Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, si j’avais été sollicitée par un simple courrier de votre part m’alertant sur ce dossier, j’aurais préparé une réponse un peu plus étayée…
M. Jean Louis Masson. Cela fait vingt ans que je pose cette question par écrit !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. En tout état de cause, je viens d’apprendre qu’un contrat a été conclu entre la région…
M. Jean Louis Masson. Cela ne résout rien du tout !
Mme la présidente. Mon cher collègue, attendez que Mme la secrétaire d’État ait fini de s’exprimer pour lui répondre.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … et les différents acteurs pour avancer vers la résolution du problème que vous soulevez. La réflexion avance et une solution se dessine, avec des moyens dédiés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. C’est un dialogue de sourds !
Ces procédés ne règlent rien du tout et la pollution continue comme avant ! Cela et rien, c’est la même chose…
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Chaque été, le bassin Adour-Garonne connaît des étiages préoccupants, qui seront probablement réduits de moitié à l’horizon de 2050. La température de l’eau frise alors les 30 degrés.
Aux sécheresses de plus en plus fréquentes et sévères s’ajoute l’augmentation de la distribution d’eau à Toulouse et à Bordeaux, métropoles très attractives qui accueillent chacune quelque 15 000 habitants de plus chaque année.
Nous sommes ainsi confrontés à une équation bien difficile à résoudre et les enjeux, déjà nombreux, ne cessent de se multiplier. Si le réchauffement climatique s’installe petit à petit dans ce qui s’apparente à un voyage sans retour, nous devons aussi faire face au constat alarmant d’une accumulation de micropolluants dans les eaux de nos rivières : microplastiques et même nanoplastiques, résidus de médicaments, pesticides et autres substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS). Malheureusement, les conséquences sur la santé sont certaines…
Voilà donc des enjeux d’avenir primordiaux, car l’eau, c’est la vie.
Ces défis immenses qui nous attendent représentent des coûts considérables et il est à craindre que l’augmentation des moyens nécessaires ne pèse sur nos concitoyens, comme c’est le cas aujourd’hui. En effet, plus de 70 % des revenus perçus par les agences de l’eau viennent des particuliers. La reconquête et le bon état de nos masses d’eau exigent non seulement une organisation locale simplifiée, mais aussi, bien entendu, des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux.
La première stratégie des agences de l’eau est de réussir à préserver ce bien commun essentiel. Les comités de bassin sont des lieux de dialogue et d’équilibre entre personnes qualifiées, collectivités territoriales et associations. Cet esprit de concertation et le caractère décentralisé de cette gouvernance sont les mieux à même de répondre aux situations locales.
Madame la secrétaire d’État, dans cette perspective, entendez-vous poursuivre le gel de la baisse des effectifs de ces agences au-delà de 2022 ? Comment comptez-vous assurer une adaptation responsable au dérèglement climatique et aux pollutions diffuses ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Préville, avant tout, je tiens à vous remercier de votre implication sur ces sujets, notamment sur celui des micropolluants. J’espère que le colloque que vous prévoyez d’organiser pourra avoir lieu.
Nous élaborons actuellement le prochain plan sur ce sujet : la question des micropolluants véhiculés par les eaux pluviales – les microplastiques, les cosmétiques – sera au cœur de ce nouveau plan de lutte, auquel vos travaux et vos réflexions contribuent grandement.
Le bassin Adour-Garonne connaît effectivement une tension particulière sur cette ressource. (Mme Angèle Préville acquiesce.) Nos plans d’adaptation au changement climatique identifient cette vulnérabilité et doivent nous permettre d’identifier les leviers d’adaptation. Les schémas directeurs d’aménagement et de la gestion des eaux (Sdage), en cours de révision, doivent également proposer une vision commune et une perspective pour la gestion et la maîtrise de cette ressource.
Vous évoquez les comités de bassin. Je le répète : je défends résolument ce modèle et son ancrage à l’échelle du bassin, qui lui permet de répondre aux enjeux locaux. Cette forme de gouvernance me semble la mieux à même d’assurer une vision commune assumée par tous.
Les comités de bassin doivent représenter les élus des territoires : nous devons préserver ce modèle et exercer notre vigilance sur les besoins majeurs afin de renforcer nos ressources face à ces défis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. L’article L. 210-1 du code de l’environnement définit l’eau comme faisant « partie du patrimoine commun de la Nation ».
Les agences de l’eau ont été créées en 1964 pour favoriser la solidarité territoriale et financer non seulement le petit cycle de l’eau, mais encore la prévention, en amont.
Le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, auquel le département de la Haute-Savoie est rattaché, est le plus concerné par les événements climatiques en France. De 1982 à 2018, 6 750 communes, soit 92 % des communes du bassin, ont été touchées au moins une fois par une inondation déclarée catastrophe naturelle.
La multiplication de ces catastrophes climatiques justifie la mobilisation de crédits exceptionnels pour permettre des reconstructions dans les départements sinistrés, mais le budget de l’agence de l’eau chargée de ce comité de bassin s’en trouve très sollicité, alors même que le contexte général est déjà défavorable : les capacités totales annuelles d’intervention de l’agence ont reculé de plus de 15 % par rapport à la période 2013-2018.
Cette agence regroupe une très grande part des territoires de montagne de notre pays. Ces derniers constituent – je le rappelle – les principaux châteaux d’eau de notre Nation, mais ils se révèlent particulièrement vulnérables, car ils sont soumis à des aléas climatiques plus forts : cette agence, qui fait face à de très grands enjeux environnementaux, devrait donc bénéficier d’une solidarité financière nationale.
Madame la secrétaire d’État, que pensez-vous de cette proposition ?
Par ailleurs, face aux défis climatiques qui seront, demain, plus importants et plus nombreux qu’hier pour les agences de l’eau, le principe de plafond mordant, introduit par la loi de finances pour 2018, a-t-il encore du sens ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Noël, vous êtes bien placée pour connaître les impacts terribles et la violence de certains épisodes liés au dérèglement climatique, auxquels nous avons dû nous adapter en faisant preuve de résilience.
Très concrètement, nous devons aussi trouver les moyens de faire face à ces terribles catastrophes naturelles.
Le régime d’indemnisation fait déjà appel à la solidarité nationale, qui se manifeste également dans la prévention, au travers d’études et de travaux, voire de délocalisations lorsque c’est nécessaire.
C’est principalement au travers du fonds de prévention des risques naturels majeurs, mieux connu sous le nom de fonds Barnier, que l’on intervient. En deux ans, les crédits de ce fonds ont augmenté de plus de 70 %, passant de 131 à 235 millions d’euros en 2022, avec une enveloppe supplémentaire spécifique post-tempête Alex d’un montant de 30 millions d’euros en 2022.
Dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, l’agence de l’eau a largement contribué au financement des travaux de réparation des systèmes d’assainissement, des réseaux d’eau potable et des réseaux collectifs d’irrigation, ou encore à la restauration des cours d’eau. Elle apporte ainsi un concours important au travers d’une enveloppe de 25 millions d’euros destinée aux travaux faisant suite à la tempête Alex.
Pour ce qui concerne la solidarité nationale dans le cadre des interventions des agences de l’eau, un rééquilibrage des recettes entre les différentes agences a eu lieu lors de la préparation des onzièmes programmes des agences de l’eau, en fonction de notre expérience dans les différents bassins, et des mutualisations entre agences ont eu lieu.
Pour la définition des douzièmes programmes, nous portons une attention toute particulière au maintien de cet équilibre et de la solidarité nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Madame la secrétaire d’État, il me semble que vous ne m’avez pas répondu au sujet des plafonds mordants.
Pour revenir à ma première question, je n’ignore pas l’existence de mécanismes de péréquation ; mais ils se révèlent gravement insuffisants pour l’agence de l’eau dont il s’agit, chargée d’intérêts stratégiques allant bien au-delà de son territoire et concernant l’ensemble de la Nation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises : nous devons à la fois maîtriser la pression fiscale pesant sur les ménages français et assurer la montée en puissance des financements. Un rapport du sénateur Richard et du député Jerretie, dont je salue la teneur, éclaire d’ailleurs ces réflexions.
Celles-ci doivent être mises en regard d’autres questions, je pense notamment à celle du sénateur Guené. Nous ne pouvons envisager ces réflexions sur la fiscalité que dans le cadre d’une réflexion plus large, incluant la fiscalité des collectivités territoriales. Ce problème ne peut pas être vu que par le prisme des agences de l’eau : notre réflexion doit être beaucoup plus large.
Je n’ai pas souhaité apporter à ces questions une solution clefs en main, que j’aurais conçue seule au sein de mon ministère sans avoir une vision globale avec les différentes collectivités. Cette réflexion sur la fiscalité, nous l’aurons beaucoup plus largement à l’échelle nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Je ne propose pas de réévaluer les redevances demandées aux particuliers ; je pense plutôt aux crédits que l’État a pris aux agences de l’eau pour financer l’Office français de la biodiversité (OFB).
Cette situation n’est pas normale, et c’est sur ce point qu’il faut intervenir : l’eau doit payer pour l’eau et l’OFB n’est pas concerné par les cotisations des agences de l’eau.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Le stress hydrique est déjà une réalité pour nombre de nos départements. Demain, le réchauffement climatique imposera de mettre en œuvre des solutions novatrices pour y répondre.
Parmi celles qui sont envisagées figure le projet Jourdain, mené par le syndicat départemental Vendée Eau.
Ce projet ambitieux, de 17 millions d’euros sur dix ans, est un programme global de production indirecte d’eau potable à partir d’eaux usées. Après traitement, il serait question non plus de les rejeter à la mer, mais de les réinjecter dans le circuit de l’eau potable à l’issue d’un processus comprenant une unité d’affinage et une zone de transition végétalisée.
Cette expérimentation est une première en Europe. Elle pourrait dégager des ressources en eau considérables. Reproductible, elle peut constituer une réponse pertinente pour de nombreux territoires, en particulier littoraux.
L’agence de l’eau accompagne Vendée Eau pour la première phase du projet, à hauteur de 4 millions d’euros sur les 9 millions engagés à ce jour, mais elle refuse d’envisager un soutien à l’intégralité du projet. Ainsi, la canalisation, la zone végétalisée et les études d’impact indispensables à la réalisation de ce projet ne seraient pas éligibles à une aide, ce qui risque de compromettre l’expérimentation de la démonstration qui doit faire avancer la réglementation, sauf à s’orienter vers un financement privé.
Madame la secrétaire d’État, pouvons-nous raisonnablement confier à des sociétés privées le soin d’offrir une réponse à la ressource en eau, alors qu’un organisme d’État est censé s’y consacrer ? Pouvez-vous enfin vous engager à financer ce projet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Le projet Jourdain, défendu par le syndicat départemental d’eau potable de Vendée, est effectivement très innovant. Nous y accordons le plus grand intérêt.
En effet, avec un tel démonstrateur expérimental permettant de tester et d’évaluer in situ une solution de recyclage indirect des eaux usées traitées, qui offre des perspectives de réutilisation des eaux usées après affinage pour compléter la ressource en eau, nous avons un dispositif permettant de renforcer l’alimentation en eau potable de la population du littoral vendéen. Ce levier est donc extrêmement intéressant.
Ce projet, engagé depuis 2018, a bénéficié d’un accompagnement de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, avec un financement de 4,18 millions d’euros d’aide pour une dépense totale de 8,69 millions d’euros à ce jour.
La région des Pays de la Loire y a contribué, avec un montant de 1 million d’euros issus du Fonds européen de développement régional (Feder). Le département de Vendée apporte, quant à lui, 1,7 million d’euros. Ce budget important témoigne de l’ambition que nous avons pour ce projet.
Les prochaines phases, qui concernent la canalisation et les ouvrages associés, la zone de transition et les études et bilans, sont estimées à 13 millions d’euros par le syndicat départemental. Nous sommes donc à la recherche de financements complémentaires dans le cadre d’un tour de table. La vision globale des prochaines étapes du projet doit inclure la démonstration de son caractère reconductible.
L’ensemble de ces priorités justifient bel et bien un financement exceptionnel : l’agence de l’eau étudiera ce projet afin d’évaluer le soutien qui peut encore y être apporté, en complément des partenaires financeurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, ce que je veux, aujourd’hui, c’est une réponse sur la deuxième phase du projet.
Le ministère dit que c’est un bon projet et l’agence de l’eau a participé à sa première phase, mais on ne sait toujours pas comment financer sa deuxième phase.
C’est bien de manifester de l’intérêt, mais il faut désormais apporter des réponses claires au syndicat Vendée Eau. Hier encore, l’agence de l’eau rencontrait le président de ce syndicat, Jacky Dallet, qui n’a toujours pas de réponse à ce stade.
Vous devez donner une réponse claire sur la deuxième phase de travaux. Sinon, le projet ne pourra pas aboutir.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je vous confirme l’accord de principe, l’intérêt et le soutien de l’État et du Gouvernement pour ce projet. Toutefois – vous le savez –, la décision appartient au conseil d’administration et à la commission d’intervention de l’agence de l’eau, entre les mains desquels se trouve ce dossier.
Cela étant, le tour de table semble bien parti : de forts investissements ont déjà été consentis et tous les partenaires semblent décidés à soutenir ce projet jusqu’au bout.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Il semble qu’il y ait tout de même des problèmes de gouvernance, vu le temps que l’on aura mis à aboutir à ce résultat.
Le projet est lancé depuis 2017 ; l’agence de l’eau accepte peut-être de participer à la deuxième phase, mais demande à sectionner les différents travaux, ce qui est impossible.
Essayons d’avoir une gouvernance et des projections claires. Il s’agit d’investissements extrêmement lourds, qui ne doivent pas être supportés par les seuls Vendéens. (M. Yves Détraigne opine.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Madame la secrétaire d’État, les politiques de l’eau ne sont pas toujours visibles et leur mise en œuvre est trop complexe. Peut-on envisager de réformer la gouvernance de l’eau pour la simplifier et l’asseoir sur la confiance avec les collectivités ?
Ce chantier suppose nécessairement de renforcer les partenariats entre les régions et les agences de l’eau, notamment en développant les contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER), un peu en souffrance aujourd’hui.
Surtout, il faut travailler de concert avec les collectivités territoriales, lesquelles doivent pouvoir maîtriser l’organisation des projets de territoire. En vertu de ses pouvoirs régaliens, l’État devra assurer la cohérence des actions menées aux échelles nationale et européenne.
Les comités de bassin et les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) doivent également affirmer leurs prérogatives en matière d’expertise, en y intégrant l’appui aux politiques de prévention et de gestion des inondations.
Dans cette perspective, il serait souhaitable de rapprocher les documents relatifs aux plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) et aux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) pour une cohérence d’action autour d’un cycle global de l’eau.
Enfin, il faut clarifier et affirmer le modèle financier pour accompagner l’ensemble des plans d’action et faciliter les contractualisations.
L’ensemble de ces éléments devraient participer à la mise en œuvre d’une nouvelle loi-cadre sur l’eau visant à simplifier les organisations et à renforcer le rôle des collectivités territoriales, tout particulièrement celui des régions.
Quelle est votre position sur ces différents sujets ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous confirme l’intérêt de cette proposition très technique : le rapprochement des PGRI et des Sdage semble cohérent et pertinent.
Une telle disposition me semble d’ordre législatif. Elle devra donc être soumise au débat parlementaire. La réflexion doit encore être prolongée ; mais elle a du sens, qu’il s’agisse de l’efficacité, de la lisibilité ou de la cohérence de nos dispositifs. Elle mérite de s’inscrire dans la discussion du prochain programme sur six ans.
Je ne vous le cache pas : la gouvernance des agences de l’eau que vous appelez de vos vœux m’a un peu déroutée. En effet, elle me semble correspondre parfaitement à la gouvernance actuelle, ce dont je me félicite.
Votre question invite peut-être à faire preuve d’une plus grande clarté encore au sujet de ce mode de fonctionnement. Les comités de bassin décisionnaires, sur lesquels repose cette gouvernance et auxquels participent tous les élus locaux, à quelque échelon que ce soit, participent de ce modèle tout à fait exceptionnel qu’il nous faut préserver.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Madame la secrétaire d’État, je vais préciser ma pensée : je souhaite surtout un approfondissement de la décentralisation.
En effet, l’État est parfois un peu trop présent sur des projets territoriaux et devrait rester dans son rôle régalien. Il faut affirmer le poids des collectivités territoriales, notamment celui des régions, et renforcer le dialogue interrégions. Les CPIER sont encore relativement creux sur ces sujets. Or certains comités de bassin, comme celui de l’Adour-Garonne, s’étendent sur deux régions.
Pourriez-vous nous donner plus de précisions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Ces bassins hydrographiques, qui s’affranchissent des frontières administratives, demandent effectivement un travail particulier de concertation et de décloisonnement des politiques.
Toutefois, ce défi est déjà connu. Nous y faisons face pour certaines aires protégées, comme les parcs nationaux par exemple, qui peuvent être à cheval sur différents départements ou différentes régions.
Ces cas de figure appellent un certain nombre d’innovations. Ils exigent une véritable intelligence des situations locales. Toutefois, les actions mises en œuvre doivent rester à la main des élus des collectivités et donc des territoires.
En parallèle, la vision globale de la politique de l’eau doit demeurer du ressort de l’État. Si le cadre national dans lequel s’inscrivent les PTGE, les Sdage et cette vision même de la ressource doit être conservé, l’adaptation des dispositifs, des besoins et des interventions doit être menée à l’échelle des bassins.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Aujourd’hui, les questions ont essentiellement porté sur le financement de la Gemapi et les risques d’inondation.
Vous avez évoqué le fonds Barnier, mais il reste un solde à payer relativement important. Or la contractualisation n’est pas claire aujourd’hui : le manque de lisibilité entre les régions, les départements et les différentes parties prenantes prive les collectivités locales qui se sont emparées de la compétence Gemapi de visibilité financière.
La marge d’incertitude reste forte, parce que les plans de financement ne sont pas suffisamment consolidés à la fois dans le cadre du dialogue interrégional et à l’échelle des collectivités territoriales.
Il faut aller vers un renforcement des compétences des collectivités territoriales, vers une meilleure visibilité pour améliorer l’accompagnement de projets qui peuvent être lourds de conséquences sur le plan financier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur l’une des préoccupations des communes rurales, qui sont nombreuses dans mon département de la Moselle.
Depuis le début de mon mandat, je suis régulièrement interpellée par les maires de petites communes qui éprouvent de plus en plus de difficultés dans leurs rapports avec l’agence de l’eau de notre bassin.
Pour ces collectivités territoriales, la mise aux normes de l’assainissement, imposée par les mêmes agences de l’eau ou par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), représente des coûts importants.
Vous le savez : les budgets de ces communes sont contraints et la rénovation des réseaux, collectifs ou non collectifs, est particulièrement onéreuse. L’État, à l’instar des départements et des régions, ne les subventionne quasiment pas.
Le programme des agences de 2014 abandonnait le financement du collectif au profit du non-collectif. De nombreuses communes ont alors commandé des études dans l’espoir de bénéficier des subventions des agences. Mais le onzième programme, entré en vigueur en 2019, ne subventionne plus le non-collectif.
Compte tenu du temps nécessaire à la réalisation des études, des délais d’instruction et des fréquents changements des zonages déterminés par les agences, les communes n’ont tout simplement pas pu bénéficier des subventions du dixième programme. Elles sont aujourd’hui confrontées à de graves difficultés et ne trouvent pas de solution.
La rénovation de l’assainissement non collectif représente un véritable casse-tête, car la collectivité n’a souvent pas d’autre choix que d’avancer les sommes pour que les particuliers mettent aux normes leurs systèmes individuels.
Madame la secrétaire d’État, alors que les fonds du plan de relance sont censés favoriser les travaux de mise aux normes environnementales de l’assainissement, les communes rurales ont besoin de savoir si le non-collectif fait partie des priorités de l’État. Dans l’affirmative, comment mobiliser enfin des subventions à leur profit ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice, je vous rejoins : il est aujourd’hui nécessaire d’apporter une réponse aux exécutifs locaux, qui ont été largement renouvelés et qui font désormais preuve de volontarisme en la matière (Mme Catherine Belrhiti acquiesce.) – ce n’était pas le cas lorsque les agences de l’eau participaient au financement de l’assainissement non collectif.
Nous devons aider ces communes en grande difficulté à mener à bien des projets locaux d’assainissement qui supposent des budgets tout à fait considérables.
Sur la forme, le Gouvernement n’a pas souhaité poursuivre ces interventions, longtemps financées. Il a fallu faire des choix et nous avons redirigé les capacités d’intervention des agences de l’eau dans le cadre du onzième programme.
À nous d’imaginer d’autres dispositifs. Encore une fois, je n’ai pas de réponse toute faite. Les situations peuvent être très diverses, selon qu’il s’agit d’un projet strictement individuel ou élaboré par un EPCI. Dans ce dernier cas, il faut trouver un montage financier à même de répondre, de manière opérationnelle, à des enjeux un peu plus globaux.
Nous pouvons imaginer des réponses immédiates, via des incitations fiscales par exemple. À moyen terme, la mise en œuvre d’un service unique d’assainissement pourrait offrir une entrée globale, notamment avec un accompagnement en termes d’ingénierie financière.
Le débat est ouvert. Comme vous, j’estime qu’il est grand temps d’apporter des réponses aux collectivités. (M. François Bonhomme s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la secrétaire d’État, je vous le confirme, il faut absolument trouver des solutions.
Au fil des années, les prescriptions des agences de l’eau ont connu un certain nombre de revirements, si bien que les communes ne savent plus à quoi s’en tenir. Certaines d’entre elles voudraient aider les particuliers, mais elles ne peuvent pas s’endetter.
Face à ces situations bloquées, un certain nombre de maires reviennent régulièrement vers moi. J’y insiste, il faut rapidement apporter une solution à ces communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Madame la secrétaire d’État, depuis 2017, les sept agences de l’eau sont devenues, de fait, le bras armé des comités de bassin, qui financent une part de plus en plus importante des politiques environnementales, bien au-delà de leurs compétences propres : Agence française pour la biodiversité (AFB), parcs nationaux et j’en passe.
Plutôt que d’accorder à ces opérateurs des crédits propres, le Gouvernement puise dans le budget des agences de l’eau, lui-même constitué de redevances payées par tous les usagers. Ainsi, les agences de l’eau financent actuellement près de la moitié des politiques de la biodiversité.
Mais cela ne s’arrête pas là : vous avez institué un plafond mordant, autrement dit un seuil, fixé à 2,1 milliards d’euros en 2019, au-delà duquel les recettes perçues par les agences sont directement reversées au budget de l’État. Or un rapport parlementaire émanant de votre propre majorité dispose que les agences de l’eau ont besoin de 400 millions d’euros supplémentaires par an pour mener à bien leurs missions.
Ledit rapport rappelle que les agences sont des acteurs essentiels de la préservation de l’eau : elles mènent ou financent des actions de dépollution, d’entretien des réseaux et de restauration des rivières. Ce plafond mordant vient donc imposer une règle budgétaire totalement anachronique, qui ne prend pas la mesure des problématiques de notre temps, d’autant que ces dernières ne manquent pas : multiplication des inondations et des sécheresses, raréfaction des ressources en eau, élévation du niveau de la mer en raison du dérèglement climatique, etc.
Ce sont là autant de sujets qui vont nécessiter des actions de grande ampleur.
D’ici à la fin du siècle, les agences de l’eau prévoient une baisse de 10 % à 50 % du débit d’étiage des grands fleuves et de 10 % à 30 % des nappes phréatiques, ce qui entraînera une plus grande concentration des polluants dans les rivières.
En organisant, par le biais du plafond mordant, l’attrition des finances des agences de l’eau, ne nous éloignons-nous pas du modèle décentralisé de gestion de l’eau par les agences et les comités de bassin et, de fait, du principe selon lequel l’eau paye l’eau ?