Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Je suis persuadée que les agences de l’eau, pour monter en puissance et diversifier leurs missions face aux défis que nous devrons relever dans les prochaines décennies – restaurer le bon état des masses d’eau dans le contexte du réchauffement climatique tout en répondant à d’éventuels contentieux communautaires – doivent être soulagées de cet effort de réduction des effectifs auquel les opérateurs de l’État ont été soumis dans le contexte d’une nécessaire maîtrise de la dette publique, effort auquel les agences de l’eau ont déjà largement contribué.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, les parlementaires ont bien voulu voter en faveur de notre proposition de gel des effectifs des agences de l’eau. Nous avons donc stoppé la baisse de leurs effectifs. Les personnels de ces agences espéraient cette mesure nécessaire, qui, me semble-t-il, est intervenue au bon moment.
S’agissant de la question de l’assainissement non collectif, sachez que le débat anime le cabinet ministériel depuis quelque temps.
L’effort des agences de l’eau en la matière a semblé trouver ses limites à un certain moment. Aujourd’hui, alors que les exécutifs ont changé et que certaines collectivités sont plus volontaristes, cette question doit être reconsidérée. L’assainissement non collectif représente en effet un budget important pour certains Français que nous laissons sans réponse.
Nous cherchons donc à élaborer un dispositif d’aide, mais les arbitrages étant en cours, je ne peux à ce stade vous en dévoiler la teneur.
Les agences de l’eau ont un temps contribué à cet effort, mais nous pouvons envisager un dispositif d’incitation fiscale, ou même, dans une perspective de plus long terme, un service unique de l’assainissement. Cette dernière option, qui avait été un temps évoquée, permettrait d’apporter une réponse à des situations parfois très disparates, mais elle relève du domaine législatif.
En urgence et en priorité, l’intervention des agences de l’eau doit être portée sur les milieux les plus à risque et dans les territoires les plus en tension. Il nous reviendra, dans le cadre d’un plus long débat, de dessiner ensemble le format de cette aide.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Les ponctions sur le budget des agences de l’eau ont été décidées sans aucune concertation. Aujourd’hui, ce sont nos territoires et nos concitoyens qui en sont les victimes. Ils sont abandonnés, alors qu’ils ont participé au financement des agences de l’eau.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je rejoins totalement les propos tenus par mes collègues Rémy Pointereau et Daniel Gremillet. Plus généralement, je suis toujours d’accord avec la droite sénatoriale lorsqu’elle considère que les moyens alloués à l’action publique sont insuffisants, que les redevances sont trop faibles et que l’on manque d’agents de service public pour remplir les missions et favoriser les mutualisations entre les territoires. (Sourires.)
Madame la secrétaire d’État, dans votre propos liminaire, vous avez indiqué qu’un million d’euros investi permettait de créer 35 emplois. Ma question est simple : pourquoi vous priver de la création de 35 000 emplois ? Entre les onzièmes et les dixièmes programmes, on observe en effet une baisse des crédits engagés d’environ un milliard d’euros.
Sur quelles analyses et quelles études l’État s’est-il fondé pour baisser ainsi d’un milliard d’euros les crédits des agences de l’eau, alors que les raisons d’intervention de ces agences ont augmenté, et que nous sommes tous d’accord pour considérer que les enjeux sont essentiels ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Dantec, nous partageons le même diagnostic : il est nécessaire de renforcer les moyens des agences de l’eau, qui sont au cœur des dispositifs d’adaptation au changement climatique et du combat que nous devons mener pour restaurer le bon état des masses d’eau.
L’abaissement du plafond des recettes en 2019 a tout de même permis une réduction de la fiscalité appliquée à l’eau potable d’environ 9 %, ce dont on ne peut que se féliciter.
Nous cherchons de nouvelles ressources, sans vouloir augmenter la pression fiscale pesant sur les Français – objectif que nous partageons, je le pense. Nous devons trouver de nouveaux dispositifs, sans doute en renforçant le principe du pollueur-payeur.
Cette fiscalité, ces redevances, ces ressources, ces recettes, quelle que soit leur forme, doivent augmenter, c’est un fait établi par le rapport remis par MM. Jerretie et Richard. Si nous souhaitons ne pas nous tromper, ni sur l’envergure de cette réforme ni sur le public amené à participer à ce nouvel effort, il me semble que nous devrons en débattre, en particulier au niveau parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Madame la secrétaire d’État, merci de la franchise de votre réponse. L’État souhaitait donc clairement amoindrir la redevance des agences de l’eau, alors que celle-ci était largement acceptée par les Français. Et maintenant, il faut bien sûr trouver de nouvelles recettes !
Je peux d’ores et déjà vous indiquer où ces nouvelles recettes seront prélevées : au niveau de la compétence Gemapi ! Au fond, vous transférez vers les collectivités territoriales, à travers la compétence Gemapi, une partie de l’effort.
Vous considérez en effet qu’une augmentation des impôts est jugée plus acceptable par nos concitoyens quand elle est demandée par les collectivités locales plutôt que par l’État, ce qui est une très mauvaise analyse.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez indiqué, une baisse des effectifs des agences de l’eau à hauteur de 40 équivalents temps plein (ETP) est bien inscrite dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Non, monsieur le sénateur. Reprenons le projet de loi de finances pour 2022 : les agences de l’eau n’ont pas connu de réduction d’effectifs cette année, ce qui, j’y insiste, n’avait pas été le cas depuis 2008. Les agences de l’eau connaissaient jusqu’alors en moyenne une baisse de plus de 2 % de leurs effectifs chaque année. Réjouissons-nous tout de même de ce geste fort.
Dans leur grande majorité, les opérateurs français continuent de travailler à la réduction de la dépense publique, au travers notamment de la baisse des ETP. La décision de cesser cette réduction des effectifs pour des opérateurs de l’eau et de la biodiversité tels que les agences de l’eau, les parcs nationaux, dont les effectifs ont même été renforcés, l’OFB ou le Conservatoire du littoral, mérite à ce titre d’être signalée.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Le schéma d’emploi prévoit une réduction de 40 ETP – je le lis dans les rapports. Si le nombre d’agents reste le même, ce n’est que parce qu’un correctif technique lié à la mise à disposition d’agents des agences de l’eau auprès de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) a été apporté par la suite. Mais une baisse de 40 ETP est bien prévue, de même que la diminution du nombre d’agents de l’OFB.
Je pourrais également évoquer la police de l’eau, dont les missions relatives au respect des normes et des pratiques sont fondamentales. On ne dénombre pourtant qu’un agent de la police de l’eau pour 1 000 kilomètres de rivière ! Une réelle police de l’eau n’est pas possible avec aussi peu d’agents.
La création d’emplois reste un sujet essentiel. Si l’on baisse constamment les crédits, nous ne pourrons pas mener de politique cohérente. Les enjeux sont pourtant essentiels, nous en sommes tous d’accord, et sur ce point, je ne vous fais aucun procès d’intention, madame la secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la secrétaire d’État, les agences de l’eau remplissent des missions essentielles dans le contexte du dérèglement climatique et de la nécessaire adaptation des territoires.
Pour autant, ces agences font les frais d’une cure d’austérité drastique. Les chiffres sont terrifiants : dix années de baisses d’effectifs continues, soit une suppression de 21 % de leurs emplois !
Alors que les missions des agences ont été largement étendues au fil des évolutions législatives afin de prendre en compte les thématiques de la biodiversité et du changement climatique, leurs moyens financiers n’ont pas suivi cet accroissement de leurs responsabilités.
Pis, ces moyens ont été rabotés par l’instauration d’un plafond mordant.
Pourtant, le rythme de la reconquête des masses d’eau reste largement insuffisant. Il devrait tripler pour atteindre l’objectif de 70 % de masses d’eau remises en bon état d’ici à 2027. Sur les six prochaines années, le besoin de financement correspondant est estimé à plus de 3 milliards d’euros.
Comment comptez-vous assurer une capacité de financement permettant aux agences de faire face à ces enjeux, notamment dans les bassins très ruraux à faible potentiel fiscal ?
Comment faire jouer davantage la solidarité nationale et comment réviser le plafond des agences à la hausse afin de sécuriser leurs interventions face au changement climatique ?
Comptez-vous leur redonner les moyens humains nécessaires pour préserver leur capacité d’action et leur permettre de remplir leurs missions de service public et de proximité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Permettez-moi tout d’abord, en réponse à la question précédente de M. Dantec, de revenir sur les schémas d’emplois : il est exact que le projet de loi de finances pour 2021, qui a été débattu à la fin de 2020, prévoyait une diminution des effectifs de 41 ETP précisément. En revanche, dans le projet de loi de finances pour 2022 débattu fin 2021, le nombre d’ETP est bien stable.
M. Ronan Dantec. Vous avez un point !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Merci de le reconnaître, monsieur le sénateur.
J’en viens aux besoins de financement et aux effectifs des agences. Nous avons pour objectif de stabiliser les ressources de ces opérateurs afin de leur donner davantage de visibilité dans le cadre de leurs nouvelles missions.
Depuis 2013, nous avons connu une baisse de 350 ETP, soit près de 20 % des effectifs des agences. Il devient difficile, alors même qu’un effort a été réalisé sur les fonctions support et sur les mutualisations, d’imaginer que les agences de l’eau puissent remplir leurs missions sans que ces effectifs soient au moins stabilisés. Nous avons fait un premier pas en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2022.
Parallèlement, nous menons une réflexion – vous y participez d’ailleurs, madame la sénatrice – sur le financement global de la biodiversité.
Du programme 113, « Paysages, eau et biodiversité », à la fiscalité affectée aux agences de l’eau en passant par les fonds redistribués entre l’Office français de la biodiversité et les parcs nationaux, le financement de la biodiversité est aujourd’hui un véritable « Beaubourg ». Nous devons tout remettre à plat.
Depuis maintenant plusieurs mois, nous nous y employons, en nous appuyant notamment différents travaux parlementaires. Le rapport Jerretie-Richard concernant le financement des agences de l’eau est à cet égard très éclairant.
Nous nous y employons également, au travers de la réécriture de la stratégie nationale pour la biodiversité. Dans ce cadre, une mission d’inspection relative au financement des aires protégées et au financement global de la biodiversité a été confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et à l’Inspection générale des finances (IGF).
En tout état de cause, il nous faut clarifier le financement de la biodiversité. Le principe d’une fiscalité affectée à ce domaine est un bon moyen de faire comprendre aux Français que ces moyens sont nécessaires et que cet effort collectif doit être accepté. Mais cela appelle une plus grande transparence concernant l’affectation de ces crédits.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. Alors que le principe de la décentralisation prévaut pour l’eau, nous pouvons aujourd’hui légitimement craindre que des politiques nationales échouent à s’adapter aux réalités territoriales.
C’est la notion même de « bassin » qui est mise à mal, alors qu’elle a pourtant été au cœur de la création de ces agences, qui sont des outils stratégiques et des lieux de dialogue entre l’État et les collectivités. Il faut maintenir le caractère décentralisé du pilotage des agences et l’implication des collectivités en leur sein.
Nous savons qu’il faut aussi préserver leur capacité à mettre en œuvre une solidarité entre l’urbain et le rural, l’amont et l’aval, comme entre les générations, par le biais des redevances qu’elles perçoivent.
Comment vous comptez leur permettre d’assurer ces missions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Il faut évidemment maintenir la gouvernance locale des comités de bassin. Ce modèle exceptionnel est d’ailleurs le pendant de la nécessaire transparence en matière de fiscalité et de financement de la biodiversité.
Le besoin de prise en compte de l’ancrage territorial et des réalités de terrain est indiscutable. De fait, les comités de bassin gèrent leur plafond en fonction du contexte local.
Ce modèle de gouvernance est tout à fait pertinent, et j’estime que nous devons collectivement le défendre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la secrétaire d’État, les élus sont inquiets de cette réforme des redevances, qui risque de mettre à mal le modèle même des agences.
Si l’on transfère aux collectivités territoriales le soin de lever la redevance, de supporter les impayés dans le budget annexe de l’assainissement et de prendre en charge toutes les procédures y afférentes – je pense notamment à la facturation et au recouvrement –, une augmentation des redevances des usagers, destinée à équilibrer les budgets, est à craindre. Or le signal envoyé par l’assujettissement des stations d’épuration entre en contradiction avec le principe pollueur-payeur, fondement de la politique de gestion de l’eau en France.
Le système des redevances des agences de l’eau mérite certes d’être revu en profondeur ; mais le but doit être de renforcer sa vocation environnementale et d’en faire un véritable outil de progrès, non de lui conférer une simple fonction fiscale.
Enfin, il convient de garantir le principe fondateur selon lequel l’eau paie l’eau et la biodiversité paie la biodiversité.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Louault.
M. Pierre Louault. Madame la secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite Gemapi.
Ce texte avait plusieurs objectifs et il est efficace pour la protection des petits milieux naturels, notamment des petits cours d’eau. Néanmoins, dans le territoire dont je suis élu, pour la partie basse de la vallée de la Loire, nous devons également assurer la protection contre les inondations, qui relève désormais de la compétence des intercommunalités.
Prenons un exemple. La petite communauté de communes d’Azay-le-Rideau est traversée non seulement par la Loire – elle totalise, à ce titre, quinze kilomètres de digues –, mais aussi par les affluents de l’Indre, du Cher et de la Vienne. Tous ces cours d’eau prennent leur source dans le Massif central.
La loi Gemapi confie aux intercommunalités la responsabilité d’entretenir, à leurs frais, toutes les digues. C’est une profonde injustice, parce qu’il est tout simplement impossible de relever un défi national à l’aide d’un financement local, même si les acteurs concernés essaient de se regrouper en syndicats mixtes.
De plus, une agence de l’eau couvre l’ensemble du bassin concerné : je ne vois pas pourquoi on n’a pas décidé, au moment de l’élaboration de la loi, que les agences de l’eau s’investiraient dans la protection contre les crues majeures, notamment celles de la Loire et de ses affluents.
Cette compétence sera très bientôt transférée aux collectivités locales, alors que, pendant de nombreuses années, l’État a fait l’impasse sur l’entretien de ces digues. Il faut bel et bien renforcer les digues et les entretenir au quotidien, afin qu’elles ne soient pas fragilisées par la végétation, mais c’est une mission quasi impossible pour de petites communautés de communes.
Ne pourrait-on donc imaginer de recentraliser les missions et le financement des agences de l’eau afin de définir une véritable politique de l’eau ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, vous le savez : les aides liées à l’aménagement du territoire, au remembrement et, de manière générale, à toutes ces actions essentielles et potentiellement assez budgétivores, sont très largement prises en charge par les agences de l’eau. En revanche, les interventions sur les digues et les barrages relèvent effectivement du fonds Barnier.
Vous souhaiteriez plus de facilité, de fluidité ou de simplicité dans l’accès à ces aides ; je puis l’entendre, mais il me semble nécessaire de maintenir ce schéma, qui est somme toute assez lisible et qui permet une montée en puissance des capacités financières.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Louault, pour la réplique.
M. Pierre Louault. L’intervention du fonds Barnier représente effectivement une amélioration, mais le reste à financer outrepasse réellement les capacités des petites collectivités locales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La capacité d’intervention du fonds Barnier est de l’ordre de 40 % ; j’entends donc votre difficulté à boucler le tour de table pour financer des travaux importants.
Aussi, n’hésitez pas à nous faire part des projets précis pour lesquels vous rencontreriez ce type de difficultés. (M. Pierre Louault opine.) D’expérience, quand cette question se pose, on trouve toujours des montages permettant de boucler le tour de table, si les travaux ou interventions envisagés se révèlent nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Louault.
M. Pierre Louault. Pour renforcer un kilomètre de digue en bord de Loire, il faut 1 million d’euros. Cela vous donne une idée de l’ampleur du besoin…
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’adaptation au changement climatique préoccupe l’ensemble des usagers de l’eau. Le débit moyen annuel des rivières devrait baisser de 10 % à 40 % au cours des prochaines décennies, ce qui conduira inévitablement à des conflits d’usage. La question du partage d’une ressource dont la quantité et la qualité sont menacées implique donc de définir des orientations fortes à l’échelle nationale.
En dépit de cet objectif commun, nous constatons des divergences d’application des politiques publiques menées par les agences de l’eau, selon les bassins versants. Ainsi, au sujet des retenues – enjeu particulièrement sensible dans nos territoires –, les usagers se voient opposer des réponses différentes selon les agences.
Ainsi, la création de retenues collinaires, qui permettent de récupérer les excédents d’eau en période hivernale ou en période de crue pour les restituer en période de stress hydrique, ne fait pas l’objet d’une même doctrine et ne bénéficie donc pas des mêmes financements ici ou là, ce qui accentue les tensions locales.
Après les assises de l’eau de 2018 et 2019, l’initiative du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique était bienvenue : elle doit permettre, grâce au dialogue et à la concertation, de construire des solutions pour l’avenir dans un cadre apaisé, l’agriculture étant particulièrement vulnérable. Malheureusement, plusieurs des parties prenantes n’ont pas souhaité y participer.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement entend-il améliorer la coordination de l’action des agences de l’eau face au changement climatique qui est devant nous ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, l’urgence climatique exige effectivement notre mobilisation, notamment auprès des agriculteurs, qui sont non seulement les premiers témoins des tensions sur la ressource en eau, mais encore les premiers touchés, au travers de leurs pratiques et de leurs activités, alors que leur modèle économique est déjà extrêmement fragile.
Le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, et moi-même devions donc élaborer en urgence des réponses communes en respectant une nouvelle vision de la ressource en eau : qu’est-il possible de faire face à une ressource mobilisable qui s’amenuise, et non de quoi a-t-on besoin ?
C’est ce que nous avons fait avec la quasi-totalité des parties prenantes : seule une association n’a pas souhaité participer. Elle craignait que la politique de l’eau, qui relève du ministère de la transition écologique, ne soit menacée par les intérêts économiques du monde agricole. Néanmoins, elle a porté ensuite un regard très attentif sur nos travaux.
Nos échanges se poursuivent : le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique devrait se conclure, si je ne m’abuse, le 1er février prochain. Ce sera l’occasion de montrer que nous avons su trouver des équilibres.
Il s’agissait d’abord de s’entendre sur une vision commune de cette ressource, des possibles et des volumes prélevables ; c’était l’objet du décret du 23 juin 2021 relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse. En effet, pour sécuriser l’activité des agriculteurs, la clef consiste à partager avec eux une vision des volumes prélevables, car, tant qu’ils connaissent ces volumes, ils sont prêts à adapter leurs pratiques.
Ensuite, nous devions montrer que nous pouvions nous améliorer en simplifiant le montage des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), qui s’inscrivent dans le cadre des assises de l’eau et qui s’appuient sur une vision globale.
Nous devons sans doute accélérer la mise en œuvre des « projets sans regret » et la réalisation des premiers pas, en réponse aux besoins locaux et aux urgences de la sphère agricole. Sans menacer les équilibres de la ressource mobilisable en eau, il faut également enclencher des projets plus globaux et des dynamiques de territoire, en particulier au titre des infrastructures.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.
M. Éric Gold. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Vous avez mentionné les changements de pratiques agricoles, sujet sur lequel vous vous penchez avec M. Denormandie. Toutefois, s’il faut effectivement engager une réflexion sur la ressource en eau, il ne faut pas pour autant se refuser à imaginer des systèmes de retenue d’eau captant des excédents pendant la période hivernale et les restituant en période de stress hydrique.
Les événements climatiques des dernières années doivent orienter les agences de l’eau vers des décisions innovantes et pragmatiques, libres de tout raisonnement dogmatique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Nous ne nous interdisons rien, dès lors que l’on ne met pas en péril nos ressources en eau et que l’on priorise les usages.
L’été dernier, certains départements français, comme le Lot, ont connu des ruptures d’eau potable : ce sont des situations que l’on ne souhaite évidemment pas voir se reproduire et s’installer dans la durée.
Nous avons donc besoin de projets respectant l’équilibre de la ressource et recourant à tous les moyens mobilisables, qu’il s’agisse d’économies en eau, de réutilisation des eaux usées ou de stockage, lorsque c’est possible. La question des excédents hivernaux s’inscrit dans ce cadre. C’est vrai, le décret dit « gestion quantitative » est plutôt fondé sur la notion d’étiage lors de situations de tensions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le secrétaire d’État, le principe de base est que le pollueur doit être le payeur.
Or, depuis des décennies, nous sommes confrontés au problème de la pollution de la Moselle par les rejets de chlorures nocifs des soudières de la vallée de la Meurthe.
À ce titre, les gouvernements successifs n’ont strictement rien fait. Ils ont même cautionné ces pollueurs scandaleux, puisque, chaque fois que de l’argent public a été investi pour écrêter les pics de pollution en période d’étiage, c’est-à-dire en été, les soudières en ont profité pour augmenter leur pollution.
Actuellement, ces entreprises rejettent deux fois plus de chlorures nocifs dans la Moselle qu’il y a quarante ans et l’attitude des pouvoirs publics est plus scandaleuse que jamais : ces derniers persistent à cautionner la situation au lieu de réagir. Il serait peut-être temps que les pouvoirs publics, quels qu’ils soient, se décident à réagir fermement et à sanctionner les pollueurs !
Comme pour les rejets de bauxite en Méditerranée, on nous dit : « Tant pis, on n’y peut rien… » Il est particulièrement urgent que vous fassiez quelque chose. Vous ne pouvez pas laisser perdurer cette situation, qui est devenue intenable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. L’agence de l’eau compétente a engagé une action avec les services des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) afin de trouver une solution technique, passant par la filtration pour éviter les rejets directs dans les milieux naturels. (M. Sébastien Meurant manifeste sa circonspection.) Il s’agit donc d’une réflexion technique et d’un engagement financier permettant de donner un début de réponse à cette situation : une telle pollution directe est bien sûr inacceptable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.
M. Jean Louis Masson. Quand j’étais député, un ministre m’avait répondu à peu près la même chose que vous : il était difficile de ne pas rejeter des chlorures dans la Moselle, parce que, si on les rejetait en mer du Nord, cela polluerait la mer. Votre réponse est à peu près aussi dense que celle de ce ministre giscardien…
Je suis scandalisé. On nous dit qu’on ne peut rien faire : évidemment, puisqu’on ne fait rien, et cela fait quarante ans que cela dure !
On en a par-dessus la tête : il serait temps de se réveiller, madame le secrétaire d’État ! C’est à vous que je le dis, mais vos prédécesseurs n’étaient pas mieux…