Les décisions de réparation de la commission risquent de s’en trouver fragilisées. Il est donc préférable que la commission nationale recueille directement les témoignages individuels des intéressés, qui pourront chacun raconter leur histoire.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. On souhaite garantir la composition diversifiée de cette commission, ce qui est positif, et, par exemple, la participation des maires des communes ayant accueilli sur leur sol des structures de transit est importante. Toutefois, il ne me paraît pas opportun de garantir la présence des associations de harkis en cette qualité – j’insiste sur ce dernier point. Bien entendu, elles pourront être entendues en tant que de besoin.
Il y aura très vraisemblablement, dans cette commission, des enfants de harkis ayant des compétences particulières – des historiens, des sociologues ou des psychologues –, mais, je le répète, il ne me paraît pas souhaitable d’y faire siéger des associations.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
L’article L. 611-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis D’assurer l’instruction des demandes présentées sur le fondement de l’article 2 de la loi n° … du … portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français ; »
2° Au 2°, les mots : « à ce titre » sont remplacés par les mots : « au titre des 1° et 1° bis » ;
2° bis (nouveau) Au 3°, les mots : « rapatriés, notamment celles destinées à faciliter leur réinstallation, ainsi que celles fixées par la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » sont remplacés par les mots : « personnes mentionnées aux 1° et 1° bis » ;
3° Après le 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis De faciliter les démarches administratives des descendants jusqu’au second degré des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local, notamment l’accès aux dispositifs d’aide de droit commun auxquels ils peuvent prétendre et à ceux réservés aux enfants des anciens membres des formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local ; ».
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. L’article 4 s’inscrit dans la continuité des interventions précédentes ; je pense notamment aux nouvelles missions confiées à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).
Je souhaite présenter quelques éléments à caractère financier.
L’ONACVG, doté d’un budget de 108 millions d’euros, fait partie, avec l’Institution nationale des invalides, des deux opérateurs de l’État dont le financement est prévu au programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », que la commission des finances a examiné au mois de novembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.
Le programme 169 connaît, du fait de la démographie, malheureusement, une légère baisse de ses crédits, qui s’établissent à 1,97 milliard d’euros, y compris les crédits consacrés à l’ONACVG.
Cet office est un acteur important de la mise en œuvre des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » et s’appuie sur 805 équivalents temps plein (ETP). Cet établissement public, placé sous la tutelle du ministre des armées, a des missions importantes, notamment mémorielles. Il compte 104 services déconcentrés, présents dans chaque département, y compris en outre-mer, ainsi qu’en Algérie et au Maroc.
Toutefois, si le volet financier est important, le volet humain l’est tout autant, car il faut examiner la situation des rapatriés. Il convient de pérenniser les aides versées aux harkis, ainsi qu’à leurs ayants droit, et de mieux prendre en considération chaque situation. Tel est notre vœu.
Je voterai bien entendu cet article.
M. le président. L’amendement n° 57, présenté par MM. Iacovelli, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après les mots :
du fait de
insérer les mots :
l’indignité de
2° Après les mots :
conditions d’accueil
insérer les mots :
et de séjour dans certaines structures
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement est purement rédactionnel : il vise à tirer les conséquences de modifications adoptées en commission et en séance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Avis favorable également.
Je tiens par ailleurs à remercier M. Laménie d’avoir évoqué l’ONACVG, que je suis heureuse d’avoir pérennisé dans tous les territoires. Cet office a signé un contrat d’objectifs et de performance qui tient la route, pour six ans. Je vous remercie d’en avoir dit un mot, monsieur le sénateur.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
(Non modifié)
Le 4° de l’article 81 du code général des impôts est complété par un d ainsi rédigé :
« d. La somme forfaitaire valant réparation prévue à l’article 2 de la loi n° … du … portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français ; ». – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Le II de l’article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « assujetties » est remplacé par le mot : « assujettis » ;
2° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° La somme forfaitaire valant réparation prévue à l’article 2 de la loi n° … du … portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français. » – (Adopté.)
Chapitre II
Mesures relatives à l’allocation viagère
Article 7
L’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Après le mot : « survivants », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « d’anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, si ces derniers ont fixé leur domicile en France, selon des modalités fixées par décret. » ;
b) Le 3° est abrogé ;
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. – S’ils n’ont présenté leur demande d’attribution de l’allocation viagère ni avant le 31 décembre 2016, ni dans l’année ayant suivi le décès, les conjoints et ex-conjoints survivants d’un ancien membre des formations supplétives ou assimilé décédé avant la publication de la loi n° … du … portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français. » ;
3° Au III, la référence : « au I » est remplacée par les références : « aux I, II et II bis » et, après le mot : « supplétives », sont insérés les mots : « ou assimilé » ;
4° Après le II, sont insérés des II bis et II ter ainsi rédigés :
« II bis. – Sous réserve du respect des conditions prévues aux 1° et 2° du I, sont éligibles à l’allocation viagère les conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants d’anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local, ayant servi en Algérie, si ces derniers ont fixé leur domicile dans un autre État membre de l’Union européenne.
« II ter. – Les personnes mentionnées aux II et II bis bénéficient des arrérages de l’allocation afférents à la période postérieure au décès de leur conjoint, dans la limite des quatre années précédant celle de leur demande. »
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. Je profite de la discussion sur l’article 7, relatif à l’allocation viagère, pour revenir sur les dispositifs d’accompagnement des rapatriés d’Algérie.
Les lois successives ont créé un empilement de dispositifs d’aide, dont la lisibilité et l’efficacité posent question.
Selon le rapport sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2022, qui a été rédigé par notre collègue Laménie et qui énumère les aides actuelles, l’allocation de reconnaissance touche 4 787 harkis et veuves, l’allocation viagère 1 117 veuves, les compléments de bourses pour les enfants scolarisés 99 enfants. L’aide spécifique au conjoint survivant bénéficiait à 35 personnes en 2019. Enfin, l’aide au rachat de trimestres de cotisations retraite pour des enfants de harkis n’a aucun bénéficiaire, en raison de conditions d’âge trop restrictives.
Plutôt que de maintenir un empilement de dispositifs qui s’adressent à quelques centaines de familles, ce texte aurait pu accorder une indemnisation unique pour tous les harkis.
Nous regrettons le choix de créer une indemnisation forfaitaire, dont les critères sont très contestables ; cette indemnisation s’ajoutera aux dispositifs existants et, in fine, divisera encore les familles de harkis, au lieu de les rassembler.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 65 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 69 est présenté par Mme Richer, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
1° Remplacer les mots :
II et
par les mots :
I à
2° Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
six
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 65.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Le présent amendement a pour objet d’allonger de quatre à six années la période au titre de laquelle les veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l’allocation viagère auxquelles elles auraient pu prétendre au titre des années antérieures à celle du dépôt de leur demande.
Cet allongement de la durée à six ans est justifié par la date de l’instauration de l’allocation viagère en 2016.
Je remercie Mme la rapporteure de sa vigilance, puisque c’est à sa demande que j’ai déposé cet amendement. Elle a bien perçu la faille dans le dispositif que nous proposions. Cela nous évitera d’avoir une nouvelle épine à nous sortir du pied…
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 69.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Il s’agit d’une réelle avancée, qui permettra d’accroître de plusieurs milliers d’euros la somme versée aux veuves de harkis décédés cinq ou six ans avant la date de leur demande de bénéfice de l’allocation viagère.
Cet amendement tend également à étendre la faculté de solliciter ces arrérages aux futurs bénéficiaires de l’allocation viagère dont le conjoint ne serait pas encore décédé.
Je vous remercie d’avoir répondu favorablement à notre demande, madame la ministre.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 69.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 68, présenté par Mme Richer, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au 12° du I de l’article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « versée au profit des conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France dans les conditions prévues » sont remplacés par les mots : « viagère prévue ».
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Fernique, Mmes de Marco et Poncet Monge et MM. Dantec et Parigi, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi rédigé :
« Art. 5. – Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait visant une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés constitue une injure au sens de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés constitue une diffamation au sens de l’article 32 de la même loi. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à combler un vide juridique.
L’article 5 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés avait pour but d’interdire la diffamation et l’injure à l’encontre des harkis. Malheureusement, cette interdiction n’est assortie d’aucune sanction.
Ainsi, les personnes ayant proféré des insultes ou des propos diffamatoires à l’encontre des harkis sont systématiquement relaxées ; pour preuve, je cite plusieurs arrêts dans l’objet de cet amendement.
Par ailleurs, l’article 5 de la loi précitée ne détermine pas les éléments constitutifs de l’infraction et ne fait pas référence à la loi sur la presse. Or, en vertu du principe de légalité des peines, aucune peine ne peut être prononcée à raison d’un fait qui n’est qualifié par la loi ni de crime, ni de délit, ni de contravention.
C’est pourquoi le présent amendement vise à renvoyer aux articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin de définir les éléments constitutifs des infractions de diffamation et d’insulte à l’encontre des harkis, pour permettre à ceux qui seront visés par ces infractions nouvellement créées d’obtenir réparation devant un tribunal du préjudice qui leur est causé.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par MM. Tabarot, Mandelli, J.-M. Arnaud, J.-B. Blanc, Le Rudulier, Laménie, Hingray, Longuet, Belin, Détraigne et Favreau, Mme Herzog, M. Somon, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne et Daubresse, Mme V. Boyer, M. Sol et Mme Demas, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est complété par les mots : « , sous peine d’une amende de 12 000 euros ou d’emprisonnement de douze mois maximum ».
La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Cet amendement, analogue au précédent, vise à instaurer une sanction pénale pour une injure ou une diffamation à l’égard d’un harki en raison de cette qualité.
L’article 5 de la loi du 23 février 2005 précitée instaure le principe de l’interdiction de toute injure ou de toute diffamation envers un harki et de l’apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d’Évian. Toutefois, cet article est lacunaire, puisqu’il n’institue aucune sanction pénale.
Le présent amendement vise donc à remédier à cette lacune, en instaurant une sanction pénale au travers d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à douze mois.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par M. Bourgi, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Temal, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est passible d’une peine d’amende de 45 000 €. » ;
2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est passible d’une peine d’amende de 45 000 €. »
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Comme les deux orateurs précédents l’ont indiqué, le législateur a créé une infraction, au travers de la loi de 2005. Mais, pour qu’une infraction soit opposable à un tiers et reconnue par les tribunaux, il faut lui adjoindre une sanction.
C’est pourquoi, au travers de ces amendements, nous proposons de combler un vide juridique. Depuis que la loi a été adoptée, chaque fois qu’un harki a été victime de ces injures, de ces incitations à la haine ou de la négation du drame qu’il a subi, les tribunaux saisis, jusqu’aux plus hautes juridictions, ont constaté ce vide juridique, qu’il nous appartient, je le répète, de combler.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est puni de 12 000 euros d’amende. » ;
2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est puni de 45 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Tous les quatre, nous avons le même objectif, mes chers collègues : faire en sorte que les injures dont sont victimes les harkis puissent être réprimées. En effet, les insultes faites aux harkis ne peuvent plus être acceptées, compte tenu du parcours et de l’histoire de ces derniers ; nous l’avons démontré tout au long de cette soirée.
À plusieurs reprises, le législateur a tenté de réprimer ces actes, sans réel succès. Ainsi, selon l’article 5 de la loi de 2005, « Sont interdites :
« - toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés ;
« - toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d’Évian.
« L’État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur. »
Or, cela a été souligné, l’absence de sanction pénale assortie directement à ce dispositif a rendu ce dernier inapplicable, comme l’a estimé la Cour de cassation dans un arrêt du 31 mars 2009.
Une nouvelle démarche en ce sens a été engagée au travers de la loi du 7 mars 2012 relative aux formations supplétives des forces armées, puis un rapport, publié en juillet 2018, a proposé de rendre applicable le dispositif juridique de l’article 5 de la loi précitée de 2005 en l’assortissant d’une amende de 12 000 euros.
Par conséquent, l’amendement que je propose tend, parallèlement à ceux qui sont en discussion commune, à instaurer une amende de 45 000 euros pour sanctionner l’apologie de crimes contre les harkis.
Il est temps de rendre applicable, au travers du texte que nous examinons, l’interdiction des insultes envers les harkis, afin de faire en sorte que les injures dont ils font l’objet en France puissent être réprimées. Peut-être pourrait-on également envisager un autre dispositif, pour que les insultes dont ils font également l’objet de l’autre côté de la Méditerranée soient un jour réprimées, mais mon amendement ne vise que les cas se produisant en France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Au travers de rédactions différentes, ces amendements en discussion commune tendent à créer une peine d’amende spécifique pour l’injure et la diffamation commises envers un harki en raison de sa qualité, ainsi que pour l’apologie des crimes commis contre les anciens supplétifs, après les accords d’Évian.
La loi du 7 mars 2012 relative aux formations supplétives des forces armées assimile l’injure et la diffamation à l’encontre des forces supplétives à celles qui visent les forces armées, pour lesquelles les articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoient déjà des sanctions, à savoir 45 000 euros d’amende pour la diffamation et 12 000 euros pour l’injure.
Elle permet également aux associations défendant les intérêts moraux et l’honneur des harkis et justifiant d’une ancienneté d’au moins cinq ans de se constituer partie civile.
L’injure et la diffamation adressées à une personne considérée individuellement en raison de sa qualité réelle ou supposée d’ancien supplétif relèvent en revanche du droit commun. Les intéressés sont donc libres d’engager des poursuites pénales au titre de l’injure ou de la diffamation de droit commun.
L’institution d’un régime pénal spécifique pour l’injure et la diffamation commises envers une personne à titre individuel du fait de sa qualité d’ancien supplétif pourrait se révéler contraire au principe d’égalité devant la loi et faire l’objet de la censure du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, une telle mesure ne manquerait pas de faire émerger des demandes comparables émanant d’autres communautés.
Ainsi, l’état actuel du droit ne me semblant pas nécessiter de modification, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je ne dirai pas mieux que Mme la rapporteure, qui a parfaitement énuméré les dispositifs existants et a très bien présenté les difficultés qu’il y aurait à appliquer aux harkis des dispositions spécifiques, dérogeant au droit commun.
En revanche, vous avez raison, madame la sénatrice Boyer, toute injure adressée aux harkis est absolument scandaleuse. Nous l’exprimons, nous le clamons et, chaque fois que nous en avons connaissance, nous disons combien nous sommes, comme vous tous, heurtés par ces injures.
Par ailleurs, ce qui devrait progressivement faire cesser ce type de comportements injurieux, c’est la connaissance. Pour ressentir de la reconnaissance, il faut avoir de la connaissance : celle des sujets, de l’histoire, des faits. Or la loi que nous examinons aujourd’hui est importante parce qu’elle souligne le fait que les harkis sont des Français qui comptent, dont nous prenons soin et qui ont compté dans l’histoire de nos armées.
C’est cela que nous devons exprimer, chacun à notre échelle et, progressivement, les injures devraient, je crois, cesser.
Pour les raisons exposées par Mme la rapporteure, j’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.
M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, vous vivez dans le monde des Bisounours !
Votre très belle déclaration avait l’air très sincère, mais vous ne vous rendez pas compte de la montée des insultes dans notre pays, liées notamment au communautarisme ; et les Harkis sont en première ligne. Notre collègue Valérie Boyer l’a souligné, ils sont régulièrement traités de « collaborateurs » de l’autre côté de la Méditerranée, par un ancien président qui, certes, n’est plus de ce monde, et ici, dans nos banlieues. C’est très mal vécu par les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants de harkis.
On nous dit que c’est censé relever du droit commun et que d’autres communautés pourraient porter des revendications similaires, mais il faut agir sur cette question. Vous ne me paraissez pas suffisamment consciente de la souffrance de ces personnes. La communauté des harkis n’est pas une communauté comme une autre.
Nombre de nos amendements ont fait l’objet d’un avis défavorable ce soir, mais il faut travailler sur cette question et trouver le moyen, dans le cadre juridique de notre pays, de sanctionner très fortement ceux qui insultent cette communauté ayant déjà suffisamment souffert par le passé.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, madame la rapporteure, je suis en désaccord avec vous pour au moins trois raisons.
En premier lieu, Mme la rapporteure nous dit que le droit français actuel est satisfaisant, mais, s’il l’était, il aurait été appliqué par les tribunaux. Si les tribunaux, y compris la Cour de cassation, ont indiqué que le droit était parcellaire, incomplet, qu’il y avait un vide juridique ; il nous appartient d’en prendre acte.
En deuxième lieu, Mme la rapporteure justifie son avis défavorable sur cet amendement par le fait que le Conseil constitutionnel pourrait censurer une telle mesure. Mais, si nous devions deviner chaque fois l’avis du Conseil constitutionnel à l’avance, si nous partions de tels présupposés, nous nous arrêterions de légiférer !
En troisième lieu, enfin, j’aimerais partager votre optimisme, madame la ministre, mais, vous le savez, il existe des lois contre l’antisémitisme et le négationnisme en France. Or, malheureusement, nous continuons à dénombrer chaque année des agressions antisémites et des propos négationnistes. Malheureusement, s’il existe des lois contre le racisme et l’homophobie dans notre pays, nous continuons d’observer des infractions à caractère raciste ou homophobe.
Je crains donc fort que, si le projet de loi que vous défendez est adopté, il ne permette pas de répondre à ce type de situation ni de faire diminuer le nombre d’infractions – injures, propos négationnistes, incitations à la haine – que subissent nos compatriotes harkis.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Le processus ne fonctionne pas, la Cour de cassation l’a fait remarquer et nous l’a signalé : aucune condamnation n’est prononcée aujourd’hui, car il n’est pas possible de réprimer des injures à l’égard des harkis.
Vous avez parlé des supplétifs, mais il ne s’agit pas seulement d’eux ; nous parlons de l’ensemble de la communauté des harkis.
Puisque la loi ne satisfait pas cette demande et que l’on peut injurier des harkis sans être pour autant sanctionné, nous demandons la mise en place d’un dispositif. La proposition que j’ai formulée n’ouvrira pas la porte à des demandes de nouveaux dispositifs de la part des uns et des autres. Il ne s’agit pas d’un nouveau dispositif : on utilise la loi sur la presse et la loi de 2005, qui existent déjà. Simplement, on fait en sorte que le délit puisse donner lieu à condamnation. Cela n’ouvre la porte à rien du tout !
En outre, notre collègue le disait, si l’on doit se demander, chaque fois que l’on vote sur un amendement, si, par hasard, il y a une chance que, peut-être, le Conseil constitutionnel censure la disposition, on n’avancera jamais, donc autant de ne rien faire et ne rien proposer. Les règles relatives à la recevabilité de nos amendements complexifient déjà la modification d’un texte comme celui-ci…
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir voter pour ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je veux remercier Mme la rapporteure de la qualité de ses explications, que je comprends et même auxquelles je souscris en partie.
Néanmoins, j’adhère à ce que viennent de dire nos collègues sur la question des insultes faites aux harkis et je pense que, au travers de ce texte portant « reconnaissance » et « réparation », nous nous honorerions en faisant en sorte que ces insultes ne soient plus possibles, ou, en tout cas, qu’elles soient réprimées.
Les harkis et leurs descendants sont injuriés parce qu’ils sont restés fidèles à la France. Le fait que ces injures particulières puissent être réprimées de façon efficace constituera un signe fort de reconnaissance et de réparation. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, cela a été souligné par nos collègues.
Je ne reviendrai pas sur les diverses tentatives de la représentation nationale – Assemblée nationale et Sénat – pour avancer, mais ce serait un beau signal envoyé à ceux qui ont choisi le beau drapeau de notre France entière que de faire en sorte que la répression des insultes qu’ils subissent soit efficace.
Au cours de nos discussions de ce soir, difficiles, douloureuses et qui ont remué des souvenirs encore vifs dans la mémoire de beaucoup d’entre nous, le fait de considérer que ces insultes ne sont pas acceptables et que leur caractère spécifique donne lieu à une répression particulière ferait probablement avancer la cause que nous défendons tous.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7, et les amendements nos 35 rectifié bis, 52 et 10 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé une commission consultative de suivi dont la composition est arrêtée par décret, et comprenant notamment des présidents d’associations de harkis, des fonctionnaires de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et des parlementaires. Sa mission est de suivre la mise en œuvre de la loi et notamment l’avancée des travaux de la commission nationale de reconnaissance et réparation. La commission consultative de suivi se réunit au moins deux fois par an et peut demander aux ministères et à la commission les informations publiques dont elle a besoin pour remplir sa mission. Les membres de cette commission ne sont pas rémunérés et aucuns frais liés à son fonctionnement ne peuvent être pris en charge par une personne publique.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Nous avons évoqué la constitution de la commission nationale, dans laquelle ne figurent pas les harkis, qui pourront être entendus en audition.
Au travers de cet amendement, nous proposons de créer une instance de suivi de l’avancement des travaux de la commission. Cette instance pourrait aider la commission en transmettant des informations issues du terrain et en rendant compte aux personnes concernées et aux parlementaires des recommandations faites par la commission et des éventuelles difficultés auxquelles elle peut être confrontée.
D’où cette proposition de création d’une commission consultative de suivi, dont la composition serait arrêtée par décret, mais qui comprendrait notamment des présidents d’association de harkis, des fonctionnaires de l’ONACVG et des parlementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Le Sénat a adopté le principe de la présence de parlementaires au sein de la commission nationale.
Cet amendement est donc satisfait, me semble-t-il. C’est pourquoi j’en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. L’empilement des commissions, dans lesquelles on ne sait plus qui surveille qui et qui regarde quoi ne me paraît pas souhaitable… Il vaut mieux favoriser des structures simples.
La commission nationale a un rôle important ; elle doit publier un rapport annuel d’activité et elle compte, depuis votre vote en ce sens, des députés et des sénateurs. En outre, à tout moment, les présidents des chambres peuvent demander une mission particulière à cette commission nationale.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après les mots :
envers les
insérer les mots :
citoyens français
La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Le présent amendement tend à rappeler, dès le titre du texte, que les personnes concernées étaient ou sont des citoyens français à part entière, comme le précise l’ordonnance du 21 juillet 1962.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Je ne vais pas répéter tout ce que nous avons dit lors de la discussion sur l’article 1er du texte cette après-midi.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Par cohérence avec la position que j’ai adoptée sur les amendements à l’article 1er, je voterai cet amendement, car les mots « citoyens français » ont toute leur place dans l’intitulé de ce texte de loi.
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
séjour
par le mot :
vie
La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Cet amendement tend à préciser que les préjudices subis concernaient tant les conditions d’accueil que de vie sur l’ensemble du territoire français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Il s’agit d’évoquer, dans l’intitulé du projet de loi, les conditions de « vie », plutôt que les conditions de « séjour » dans les structures dédiées à l’accueil des anciens supplétifs et de leurs familles. Une telle modification mettrait l’intitulé du texte en cohérence avec les références aux « conditions de vie » aux articles 1er et 2.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. L’article 2, qui définit les conditions de mise en œuvre de la réparation, fait bien référence aux conditions de « séjour » dans ces mêmes structures. Il s’agit certes de sémantique, mais cela n’est pas sans importance.
Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’intitulé du projet de loi est ainsi rédigé.
L’amendement n° 37, présenté par Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Temal, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
dans certaines structures
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise également à modifier l’intitulé du projet de loi.
Marie-Pierre Richer a voulu élargir le champ initialement très restrictif du projet de loi, qui n’évoquait que les camps ou hameaux de forestage, en ajoutant à l’intitulé du texte les termes « dans certaines structures », ce qui permet d’englober les fameuses zones grises.
Toutefois, avec l’adoption de l’amendement précédent, la suppression pure et simple des termes « dans certaines structures » permettrait d’intégrer enfin l’ensemble des harkis dans le champ du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer de l’intitulé du projet de loi les termes « dans certaines structures », ajoutés en commission.
Ce fut le nœud de nos débats : le texte concerne les harkis ayant vécu dans des structures fermées. Ces termes nous semblent donc cohérents avec le fond du projet de loi. La commission mise en place fera son travail par la suite.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Le projet de loi vise à accorder une réparation des préjudices subis par les personnes rapatriées ayant vécu dans des structures de transit et d’hébergement particulièrement indignes, avec privation de liberté et tutelle administrative.
Ce régime de réparation tire les conséquences d’une décision du Conseil d’État qui a reconnu la responsabilité de l’État au regard de l’indignité des conditions de séjour dans lesdites structures. Dès lors, la suppression de la référence à ces structures dans l’intitulé du projet de loi créerait une confusion quant à la portée du texte.
C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Ce texte, qui inscrit dans la loi la reconnaissance de la Nation envers les harkis, leur abandon et la responsabilité de l’État dans les conditions indignes de leur rapatriement après les accords d’Évian, est un pas de plus vers une mémoire apaisée.
Ce projet de loi répond également à une demande ancienne des veuves de harkis : en modifiant les délais pour demander l’allocation viagère, il supprime la forclusion. En outre, le bénéfice de cette allocation sera étendu aux veuves dont le conjoint vivait dans un autre pays de l’Union européenne.
Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce projet de loi.
Néanmoins, ce texte ne peut avoir valeur de solde de tout compte. Nous regrettons que nos propositions d’amendements n’aient pas été retenues et que subsiste une distinction entre anciens harkis en termes de reconnaissance et de droits. Finalement, la reconnaissance du préjudice et la réparation ne concerneront que la moitié d’entre eux, ce que nous déplorons.
Il est désormais important de mettre en œuvre rapidement le processus de réparation. La commission créée par ce texte doit se mettre au travail au plus tôt, afin que chaque ancien harki reçoive la réparation à laquelle il a droit.
Nous veillerons aussi à ce que la mémoire des harkis continue de vivre et d’être transmise, notamment grâce au travail de l’ONACVG.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.
M. Bernard Buis. Je voudrais vous féliciter de nouveau, madame la rapporteure, de votre travail. Vous avez agi avec toute la justesse possible, ce qui était loin d’être aisé.
De l’aveu général, aucun texte ne saurait apaiser entièrement les souffrances et les traumatismes durables subis voilà soixante ans. Au-delà de nos divergences, chacun de nous partage la même volonté de réparer cette faute de l’État au regard de l’indignité de l’accueil et du séjour des harkis et autres rapatriés d’Algérie et de leurs familles dans ces camps et hameaux de forestage, d’abord au nom de la justice, mais aussi au nom du nécessaire chemin vers la réconciliation nationale.
J’ai regretté d’entendre que la seule différence de traitement n’était liée qu’à l’existence de barbelés. Allez dire cela à ceux qui ont vécu des années dans ces structures, qui ont perdu des enfants en raison du froid et de la faim et qui n’ont eu d’autre voie que d’accepter une tutelle administrative – après avoir fui, ils se sont retrouvés enfermés ! Il est de notre devoir de ne pas jeter de l’huile sur le feu et sur la douleur des harkis.
Je me réjouis que nos travaux nous aient permis d’avancer un peu plus sur la commission nationale de réparation et de conciliation, en sécurisant son indépendance et en élargissant ses missions.
Je me réjouis également de l’adoption de l’amendement visant à prévoir spécifiquement un accès prioritaire à la commission pour les anciens combattants harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local. Il s’agit, là aussi, d’une avancée précieuse pour le travail mémoriel.
Nous nous félicitons également de l’adoption des deux amendements identiques du Gouvernement et de Mme la rapporteure visant à l’allongement de la période au titre de laquelle les veuves des anciens supplétifs ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l’allocation viagère.
Le groupe RDPI votera bien évidemment ce texte, qui concrétise l’engagement du Président de la République. Je forme le vœu que nos travaux en commission mixte paritaire se tiennent dans un climat constructif et apaisé.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Depuis 1962, la France a reconnu pas à pas, lentement, l’abandon des harkis. De Jacques Chirac à Emmanuel Macron, chaque Président de la République a exprimé la reconnaissance de la Nation envers les harkis et autres supplétifs pour leur engagement aux côtés de la France.
Le texte dont nous venons de débattre réaffirme la reconnaissance de la France envers les harkis et vise à réparer financièrement le préjudice subi par les rapatriés ayant transité par un camp ou un hameau. La somme est modeste, reconnaissons-le, et n’est sans doute pas à la hauteur des souffrances subies par les harkis.
La distinction entre ceux qui ont été enfermés dans des camps et des hameaux et ceux qui sont venus par eux-mêmes est difficile à accepter.
Je considère ce texte comme une promesse d’avancement dans la reconnaissance de ce que la communauté harkie a vécu afin d’apaiser cette mémoire douloureuse ; encore faudrait-il que la France reconnaisse sa faute, comme l’avait fait Jacques Chirac pour les juifs en 1995.
Je voterai ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour explication de vote.
Mme Chantal Deseyne. Nous parvenons au terme de l’examen d’un texte lié à un moment douloureux de notre histoire. Au-delà de l’émotion, nous partageons l’objectif de création des conditions d’une juste reconnaissance et réparation des préjudices subis par les harkis et leurs descendants.
Nous avons amélioré le texte, et notre collègue rapporteure, Marie-Pierre Richer, a mené son travail dans un souci d’apaisement. Nous serons donc nombreux à voter ce projet de loi, qui reconnaît la responsabilité de la Nation dans l’abandon des anciens membres des formations supplétives de l’armée française et dans l’indignité des conditions d’accueil, de vie et de séjour au sein de structures privatives de liberté.
L’adoption de l’amendement que notre groupe a soutenu permettra à la commission nationale indépendante de proposer toute mesure de reconnaissance et de réparation pour tous ceux qui ont séjourné dans des structures non couvertes par le texte, afin de prendre en compte toutes les situations dramatiques qu’ont pu connaître les harkis.
Mes chers collègues, notre groupe ne considère en aucun cas ce projet de loi comme un solde de tout compte. Toutefois, nous le voterons en responsabilité, avec le plus grand respect envers ceux qui se sont sacrifiés pour notre pays et envers leurs conjoints et leurs descendants, auxquels nous devons une juste réparation.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Ce projet de loi exprime la reconnaissance de la Nation envers les supplétifs harkis et leurs descendants, les premiers ayant servi la France en Algérie avant d’être abandonnés. Ils ont été accueillis de manière indigne dans des camps, en structures fermées, avec des conditions de vie très précaires, alors qu’ils avaient combattu aux côtés des soldats français. Quant aux harkis restés en Algérie, ils ont été assassinés par dizaines de milliers.
Cette reconnaissance, cet hommage et cette réparation, nous les devons aux personnes hébergées dans des camps. Toutefois, ceux qui ont vécu dans des cités ont aussi beaucoup souffert et pourraient également bénéficier de cette réparation. Il faudra encore travailler sur cette question, comme l’a souligné notre collègue.
Si les sommes attribuées peuvent être jugées insuffisantes, il s’agit tout de même d’une avancée pour 50 000 bénéficiaires. Mais nous savons bien sûr que rien n’effacera les souffrances endurées.
Ce projet de loi est un progrès dans la reconnaissance, la réparation et la justice que la Nation doit aux harkis.
Je voudrais enfin féliciter Mme la rapporteure de son travail. Bien évidemment, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nos débats ont permis d’améliorer ce texte. Toutefois, je regrette que certains de nos amendements n’aient pas été acceptés, notamment celui qui tendait à supprimer la simple réparation forfaitaire, sans examen de la situation particulière, c’est-à-dire sans passer par l’histoire individuelle, laquelle a aussi besoin de reconnaissance au-delà de la reconnaissance générale donnée au collectif.
Certes, ce texte vise bien à reconnaître et à réparer un préjudice spécifique, centré sur une réalité collective partagée dans l’indignité des conditions d’accueil et de vie des structures d’hébergement. Les harkis ont ainsi été privés de droits fondamentaux, notamment de la liberté d’installation, du droit d’aller et venir, du droit à la dignité et du droit à l’instruction.
Pourtant, le calcul froid de la réparation, essentiellement fondé sur le nombre d’années passées dans les lieux ciblés, ne permet pas de prendre en considération les vécus individuels et les conséquences particulières à même d’assurer une juste indemnisation, bien que rien ne puisse réparer la privation de liberté pendant plusieurs années ou le non-droit à l’instruction pour un enfant.
Cette réparation forfaitaire ne permet pas l’apaisement qu’apporterait une prise de parole individuelle sur un vécu personnel traumatique, ce qui explique en grande partie une certaine frustration. Il est vrai qu’il s’agit du pendant de la présomption de préjudice, qui permet de reconnaître le préjudice collectif, sans qu’il soit nécessaire d’apporter des preuves individuelles.
Au regard des avancées, mais aussi de l’insuffisance de la concertation et du rejet de certains de nos amendements qui auraient permis d’améliorer le texte, une partie des membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront ce texte ; les autres s’abstiendront.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Je voudrais tout d’abord remercier Mme la rapporteure, Mme la ministre et l’ensemble de nos collègues ayant participé à ce débat, particulièrement riche et important, qui fera date dans l’histoire de notre pays.
Je voudrais aussi dire mes regrets. J’étais particulièrement attaché à deux points, non pas à titre personnel, mais pour les harkis, ces hommes et ces femmes que je côtoie et auprès desquels je vis depuis trente ans.
Il s’agit tout d’abord de la question très symbolique de la citoyenneté. L’adoption des amendements déposés à l’article 1er ne coûtait absolument rien à la Nation, mais vous ne les avez pas retenus !
Il s’agit ensuite du périmètre du texte : dans un pays de 65 millions d’habitants, on peut se donner les moyens d’indemniser 90 000 personnes quand il s’agit de réparer une injustice. En divisant les harkis en deux groupes, en distinguant les 50 000 personnes qui ont transité par les camps de transit et les hameaux de forestage des 40 000 autres, vous créez deux catégories de harkis, ce que je ne peux accepter.
C’est donc à contrecœur que je m’abstiendrai sur ce projet de loi. Au moment de voter, je me rappellerai ce que beaucoup d’entre vous ont dit, à savoir qu’il s’agit d’une politique des petits pas. Si l’on veut se montrer optimiste, on dira qu’un petit pas a été franchi aujourd’hui ; si l’on est pessimiste, on dira qu’il s’agit plutôt d’une promesse inachevée.
Mes chers collègues, je vous donne donc rendez-vous dans quelques mois ou dans quelques années pour un nouveau petit pas.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Il est juste et nécessaire de réparer l’injustice et les préjudices subis par les harkis.
Ce texte marque une étape dans la reconnaissance de la Nation à l’égard des harkis et des oubliés d’Algérie. Cela étant, il souffre de certaines limites, à commencer par le montant et les critères d’attribution de l’indemnité de réparation : 50 000 harkis et leurs familles en sont malheureusement exclus.
La question mémorielle est importante pour notre pays et pour les relations avec l’Algérie. La reconnaissance et le travail de mémoire sont nécessaires.
Nous formons le vœu que ce texte évolue. Néanmoins, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste votera en sa faveur.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi, dont le Sénat a rédigé ainsi l’intitulé : projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 90 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 331 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Ce débat a été passionnant et passionné. Je voudrais remercier l’ensemble de nos collègues qui se sont mobilisés et qui ont porté haut ces souffrances au sein de notre hémicycle.
Je remercie également mes collègues de la commission des affaires sociales, qui ont fait progresser ce projet de loi.
Je remercie enfin toutes les associations de harkis que nous avons entendues. Je veux redire combien leurs témoignages sont émouvants et poignants.
C’est peut-être un petit pas, mais soyez certains que ce texte n’est pas un solde de tout compte. Il nous faut continuer de travailler. Je remercie chacune et chacun d’entre vous. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Madame la rapporteure, je voudrais de nouveau vous remercier de la façon dont vous avez porté ce texte : avec rigueur, mais aussi avec beaucoup d’humanité et de compréhension.
Je remercie également les sénatrices et les sénateurs qui ont participé à ce débat, lequel montre que la guerre d’Algérie reste un sujet complexe et difficile. Nous avons essentiellement parlé des harkis, mais nous aurions aussi pu aller plus loin et parler des anciens combattants, des appelés et de tous les rapatriés européens…
Je suis très fière d’avoir porté ce projet de loi. J’ai bien entendu que nous aurions pu aller plus loin, mais soyez sûrs que j’ai défendu ce texte avec toute ma conviction.
J’ai beaucoup côtoyé les associations. Les témoignages sont poignants, notamment ceux des femmes de harkis : les écouter raconter ce qu’elles ont vécu dans les camps et les hameaux est particulièrement prenant.
Peut-être pensez-vous que nous ne sommes pas allés au bout, mais nous pouvons être collectivement fiers que cette loi mémorielle de reconnaissance et de réparation ait pu voir le jour au Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie toutes et tous de vos contributions. Loin de moi l’idée de toujours vouloir tout imposer : il s’agissait de proposer un cadre de départ et d’essayer ensuite de l’améliorer, ce que vous avez fait. Je vous remercie du fond du cœur d’avoir participé à cette œuvre si importante pour les harkis et pour leurs familles. (Applaudissements.)
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 26 janvier 2022 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Une convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, relatif au siège de l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (texte de la commission n° 366, 2021-2022) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes (texte de la commission n° 322, 2021-2022) ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur (texte de la commission n° 368, 2021-2022) ;
Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l’adoption (texte de la commission n° 372, 2021-2022)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mmes Catherine Deroche, Marie-Pierre Richer, Chantal Deseyne, Jocelyne Guidez, Émilienne Poumirol, Monique Lubin et M. Xavier Iacovelli ;
Suppléants : Mme Pascale Gruny, M. Laurent Burgoa, Mme Christine Bonfanti-Dossat, M. Olivier Henno, Mme Annie Le Houerou, M. Jean-Claude Requier et Mme Cathy Apourceau-Poly.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER