PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Agences de l’eau

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur les agences de l’eau.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris à la tribune, conformément à la décision de la conférence des présidents réunie le 1er décembre dernier. J’invite par ailleurs chacune et chacun à respecter les gestes barrières.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe auteur de la demande.

M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’eau, c’est la vie ! Elle est une ressource essentielle et stratégique pour notre planète comme pour notre pays. Je me réjouis donc que notre groupe Les Républicains ait demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour.

Le législateur a souhaité, via la création des agences de l’eau, rappeler que cette ressource faisait partie du « patrimoine commun de la Nation ». Or ce patrimoine souffre parfois d’un trop-plein de concertation, d’un manque de visibilité. Pis, il est souvent employé à des fins idéologiques pour pointer du doigt les industriels, les agriculteurs, voire les collectivités gestionnaires de l’eau.

Avant d’aborder la partie « problèmes, attentes et recommandations », permettez-moi de revenir très brièvement sur la construction des agences de l’eau.

La loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution a consacré une nouvelle organisation de la politique publique de l’eau, fondée sur une gestion décentralisée en bassins versants, et sur de grands principes permettant, à la fois, de lutter contre la pollution – en vertu du principe du pollueur-payeur – et de concilier les besoins en eau pour les collectivités, l’agriculture et l’industrie.

L’objectif était de mettre en place une politique profondément décentralisée, respectant l’un des principes clés de la gestion environnementale : la subsidiarité.

Avons-nous atteint cet objectif ? Poser la question, c’est y répondre…

Un premier problème doit être mis en avant. Il concerne l’absence de visibilité, et surtout la complexité du fonctionnement de ces agences.

En effet, comme vous le savez, la loi de 1964 a créé trois institutions chargées de la politique de l’eau : les comités de bassin, auxquels s’ajoutent les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les sous-bassins ; les agences de l’eau ; et le préfet coordonnateur de bassin qui représente l’État au niveau de ces instances pour surveiller et coordonner l’action des bassins.

Je rappelle également la création, au niveau national, du Comité national de l’eau (CNE), qui donne un avis consultatif sur les actions engagées.

Le problème est qu’il faut parcourir un véritable « labyrinthe crétois » pour trouver l’acteur qui prend réellement les décisions. L’organisation est en effet d’autant plus complexe et chronophage qu’elle mobilise beaucoup trop d’acteurs.

Aux côtés des acteurs présents parce qu’ils ont été élus, on trouve une palanquée d’acteurs nommés – experts, associations, bientôt conseil scientifique –, qui n’aident pas à la compréhension du fonctionnement des agences de l’eau mais qui, surtout – n’ayons pas peur de le dire ! – sèment le doute sur la capacité des élus, des collectivités, des chambres consulaires, des utilisateurs et des usagers à gérer la politique de l’eau, mettant en cause leur légitimité.

Une simplification du labyrinthe s’impose donc.

Le deuxième problème concerne le financement des agences de l’eau et l’étendue des leurs missions, un ensemble qui pousse au non-respect d’un principe fondateur selon lequel « l’eau paye l’eau ». Comment en sommes-nous arrivés à cette situation de non-respect dudit principe ?

Cela a commencé en 2010 par la politique de l’ancienne ministre de l’environnement, Dominique Voynet, qui avait mis en place tout un système visant à siphonner les excédents des agences de l’eau pour abonder le budget de l’État. De moins 400 millions d’euros par-ci en moins 200 millions par-là, nous sommes passés du principe « l’eau paye l’eau » au principe « l’eau paye l’État ».

S’est ensuivi, en 2018, l’abaissement du plafond de recettes des agences de l’eau, dit « plafond mordant », qui a également poussé les comités de bassin à réduire la fiscalité de l’eau et a entraîné une forte baisse des moyens alloués aux politiques des agences, notamment celles visant à venir en aide aux projets des collectivités territoriales.

Notons que ces ponctions se faisaient au moment où l’on demandait aux collectivités locales de se mettre aux normes pour leur assainissement collectif, et en outre d’élargir leur domaine d’action via la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi).

Enfin, comment ne pas évoquer l’étendue des prérogatives des agences de l’eau ?

Nous savons qu’elles sont passées de la gestion de ce que l’on appelle « le petit cycle de l’eau » – eau potable et assainissement – à celle des « grands cycle de l’eau », lesquels comprennent les milieux aquatiques, le littoral, l’agriculture et la biodiversité…

Le problème est survenu avec la création de l’Office français de la biodiversité (OFB).

Selon les dernières données, 80 % du financement de l’OFB sont assurés par les redevances gérées par les agences de l’eau, ou au titre du littoral. Comment, dans ces conditions, assurer le principe fondateur « l’eau paye l’eau » ?

Nous avions pourtant indiqué à maintes reprises, au Sénat, lors de la création de l’OFB, que cette instance allait poser des problèmes financiers aux agences. Comme c’est souvent le cas, nous avions tort d’avoir raison trop tôt !

Pour résumer, le message que l’État adresse aux agences est le suivant : « Faites plus avec beaucoup moins, et surtout débrouillez-vous ! »

Enfin, je veux évoquer un autre problème, qui n’est certainement pas le dernier : la péréquation, d’abord entre les agences de l’eau, ensuite au niveau des territoires ruraux.

En effet, comment expliquer la différence entre les annuels des agences de l’eau Seine-Normandie et Loire-Bretagne ? La première perçoit 685 millions d’euros, quand la seconde ne perçoit que 376 millions d’euros, soit un différentiel de 309 millions, et ce, alors que l’agence Loire-Bretagne regroupe deux fois plus de territoires.

J’en viens à la péréquation au bénéfice des territoires ruraux. Ces derniers sont producteurs de « services environnementaux » importants dans le domaine de l’eau et de la biodiversité. Si le dispositif actuel de péréquation permet une redistribution des villes vers les campagnes, de l’aval du bassin vers l’amont, du littoral vers l’intérieur, il faut réfléchir à une évolution plus large afin de véritablement rémunérer les services environnementaux rendus par les espaces ruraux.

Ces territoires sont particulièrement étendus dans certains bassins, comme celui de Loire-Bretagne, dont 55 % de la superficie est classée en zone de revitalisation rurale (ZRR).

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tous ces constats, remarques et recommandations m’amènent à penser que le dossier de l’eau est très largement devant nous. Nous croyions l’avoir réglé, mais le dérèglement climatique et l’arrivée massive dans les instances des adeptes du « frein à main » des projets viennent bouleverser nos certitudes.

Cela nous impose de revoir ou de diversifier nos outils, qu’il s’agisse : des modalités d’intervention, de planification, de gouvernance et de décomplexification ; de la sécurisation des quantités de l’eau, élément stratégique qui passe par la simplification des procédures de retenues collinaires ; de la diversification des ressources financières pour faire face à l’élargissement du périmètre d’intervention des agences de l’eau en matière de biodiversité et de milieu marin ; de la péréquation et de la répartition entre les bassins des moyens disponibles, en fonction des objectifs à atteindre et de la place des territoires ruraux.

J’espère que notre débat nourrira nos réflexions pour élaborer, dans un avenir proche, une grande loi relative à l’eau. Celle-ci semble s’imposer à nous. Je formulais cette recommandation, en 2016, dans un rapport sur la gestion de l’eau.

Une chose est sûre, la future gestion de l’eau dans notre pays devra se faire avec pragmatisme et discernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous donner l’occasion d’échanger sur les agences de l’eau, passées, présentes et à venir.

Les agences de l’eau sont au cœur de notre politique d’intervention pour l’eau et la biodiversité dans un contexte, que vous connaissez, de réchauffement climatique, de tension sur les ressources et de défis auxquels nous devons faire face en termes de qualité des masses d’eau et de structuration de nos territoires.

Ces agences sont des opérateurs stratégiques, mais insuffisamment connus, du ministère de la transition écologique. Elles sont pourtant au cœur de la refondation de notre politique de l’eau, laquelle a été débattue dès 2017 lors d’une première séquence des Assises de l’eau portant sur la rénovation de nos dispositifs d’assainissement et d’eau potable.

En 2019, une deuxième séquence des Assises de l’eau a été consacrée à l’adaptation au changement climatique et à la gestion globale de la ressource.

Une troisième séquence, que j’anime depuis plusieurs mois avec mon collègue Julien Denormandie, se concentre sur la gestion de l’eau pour les agriculteurs. Le choix cette thématique était une évidence car, comme vous le savez, on constate trop souvent dans nos territoires les tensions qu’entraîne la pression sur la ressource, qui s’amenuise. Il nous fallait donc avoir ce débat et construire un chemin commun entre les acteurs de l’eau et les agriculteurs, lesquels doivent réinterroger certaines pratiques.

L’anticipation des conséquences du changement climatique et les tensions sur le partage de la ressource nous exposent à des enjeux toujours plus forts, s’agissant notamment de la gestion quantitative.

Ce nouveau regard, nous le portons au travers du décret que je vous ai présenté cet été. Il vise à l’amélioration de la qualité de l’eau et à la lutte contre les micropolluants et les microplastiques.

Cette lutte, qu’il convient de renforcer, trouve un écho extrêmement fort au niveau communautaire et international. En effet, l’érosion de la biodiversité se poursuivant à un rythme effréné, il nous faut préserver et restaurer les écosystèmes naturels, développer de nouvelles aires protégées et sauvegarder les zones humides, ô combien essentielles. Aujourd’hui, toutes les collectivités le savent et s’y engagent.

Les six agences de l’eau, établissements publics de l’État présents sur le territoire métropolitain, jouent un rôle central d’animation de ces débats et d’accompagnement de ces transitions. Elles sont le reflet de la gestion intégrée de la ressource en eau par comités de bassin.

Instaurée depuis cinquante ans dans notre pays, celle-ci permet d’administrer chaque bassin hydrographique de manière décentralisée, au plus près des territoires, des enjeux et des décisions des élus.

Les agences perçoivent aujourd’hui, en termes de ressources, 2,197 milliards d’euros de redevances tenant compte, d’une part, de l’eau consommée au robinet et, d’autre part, de certaines atteintes à l’environnement – prélèvements excessifs sur la ressource ; pollutions ponctuelles et diffuses dues aux rejets d’eaux usées domestiques et industrielles, ou encore aux rejets azotés ou phytosanitaires. Ces recettes permettent aux agences de l’eau de soutenir des projets d’investissement portés par les collectivités ou d’autres acteurs, économiques ou non, mais toujours extrêmement structurants pour nos territoires.

Ces mêmes acteurs décident des financements, de leur répartition et de leurs modalités d’attribution au sein des programmes d’intervention, qui sont d’une durée de six ans. Il s’agit, dans le respect des cadrages nationaux, d’un modèle tout à fait original et qui a su s’adapter avec le temps.

Chaque million d’euros investi par les agences de l’eau engendre ou préserve de 30 à 35 emplois, ce qui représente, pour un montant d’environ 2 milliards d’euros par an, entre 60 000 et 70 000 emplois créés ou préservés chaque année dans l’ensemble des bassins.

Cet accompagnement financier essentiel pour la vie des territoires et cette démarche de contractualisation avec les collectivités locales, qui s’accompagne de larges concertations, doivent être préservés.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, les agences de l’eau ne sont plus aujourd’hui uniquement des agences de l’eau, car nous avons élargi leurs missions. La loi de n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite loi Biodiversité, accompagne ainsi leur action en faveur de la préservation de la biodiversité et des milieux marins.

Conformément au souhait du Gouvernement, les agences de l’eau ont ainsi accentué l’accompagnement des projets en faveur de la gestion du grand cycle de l’eau, de la qualité des milieux aquatiques et de l’adaptation rendue nécessaire par le changement climatique. Au-delà de la puissance financière de leurs interventions, elles ne cessent d’innover, de proposer, de tester de nouvelles réponses à ces enjeux émergents.

Les enjeux auxquels nous devons faire face indiquent très clairement que cette action doit encore être renforcée – nous partageons ce diagnostic. Dans le contexte du premier anniversaire de la stratégie nationale pour les aires protégées, et de la publication prochaine de la troisième stratégie nationale pour la biodiversité, nous devons relever ces défis avec la plus grande ambition. En matière d’intervention comme de financement, des ressources importantes doivent en effet être trouvées pour accompagner cette montée en puissance des agences de l’eau et répondre à l’urgence.

Une part notable des investissements des agences de l’eau répond toujours au besoin persistant d’amélioration des infrastructures et des réseaux d’eau potable et d’assainissement. Malgré la diversification des missions des agences de l’eau, cette capacité d’intervention demeure : au niveau national, plus de 45 % des aides allouées au sein des onzièmes programmes d’intervention des agences de l’eau visent à l’amélioration des infrastructures et des réseaux d’eau potable et d’assainissement.

Je souhaite également insister sur la nécessaire solidarité entre l’urbain et le rural, à laquelle nous sommes particulièrement attachés. Dans le cadre des onzièmes programmes, le fléchage de crédits en faveur des zones de revitalisation rurale a été accentué.

De même que nous devons toujours affirmer le principe du pollueur-payeur, nous devons en effet valoriser les aménités rurales, car les territoires ruraux contribuent à la préservation de ressources et d’une qualité des milieux essentiels à tous les Français.

Je vous rejoins donc, monsieur le sénateur, sur la nécessité de flécher les crédits en direction des territoires les plus impliqués, qui sont également ceux qui connaissent la plus grande tension. Nous devons éviter un effet de « saupoudrage » des aides, et concentrer nos actions sur les territoires qui appellent le plus d’attention – définir ces priorités est le travail des agences, en concertation avec les territoires.

Nous sommes au rendez-vous, puisque le 30 juin 2021, les agences avaient déjà octroyé plus de 700 millions d’euros, depuis 2019, aux collectivités rurales pour les aider à renouveler leurs installations d’eau potable et d’assainissement.

Ces deux dernières années, les agences de l’eau ont par ailleurs démontré leur grande robustesse et leur adaptabilité. Saluons en particulier leur mobilisation et leur engagement lors de la crise sanitaire, leur réactivité afin d’assurer la continuité de leurs services, tout comme la rapidité record de l’instruction des dossiers portés dans le cadre de France Relance.

La totalité des 260 millions d’euros alloués aux agences de l’eau dans le cadre du plan France Relance a été engagée en moins de sept mois.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Je détaillerai donc au fil de vos questions les interventions menées dans le cadre du plan France Relance.

Il y a également de bonnes nouvelles sur le front des effectifs : pour la première fois depuis 2008, il me semble, nous avons stoppé la baisse des effectifs dans les agences de l’eau. C’était une nécessité, car celles-ci ont largement participé à l’effort de maîtrise des effectifs parmi les opérateurs de l’État. Nous avons mis fin à ces baisses pour permettre aux agences de l’eau de répondre à l’élargissement de leurs missions et à leur montée en puissance. (M. Alain Richard applaudit.)

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique, en application du nouveau règlement sur les temps de parole.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente, et aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. Madame la secrétaire d’État, 8 000 kilomètres de cours d’eau, 80 rivières, 20 nappes phréatiques, 270 kilomètres de côtes, 4,8 millions d’habitants. Voilà, très rapidement brossé, le portrait du bassin Artois-Picardie, qui requiert toute l’attention du sénateur du Nord que je suis.

Sa gestion durable doit faire l’objet d’une nouvelle feuille de route pour les six prochaines années. La réévaluation et l’adoption du Sdage pour la période 2022-2027 sont prévues en mars prochain.

Enjeux, témoignages et pratiques durables ont été au cœur des débats préparatoires, qui ont permis de mesurer à quel point il est nécessaire que nos concitoyens s’approprient pleinement ce sujet, car l’eau n’est pas une ressource inépuisable.

En effet, nous savons tous que le changement climatique est l’un des enjeux majeurs de la politique de l’eau, et que les agences de l’eau ont un rôle prépondérant à jouer pour réduire les pollutions de l’eau de toutes origines, protéger les ressources en eau et lutter contre l’érosion de la biodiversité.

À ce titre, l’ambitieux onzième programme d’intervention 2019-2024 de l’agence de l’eau Artois-Picardie est à la hauteur des enjeux climatiques de notre époque. Il apporte des moyens importants pour financer l’ensemble des projets territoriaux.

Parmi les objectifs de ce programme, la lutte contre les phénomènes de sécheresse et d’étiage de nos cours d’eau rend nécessaire d’être davantage attentifs aux fuites dans les réseaux d’eau potable et au bon fonctionnement de nos systèmes d’assainissement, pour éviter les pollutions des milieux naturels.

Madame la secrétaire d’État, la gestion de l’eau dans le bassin Artois-Picardie emporte plusieurs enjeux : prévenir les périodes de sécheresse, réguler les risques d’inondations et veiller à la qualité de l’eau. Le 16 novembre dernier, vous avez déclaré à Lille que 88 % des bassins de Corse sont en bon état, contre 22 % en Artois-Picardie.

Les agences de l’eau sont résolument engagées dans le cadre du plan de relance. Sur les 250 millions d’euros d’aides allouées à des projets portant notamment sur la mise aux normes des stations de traitement des eaux usées et la rénovation des réseaux d’assainissement, plus de 16 millions d’euros concernent directement l’agence de l’eau Artois-Picardie.

Madame la secrétaire d’État, si je me réjouis moi aussi bien évidemment que les effectifs des agences soient maintenus cette année, après des années de baisse historique, je souhaiterais que vous nous confirmiez que les engagements pris lors de l’annonce du plan national de gestion durable des eaux pluviales permettront réellement à l’agence Artois-Picardie de mener ses missions dans le département du Nord, lequel a connu, ces derniers mois, des phénomènes aux conséquences dramatiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur Marchand.

La gestion des eaux de pluie à la source est en effet liée au bon fonctionnement des systèmes d’épuration et à l’adaptation au changement climatique. Elle constitue également un réel levier de prévention des phénomènes d’inondation que, malheureusement, le Nord n’a que trop connus – des projets exemplaires ont d’ailleurs été mis en œuvre dans ce département.

J’ai effectivement annoncé à Lille en novembre dernier un plan national de gestion durable des eaux pluviales, question qui touche particulièrement le bassin Artois-Picardie.

Une lutte innovante contre l’érosion des sols est menée en milieu rural, pour recharger les nappes phréatiques.

En zone urbaine, les jours de fortes pluies, les réseaux débordent, rejetant directement des eaux usées dans les milieux. Une intervention est évidemment nécessaire.

L’infiltration des eaux de pluie à la source permet d’ailleurs la création d’îlots de fraîcheur en ville, ce qui, compte tenu de la fréquence des épisodes de chaleur que nous connaissons, devient indispensable.

En tout état de cause, la gestion des eaux de pluie est un sujet très important des onzièmes programmes des agences de l’eau.

Dans le bassin Artois-Picardie, sur six ans, le budget prévu pour accompagner les projets des collectivités s’élève à 60 millions d’euros, avec des taux d’aides très incitatifs, de l’ordre de 70 %, pour la réalisation d’études préalables et pour l’investissement dans des solutions fondées sur la nature, comme les noues d’infiltration.

Le budget alloué aux projets de lutte contre l’érosion des sols a quant à lui été complété par un redéploiement, car à mi-programme, il a déjà été consommé à 200 %. C’est dire la maturité de ces projets, dont les acteurs se saisissent pour répondre aux enjeux auxquels nous faisons face.

L’agence de l’eau Artois-Picardie finance également depuis 1997 l’association Adopta, qui fait émerger des projets, anime un réseau d’acteurs et constitue un observatoire public valorisant les nouvelles réalisations, ce qui est essentiel pour que les bonnes pratiques soient partagées.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur le sujet des inondations qui surviennent, non pas seulement à l’occasion de phénomènes climatiques extrêmes, mais de manière régulière dans de très nombreux territoires, comme dans mon département de l’Aisne il y a quelques semaines. La situation est telle qu’il suffit parfois de 50 millimètres de précipitations par mètre carré en une journée pour que les champs soient transformés en plans d’eau, que les routes soient barrées et des foyers touchés.

Les explications sont nombreuses : les conditions météorologiques font qu’il pleut plus vite, de manière plus localisée, mais l’écoulement de l’eau pose également de réelles difficultés, car depuis quelque temps, les cours d’eau et les fossés sont moins bien entretenus. En fin de compte, des millions de litres d’eau ne peuvent plus s’écouler dans la nature.

Si les propriétaires, les agriculteurs ou les communes ne les entretiennent plus, c’est parce que plus personne n’y comprend rien. Quelle est la différence entre un ru, un cours d’eau et un fossé ? Quels travaux a-t-on le droit d’y faire ? Sur quelle largeur peut-on retirer de la terre, et que faire de la terre que l’on extrait ? On a du mal à répondre à toutes ces questions, ce qui inquiète beaucoup les différents propriétaires, qui redoutent le contrôle de la police de l’eau.

Il me semble que les agences de l’eau, qui ont une réelle expertise sur ces sujets, devraient travailler main dans la main avec les directions départementales des territoires (DDT) afin de proposer, pour chaque territoire, un cahier des charges présentant de manière didactique les opérations possibles. Chacun pourrait ainsi en tirer profit, et nous retrouverions enfin des fossés et des cours d’eau entretenus, ce qui permettrait de limiter les débordements quand il y a des précipitations de l’ordre de celles que j’évoquais tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous rejoins totalement sur la nécessité de partager les bonnes pratiques, au moyen de guides ou de fiches qui, du reste, dans les méandres de nos différentes plateformes d’information, existent déjà sûrement. Ces bonnes pratiques doivent être largement diffusées, pour servir de repères à ceux qui sont amenés à entretenir ces cours d’eau.

Les agences de l’eau peuvent également offrir un support financier lorsque les projets sont suffisamment aboutis, ou en amont pour soutenir l’ingénierie et discuter des interventions à venir en partenariat avec les acteurs. Les programmes des agences de l’eau incluent d’ailleurs cet objectif, que nous partageons.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Madame la secrétaire d’État, la situation des agences de l’eau continue de nous interpeller. Alors que leurs missions n’ont cessé de se diversifier et de s’étoffer, notamment sous l’impulsion de la loi Biodiversité de 2016, leurs effectifs ont connu une chute de 21 % entre 2010 et 2021.

Depuis 2018, les ponctions régulières sur leurs ressources et l’existence d’un plafond mordant ont limité leurs capacités opérationnelles.

Pour les années 2019-2024, le budget des onzièmes programmes pluriannuels d’intervention a enregistré un recul de près d’un milliard d’euros par rapport aux précédents programmes.

Parallèlement, la réforme sur les redevances perçues par les agences, qui devait être inscrite dans le projet de loi de finances pour 2022 et qui a suscité des inquiétudes l’été dernier, a été ajournée.

La question de la capacité des agences de l’eau à accompagner les collectivités territoriales et les acteurs locaux dans leurs projets en matière de gestion de l’eau se pose désormais.

Alors que ces agences jouent un rôle déterminant, tant dans la bonne mise en œuvre des politiques de préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques que dans la performance des services et la maîtrise des coûts, il est urgent de trouver des stratégies de financement pertinentes et de tracer une orientation budgétaire à long terme.

Nous devons aussi nous prémunir contre toute remise en question de leurs missions historiques qui serait opérée selon des calculs purement comptables.

Je pense au dossier de l’assainissement non collectif, qui n’a pas été retenu parmi les priorités ministérielles en matière d’intervention des agences de l’eau pour la période 2019-2024. Dans les territoires, cela se traduit par des difficultés importantes, tandis que les aides sont de plus en plus rares pour la mise aux normes des installations et que les maires ou les présidents d’intercommunalités se retrouvent démunis face à leurs habitants.

Ma question est donc simple, madame la secrétaire d’État : pouvez-vous nous indiquer ce que contiendra la future réforme sur les redevances perçues par les agences et à quelle échéance elle sera mise en œuvre ? S’appuiera-t-elle sur une révision à mi-parcours, d’ici la fin de l’année, des onzièmes programmes ?