M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame Rossignol, je vous remercie pour la justesse de vos propos.
Sans faire insulte à quiconque, les juges – comme chacun d’entre nous – n’ont parfois pas conscience de l’état d’isolement dans lequel ils se trouvent.
Je vous remercie également d’avoir précisé que la disposition proposée par ces amendements provenait du Conseil national des barreaux. Cela éclaire et doit éclairer la représentation nationale.
Madame Poncet Monge, je suis désolé : les demandes seront multipliées. Dès que les parents seront en désaccord avec le juge, ils demanderont une formation collégiale.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Oui, et au détriment de l’enfant !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cette mesure risque en effet de nuire à l’enfant et d’allonger les procédures.
Si nous devions l’adopter, nous serions amenés à nous revoir, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un an ou deux – sans doute une autre personne sera-t-elle alors à ma place – pour revenir sur cette décision.
Dans les faits, cette mesure risque d’être désastreuse. Sans vouloir être catastrophiste ni faire de la politique-fiction, j’imagine très bien la situation : dès que les parents seront en désaccord, ils demanderont la formation collégiale.
Quels que soient les moyens supplémentaires que vous ne manquerez pas de réclamer, je vous l’assure : cela embourbera le système. Pour autant, madame Rossignol, la question que vous soulevez n’est pas totalement dénuée de pertinence, mais la réponse proposée ne me paraît pas adaptée.
M. le président. Les amendements identiques sont-ils toujours maintenus par leurs auteurs ? (Assentiment.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 rectifié quater, 64 rectifié quinquies, 150 et 402 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 356, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Après les mots :
juge des enfants
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Lors de l’examen du texte en séance publique devant l’Assemblée nationale, les députés ont introduit, par l’amendement n° 510, la précision selon laquelle la formation collégiale devait être composée de « trois juges des enfants en exercice ».
Cette rédaction induisait que la formation collégiale ne serait constituée que de juges des enfants, sans tenir compte – j’ai pourtant tenté de sensibiliser les députés à cette question – de la réalité de la carte judiciaire et, notamment, de la situation des 24 juridictions ne comportant qu’un seul juge des enfants.
Cette situation résulte non pas d’un manque de moyens, mais de la taille réduite de ces juridictions. D’autres encore ne comportent que deux juges.
Prévoir que la formation collégiale ne serait composée que de juges des enfants n’était pas conforme à la réalité du terrain.
La commission des affaires sociales du Sénat a bien tenté de corriger le texte de l’Assemblée nationale, en précisant que la formation devait être composée « en priorité de juges des enfants en exercice ou de juges ayant exercé les fonctions de juge des enfants ».
Toutefois, cette tentative d’élargissement ne permet pas d’aller au bout de la logique que nous défendons. En effet, le Gouvernement voit dans cette rédaction une source de complexité.
Au moment de désigner les membres de la formation collégiale, les chefs de juridiction se trouveraient contraints d’effectuer des vérifications fastidieuses. Puisqu’il existerait une priorité à désigner d’actuels ou d’anciens juges des enfants, il s’agirait de vérifier dans quelle mesure ces critères sont bien remplis, d’où un alourdissement de la procédure.
En outre, si la spécificité du droit pénal des mineurs a été consacrée, en 2002, par les lois de la République dans une décision du Conseil constitutionnel, qui impose une spécialisation de la juridiction de jugement, cette spécialisation ne s’impose pas à la compétence civile du juge des enfants et, par conséquent, à l’assistance éducative.
Cela justifie totalement de prévoir une composition présidée par un juge des enfants et de deux juges du tribunal judiciaire. Ces derniers ont tous reçu une formation spécifique à la justice des mineurs et à l’assistance éducative ; ils sont donc tous compétents pour accompagner le juge des enfants qui préside cette formation collégiale et pour savoir comment mieux protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.
Par ailleurs, la rédaction actuelle ferme l’accès à cette formation collégiale, par exemple aux juges aux affaires familiales (JAF), alors même que le manque d’interactions et de culture commune entre le JAF et le juge des enfants (JE) est souvent pointé du doigt.
Pour toutes ces raisons, il convient de revenir à la rédaction initiale de cet article en ces termes : « En matière d’assistance éducative, si la particulière complexité d’une affaire le justifie, le juge des enfants peut, à tout moment de la procédure, ordonner son renvoi à la formation collégiale du tribunal judiciaire qui statue comme juge des enfants. La formation collégiale est présidée par le juge des enfants saisi de l’affaire. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission avait pourtant fait preuve d’une grande sagesse au travers de sa proposition.
Dans la mesure où beaucoup de juges des enfants que nous avons rencontrés nous ont alertés sur la difficulté de composer ces formations collégiales avec uniquement des juges des enfants, nous avions amélioré l’amendement de l’Assemblée nationale en y ajoutant la précision « en priorité de juges des enfants en exercice ou de juges ayant exercé les fonctions de juge des enfants ».
Sachant que, aujourd’hui, les juges des enfants n’occupent cette fonction que pendant deux ans et demi ou trois ans et que nombre de juges ont été auparavant juges des enfants, nous étions persuadés d’en trouver quelques-uns.
Par ailleurs, l’ajout des termes « en priorité » signifie que les juges aux affaires familiales peuvent aussi participer à cette formation collégiale. La plupart des juges des enfants que nous avons auditionnés ont tout de même fortement souhaité que les participants à cette formation collégiale aient une sensibilité particulière comme juges des enfants ou anciens juges des enfants.
La rédaction issue de la commission des affaires sociales constituait donc davantage une ouverture par rapport au texte de l’Assemblée nationale qu’une fermeture par rapport au texte initial du Gouvernement.
Aussi, je propose que nous en restions à cette possibilité d’ouverture s’agissant de la composition de la formation collégiale, tout en veillant à ne pas y faire siéger n’importe quel juge et en lui donnant une orientation plus forte en faveur des juges des enfants.
Il est vrai – M. le secrétaire d’État l’a souligné – que certaines juridictions ne comptent qu’un juge des enfants et que le recrutement de deux ou trois juges peut se révéler difficile.
Enfin, je rappelle que c’est aux juges des enfants qu’il reviendra de décider éventuellement de cette collégialité, en demandant à des confrères de venir travailler avec eux sur des situations complexes.
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Elle propose un texte de compromis entre la rédaction issue de l’Assemblée nationale et l’amendement présenté par le Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 154, présenté par Mmes Poncet Monge et Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 375–6 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 375–6. – Les décisions prises en matière d’assistance éducative doivent être exécutées dans les meilleurs délais par les services auxquels l’enfant est confié. À défaut, le juge qui a pris la décision est informé dans le même temps des motifs qui ont empêché son exécution. Il peut alors en modifier les modalités afin que la décision soit rendue applicable sans délai.
« Les décisions prises en matière d’assistance éducative peuvent être, à tout moment, modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues soit d’office, soit à la requête conjointe des parents, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même assisté de son avocat ou du ministère public, après que leur avis a été recueilli. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement a pour objet de renforcer l’information transmise au juge sur l’exécution des mesures.
En écho aux dispositions de l’article 8 que nous examinerons dans un instant, il s’agit de s’assurer que les mesures de placement ordonnées par le juge sont bien exécutées.
Nombre de décisions de placement tardent à être appliquées. La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur relève ainsi la mauvaise exécution des décisions de placement par le département des Bouches-du-Rhône. Elle note que, en 2019, 104 décisions de justice n’étaient pas exécutées et constate que cette pratique de non-exécution n’est pas récente : elle est récurrente depuis 2016.
Lorsque les décisions sont exécutées, les délais d’exécution sont parfois excessivement longs. En 2019, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendait un rapport sur les délais d’exécution des décisions de justice en matière de protection de l’enfance et faisait état d’une tendance à l’accroissement de ces délais. À titre d’exemple, s’agissant des mesures d’action éducative en milieu ouvert, un tiers des départements présentaient des délais d’exécution moyens supérieurs à quatre mois.
Informer le juge des enfants, qui a ordonné ces mesures, des motifs de leur non-exécution permet aussi à ce dernier d’éventuellement en tenir compte et d’agir en conséquence, dans l’intérêt des enfants.
Ce retour d’information vers le juge nous semble essentiel, de même que la sensibilisation aux conséquences de délais d’exécution excessivement longs, car chaque mesure non exécutée revient à laisser un mineur en situation de danger.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 38 rectifié ter est présenté par MM. Favreau, Mouiller, Belin, Anglars, Cuypers et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Laménie, Genet, Saury, Lefèvre, Burgoa et Cadec, Mme Gosselin, MM. Meignen et Gremillet et Mme de Cidrac.
L’amendement n° 165 rectifié ter est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Belrhiti, M. Brisson, Mmes Joseph et Dumont et M. Panunzi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 375-6 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 375-6. – Les décisions prises en matière d’assistance éducative doivent être exécutées dans les meilleurs délais par les services auxquels l’enfant est confié. À défaut, le juge qui a pris la décision est informé dans le même temps des motifs qui ont empêché son exécution. Il peut alors en modifier les modalités afin que la décision soit rendue applicable sans délai.
« Les décisions prises en matière d’assistance éducative peuvent être, à tout moment, modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues soit d’office, soit à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même assisté de son avocat ou du ministère public, après que leur avis a été recueilli. »
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié ter.
M. Gilbert Favreau. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 165 rectifié ter n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je partage tout à fait le point de vue selon lequel les décisions du juge prises en matière d’assistance éducative doivent être exécutées dans les meilleurs délais.
Sauf que le caractère exécutoire des décisions du juge est déjà posé dans le droit civil. L’inscrire, par ces amendements, dans la loi n’apportera rien au droit positif ni à leur exécution en pratique, qui, souvent, se heurte à la difficulté de trouver une place d’accueil pour l’enfant.
Cette disposition est donc satisfaite et sans effet par rapport à l’existant.
Quant à l’information du juge, elle est déjà possible. Elle est d’ailleurs largement renforcée par l’article 8, en particulier en cas de changement du lieu de placement de l’enfant.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Pour les raisons avancées par M. le rapporteur et parce qu’ils sont satisfaits, le Gouvernement demande un retrait de ces amendements ; à défaut il émettra un avis défavorable.
J’ajoute que nous avons créé des instances quadripartites – le terme peut sembler technocratique –, qui regroupent, au niveau territorial, le juge des enfants, le procureur, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance. Ces lieux se révèlent assez utiles, en ce qu’ils permettent de partager une vision commune, notamment sur les délais d’exécution des mesures, qu’il s’agisse d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) ou de l’état des placements disponibles.
Par ailleurs, dans le cadre du budget pour 2020, vous avez voté, mesdames, messieurs les sénateurs, la création, dans les tribunaux pour enfants, de 72 postes de juges des enfants et de 100 postes de greffiers, dont je salue le travail remarquable, indispensable et important qu’ils abattent, aux côtés des juges.
Ces mesures devraient contribuer à faire baisser ces délais d’exécution, objectivés dans le rapport que vous mentionnez et qui faisait suite à la tribune des juges des enfants de Bobigny.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Merci, monsieur le secrétaire d’État pour ces précisions. C’est ainsi que les choses se passent sur le terrain, dans la concertation.
Nous n’allons tout de même pas sans arrêt apprendre aux juges et aux travailleurs sociaux à faire leur boulot !
Mme Frédérique Puissat. Absolument !
M. René-Paul Savary. J’aimerais que nous retrouvions, dans les amendements, des arguments tendant à valoriser le travail particulièrement compliqué des juges et des travailleurs sociaux.
Cessons d’en rajouter ! Qu’on laisse faire ! Toutes ces contraintes administratives sont autant de temps en moins consacré à l’enfant par les travailleurs sociaux. Donnons-leur les moyens à la fois humains et financiers dont ils ont besoin !
Monsieur le secrétaire d’État, des annonces semblables à celles que vous avez faites en direction des juges seraient les bienvenues en direction des départements. Elles leur permettraient de consolider leurs moyens et de faire correctement leur travail.
Tout le monde s’y retrouverait, surtout l’enfant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Brigitte Devésa et Élisabeth Doineau ainsi que Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, je vais retirer mon amendement à la suite des précisions apportées par M. le secrétaire d’État, mais certainement pas parce que je partagerais ce qui a été dit dans le cadre de la dernière intervention.
Il ne faudrait tout de même pas banaliser les conséquences que ces délais de quatre mois – avez-vous bien entendu ? – et les centaines de placements en souffrance peuvent entraîner.
M. le secrétaire d’État a mentionné un moyen pour y remédier : espérons qu’il soit efficace et efficient. Cela étant, il est regrettable de tacler les personnes qui relèvent ces délais en prétextant qu’ils ne reconnaissent pas le travail des travailleurs sociaux.
C’est le contraire ! Les travailleurs sociaux sont en souffrance parce qu’ils ne peuvent pas bien faire leur travail, à savoir exécuter au plus vite les mesures éducatives décidées par les juges.
M. le président. L’amendement n° 154 est retiré.
Monsieur Favreau, l’amendement n° 38 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Gilbert Favreau. Oui, monsieur le président, au risque de contrarier quelque peu mon ami qui s’est exprimé sur le sujet.
Mettre en avant une obligation de diligence vis-à-vis de travailleurs sociaux, voire vis-à-vis d’une structure extérieure, qui, quelquefois, travaille avec les travailleurs sociaux, n’est pas une insulte.
Pour l’avoir vécu, il arrive très souvent que les mesures d’assistance éducative ou les mesures d’instruction qui sont ordonnées traînent au-delà du tolérable. Cette disposition a aussi sa raison d’être.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 7 bis
L’article 375-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge des enfants peut demander au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement, lorsque son intérêt l’exige. À la demande du service départemental de l’aide sociale à l’enfance, le juge des enfants saisit le bâtonnier afin qu’il désigne un avocat pour l’enfant capable de discernement. »
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les dispositions de l’article 7 bis renforcent le recours à un avocat pour les placements en assistance éducative. C’est une grande avancée.
L’avocat accompagne les enfants dans les procédures relatives à leur situation. Je n’y reviendrai pas dans la discussion des prochains amendements : l’avocat formé et spécialisé dans la défense des enfants permet de préparer l’enfant aux audiences, de donner une place à la parole de l’enfant ou d’exprimer ce que ce dernier n’ose pas toujours dire lors d’audiences d’une grande solennité ; il constitue enfin un repère de confiance et un repère stable, à la différence des juges, qui – ce n’est pas de leur fait ! – sont marqués par une grande rotation, la durée moyenne en poste étant de deux ans.
Tous ces bénéfices devront être garantis par la loi. L’objectif est un recours systématique à l’avocat, que le mineur soit d’ailleurs discernant ou non – nous ne reprendrons pas cette discussion.
Le Conseil national de la protection de l’enfance regrette, d’ailleurs, qu’aucune disposition relative à la présence systématique d’un avocat ne figure dans le projet de loi.
Bien sûr, il peut être difficile d’avancer tout de suite dans cette direction : les moyens manquent, nombre d’avocats ne sont pas formés, les formations spécialisées se mettent tout juste en place dans les différents barreaux, mais c’est un horizon qu’il nous faudra atteindre.
L’État doit envisager un grand plan de formation et d’investissement à moyen terme. C’est à lui que je m’adresse dans cette intervention liminaire. Il faut rendre possible l’accompagnement systématique des enfants par un avocat, car chaque enfant doit pouvoir être soutenu dans l’expression de sa parole et dans la défense de ses intérêts fondamentaux.
Afin de ne pas m’exposer à l’irrecevabilité de l’article 40 de la Constitution, j’ouvre simplement sur le fait que ce chantier doit être engagé le plus vite possible.
M. le président. L’amendement n° 357, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 375–1 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il doit systématiquement effectuer un entretien individuel avec le mineur capable de discernement lors de son audience ou de son audition.
« Lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge des enfants demande au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement et demande la désignation d’un administrateur ad hoc pour l’enfant non capable de discernement. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La question de la présence systématique de l’avocat a nourri de nombreux débats, que ce soit à l’Assemblée nationale, dans d’autres instances et aujourd’hui dans cet hémicycle, comme en témoigne votre intervention, madame la sénatrice.
Je me suis effectivement opposé à la systématicité de la présence de l’avocat.
L’office du juge des enfants est un office singulier. Le juge des enfants n’est pas un juge comme les autres. Il n’a pas vocation à trancher un conflit ; son office est centré sur la protection de l’enfant.
Madame la sénatrice, vous l’évoquiez me semble-t-il, lors de la discussion d’un amendement précédent : c’est bien lui qui est garant de l’intérêt de l’enfant.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pas que !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Certes, mais en l’espèce, il est garant de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Introduire systématiquement la présence de l’avocat en matière d’assistance éducative déplacerait la nature même de ce qui est en jeu dans le cabinet du juge au moment de l’audience.
Cette audience est centrée non pas sur une opposition entre l’enfant et un tiers – les parents ou l’aide sociale à l’enfance –, mais sur l’enfant lui-même.
Peut-être la commission des affaires sociales a-t-elle auditionné – comme l’a fait son homologue de l’Assemblée nationale – le juge Édouard Durand, coprésident de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). C’est de cette façon que ce dernier raconte l’office de juge des enfants ; c’est de cette façon qu’il appréhende sa fonction.
Par ailleurs, un amalgame a été fait à l’Assemblée nationale – et peut-être au Sénat – entre la parole de l’enfant et la représentation systématique par un avocat. La parole de l’avocat n’est pas la parole de l’enfant. La parole de l’enfant, c’est la parole de l’enfant.
Quand un avocat défend un enfant, il défend son intérêt, il interprète, appréhende ce que l’enfant exprime, en fonction de sa formation et de sa compréhension de la situation. Mais il n’incarne pas la parole de l’enfant. Il n’y a qu’un seul dépositaire de la parole de l’enfant, c’est l’enfant lui-même.
L’argument d’une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant via la systématisation de la présence de l’avocat est en réalité contradictoire avec le respect dû à la parole de l’enfant.
L’Assemblée nationale a introduit la possibilité, pour le juge, de recourir à l’avocat s’il considère ne plus être en mesure, devant la complexité de la situation, de garantir seul l’intérêt supérieur de l’enfant. La commission des affaires sociales du Sénat a encore élargi cette possibilité, en prévoyant que l’ASE puisse demander la désignation d’un avocat. Nous sommes en désaccord sur ce point et je vous propose de revenir sur cette mesure.
Par cet amendement n° 357, nous proposons, en revanche, d’introduire un troisième alinéa à l’article 375-1 du code civil, afin de permettre l’audition systématique du mineur capable de discernement – nous reviendrons sur cette notion si vous le souhaitez – par le juge des enfants en assistance éducative.
Si un certain nombre de juges procèdent déjà à cette audition, le fait qu’elle ne soit pas systématique est, entre vous et moi, anormal. L’idée est donc d’inscrire dans la loi le principe de l’audition systématique de l’enfant par le juge. La proposition est simple et essentielle, me semble-t-il.
Par ailleurs, cet amendement vise à introduire un quatrième alinéa modifiant le texte issu de la commission des affaires sociales du Sénat pour y ajouter, aux côtés de la désignation par le juge des enfants d’un avocat pour l’enfant capable de discernement, la désignation par ce même juge d’un administrateur ad hoc pour le mineur non capable de discernement.
Il s’agit de compléter le dispositif et de prendre en compte la parole de l’enfant non capable de discernement, en la faisant porter par un administrateur ad hoc indépendant.
Enfin, nous vous proposons de supprimer la précision ajoutée en commission des affaires sociales – je l’évoquais – selon laquelle, lorsque l’aide sociale à l’enfance demande cette désignation au juge des enfants, ce dernier y fait droit.
En effet, cette précision n’est pas justifiée, de notre point de vue, car elle revient à prioriser la demande de l’aide sociale à l’enfance par rapport à d’autres demandes qui seraient adressées au juge, dont celles du mineur ou des parents.
Une telle priorisation de la demande de l’aide sociale à l’enfance ne serait pas compréhensible, en outre, pour les parties à l’audience en assistance éducative.
En tout état de cause, le juge des enfants fera droit à cette demande de désignation, si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, et il devra motiver sa décision de ne pas y faire droit.
J’ajoute que le Gouvernement va modifier deux articles du code de procédure civile, ce qui relève du pouvoir réglementaire – je me permets toutefois de vous en faire part, parce que cela a un lien avec cet amendement.
Nous allons ainsi modifier l’article 1190 de ce code pour prévoir la notification à tout mineur capable de discernement de la décision prise par le juge des enfants, ce qui nous paraît être du bon sens. Aujourd’hui, la décision n’est notifiée, sans les motivations, qu’aux mineurs de plus de 16 ans.
Nous allons aussi modifier l’article 1186 du même code pour que l’enfant soit informé, lors de chaque audience ou audition, de son droit à être accompagné par un avocat. Cette information n’est pas systématiquement donnée aujourd’hui, ce qui pose une question en matière d’accès aux droits.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’apporter au Sénat ces deux précisions, qui relèvent du réglementaire mais qui sont importantes pour la bonne compréhension de l’amendement que vous nous proposez de voter.
Le sous-amendement n° 437, présenté par M. Bonne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 357, alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À la demande du président du conseil départemental, le juge des enfants saisit le bâtonnier afin qu’il désigne un avocat pour l’enfant capable de discernement.
La parole est à M. le rapporteur.