Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin, Mme Victoire Jasmin.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
situation de la nouvelle-calédonie (i)
M. Claude Malhuret ; M. Jean Castex, Premier ministre.
situation de la nouvelle-calédonie (ii)
M. François-Noël Buffet ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. François-Noël Buffet.
Mme Nadia Sollogoub ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; Mme Nadia Sollogoub.
situation budgétaire des universités
M. Pierre Ouzoulias ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; M. Pierre Ouzoulias.
bilan du plan de relance pour l’inclusion
M. Thani Mohamed Soilihi ; Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion.
directive relative aux travailleurs des plateformes
M. Olivier Jacquin ; Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion ; M. Olivier Jacquin.
passe sanitaire et vaccination
M. Christian Bilhac ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Christian Bilhac.
dégazage sauvage d’un navire au large de la corse
M. Paul Toussaint Parigi ; M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; M. Paul Toussaint Parigi.
allocution du président de la république
Mme Alexandra Borchio Fontimp ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; Mme Alexandra Borchio Fontimp.
pénurie de remplaçants dans l’enseignement du premier degré
Mme Marie-Pierre Monier ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; Mme Marie-Pierre Monier.
pénurie de lits et de personnels dans les hôpitaux
M. Alain Milon ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Alain Milon.
wokisme dans l’enseignement supérieur
M. Jean Hingray ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; M. Jean Hingray.
agression du maire de saint-macaire
Mme Florence Lassarade ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur ; Mme Florence Lassarade.
M. Gilbert-Luc Devinaz ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Philippe Tabarot ; M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; M. Philippe Tabarot.
immigration pour raisons médicales
M. François Bonhomme ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur ; M. François Bonhomme.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
3. Mise au point au sujet d’un vote
4. Candidatures à d’éventuelles commissions mixtes paritaires
5. Protection des enfants. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 126 rectifié bis de M. Emmanuel Capus. – Rejet.
Amendement n° 127 rectifié bis de M. Emmanuel Capus. – Rejet.
Amendement n° 436 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 66 rectifié de Mme Dominique Vérien. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 356 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 154 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Retrait.
Amendements nos 158 et 159 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Devenus sans objet.
Amendement n° 202 rectifié bis de Mme Colette Mélot. – Devenu sans objet.
Amendement n° 399 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendement n° 329 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Devenu sans objet.
Amendement n° 414 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 63 rectifié quinquies de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 331 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Retrait.
Amendement n° 316 rectifié de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 398 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 425 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 rectifié bis de Mme Frédérique Puissat. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 319 rectifié de M. Xavier Iacovelli. – Retrait.
Amendement n° 269 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 270 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 271 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 272 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 378 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 377 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 442 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 44 rectifié de M. Hugues Saury. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 45 rectifié de M. Hugues Saury. – Retrait.
Amendement n° 46 rectifié de M. Hugues Saury. – Retrait.
Amendement n° 369 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 344 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.
Amendement n° 390 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 35 de M. Xavier Iacovelli. – Non soutenu.
Amendement n° 362 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 130 rectifié ter de M. Emmanuel Capus. – Rejet.
Amendement n° 438 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 75 rectifié ter de Mme Élisabeth Doineau. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 439 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 403 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 49 rectifié de Mme Nadia Sollogoub. – Retrait.
Amendement n° 170 rectifié de M. René-Paul Savary. – Adoption.
Amendement n° 274 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
Amendement n° 360 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 359 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 191 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Rejet.
Amendement n° 162 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 201 rectifié bis de Mme Colette Mélot. – Rejet.
Amendement n° 32 rectifié ter de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 440 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 277 de Mme Michelle Meunier. – Retrait.
Amendement n° 3 rectifié de M. Jean-Baptiste Blanc. – Retrait.
Amendement n° 278 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 195 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 133 rectifié bis de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Amendement n° 14 rectifié de M. Philippe Mouiller. – Adoption.
Amendement n° 197 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 415 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Amendement n° 174 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 198 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 320 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 200 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 321 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 420 rectifié bis de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 20 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 374 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 281 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 373 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 292 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 290 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Adoption.
Amendement n° 367 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 288 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 42 rectifié ter de M. Gilbert Favreau. – Rejet.
Amendement n° 418 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 43 rectifié bis de M. Gilbert Favreau. – Rejet.
Amendement n° 50 rectifié de Mme Nadia Sollogoub. – Retrait.
Amendement n° 221 rectifié de Mme Valérie Létard. – Retrait.
Amendement n° 340 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 368 rectifié bis de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 371 rectifié bis de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 22 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 295 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 222 rectifié bis de Mme Valérie Létard. – Rejet.
Amendement n° 223 rectifié bis de Mme Valérie Létard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 282 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 283 de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 284 de Mme Annie Le Houerou. – Rejet.
Amendement n° 338 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Bernard Bonne, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Nomination de membres d’éventuelles commissions mixtes paritaires
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin,
Mme Victoire Jasmin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif à respecter, au cours de nos échanges, l’expression des uns et des autres, ainsi que son temps de parole.
situation de la nouvelle-calédonie (i)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – MM. Christian Bilhac et Éric Gold applaudissent également.)
M. Claude Malhuret. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« Les Calédoniennes et les Calédoniens ont choisi de rester Français. Ils l’ont décidé librement. » C’est ce que le Président de la République a déclaré dimanche dernier.
Toutefois, le référendum de Nouvelle-Calédonie ne marque pas la fin du chemin de pacification tracé en 1988 par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur lors des accords de Matignon. (M. le Premier ministre acquiesce) Les Calédoniens restent divisés, malgré le passage des années.
« Une période de transition s’ouvre, [qui] doit nous conduire à bâtir un projet commun […], en respectant la dignité de chacun », a encore déclaré le Président de la République. Cette nouvelle étape ne sera pas – loin de là – plus facile que les précédentes, pour au moins trois raisons, qui constituent autant de défis.
Le premier défi est l’impératif de maintenir le dialogue avec toutes les composantes de la population, alors que les indépendantistes contestent le scrutin et refusent, pour l’heure, de reprendre langue avec le Gouvernement. Le calme impressionnant dans lequel s’est déroulée la consultation, respectée par ceux-là mêmes qui la contestaient, laisse néanmoins espérer que le fil du dialogue n’est pas rompu.
Le deuxième défi est l’extraordinaire difficulté, dans la période de transition prévue jusqu’à la fin du mois de juin 2023, de construire un projet qui ne soit pas seulement institutionnel et juridique, mais qui soit de vie en commun et prenne en compte des sujets aussi cruciaux que la stratégie Nickel, l’autonomie alimentaire et énergétique, le foncier, la fiscalité et une croissance plus juste et plus soucieuse de la nature.
Le troisième défi est qu’il faudra aussi répondre aux urgences des prochaines semaines, qui nécessitent un échange immédiat avec les élus calédoniens : la situation sanitaire, la situation économique, l’inquiétant déséquilibre des finances publiques.
Ces défis nous sont posés dans une zone indo-pacifique devenue un enjeu géostratégique majeur, sous le regard direct d’une Chine militairement agressive, culturellement expansionniste et économiquement conquérante.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement compte faire face à ces enjeux majeurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Claude Malhuret, vous avez raison : la consultation référendaire de dimanche dernier ne marque pas la fin de l’histoire. Elle marque toutefois la fin d’une étape importante de cette histoire, qui a été fixée par les accords de Nouméa en 1998, lesquels, vous le savez toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoyaient l’organisation de trois référendums.
Il se trouve que ces trois référendums se sont tenus sous le présent quinquennat, et deux sous mon gouvernement. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’ils se sont tous soldés par le même résultat, exprimant la volonté des électrices et des électeurs de rester dans la République française.
Permettez-moi de rappeler, ainsi que je l’ai dit ici même et dans d’autres instances, que je m’en réjouis. De la même façon, comme vous l’avez vous-même indiqué, je me réjouis des conditions d’organisation de ces trois consultations électorales, y compris la dernière d’entre elles, alors même que des formations politiques importantes avaient appelé leurs électeurs à ne pas participer au vote.
Vous aurez toutefois toutes et tous noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’ensemble des maires, quelles que soient leurs tendances, y compris ceux qui appartiennent auxdites formations, ont organisé le scrutin. Aucun bureau de vote n’a été fermé.
Un climat de sérénité a donc régné. La commission de contrôle du scrutin, indépendante, qui, comme à chaque fois, a été constituée, a d’ailleurs formulé des observations extrêmement positives sur un sujet dont vous savez tous – votre question le montre – qu’il est extrêmement sensible et délicat. C’est à mettre à l’honneur de la République et à l’honneur de la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le président Malhuret, si vous le voulez bien, je reviendrai sur l’avenir dans la réponse que j’apporterai dans un instant à la question du président Buffet sur le même sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – MM. Alain Cazabonne et Pierre Louault applaudissent également.)
situation de la nouvelle-calédonie (ii)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Évelyne Perrot ainsi que M. Loïc Hervé applaudissent également.)
M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Dimanche dernier, nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie ont fait le choix de rester dans la République, donc de rester Français.
Voix sur les travées du groupe INDEP. Très bien !
M. François-Noël Buffet. Cela met fin à un processus engagé il y a longtemps, avec les accords de Matignon, puis ceux de Nouméa. Avant le scrutin, nous avons parfois regretté sur ces travées la réserve que pouvait exprimer le Gouvernement sur le choix et la volonté qui étaient nôtres de voir la Nouvelle-Calédonie rester en France.
Il n’est plus le temps de commenter tout cela. En revanche, il est temps de préparer l’avenir. Nous avons dix-huit mois devant nous pour construire ensemble – j’entends tous les habitants de ce territoire – un projet institutionnel qui permette d’inscrire durablement, en tous les cas rapidement, la Nouvelle-Calédonie dans la République.
Monsieur le Premier ministre, de quelle manière comptez-vous engager ce processus, dans un délai qui, je le crois, ne doit pas dépendre de la situation électorale actuelle – l’élection présidentielle et les élections suivantes –, tant il me paraît urgent que des signes forts puissent être envoyés à l’ensemble de nos compatriotes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Buffet, je poursuis ma réponse pour me tourner vers l’avenir, comme vous m’y avez invité avec Claude Malhuret.
Lors de ma réponse à la question précédente, j’ai tenu à rappeler que cet avenir sera d’autant mieux préparé que le terrain sera apaisé et qu’il n’y aura ni violence ni manifestation dans un camp ou dans un autre, qui viendrait compromettre des équilibres toujours extrêmement subtils. (M. François-Noël Buffet le confirme.) Vous le savez, le Sénat compte beaucoup de connaisseurs de la Nouvelle-Calédonie.
Qu’allons-nous donc faire ? J’ai envie de vous répondre : nous ferons ce que nous avons dit que nous ferions.
Je rappelle, pour en avoir rendu compte notamment ici même, que j’ai reçu à Paris l’essentiel des acteurs de la vie politique calédonienne – en tout cas, ceux qui ont voulu venir – à la fin du mois de mai dernier. Nous avons élaboré un processus, lequel s’est terminé le 1er juin dernier et nous a permis – c’est ma responsabilité – de fixer la date du troisième et dernier référendum.
Par conséquent, la priorité, c’est le dialogue.
Dès le 1er juin dernier, nous avons décidé que, quel que soit le résultat du vote – par construction, nous ne le connaissions pas à ce moment-là –, l’histoire ne s’arrêterait pas, comme l’a souligné le président Malhuret. Nous avions d’ailleurs exposé toutes les conséquences et du oui et du non pour l’ensemble des acteurs et des électrices et des électeurs, et considéré que se rouvrirait une phase de discussion non seulement sur les questions institutionnelles, mais également – le Président de la République l’a rappelé dimanche, lors de son allocution – sur tous les sujets thématiques économiques et sociaux.
La situation des finances publiques est extrêmement préoccupante et mon gouvernement a déjà pris ses responsabilités. Sachez que je suis en lien permanent avec le président du gouvernement du territoire de Nouvelle-Calédonie.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, se trouve sur place depuis quelques jours ; il y est encore en ce moment. Il est en train de discuter, avec l’ensemble des acteurs locaux, d’un calendrier, d’un contenu et d’une méthode de travail. Là encore, rien ne se fera sans dialogue. Tous les sujets sont sur la table. Nous avons fixé des échéances que vous avez rappelées, monsieur le président Buffet, et nous verrons bien ce qu’il sera possible de faire d’ici à l’élection présidentielle.
Rien ne se fera en dehors d’un cadre apaisé. Nous sommes ici pour veiller au respect des populations et au respect des intérêts de la France, dans cette zone où, cher président Malhuret, il ne nous a pas échappé que des convoitises défavorables à notre pays sont à l’œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC. – M. André Guiol applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le Premier ministre, vous avez raison : on trouve de nombreux connaisseurs de la situation de la Nouvelle-Calédonie dans cette maison. D’ailleurs, un groupe de contact a été mis en place sur l’initiative du président du Sénat, auquel a parfois participé M. Lecornu. Il ne me paraît pas inutile de s’appuyer sur ce groupe de contact, qui détient une véritable expertise pour avancer dans un souci d’apaisement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot, MM. Alain Cazabonne, Stéphane Demilly et Alain Richard applaudissent également.)
situation en ukraine
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Catherine Deroche et Marie-Pierre Richer applaudissent également.)
Mme Nadia Sollogoub. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères : elle porte sur la situation en Ukraine.
Monsieur le ministre, l’Ukraine est un grand pays tourné vers l’Europe. La France et l’Ukraine ont une volonté partagée de renforcer leurs relations économiques, industrielles, commerciales et agricoles. C’est ce que je ressens chaque jour en tant que présidente du groupe d’amitié France-Ukraine.
Cependant, l’Ukraine est un pays en guerre, dont l’intégrité territoriale est menacée depuis 2014.
Tous les jours, on dénombre des morts : 13 000 depuis le conflit du Donbass, puis de la Crimée, malgré les accords de cessez-le-feu de Minsk.
Sur le terrain, la situation est de plus en plus fébrile.
Le groupe Wagner, à la solde du Kremlin, est sur le pied de guerre.
Moscou masse des dizaines de milliers d’hommes en région frontalière, surtout des moyens militaires, en particulier des missiles de précision, qui font désormais craindre une offensive à court terme.
La Russie nie pourtant tout projet d’invasion et dit procéder à des déploiements défensifs face à l’Ukraine et l’OTAN.
Malgré ces dénégations, chacun sent bien que la guerre peut éclater. La diplomatie internationale est plus active que jamais.
Des échanges ont eu lieu entre les chefs d’État : entre Poutine et Biden, Macron et Zelensky, Macron et Scholz. D’autres contacts sont programmés ou en cours.
L’Union européenne discute de sanctions sans précédent en cas d’attaque russe et des élus américains ont demandé hier des sanctions préventives pour dissuader la Russie d’attaquer l’Ukraine.
Monsieur le ministre, alors que des bruits de bottes s’entendent aux portes de l’Europe, où en sont les négociations ?
Que feront la France et l’Europe en cas de conflit ouvert ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente Nadia Sollogoub, vous avez raison de souligner la montée des tensions militaires aux frontières de l’Ukraine. Il faut aussi souligner la rhétorique générale alarmante de la part des autorités russes. Il faut prendre tout cela très au sérieux.
C’est la raison pour laquelle nous sommes très clairs à l’égard de nos interlocuteurs russes sur les risques liés aux tensions actuelles : une nouvelle atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine aurait des conséquences stratégiques massives et tout cela aurait un coût très important pour la Russie.
Nous nous mobilisons pour dissuader. L’heure est aux échanges et aux consultations accélérées. J’ai moi-même rencontré mes collègues européens lundi à Bruxelles et mon homologue Blinken dimanche à Liverpool. Il est vrai que la situation est urgente, mais il faut néanmoins garder les canaux de discussion avec la Russie pour rétablir les paramètres d’une stabilité stratégique solide en Europe. C’est la raison pour laquelle le président Macron s’est entretenu hier avec le président Poutine et qu’il doit voir en ce moment même à Bruxelles le président Zelensky.
Il faut réengager des discussions substantielles sur une solution politique en Ukraine et, pour cela, retrouver le dispositif du format Normandie, la logique des accords de Minsk, celle des accords de Paris de fin décembre 2019 et, d’emblée, juste avant Noël, avant même d’engager des discussions politiques, prendre les mesures humanitaires qui s’imposent : à la fois la libération des prisonniers, l’ouverture de certains points de passage et la réaffirmation du cessez-le-feu. Ce serait un point important de retrait de la tension actuelle, qu’il nous est particulièrement nécessaire d’obtenir dans l’immédiat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, face à ces démonstrations et à ces escalades, nous avons besoin d’entendre et d’avoir l’assurance que l’Ukraine est et restera la ligne rouge de l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Claude Malhuret applaudit également.)
situation budgétaire des universités
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Les universités doivent accueillir des étudiants toujours plus nombreux à moyens constants. Ce ciseau malthusien les fragilise et les oblige à renoncer à pourvoir des postes d’enseignant pour consacrer l’argent qui devrait être dévolu à cette masse salariale au paiement de leur fonctionnement. Ce déficit d’occupation des postes est structurel, réduit les capacités d’accompagnement pédagogique des étudiants et, in fine, leur réussite.
L’université de Nanterre aurait besoin d’un budget de fonctionnement de 25 millions d’euros, alors que sa dotation est de 11 millions d’euros. Pour ne pas renoncer à l’indispensable création d’une trentaine de postes, son conseil d’administration a voté lundi dernier, à une très large majorité, un budget en déficit de près de 3 millions d’euros. D’autres universités pourraient faire de même.
Madame la ministre, je connais votre réponse : vous allez nous expliquer que jamais aucun gouvernement n’a consacré autant d’argent à l’université depuis un siècle ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Esther Benbassa et Sonia de La Provôté applaudissent également.)
Ma question est donc simple : comment peut-il exister un décalage aussi important entre votre perception de la situation des universités et la réalité, très difficile, vécue par les étudiants et leurs enseignants ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je ne vais pas dire quelque chose qui ne correspond pas à la réalité ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains.) Si le Sénat avait examiné le budget pour 2022 (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), il se serait rendu compte qu’entre 2017 et 2022 c’est plus un milliard d’euros qui auront été consacrés au programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Jérôme Bascher. Donc, tout va bien…
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, je ne sais pas d’où vous tenez les chiffres que vous avancez, mais je vous assure que le budget de l’université de Nanterre est bien supérieur à 11 millions d’euros : 11 millions d’euros, c’est ce que nous avons ajouté au budget de l’université de Nanterre depuis 2017 !
Nous sommes évidemment au fait de la situation particulière de fragilité de l’université de Nanterre en fin de gestion – le Président de la République en est informé – et nous avons décidé de lui attribuer 2 millions d’euros supplémentaires pour l’année 2022.
Vous le voyez donc, monsieur le sénateur Ouzoulias : il s’agit non pas de paroles, mais de faits vérifiables par tout le monde. Le Président est informé de la notification et nous continuerons à accompagner les établissements.
Dernièrement, le Premier ministre et moi-même avons annoncé 100 millions d’euros supplémentaires pour soutenir les innovations pédagogiques. (Allez ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous avons récemment annoncé les lauréats du programme ExcellencES pour plus de 300 millions d’euros. (Exclamations sur les mêmes travées. – Mme Cécile Cukierman s’exclame également.)
Alors, oui, monsieur Ouzoulias, vous pouvez regarder les chiffres : jamais le budget de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation n’a autant augmenté que sur les cinq dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées des groupes CRCE, GEST et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. Quand la situation des universités est si difficile, il n’est pas possible d’étouffer le sentiment de péril imminent par le seul déni.
C’est la légitimité de la politique qui est en jeu. La véritable cause de l’abstention est là, dans ce décalage toujours plus important entre votre discours irénique et ce que vivent nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
bilan du plan de relance pour l’inclusion
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion.
Madame la ministre, à votre arrivée au ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, vous avez eu la responsabilité du plan de relance pour l’inclusion. Après avoir mis en place un plan de soutien de 134 millions d’euros au mois d’août 2020, permettant de préserver 180 000 postes dans l’insertion et de personnes en situation de handicap au sein de 5 000 structures, 186 millions d’euros avaient été déployés pour développer les dispositifs de l’inclusion et créer de nouveaux emplois à la fin de l’année 2020.
Si les résultats de cet appel à projets ont été publiés au mois de février 2021, faisant état de 3 500 projets soutenus pour 40 000 nouveaux emplois, il a été annoncé un nouvel appel à projets de 162 millions d’euros au printemps 2021.
Nous attendions avec intérêt les résultats qui allaient en découler, pour pouvoir dresser un bilan global des différents volets du plan de relance pour l’inclusion.
En effet, pourvoyeurs importants d’emplois et dotés d’une dimension sociale forte, les secteurs de l’insertion par l’activité économique et des entreprises adaptées permettent à de nombreuses personnes de retrouver une place dans la société. Par le travail, la formation et l’accompagnement des parcours proposés, c’est la confiance, l’assurance et la fierté retrouvée chez nos concitoyens. Ces secteurs sont aussi porteurs pour notre économie, en ce qu’ils agissent pour développer des filières de la relance, comme l’industrie, l’économie circulaire et les mobilités solidaires.
Si le Gouvernement a soutenu et investi de manière inédite dans ce secteur depuis 2017 et que les objectifs semblent réalistes au vu des investissements consacrés, nous savons toutes et tous que l’exécution peut parfois être en décalage avec les engagements.
J’ai pu constater que les résultats étaient au rendez-vous pour Mayotte, avec pas moins de 94 emplois créés sur le territoire. J’ai aussi vérifié les vertus de l’accompagnement de retour à l’emploi à destination de publics lors de la visite de deux structures bénéficiaires.
Aussi, madame la ministre, je souhaite que vous nous présentiez les chiffres globaux du plan de relance pour l’inclusion 2020-2021 et indiquiez à la représentation nationale si les objectifs fixés seront bien atteints. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, dès l’été 2020, à mon arrivée au Gouvernement, nous avons mis en place le plan de relance pour l’inclusion. Il s’agissait, d’une part, de remettre à flot les entreprises de l’inclusion – 5 000 structures de l’insertion par l’activité économique et entreprises adaptées –, d’autre part, d’aider ces dernières à se moderniser, à créer des emplois et à se positionner dans le cadre de filières de relance.
Ce ne sont pas moins de 500 millions d’euros que nous avons investis. À la fin de l’année 2020, nous avons recréé autant d’emplois qu’il y en avait avant la crise. D’ici à la fin de l’année prochaine, ce sont 110 000 emplois nouveaux dans l’inclusion qui auront été créés – il s’agit donc d’emplois supplémentaires. Enfin, nous sommes en bonne voie, puisque, d’ici à la fin de cette année, ce sont déjà 70 000 emplois nouveaux qui auront été créés.
Ces résultats ne sont pas que des chiffres : ce sont autant de personnes qui ont trouvé une solution et une activité ; ce sont autant de vies qui changent.
À Mayotte, vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, cette année, 94 emplois ont été créés, 5 projets innovants ont été soutenus, par exemple la régie de territoire Maecha espoir, à Acoua.
Je tiens vraiment à remercier tous les acteurs qui contribuent à l’insertion. C’est grâce à ce travail collectif et partenarial que nous menons et qui implique les entreprises, les collectivités et les services de l’État que nous arriverons à accompagner chaque personne qui en a besoin.
Je reste, comme l’ensemble des membres du Gouvernement, pleinement mobilisée pour atteindre les ambitions fixées par le Président de la République en 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
directive relative aux travailleurs des plateformes
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. Olivier Jacquin. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Madame la ministre, je travaille depuis trois ans sur les questions relatives à l’ubérisation et je constate que vous êtes toujours à contresens et même à contretemps.
En 2018 et 2019, vous proposiez que les plateformes numériques de travail adoptent des chartes facultatives – presque de bienfaisance ! –, alors qu’au même moment la Cour de cassation requalifiait un travailleur de chez Uber en salarié, parlant même en 2020 de phénomène d’indépendance fictive.
Cette année, vous présentez une énième ordonnance sur le dialogue social des seuls livreurs et chauffeurs de VTC, ou voiture de transport avec chauffeur, alors même que le Parlement européen vote très largement la présomption de salariat pour tous les travailleurs de plateformes.
Au mois d’avril dernier, à Lisbonne, le Président de la République déclarait vouloir mettre ce sujet au cœur de l’agenda social de la présidence française de l’Union européenne.
Or, la semaine dernière, dans sa conférence de presse du 9 décembre, il n’a pas dit un mot sur le sujet, alors que, le jour même, le commissaire européen Nicolas Schmit présentait une proposition de directive venant au secours de tous les travailleurs des plateformes, pas seulement les livreurs et les VTC, et comportant la présomption de salariat, l’inversion de la charge de la preuve en matière de requalification, la transparence de l’algorithme – en d’autres termes, tout ce que vous nous refusiez lors de l’examen de la proposition de loi du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur ce même sujet au mois de mai dernier ! (L’orateur brandit le texte de la proposition de loi.)
Ma question est donc simple, madame la ministre : quand arrêterez-vous de protéger les plateformes plutôt que leurs travailleurs ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Olivier Jacquin, je veux vous rassurer : nous continuons à avancer pour donner concrètement des droits aux travailleurs des plateformes. (M. Olivier Jacquin s’exclame.)
Je ne referai pas en quelques minutes les débats que nous avons d’ores et déjà eus à plusieurs reprises, mais il me semble utile de préciser que le projet de directive repose sur trois piliers principaux : une présomption légale et réfragable de salariat – j’y reviendrai –, une meilleure transparence de fonctionnement des algorithmes, un contrôle des effets de ces algorithmes sur les travailleurs eux-mêmes.
Vous m’interrogez sur le premier pilier. La Commission européenne a fait le choix de proposer une présomption réfragable de salariat sur la base de critères issus de certaines jurisprudences européennes.
L’approche retenue par la Commission européenne pose question quant à son intérêt même pour les travailleurs, comme en témoignent mes premiers échanges avec mes homologues européens. Ces interrogations trouveront leur réponse dans le processus normal d’adoption d’une directive : c’est un temps long, qui doit permettre de nombreuses itérations entre la Commission européenne, les États membres et le Parlement européen.
Toutefois, sans attendre, nous faisons le choix, en France, d’agir au plus vite pour renforcer les droits des travailleurs. Nous nous appuyons pour cela sur le dialogue social, ce qui devrait nous réunir. Je note d’ailleurs que le projet de directive s’inspire de notre modèle, en prévoyant expressément un rôle de consultation des représentants des travailleurs des plateformes. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Le projet de loi de ratification et d’habilitation que vous avez examiné le 15 novembre dernier, mesdames, messieurs les sénateurs, et qu’a rapporté votre collègue Frédérique Puissat, que je salue, est une étape importante dans la construction de ces droits.
Monsieur le sénateur, vous le voyez, en l’état, ce projet de directive européenne est complémentaire à notre projet de loi, qui vise à créer rapidement de nouveaux droits pour les travailleurs des plateformes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. Vos arguments sont spécieux, madame la ministre. Vous invoquez le dialogue social alors que votre objectif est de casser le droit du travail en imposant du précariat par la jurisprudence et par un sous-statut d’indépendance. Vous parlez de vos homologues européens, mais l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et le Portugal soutiennent la proposition du commissaire européen. Vous êtes isolée : réagissez ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Laurence Cohen, M. Pascal Savoldelli et Mme Esther Benbassa applaudissent également.)
passe sanitaire et vaccination
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Christian Bilhac. M. le ministre des solidarités et de la santé a affirmé être en mesure de faire effectuer 20 millions de rappels de vaccin anti-covid avant Noël.
Cette promesse, à laquelle je voudrais bien croire en cette période de vœux, n’est pas reflétée par la réalité à laquelle nos concitoyens sont confrontés. Par téléphone ou sur les applications informatiques, ils tentent en vain, à longueur de journée, d’obtenir un rendez-vous pour leur troisième dose.
Quelque 400 000 personnes prioritaires, âgées de plus de 65 ans, n’ont toujours pas reçu cette troisième dose de rappel. Et à partir d’aujourd’hui, l’on peut aussi faire vacciner les enfants.
Ma question est la suivante : pouvez-vous me rassurer sur le fait que les personnes convaincues de la nécessité de recevoir une troisième injection mais n’ayant pas encore réussi à obtenir de rendez-vous, malgré toute leur bonne volonté, pourront prouver leur bonne foi afin que leur passe sanitaire ne soit pas suspendu le 15 janvier ? Sinon, envisagez-vous un report de la date prévue ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, merci pour votre question, car la confiance est essentielle en matière de vaccination : vous me donnez l’occasion d’apporter un certain nombre d’éléments de réponse aux questions que vous soulevez et de vous rassurer, et de rassurer les Français, sur la campagne de vaccination et de rappel qui est en cours.
Vous l’avez dit, le ministre des solidarités et de la santé a fixé à 20 millions le nombre de rappels à effectuer avant Noël. Nous en sommes aujourd’hui à 15 millions, et plus de 100 000 rappels sont effectués quotidiennement. La trajectoire dessinée par le ministre des solidarités et de la santé sera respectée.
Vous avez raison, nous confortons le passe sanitaire, parce qu’il s’est révélé être l’un des outils importants dans la lutte contre le virus. Nous le faisons en deux temps, en ce qui concerne l’intégration de la troisième dose dans le schéma vaccinal.
La première période s’ouvre aujourd’hui, pour les plus de 65 ans. Sachez, monsieur le sénateur, que nous mettons tout en place pour que les personnes de plus de 65 ans qui n’ont pas encore reçu cette dose de rappel puissent la recevoir : coupe-files dans les centres de vaccination, plages horaires sans rendez-vous réservées à ce public… Nous avons aussi mobilisé l’ensemble des Ordres, et l’assurance maladie envoie des SMS à ces personnes pour leur proposer de venir se faire vacciner. Bref, tout est mis en œuvre dans les quelque 1 300 centres de vaccination qui ont été réactivés. Vous savez aussi que la médecine de ville et les pharmaciens sont mobilisés dans cette campagne de rappel.
La deuxième étape commencera le 15 janvier, pour toutes les personnes éligibles, c’est-à-dire celles qui auront reçu une deuxième dose plus de cinq mois auparavant. Au vu des moyens mobilisés pour permettre aux Français de bénéficier de cette troisième dose, je vous confirme que nous atteindrons les objectifs fixés, monsieur le sénateur. (Mme Nadège Havet et M. François Patriat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. Monsieur le secrétaire d’État, je ne doute pas de votre volonté, mais vous ne m’avez convaincu qu’à moitié ! Puisque vous avez évoqué la question du passe sanitaire, je regrette qu’en France, pays des Lumières, on l’impose pour accéder aux bibliothèques, aux médiathèques, aux musées, quand il n’est obligatoire ni dans les transports en commun franciliens ni dans les centres commerciaux. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique ou à Mme la ministre de la mer.
Le 11 juin dernier, au large des côtes corses, un crime écologique a eu lieu. Il s’agit d’un pur acte de délinquance écologique, pour reprendre les mots de vos collègues. À la suite du dégazage sauvage d’un navire au large de la côte orientale, une nappe d’hydrocarbures s’étendant sur quinze kilomètres se répandait au large des côtes corses.
En raison de l’ampleur du délit, Mmes Girardin et Pompili étaient venues sur place et nous avaient annoncé que trois bateaux avaient été identifiés comme auteurs potentiels, et que le Gouvernement était pleinement mobilisé. Elles déclaraient également : « Ceux qui ont dégazé sauvagement […] sont des voyous et […] seront traités comme tels. […] Nous allons pouvoir agir très vite. […] Vous pouvez compter sur les services de l’État pour que les enquêtes soient diligentées. Les auteurs subiront les foudres de la loi. »
Nous avions fait remarquer que la zone de navigation étroite entre la Corse et la Toscane, sensible et à haut risque, car des centaines de navires s’y croisent chaque jour, était totalement dépourvue de moyens spécifiques de lutte contre la pollution, en dépit d’accidents similaires survenus par le passé.
On nous avait alors promis une traque sans concession, et le Gouvernement s’était engagé à ouvrir un débat avec les élus locaux afin d’améliorer la sécurité dans cette zone.
Six mois plus tard, l’urgence d’alors et la rapidité promise pour trouver les coupables font place au silence le plus total.
Six mois plus tard, où en sommes-nous ? Qu’en est-il des mesures visant à améliorer la sécurité de la zone en concertation avec les élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Gilbert-Luc Devinaz applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, en juin dernier, une pollution par deux nappes d’hydrocarbures lourds avait été observée au large de la côte est de la Corse. Mmes Pompili et Girardin s’étaient rendues immédiatement sur place.
Un dispositif pour coordonner l’action de l’État et limiter les dégâts a été mis en place sous l’égide du préfet maritime, ce qui a permis de récupérer quinze mètres cubes de polluants en mer.
Une enquête a en effet été ouverte par le parquet de Marseille et confiée à la gendarmerie maritime. Les peines pour rejets volontaires sont lourdes : jusqu’à dix ans de prison et 15 millions d’euros d’amende pour l’exploitant ou le capitaine du navire.
Un renforcement en matériel du centre Polmar d’Ajaccio est par ailleurs en cours, dont la dotation en équipements sera complétée à partir de 2022. Je veux saluer la mobilisation et le travail des services de l’État, en mer et sur terre, pour lutter contre la pollution maritime, et rappeler que, si notre espace maritime est l’un des plus surveillés du monde, c’est bien grâce à eux.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous ne répondez pas à la question !
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour la réplique.
M. Paul Toussaint Parigi. Ce n’est pas la réponse que j’attendais, monsieur le ministre : aucune concertation avec les élus locaux, aucun respect… Et, une fois de plus, cette zone sensible est en danger. Allons-nous attendre une marée noire pour réagir ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Arlette Carlotti ainsi que MM. Jérôme Bascher et André Reichardt applaudissent également.)
allocution du président de la république
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce soir, le Président de la République parle : vive le candidat !
Les règles qui régissent les élections ont posé des principes afin que l’expression démocratique se fasse dans les meilleures conditions. Le législateur s’est fixé pour règle d’assurer une parfaite égalité entre les candidats. Cette règle s’applique à chacun, quels que soient sa fonction ou son statut : c’est une question de justice.
Le Président de la République a le droit de convoquer la télévision. À ce droit est associé un devoir, celui de ne pas en user à des fins électorales.
Combien de temps durera la mascarade qui consiste à faire du président Macron un candidat non assumé mais en pleine campagne ? Nous voyons bien que le chéquier des Français est devenu son meilleur allié, à défaut de politiques qui font sens et produisent de véritables résultats.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), tatillon avec les postulants déclarés, laxiste avec l’aspirant masqué, entretient la fiction juridique ; mais gare à ne pas trop pousser l’ambiguïté !
À quatre mois de l’élection présidentielle, un candidat utilise outrageusement sa fonction de Président de la République pour obtenir une interview sur mesure, enregistrée en duplex, avec des contradicteurs, sur un sujet qu’il a choisi lui-même, et diffusée le jour où sa principale concurrente devait s’exprimer sur une autre chaîne. Quelle élégance ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Très typique du vieux monde, ce privilège monarchique n’a finalement rien de nouveau…
Ne pensez-vous pas qu’il est urgent qu’un débat loyal entre tous les candidats s’installe ?
Ne pensez-vous pas qu’il est urgent que le Président de la République fasse strictement la différence entre le président et le candidat, afin de parvenir à une équité démocratique attendue par nos concitoyens ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, les règles qui régissent le temps de parole des formations politiques dans notre pays ne sont fixées ni par nous ni par vous : elles sont fixées par le CSA.
Voix sur les travées du groupe Les Républicains. Nommé par qui ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Ces règles donnent un tiers du temps de parole à l’exécutif, c’est-à-dire au Président de la République et au Gouvernement, et le reste aux formations politiques, de majorité et d’opposition.
Quand le Président de la République s’exprime, le CSA fait le départ, dans ses propos, entre ceux qui relèvent de sa fonction régalienne et ceux qui relèvent du débat politique. Le temps de parole consacré à ces derniers est décompté du temps de parole de l’exécutif.
C’est ce qui s’est passé, comme le président du CSA le rappelait hier, lors de la dernière allocution du Président de la République. Les propos sur la pandémie ou la vaccination relevaient de ses fonctions régaliennes ; le reste, relevant du débat politique, a été décompté du temps de parole de l’exécutif. C’est exactement ce qui va se passer ce soir : nous sommes dans le cadre des règles fixées par le CSA.
Voix sur les travées du groupe Les Républicains. ORTF !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Une nouvelle étape commencera le 1er janvier, avec la campagne de l’élection présidentielle, selon une recommandation formulée par le CSA le 6 octobre dernier – et je ne vous ai pas entendue la critiquer à ce moment-là. Je ne comprends donc pas cette polémique autoportée… (Mme Patricia Schillinger applaudit. – Marques d’indignation sur les travées du groupe Les Républicains.) Je suis en plein accord avec ce qu’a déclaré Mme Rachida Dati ce matin : cette polémique est dépassée et n’a pas lieu d’être.
Bien sûr, madame la sénatrice, si vous considérez que c’est être en campagne que de fermer des discothèques, nous n’avons pas la même conception de ce qu’est une campagne. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si vous estimez que demander aux enfants de porter le masque à l’école, c’est être en campagne, nous n’avons pas la même conception de ce qu’est une campagne. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si, pour vous, faire la réforme de l’assurance chômage, qui est une réforme difficile, c’est être en campagne, nous n’avons pas la même conception de ce qu’est une campagne. (Protestations redoublées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous ne sommes pas en campagne puisque nous prenons des décisions difficiles pour le pays. Et nous allons continuer à le faire, parce que c’est là notre responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour la réplique.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Vous faites le choix de défendre le CSA. Celui-ci prendra ses responsabilités : c’est sa mission. En tout cas, l’attitude du Président de la République en ce début de campagne est révélatrice d’un président fébrile (Mme Patricia Schillinger s’exclame.), car sa réélection est loin d’être acquise. Elle nous montre surtout un candidat qui veut solder le débat sur son bilan, parce qu’il n’aura échappé à personne que celui-ci est désastreux, ce qui mériterait un vrai débat, et non une émission télécommandée.
Si vous êtes sûrs de vous, jouez le match à fond, au lieu de tenter d’en changer les règles. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
pénurie de remplaçants dans l’enseignement du premier degré
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, les alertes concernant les non-remplacements d’enseignants du premier degré, je ne les compte plus ! À Saint-Gervais-sur-Roubion, dans la Drôme, les parents d’élèves me sollicitent, inquiets, après onze jours sans remplacement. Ce n’est là qu’un exemple d’une réalité qui concerne l’ensemble du territoire français. Dans l’Eure ou la Seine-et-Marne, les académies recourent massivement à des enseignantes et des enseignants retraités pour pallier les manques. C’est édifiant !
Quand un enseignant n’est pas remplacé, cela a pour conséquence que les élèves sont en surnombre dans d’autres classes, hors vague de covid, ou que des élèves restent à la maison. Dans tous les cas, ce sont des apprentissages qui ne se feront pas et un retard difficile à rattraper, alors que nos élèves prennent la crise sanitaire de plein fouet depuis déjà deux ans.
Cette dégradation inédite des conditions de remplacement dans le premier degré s’explique facilement. C’est le prix à payer lorsqu’on poursuit des objectifs multiples – dédoublement des classes en REP et REP+, augmentation des volumes horaires de décharge – sans augmentation proportionnelle des moyens humains.
Faute de créations de postes suffisantes, ces politiques, certes louables, conduisent, après avoir vidé le dispositif « Plus de maîtres que de classes », à piocher au sein des brigades de remplacement.
Monsieur le ministre, qu’allez-vous faire pour résoudre ce problème ? En janvier, le travail sur la carte scolaire commencera. Êtes-vous prêt à allouer des dotations suffisantes pour assurer les remplacements ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, merci pour cette question, qui porte sur un sujet très important. Le remplacement correspond en effet au vécu des élèves, des parents d’élèves et des professeurs.
Sur le plan structurel, notre manière de remplacer dans le premier degré en France a fait récemment l’objet d’un rapport de la Cour des comptes.
Sur le plan conjoncturel, nous devons faire face à un absentéisme particulier, lié à la crise sanitaire.
Au niveau structurel, les progrès sont en cours. Il faut d’abord prévenir l’absentéisme. L’une des meilleures façons de le faire, c’est d’éviter que l’institution elle-même n’en crée. Je pense notamment à la formation continue, dont nous avons augmenté l’offre hors temps scolaire.
Il faut aussi disposer d’un vivier de remplaçants, ce qui nous amène au cœur de votre question. Les chiffres pour le premier degré sont importants : nous avons 30 000 remplaçants pour l’école primaire en France, soit à peu près 9 % de nos effectifs. Nous les mobilisons pleinement.
Contrairement à ce que vous avez dit, nous n’avons pas diminué le nombre de remplaçants en France. Au contraire, et il n’y a jamais eu autant de créations de postes dans le premier degré que depuis quatre ans, alors que nous avons moins d’élèves. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
C’est un fait, que chacun peut vérifier : nous avons atteint un taux d’encadrement inédit dans le premier degré. Dans chacun de vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, le taux d’encadrement s’est amélioré, rentrée après rentrée, depuis 2017. Vous pouvez tous le vérifier, et c’est inédit dans les annales de la Ve République ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe SER.) Tout cela se fait non pas au détriment du remplacement, mais au contraire pour le renforcer.
Il est tout à fait exact, madame la sénatrice, qu’il y a davantage d’absentéisme en ce moment, à cause de la crise sanitaire. Cela n’aura échappé à personne, et c’est vrai dans tous les métiers.
Nous faisons face. Quand vous dites que nous faisons appel à de jeunes retraités, vous montrez plutôt notre pragmatisme et notre capacité adaptation qu’autre chose. Oui, il faut faire flèche de tout bois face à un absentéisme plus important que d’habitude.
Je ne nie pas les problèmes qui se posent, mais nous allons progresser, à la fois par les facteurs structurels que j’ai mentionnés, mais aussi par des mesures spéciales, comme celles que nous avons prises en recrutant plus de contractuels l’année dernière au cœur de la crise, ou celles que nous prenons à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Les retraités, monsieur le ministre, ne veulent pas y retourner, et les contractuels ne constituent pas une solution !
Déjà, nous manquons de postes. C’est cela, la réalité : je crois qu’il faut vraiment que vous alliez sur le terrain écouter le ras-le-bol de celles et ceux qui œuvrent au quotidien pour instruire nos enfants.
Depuis le début du quinquennat, le premier degré est affiché comme une priorité, pour justifier des suppressions de poste dans le secondaire. En réalité, les conditions d’enseignement se dégradent dans le premier degré. (M. le ministre le conteste vivement.)
Et ce sera pis à la rentrée, car, pour le premier degré, dans le projet de loi de finances pour 2022, il y a zéro création de postes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Monique de Marco applaudissent également.)
pénurie de lits et de personnels dans les hôpitaux
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Alain Milon. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé – ou à son remplaçant.
Les projections Pasteur du 13 décembre concernant l’évolution du nombre de patients covid dans les services hospitaliers sont extrêmement préoccupantes. Les besoins en lit croissent chaque jour. Pour armer ces lits, il faut pouvoir recourir à des personnels médicaux supplémentaires.
Or le contexte vous est connu : épuisement des personnels hospitaliers, urgences engorgées, hôpital proche de la saturation.
Par la force des choses, les hôpitaux doivent déprogrammer des activités chirurgicales et médicales pour redéployer des personnels. Les renforts sont difficiles, pour ne pas dire même impossibles. Les médecins hospitaliers sont quant à eux contraints de prioriser les patients, avec le désarroi de devoir encore différer des soins programmés.
Tout cela s’apparente à une bombe à retardement en termes de santé publique.
Dans ce contexte, l’agacement des soignants croît avec leur lassitude et les questionnements éthiques ne manquent pas. Le lien de causalité n’est plus à faire entre armement de lits covid, notamment en réanimation, occupés à 70 % ou 80 % par des patients non vaccinés, et déprogrammations.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous épauler les professionnels de santé confrontés à des prises de décisions de limitation thérapeutique, autrement dénommée triage ? Le critère de vaccination peut-il être retenu comme discriminant positif dans un contexte de saturation des capacités en soins critiques ? Quelle organisation territoriale de la prise en charge des patients entre public et privé envisagez-vous pour affronter les vagues à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Jocelyne Guidez et Valérie Létard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Milon, les tensions à l’hôpital, réelles, sont amplifiées, depuis deux ans déjà, par les épidémies concomitantes de covid et des virus hivernaux. En quelques semaines, nous avons compté 14 000 admissions hospitalières, et nous avons quelque 2 800 personnes en réanimation aujourd’hui, chiffre qui devrait atteindre 4 000 d’ici à la fin du mois.
Les études de l’Institut Pasteur que vous évoquez étayent ce constat. C’est parce que nous le partageons, que nous partageons ce discours de lucidité, que nous ne disons pas non plus que tout va mal.
Le ministre Olivier Véran a demandé que la situation soit objectivée par une enquête sur les tensions en ressources humaines et sur le capacitaire, dont les conclusions vont être remises dans les tout prochains jours – nous vous les communiquerons.
Compte tenu de cette situation, nous devons nous mobiliser collectivement, avec des réponses immédiates, d’urgence, susceptibles de produire des résultats dans les toutes prochaines semaines.
D’abord, nous devons maintenir ce qui a permis aux hospitaliers de tenir jusqu’à présent, en prolongeant les majorations des heures supplémentaires et du temps de travail additionnel jusqu’en janvier 2022, ainsi que les dispositions sur le cumul emploi-retraite.
Nous devons aussi encourager une mobilisation collective, chacun devant prendre sa part : les établissements de santé publique, mais également le privé et le secteur ambulatoire. Dans une période si compliquée, c’est collectivement que nous tiendrons dans les semaines qui arrivent, comme nous avons pu tenir par le passé.
Nous sommes particulièrement attentifs aux tensions dans les services d’urgence, en pédiatrie et dans les maternités. Le ministre a demandé aux agences régionales de santé d’être pleinement mobilisées pour accompagner les établissements en activant leurs cellules territoriales de suivi et en organisant la solidarité territoriale nécessaire, notamment en mobilisant les établissements privés et les professionnels libéraux.
Les actions plus structurelles, vous les connaissez, et je ne rappelle pas les efforts sans précédent du Ségur de la santé, dont les effets, s’ils se feront sentir sur le long terme, sont déjà importants, avec 30 milliards d’euros pour revaloriser la rémunération de ceux qui soignent, et 19 milliards d’euros en faveur de l’investissement courant et de la restauration des capacités financières.
Enfin, grâce à l’adoption de la loi Rist visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, les hôpitaux disposent désormais de nouveaux outils pour transformer leur gouvernance et leur fonctionnement interne, et pour que l’organisation territoriale puisse mieux répondre aux défis du moment. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Monsieur le secrétaire d’État, la majorité à laquelle vous appartenez nous reproche régulièrement de ne pas faire de propositions. Nous allons donc vous en faire.
Il faudrait d’abord que vous allégiez les hôpitaux publics en mobilisant fortement le privé. Vous savez que, pour les vacances de Noël, beaucoup de cliniques vont fermer. Il serait donc nécessaire de faire en sorte qu’elles ne ferment pas.
Vous devriez aussi faciliter les placements en hospitalisation complète ou soins de suite et réadaptation, c’est-à-dire l’aval ; clarifier les messages des agences régionales de santé sur le niveau de déprogrammation ; faciliter la mise à disposition des personnels IDE des structures chirurgicales et des centres de vaccination en les remplaçant, dans ces centres, par des personnels autorisés à vacciner, mais non infirmiers ; donner des recommandations éthiques au personnel médical pour lui faciliter la tâche ; enfin, en extrême urgence et au cas où ce serait la seule solution, pourquoi pas la réquisition ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Jocelyne Guidez et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
wokisme dans l’enseignement supérieur
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)
M. Jean Hingray. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Que se passe-t-il, madame la ministre, sur le campus de Sciences Po Poitiers ? (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Les étudiants y ont dorénavant la possibilité de suivre un cours sur la sociologie de la race. Au programme : les principes du constructivisme racial, la France face à la race, ou encore la blanchité dans l’hégémonie raciale. Tout un programme !
Tout un programme qui, on l’aura compris, emprunte moins à Gobineau et Chamberlain qu’à l’idéologie woke et à la cancel culture. Madame la ministre, vous dénonciez toutes ces idéologies en février dernier. Vous aviez même demandé une enquête au CNRS. Cette enquête, le CNRS avait refusé de la mener – on peut même se demander qui décide encore dans ce pays… (Bravo ! sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Après Sciences Po Grenoble, les choix de Sciences Po Poitiers suscitent l’indignation. Et que dire de Sciences Po Paris, qui dispense trois fois plus de cours sur le genre que sur les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) On peut se demander si tel est bien le rôle de cette institution. Force est de constater que cette inversion des valeurs est désormais infusée à nos étudiants.
Ma question est donc simple, madame la ministre : dix mois après votre engagement à lutter contre ces idéologies, qu’avez-vous fait de concret ?
M. François Bonhomme. Rien !
M. Jean Hingray. Alors que vous vous félicitez d’avoir ressuscité le débat sur ces sujets, le CNRS et Sciences Po continuent à jouer leur partition. Nous attendons des réponses, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Stéphane Artano applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Hingray, reprenons une vue d’ensemble sur ces sujets importants.
L’université est au cœur de nos sociétés. Elle n’est pas étanche aux courants qui la traversent. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle ne les génère pas, elle les analyse, parfois au prix de débats et de controverses, comme il est normal, car la controverse fait avancer la connaissance et l’évaluation scientifique est faite par les pairs.
Mais depuis trop longtemps, nous voyons dans les établissements des événements perturbés sur le fondement de motifs partisans, idéologiques, ou de toute forme d’extrémisme. Nous voyons aussi des intitulés d’enseignement montés en épingle, au mépris du travail des enseignants-chercheurs. Nous voyons des enseignants-chercheurs et des doctorants empêchés dans leurs travaux, et ce quelle que soit leur discipline ou leur sensibilité.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et donc ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Sénat ne s’y est pas trompé, puisque, en octobre 2021, la mission d’information sur les influences extraeuropéennes sur la préservation des libertés académiques, présidée par Étienne Blanc, et dont le rapporteur était André Gattolin, a souligné le risque qui pesait sur les libertés académiques à cause des atteintes à l’intégrité scientifique.
De la même façon, à la suite des propositions de l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) et à l’amendement du sénateur Ouzoulias sur la LPR (loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur), nous avons refondu le cadre réglementaire de l’intégrité scientifique pour garantir la qualité des travaux.
Ma main n’a jamais tremblé, chaque fois qu’il a fallu envoyer une inspection générale, chaque fois qu’il a fallu aider des établissements à se faire évacuer. Cela faisait longtemps, malheureusement, que les mains tremblaient trop.
Enfin, l’inspection générale a mis en place une mission permanente d’appui aux établissements. Chaque fois que les libertés académiques ne sont pas respectées, ou que des événements sont perturbés, cela permet de mettre fin à ces dysfonctionnements. (Mme Nadège Havet et M. François Patriat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.
M. Jean Hingray. D’abord, madame la ministre, je suis heureux que nous partagions le même constat. J’espère que votre main n’a pas tremblé lorsque vous avez signé la proposition de nomination du nouveau directeur de Sciences Po, et que le ménage sera fait dans cette institution !
Ce sont tout de même les impôts des contribuables français qui financent l’enseignement supérieur, et ce sont encore les députés et les sénateurs qui choisissent les orientations budgétaires. Or nous attendons que les valeurs de la France et les Français soient enfin respectés dans ces institutions. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Emmanuel Capus et Daniel Chasseing applaudissent également.)
agression du maire de saint-macaire
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le ministre de l’intérieur, mercredi dernier, le maire de Saint-Macaire, en Gironde – mon maire – a été violemment agressé par deux mineurs après être intervenu pour désamorcer une dispute entre voisins. Roué de coups, menacé de mort, cet élu de la République est profondément choqué.
Chaque jour, en moyenne, trois ou quatre élus sont agressés. Après la mort du maire de Signes en 2019, le Sénat et l’Assemblée nationale se sont accordés sur la nécessité de mieux protéger les élus et ont adopté des mesures législatives en ce sens. Le ministère de la justice a adressé deux circulaires aux procureurs, les invitant à recueillir avec attention les plaintes des élus et leur demandant de recourir aux sanctions prévues par la loi.
Malgré ces dispositions et les instructions ministérielles, les agressions d’élus sont un phénomène en constante augmentation. En 2020, 1 276 élus ont été la cible d’agressions, soit une hausse de 200 % par rapport à 2019. Force est de constater que les réponses apportées ne suffisent malheureusement pas.
Ces comportements de violence ne sauraient être tolérés dans notre démocratie. Il est donc nécessaire que la justice soit plus réactive et plus sévère. Les délinquants, en particulier les mineurs, n’ont peur de rien, sachant que les condamnations sont bien souvent inexistantes. La justice est complètement embolisée, en raison du manque de moyens et du nombre croissant d’affaires à traiter
Monsieur le ministre, quel signal d’autorité allez-vous envoyer ? Comment comptez-vous sanctionner les agressions d’élus ? Peut-on restaurer la crainte de la sanction ? N’est-il pas possible d’envisager, comme le propose David Lisnard, que l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) puisse se porter partie civile lors d’agressions d’élus, afin de donner plus de poids à la procédure ? Enfin, quel dispositif d’accompagnement des élus agressés proposez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, votre question s’adressait plus particulièrement à M. le garde des sceaux, mais, évidemment, le ministère de l’intérieur et le Gouvernement dans son ensemble partagent la responsabilité de la politique publique que vous dénoncez.
On constate en effet, depuis quinze ans, une augmentation constante des faits de violence contre les élus, mais aussi les policiers, les gendarmes et les pompiers. Et vous avez raison, cette hausse, qui se poursuit encore très récemment, est trop importante.
Je me suis toutefois permis de vérifier le cas précis que vous citez, à savoir l’agression du maire de Saint-Macaire, intervenue le 8 décembre dernier. Il s’agit d’un problème de voisinage, dont le point de départ se situerait dans une remontrance faite par le maire à un jeune mineur de 14 ans – il lui aurait manifestement pincé la joue. L’ami de ce jeune, âgé de 13 ans, lui aurait alors asséné un coup de poing, puis le jeune garçon en aurait profité pour saisir une planche de bois et la jeter en direction de l’élu.
Je veux bien que le ministre de l’intérieur réponde aux questions d’insécurité dans le pays, mais, s’agissant d’enfants de 13 et 14 ans, je pense que le rôle des parents doit aussi être rappelé. Il faut rétablir l’autorité parentale, et je ne peux pas mettre un policier derrière chaque enfant de 13 ans ! (M. Martin Lévrier, Mme Évelyne Perrot et M. Loïc Hervé applaudissent.)
Il convient peut-être ensuite de construire davantage de centres éducatifs fermés, afin qu’une réponse pénale puisse accompagner des personnes qui n’ont manifestement pas reçu la bonne éducation, ni auprès de leur famille ni auprès de la société.
Par ailleurs, dans les cas plus graves – il y en a, évidemment, comme le décès du maire de Signes –, le Premier ministre a exigé que le garde des sceaux et moi-même mettions rapidement fin aux remises de peine automatiques en cas d’agressions contre les élus. C’est désormais chose faite.
De même, la gendarmerie ou la police portent systématiquement plainte désormais, y compris quand l’élu ne le souhaite pas. Il y a donc toujours une ouverture d’enquête judiciaire dans ce cas, conformément aux instructions du garde des sceaux.
Enfin, nous sommes prêts à étudier avec le président David Lisnard l’hypothèse d’un accompagnement par l’AMF, si celle-ci le souhaite.
Protéger les élus, c’est protéger la République ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – MM. Jean-Pierre Decool, Alain Cazabonne et Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.
Mme Florence Lassarade. Monsieur le ministre, si vous prenez davantage de renseignements, vous apprendrez que le père du mineur concerné a menacé de mort le maire et sa famille, et qu’il a agressé les secrétaires de mairie.
Il faudrait adresser un signal de soutien aux maires plutôt que de mettre en doute la gravité des faits. Sous prétexte qu’il s’agit de jeunes de 13, 14 ou 16 ans, s’ils vont jusqu’à essayer de tuer le maire, tout va bien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation en arménie
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Le 3 novembre 1896, Jean Jaurès interpellait le Gouvernement sur le rôle de la France et de l’Europe à propos des massacres en Arménie. Il dénonçait une Europe hypocrite, qui faisait passer la raison diplomatique et économique avant la sauvegarde des peuples, de la justice et du droit.
Monsieur le ministre, il serait impensable aujourd’hui que reste dans l’Histoire un camouflet infligé aux démocraties occidentales et aux valeurs séculaires qu’elles ont toujours eu à cœur de défendre par un État aidé par des groupes terroristes.
La situation est trop complexe pour la réduire à une guerre de civilisation ou de religion. C’est bien davantage un conflit ethnique et territorial.
Le bloc turco-azéri menace l’existence même de l’Arménie. Le pays a besoin d’aide matérielle pour garantir la sécurité de ses frontières.
Les atrocités de la guerre – exterminations, décapitations – laissent la place à une violence quotidienne au sein des populations civiles arméniennes, confirmée par le défenseur des droits d’Arménie.
Les autorités de ces deux Républiques, rencontrées sur place ou au Sénat, demandent que la France prenne toute sa place dans le groupe de Minsk, afin d’aboutir à l’établissement d’une paix durable. Les coprésidents se sont réunis en novembre, et les discussions doivent maintenant aboutir à des actes.
Hier, l’Arménie a déclaré vouloir nommer un émissaire pour la normalisation de ses relations avec la Turquie.
Ma question est simple, monsieur le ministre. Un cessez-le-feu a été signé il y a un an sous l’égide de la Russie, sans les représentants du groupe de Minsk. Au-delà des déclarations, que fait votre gouvernement pour obtenir la libération des prisonniers et apporter un soutien matériel aux populations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Devinaz, vous avez raison de rappeler que la situation sécuritaire demeure très tendue en Arménie et dans le Sud-Caucase de manière générale.
Le cessez-le-feu qui avait été signé au mois de novembre l’an dernier est régulièrement violé. Il y a encore eu trois morts la semaine dernière. Il est donc urgent de progresser sur les différents volets du conflit : les prisonniers, les disparus, le déminage, la préservation du patrimoine et la délimitation des frontières.
Il faut essayer de trouver le chemin d’une confiance entre les deux acteurs. Nous y travaillons.
J’ai réuni il y a quelques jours à Paris mes collègues Mirzoyan et Baïramov, dans le cadre du groupe de Minsk, pour essayer d’avancer sur les différents sujets que j’ai évoqués. C’est ainsi que l’on retrouvera un esprit de confiance. Parallèlement, aujourd’hui même se tient à Bruxelles le partenariat oriental des chefs d’État et de gouvernement, lors duquel le Président de la République doit s’entretenir avec ses interlocuteurs arménien et azerbaïdjanais.
Nous devons continuer à jouer notre rôle dans le groupe de Minsk, avec les États-Unis et la Russie. C’est précisément ce que nous faisons, y compris ici lorsque nous avons réuni les ministres à Paris.
Nous avons aussi avec l’Arménie, en raison de notre histoire, une culture commune et une solidarité particulière, qui s’est manifestée la semaine dernière lorsque le ministre délégué Jean-Baptiste Lemoyne a signé, à ma demande, une feuille de route avec les autorités arméniennes pour renforcer notre coopération dans le domaine de la santé, de la connectivité et de l’énergie, avec le soutien de l’Agence française de développement.
Ainsi, la France continuera à jouer ce double rôle de responsabilité au sein du groupe de Minsk, et donc d’équilibre, et de solidarité concrète avec le peuple arménien.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’attire néanmoins votre attention sur le fait que l’Arménie et le Haut-Karabagh sont des démocraties qui continuent d’être mises à mal par des régimes autoritaires.
Il y a des périodes dans l’histoire où il faut choisir son camp. L’an dernier, notre assemblée, en votant à l’unanimité moins une voix la demande de la reconnaissance de la République d’Artsakh, a choisi le sien, celui de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et Les Républicains.)
préavis de grève à la sncf
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des transports.
Gares se transformant en camps de fortune, trains bondés au mépris des recommandations sanitaires en plein rebond épidémique, familles séparées pendant les fêtes de Noël : voilà ce qui attend les usagers de la SNCF après le préavis de grève déposé par certains syndicats pour ce week-end.
Les méthodes de maître chanteur sont de retour, comme chaque année pendant cette période si sensible, avec des revendications diverses, confuses et corporatistes. Au moment de l’ouverture à la concurrence et des efforts notables du président Farandou et de ses équipes pour essayer de réformer l’entreprise ferroviaire historique nationale, c’est un suicide programmé.
Et cela malgré les milliards d’argent public versés à la SNCF, ou plutôt déversés sur la SNCF. Effacement de la dette par l’État : 35 milliards d’euros ; financement public : 12 milliards d’euros par an selon le rapport de la Cour des comptes ; compensation des baisses de recettes pendant le covid : 3 milliards d’euros ; prise en charge du coût des précédentes grèves : 1,8 milliard d’euros. Soit, au total, plus de 50 milliards d’euros financés par le contribuable pris en otage par quelques salariés irresponsables, au regard de la santé financière de l’entreprise.
Tout ça pour ça ! Autant d’argent public pour un seul et même résultat : l’échec dans l’amélioration de la qualité du service public ferroviaire.
Ma question est toute simple, monsieur le ministre : comment le Gouvernement peut-il accepter cela ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Tabarot, comme vous le savez, le dialogue social est nourri à la SNCF depuis plusieurs semaines. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) La direction a fait des propositions de revalorisation des salaires, notamment des bas salaires, et proposé des primes pour lutter contre l’inflation et la sous-activité liée au covid.
Un accord a d’ailleurs été signé la semaine dernière par l’UNSA et la CFDT.
Vous l’avez dit également, l’État a été au rendez-vous depuis 2017, en réinvestissant plus de 75 milliards d’euros sur dix ans pour régénérer le réseau, sauver les petites lignes ferroviaires ou encore relancer les politiques du fret ferroviaire et des trains de nuit.
Cette grève, monsieur le sénateur, si elle existait, elle serait incompréhensible. Elle constituerait un sacré cadeau fait à la concurrence, au moment où celle-ci arrive sur le réseau grande vitesse, et serait une mauvaise manière faite aux Français, qui, par millions, ont d’ores et déjà réservé leur billet à l’approche des fêtes de Noël.
Vous le savez, monsieur le sénateur, la direction de la SNCF a fait savoir qu’elle restait à l’écoute des organisations, et je fais le pari, ici et maintenant, de la responsabilité des syndicats cheminots.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, nous arrivons au même constat : vous avez mis les moyens, et ce « quoi qu’il en coûte », mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Ce qui se passe dans le ferroviaire est à l’image de ce qui se passe en France dans ce quinquennat de l’échec et du déclin. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe RDPI.)
Ségur de la santé, Beauvau de la sécurité, États généraux de la justice : autant d’argent public distribué sans résultat. La situation se dégrade, le pays est en tension, les Français n’en peuvent plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
immigration pour raisons médicales
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) vient de publier un rapport sur les étrangers qui réclament un titre de séjour en France pour raisons médicales.
Ce rapport, dense et documenté, fait un état des lieux précis de la situation actuelle. Pour 2020, 26 000 personnes étrangères ont déposé une telle demande.
Selon ce même rapport, des ressortissants issus de pas moins de 127 pays différents ont demandé à bénéficier du dispositif.
Ainsi, tour à tour, on trouve des ressortissants algériens, ivoiriens, congolais, guinéens, géorgiens, maliens, comoriens, marocains, tunisiens, mais aussi émiratis, canadiens, américains, des pays où la médecine ne laisse pas vraiment à désirer.
Il ressort clairement de ce travail qu’une partie des demandeurs font un usage systématique de cette procédure pour obtenir un titre de séjour, notamment lorsqu’ils ont été déboutés du droit d’asile.
Plus largement, ce rapport pointe du doigt une utilisation dévoyée, et même détournée, de l’accès à notre système de soins offert par la France aux étrangers.
Monsieur le ministre, que répondez-vous à l’OFII, qui s’inquiète tant du coût que de la façon dont la procédure d’admission au séjour est dévoyée par une partie des demandeurs ?
Surtout, quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter véritablement contre ce détournement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je n’ai pas grand-chose à répondre à l’OFII, qui travaille auprès du ministère de l’intérieur. C’est notamment sous mon autorité que s’est faite la publication de ce rapport.
Il s’agit, en l’occurrence, d’une grande avancée. Comme vous le savez, la création de ce titre de séjour pour étrangers malades date de 1996, mais ce n’est qu’en 2017, à l’arrivée du Président de la République Emmanuel Macron, que nous avons transféré sa gestion des ARS (agences régionales de santé) à l’OFII, afin de passer d’un sujet de santé à un sujet d’immigration.
Ce sont des médecins de l’OFII qui, sous la responsabilité du ministère de l’intérieur, effectuent désormais les contrôles. Nous pouvons constater ensemble que nous avons mis fin à un certain nombre d’abus.
De 2017 à 2021, le rapport que vous citez précise ainsi que le nombre de personnes qui ont vu leur demande acceptée a baissé de 40 %. Il y a encore aujourd’hui de 26 000 à 30 000 personnes qui demandent à pouvoir se faire soigner dans notre pays lorsqu’elles n’ont pas chez elles la médecine pour le faire.
Cette procédure avait notamment été imaginée en 1996 pour le VIH, et je pense qu’il s’agissait d’une belle action du gouvernement d’Alain Juppé. Il peut s’agir aussi d’un cancer ou d’une autre maladie.
Les médecins de l’OFII exercent aujourd’hui ce contrôle, mais, naturellement, cela n’exclut pas certaines difficultés ou fraudes.
Nous avons toutefois pris un certain nombre de dispositions qui devraient vous rassurer.
D’abord, un contrôle biologique est désormais systématiquement effectué pour authentifier la maladie avant d’engager les soins. La personne pourra déposer parallèlement une demande d’asile, mais elle devra réellement souffrir de cette maladie.
Ensuite, trois médecins rendront un avis collégial, et non plus un seul comme précédemment.
Enfin, la convocation par un médecin de l’OFII sera systématique, avant même le dépôt de la demande. Il y a sans doute encore quelques cas frauduleux, mais ils sont assez différents, me semble-t-il, de ceux que nous avons trouvés quand nous sommes arrivés aux responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt, monsieur le ministre. Vous avez effectivement reçu un rapport de vos services, qui vous a mis en garde, mais je ne retrouve pas les éléments de ce rapport dans votre réponse.
Il est en effet question d’un collège de médecins qui convoque les demandeurs. Mais lorsque ces derniers ne se présentent pas une fois, deux fois, trois fois, les médecins sont obligés de statuer. Il est donc faux de dire qu’ils effectuent des contrôles, puisqu’ils n’ont pas les moyens de les faire. Le rapport le rappelle pour la quatrième fois.
J’entends bien votre volonté de faire, monsieur le ministre. Mais comme l’écrit un grand philosophe, il n’y a rien de plus grave et de plus dangereux que le simulacre d’action. Malheureusement, rien n’a bougé dans ce domaine… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le 5 janvier 2022, à quinze heures. D’ici là, je vous souhaite à tous de bonnes fêtes de Noël et de fin d’année !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour une mise au point au sujet d’un vote.
Mme Marie-Christine Chauvin. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 56 portant sur l’ensemble de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, mon collègue Alain Chatillon souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Candidatures à d’éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection des enfants et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Protection des enfants
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des enfants (projet n° 764 [2020-2021], texte de la commission n° 75, rapport n° 74).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 6.
Article 6
I. – L’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « réalisée », sont insérés les mots : « , au regard du référentiel national d’évaluation des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant fixé par décret après avis de la Haute Autorité de santé, » ;
2° (nouveau) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes ayant transmis au président du conseil départemental une information préoccupante sont informées des suites qui ont été données à cette information, dans le respect de l’intérêt de l’enfant, du secret professionnel et dans des conditions déterminées par décret. »
II. – Après le 19° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, il est inséré un 20° ainsi rédigé :
« 20° Rendre l’avis mentionné à l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles. »
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
du référentiel national
par les mots :
des référentiels
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à autoriser une pluralité de référentiels pour évaluer la situation des enfants en danger.
En effet, la diversité des situations rencontrées oblige à privilégier des approches pluridisciplinaires. C’est pourquoi le référentiel de la Haute Autorité de Santé (HAS), pour pertinent qu’il soit, ne saurait s’avérer suffisant.
Cet amendement vise donc à ouvrir la possibilité de recourir à d’autres référentiels que celui qu’a élaboré la HAS.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il pourrait être intéressant d’avoir plusieurs référentiels, mais celui de la HAS vient juste d’être mis en place, et il faut absolument qu’on garde l’idée d’un seul référentiel pour tous les départements. Sinon, comme avant, il sera difficile d’harmoniser les pratiques entre toutes les collectivités.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Il est également défavorable.
Nous avions demandé à la Haute Autorité de santé, il y a deux ans, d’élaborer un tel référentiel. Dans le domaine de la protection de l’enfance comme dans d’autres secteurs, on se rend compte qu’un certain nombre de ruptures sont liées à l’absence de culture commune entre les différentes personnes qui interviennent autour de l’enfant.
Ce référentiel commun d’évaluation des situations de danger est donc nécessaire pour que tous les professionnels – travailleurs sociaux, professionnels de santé et de l’éducation nationale, etc. – aient les mêmes critères et les mêmes repères, et ce sur l’ensemble du territoire, afin qu’un enfant soit considéré comme étant en danger de la même façon à Lille ou Marseille, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Le référentiel de la Haute Autorité de santé constitue donc une réelle avancée, avec toutes les garanties scientifiques liées aux procédures de la Haute Autorité de santé, toutes les garanties aussi en matière de participation, une première version de ce référentiel étant soumise au débat public et à la contribution de l’ensemble des parties prenantes.
Il a été adopté et sachez, pour être totalement complet, que le futur groupement d’intérêt public, la future instance de gouvernance dont nous allons parler à l’article 13, aura pour mission parmi d’autres d’assurer la formation continue, notamment des professionnels de la protection de l’enfance, portant en particulier sur ce référentiel de la Haute Autorité de santé d’évaluation des situations de danger, qui comporte plusieurs livrets en fonction des professionnels concernés.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Par cet amendement, je n’entends pas m’opposer au référentiel de la Haute Autorité de santé ; je propose simplement d’offrir une possibilité supplémentaire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 126 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
santé,
par les mots :
santé et des conseils départementaux en charge de la politique d’aide sociale à l’enfance,
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à intégrer les départements dans l’élaboration du référentiel. Il s’agit de préciser dans la loi que les conseils départementaux seront régulièrement consultés pour l’élaboration dudit référentiel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Le référentiel établi par la HAS se fonde sur des recommandations purement scientifiques. Les départements, y compris au niveau de l’Assemblée des départements de France (ADF), n’ont pas l’habitude d’utiliser des référentiels communs.
Il me semble préférable de s’appuyer sur l’expertise scientifique de la HAS et de conserver un référentiel unique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il est également défavorable.
Sachez néanmoins que, dans la phase de mise au débat public, une soixantaine de départements ont apporté leur contribution à l’élaboration du référentiel de la Haute Autorité.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Là encore, je ne propose qu’une faculté supplémentaire, pour que les départements soient régulièrement consultés. Cela ne me semble pas rédhibitoire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 74 rectifié est présenté par Mmes Doineau et Dindar, M. Levi, Mme Vérien, MM. Longeot, Louault, Kern, J.M. Arnaud, Milon et Détraigne, Mmes Devésa, Jacquemet et de La Provôté, MM. Capo-Canellas, Duffourg et Cigolotti, Mmes Saint-Pé et Billon et MM. Lafon, Le Nay et Delcros.
L’amendement n° 262 est présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 327 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Après les mots :
sont informées
insérer les mots
dans un délai de trois mois
La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié.
Mme Élisabeth Doineau. Une personne qui adresse une information préoccupante au président du conseil départemental éprouve souvent des difficultés pour obtenir un retour dans un délai correct.
Je propose donc que le délai de trois mois, déjà inscrit dans le règlement, figure aussi dans la loi.
Il est toujours difficile pour un professeur des écoles, un voisin ou un maire de signaler une situation qui lui semble préoccupante.
Je souhaite donc que ces personnes soient a minima informées des suites données à leur signalement, car elles sont en droit de connaître la conclusion de l’affaire qu’elles ont dénoncée.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 262.
Mme Michelle Meunier. Il vient d’être fort bien défendu par notre collègue, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 327 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. La commission a prévu qu’une suite soit effectivement donnée à ces informations préoccupantes. Cette disposition va dans le bon sens, mais il nous paraît judicieux de fixer dans la loi un délai limite de réponse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission a en effet ajouté une obligation d’information sur la manière dont les situations préoccupantes signalées sont prises en compte.
Il ne nous semblait pas utile de fixer un délai, car nous pensions initialement que la réponse serait immédiate.
Par ailleurs, certaines évaluations durant plus de trois mois, ce délai pourrait aussi parfois avoir pour conséquence de figer le travail d’investigation.
Quoi qu’il en soit, nous souhaiterions que la réponse intervienne le plus rapidement possible et nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous sommes plutôt en accord avec le raisonnement de la commission. Son ajout est incontestablement utile, car il y a trop de situations où les retours sont inexistants.
La précision sur la durée nous semble davantage relever du domaine réglementaire. Mais l’on peut estimer aussi qu’elle vient utilement compléter le dispositif adopté en commission.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Exiger un retour dans un délai de trois mois ne me semble pas contraindre à l’excès les services qui mènent les enquêtes. Dès lors que l’information est « préoccupante », ils se doivent d’apporter une réponse relativement rapide. Le délai de trois mois me paraît donc raisonnable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Le délai de trois mois me semble en effet raisonnable dans le cadre d’une information préoccupante. Le département n’est pas obligé d’exposer l’intégralité de ses démarches, mais il peut dire au moins qu’il a pris en compte l’information.
Je présenterai même ultérieurement un amendement tendant à ramener ce délai à trente jours et qui, à mon sens, aurait dû être mis en discussion commune.
Les départements doivent comprendre qu’il est très important pour les personnes à l’origine du signalement d’avoir un retour.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il ne faudrait pas que l’adoption de ces amendements identiques ait l’effet inverse et que les départements attendent systématiquement la fin du délai de trois mois pour répondre.
En revanche, vous pourriez peut-être, monsieur le secrétaire d’État, vous engager à prendre un décret en cas de besoin pour contraindre les départements à répondre le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Oui, en effet, si les amendements ne sont pas adoptés, on pourra travailler sur un projet de décret, en réfléchissant au meilleur délai possible.
Mais je précise bien qu’il s’agit d’un retour sur information et non, en aucun cas, d’une communication sur l’enquête.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Ce serait un peu le même principe qu’un recommandé avec accusé de réception.
La personne qui communique une information préoccupante veut légitimement savoir si sa démarche a été utile, car celle-ci n’est pas anodine.
La langue française est assez riche, les conseils départementaux trouveront les mots pour expliquer quelles actions ont été menées à partir des informations communiquées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 rectifié, 262 et 327 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 436, présenté par M. Bonne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.… – À la première phrase du II de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au cinquième ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié, présenté par Mmes Vérien, Sollogoub et Billon et MM. Détraigne, Le Nay, Delcros et Longeot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 226-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Cette information est délivrée au plus tard trente jours après la clôture de l’évaluation mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 226-3 puis, le cas échéant, dans les trente jours suivant toute mesure prise à l’égard de l’enfant. Toutefois, lorsque le président du conseil départemental estime que des informations portées à sa connaissance ne sont pas préoccupantes, il en informe sans délai la personne qui les lui a communiquées. » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et, le cas échéant, les mesures prises à l’égard de l’enfant ; cette information doit être délivrée dans les trente jours suivant la demande qui lui en est faite ».
La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Les amendements fixant le délai à trois mois ayant été adoptés, je retire celui-ci, qui proposait trente jours.
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
TITRE III
AMÉLIORER LES GARANTIES PROCÉDURALES EN MATIÈRE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE
Article 7
Le chapitre II du titre V du livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Institution et compétence » et comprenant les articles L. 252-1 à L. 252-5 ;
2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Organisation et fonctionnement
« Art. L. 252-6. – En matière d’assistance éducative, si la particulière complexité d’une affaire le justifie, le juge des enfants peut, à tout moment de la procédure, ordonner son renvoi à la formation collégiale du tribunal judiciaire, qui statue comme juge des enfants. La formation collégiale est présidée par le juge des enfants saisi de l’affaire et composée en priorité de juges des enfants en exercice ou de juges ayant exercé les fonctions de juge des enfants. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 36 rectifié quater est présenté par MM. Favreau, Mouiller, Anglars et Cuypers, Mme Gosselin, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Laménie, Genet, Saury, Lefèvre, Burgoa, Cadec et Belin, Mme de Cidrac et M. Gremillet.
L’amendement n° 64 rectifié quinquies est présenté par Mme Billon, M. de Belenet, Mmes de La Provôté, Devésa, Dindar, Jacquemet et Vérien et MM. Capo-Canellas, Détraigne, Duffourg, Hingray, Kern, Lafon, Le Nay, Levi, Louault et Longeot.
L’amendement n° 150 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 163 rectifié bis est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier, Belrhiti, Joseph et Dumont.
L’amendement n° 402 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
ordonner
insérer les mots :
, d’office ou à la demande des parties,
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié quater.
M. Gilbert Favreau. Cet amendement a pour objet de permettre aux parties de demander la collégialité en matière d’assistance éducative.
Selon l’étude d’impact du projet de loi, le recours à la collégialité doit permettre « de mettre fin à l’isolement du juge dans les dossiers en assistance éducative les plus complexes ».
Or, laisser à la seule initiative du juge la possibilité de demander la collégialité ne permettra pas de répondre complètement à cet objectif.
Les parties à l’instance ne devraient-elles pas être placées sur un pied d’égalité avec le juge ? Pour avoir pratiqué dans une vie antérieure, il ne me paraît pas anormal que la partie concernée par l’assistance éducative puisse elle aussi demander la collégialité.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié quinquies.
Mme Annick Billon. Amendement identique, très bien défendu par notre collègue Gilbert Favreau.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 150.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne reviendrai pas sur l’étude d’impact, qui vient d’être mentionnée.
S’il semble opportun que le juge puisse demander à confronter son avis avec une formation collégiale, les parties doivent, elles aussi, pouvoir demander la collégialité auprès du juge des enfants, dès lors qu’elles considèrent également – voire différemment du juge – que cela permettrait d’affiner l’analyse du dossier et de renforcer les chances de l’enfant de bénéficier du meilleur accompagnement possible.
Le présent amendement tend à ce que, en matière d’assistance éducative, la collégialité puisse être demandée à la fois par le juge et par les parties.
M. le président. L’amendement n° 163 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Stéphane Artano pour présenter l’amendement n° 402 rectifié.
M. Stéphane Artano. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il convient de rappeler les particularités de la procédure en assistance éducative.
Le juge des enfants, qui juge seul, ne tranche pas un litige entre des parties, mais ordonne des mesures destinées à protéger un enfant en danger.
Dans cette procédure d’ordre public, son seul objectif est de prendre toute mesure nécessaire à la préservation des besoins fondamentaux de l’enfant.
Contrairement à un litige commun en droit civil, le juge ne rend pas une décision définitive pour régler un différend ; il ordonne des mesures, qui sont, par nature, provisoires et évolutives selon la situation de l’enfant.
Dans ce cadre, le recours à une formation collégiale présente certes un intérêt, lorsque le juge fait face à un cas particulièrement complexe, mais ce dernier doit être le seul à pouvoir l’apprécier.
Confier aux parties le droit de demander une formation collégiale risquerait de cristalliser des conflits pendant la procédure et de rendre la collégialité quasi systématique.
En effet, il y a de fortes chances que les parents qui ne souhaitent pas que leur enfant soit confié demandent une formation collégiale, dans l’espoir que celle-ci contredise le juge saisi de l’affaire. En outre, nous surchargerions les juges, qui seraient sollicités pour participer à de nombreuses formations collégiales, même pour des cas peu complexes.
Cette mesure me paraît donc risquée, contre-productive et inadaptée à la procédure de l’assistance éducative.
Précisons que les parties – le service de l’ASE (aide sociale à l’enfance), les parents, mais aussi le mineur capable de discernement, ou « discernant » – pourront se faire assister d’avocats. L’article 7 bis vise en effet à faciliter la désignation, sur l’initiative du juge ou du département, d’un avocat pour le mineur discernant. Les parties peuvent donc déjà largement exercer leurs droits dans le cadre de la procédure.
Afin de ne pas surcharger les juges des enfants, qui seraient systématiquement saisis d’une demande de collégialité et ne pourraient y faire face, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ces amendements ne correspondent pas à l’esprit – avec lequel vous pouvez être en désaccord – dans lequel nous avions, à l’époque, créé ce dispositif avec Nicole Belloubet.
Pour rappel, il s’agissait, pour les situations les plus complexes – et l’on sait qu’elles peuvent l’être en matière de protection de l’enfance – d’ouvrir au juge, qui, devant ce type de situations, peut parfois se sentir seul et ressentir le besoin de recourir à un regard extérieur, la faculté d’être assisté de deux confrères et de statuer, toujours en tant que juge des enfants, mais en formation collégiale.
Cette faculté avait été réclamée, de mémoire, par les juges eux-mêmes, notamment par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.
Pour ces raisons, et pour celles qu’a exposées M. le rapporteur, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Les amendements sont-ils maintenus par leurs auteurs ? (Assentiment.)
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Les arguments avancés par M. le secrétaire d’État et par M. le rapporteur ont du sens. Je suis par ailleurs favorable à l’amendement du Gouvernement que nous allons examiner dans un instant.
Néanmoins, il arrive – l’étude d’impact le souligne, me semble-t-il – que le juge n’ait pas conscience de son propre isolement. Permettre aux parties de demander, elles aussi, la formation collégiale aurait pour avantage de faire comprendre à un juge qui n’en aurait pas conscience qu’il est isolé.
Par ailleurs, je félicite mes collègues : nous sommes tous géniaux et nous avons tous rédigé, au même moment, les mêmes amendements !
Il serait vraiment souhaitable que les orateurs indiquent la provenance de la disposition proposée dans le cadre des amendements qu’ils présentent. En l’occurrence, c’est le Conseil national des barreaux qui nous l’a fournie. Ces amendements identiques viennent bien de quelque part ; cela va mieux en le disant !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il peut arriver en effet – nous l’avons constaté – que le juge n’ait pas conscience de la complexité de l’affaire.
C’est un fantasme que de croire que l’ouverture aux parties de la faculté de demander une formation collégiale multipliera les demandes.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Non !
Mme Raymonde Poncet Monge. Certes, par construction, les demandes de collégialité seront plus nombreuses, puisque toutes les parties pourront y recourir.
Les juges et les procureurs rapportent que, dans des situations où le concours d’un avocat est proposé, les parties estiment souvent ce dernier non nécessaire et s’en remettent au rôle du juge, qui est, en règle générale, validé.
C’est le juge qui explique l’intérêt soit pour l’enfant, soit effectivement pour les autres parties, de disposer d’un avocat. Le recours à l’avocat n’est nullement une contestation du fait que, en dernière instance, c’est bien le juge qui décide ; il contribue simplement à une analyse plus fine de la situation.
Je le répète, monsieur le secrétaire d’État : les demandes de formation collégiale seront par définition plus nombreuses, mais dire qu’elles seront multipliées et que tout le monde en fera la demande relève aujourd’hui, selon moi, du fantasme.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame Rossignol, je vous remercie pour la justesse de vos propos.
Sans faire insulte à quiconque, les juges – comme chacun d’entre nous – n’ont parfois pas conscience de l’état d’isolement dans lequel ils se trouvent.
Je vous remercie également d’avoir précisé que la disposition proposée par ces amendements provenait du Conseil national des barreaux. Cela éclaire et doit éclairer la représentation nationale.
Madame Poncet Monge, je suis désolé : les demandes seront multipliées. Dès que les parents seront en désaccord avec le juge, ils demanderont une formation collégiale.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Oui, et au détriment de l’enfant !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cette mesure risque en effet de nuire à l’enfant et d’allonger les procédures.
Si nous devions l’adopter, nous serions amenés à nous revoir, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un an ou deux – sans doute une autre personne sera-t-elle alors à ma place – pour revenir sur cette décision.
Dans les faits, cette mesure risque d’être désastreuse. Sans vouloir être catastrophiste ni faire de la politique-fiction, j’imagine très bien la situation : dès que les parents seront en désaccord, ils demanderont la formation collégiale.
Quels que soient les moyens supplémentaires que vous ne manquerez pas de réclamer, je vous l’assure : cela embourbera le système. Pour autant, madame Rossignol, la question que vous soulevez n’est pas totalement dénuée de pertinence, mais la réponse proposée ne me paraît pas adaptée.
M. le président. Les amendements identiques sont-ils toujours maintenus par leurs auteurs ? (Assentiment.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 rectifié quater, 64 rectifié quinquies, 150 et 402 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 356, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Après les mots :
juge des enfants
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Lors de l’examen du texte en séance publique devant l’Assemblée nationale, les députés ont introduit, par l’amendement n° 510, la précision selon laquelle la formation collégiale devait être composée de « trois juges des enfants en exercice ».
Cette rédaction induisait que la formation collégiale ne serait constituée que de juges des enfants, sans tenir compte – j’ai pourtant tenté de sensibiliser les députés à cette question – de la réalité de la carte judiciaire et, notamment, de la situation des 24 juridictions ne comportant qu’un seul juge des enfants.
Cette situation résulte non pas d’un manque de moyens, mais de la taille réduite de ces juridictions. D’autres encore ne comportent que deux juges.
Prévoir que la formation collégiale ne serait composée que de juges des enfants n’était pas conforme à la réalité du terrain.
La commission des affaires sociales du Sénat a bien tenté de corriger le texte de l’Assemblée nationale, en précisant que la formation devait être composée « en priorité de juges des enfants en exercice ou de juges ayant exercé les fonctions de juge des enfants ».
Toutefois, cette tentative d’élargissement ne permet pas d’aller au bout de la logique que nous défendons. En effet, le Gouvernement voit dans cette rédaction une source de complexité.
Au moment de désigner les membres de la formation collégiale, les chefs de juridiction se trouveraient contraints d’effectuer des vérifications fastidieuses. Puisqu’il existerait une priorité à désigner d’actuels ou d’anciens juges des enfants, il s’agirait de vérifier dans quelle mesure ces critères sont bien remplis, d’où un alourdissement de la procédure.
En outre, si la spécificité du droit pénal des mineurs a été consacrée, en 2002, par les lois de la République dans une décision du Conseil constitutionnel, qui impose une spécialisation de la juridiction de jugement, cette spécialisation ne s’impose pas à la compétence civile du juge des enfants et, par conséquent, à l’assistance éducative.
Cela justifie totalement de prévoir une composition présidée par un juge des enfants et de deux juges du tribunal judiciaire. Ces derniers ont tous reçu une formation spécifique à la justice des mineurs et à l’assistance éducative ; ils sont donc tous compétents pour accompagner le juge des enfants qui préside cette formation collégiale et pour savoir comment mieux protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.
Par ailleurs, la rédaction actuelle ferme l’accès à cette formation collégiale, par exemple aux juges aux affaires familiales (JAF), alors même que le manque d’interactions et de culture commune entre le JAF et le juge des enfants (JE) est souvent pointé du doigt.
Pour toutes ces raisons, il convient de revenir à la rédaction initiale de cet article en ces termes : « En matière d’assistance éducative, si la particulière complexité d’une affaire le justifie, le juge des enfants peut, à tout moment de la procédure, ordonner son renvoi à la formation collégiale du tribunal judiciaire qui statue comme juge des enfants. La formation collégiale est présidée par le juge des enfants saisi de l’affaire. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission avait pourtant fait preuve d’une grande sagesse au travers de sa proposition.
Dans la mesure où beaucoup de juges des enfants que nous avons rencontrés nous ont alertés sur la difficulté de composer ces formations collégiales avec uniquement des juges des enfants, nous avions amélioré l’amendement de l’Assemblée nationale en y ajoutant la précision « en priorité de juges des enfants en exercice ou de juges ayant exercé les fonctions de juge des enfants ».
Sachant que, aujourd’hui, les juges des enfants n’occupent cette fonction que pendant deux ans et demi ou trois ans et que nombre de juges ont été auparavant juges des enfants, nous étions persuadés d’en trouver quelques-uns.
Par ailleurs, l’ajout des termes « en priorité » signifie que les juges aux affaires familiales peuvent aussi participer à cette formation collégiale. La plupart des juges des enfants que nous avons auditionnés ont tout de même fortement souhaité que les participants à cette formation collégiale aient une sensibilité particulière comme juges des enfants ou anciens juges des enfants.
La rédaction issue de la commission des affaires sociales constituait donc davantage une ouverture par rapport au texte de l’Assemblée nationale qu’une fermeture par rapport au texte initial du Gouvernement.
Aussi, je propose que nous en restions à cette possibilité d’ouverture s’agissant de la composition de la formation collégiale, tout en veillant à ne pas y faire siéger n’importe quel juge et en lui donnant une orientation plus forte en faveur des juges des enfants.
Il est vrai – M. le secrétaire d’État l’a souligné – que certaines juridictions ne comptent qu’un juge des enfants et que le recrutement de deux ou trois juges peut se révéler difficile.
Enfin, je rappelle que c’est aux juges des enfants qu’il reviendra de décider éventuellement de cette collégialité, en demandant à des confrères de venir travailler avec eux sur des situations complexes.
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Elle propose un texte de compromis entre la rédaction issue de l’Assemblée nationale et l’amendement présenté par le Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 154, présenté par Mmes Poncet Monge et Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 375–6 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 375–6. – Les décisions prises en matière d’assistance éducative doivent être exécutées dans les meilleurs délais par les services auxquels l’enfant est confié. À défaut, le juge qui a pris la décision est informé dans le même temps des motifs qui ont empêché son exécution. Il peut alors en modifier les modalités afin que la décision soit rendue applicable sans délai.
« Les décisions prises en matière d’assistance éducative peuvent être, à tout moment, modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues soit d’office, soit à la requête conjointe des parents, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même assisté de son avocat ou du ministère public, après que leur avis a été recueilli. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement a pour objet de renforcer l’information transmise au juge sur l’exécution des mesures.
En écho aux dispositions de l’article 8 que nous examinerons dans un instant, il s’agit de s’assurer que les mesures de placement ordonnées par le juge sont bien exécutées.
Nombre de décisions de placement tardent à être appliquées. La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur relève ainsi la mauvaise exécution des décisions de placement par le département des Bouches-du-Rhône. Elle note que, en 2019, 104 décisions de justice n’étaient pas exécutées et constate que cette pratique de non-exécution n’est pas récente : elle est récurrente depuis 2016.
Lorsque les décisions sont exécutées, les délais d’exécution sont parfois excessivement longs. En 2019, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendait un rapport sur les délais d’exécution des décisions de justice en matière de protection de l’enfance et faisait état d’une tendance à l’accroissement de ces délais. À titre d’exemple, s’agissant des mesures d’action éducative en milieu ouvert, un tiers des départements présentaient des délais d’exécution moyens supérieurs à quatre mois.
Informer le juge des enfants, qui a ordonné ces mesures, des motifs de leur non-exécution permet aussi à ce dernier d’éventuellement en tenir compte et d’agir en conséquence, dans l’intérêt des enfants.
Ce retour d’information vers le juge nous semble essentiel, de même que la sensibilisation aux conséquences de délais d’exécution excessivement longs, car chaque mesure non exécutée revient à laisser un mineur en situation de danger.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 38 rectifié ter est présenté par MM. Favreau, Mouiller, Belin, Anglars, Cuypers et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Laménie, Genet, Saury, Lefèvre, Burgoa et Cadec, Mme Gosselin, MM. Meignen et Gremillet et Mme de Cidrac.
L’amendement n° 165 rectifié ter est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Belrhiti, M. Brisson, Mmes Joseph et Dumont et M. Panunzi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 375-6 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 375-6. – Les décisions prises en matière d’assistance éducative doivent être exécutées dans les meilleurs délais par les services auxquels l’enfant est confié. À défaut, le juge qui a pris la décision est informé dans le même temps des motifs qui ont empêché son exécution. Il peut alors en modifier les modalités afin que la décision soit rendue applicable sans délai.
« Les décisions prises en matière d’assistance éducative peuvent être, à tout moment, modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues soit d’office, soit à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même assisté de son avocat ou du ministère public, après que leur avis a été recueilli. »
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié ter.
M. Gilbert Favreau. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 165 rectifié ter n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je partage tout à fait le point de vue selon lequel les décisions du juge prises en matière d’assistance éducative doivent être exécutées dans les meilleurs délais.
Sauf que le caractère exécutoire des décisions du juge est déjà posé dans le droit civil. L’inscrire, par ces amendements, dans la loi n’apportera rien au droit positif ni à leur exécution en pratique, qui, souvent, se heurte à la difficulté de trouver une place d’accueil pour l’enfant.
Cette disposition est donc satisfaite et sans effet par rapport à l’existant.
Quant à l’information du juge, elle est déjà possible. Elle est d’ailleurs largement renforcée par l’article 8, en particulier en cas de changement du lieu de placement de l’enfant.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Pour les raisons avancées par M. le rapporteur et parce qu’ils sont satisfaits, le Gouvernement demande un retrait de ces amendements ; à défaut il émettra un avis défavorable.
J’ajoute que nous avons créé des instances quadripartites – le terme peut sembler technocratique –, qui regroupent, au niveau territorial, le juge des enfants, le procureur, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance. Ces lieux se révèlent assez utiles, en ce qu’ils permettent de partager une vision commune, notamment sur les délais d’exécution des mesures, qu’il s’agisse d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) ou de l’état des placements disponibles.
Par ailleurs, dans le cadre du budget pour 2020, vous avez voté, mesdames, messieurs les sénateurs, la création, dans les tribunaux pour enfants, de 72 postes de juges des enfants et de 100 postes de greffiers, dont je salue le travail remarquable, indispensable et important qu’ils abattent, aux côtés des juges.
Ces mesures devraient contribuer à faire baisser ces délais d’exécution, objectivés dans le rapport que vous mentionnez et qui faisait suite à la tribune des juges des enfants de Bobigny.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Merci, monsieur le secrétaire d’État pour ces précisions. C’est ainsi que les choses se passent sur le terrain, dans la concertation.
Nous n’allons tout de même pas sans arrêt apprendre aux juges et aux travailleurs sociaux à faire leur boulot !
Mme Frédérique Puissat. Absolument !
M. René-Paul Savary. J’aimerais que nous retrouvions, dans les amendements, des arguments tendant à valoriser le travail particulièrement compliqué des juges et des travailleurs sociaux.
Cessons d’en rajouter ! Qu’on laisse faire ! Toutes ces contraintes administratives sont autant de temps en moins consacré à l’enfant par les travailleurs sociaux. Donnons-leur les moyens à la fois humains et financiers dont ils ont besoin !
Monsieur le secrétaire d’État, des annonces semblables à celles que vous avez faites en direction des juges seraient les bienvenues en direction des départements. Elles leur permettraient de consolider leurs moyens et de faire correctement leur travail.
Tout le monde s’y retrouverait, surtout l’enfant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Brigitte Devésa et Élisabeth Doineau ainsi que Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, je vais retirer mon amendement à la suite des précisions apportées par M. le secrétaire d’État, mais certainement pas parce que je partagerais ce qui a été dit dans le cadre de la dernière intervention.
Il ne faudrait tout de même pas banaliser les conséquences que ces délais de quatre mois – avez-vous bien entendu ? – et les centaines de placements en souffrance peuvent entraîner.
M. le secrétaire d’État a mentionné un moyen pour y remédier : espérons qu’il soit efficace et efficient. Cela étant, il est regrettable de tacler les personnes qui relèvent ces délais en prétextant qu’ils ne reconnaissent pas le travail des travailleurs sociaux.
C’est le contraire ! Les travailleurs sociaux sont en souffrance parce qu’ils ne peuvent pas bien faire leur travail, à savoir exécuter au plus vite les mesures éducatives décidées par les juges.
M. le président. L’amendement n° 154 est retiré.
Monsieur Favreau, l’amendement n° 38 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Gilbert Favreau. Oui, monsieur le président, au risque de contrarier quelque peu mon ami qui s’est exprimé sur le sujet.
Mettre en avant une obligation de diligence vis-à-vis de travailleurs sociaux, voire vis-à-vis d’une structure extérieure, qui, quelquefois, travaille avec les travailleurs sociaux, n’est pas une insulte.
Pour l’avoir vécu, il arrive très souvent que les mesures d’assistance éducative ou les mesures d’instruction qui sont ordonnées traînent au-delà du tolérable. Cette disposition a aussi sa raison d’être.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 7 bis
L’article 375-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge des enfants peut demander au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement, lorsque son intérêt l’exige. À la demande du service départemental de l’aide sociale à l’enfance, le juge des enfants saisit le bâtonnier afin qu’il désigne un avocat pour l’enfant capable de discernement. »
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les dispositions de l’article 7 bis renforcent le recours à un avocat pour les placements en assistance éducative. C’est une grande avancée.
L’avocat accompagne les enfants dans les procédures relatives à leur situation. Je n’y reviendrai pas dans la discussion des prochains amendements : l’avocat formé et spécialisé dans la défense des enfants permet de préparer l’enfant aux audiences, de donner une place à la parole de l’enfant ou d’exprimer ce que ce dernier n’ose pas toujours dire lors d’audiences d’une grande solennité ; il constitue enfin un repère de confiance et un repère stable, à la différence des juges, qui – ce n’est pas de leur fait ! – sont marqués par une grande rotation, la durée moyenne en poste étant de deux ans.
Tous ces bénéfices devront être garantis par la loi. L’objectif est un recours systématique à l’avocat, que le mineur soit d’ailleurs discernant ou non – nous ne reprendrons pas cette discussion.
Le Conseil national de la protection de l’enfance regrette, d’ailleurs, qu’aucune disposition relative à la présence systématique d’un avocat ne figure dans le projet de loi.
Bien sûr, il peut être difficile d’avancer tout de suite dans cette direction : les moyens manquent, nombre d’avocats ne sont pas formés, les formations spécialisées se mettent tout juste en place dans les différents barreaux, mais c’est un horizon qu’il nous faudra atteindre.
L’État doit envisager un grand plan de formation et d’investissement à moyen terme. C’est à lui que je m’adresse dans cette intervention liminaire. Il faut rendre possible l’accompagnement systématique des enfants par un avocat, car chaque enfant doit pouvoir être soutenu dans l’expression de sa parole et dans la défense de ses intérêts fondamentaux.
Afin de ne pas m’exposer à l’irrecevabilité de l’article 40 de la Constitution, j’ouvre simplement sur le fait que ce chantier doit être engagé le plus vite possible.
M. le président. L’amendement n° 357, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 375–1 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il doit systématiquement effectuer un entretien individuel avec le mineur capable de discernement lors de son audience ou de son audition.
« Lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge des enfants demande au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement et demande la désignation d’un administrateur ad hoc pour l’enfant non capable de discernement. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La question de la présence systématique de l’avocat a nourri de nombreux débats, que ce soit à l’Assemblée nationale, dans d’autres instances et aujourd’hui dans cet hémicycle, comme en témoigne votre intervention, madame la sénatrice.
Je me suis effectivement opposé à la systématicité de la présence de l’avocat.
L’office du juge des enfants est un office singulier. Le juge des enfants n’est pas un juge comme les autres. Il n’a pas vocation à trancher un conflit ; son office est centré sur la protection de l’enfant.
Madame la sénatrice, vous l’évoquiez me semble-t-il, lors de la discussion d’un amendement précédent : c’est bien lui qui est garant de l’intérêt de l’enfant.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pas que !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Certes, mais en l’espèce, il est garant de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Introduire systématiquement la présence de l’avocat en matière d’assistance éducative déplacerait la nature même de ce qui est en jeu dans le cabinet du juge au moment de l’audience.
Cette audience est centrée non pas sur une opposition entre l’enfant et un tiers – les parents ou l’aide sociale à l’enfance –, mais sur l’enfant lui-même.
Peut-être la commission des affaires sociales a-t-elle auditionné – comme l’a fait son homologue de l’Assemblée nationale – le juge Édouard Durand, coprésident de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). C’est de cette façon que ce dernier raconte l’office de juge des enfants ; c’est de cette façon qu’il appréhende sa fonction.
Par ailleurs, un amalgame a été fait à l’Assemblée nationale – et peut-être au Sénat – entre la parole de l’enfant et la représentation systématique par un avocat. La parole de l’avocat n’est pas la parole de l’enfant. La parole de l’enfant, c’est la parole de l’enfant.
Quand un avocat défend un enfant, il défend son intérêt, il interprète, appréhende ce que l’enfant exprime, en fonction de sa formation et de sa compréhension de la situation. Mais il n’incarne pas la parole de l’enfant. Il n’y a qu’un seul dépositaire de la parole de l’enfant, c’est l’enfant lui-même.
L’argument d’une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant via la systématisation de la présence de l’avocat est en réalité contradictoire avec le respect dû à la parole de l’enfant.
L’Assemblée nationale a introduit la possibilité, pour le juge, de recourir à l’avocat s’il considère ne plus être en mesure, devant la complexité de la situation, de garantir seul l’intérêt supérieur de l’enfant. La commission des affaires sociales du Sénat a encore élargi cette possibilité, en prévoyant que l’ASE puisse demander la désignation d’un avocat. Nous sommes en désaccord sur ce point et je vous propose de revenir sur cette mesure.
Par cet amendement n° 357, nous proposons, en revanche, d’introduire un troisième alinéa à l’article 375-1 du code civil, afin de permettre l’audition systématique du mineur capable de discernement – nous reviendrons sur cette notion si vous le souhaitez – par le juge des enfants en assistance éducative.
Si un certain nombre de juges procèdent déjà à cette audition, le fait qu’elle ne soit pas systématique est, entre vous et moi, anormal. L’idée est donc d’inscrire dans la loi le principe de l’audition systématique de l’enfant par le juge. La proposition est simple et essentielle, me semble-t-il.
Par ailleurs, cet amendement vise à introduire un quatrième alinéa modifiant le texte issu de la commission des affaires sociales du Sénat pour y ajouter, aux côtés de la désignation par le juge des enfants d’un avocat pour l’enfant capable de discernement, la désignation par ce même juge d’un administrateur ad hoc pour le mineur non capable de discernement.
Il s’agit de compléter le dispositif et de prendre en compte la parole de l’enfant non capable de discernement, en la faisant porter par un administrateur ad hoc indépendant.
Enfin, nous vous proposons de supprimer la précision ajoutée en commission des affaires sociales – je l’évoquais – selon laquelle, lorsque l’aide sociale à l’enfance demande cette désignation au juge des enfants, ce dernier y fait droit.
En effet, cette précision n’est pas justifiée, de notre point de vue, car elle revient à prioriser la demande de l’aide sociale à l’enfance par rapport à d’autres demandes qui seraient adressées au juge, dont celles du mineur ou des parents.
Une telle priorisation de la demande de l’aide sociale à l’enfance ne serait pas compréhensible, en outre, pour les parties à l’audience en assistance éducative.
En tout état de cause, le juge des enfants fera droit à cette demande de désignation, si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, et il devra motiver sa décision de ne pas y faire droit.
J’ajoute que le Gouvernement va modifier deux articles du code de procédure civile, ce qui relève du pouvoir réglementaire – je me permets toutefois de vous en faire part, parce que cela a un lien avec cet amendement.
Nous allons ainsi modifier l’article 1190 de ce code pour prévoir la notification à tout mineur capable de discernement de la décision prise par le juge des enfants, ce qui nous paraît être du bon sens. Aujourd’hui, la décision n’est notifiée, sans les motivations, qu’aux mineurs de plus de 16 ans.
Nous allons aussi modifier l’article 1186 du même code pour que l’enfant soit informé, lors de chaque audience ou audition, de son droit à être accompagné par un avocat. Cette information n’est pas systématiquement donnée aujourd’hui, ce qui pose une question en matière d’accès aux droits.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’apporter au Sénat ces deux précisions, qui relèvent du réglementaire mais qui sont importantes pour la bonne compréhension de l’amendement que vous nous proposez de voter.
Le sous-amendement n° 437, présenté par M. Bonne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 357, alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À la demande du président du conseil départemental, le juge des enfants saisit le bâtonnier afin qu’il désigne un avocat pour l’enfant capable de discernement.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission sera favorable à l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement.
La question de la présence systématique d’un avocat auprès des enfants est très discutée : certains juges des enfants sont pour, d’autres absolument contre. Des avocats nous ont dit qu’ils pouvaient défendre tous les enfants.
L’avantage de l’avocat est que, le plus souvent, il reste en place : il peut donc suivre un enfant tout au long de son parcours au sein de l’aide sociale à l’enfance (ASE), jusqu’à 18 ans ou 21 ans, alors qu’un juge des enfants change de poste tous les deux ou trois ans. C’est pour cette raison que la présence de l’avocat nous semblait intéressante, mais l’article 40 de la Constitution ne nous a pas permis de déposer un amendement visant à systématiser la présence d’un avocat auprès des enfants.
Bien sûr, les enfants ou les parents peuvent demander la présence d’un avocat, mais nous souhaitons ajouter que le président du conseil départemental puisse également faire une telle demande – c’est l’objet du sous-amendement n° 437. Je rappelle qu’un enfant est confié, non pas à l’ASE, mais au président du conseil départemental. Le président n’est pas un substitut des parents, mais il nous semble qu’il doit être en état de demander la présence d’un avocat pour accompagner un enfant, que celui-ci soit capable de discernement ou pas. Il s’agit, j’y insiste, non pas de défendre l’enfant, mais de le suivre.
Nous ne pouvions pas aller plus loin en matière de systématisation de la présence de l’avocat. Cet ajout nous semble donc important. Nous sommes nombreux ici à avoir été présidents de conseil départemental et nous savons bien qu’il peut être intéressant, selon la personnalité du juge des enfants, qu’un adulte soit présent non pas pour contester ses décisions, mais pour débattre avec lui des dispositions à prendre.
Je souscris donc pleinement à l’amendement du Gouvernement, mais je souhaite que l’on permette au président du conseil départemental de demander la présence d’un avocat auprès des enfants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 437 ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement, qui tend à revenir à une rédaction que nous souhaitons justement supprimer.
J’ajoute que la formulation proposée par la commission revient à la désignation systématique d’un avocat. (M. le rapporteur le conteste.) C’est pourtant ce qui est prévu, monsieur le rapporteur. Je lis votre rédaction : « À la demande du président du conseil départemental, le juge des enfants saisit le bâtonnier afin qu’il désigne un avocat ». Il y a donc une forme d’automaticité.
M. René-Paul Savary. Ah non !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. C’est bien « à la demande » du président du conseil départemental, dans des cas particuliers. Cela ne sera évidemment pas systématique. Il s’agit d’une possibilité pour le président du département : s’il le juge utile, il peut demander la désignation d’un avocat par le bâtonnier.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Bien sûr, mais s’il le demande, la désignation sera automatique ! Et indépendamment de l’intérêt de l’enfant.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Ce n’est aucunement automatique ; c’est seulement si le président du conseil départemental le demande.
M. le président. Pour que tout le monde comprenne bien : ce qui n’est pas automatique, c’est la demande du président du conseil départemental.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je suis bien ennuyée…
Monsieur le secrétaire d’État, nos positions convergent souvent, mais pas sur ce sujet. Je ne pense pas que la présence de l’avocat soit réservée aux litiges ou à des dissensions entre parties. Dans les procédures de divorce devant notaire, par exemple, les avocats sont là pour trouver un compromis – d’ailleurs, c’était déjà souvent le cas avant la réforme du divorce.
Un avocat n’est pas systématiquement générateur de conflits et il peut être présent sans que cela dénature la fonction de juge des enfants. J’ajoute que le juge des enfants prend des décisions qui n’opposent pas nécessairement différentes parties. Il me semble donc que l’avocat est utile pour l’enfant.
Vous avez cité le juge Édouard Durand : je souhaite à tous les enfants qui entrent dans le cabinet d’un juge de tomber sur quelqu’un comme lui ! Il existe évidemment d’autres excellents juges des enfants, mais il n’y a aucune garantie de tomber sur l’un d’eux. En droit, on dit toujours « le juge » : c’est une forme d’abstraction, de concept, mais, dans la réalité, il y a des juges et certains sont bons, d’autres moins… C’est comme dans tous les métiers ou toutes les fonctions, que ce soit médecin, sénateur ou ministre – ce soir, il n’y a naturellement que de très bons sénateurs et nous avons un très bon ministre… (Sourires.)
Il existe donc un aléa dans la vie de ces enfants : les choses dépendent aussi du juge sur lequel ils tombent. Chacun a une compréhension et une philosophie différentes en matière de protection de l’enfance et les cultures n’évoluent pas partout à la même vitesse. L’avocat est donc une garantie pour les enfants.
Mais, disons-le clairement, la réalité, c’est que cela coûte cher ! Pourquoi ne dites-vous pas tout simplement que prévoir la présence systématique d’un avocat devant le juge des enfants est une dépense trop importante ? Cela serait une forme d’honnêteté de le reconnaître. Peut-être même que l’on hésiterait, parce qu’il faudrait trouver des moyens de financement qui soient acceptables.
En conclusion, je regrette qu’à cause de l’article 40 de la Constitution nous ne puissions pas défendre nos amendements en faveur du ministère d’avocat pour tous les enfants.
L’amendement du Gouvernement reprend la notion de mineur capable de discernement, en en laissant l’appréciation au juge. La présence de l’avocat est importante, ne serait-ce que pour débattre de cette question.
À mon sens, tout cela donne trop de latitude aux juges – je mets le terme au pluriel – et pas assez de garanties pour les enfants.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Moi aussi, j’avais déposé un amendement, déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, en faveur de la systématisation de la présence de l’avocat. Je suis un fervent partisan de cette mesure, qui permettrait de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant, sans pour autant, à mon sens, judiciariser la procédure. Je ne reprendrai pas l’excellent argumentaire de Laurence Rossignol, qui a clairement présenté les tenants et les aboutissants de cette question.
En ce qui me concerne, j’étais opposé à l’amendement présenté par le rapporteur en commission et tendant à ce que l’ASE puisse demander au juge de saisir le bâtonnier pour la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement. Seule l’ASE aurait eu cette possibilité, ce qui la met dans une position où elle est à la fois juge et partie.
Je trouve très problématique de donner la possibilité à l’ASE de contester les décisions du juge sur les placements sans même faire figurer dans le texte le fait que l’intérêt supérieur de l’enfant est primordial. Je rappelle que nous débattons d’un projet de loi qui est relatif à la protection des enfants.
Par ailleurs, continuer de distinguer les enfants selon qu’ils sont capables ou non de discernement pose aussi un problème. Ce débat est évidemment lié à celui sur la systématisation de la présence d’un avocat. Chacun sait qu’une telle systématisation coûterait cher aux finances publiques, comme coûte cher l’aide juridictionnelle. Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher d’en débattre.
Les parlementaires ne peuvent pas déposer d’amendement tendant à avancer sur cette question et l’amendement du Gouvernement ne me satisfait qu’à moitié. Je ne peux évidemment pas le voter à moitié… (Sourires.) Je le voterai donc, mais je ne voterai pas le sous-amendement de la commission.
J’attends aussi du Gouvernement des gestes plus forts en faveur d’un meilleur accompagnement des enfants.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Il faut savoir que certains juges demandent systématiquement un avocat, d’autres non.
En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, je suis déçu par votre réponse : vous dites que le sous-amendement de la commission ne prévoit pas que le juge saisit le bâtonnier pour désigner un avocat « dans l’intérêt de l’enfant ». C’est un procès d’intention ! Si le président du conseil départemental fait cette demande, c’est naturellement dans l’intérêt de l’enfant ! Je trouve particulièrement indélicat que vous remettiez en cause cette évidence.
Il me semble au contraire que la rédaction est claire. Dans votre amendement, monsieur le secrétaire d’État, il est écrit que, « lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge des enfants demande au bâtonnier la désignation d’un avocat ». Le sous-amendement complète cet alinéa par une phrase prévoyant que le juge fait la même chose « à la demande du président du conseil départemental ». L’intérêt de l’enfant est donc toujours au cœur du dispositif, ce qui devrait vous rassurer, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Beaucoup de choses ont été dites. Laurence Cohen et moi-même partageons complètement l’argumentaire de Laurence Rossignol et de Xavier Iacovelli.
Nous sommes favorables à la systématisation de la présence de l’avocat, parce que nous pensons que l’assistance d’un avocat est beaucoup plus protectrice pour garantir les droits des enfants, en particulier les droits des enfants placés.
La présence d’un avocat spécialisé dans ce domaine facilitera le processus de médiation et l’accompagnement des enfants dans la compréhension de la loi et des décisions qui sont prises. Nous pensons qu’avec un avocat à ses côtés un enfant sera davantage en confiance pour parler.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je n’ai pas bien compris ce que vous vouliez faire, monsieur le secrétaire d’État. En tout état de cause, le juge Édouard Durand – il me semble que c’était lui – nous a bien précisé qu’il disait toujours aux enfants qu’il accueillait dans son cabinet qu’ils avaient droit à un avocat. Je ne vois donc pas bien ce que vous allez ajouter en la matière.
Je ne vais pas reprendre tous les arguments en faveur de la présence d’un avocat, si possible formé à l’écoute de l’enfant. Pour moi, il est le tuteur de la parole. Je serais d’ailleurs tentée de dire que c’est surtout quand l’enfant n’est pas capable de discernement qu’il a besoin d’un avocat.
Un autre avantage à la présence d’un avocat est le fait qu’il peut accompagner un enfant dans la durée, contrairement au juge des enfants, qui change de poste tous les deux ans. Ainsi accompagné, l’enfant peut mieux comprendre le processus et les conséquences des décisions qui sont prises. C’est une véritable plus-value si l’on veut que l’enfant adhère à ces décisions.
Enfin, je le répète, je suis également favorable à la systématisation de la présence de l’avocat, mais il me semblait qu’il était déjà inscrit dans le code que tout enfant avait droit à un avocat et que le juge des enfants avait l’obligation de le lui rappeler à chaque occasion.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour explication de vote.
M. Gilbert Favreau. Le sous-amendement présenté par le rapporteur correspond bien à la réalité. Tout à l’heure, notre collègue Iacovelli a confondu l’ASE et le président du conseil départemental ; ce n’est pas la même chose, l’ASE étant un service du département.
Ensuite, c’est non pas le président du conseil départemental qui choisit l’avocat chargé de défendre l’enfant, mais le bâtonnier de l’ordre.
Dans ces conditions, toutes les assurances sont réunies pour que le mineur soit correctement représenté.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je voudrais apporter quelques éléments de réponse.
Madame Poncet Monge, nous allons modifier l’article 1186 du code de procédure civile pour prévoir qu’à chaque audition ou audience le juge doit rappeler au mineur qu’il peut se faire accompagner par un avocat. Aujourd’hui, certains juges le font, d’autres non. Nous rendons cette information obligatoire.
Par ailleurs, c’est un administrateur ad hoc qui doit être désigné pour un enfant qui n’est pas capable de discernement plutôt qu’un avocat.
Plus largement, en ce qui concerne la notion de discernement – nous en avons parlé hier, mais je n’en retrouvais plus la définition –, la Défenseure des enfants a précisé en 2008 que « cette notion recouvre la capacité pour l’enfant de comprendre ce qui se passe, d’appréhender la situation qu’il vit, de pouvoir exprimer ses sentiments à ce propos ». La jurisprudence l’entend comme la capacité intellectuelle à comprendre le sens et les enjeux de la procédure. On ne peut donc pas figer les choses dans la loi, par exemple en définissant un âge où l’enfant est censé être capable de discernement. Cela dépend de chaque enfant et de chaque situation.
Madame Rossignol, il est vrai que j’ai beaucoup parlé lors des débats à l’Assemblée nationale de la conflictualité que pouvait induire la présence d’un avocat, mais je ne l’ai pas fait ici.
Mme Laurence Rossignol. Vous voyez, je vous lis !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’en prends acte ! Je vais faire attention à ce que je dis… (Sourires.)
Mon propos a pu paraître caricatural – je m’en excuse auprès des avocats – et cette conflictualité n’est évidemment pas systématique.
Pour autant, dans certaines situations, la présence d’un avocat peut introduire de la conflictualité et biaiser – je ne sais pas si ce terme est correct – la relation entre les parents et l’enfant. Je pense par exemple à un enfant qui est victime non pas de maltraitance ou de violence, mais de carence éducative : les relations entre les parents et l’enfant se passent bien, mais, pour de multiples raisons, il y a carence éducative et le juge doit prendre des mesures. La présence d’un avocat pour représenter l’enfant « contre » ses parents pourrait finalement se révéler contre-productive dans certains cas. C’est pourquoi la systématisation ne me semble pas pertinente.
M. le président. En conséquence, l’article 7 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 158, 159, 202 rectifié bis, 399 et 329 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Article 8
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article L. 223-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « En cas d’urgence, le service informe le juge compétent dans un délai de quarante-huit heures à compter de la décision de modification du lieu de placement. » ;
2° La seconde phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le service départemental de l’aide sociale à l’enfance justifie obligatoirement la décision de modification du lieu de placement. En cas de séparation d’une fratrie, le service départemental de l’aide sociale à l’enfance justifie obligatoirement sa décision et en informe le juge compétent dans un délai de quarante-huit heures au plus. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 414 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase, les mots : « en informe » sont remplacés par le mot : « consulte » ;
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Certains enfants pris en charge par l’ASE connaissent des parcours chaotiques, marqués par de fréquentes ruptures dans les modalités de prise en charge.
Si les changements peuvent être motivés par des raisons légitimes, il arrive malheureusement qu’ils le soient par des considérations extérieures à l’intérêt supérieur de l’enfant. Or ils peuvent perturber l’enfant et susciter des ruptures de prise en charge.
Aussi, nous nous félicitons que l’article 8 tende à renforcer l’information du juge en cas de changement du lieu de placement de l’enfant décidé par les services de l’aide sociale à l’enfance.
Pour autant, nous souhaiterions que le juge soit consulté, et non plus seulement informé.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié quinquies, présenté par Mme Billon, M. de Belenet, Mmes de La Provôté, Dindar, Jacquemet et Vérien et MM. Capo-Canellas, Delcros, S. Demilly, Détraigne, Duffourg, Hingray, Kern, Lafon, Le Nay, Levi, Louault et Longeot, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
1° À la première phrase, les mots : « il en informe » sont remplacés par les mots : « il consulte » ;
2° Après la même première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Le juge dispose de quinze jours pour rendre un avis sur la décision du service départemental. Passé ce délai, l’avis est réputé conforme. » ;
3° La seconde phrase est ainsi rédigée : « En cas d’urgence, le juge compétent est avisé de la modification du lieu de placement dans les meilleurs délais. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise à ce que le juge soit consulté, et non plus seulement informé, avant un changement de lieu de placement, sauf en cas d’urgence.
Les changements de lieu de placement peuvent avoir d’importantes conséquences sur l’enfant. Il paraît normal que le juge des enfants qui suit l’enfant soit informé, mais aussi qu’il puisse donner son avis sur ce changement de placement. Sans retour de la part du juge au bout de quinze jours après la notification par le conseil départemental, le changement de lieu de placement serait considéré comme approuvé.
M. le président. L’amendement n° 331 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli et Rambaud, Mme Schillinger, MM. Buis, Rohfritsch et Lévrier, Mmes Duranton et Havet, M. Théophile et Mme Dindar, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
1° À la première phrase, les mots : « il en informe » sont remplacés par les mots : « il consulte » ;
2° Après la même première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Le juge dispose de quinze jours pour donner son avis sur la décision du service départemental. Passé ce délai, la décision est réputée approuvée. » ;
3° La seconde phrase est ainsi rédigée : « En cas d’urgence, le juge compétent est avisé de la modification du lieu de placement dans les meilleurs délais. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Nous souhaitons que soit prévue la consultation du juge avant un changement de lieu de placement, sauf en cas d’urgence.
Selon l’article 8 du présent projet de loi, le juge est « informé » de ce changement. Or une telle décision peut avoir d’importantes conséquences sur l’enfant, même si elle est justifiée. Il apparaît donc pertinent que le juge des enfants ne soit pas seulement informé, mais « consulté », et qu’il puisse donner un avis sur le changement de lieu de placement.
Une telle décision est souvent prise pour protéger l’enfant. Un délai de quinze jours durant lequel le juge peut donner son avis est donc prévu afin de ne pas causer de préjudice à l’enfant. En l’absence de réponse, le changement de lieu de placement serait considéré comme approuvé.
Il s’agit, vous l’aurez compris, de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.
M. le président. L’amendement n° 316 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3, première phrase
Remplacer les mots :
de placement
par les mots :
d’accueil
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à s’assurer que la terminologie évolue en même temps que les pratiques : or le mot « placement », utilisé dans cet article 8, ne semble pas décrire avec justesse la réalité. Le texte que nous examinons a comme boussole l’intérêt supérieur de l’enfant et cet intérêt doit se retrouver dans les politiques publiques que nous menons.
Mes chers collègues, les mots ont leur importance et, en parlant de lieu « de placement », nous oublions tout le reste pour l’enfant. Au-delà d’un placement, c’est un nouveau lieu de vie pour le jeune, un lieu pour panser les plaies du passé, pour avancer et pour s’épanouir.
Il nous paraît important que la terminologie que nous choisissons reflète tout cela. C’est pourquoi nous préférons l’expression « lieu d’accueil ».
M. le président. L’amendement n° 398, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
de placement
par les mots :
d’accueil
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de présenter M. Iacovelli.
Dans le projet de loi, on parle à plusieurs reprises de « confier » un enfant plutôt que de le « placer », ce qui correspond à des orientations différentes. En tant qu’orthophoniste, et comme beaucoup d’entre vous, je suis sensible à la terminologie : il est extrêmement important de bien nommer les choses. Nous devons aller au bout de la logique et ne plus parler de lieux de placement, mais de lieux d’accueil. C’est bien de cela qu’il s’agit dans ce texte.
M. le président. L’amendement n° 425 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Après le mot :
décision
insérer les mots :
, en application du troisième alinéa de l’article 375-7 du code civil
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de précision. L’article 8 prévoit que les séparations de fratries peuvent être effectuées sur l’initiative de l’ASE, si celle-ci en justifie la nécessité devant le juge, mais la rédaction ne précise pas sur quel fondement cette justification devra se faire. Dans son avis, la Défenseure des droits estime qu’un renvoi à l’article 375-7 du code civil serait opportun.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Ces amendements en discussion commune portent sur des sujets différents.
En ce qui concerne l’information du juge en cas de changement du lieu de placement, je souhaite rappeler que les choses sont bien encadrées : lorsque l’ASE envisage de modifier le lieu de placement, la loi prévoit déjà que le service doit en informer le juge, qui est décisionnaire en la matière, au moins un mois avant la mise en œuvre de la décision. Une telle durée me semble suffisante pour que le juge puisse accepter ou non cette décision.
L’article 8 prévoit d’ajouter l’obligation pour l’ASE de justifier sa décision et l’information du juge en cas d’urgence dans les 48 heures à compter de la décision. Il peut en effet arriver qu’un problème très grave apparaisse dans une famille et qu’il faille déplacer l’enfant tout de suite : dans ce cas, le juge sera averti très vite après la décision, mais, dans les autres situations, il le sera un mois avant la décision de changement de lieu.
C’est pourquoi les amendements nos 414 rectifié, 63 rectifié quinquies et 331 rectifié bis, qui prévoient que le juge soit consulté plutôt qu’informé, me semblent satisfaits. Le code précise déjà que le juge est saisi et qu’il peut d’office et à tout moment modifier les décisions qu’il a prises. Son information me semble suffisante et correctement encadrée.
Par conséquent, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.
En ce qui concerne les amendements nos 316 rectifié et 398, je suis d’accord : il serait beaucoup plus pertinent de parler de lieux d’accueil que de lieux de placement.
Néanmoins, il s’agit d’une expression qui est utilisée à de nombreux endroits du texte, ainsi que du code, et il ne me semble pas judicieux, pour des raisons de sécurité juridique et de lisibilité du droit, de la modifier uniquement à un ou deux alinéas de l’article 8 de ce projet de loi. Si nous la décidions, il faudrait opérer cette modification partout où elle est nécessaire, ce qui est un exercice compliqué à mettre en œuvre.
La commission est donc défavorable à ces amendements.
Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 425 rectifié, insérer une référence à l’article 375-7 du code civil ne me paraît pas nécessaire.
Cet article prévoit, certes, que le lieu de placement doit être changé, en prenant en compte le maintien des liens entre frères et sœurs, mais il ne fait pas référence à l’obligation pour l’ASE de justifier sa décision de séparation, comme le prévoit l’article 8. Raccrocher cette disposition de l’article 8 à celle du code civil n’apparaît donc pas opportun.
Par conséquent, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 425 rectifié de M. Requier, 316 rectifié de M. Iacovelli et 398 de Mme Cohen.
En revanche, il est défavorable aux amendements nos 414 rectifié, 63 rectifié quinquies et 331 rectifié bis.
Comme l’a indiqué le rapporteur, l’article 8 renforce déjà les conditions qui entourent la décision de changement de lieu de placement de l’enfant ; il tend notamment à supprimer les exceptions à l’information du juge et à rendre obligatoire la motivation de sa décision par l’ASE.
Les amendements nos 63 rectifié quinquies et 331 rectifié bis tendent en outre à prévoir que le juge dispose de 15 jours pour rendre son avis. Que se passe-t-il durant ce délai ? Comment est pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant ? Cette mesure pourrait se révéler contraire à l’objectif.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Monsieur Iacovelli, les amendements nos 331 rectifié bis et 316 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Xavier Iacovelli. Concernant le premier, j’ai été convaincu par l’argumentaire de M. le secrétaire d’État – ce n’est pas toujours le cas, je le dis donc avec plaisir ! J’estime moi aussi que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être préservé et je conviens avec lui qu’un délai de quinze jours n’est pas vraiment raisonnable. Je retire donc l’amendement n° 331 rectifié bis.
En revanche, je maintiens l’amendement n° 316 rectifié : même si je comprends l’argumentaire de M. le rapporteur, je considère qu’il est sans doute nécessaire de nettoyer l’ensemble de nos textes. Mme Meunier a certes rappelé que cela avait commencé, mais ce texte-ci en fournit une bonne occasion.
M. le président. L’amendement n° 331 rectifié bis est retiré.
Madame Billon, l’amendement n° 63 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié quinquies est retiré.
Monsieur Requier, les amendements nos 414 rectifié et 425 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Claude Requier. Je retire l’amendement n° 414 rectifié, mais je maintiens l’amendement n° 425 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 414 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 316 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
TITRE IV
AMÉLIORER L’EXERCICE DU MÉTIER D’ASSISTANT FAMILIAL
Article 9
I. – Le titre II du livre IV du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° A Après l’article L. 421-17-1, il est inséré un article L. 421-17-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-17-2. – L’employeur assure l’accompagnement et le soutien professionnels des assistants familiaux qu’il emploie. À cette fin, l’assistant familial est intégré dans une équipe de professionnels qualifiés dans les domaines social, éducatif, psychologique et médical. Il participe à l’élaboration et au suivi du projet pour l’enfant mentionné à l’article L. 223-1-1. » ;
1° L’article L. 422-4 est abrogé ;
1° bis À la fin de l’article L. 422-5, les mots : « l’accompagnement professionnel des assistants familiaux qu’il emploie et l’évaluation des situations d’accueil » sont remplacés par les mots : « l’évaluation de la qualité de l’accueil des enfants pris en charge par les assistants familiaux qu’il emploie » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 423-8 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase, les mots : « ou l’assistant familial » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Durant la même période, l’assistant familial suspendu de ses fonctions bénéficie du maintien de sa rémunération, hors indemnités d’entretien et de fournitures. » ;
3° Les articles L. 423-30 et L. 423-31 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 423-30. – Sous réserve de dispositions contractuelles et conventionnelles plus favorables et sans préjudice des indemnités et fournitures qui leur sont remises pour l’entretien des enfants, les assistants familiaux relevant de la présente sous-section bénéficient d’une rémunération garantie correspondant à la durée mentionnée dans le contrat d’accueil, dans les conditions prévues au présent article.
« Les éléments de cette rémunération et son montant minimal sont déterminés par décret en référence au salaire minimum de croissance.
« Ce montant minimal varie selon que l’accueil est continu ou intermittent, au sens de l’article L. 421-16, et en fonction du nombre d’enfants accueillis confiés par un ou plusieurs employeurs.
« Il ne peut être inférieur au salaire minimum de croissance mensuel calculé au prorata de la durée de prise en charge du ou des enfants.
« La rémunération cesse d’être versée lorsque l’enfant accueilli quitte définitivement le domicile de l’assistant familial.
« L’employeur verse à l’assistant familial une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à 80 % de la rémunération prévue par le contrat, hors indemnités et fournitures, pour les accueils non réalisés, lorsque le nombre d’enfants qui lui sont confiés est inférieur aux prévisions du contrat du fait de l’employeur. Le présent alinéa n’est pas applicable aux accueils prévus à l’article L. 423-30-1.
« Art. L. 423-31. – Le contrat de travail passé entre l’assistant familial et son employeur précise le nombre de mineurs ou de jeunes majeurs âgés de moins de vingt et un ans susceptibles d’être confiés à l’assistant familial, dans les limites prévues par l’agrément de ce dernier.
« Il peut inclure une clause d’exclusivité ou prévoir des restrictions aux possibilités de cumul d’employeurs, si l’employeur est en mesure :
« 1° Soit de lui confier autant d’enfants que le nombre fixé par l’agrément détenu par l’assistant familial ;
« 2° Soit de compenser ces restrictions par un salaire égal à celui dont l’assistant familial aurait bénéficié s’il avait effectivement accueilli autant d’enfants que son agrément le permet.
« Le présent article n’est pas applicable aux accueils prévus à l’article L. 423-30-1.
« Il peut être dérogé aux clauses ou stipulations mentionnées au deuxième alinéa du présent article, avec l’accord de l’employeur, en cas de situation exceptionnelle et imprévisible. » ;
4° Après l’article L. 423-30, il est inséré un article L. 423-30-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 423-30-1. – Afin de pouvoir assurer sans délai des accueils urgents et de courte durée, les employeurs peuvent spécialiser dans cette forme d’accueil certains des assistants familiaux qu’ils emploient.
« Ces personnes s’engagent à recevoir immédiatement les enfants présentés par l’employeur, dans la limite d’un nombre maximal convenu avec lui.
« En contrepartie, elles perçoivent, durant les périodes où aucun enfant ne leur est confié, une indemnité de disponibilité, dont le montant minimal, supérieur à celui de l’indemnité prévue au dernier alinéa de l’article L. 423-30, est fixé par décret en référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance. » ;
5° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 423-34, les mots : « d’une » sont remplacés par les mots : « de toute ».
II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du septième mois suivant la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux dire quelques mots de cet article 9. Au sein du titre IV de ce texte, « Améliorer l’exercice du métier d’assistant familial », cet article vise à harmoniser et revaloriser les rémunérations des assistants familiaux. Il est vrai que ce métier n’est pas toujours suffisamment connu.
Le code de l’action sociale et des familles dispose : « L’assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de 21 ans à son domicile. » Le rapport de notre collègue Bernard Bonne sur ce projet de loi contient des statistiques particulièrement intéressantes : sur 40 000 assistants familiaux en activité, 36 700, soit plus de 90 %, sont directement employés par les départements.
Il convient de garantir aux assistants familiaux une rémunération mensuelle égale au SMIC, d’instaurer une nouvelle indemnité en cas d’accueil non réalisé et de maintenir une rémunération en cas de suspension de l’accueil.
On note aussi, malheureusement, un déficit d’attractivité de cette profession, qui souffre également d’un manque de reconnaissance, alors qu’elle nécessite beaucoup de qualités humaines.
Il convient donc d’associer les assistants familiaux à l’élaboration du projet pour l’enfant et à son suivi, comme notre rapporteur le propose.
Il faut un effort de communication dans ce domaine, qui comporte un aspect humain, mais aussi, malheureusement, un volet financier, puisque les mesures prévues occasionneront des dépenses supplémentaires pour les départements. Une solidarité financière doit donc, bien entendu, être assurée par l’État.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Marc Laménie. Je conclus mon propos en confirmant que je soutiendrai cet article.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention ira dans le même sens que celle de M. Laménie.
On manque d’assistants familiaux ; il faut donc sécuriser ce métier, par le biais de la garantie de rémunération prévue à cet article, ainsi que par des augmentations pour les assistants qui accueillent chez eux deux ou trois enfants.
Cet article prévoit aussi un renforcement de l’intégration des assistants familiaux dans une équipe pluridisciplinaire, ainsi que la possibilité de spécialiser certains accueillants qui seraient tenus d’accueillir des jeunes de façon urgente et pour une courte durée. Tout cela va dans le bon sens.
Notre commission des affaires sociales a en outre fait inscrire dans le texte que les assistants familiaux participeront à l’élaboration du projet pour l’enfant et à son suivi. Intégrer leur avis sera un avantage important.
Mais je voulais surtout faire remarquer que, si l’augmentation de la rémunération des assistants familiaux et leur sécurité salariale sont des mesures nécessaires et complètement méritées, en revanche, certains départements qui ne reçoivent pas d’aides en la matière pourront rencontrer des difficultés. À mon sens, l’État devra prendre cela en compte.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mmes Puissat et Lavarde, MM. Sol, Panunzi, Cadec, Burgoa et Pellevat, Mme Belrhiti, M. Anglars, Mme Estrosi Sassone, MM. Somon et Chaize, Mme Goy-Chavent, M. Bacci, Mme Noël, MM. Bonnus, Cardoux, Bouchet, Piednoir et Sido, Mmes Dumont, M. Mercier et Demas, MM. Perrin, Rietmann et J.P. Vogel, Mme Richer, MM. Bonhomme, Savin, Saury, Brisson et Lefèvre, Mmes Imbert, Joseph et Berthet, M. Charon, Mmes Muller-Bronn et Bourrat, MM. C. Vial et Savary, Mme F. Gerbaud, M. Milon, Mmes Gruny et Borchio Fontimp, MM. Belin et Bouloux, Mme Di Folco et MM. Husson, Tabarot, Genet, Sautarel, Rojouan et Gremillet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
Le premier alinéa de l’article
par les mots :
L’article
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
À la seconde phrase
par les mots :
Aux première et seconde phrases du premier alinéa
III. – Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de suspension de l’agrément, l’assistant familial relevant de la présente section est suspendu de ses fonctions par l’employeur pendant une période qui ne peut excéder quatre mois, renouvelable une fois. Durant cette période, l’assistant familial suspendu de ses fonctions bénéficie du maintien de sa rémunération, hors indemnités d’entretien et de fournitures. Le maintien de la rémunération ne peut faire l’objet d’aucune compensation. » ;
La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat. Cet amendement est simple, mais il est important – je ne sous-entends nullement par là que les autres ne le sont pas ! Il vise à permettre de renouveler une fois la suspension de quatre mois des contrats des assistants familiaux, lorsque le président du conseil départemental le jugera nécessaire. Cela est important pour deux raisons.
D’une part, il s’agit d’une demande constante du Sénat. Je voudrais simplement rappeler, sans vouloir acheter par là le suffrage de mes collègues (Sourires.), que cette mesure reprend la proposition n° 18 du rapport remis par Mmes Mercier, Meunier et Vérien au nom de la mission d’information sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs, présidée par Mme Catherine Deroche.
D’autre part, cette mesure est vraiment attendue par tous les présidents de conseil départemental et, au-delà, par tous les membres des commissions consultatives paritaires départementales (CCPD). Lorsque ces commissions se trouvent face à des assistants familiaux qui sont attaqués en justice par des enfants ou par leurs familles – cela arrive très souvent ; on sait que c’est maintenant une procédure courante –, ces quatre mois ne sont pas suffisants, au vu de la longueur des procédures judiciaires, pour clairement expliquer à ces assistants familiaux pourquoi leur agrément sera suspendu ou supprimé, ce qui entraînera leur licenciement.
Cet amendement vise justement à allonger un peu le délai pour éclairer cette décision.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, vous me répondrez sans doute qu’il est un peu compliqué de déroger ainsi au droit commun du travail et de la fonction publique, mais je veux simplement rappeler que, en même temps, les assistants familiaux sont quand même des professionnels très particuliers. Ces attaques en justice intentées par les enfants sont maintenant monnaie courante ; on a donc véritablement besoin de ce délai supplémentaire.
Je peux vous dire très franchement que les membres des CCPD ont face à eux des agents qui éprouvent une réelle détresse quand on leur dit qu’ils n’exerceront plus leur activité, après leur avoir retiré l’enfant qu’ils accueillent sans même pouvoir leur expliquer ce qu’il en est : les membres de ces commissions subissent eux aussi les règles d’une procédure judiciaire sur laquelle ils ne peuvent pas intervenir.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de nous accorder la plus grande écoute possible sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Les arguments développés par notre collègue Frédérique Puissat sont bien entendu extrêmement convaincants. Cet amendement tend à permettre au département de renouveler une fois le délai de suspension de l’agrément de l’assistant familial. Cette disposition est bienvenue, parce que cela permettrait au département, ou à la justice, d’achever les investigations et de rendre des conclusions sur les faits qui sont reprochés à l’assistant familial.
La commission est donc favorable à cette possibilité de prolongation, sachant qu’elle serait aussi dans l’intérêt de l’assistant familial. En effet, dans l’état actuel du droit, au bout de quatre mois, il faut prendre une décision, même si l’investigation n’est pas achevée. Cette prolongation laisserait un peu de temps supplémentaire avant un retrait définitif de l’agrément.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Si vous me permettez un petit propos liminaire, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux dire combien je suis ravi que nous abordions à présent les articles portant sur les assistants familiaux.
Ces dispositions représentent l’aboutissement d’un long processus qui a commencé dès avril 2019, avec les premières concertations sur la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance.
Un groupe de travail, qu’a notamment présidé M. Patrick Weiten, président du conseil départemental de la Moselle, portait spécifiquement sur les assistants familiaux. En effet, comme M. Favreau pourra nous le confirmer, tous les départements sont aujourd’hui confrontés à la problématique de la pyramide des âges défavorable des assistants familiaux ; s’y ajoutent un problème d’attractivité de ce métier méconnu, dont le statut, qui a été élaboré voilà bien des années, mérite d’être modernisé et complété, ainsi que des difficultés liées à la rémunération.
Ce groupe de travail a donné lieu à des négociations collectives – je n’emploie pas cette expression au sens du droit du travail – avec les assistants familiaux. Nous avons organisé une dizaine de réunions, non pas en tant qu’employeurs, ce que nous ne sommes pas, mais comme facilitateurs des discussions entre, d’une part, l’Assemblée des départements de France (ADF) et les employeurs privés, à commencer par Nexem, et, d’autre part, les syndicats d’assistantes familiales et les associations – je veux à cette occasion saluer Marie-Noëlle Petitgas, de l’Association nationale des assistants maternels, assistants et accueillants familiaux (Anamaaf), Annick Moine, de la Fédération nationale des assistants familiaux (FNAF), et Martine Orlak, de l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (Ufnafaam), avec qui nous avons bien travaillé, même si je concède volontiers qu’elles n’ont pas toujours été faciles avec moi !
Nous avons mis tous les sujets sur la table : ceux que l’on retrouve dans les trois articles de ce titre IV, mais aussi des sujets qui relèvent du domaine réglementaire et non de la loi, mais n’en sont pas moins importants. Je me permettrai de les citer rapidement pour que vous ayez une vision complète.
Sachez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’en plus de toutes les dispositions que vous allez adopter – du moins je l’espère – au sein de ces trois articles, nous allons revoir l’ingénierie des diplômes, en faisant monter le diplôme d’État d’assistant familial (DEAF) du niveau 5 au niveau 4 dans le répertoire national des certifications professionnelles et en instaurant une obligation de passer les épreuves de certification associées à ce diplôme. L’accès à la profession d’assistant familial doit notamment reposer sur l’engagement des candidats dans le cursus de formation préalable à l’obtention du DEAF, de manière à permettre une montée en gamme des compétences et de la professionnalisation. Un travail a été engagé sur ce point au début de décembre, dans la perspective de voir, dès la rentrée 2022, la première promotion sous ce nouveau régime.
Par ailleurs, nous allons revaloriser par la voie réglementaire l’allocation complémentaire prévue pour l’accueil d’un enfant en situation de handicap. Nous avons également engagé des discussions afin d’étendre aux assistants familiaux la protection sociale complémentaire et la prévoyance, auxquelles ils n’ont pas accès aujourd’hui.
Figure en revanche dans ce texte tout ce qui a été évoqué dans les interventions des sénateurs Laménie et Chasseing, notamment la participation des assistants familiaux à l’élaboration du projet pour l’enfant et à son suivi.
Y figure aussi la garantie du maintien de la rémunération lors d’une suspension en cas de suspicion ou d’accusations de maltraitance, suspension sur laquelle porte cet amendement.
Vous avez affirmé, madame Puissat, que les accusations portées par des enfants contre les assistants familiaux sont monnaie courante. À ce propos, permettez-moi de vous répondre que, même si de telles accusations se produisent, je ne partage pas la vision que vous portez sur elles.
En la matière, la difficulté à laquelle les départements sont le plus souvent confrontés est la décorrélation entre le temps administratif et le temps judiciaire.
Mme Frédérique Puissat. Bien sûr !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Effectivement, à l’expiration de ces quatre mois, le président du conseil départemental doit prendre in fine la décision de retirer à l’assistant familial son agrément ou de lui conserver, auquel cas l’enfant est renvoyé chez cette personne. L’enquête judiciaire, souvent menée en parallèle, prend quant à elle beaucoup plus de temps.
C’est pourquoi j’ai une petite hésitation quant à votre amendement, hésitation qui justifiait l’avis défavorable que je comptais à l’origine émettre, avant de prendre connaissance de l’avis de votre rapporteur : une procédure judiciaire requiert généralement un peu plus de temps que huit mois ; on peut s’en désoler, mais c’est une réalité. Je ne suis donc pas sûr que doubler ce délai permettrait vraiment d’améliorer les choses.
Surtout, quand vous êtes confronté à une accusation de maltraitance – je me tourne vers les anciens présidents et vice-présidents de conseil départemental parmi vous –, vous n’avez généralement pas besoin de plus de quatre mois pour en prendre connaissance. Cela se sent, cela se sait assez rapidement.
Mme Frédérique Puissat. Pas forcément !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je ne suis donc pas certain que porter ce délai à huit mois permettrait de disposer de plus d’éléments pour décider dans un sens ou dans l’autre.
M. Bernard Bonne, rapporteur. C’est un peu de souplesse !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Voilà ce qui justifiait un avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement, mais je veux bien aujourd’hui m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, au vu de l’avis de votre rapporteur et des discussions que nous avons. Je voulais en tout cas vous faire partager mon analyse de ce sujet.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 69 rectifié est présenté par MM. Mouiller, Favreau, Henno et Hugonet, Mmes Schalck, Guidez, V. Boyer et Noël, MM. Sautarel, Cambon, Segouin, Panunzi, Cadec, Meignen, Pellevat, Bouchet, Perrin et Rietmann, Mme Joseph, M. Karoutchi, Mme Chauvin, MM. Lefèvre et Savary, Mmes Canayer et Lassarade, M. Calvet, Mme L. Darcos, M. Sido, Mmes Jacques et Puissat, MM. Burgoa et Genet, Mme Richer, MM. Somon et Rapin, Mmes Di Folco et Gruny, MM. Brisson, Cardoux et Sol, Mmes Sollogoub, de La Provôté, Belrhiti et Lopez, MM. Cuypers, B. Fournier et Détraigne, Mme Bourrat, MM. Rojouan, Joyandet, Savin, Houpert, Belin et Longeot, Mmes Gosselin et Borchio Fontimp, M. Babary, Mme F. Gerbaud, M. Gremillet, Mmes Raimond-Pavero, Billon, Imbert et Doineau et M. Charon.
L’amendement n° 266 est présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 431 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
calculé au prorata de la durée de prise en charge du ou des enfants
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié.
M. Gilbert Favreau. Avant de dire un mot de cet amendement, permettez-moi, monsieur le président, de rebondir sur les propos de M. le secrétaire d’État.
Effectivement, tout le monde en convient, le statut d’assistant familial mérite un toilettage sérieux. Je pense qu’en adoptant l’amendement précédent nous avons offert un certain confort aux assistants familiaux dans des situations difficiles ; c’est une bonne chose. J’indique à ce propos à M. le secrétaire d’État qu’il y a un sujet qui paraît essentiel aux assistants familiaux : le repos, à savoir les mesures leur permettant de se faire remplacer quand ils prennent des congés. C’est souvent un sujet qui donne lieu à discussion.
M. le président. Gardez du temps pour présenter votre amendement !
M. Gilbert Favreau. Après cette digression, j’en reviens à mon amendement. Il vise tout simplement à éviter une confusion dans le calcul de la rémunération garantie aux assistants familiaux, en supprimant les mots « calculé au prorata de la durée de prise en charge du ou des enfants ». Il suffit à mon sens de supprimer ce membre de phrase pour éviter la confusion induite par cette rédaction, puisque la rémunération se fera naturellement en fonction du contrat conclu avec l’assistant familial.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 266.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise également à garantir qu’un salaire mensuel correspondant au minimum au SMIC soit versé aux assistants familiaux dès le premier enfant accueilli. Le calcul au prorata de la durée de prise en charge du ou des enfants envisagé à cet alinéa n’est pas défini par la loi et apparaît ambigu.
En fixant la rémunération au prorata de la durée de prise en charge de l’enfant, on risquerait de précariser l’assistant familial. En effet, dans l’intérêt même de l’enfant, chaque accueil est différent : un assistant familial qui n’accueille qu’un seul enfant, surtout si celui-ci est susceptible de rentrer chez ses parents les week-ends ou pendant les vacances scolaires, sera fortement pénalisé par cette disposition et son salaire risque de tomber bien en deçà du SMIC.
Continuer de précariser ces professionnels n’est pas acceptable ; il est nécessaire de garantir à tous les assistants familiaux le salaire minimum de croissance mensuel. C’est pourquoi il convient de supprimer la mention « calculé au prorata de la durée de prise en charge du ou des enfants », comme nous le proposons dans cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 431.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il est d’autant plus favorable que le Gouvernement, en déposant un amendement identique aux deux premiers, nous permet d’éviter les problèmes que poserait sinon l’article 40 de la Constitution. Il faut sécuriser ce métier extrêmement nécessaire et lui rendre un tant soit peu d’attractivité. D’autres possibilités pour ce faire seront abordées plus avant dans la discussion.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 69 rectifié, 266 et 431.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 319 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 421-15 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Les mots : « Dans les deux mois » sont remplacés par les mots : « Dans les six mois » ;
2° Les mots : « d’un stage » sont remplacés par les mots : « d’une formation » ;
3° Les mots : « d’une durée définie » sont remplacés par les mots : « dont la durée, le contenu et les conditions de validation sont définis ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Nous le savons, la mission des assistants familiaux est centrale dans la prise en charge des enfants et des jeunes sous protection. Les assistants familiaux mènent leur mission avec dévouement, parfois dans des conditions difficiles, avec des salaires plus que modestes, comme on vient de l’évoquer.
La formation des assistants familiaux est nécessaire, puisque les parcours de vie des enfants et des jeunes protégés dont ils ont la charge sont complexes et parfois chaotiques. Actuellement, dans le droit, il est prévu une formation pour les assistants maternels et un simple stage préparatoire pour les assistants familiaux.
Le présent amendement vise donc à renforcer la formation des assistants familiaux en amont de l’accueil des publics ciblés, en laissant le soin au Gouvernement de fixer par décret le contenu et les modalités de validation de cette formation. Les enfants et les jeunes placés constituent un public fragile qui nécessite un accompagnement et une prise en charge efficaces.
Tel est l’objet de cet amendement d’appel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. L’objet de cet amendement, qui est de préciser la formation mise en place avant la prise en charge d’un enfant, est extrêmement louable, mais il est déjà satisfait : il existe déjà une formation préparant au diplôme d’État d’assistant familial, qui s’effectue après le stage préparatoire, et dont le contenu, la durée et les conditions de validation sont prévus par décret. C’est donc le ministre qui décide de ce que l’on met dans le stage de formation. En outre, supprimer le stage préparatoire n’apparaît pas très opportun.
Ces considérations justifient l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ce sera une demande de retrait, parce qu’il est effectivement satisfait.
Je le répète : d’une part, c’est de nature réglementaire ; de l’autre, on va passer le DEAF de niveau 5 à niveau 4, ce qui implique un renforcement de la formation. La première réunion avec les syndicats, les associations et les employeurs à ce sujet a eu lieu la semaine dernière, avec pour objectif que 2022 soit la première promotion sous ce nouveau régime.
M. le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 319 rectifié est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 319 rectifié est retiré.
L’amendement n° 269, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 421-16 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 421-16. – Il est conclu entre l’assistant familial et son employeur, pour chaque mineur accueilli, un contrat d’accueil annexé au contrat de travail.
« Ce contrat précise notamment le rôle de la famille d’accueil et celui du service ou organisme employeur à l’égard du mineur et de sa famille. Il fixe les conditions de l’arrivée de l’enfant dans la famille d’accueil et de son départ, ainsi que du soutien éducatif dont il bénéficiera. Il précise les modalités d’information de l’assistant familial sur la situation de l’enfant, notamment sur le plan de sa santé et de son état psychologique et sur les conséquences de sa situation sur la prise en charge au quotidien ; il indique les modalités selon lesquelles l’assistant familial participe à la mise en œuvre et au suivi du projet individualisé pour l’enfant. Il reproduit les dispositions du projet pour l’enfant mentionnées à l’article L. 223-1-2 relatives à l’exercice des actes usuels de l’autorité parentale et à l’information des titulaires de l’autorité parentale sur cet exercice. Il fixe en outre les modalités de remplacement temporaire de l’assistant familial, le cas échéant par un membre de la famille d’accueil.
« Ce contrat comprend l’organisation des congés, relais, week-end, repos, répit et toute disposition relative nécessaire à l’accompagnement et au projet personnalisé de l’enfant confié.
« Le contrat précise également si l’accueil permanent du mineur est continu ou intermittent. L’accueil est continu s’il est prévu pour une durée supérieure à trente jours calendaires consécutifs, y compris les jours d’accueil en internat scolaire ou dans un établissement ou service mentionné au 2° du I de l’article L. 312-1 ou à caractère médical, psychologique et social ou de formation professionnelle, lorsque l’enfant n’est pas confié les samedis et dimanches ; l’accueil qui n’est pas continu, est intermittent.
« Le contrat d’accueil est porté à la connaissance des autres membres de la famille d’accueil.
« Sauf situation d’urgence mettant en cause la sécurité de l’enfant, l’assistant familial est consulté préalablement sur toute décision prise par la personne morale qui l’emploie concernant le mineur qu’elle accueille à titre continu ou intermittent ; elle participe à l’évaluation de la situation de ce mineur. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à réécrire l’article L. 421-16 du code de l’action sociale et des familles, de manière à lutter contre l’épuisement professionnel des assistants familiaux, à préserver l’ensemble de la famille d’accueil et, par conséquent, à limiter les risques de maltraitance psychologique ou physique des enfants confiés.
Il s’agirait d’offrir un temps de repos élémentaire et nécessaire à la famille d’accueil, afin qu’elle puisse notamment retrouver l’intimité du foyer – celui-ci, lors de l’exercice de cette profession, est qualifié de lieu public –, se ressourcer et prendre du recul par rapport aux situations très difficiles auxquelles tous les membres de la famille font parfois face. On pourra également ainsi éviter des ruptures dans le parcours chaotique de certains enfants confiés. Ces temps de répit, ou de repos, sont essentiels pour les familles d’assistants familiaux, or nombreuses sont celles qui ne peuvent pas en bénéficier, particulièrement pendant la crise sanitaire.
Cet amendement tend également à supprimer des dispositions relatives au remplacement temporaire la précision « à domicile ».
En effet, l’enfant doit pouvoir être confié temporairement, avec l’accord du service, avec ou sans contrat de parrainage, à un membre de la famille d’accueil ou à une autre personne proche résidant dans un autre logement, voire à un tiers digne de confiance.
De même, il est essentiel pour l’accompagnement de l’enfant de préparer celui-ci, dès que possible, à sa séparation d’avec l’assistant familial. Ainsi, on préviendra de possibles troubles de l’attachement et on le préparera à sa future autonomie.
Il est donc nécessaire de prévoir et d’étudier en amont les modalités de remplacement de l’assistant familial. Celles-ci doivent donc impérativement figurer dans le contrat d’accueil et le projet pour l’enfant, de manière à prévenir l’épuisement, le burn-out et les démissions dans une profession qui peine à recruter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Sur le principe, je suis tout à fait d’accord avec Mme Meunier quant à l’intérêt de prévoir du repos ou du répit pour les assistants familiaux, dont la situation est souvent délicate.
Cet amendement vise à préciser ce que le contrat d’accueil annexé au contrat conclu avec l’assistant familial prévoit en matière, notamment, d’organisation des congés ou de week-ends de repos et de répit de celui-ci. En outre, en cas d’absence de l’assistant familial, ce dernier pourrait être remplacé temporairement par un membre de la famille d’accueil, en dehors du domicile.
Supprimer cette condition du maintien de l’enfant au domicile de l’assistant familial ne nous apparaît pourtant pas pertinent en l’absence de garantie quant aux conditions d’accueil dans le logement de remplacement.
L’intention principale des auteurs de cet amendement semble toutefois d’inciter à prévoir des temps de repos pour les assistants familiaux. Cette intention me semble satisfaite par les amendements identiques nos 70 rectifié et 430, qui seront examinés juste après celui-ci, et dont le dispositif est juridiquement plus sûr pour la mise en place d’un week-end de répit par mois.
La commission demande donc le retrait de cet amendement au profit de ceux que je viens d’évoquer ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement aura à peu près les mêmes arguments que M. le rapporteur, pour justifier le même avis.
M. Favreau évoquait déjà tout à l’heure la nécessité de ces temps de repos. Il y a une tension, dont nous avons tous ici conscience, et qui n’est pas simple à résoudre, entre, d’une part, l’intérêt supérieur de l’enfant, qui peut nécessiter une certaine stabilité, un accompagnement par une seule et même personne, et, d’autre part, les besoins de répit de l’assistant familial et les difficultés qu’il peut rencontrer, comme tout salarié, d’ailleurs. On essaie de trouver une conciliation équilibrée entre ces deux impératifs.
Je vous propose donc, madame la sénatrice, de retirer votre amendement, dont nous partageons pleinement les objectifs, au profit des amendements identiques nos 70 rectifié et 430 ; le Gouvernement a déposé le second, mais l’initiative de ces mesures revient vraiment à Mme Doineau, auteure du premier.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je voudrais exprimer mon soutien à l’amendement n° 269, que je juge très important. À cet égard, je veux évoquer le travail extrêmement riche et fouillé accompli par notre collègue député Pierre Dharréville, qui a mené plusieurs missions sur cette question ; je pense qu’il convient de s’inspirer de son travail.
Notre collègue Iacovelli a évoqué tout à l’heure, à l’occasion de sa défense de l’amendement n° 319 rectifié, qu’il a retiré, la question importante de la formation des assistants familiaux. M. le secrétaire d’État a apporté un certain nombre d’éléments de réponse, mais il faudrait qu’ils soient accompagnés d’une reconnaissance des qualifications. Les assistants familiaux émettent à ce propos des demandes extrêmement fortes, notamment leur intégration à la catégorie B de la fonction publique, ou encore le passage au niveau de la licence de leur diplôme d’État. Il est important de prendre en compte ces revendications si l’on veut que ces carrières soient beaucoup plus attirantes pour de futurs professionnels.
M. le président. Madame Meunier, l’amendement n° 269 est-il maintenu ?
Mme Michelle Meunier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 70 rectifié est présenté par Mmes Doineau et Vermeillet, MM. Bonnecarrère et Moga, Mmes Saint-Pé, Dindar, Puissat et Vérien, M. P. Martin, Mme F. Gerbaud, M. Détraigne, Mmes Devésa et Guillotin, MM. J.M. Arnaud, Chauvet et Longeot, Mme Jacquemet, M. Chasseing, Mmes Létard et de La Provôté et MM. Duffourg, S. Demilly et Delcros.
L’amendement n° 430 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 423-29 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 423-29-… ainsi rédigé :
« Art. L. 423-29-…. – Le contrat de travail passé entre l’assistant familial et son employeur peut prévoir que l’assistant familial bénéficie d’au moins un week-end de repos mensuel qui ne s’impute pas sur la durée de congé payé qui lui est accordée.
« Les cinq premiers alinéas de l’article L. 423-33 sont applicables à tout week-end de repos mentionné au premier alinéa du présent article. »
La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié.
Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement vise à consolider juridiquement les week-ends dits « de répit » qu’offrent déjà aux assistants familiaux certains départements.
Mis en place pour répondre à une forte attente de ces professionnels de la protection de l’enfance qui se voient confiés des enfants ou des jeunes au profil complexe, ce dispositif permet d’éviter l’essoufflement de ces assistants familiaux qui sont extrêmement sollicités et mobilisés.
Dans cette logique, cet amendement a deux objectifs.
Le premier, c’est la défense de l’intérêt de l’enfant. Dans toute famille, celui-ci est amené à passer du temps chez ses grands-parents ou chez des amis ; l’enfant confié aurait ainsi des temps préparés qui rompent avec son quotidien et lui permettent d’aller vers d’autres réseaux – on a parlé hier des parrains, mais il peut aussi être question de familles relais ou de structures adaptées –, pour qui il compte et qui participent à son développement et à son épanouissement. Ces séquences, loin d’être une rupture, s’apparentent bien à un accueil complémentaire adapté qui fait partie du projet pour l’enfant ; elles tiennent compte du parcours socioéducatif et pédagogique de l’enfant, voire de son parcours de soins.
Le second est lié au métier d’assistant familial. Ces professionnels sont souvent très sollicités par les services de l’aide sociale à l’enfance afin d’assurer l’accueil d’enfants au profil complexe, parfois faute de structures adaptées, mais aussi parce que ces enfants aussi ont besoin de cet esprit familial autour d’eux. Afin d’éviter l’essoufflement et le découragement de ces professionnels, un week-end de répit offert de temps en temps présente des avantages incontestables. C’est un temps bénéfique pour eux et pour leurs familles, qui permet d’éviter une perte de sens et, dans le pire des cas, une exaspération face à l’enfant confié.
Cette proposition a donc un intérêt partagé. Surtout, elle permet une continuité et une stabilité de l’accueil de l’enfant, parce que le professionnel reste disponible et serein.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 430.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Nous sommes évidemment favorables à ces amendements, que nous avions évoqués précédemment. Un moment de répit pour les assistants familiaux est essentiel ; la possibilité de le mettre en place à l’échelle départementale est tout à fait bienvenue.
Nous approuvons donc totalement ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 rectifié et 430.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
L’amendement n° 270, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 421-2 du code de l’action sociale et des familles, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il s’insère dans l’accompagnement de l’enfant mineur et du jeune majeur en s’appuyant sur ses antécédents, et participe à l’éclairage du corps médico-social ainsi que de l’autorité judiciaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant et du jeune majeur. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à insérer une phrase à l’article L. 421-2 du code de l’action sociale et des familles afin d’inscrire dans la loi la participation des assistants familiaux à l’information des équipes d’accompagnement médico-social et de l’autorité judiciaire.
Les assistants familiaux sont au cœur de la vie de l’enfant qui leur est confié. Pourtant, ils n’ont souvent aucun lien avec la procédure judiciaire qui le concerne : ni en amont ni en aval.
Avoir connaissance des informations figurant dans le dossier, par exemple concernant le type de violences subies par l’enfant, est fondamental. Les nombreux témoignages que nous avons recueillis nous font penser qu’il serait bon d’inscrire dans la loi cette disposition, sans laquelle il nous semble difficile de créer une bonne relation entre l’enfant et l’assistante familiale qui l’accueille.
En aval, les assistants familiaux côtoient l’enfant tous les jours. Ils sont donc les mieux placés pour parler de leurs évolutions, de leurs récits, de leurs rapports aux autres enfants et aux adultes. Pourquoi ne sont-ils pas entendus de manière systématique pour évoquer les signes de fragilité, par exemple, ou de consolidation des enfants dont on leur confie la garde ?
Il conviendrait donc, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, que l’assistant familial soit intégré à l’équipe d’accompagnement médico-social ou judiciaire et qu’il puisse avoir connaissance du dossier de l’enfant avant de l’accueillir au sein de son foyer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il s’agit d’une disposition dont nous avons déjà discuté et sur laquelle la commission a un avis très favorable : l’intégration des assistants familiaux au projet pour l’enfant.
Nous avons parlé des difficultés d’attractivité de ce métier. Or cette attractivité ne s’appuie pas uniquement sur la rémunération. Elle tient également beaucoup à la possibilité pour les assistants familiaux de participer à l’intégralité du projet pour l’enfant. Je crois qu’il faut l’inscrire dans la loi.
En revanche, nous avons déjà inséré cette proposition dans le texte, à l’article 9. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement formule la même réponse que celle qui vient d’être donnée par le rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait. C’est d’ailleurs tout le sens des ajouts effectués à l’article 9 par les parlementaires, notamment concernant l’association des assistants familiaux au projet pour l’enfant.
Toutefois, il est bon d’en parler et de le redire à chacun des départements. Plusieurs des amendements qui seront présentés ultérieurement, portant notamment sur la coordination au sein des départements, jouent ce même rôle de rappel.
En effet, nous constatons tout de même – nous pouvons nous le dire – qu’il existe des disparités territoriales à cet égard comme à d’autres. L’intégration, si vous me permettez cette expression, des assistants familiaux à l’équipe départementale de protection de l’enfance est assez inégale d’un territoire à l’autre. Or il est important qu’elle se fasse pleinement, pour la reconnaissance des assistants familiaux, mais aussi pour l’enfant.
Plusieurs assistantes familiales nous ont dit que le seul fait de disposer d’une adresse mail au nom du conseil départemental constituait un signe d’appartenance à l’équipe.
La participation des assistants familiaux au projet pour l’enfant n’est pour l’instant pas systématique. Je le répète, il est bon de parler de l’importance de cette participation et de la rappeler à chaque département. C’est tout le sens de l’article 9.
Cet amendement est également l’occasion pour moi de vous dire qu’il reste du travail à mener. Nous avons mentionné les actes usuels et non usuels hier. Nous pouvons encore progresser collectivement sur la meilleure intégration des assistantes familiales dans la vie de l’enfant.
À ce titre, je voudrais citer deux exemples qui m’ont été présentés par un membre de mon cabinet, et qui ont trait notamment au rapport des assistants familiaux avec l’éducation nationale. Je m’engage d’ailleurs à me rapprocher du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour voir comment nous pouvons avancer sur ces sujets-là.
Premier exemple, aujourd’hui, les assistantes familiales n’ont pas accès à Pronote. Elles ne peuvent donc pas signer le carnet de notes ni signer de mots laissés par la directrice ou la maîtresse de l’enfant dont elles ont la charge. Elles peuvent écrire simplement « vu », mais ne peuvent pas forcément signer.
Or cette situation produit deux effets. Tout d’abord, cela crée des difficultés pour elles. Ensuite, pour l’enfant, il s’agit de l’un de ces petits détails, qui n’ont l’air de rien, mais qui sont, en réalité, énormes. C’est d’ailleurs ce que révèle le rapport de Gautier Arnaud-Melchiorre.
M. François Bonhomme. Exactement !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ce sont ces petits détails qui font que les enfants n’arrivent pas à se sentir des enfants comme les autres, et qu’ils se sentent stigmatisés.
Le second exemple, c’est la camionnette, arborant généralement le logo de l’association, qui emmène tous les enfants à l’école le matin, et qui les désigne comme « les gamins de l’aide sociale à l’enfance ».
Sur tous ces petits détails, il reste des progrès à faire. Cela concerne notamment les assistantes familiales et leur relation avec l’éducation nationale. Des avancées ont été réalisées ces dernières années, mais tout dépend aussi beaucoup des personnes – directeurs d’école, maîtres, etc.
Je m’engage à ce que l’on essaie d’améliorer encore les choses à cet égard, pour elles et pour les enfants.
Pour autant, je le répète, je considère que votre amendement est satisfait. Je vous remercie cependant d’avoir soulevé ce point, car il est nécessaire de le rappeler constamment.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Madame Le Houerou, l’amendement n° 270 est-il maintenu ?
Mme Annie Le Houerou. Il est maintenu, car nous pensons que les choses doivent être dites de manière plus explicite,…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Elles le sont déjà !
Mme Annie Le Houerou. … pour qu’elles soient appliquées plus systématiquement.
M. le président. L’amendement n° 271, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Conformément à l’article 37-1 de la Constitution et pour une durée maximale de trois ans, le ministre chargé de la santé peut expérimenter, dans les départements et régions volontaires, pour un ressort maximal de deux régions et de six départements, la mise en place d’une coordination entre les différentes assistantes familiales d’un secteur, qui a pour mission de leur rendre régulièrement visite, d’échanger avec elles sur les différentes problématiques qu’elles rencontrent, ainsi que d’organiser des groupes de parole réguliers.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Merci, monsieur le secrétaire d’État, des propos que vous avez tenus sur le métier des assistants familiaux.
Lorsque nous les avons entendus au cours des diverses tables rondes et auditions que nous avons organisées, nous avons pu constater combien ce métier était différent des autres et combien il était difficile.
Comme vous venez de le dire, ceux qui l’exercent ont en outre parfois le sentiment de déplacer des montagnes pour pas grand-chose. En parlant de ce sentiment d’isolement, vous venez presque de présenter mon amendement, qui a pour objet de mettre en place une coordination.
Il est nécessaire pour les assistants familiaux de se rencontrer, de parler, et de faire partie des équipes. Or dans certains cas, cela ne se fait pas.
Cet amendement vise donc à lutter contre le sentiment d’isolement et de solitude ressenti par les assistants familiaux, qui font face à des situations toujours très complexes. Ainsi, il n’est pas rare qu’on leur confie des enfants après l’échec de leur intégration dans des structures, pensant qu’ils feront des miracles.
Pour ces raisons, et pour améliorer, in fine, la situation des enfants et prendre en compte la réalité du travail d’assistant familial, nous proposons d’insérer dans le texte un article additionnel portant sur cette indispensable coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. L’idée est très intéressante. Il faut effectivement faire en sorte que les assistants familiaux puissent participer à des rencontres. Cependant, cela existe déjà dans de nombreux départements.
Mme Annie Le Houerou. Non !
M. Bernard Bonne, rapporteur. Bien sûr que si ! Cela existe notamment dans mon département de la Loire. Libre à chaque département de l’organiser.
Faut-il pour autant l’inscrire dans la loi ? Je n’en suis pas sûr. Lancer une expérimentation sur ce sujet n’aurait peut-être pas un intérêt considérable.
Il faut effectivement donner aux départements la possibilité de mettre en place ces rencontres. Cependant, l’intégration des assistants familiaux au projet pour l’enfant, dont nous avons discuté tout à l’heure – elle a été proposée par le Parlement, et singulièrement par la commission des affaires sociales du Sénat – me paraît beaucoup plus importante que tout ce que nous pourrions faire par ailleurs.
Il faut absolument intégrer ces personnes dans le projet pour l’enfant et faire en sorte que les rencontres entre tous les acteurs soient possibles.
La commission émet donc un avis défavorable sur la mesure proposée dont la portée est, à mon avis, limitée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je partage à la fois l’objectif visé au travers de cet amendement, les propos tenus pour sa défense et la réaction que vient d’avoir M. le rapporteur.
Je ne sais pas si la concertation que vous évoquez a vocation à figurer dans la loi. En revanche, il est bon de rappeler son importance.
Au cours des dix réunions de concertation consacrées à la revalorisation du métier et du statut des assistants familiaux, la question des bienfaits et de l’utilité de la pair-aidance a été évoquée. Ce dispositif est instauré dans un certain nombre de départements, mais il importe que tous s’inscrivent dans cette démarche.
De même, il est très utile pour les assistants familiaux de disposer d’un véritable référent, pour les sortir justement de l’isolement que vous mentionnez.
Cependant, je ne suis pas sûr qu’il faille que ce point soit inscrit dans la loi. Il est bon, néanmoins, de le rappeler et d’encourager les départements à agir en ce sens.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 271.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Il s’agit d’un sujet récurrent. Déjà en 2016, lorsque nous les recevions, les organisations d’assistants familiaux témoignaient de la diversité des pratiques des départements en la matière.
Une grande majorité des assistants familiaux exprimaient en outre leur frustration de ne pas être intégrés dans les équipes entourant les enfants qu’ils accueillaient, et d’être traités comme de simples gardiens d’enfants…
Mme Michelle Meunier. La cinquième roue du char !
Mme Laurence Rossignol. C’est cela. Ils souffraient donc de l’absence de reconnaissance de la dimension éducative de leur profession.
On disait déjà à l’époque que cette question ne relevait pas du niveau législatif. J’ai tenu d’ailleurs les mêmes propos que M. le secrétaire d’État à cette occasion. C’est vrai, mais, si la situation n’évolue pas, nous devons tout essayer, y compris la loi ! Nous n’avons rien à y perdre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Nous parlerons plus loin du groupement d’intérêt public, le GIP, qui doit être mis en place. Ce GIP ayant pour fonction de recueillir les bonnes pratiques et d’établir des référentiels, il encouragera l’émergence et la généralisation de bonnes pratiques dans l’ensemble des départements. (Mme Laurence Rossignol lève les bras en signe de découragement.)
On peut rêver, madame Rossignol. Il le faut, même, dans le domaine de la protection de l’enfance, mais je crois qu’il faut essayer, par tous les moyens, de donner aux départements qui en manqueraient des idées de bonnes pratiques concernant les assistants familiaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le texte comporte déjà une avancée sur ce sujet, à l’alinéa 3 de l’article 9.
La version du texte issue de l’Assemblée nationale prévoyait l’insertion dans le code de l’action sociale et des familles d’un article rédigé ainsi : « L’employeur assure l’accompagnement et le soutien professionnels des assistants familiaux qu’il emploie. À cette fin, l’assistant familial est intégré dans une équipe de professionnels qualifiés dans les domaines social, éducatif, psychologique et médical. »
La commission a complété ce texte par la mention suivante : « Il participe à l’élaboration et au suivi du projet pour l’enfant mentionné à l’article L. 223-1-1. » (M. le rapporteur acquiesce.)
Le texte que vous avez voté comporte donc déjà des éléments. (Mme Laurence Rossignol manifeste sa désapprobation.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Cette avancée est tout à fait nécessaire. Il faut renforcer la considération dont les assistants familiaux font l’objet. Par le biais du GIP, nous y parviendrons.
Pas à pas, une prise de conscience se fera. Il faut faire participer les assistants familiaux au projet pour l’enfant. C’est la meilleure des solutions.
Je suis tout à fait favorable à la voie indiquée par M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 272, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Conformément à l’article 37-1 de la Constitution et pour une durée maximale de trois ans, le ministre chargé de la santé peut expérimenter, dans les départements et régions volontaires, pour un ressort maximal de deux régions et de six départements, la mise en place de formations, initiales ainsi que ponctuelles, des assistants familiaux aux troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, aux troubles du spectre autistique, ainsi qu’aux autres formes de handicaps qui auraient pu être ignorés dans le parcours de l’enfant.
Cette expérimentation peut permettre de compléter les dispositions de l’article L. 421-14 du code de l’action sociale et des familles.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement porte sur l’accueil des enfants en situation de handicap.
Il faut porter une attention toute particulière à cette catégorie d’enfants, ceux qui souffrent de troubles autistiques, physiques, ou cognitifs, avec ou sans hyperactivité.
Or les familles accueillantes ne sont pas toujours suffisamment informées et formées sur ce sujet. Afin d’optimiser le temps des assistants familiaux et de donner davantage de chance à ces enfants, il est nécessaire de mettre en place des formations sur la question, largement méconnue, du handicap.
Malgré toute la bonne volonté des familles accueillantes, des difficultés peuvent parfois se produire. L’inclusion des enfants en situation de handicap pose donc problème.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mentionné tout à l’heure l’éducation nationale. Depuis la loi du 11 février 2005, nous parlons de l’organisation de la scolarité des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire. Or nous avons pu constater voilà quelques mois, dans le contexte que nous avons tous à l’esprit, que les accueillants familiaux rencontraient de grandes difficultés pour la prise en charge des enfants dans le cadre de la scolarité à distance.
Au vu de tous ces éléments, une formation et une prise en compte particulières, par les personnes concernées, sont requises pour les enfants en situation de handicap. Les familles accueillantes font preuve de bonne volonté, mais cette situation n’est pas toujours facile pour elles du fait de leur isolement et de leur manque de formation sur le sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir la possibilité, pour le ministre chargé de la santé, d’expérimenter la mise en place de formations à destination des assistants familiaux sur certains handicaps ou troubles spécifiques des enfants.
Ces dispositions sont déjà satisfaites par le droit. L’article L. 421-15 du code de l’action sociale et des familles prévoit en effet une obligation de formation adaptée aux besoins spécifiques des enfants accueillis.
En outre, si nous devions renforcer la formation des assistants familiaux, cela ne devrait pas se faire par le biais d’une expérimentation. Il vaudrait mieux que le ministre décide, par décret, de changer le contenu des formations existantes.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je partage tout ce que vous avez dit, madame la sénatrice.
Dans le cadre de la réingénierie du diplôme, que j’évoquais précédemment, et sur laquelle des groupes de travail « planchent » actuellement, la question du handicap est abordée. Des modules de formation plus intensifs, si l’on peut dire, sont prévus sur la question des enfants à besoins spécifiques.
Il est donc bien envisagé de renforcer la connaissance des assistants familiaux sur ces problématiques précises et sur ces enfants particuliers, dont nous savons qu’ils sont un certain nombre à séjourner chez des assistants familiaux.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 272.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 10
Le chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa de l’article L. 421-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de retrait d’un agrément, il ne peut être délivré de nouvel agrément à la même personne avant l’expiration d’un délai défini par voie réglementaire. » ;
2° L’article L. 421-7 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , s’agissant des assistants maternels, » sont supprimés ;
b) Les mots : « au troisième alinéa de » sont remplacés par le mot : « à » ;
3° Après le même article L. 421-7, il est inséré un article L. 421-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-7-1. – Le groupement d’intérêt public mentionné à l’article L. 147-14 met en œuvre une base nationale recensant les agréments délivrés par les présidents des conseils départementaux pour l’exercice des professions d’assistant familial et d’assistant maternel ainsi que les suspensions et les retraits d’agrément.
« Les informations constitutives de ces agréments, suspensions et retraits font l’objet d’un traitement automatisé de données pour permettre aux employeurs de s’assurer de la validité de l’agrément de la personne qu’ils emploient et pour permettre l’opposabilité des retraits d’agrément en cas de changement de département.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les données enregistrées, leur durée de conservation, les conditions de leur mise à jour, les catégories de personnes pouvant y accéder ou en être destinataires ainsi que les modalités d’exercice des droits des personnes concernées. »
M. le président. L’amendement n° 378 rectifié, présenté par Mmes Cohen et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 421-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les services compétents du conseil départemental effectuent des visites régulières et inopinées afin de vérifier que les conditions sont remplies pour le bien-être des enfants ainsi que pour le maintien de l’agrément. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement a pour objet de demander que des contrôles soient effectués chez les assistants familiaux par les services compétents du conseil départemental. L’idée est d’organiser des visites régulières, inopinées, afin de vérifier que toutes les conditions requises sont remplies pour le bien-être des enfants ainsi que pour le maintien de l’agrément des assistants familiaux qui les accueillent.
Je dois réaffirmer que la majorité des professionnels qui s’occupent de la protection de l’enfance sont des femmes et des hommes qui s’occupent très bien des enfants dont ils ont la charge. C’est un métier difficile. Il ne faut pas généraliser les cas de maltraitance, même s’ils sont effectivement inadmissibles et ont défrayé et défraient encore légitimement la chronique.
L’organisation de visites inopinées et de contrôles que nous demandons par l’intermédiaire de cet amendement se ferait dans l’intérêt des enfants, bien évidemment, mais aussi dans celui des assistants familiaux.
En effet, au cours de nos auditions, nous avons reçu des témoignages poignants et émouvants d’assistantes familiales qui s’étaient vu retirer momentanément leur agrément et avaient subi une remise en cause pénible de leur travail jusqu’à ce que la lumière soit faite.
Systématiser les visites des services du conseil départemental permettrait à la fois de donner une vue réelle sur les conditions de vie de l’enfant et d’assurer une protection pour les assistantes familiales, qui sont parfois accusées à tort.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Les propos de Laurence Cohen ont un peu un double sens. Certaines assistantes familiales nous ont dit que les contrôles entraînaient des situations très délicates, difficiles à vivre, dans la mesure où elles n’étaient pas intégrées au projet pour l’enfant et où on les prenait pour des gardiennes d’enfants. Les contrôles pouvaient à ce titre être très mal vécus.
Cependant, les contrôles inopinés que vous proposez sont déjà prévus par la loi et devraient donc exister dans les départements. Tous les départements devraient absolument s’en saisir. Il faut vraiment les mettre en œuvre, sous certaines conditions, bien sûr. Il n’est pas question de venir en pleine nuit chez une assistante familiale pour vérifier je ne sais quoi !
Ces contrôles sont donc déjà inscrits dans la loi, à l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur la nécessité de rendre ces contrôles effectifs, mais faut-il revoter cette disposition pour la réinscrire dans la loi ?
M. René-Paul Savary. Non !
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cette idée.
En revanche, une note ministérielle pourrait être diffusée aux départements pour les encourager à contrôler et vérifier tous les établissements qu’ils abritent, qu’il s’agisse des établissements médico-sociaux ou des structures dédiées à l’enfance.
Il faut que ces contrôles soient effectués, et qu’ils soient confiés à des spécialistes. Ils ne peuvent être réalisés dans les familles n’importe comment, par n’importe qui et à n’importe quel moment !
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 378 rectifié, la disposition qu’il vise existant déjà dans la loi. Normalement, ces contrôles constituent même une obligation pour les départements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Avis favorable.
Les départements sont effectivement d’ores et déjà censés effectuer des contrôles dans les établissements et chez les assistantes familiales.
Le Gouvernement s’est permis d’écrire en janvier 2020 à l’ensemble des présidents de conseils départementaux pour leur demander d’informer les préfets de l’existence ou de l’absence de procédures de remontée d’informations sur les incidents survenus dans les établissements de la protection de l’enfance et chez les assistantes familiales – et de les détailler lorsqu’elles existaient.
Le Gouvernement leur a demandé également de transmettre aux préfets leurs plans de contrôles inopinés et le nombre de contrôles effectivement réalisés dans leurs territoires.
Un peu plus de deux tiers des départements ont fait remonter ces informations aux préfets sur l’année 2020. Ces informations m’ont ensuite été transmises. Je ne vais pas entrer dans le détail.
Les préfets ont par ailleurs une obligation générale de garantie de la sécurité des personnes, y compris des enfants placés à l’aide sociale à l’enfance, même si la responsabilité de ces derniers incombe aux départements.
Ces contrôles sont donc censés être effectués. Je trouve néanmoins utile de réaffirmer ce principe et de rappeler l’importance de réaliser des contrôles inopinés chez les assistants familiaux.
Sans faire de généralité sur les institutions ou sur les assistantes familiales, nous avons souvent en tête l’image des maltraitances qui se produisent dans les institutions. Or de nombreuses maltraitances surviennent chez les assistantes familiales.
Par ailleurs, vous avez raison de le dire, ces contrôles et visites inopinés peuvent également constituer un moment positif pour les assistantes familiales, en les faisant sortir de l’isolement que nous évoquions précédemment, en leur donnant la possibilité de bénéficier d’un accompagnement et de renforcer le lien qui doit exister entre elles et le conseil départemental.
Oui, monsieur le rapporteur, tout cela est censé être fait. Je ne suis pas sûr que ce soit véritablement le cas s’agissant des assistantes familiales. Or il n’y a pas de raison qu’elles restent en dehors des radars. Cela renvoie en un sens à la question des visites des parlementaires dans les établissements de la protection de l’enfance. Il n’y a pas de raison que les assistantes familiales soient mises à l’écart du dispositif de contrôle.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 378 rectifié.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Les deux tiers des départements ont répondu à votre demande, et vous voudriez marquer de nouveau l’obligation d’effectuer des contrôles dans la loi ! Mais si cette obligation était réinscrite dans la loi, les contrôles seraient-ils plus nombreux ?
Si les départements n’appliquent pas la loi, il faut chercher les raisons de cette situation et prendre les mesures nécessaires pour y remédier. Si la loi n’est pas appliquée, il ne sert à rien de la réécrire, pour qu’elle ne le soit pas davantage.
Un GIP doit être créé. Or je commence à douter de l’efficacité d’une telle structure si nous marquons tout cela dans la loi ! C’est ici que de bonnes pratiques doivent être diffusées. (Mme Christine Bonfanti-Dossat et M. le secrétaire d’État approuvent.)
L’exemple de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie est à cet égard parlant. Comment cette structure fonctionne-t-elle avec les départements ? Il y a des échanges réguliers de bonnes pratiques. Quand le travail n’est pas bien réalisé, il est possible d’en discuter à l’occasion des rencontres annuelles organisées entre les présidents des conseils départementaux et la CNSA, et de se mettre d’accord sur un certain nombre de dispositifs.
Ce n’est pas la loi qui va faire cela, tout de même ! Ceux qui voudront respecter la loi la respecteront, mais ce n’est pas en multipliant le volume des lois existantes que nous garantirons leur respect. Au contraire, elles seront encore plus contournées qu’elles ne le sont déjà.
Soyons sérieux ! Ne réécrivons pas la loi. Je ne comprends plus. Je ne vous comprends plus. (Mme la présidente de la commission manifeste son approbation.)
M. le président. L’amendement n° 377 rectifié, présenté par Mmes Cohen et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le quatrième alinéa de l’article L. 421-6 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sauf urgence, toute suspension d’agrément après transmission d’informations préoccupantes telles que définies par l’article L. 226-3 est précédée d’une enquête de terrain par les personnes désignées à l’article L. 226-2-1. » ;
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le rapporteur de la commission des affaires sociales a proposé de modifier le texte afin de maintenir le salaire des travailleuses et travailleurs sociaux, y compris lors des suspensions et des retraits d’agrément.
Cette mesure nous semble positive et très importante. Il faut préserver un équilibre entre l’intérêt de l’enfant, qui guide notre action, et la situation des assistantes et assistants familiaux.
Cet amendement vise à rendre obligatoire une enquête avant tout retrait d’agrément afin de garantir une procédure contradictoire, où les arguments de chacune des parties sont entendus. Cela nous semble en effet nécessaire pour la sécurité des enfants et des assistantes familiales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Une enquête de terrain est très difficile à mettre en œuvre. Il s’agit en outre d’une démarche très subjective.
Si un problème se présente à un endroit, je crains que l’on ne sache jamais si la personne dit la vérité pour « embêter » son voisin ou si, au contraire, elle la tait pour ne pas être gênée par celui-ci. Cela me paraît très dangereux.
En cas de problème, il vaut mieux prévenir le référent – en l’occurrence, le département. Laissons la justice faire le travail de terrain, et le département intervenir éventuellement. En revanche, il ne faut pas stigmatiser la personne avec une enquête de terrain.
Pour ces raisons, la commission émet un avis très défavorable sur l’amendement n° 377 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je reprends la parole quelques minutes pour me faire bien comprendre.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. On a bien compris !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je parle de ce problème, car il arrive que des familles d’accueil se voient retirer subitement les enfants dont elles ont la charge, en cas de suspicion d’un problème en leur sein.
J’ai connu ce type de cas dans mon département. Au bout de huit à dix jours, à l’issue de l’enquête, il s’est avéré que la famille concernée ne présentait aucun problème. Mais l’assistante familiale a quand même vu au passage son salaire amputé de quinze à vingt jours, puisqu’elle n’avait pas d’enfants accueillis à son domicile. Or, puisqu’il n’y avait finalement aucun problème, les enfants lui ont été rendus le soir même.
Mme Laurence Rossignol. Notre collègue n’a pas tort.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ces situations se produisent assez régulièrement. Vous le savez comme moi.
J’aimerais donc que l’on sécurise la situation des assistantes familiales le temps de l’enquête en cas de suspension d’agrément.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Je soutiendrai cet amendement. Comme vous l’avez très bien dit, nous voyons trop souvent des suspensions d’agrément, et donc d’une partie du salaire des assistants familiaux, alors qu’il ne s’est rien passé et que l’enquête montre l’absence de tout problème.
Nous parlions tout à l’heure de l’attractivité de ces métiers, qui souffrent de vraies difficultés de recrutement. Sécuriser ce temps d’enquête constitue une demande forte de la Fédération nationale des assistants familiaux.
Tous ses membres sont favorables au maintien des informations préoccupantes et à la multiplication des contrôles chez les assistants familiaux. Ils nous l’ont tous dit. En revanche, lorsqu’une enquête a lieu, ils souhaitent que le salaire de ces derniers soit maintenu et sécurisé, d’autant que les informations préoccupantes peuvent aussi venir de tiers malveillants.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Les cas que vous décrivez existent effectivement. Toutefois, il arrive aussi que l’on n’enlève pas des enfants aux assistants familiaux et que des drames se produisent. Il existe des affaires célèbres de ce type. (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Laurence Cohen s’exclament.)
Nous savons que le sujet est complexe, avec une tension entre le respect des assistantes familiales, la nécessité de sécuriser leur salaire, et la protection de l’enfant. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous vous avons proposé de créer une base de données nationale des agréments délivrés, suspendus ou retirés par le conseil départemental. Il existe quelques histoires célèbres, que vous connaissez bien, dans lesquelles des drames sont survenus et qui se sont très mal terminées pour l’enfant. Lorsqu’il y a le moindre risque pour l’enfant, il faut réagir.
Or j’entends des discours un peu contradictoires par rapport à ce que j’ai entendu voilà seulement dix minutes. (M. le rapporteur approuve.)
Je ne suis pas sûr que l’on parle de la même chose, ou bien je ne comprends pas. Nous parlons bien de suspension de l’agrément en cas de suspicion de violence. Or le texte initial prévoit le maintien de 80 % du salaire de l’assistant familial en cas de suspension. Une enquête est en outre menée.
De plus, vous venez de voter le doublement possible, de quatre à huit mois, du temps de l’enquête, avec maintien du salaire. Telle est bien la conséquence financière de l’amendement qui a été voté tout à l’heure.
Je résume pour être clair : on propose de maintenir le salaire de l’assistant familial à hauteur de 80 % le temps de l’enquête ; de plus, vous avez fait en sorte que ce maintien puisse courir sur huit mois si un temps supplémentaire s’avère nécessaire pour la conduite de l’enquête.
Je partage tout ce que vous venez d’évoquer, mais vous l’avez déjà voté ! Je ne comprends donc pas les raisons de cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 442, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de retrait d’un agrément motivé notamment par la commission de faits de violences à l’encontre des mineurs accueillis, il ne peut être délivré de nouvel agrément à la même personne avant l’expiration d’un délai approprié, quel que soit le département dans lequel la nouvelle demande est le cas échéant présentée. Les modalités de mise en œuvre de cette disposition sont définies par décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’ai commis une erreur sur l’amendement précédent : je voulais dire « maintien de 100 % du salaire ». Le chiffre de 80 % se réfère à une autre disposition du texte, dans le cas où il y a moins d’enfants confiés.
Cet amendement du Gouvernement concerne la base nationale d’agrément que ce texte instaure ; vous avez décidé en commission de l’étendre aux assistantes maternelles plutôt que de la limiter aux seules assistantes familiales.
Cet amendement vise à renforcer la protection des enfants accueillis chez un assistant maternel ou un assistant familial ; à cette fin, il tend à rendre opposable le retrait d’agrément sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, un assistant maternel ou familial qui se voit retirer l’agrément ne pourrait pas, même s’il en fait la demande dans le même département ou dans un autre, se voir octroyer un nouvel agrément avant l’expiration d’un délai approprié.
Les modalités de mise en œuvre de cette disposition, s’agissant, notamment, de la durée d’opposabilité du retrait, seront définies par décret en Conseil d’État.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Saury, J.P. Vogel, Laménie, Cardoux, Burgoa, Cambon et Pellevat, Mmes Demas et Joseph, M. Sautarel, Mme Dumont, MM. Lefèvre, Belin, Bonhomme, Houpert et Brisson et Mmes F. Gerbaud et Raimond-Pavero, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
défini par voie réglementaire
par les mots :
d’un an
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement, déposé par notre collègue Hugues Saury, vise à préciser le délai de carence entre le retrait, le non-renouvellement ou le refus de l’agrément de l’assistant maternel ou familial et la délivrance d’un nouvel agrément à la même personne en le fixant à un an minimum.
Les services du département sont contraints d’instruire la demande rapidement, sans que les conditions d’accueil des enfants aient pour autant évolué depuis le retrait ou le refus d’agrément.
Ce délai d’un an minimum avant la délivrance d’un nouvel agrément garantirait une meilleure prise en charge des enfants en donnant aux personnes qui ont fait l’objet d’un refus ou d’un retrait d’agrément le temps nécessaire au mûrissement de leur projet ou à la remise en cause de leurs pratiques professionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Ils sont presque identiques, mais le Gouvernement, et plus précisément le ministère de la santé, représenté ici par M. Taquet, a indiqué que le délai serait fixé par voie réglementaire, après une concertation avec les acteurs du secteur.
L’avis est donc favorable sur l’amendement n° 442 et défavorable sur l’amendement n° 44 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 44 rectifié ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Demande de retrait au bénéfice de l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° 44 rectifié est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 442.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Saury, J.P. Vogel, Laménie, Cardoux et Burgoa, Mme Thomas, MM. Cambon et Pellevat, Mmes Demas, Muller-Bronn et Joseph, MM. Belin, Sautarel, Lefèvre, Bonhomme et Brisson, Mmes F. Gerbaud et Bourrat, MM. Houpert et Bouloux et Mmes Raimond-Pavero et Dumont, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l’article 706-25- 9 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux présidents de conseil départemental et aux agents spécialement habilités par les présidents de conseil départemental, pour les décisions administratives d’agrément, lorsque l’objet de la décision est l’exercice d’une activité ou d’une profession impliquant l’hébergement d’un ou plusieurs mineurs au domicile de la personne concernée par la décision administrative. Le fichier peut être consulté à partir de l’identité du destinataire de l’agrément et de toute personne vivant à son domicile ; ».
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement a également été déposé sur l’initiative de notre collègue Hugues Saury.
Pour garder des enfants à leur domicile, les assistants maternels ou familiaux doivent disposer d’un agrément délivré par le président du conseil départemental attestant de leurs capacités à assurer la santé, la sécurité, l’éveil et le développement des enfants pendant le temps d’accueil. Les départements apparaissent donc comme légitimes à disposer d’informations pénales les concernant.
Cet amendement vise, d’une part, à étendre la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait) pour l’ensemble des personnes vivant au domicile des assistants maternels ou familiaux et, d’autre part, à permettre la consultation de ces informations par des agents départementaux spécialement habilités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre la consultation directe du Fijait par les présidents de conseil départemental. Or les départements y ont aujourd’hui accès par l’intermédiaire du préfet. Au regard des données sensibles présentes dans le Fijait, il ne semble pas opportun de trop en assouplir l’accès.
En outre – le ministre pourra nous le confirmer –, le Gouvernement travaille au déploiement d’un nouveau système automatisé de contrôle des antécédents judiciaires des personnes intervenant dans le secteur social.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié est retiré.
L’amendement n° 68 rectifié bis, présenté par Mmes Vérien, Sollogoub et Billon, MM. Détraigne, Le Nay et Delcros, Mme Doineau et MM. Longeot et P. Martin, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 706-53-7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 3° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’exercice de l’activité ou de la profession implique l’hébergement d’un ou plusieurs mineurs au domicile de la personne concernée par la décision administrative, l’accès du préfet ou de l’administration est étendu aux informations contenues dans le fichier portant sur l’ensemble des personnes vivant à ce domicile » ;
2° Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsque l’exercice de l’activité ou de la profession constituant l’objet de cette décision implique que son destinataire héberge un ou plusieurs mineurs à son domicile, elles peuvent consulter le fichier à partir de l’identité de toute personne à ce domicile » ;
3° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’exercice de l’activité ou de la profession constituant l’objet d’une décision implique que son destinataire héberge un ou plusieurs mineurs à son domicile, ces informations portent sur l’ensemble des personnes vivant à ce domicile. »
La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Cet amendement est issu des travaux que nous avions conduits avec Catherine Deroche, Michelle Meunier et Marie Mercier concernant la protection des enfants contre les violences sexuelles commises non seulement dans les institutions, mais également dans les familles d’accueil.
Il s’agit de pouvoir contrôler que tous les adultes, et pas seulement l’assistante familiale ou son mari, ainsi que toutes les personnes de plus de 13 ans qui vivent dans le foyer, ne soient pas inscrits au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent autoriser la consultation du Fijais pour l’ensemble des personnes vivant au domicile de l’assistant familial en vue de son agrément. Il paraît important, mais il est en grande partie satisfait par l’article 4 de ce projet de loi, lequel renforce les contrôles des antécédents judiciaires par le fichier B2 et le Fijais des personnes agréées par le département, dont les assistants familiaux.
Comme je l’ai déjà dit, le Gouvernement travaille, en outre, sur un outil automatisé de consultation du Fijais et du B2 des personnes employées dans les secteurs social et médico-social, parmi lesquelles les familles d’accueil.
Enfin, la consultation du Fijais pour les mineurs de plus de 13 ans vivant au domicile est une question délicate sur laquelle je souhaite connaître l’avis du Gouvernement. Monsieur le secrétaire d’État, cette possibilité est-elle abordée dans le cadre des travaux que vous menez ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement est en effet satisfait, donc j’en propose le retrait. Je le répète, des travaux sont en cours pour automatiser et systématiser la consultation du B2, et surtout du Fijais, afin de la rendre plus rapide. Souvenez-vous que, si des infractions peuvent disparaître du B2, elles sont maintenues dans le Fijais, qui me semble donc devoir être la boussole en la matière.
Par ailleurs, vous avez adopté hier un article additionnel après l’article 4 qui vise précisément à élargir aux majeurs qui vivent au domicile de l’assistant familial la consultation du fichier avant délivrance de l’agrément, modifiant en ce sens l’article L. 421-3 du code d’action sociale et des familles.
La modification du code de procédure pénale que vous proposez dans votre amendement n’est donc, à cet égard, plus nécessaire.
Mme Dominique Vérien. Et les mineurs ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Qu’en est-il des mineurs ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il est vrai que cela concerne plutôt les majeurs. Il faut y réfléchir, mais ce n’est pas simple : les violences entre mineurs sont un vrai sujet. On évoque beaucoup les violences sexuelles commises par des majeurs, mais une grande partie des violences sexuelles subies par les enfants sont le fait d’autres enfants.
Je vous propose de retirer cet amendement et que nous y travaillions ensemble. Le cadre reste à définir, mais je suis tout à fait disponible pour réfléchir à ce sujet. Vous pouvez adopter cet amendement si vous le souhaitez, mais il s’agit d’une question délicate et complexe sur laquelle je n’ai pas envie de m’engager maintenant.
Je suis donc à votre disposition, si vous le souhaitez, pour que nous avancions ; à défaut, le Gouvernement le fera de son côté, probablement en mobilisant non le seul ministère des solidarités et de la santé, mais aussi la Chancellerie.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Je propose plutôt que nous votions cet amendement. Ainsi, vous serez obligés d’y penser pour que nous trouvions une solution. En l’introduisant dans le texte, nous nourrirons la réflexion.
M. Jean-Pierre Decool. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je voterai cet amendement, non pas parce que j’ai travaillé avec Mme Vérien, mais parce que le problème qu’il tend à traiter est réel : parfois, dans l’entourage de l’assistant familial, un adolescent invite ses copains chez lui, tout à fait normalement, et dans sa chambre, le pire peut se produire.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous dites favorable à l’idée et au principe : en votant cet amendement, nous nous préparons à réellement protéger les enfants ; il me semble que c’est là le cœur de nos débats depuis hier.
M. le président. Quel est finalement l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il est plutôt favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Saury, J.P. Vogel, Laménie, Burgoa et Cardoux, Mme Demas, MM. Brisson et Houpert, Mmes Thomas et Raimond-Pavero, MM. Lefèvre, Belin et Bonhomme, Mme Dumont, MM. Cambon et Pellevat, Mmes Muller-Bronn et Joseph, M. Sautarel, Mmes Bourrat et F. Gerbaud et M. Bouloux, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l’article 706-53- 7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux présidents de conseil départemental et aux agents spécialement habilités par les présidents de conseil départemental, pour les décisions administratives d’agrément, lorsque l’objet de la décision est l’exercice d’une activité ou d’une profession impliquant l’hébergement d’un ou plusieurs mineurs au domicile de la personne concernée par la décision administrative. Le fichier peut être consulté à partir de l’identité du destinataire de l’agrément et de toute personne vivant à son domicile. »
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement, toujours sur l’initiative de notre collègue Saury, est proche d’un autre que j’ai déjà retiré à la demande du rapporteur et du Gouvernement.
Il s’agit de simplifier et d’accélérer les procédures d’agrément, avec notamment la consultation du fichier, et de faciliter leur instruction par les services départementaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. J’en demande le retrait, comme c’était le cas pour les amendements précédents.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Même avis.
Une précision sur l’amendement précédent, madame Vérien : sauf erreur, son dispositif, contrairement à son objet, vise tous les mineurs, et non pas seulement ceux qui ont plus de 13 ans. Il y a peut-être une référence que je n’ai pas vue, mais je ne pense pas me tromper. De toute façon, il a été voté, mais le dispositif mérite d’être retravaillé.
Mme Dominique Vérien. Oui, vous avez raison, il faudra le retravailler.
M. le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° 46 rectifié est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Je fais confiance au rapporteur et au secrétaire d’État : je le retire.
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié est retiré.
Article 11
Après l’article L. 422-5 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 422-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 422-5-1. – Après avis du médecin de prévention, l’assistant familial peut être autorisé, à sa demande, à travailler au-delà de la limite d’âge mentionnée au I de l’article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, dans la limite de trois ans, afin de prolonger l’accompagnement du mineur ou du jeune majeur âgé de moins de vingt et un ans qu’il accueille.
« Cette autorisation est délivrée pour un an. Elle peut être renouvelée selon les mêmes conditions, après avis du médecin de prévention. »
M. le président. L’amendement n° 369, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous proposons la suppression de cet article 11, lequel prévoit que les assistants familiaux puissent être autorisés à travailler jusqu’à 70 ans.
Bien évidemment, nous avons pris connaissance des précautions prises et des limites posées dans cet article : avis du médecin de prévention ; possibilité de prolonger cette activité à la demande de l’assistant familial ; prolongation uniquement pour l’accompagnement du mineur ou du jeune majeur jusqu’à ses 21 ans.
Il s’agit ici d’une profession qui a ses spécificités, en particulier un lien très fort entre l’enfant et l’assistante familiale. Si nous partageons pleinement l’objectif d’éviter les ruptures d’accueil qui pourraient entraîner des perturbations d’ordre psychique ou affectif, il nous semble que cette solution n’est pas la bonne.
Vous connaissez notre attachement à un départ à la retraite à 60 ans et notre opposition au recul de l’âge légal – nous n’allons pas reprendre ici les débats qui avaient accompagné l’amendement de la droite au dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les assistantes familiales exercent des métiers difficiles ; elles vivent des situations humainement très complexes à gérer, et la résistance et l’énergie ne sont sans doute pas les mêmes à 60 ans et à 70 ans ! Être assistante familiale, ce n’est pas être grand-mère !
À notre sens, cet article est une façon de gérer une nouvelle fois la pénurie : le nombre d’assistantes familiales et de familles d’accueil est insuffisant ; plutôt que de travailler sur l’attractivité de ce métier, sur un statut plus favorable, sur de vraies revalorisations salariales, vous leur proposez de travailler plus longtemps.
Cet article 11 n’est d’ailleurs que la conséquence logique des articles 9 et 10, dans lesquels vous ne proposez rien pour améliorer réellement la situation professionnelle de ces femmes. Cela a même été souligné par le rapporteur : même si quelques améliorations sont intervenues, elles sont insuffisantes.
En Essonne, par exemple, 12 % des assistants familiaux, soit 80 personnes, ont plus de 67 ans. En France, cela représenterait 9 000 personnes et 75 000 jeunes accueillis. Il me semble donc qu’il convient de supprimer cet article 11.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Madame Cohen, le texte dispose que l’on ne saurait obliger quiconque à travailler au-delà de l’âge de la retraite ; en revanche, il permet à celles qui le souhaitent de travailler un peu plus longtemps.
Nous avons évoqué les cas particuliers de certaines familles. Admettons que l’âge de la retraite soit fixé à 63 ans, et qu’une personne de 60 ans accueille un jeune de 14 ans. Celui-ci devrait-il absolument partir avant ses 18 ans, parce que son assistante familiale aurait 63 ans ? Non ! Si celle-ci souhaite le garder à domicile, éventuellement par le biais d’un cumul emploi-retraite, pourquoi l’en empêcher ?
Par ailleurs, on ne confie plus de jeunes enfants issus de l’ASE à des personnes de plus de 60 ans, voire de 58 ans ou de 55 ans ; on pourrait, en revanche, leur confier des mineurs non accompagnés, qui restent en général trois ou quatre ans dans une famille. Elles seraient certainement très satisfaites de pouvoir les conserver un peu plus longtemps.
Il faut donc défendre la souplesse que permet le texte, afin d’éviter les ruptures, dans l’intérêt de l’enfant. C’est bien cela qui a primé dans notre travail.
En aucun cas, une assistante familiale ne sera privée de la liberté de prendre sa retraite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Non, madame Cohen, il n’y a pas de réforme des retraites cachée dans cet article !
M. René-Paul Savary. Ou alors elle est vraiment bien cachée !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Vous le savez, cela n’arrive pas souvent, mais c’est parfois dramatique : des enfants sont chez leur « tata » depuis des années, et le couperet de l’âge tombe. On évoquait hier cette notion, et c’est là une autre de ses formes. Il s’agit seulement, et vous le savez, d’éviter ces ruptures dans la vie de l’enfant.
Cet article ne changera pas le fait que l’on ne confie pas de très jeunes enfants à des personnes qui approchent de l’âge de la retraite. Il ne conduira donc pas des assistantes familiales à exercer jusqu’à 75 ans. Vous l’avez vous-même relevé, d’ailleurs, des garanties sont prévues, notamment une visite médicale, pour que tout soit bien cadré.
Vous avez voté une revalorisation et une modernisation du statut d’assistante familiale, mais il faut savoir qu’un amendement, considéré ici comme irrecevable, tendait à ouvrir légèrement la possibilité pour les assistants familiaux de cumuler cette activité avec un autre emploi…
Mme Laurence Rossignol. Il n’est pas irrecevable, c’est l’amendement suivant !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour explication de vote.
Mme Brigitte Lherbier. Dans ces familles, l’assistante familiale est entourée et elle n’est pas toute seule avec le jeune. Il y a d’autres jeunes placés plus âgés, les aînés, c’est toute une famille. Il ne s’agit pas d’une femme qui vieillit dans la solitude.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. J’entends tous vos arguments, mais pourquoi ne pas imaginer un dispositif intermédiaire ? On ne peut, certes, enlever un enfant, ou un jeune majeur de la famille où il est accueilli parce que l’assistante familiale doit prendre sa retraite ; dans le même temps, vous nous demandez de vous faire confiance en affirmant que rien ne changera, que l’on ne confiera pas d’enfants en bas âge ou en difficulté à une personne de 68 ans.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous fais confiance personnellement sur ce point, mais, au vu de la pénurie d’assistants familiaux, personne ne sait comment la situation évoluera.
Pourquoi n’existe-t-il pas un dispositif permettant à des jeunes de rester chez des assistants familiaux jusqu’à 70 ans ? Vous avez évoqué un cumul emploi-retraite : pourquoi pas ? Il faudrait toutefois que l’on n’ait pas la possibilité de leur confier des enfants, quelle que soit leur situation, jusqu’à 70 ans.
On le sait, les enfants placés dans ces familles sont de plus en plus difficiles et le métier est de plus en plus compliqué. Ne le perdons pas de vue.
M. le président. L’amendement n° 344 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Conconne et Bonnefoy, MM. Temal et Pla, Mmes Blatrix Contat et Harribey, MM. P. Joly, M. Vallet et J. Bigot, Mmes Monier, Poumirol et Féret et MM. Devinaz, Cardon, Tissot et Stanzione, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 422-1 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « L. 423-33 et » sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je n’ai pas achevé mon enquête, mais certaines de mes collègues qui ont été vice-présidentes de conseil départemental en charge de la protection de l’enfance m’ont indiqué que le dispositif que tend à mettre en place cet amendement existerait déjà dans certains départements.
Il s’agit de permettre à des familles exerçant une activité professionnelle d’accueillir des enfants chez elles au titre de l’aide sociale à l’enfance. Sans exercer à proprement parler le métier d’assistante familiale, elles pourraient accueillir des enfants. Bien entendu, il faut laisser aux départements la possibilité de déterminer avec sagacité quel type d’enfants pourrait être confié à quel type de familles.
Prenons l’exemple d’une famille monoparentale dans laquelle la famille de la mère et son entourage sont loin. Elle est hospitalisée et son enfant est confié à l’aide sociale à l’enfance. Le tiers de confiance n’est pas forcément proche et on ne va pas changer l’enfant d’école.
Dans ce cas, des familles sont disponibles pour accueillir des enfants qui ne sont pas victimes de maltraitance, qui ne sont pas en souffrance, qui ne demandent pas un suivi particulier. Il y a beaucoup d’enfants dont les deux parents travaillent ; il y en a beaucoup, aussi, qui n’ont qu’un seul parent, qui travaille.
Il s’agit donc de permettre à des enfants de l’ASE d’être accueillis dans des familles dont l’activité d’assistance familiale n’est pas l’activité professionnelle. Elles ne seraient pas rémunérées, mais défrayées.
Nous verrons, dans un premier temps, comment cela se passe ; il ne s’agit que d’une petite ouverture. On pourrait mener une expérimentation, avec des départements pilotes et des aménagements, mais il faut ouvrir dans la loi la possibilité de le faire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Sur le fond, on ne peut qu’être d’accord pour augmenter un peu le nombre d’assistants familiaux, car il va en manquer dans quelque temps. Aujourd’hui, on peut déjà faire ce que vous proposez avec des personnes employées par des personnes morales de droit privé. En revanche, c’est interdit par le droit public.
Avant de donner un avis favorable ou défavorable, je souhaite que le Gouvernement nous éclaire sur les risques juridiques qu’une telle évolution poserait. Peut-on envisager une dérogation au statut des agents publics pour les seuls assistants familiaux ?
Si cela est possible, toutefois, nous ne pourrons pas le faire à titre expérimental et déroger au droit public dans certains départements seulement. Le cas échéant, nous devrons également déterminer s’il est possible de déroger pour d’autres personnes que celles qui sont employées par le département. Cela augmenterait l’attractivité pour la fonction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce sujet début 2019, je me suis fait intuitivement la même réflexion. Il ne s’agissait pas seulement, pour moi, de lutter contre la pénurie, mais je faisais le constat que le statut avait été créé à une autre époque, quand le travail des femmes n’était pas ce qu’il est aujourd’hui.
Il me semblait donc que ce statut n’était plus adapté à la société actuelle et qu’il devait être possible de le réformer en permettant le cumul d’activités, tout en l’encadrant : exclusion de certaines professions – on imagine mal un pilote de ligne dans cette situation ! –, agrément pour moins d’enfants, etc.
Nous avons mis ce sujet sur la table pendant les réunions du groupe de travail sur la concertation, lequel a donné lieu à la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, ainsi que dans la négociation que nous avons menée avec les assistants familiaux, leurs syndicats et les employeurs.
Or, à mon grand étonnement, personne ne s’est saisi du sujet.
Mme Laurence Rossignol. Et pour cause !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je ne veux pas croire que mes interlocuteurs aient seulement voulu défendre leur territoire.
Par ailleurs, ceci expliquant peut-être cela, c’est en réalité déjà possible : certains départements autorisent le cumul d’activités. La seule limite est que l’autre emploi ne doit pas être un emploi public, car cela viendrait percuter un grand principe de la fonction publique : l’impossibilité pour les fonctionnaires de cumuler deux emplois.
Avec cette limite, donc, cette possibilité est ouverte dans quelques départements, minoritaires. Un certain nombre d’entre vous devrait pouvoir le confirmer.
Je suis, quant à moi, très favorable à ouvrir cette possibilité. Nous devons sans doute réfléchir à la manière de l’encadrer, car c’est nécessaire. Je n’ai pas non plus eu le temps d’explorer plus avant les conditions fixées par les départements qui pratiquent cela.
Il me semble donc que cet amendement est satisfait par le droit actuel. Nous devons maintenant nous demander comment étendre cette évolution à l’ensemble des départements, en l’encadrant.
Nous pouvons en reparler dans les différents groupes de travail qui fonctionnent encore avec les assistants familiaux, mais je suis plusieurs fois revenu à la charge, et personne ne s’est saisi du sujet.
Mme Laurence Rossignol. J’ai une explication !
M. le président. Quel est finalement l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Compte tenu des explications qui ont été données, si le Gouvernement réfléchit à cette possibilité et que l’on trouve une solution juridique, la commission émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je ne sais pas si les représentants des assistants familiaux sont les meilleurs interlocuteurs pour discuter de ce sujet. En effet, l’amendement ne vise pas tout à fait la profession d’assistant familial : ce sont des familles dont les membres ont un métier et qui accueillent des enfants contre défraiement.
M. René-Paul Savary. Ce n’est pas ce que dit l’amendement !
Mme Laurence Rossignol. Je vous l’accorde, l’amendement n’est pas forcément très bien rédigé, mais nous pouvons le réserver pour le sous-amender…
Monsieur le secrétaire d’État, que pouvons-nous faire pour que les services d’aide sociale à l’enfance puissent donner des agréments spécifiques, qui ne sont pas ceux pour le métier d’assistant familial, à des familles qui veulent accueillir des enfants confiés à l’ASE dans des conditions particulières ? Il s’agit non pas d’un autre statut d’assistant familial, mais d’un autre statut d’accueil de l’enfant.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Dans ces conditions, je retire mon avis favorable et demande le retrait de cet amendement. En effet, celui-ci manque de clarté juridique, de sorte qu’on ne peut pas l’inscrire dans la loi sans une discussion de fond sur la possibilité qu’il ouvre.
Mme Laurence Rossignol. Nous n’avons pas d’autre véhicule législatif !
M. Jérôme Bascher. C’est un cavalier !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’aurais dû commencer par signaler que ce que vous évoquiez dans votre présentation ne correspondait pas exactement à l’amendement tel qu’il est rédigé. Vous mentionniez en effet la création d’un nouveau statut intermédiaire, dont je me demande s’il ne correspond pas, en réalité, à celui de tiers digne de confiance. En tout cas, il s’en rapproche, dans la manière dont vous le présentez.
Mme Laurence Rossignol. A-t-on des listes de ces tiers dignes de confiance ? Il faudrait des agréments.
M. René-Paul Savary. N’allons pas trop vite !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Non, on n’a pas de liste des tiers dignes de confiance dans les départements.
Une réflexion s’impose, qui nécessite que nous engagions un travail de part et d’autre avec les personnes concernées, dont les représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF). Je demande le retrait de l’amendement.
M. Jérôme Bascher. Cela me paraît sage !
M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 344 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 344 rectifié bis est retiré.
TITRE V
RENFORCER LA POLITIQUE DE PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE
Article 12
I. – Le titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2111-1 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un I ainsi rédigé :
« I. – Dans le cadre de la stratégie nationale de santé, des priorités pluriannuelles d’action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile sont arrêtées par le ministre chargé de la santé, après définition conjointe par les représentants des départements et le ministre chargé de la santé, dans des conditions fixées par voie réglementaire. » ;
b) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » et, après le mot : « livre », sont insérés les mots : « en tenant compte des priorités nationales d’action mentionnées au I du présent article » ;
c) Après le mot : « social », la fin du 2° est ainsi rédigée : « , notamment de soutien à la parentalité, pour les femmes enceintes et les jeunes parents, particulièrement les plus démunis ; »
2° L’article L. 2112-2 est ainsi modifié :
aa) Au 1°, le mot : « prénuptiales, » est supprimé ;
a) Au 6°, les mots : « des supports d’information sanitaire destinés aux futurs conjoints et » sont supprimés ;
b) À la fin de la première phrase du dernier alinéa, les mots : « d’ordre physique, psychologique, sensoriel et de l’apprentissage » sont remplacés par les mots : « du développement physique ou psychoaffectif, des troubles du neuro-développement et des troubles sensoriels ainsi qu’aux actions de promotion des environnements et comportements favorables à la santé » ;
3° Après le mot : « population », la fin de la première phrase de l’article L. 2112-4 est ainsi rédigée : « , selon des normes minimales fixées et actualisées au moins tous les cinq ans par voie réglementaire ainsi que dans le respect d’objectifs nationaux de santé publique fixés par voie réglementaire et visant à garantir un niveau minimal de réponse à ces besoins. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 2112-7, les mots : « des examens prénuptiaux et » sont supprimés et les mots : « dans une consultation » sont remplacés par les mots : « par les professionnels de santé ».
II. – Le 3° du I entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 31 décembre 2022.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 322 est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 358 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
arrêtées par le ministre chargé de la santé, après définition conjointe par les représentants des départements et le ministre chargé de la santé
par les mots :
identifiées par le ministre chargé de la santé, en concertation avec les représentants des départements
La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 322.
M. Bernard Buis. Ce projet de loi porte, dans cet article 12, la modernisation, devenue nécessaire, de la protection maternelle et infantile, notamment par son inscription dans la stratégie nationale de santé. Une telle mesure s’avère d’autant plus utile qu’elle permettra de s’assurer de la bonne identification des grandes priorités pluriannuelles d’action en matière de PMI, et ce en concertation avec les départements.
Cependant, la commission des affaires sociales a fait le choix d’imposer comme contrainte supplémentaire que la définition de ces priorités soit nécessairement pensée conjointement par le ministre de la santé et par les départements.
C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, nous souhaitons revenir sur la remise en cause du pilotage par l’État qu’induit cette modification. Il nous semble en effet préférable de rétablir la rédaction initiale de l’article, afin de garantir une articulation efficace entre les priorités de santé publique identifiées au niveau national.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 358.
M. le président. L’amendement n° 390, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
départements
insérer les mots :
, le président du conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à prévoir la participation du président du conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) à la concertation autour des priorités pluriannuelles d’action.
Il semble effectivement indispensable d’associer l’assurance maladie au pilotage de la politique de protection maternelle et infantile.
On le sait, cette politique a non seulement souffert des désengagements financiers des gouvernements successifs, mais également des réductions de dotation des départements. Si la PMI pâtit des décisions politiques de certains départements, d’autres ont maintenu un réseau solide, comme le département du Val-de-Marne, qui compte 72 centres de protection maternelle et infantile, grâce à un choix politique assumé par Christian Favier, alors président du conseil départemental, et son équipe.
Toutefois, il est important que tous les enfants puissent bénéficier du même accueil et du même suivi. Je vous rappelle que les services de PMI, gratuits pour les usagers, sont financés par les conseils départementaux et par la Caisse nationale de l’assurance maladie. Pour renforcer leur présence sur l’ensemble du territoire, il faut que l’assurance maladie soit associée à leur pilotage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Les deux premiers amendements sont identiques et le troisième est un peu différent, puisqu’il vise à ajouter la participation du président de la Caisse nationale de l’assurance maladie à la concertation, ce à quoi je suis tout à fait défavorable, dans la mesure où créer un « trialogue » pour définir des priorités risque d’alourdir encore la complexité du processus. À mon avis, c’est à éviter !
Quant aux amendements identiques nos 322 et 358, ils visent à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale. Celui-ci prévoit de supprimer la définition conjointe des priorités par les départements et le ministre de la santé au profit d’une détermination par le seul ministre, en concertation avec les départements.
Dans le texte issu de ses travaux, la commission a su trouver une rédaction qui se prémunit de toute incohérence juridique, puisque, après définition conjointe avec les départements, le ministre arrête formellement les priorités.
Surtout, dans la mesure où les départements sont les acteurs principaux de la protection maternelle et infantile, le texte de la commission permet de s’assurer que la loi ne leur imposera pas de mettre en œuvre des priorités d’action qui ne seraient pas appropriées ou que le Gouvernement définirait seul. Par conséquent, l’avis est également défavorable sur les deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est défavorable à l’amendement n° 390 et favorable à l’amendement n° 322, identique à celui du Gouvernement.
Je saisis l’occasion pour expliquer l’objet de la rédaction initiale, à laquelle nous souhaitons revenir. Elle est issue du rapport de Michèle Peyron, intitulé Pour sauver la PMI, agissons maintenant !, qui date de 2018, et qui a été réalisé en concertation avec les PMI et les départements. Ce rapport préconise – c’était le sens de l’article 12 – que l’on passe d’une logique reposant strictement sur la définition de normes à un raisonnement privilégiant la définition d’objectifs de santé publique. Tel est le premier basculement à effectuer.
Deuxièmement, la rédaction initiale du texte mentionnait clairement que la définition des priorités se ferait en concertation avec les départements.
Je suis très attaché aux départements, et encore plus aux PMI, dont je suis un grand défenseur et un grand promoteur – j’en parle à chaque fois que je le peux et je leur ai alloué 100 millions d’euros de crédits. Cependant, notre pays a aussi un ministre de la santé, auprès duquel j’exerce mes fonctions – c’est mon patron ! – et c’est à lui qu’il revient de définir les grands objectifs de santé publique. C’est ainsi que fonctionne une grande démocratie.
Nous pouvons décider ensemble, avec les départements, que, dans la politique des 1 000 premiers jours de l’enfant, il faut que l’on passe d’un objectif de 50 % à 75 % en ce qui concerne le taux de réalisation de l’entretien prénatal précoce auprès des femmes enceintes.
M. René-Paul Savary. Ce n’est pas appliqué !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Toutefois, je ne crois pas que ce soit au président du département de codécider cet objectif de santé publique. Je considère que cela relève avant tout du ministère de la santé. N’y voyez ni insulte ni incongruité institutionnelle !
C’est la raison pour laquelle je préconise que nous revenions à la rédaction initiale de l’article 12, qui, je le redis une fois encore, prévoit que tout cela se fasse en concertation avec les départements.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien votre argument, mais il reste un problème sur la portée légale des termes « en concertation ». Ces derniers temps, on a beaucoup entendu les ministères dire qu’ils concertaient « avec les départements ». Or je ne sais pas ce que recouvre cette expression. La concertation se fait-elle dans chaque département, ce qui n’est pas exactement la même chose ? La décision est-elle prise département par département ? Je rappelle que les départements sont cités dans la Constitution, ce qui leur donne une véritable reconnaissance.
Vous avez raison de rappeler que c’est au ministre de décider ; en réalité, il donne injonction aux départements de faire. Cette manière d’envisager le territoire reste problématique. C’est pourquoi je préfère la version de la commission.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 322 et 358.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 35 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 362, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
1° Après les mots :
selon des normes minimales
insérer les mots :
d’effectifs
2° Supprimer les mots :
et actualisées au moins tous les cinq ans
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous tenons compte du vote défavorable reçu par notre précédent amendement. Celui-ci vise donc à préciser que les normes minimales s’imposant aux PMI portent sur les effectifs de ces services et non sur leur activité. Il tend aussi à supprimer le principe d’une révision quinquennale de ces normes.
Nous actons ce qui a été décidé par la commission en apportant quelques précisions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement revient à émettre un avis défavorable sur le fait de revoir les normes tous les cinq ans.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je considère au contraire qu’en matière de santé et de médecine, au vu des modifications induites en permanence par les évolutions et les progrès, il est important de revoir les normes régulièrement. Une échéance à cinq ans ne me paraît pas excessive. On pourra procéder à cette révision en concertation avec les départements, même s’il reste à déterminer la manière de travailler.
M. le président. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article 12 bis A
(Non modifié)
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, dans les départements volontaires et dans le cadre du dispositif mentionné à l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, peut être créée une structure dénommée « maison de l’enfant et de la famille », visant à améliorer la prise en charge des enfants et des jeunes et à assurer une meilleure coordination des professionnels de santé exerçant auprès d’eux.
Elle participe notamment à l’amélioration de l’accès aux soins, à l’organisation du parcours de soins, au développement des actions de prévention, de promotion de la santé et de soutien à la parentalité ainsi qu’à l’accompagnement et à la formation des professionnels en contact avec les enfants et leurs familles sur le territoire.
II. – Le cahier des charges de ces structures est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
III. – Avant le terme de l’expérimentation, un rapport relatif à cette dernière est remis au Gouvernement, en vue d’une éventuelle généralisation.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 130 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
III – Avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation de cette dernière est remis par le Gouvernement aux départements et au Parlement.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Emmanuel Capus. L’article 12 bis A prévoit une expérimentation pour ouvrir une maison de l’enfant et de la famille dans les départements volontaires.
Cet amendement vise à préciser que les résultats tirés de l’évaluation qui sera faite de cette expérimentation prendront la forme d’un rapport communiqué par le Gouvernement aux départements et au Parlement.
M. le président. L’amendement n° 438, présenté par M. Bonne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – Avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions de son éventuelle généralisation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement vise à introduire une petite modification rédactionnelle par rapport à l’amendement précédent, mais nous sommes d’accord sur le principe.
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié ter, présenté par Mmes Doineau, Devésa, Vérien, Férat et Jacquemet, M. Kern, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Levi et Hingray, Mmes Saint-Pé et de La Provôté, MM. Le Nay et Lafon, Mme Billon, MM. Poadja et Duffourg, Mme Malet, M. Chauvet, Mme Dindar, M. Delcros, Mme Perrot et M. Longeot, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
III – Avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation de cette dernière est remis au Gouvernement et aux départements.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je l’ai donné en présentant l’amendement de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement, dont le secrétaire d’État que je suis, passe beaucoup de temps au Sénat, de sorte qu’il commence à épouser l’idée que l’on n’y demande pas de rapport d’évaluation. (Exclamations amusées.) Il s’étonne d’autant plus de cette demande de rapport que la loi prévoit déjà que toute expérimentation donne lieu à un rapport avant sa généralisation. Demande de retrait.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 75 rectifié ter n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 12 bis A, modifié.
(L’article 12 bis A est adopté.)
Article 12 bis
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 2112-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces personnels exercent au sein d’équipes pluridisciplinaires. » ;
2° à 5° (Supprimés)
6° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2311-5, après le mot : « médecin », sont insérés les mots : « ou d’une sage-femme » ;
7° L’article L. 4311-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf en cas d’indication contraire du médecin, l’infirmier ou l’infirmière titulaire du diplôme d’État de puéricultrice peut prescrire des dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement. Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe la liste des dispositifs médicaux concernés. » – (Adopté.)
Article 12 ter
(Supprimé)
TITRE V bis
MIEUX PILOTER LA POLITIQUE DE PROTECTION DE L’ENFANCE
Article 13
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 112-3 est supprimé ;
2° L’article L. 121-10 est ainsi rétabli :
« Art. L. 121-10. – L’État assure la coordination de ses missions avec celles exercées par les collectivités territoriales, notamment les départements, en matière de protection de l’enfance et veille à leur cohérence avec les autres politiques publiques, notamment en matière de santé, d’éducation, de justice et de famille, qui concourent aux objectifs mentionnés à l’article L. 112-3. Il promeut la coopération entre l’ensemble des administrations et des organismes qui participent à la protection de l’enfance. » ;
3° Le chapitre VII du titre IV du livre Ier est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Institutions compétentes en matière de protection de l’enfance, d’adoption et d’accès aux origines personnelles » ;
b) Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Conseil national pour l’accès aux origines personnelles » et comprenant les articles L. 147-1 à L. 147-11 ;
c) À la fin du premier alinéa de l’article L. 147-1, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « à la présente section » ;
d) À la première phrase de l’article L. 147-11, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « de la présente section » ;
e) Est ajoutée une section 2 intitulée : « Conseil national de l’adoption » et comprenant l’article L. 148-1, qui devient l’article L. 147-12 ;
f) Au premier alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 147-12, tel qu’il résulte du e du présent 3°, le mot : « supérieur » est remplacé par le mot : « national » ;
g) Sont ajoutées des sections 3 à 5 ainsi rédigées :
« Section 3
« Conseil national de la protection de l’enfance
« Art. L. 147-13. – Il est institué un Conseil national de la protection de l’enfance.
« Il est composé de deux députés, de deux sénateurs, de représentants des services de l’État, de magistrats, de représentants des conseils départementaux, de représentants des professionnels de la protection de l’enfance et de représentants des associations gestionnaires d’établissements ou de services de l’aide sociale à l’enfance, d’associations œuvrant dans le champ de la protection des droits des enfants et d’associations de personnes accompagnées ainsi que de personnalités qualifiées. Il comprend un collège des enfants et des jeunes protégés ou sortant des dispositifs de la protection de l’enfance.
« Il émet des avis et formule toutes propositions utiles relatives à la prévention et à la protection de l’enfance. Il est notamment consulté sur les projets de textes législatifs ou réglementaires portant à titre principal sur la protection de l’enfance.
« Un décret précise les conditions d’application du présent article, notamment la composition du conseil et ses modalités d’organisation et de fonctionnement.
« Section 4
« Groupement d’intérêt public pour la protection de l’enfance, l’adoption et l’accès aux origines personnelles
« Art. L. 147-14. – Un groupement d’intérêt public exerce, au niveau national, des missions d’appui aux pouvoirs publics dans la mise en œuvre de la politique publique de protection de l’enfance, d’adoption nationale et internationale, dans le respect des compétences dévolues à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale instituée par l’article L. 148-1, et d’accès aux origines personnelles. Il contribue à l’animation, à la coordination et à la cohérence des pratiques sur l’ensemble du territoire. À ce titre, il a notamment pour missions :
« 1° D’assurer le secrétariat général du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles mentionné à l’article L. 147-1, du Conseil national de l’adoption mentionné à l’article L. 147-12 et du Conseil national de la protection de l’enfance mentionné à l’article L. 147-13 ;
« 2° D’exercer, sous le nom d’Agence française de l’adoption, les missions mentionnées à l’article L. 225-15 ;
« 3° De gérer le service national d’accueil téléphonique mentionné à l’article L. 226-6 ;
« 4° (Supprimé)
« 5° De gérer l’Observatoire national de la protection de l’enfance mentionné au même article L. 226-6, qui assure les missions de centre national de ressources et de promotion de la recherche et de l’évaluation ;
« 6° (Supprimé)
« Il présente au Parlement et au Gouvernement un rapport annuel rendu public.
« Art. L. 147-15. – L’État et les départements sont membres de droit du groupement mentionné à l’article L. 147-14, auquel peuvent adhérer d’autres personnes morales de droit public ou privé.
« Outre les moyens mis à sa disposition par ses autres membres, il est financé à parts égales par l’État et les départements dans les conditions définies par sa convention constitutive. La participation financière de chaque collectivité est fixée par voie réglementaire en fonction de l’importance de la population et constitue une dépense obligatoire. Le groupement peut conclure avec certains de ses membres des conventions particulières ayant pour objet la mise en œuvre et le financement de projets d’intérêt partagé.
« Art. L. 147-16. – Le régime juridique des personnels du groupement mentionné à l’article L. 147-14 est fixé par décret en Conseil d’État.
« Ces personnels sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Section 5
« Dispositions communes
« Art. L. 147-17. – Les conseils mentionnés aux articles L. 147-1, L. 147-12 et L. 147-13 se réunissent sur des sujets d’intérêt commun au moins une fois par an, dans des conditions définies par décret. » ;
4° Le chapitre VIII du même titre IV est ainsi modifié :
a) Au début de l’intitulé, les mots : « Conseil supérieur de l’adoption et » sont supprimés ;
b) L’article L. 148-2 devient l’article L. 148-1 ;
5° Le titre II du livre II est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Au dernier alinéa de l’article L. 223-1-1, les mots : « approuvé par décret » sont remplacés par les mots : « élaboré par le groupement d’intérêt public mentionné à l’article L. 147-14 du présent code » ;
a) L’article L. 225-15 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « créé », sont insérés les mots : « au sein du groupement mentionné à l’article L. 147-14 » ;
– au même premier alinéa, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle peut également apporter un appui aux départements pour l’accompagnement et la recherche de candidats à l’adoption nationale. » ;
– les deuxième et dernier alinéas sont supprimés ;
a bis) (nouveau) Après le même article L. 225-15, il est inséré un article L. 225-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-15-1. – Il est institué une base nationale recensant les demandes d’agrément en vue d’adoption et les agréments délivrés par les présidents des conseils départementaux et, en Corse, par le président du conseil exécutif, ainsi que les refus et retraits d’agrément. Les informations constitutives de ces demandes, agréments, retraits et refus font l’objet d’un traitement automatisé de données pour permettre la gestion des dossiers par les services instructeurs ainsi que la recherche, à la demande du tuteur ou du conseil de famille, d’un ou plusieurs candidats pour l’adoption d’un pupille de l’État.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les données enregistrées, leur durée de conservation et les conditions de leur mise à jour, les catégories de personnes pouvant y accéder ou en être destinataires ainsi que les modalités d’exercice des droits des personnes concernées. » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 225-16 sont supprimés ;
c) Le 1° de l’article L. 226-3-1 est ainsi modifié :
– à la première phrase, le mot : « anonymes » est remplacé par le mot : « pseudonymisées » ;
– à la fin de la même première phrase, la référence : « L. 226-3 » est remplacée par la référence : « L. 226-3-3 » ;
– la seconde phrase est supprimée ;
c bis) (Supprimé)
d) L’article L. 226-3-3 est ainsi modifié :
– au début de la première phrase, les mots : « Sont transmises à l’observatoire départemental de la protection de l’enfance et à l’Observatoire national de la protection de l’enfance, sous forme anonyme, » sont remplacés par les mots : « À des fins exclusives d’études, de recherche et d’établissement de statistiques publiques, au sens de l’article 1er de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, sont transmises au service statistique du ministère chargé de la famille et, sous forme pseudonymisée, à l’Observatoire national de la protection de l’enfance et à l’observatoire départemental de la protection de l’enfance » ;
– au début de la deuxième phrase, les mots : « Sont également transmises à l’Observatoire national de la protection de l’enfance, sous forme anonyme, » sont remplacés par les mots : « Pour les mêmes finalités, sont également transmises au service statistique du ministère chargé de la famille et à l’Observatoire national de la protection de l’enfance » ;
e) L’article L. 226-6 est ainsi modifié :
– le premier alinéa est supprimé ;
– au début du deuxième alinéa, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Un service d’accueil téléphonique gratuit concourt, à l’échelon national, à la mission de protection des mineurs en danger prévue au présent chapitre. » ;
– au début de la première phrase du même deuxième alinéa, les mots : « Le service d’accueil téléphonique » sont remplacés par les mots : « Ce service » ;
– les deux dernières phrases du dernier alinéa sont remplacées par quatre phrases ainsi rédigées : « Il contribue à la mise en cohérence des différentes données et informations ainsi qu’à l’amélioration de la connaissance des phénomènes de mise en danger des mineurs et des questions d’adoption et d’accès aux origines personnelles. Il assure, dans le champ de compétence du groupement d’intérêt public mentionné à l’article L. 147-14, les missions de centre national de ressources, chargé de recenser les bonnes pratiques et de répertorier ou de concourir à l’élaboration d’outils et de référentiels. Il assure la diffusion de ces derniers auprès des acteurs de la protection de l’enfance et de l’adoption internationale. Il met en œuvre la base nationale des agréments des assistants familiaux mentionnée à l’article L. 421-7-1. » ;
f) L’article L. 226-7 est abrogé ;
g) L’article L. 226-9 est ainsi modifié :
– la première phrase est supprimée ;
– à la seconde phrase, le mot : « également » est supprimé ;
h) Les articles L. 226-10 et L. 226-13 sont abrogés ;
6° À l’article L. 523-2, la référence : « à l’article L. 226-10 » est remplacée par la référence : « au second alinéa de l’article L. 147-15 ».
II. – Au 1° de l’article 121 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, la référence : « L. 226-6 » est remplacée par la référence : « L. 147-14 ».
III. – La convention constitutive du groupement d’intérêt public mentionné à l’article L. 147-14 du code de l’action sociale et des familles est signée par les représentants habilités de chacun de ses membres. Elle est approuvée par l’État, selon les modalités prévues à l’article 100 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. À défaut de signature par l’ensemble des membres de droit du groupement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’État arrête, selon les mêmes modalités, le contenu de la convention constitutive.
Sous réserve du dernier alinéa du présent III, à compter de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté d’approbation de sa convention constitutive, le groupement mentionné à l’article L. 147-14 du code de l’action sociale et des familles se substitue, pour l’exercice des missions précédemment exercées, aux groupements d’intérêt public mentionnés aux articles L. 225-15 et L. 226-6 du même code dans leur rédaction antérieure à la présente loi. L’ensemble des biens, des personnels, hors contrats locaux étrangers de l’Agence française de l’adoption, des droits et des obligations de ces deux derniers groupements sont transférés de plein droit au nouveau groupement. Par dérogation à l’article 14 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les personnels ainsi transférés conservent le bénéfice de leur régime d’emploi antérieur pour une durée maximale de vingt-quatre mois à compter de la date de ce transfert. Les transferts des biens, droits et obligations s’effectuent à titre gratuit et ne donnent pas lieu à perception d’impôts, de droits ou de taxes.
Toutefois, le groupement d’intérêt public dénommé « Agence française de l’adoption » conserve, pour une durée de vingt-quatre mois au maximum, sa personnalité morale, dans les conditions prévues aux articles L. 225-15 et L. 225-16 du code de l’action sociale et des familles dans leur rédaction antérieure à la présente loi, afin d’exercer la mission d’intermédiaire pour l’adoption dans les États qui n’ont pas délivré au groupement mentionné à l’article L. 147-14 du même code l’autorisation prévue à l’article 12 de la convention de La Haye du 29 mai 1993 relative à la protection des enfants et à la coopération en matière d’adoption internationale. À cette fin, le groupement mentionné à l’article L. 147-14 du code de l’action sociale et des familles met à la disposition de l’agence, à titre gratuit, l’ensemble des moyens nécessaires à l’exercice de cette mission.
IV. – Le dernier alinéa de l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, est applicable jusqu’à l’installation des nouveaux membres du Conseil national de la protection de l’enfance en application de l’article L. 147-13 du code de l’action sociale et des familles.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Par cet article, le Gouvernement propose de regrouper les multiples instances nationales qui œuvrent dans le champ de la protection de l’enfance.
Le pilotage de la protection de l’enfance au niveau national est en effet plutôt défaillant. La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a créé le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) qui était très attendu, à l’époque, par l’ensemble des actrices et des acteurs concernés, pour améliorer la gouvernance des politiques. Le bilan, quatre ans plus tard, est plutôt décevant. Il n’y a pas vraiment d’amélioration de la situation ; on constate plutôt une certaine dégradation.
L’article 13 prévoit donc de fusionner dans un groupement d’intérêt public plusieurs structures nationales, dont l’actuel Conseil national de la protection de l’enfance – j’en profite pour saluer le travail de notre ancien collègue Georges Labazée, vice-président de ce conseil. La fusion concernerait également le groupement d’intérêt public Enfance en danger (Giped), l’Agence française de l’adoption (AFA) et le Conseil national d’accès aux origines personnelles (Cnaop).
Si l’on souscrit à l’idée d’un pilotage national de la protection des enfants qui intègre l’ensemble des structures qui agissent dans ce domaine, se pose la question de la place des départements et de l’État dans cette compétence partagée. La fusion entraîne de nombreuses inquiétudes pour certaines catégories de personnel, ce qui constitue un élément à ne pas perdre de vue : il faudra les rassurer et leur donner des garanties.
Nous sommes véritablement convaincus que tant que les moyens humains et financiers ne seront pas à la hauteur des besoins, ce pilotage de la protection de l’enfance au niveau de l’État ou des départements ne sera pas opérationnel et ne modifiera pas la situation en profondeur.
Nous ne sommes pas contre ce regroupement, à condition de dégager des moyens réels. Or l’on a déjà constaté que, même dans ce projet de loi, les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Mon intervention ira dans le même sens que celle de Laurence Cohen concernant cet article 13. Celui-ci s’inscrit dans la volonté de mieux piloter la politique de protection de l’enfance et prévoit le regroupement des instances nationales de protection de l’enfance. L’enjeu porte sur des grandes causes, comme cela a déjà été largement rappelé.
Notre collègue a fait référence au Conseil national de protection de l’enfance. Je veux aussi mentionner les nombreux intervenants et acteurs publics qui sont concernés au niveau tant national que départemental et local. Or l’on déplore parfois un manque de coordination.
L’État intervient avec plusieurs ministères, qu’il s’agisse de la justice, des solidarités et de la santé ou de l’éducation nationale. Les acteurs sont nombreux à la fois au niveau central et sur le terrain. Le département joue le rôle de chef de file quand les compétences sont partagées entre l’État et les collectivités territoriales.
La mise en place de ce groupement d’intérêt public a pour objectif de regrouper auprès de l’État et de l’ensemble des partenaires toutes les instances concernées, y compris les associations au sein desquelles les bénévoles sont nombreux à agir. Il faut dégager des moyens suffisants pour garantir l’efficacité de cette nouvelle gouvernance.
Je voterai, bien entendu, cet article.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je souhaite vous présenter les grands axes de l’article 13 et de la réforme. Certains éléments figurent dans l’article, d’autres relèvent de la convention constitutive sur laquelle nous travaillons depuis plus d’un an avec l’Assemblée des départements de France (ADF) et les associations.
Cette réforme a du sens, contrairement à ce qu’a laissé entendre la sénatrice Meunier, hier, et à ce que vous avez dit, madame Cohen. Il ne s’agit pas de rationaliser les choses ni de donner corps au « fantasme » ou à la « lubie » – je ne sais plus quel était le terme que vous avez employé – de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) de rapprocher l’AFA et le Giped.
Il y a effectivement eu une tentative pour œuvrer en ce sens, dont je me permets de dire qu’elle était assez maladroite – je n’étais pas au Gouvernement, à l’époque –, au début de ce quinquennat, par le truchement d’un amendement.
En l’occurrence, la réforme que nous proposons a vraiment du sens. Nous constatons, je vous l’accorde – et je m’adresse à vous, mesdames les sénatrices Meunier et Cohen, car vous êtes particulièrement investies sur le sujet – qu’il existe, d’une part, un problème de pilotage en matière de protection de l’enfance, alors que, d’autre part, les instances sont nombreuses à être censées s’en occuper. Il n’y a, pour ainsi dire, pas de pilote dans l’avion, mais beaucoup de pilotes qui sont censés piloter…
D’ailleurs, vous savez bien, comme j’ai cru le comprendre, qu’à l’époque de la loi de 2016 le projet initial n’était pas de créer le CNPE puis le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), mais plutôt l’un ou l’autre, et que les parlementaires ont finalement décidé de créer les deux.
Je le répète, beaucoup d’instances travaillent sur la protection de l’enfance et il est nécessaire de renforcer le pilotage.
Monsieur le sénateur Laménie, vous avez tout à fait raison de préciser que ce pilotage est partagé, et il n’est pas question de remettre en cause le chef de filât ni la compétence des départements.
Toutefois, comme je le dis depuis le début – je l’assume et je crois que les départements l’entendent –, cette compétence en protection de l’enfance est davantage partagée que décentralisée, puisque s’y inscrivent des problématiques de santé, d’éducation nationale ou de décision judiciaire, autant de domaines qui concernent pour le moins l’État.
Il est temps que nous nous organisions autour de la protection de l’enfant et que nous arrêtions de nous renvoyer mutuellement la question de nos compétences au visage.
Un premier volet porte donc sur la réforme de la gouvernance nationale, dont le sens profond est de renforcer le pilotage et de nous doter, exactement comme vous l’évoquiez, monsieur Savary, d’un outil efficace.
Quand j’étais député, j’ai beaucoup travaillé sur le handicap. À travers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), j’ai découvert l’utilité qu’il pouvait y avoir, au sein d’un groupement d’intérêt public (GIP), à mettre autour de la table l’État, les départements et les associations, à partager les bonnes pratiques et à créer des référentiels. Tout cela favorise l’appropriation des dispositifs et la diffusion des pratiques dans les territoires. Cela contribue aussi à faire converger les pratiques territoriales et donc à lutter contre les inégalités territoriales que certains d’entre nous dénoncent.
Depuis le début, même si j’ai conscience des limites de la comparaison, je poursuis l’idée que nous puissions nous doter, en matière de protection de l’enfance, d’une instance similaire à celle qui existe pour le handicap, à savoir la CNSA.
Je reviendrai sur la question des moyens, mais sachez par avance que je n’annoncerai pas le fléchage de quelques points de contribution sociale généralisée (CSG) vers le futur GIP, et je m’en excuse dès à présent.
La conséquence de notre projet, c’est que nous devons effectivement rapprocher un certain nombre d’organismes existants, à commencer par le Giped, qui gère le 119, l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), qui donne lieu à une réforme dans la réforme, et l’Agence française de l’adoption, qui demande ce regroupement, car les sujets se croisent très souvent, de sorte que les représentants des trois instances siègent, en réalité, d’ores et déjà, au conseil d’administration des unes et des autres.
Quant au Cnaop, la Cour des comptes préconise dans son rapport, « La protection de l’enfance. Une politique inadaptée au temps de l’enfant », qu’il soit inclus dans la réforme, ce qui n’était pas mon option initiale, mais le Cnaop l’a demandé. Nous présenterons un amendement à ce sujet, car, sur la question des origines pour les adoptions internationales, le Cnaop et l’AFA ont bien évidemment des sujets de travail à mener en commun. Nous souhaitons donc leur faciliter la tâche.
En ce qui concerne le CNPE, madame Meunier, j’ai été étonné d’entendre ce que vous avez dit, hier, dans la discussion générale. En effet, comme je le fais toujours depuis que je suis secrétaire d’État, j’ai ouvert la dernière assemblée plénière du CNPE, à laquelle vous étiez, puisque vous en êtes membre. Or vous pouvez confirmer que j’ai laissé au conseil la liberté de décider lui-même de la manière dont il voulait prendre part à cette réforme.
Je me suis adressé aux membres du CNPE pour leur dire, premièrement, que je considérais utile qu’un organe puisse émettre des avis sur les projets du Gouvernement en protection de l’enfance ; deuxièmement, qu’il était important que cet organe soit indépendant et qu’il le demeure.
D’ailleurs, l’une des premières décisions que j’ai prise, quand j’ai été nommé ministre, c’est de laisser la présidence du CNPE à Georges Labazée, ou plutôt, dans un premier temps, à Michèle Créoff, puis à Georges Labazée. Il me semblait en effet contradictoire que le ministre préside une institution censée donner des avis indépendants sur les projets du ministre.
J’ai donc offert trois possibilités au CNPE, soit de rester en l’état, avec un secrétariat renforcé que le nouveau GIP pourra assurer, soit d’intégrer davantage le nouveau GIP, en y exerçant une fonction consultative, ou bien – cette dernière option avait ma préférence – d’intégrer le HCFEA, la protection de l’enfance rejoignant le pôle du Haut Conseil consacré à l’enfance et à la famille, ce qui contribuerait à déstigmatiser quelque peu le champ en l’incluant dans une logique de droit commun, tout en risquant, à l’inverse, d’invisibiliser la protection de l’enfance.
Telles sont les propositions que j’avais soumises, de manière très transparente. Or le CNPE a choisi de rester assez autonome, en se maintenant légèrement à l’écart du GIP et en ne bénéficiant que de son secrétariat.
Le deuxième élément concerne la réforme dans la réforme que nous avons évoquée, hier, avec Laurence Rossignol. Celle-ci porte sur le champ de la connaissance en protection de l’enfance. L’ONPE bénéficie aujourd’hui de la contribution de professionnels qualifiés, qui rendent des rapports très utiles et intéressants. L’observatoire national est censé animer les observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE), mais ceux-ci n’ont pas encore été mis en place partout sur le territoire. Les départements sont censés remonter les données à l’ONPE via le dispositif informatique Olympe, qui prend beaucoup de temps, de sorte que les informations y sont inégales. En résumé, nous ne disposons que de très peu de connaissances en protection de l’enfance.
Il est donc nécessaire que tous les acteurs, départements, parlementaires et Gouvernement renforcent cette connaissance. En effet, nous ne sommes pas capables aujourd’hui de tracer des véritables parcours longitudinaux en protection de l’enfance, ce qui reste problématique. Par conséquent, notre idée est de renforcer l’ONPE et non pas de le faire disparaître.
J’ai rencontré plusieurs fois les personnels et les syndicats des différents organismes que nous entendons fusionner. J’ai rencontré tous les salariés, et j’ai pris des engagements oraux et écrits vis-à-vis d’eux. Ils conserveront tous leur cadre d’emplois pendant deux ans, période durant laquelle nous travaillerons à élaborer un cadre d’emploi commun. Le cadre d’emploi le plus favorable sera ensuite appliqué à l’ensemble des employés.
Nous renforcerons l’ONPE en lui adjoignant les services de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Les statisticiens qui y travaillent pourront apporter utilement leur expertise et cette collaboration permettra de croiser un certain nombre de bases de données, en matière d’éducation nationale, de santé ou autre, avec les informations qui remonteront des départements. Nous pourrons ainsi disposer de véritables parcours longitudinaux.
Tel est le sens de la réforme.
Nous travaillons sur la convention constitutive depuis plusieurs mois avec l’ADF, les associations et l’ensemble des acteurs. Un petit groupe de travail a été constitué dont font partie les directeurs généraux des trois organismes concernés, l’AFA, le Cnaop et le Giped, ainsi que des représentants de l’ADF.
Je vous prie d’excuser ce long propos liminaire, qui me permet de m’exprimer par avance sur un certain nombre d’amendements, de sorte que je serai plus lapidaire dans les avis que je donnerai.
Je me suis engagé auprès de M. Sauvadet, président de l’ADF, que je suis allé voir au lendemain de son élection en Côte-d’Or, sur le fait que le président du nouveau groupement sera un président de département. C’est déjà le cas au Giped, dont la présidence a été assurée pendant dix ans par Michèle Berthy, que je salue, avant de passer à Florence Dabin, la présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire. Sans préjuger ce que sera la suite, peut-être deviendra-t-elle présidente du nouveau groupement. Il reviendra aux membres du conseil d’administration d’en décider.
Le conseil d’administration comportera des représentants de l’État à parité avec des représentants des départements, soit 9 sièges chacun. Les services de l’État doivent de nouveau s’impliquer dans le domaine de la protection de l’enfance, y compris au niveau territorial – l’enjeu est réel.
L’État sera représenté par des agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), des services chargés de l’adoption internationale au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ou encore des agents du ministère de l’éducation nationale, c’est-à-dire toutes les personnes impliquées dans la gestion de ces questions.
Parmi les neuf sièges attribués aux départements, un siège sera réservé à l’Assemblée des départements de France (ADF), à sa demande expresse, et un autre aux territoires d’outre-mer.
Les associations disposeront quant à elles de six sièges : sont concernées les associations représentatives du secteur de l’adoption et de la protection de l’enfance.
Dès la présentation en 2019 de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, je me suis engagé à ce que les moyens consacrés à ce nouvel organisme soient plus élevés que l’addition des moyens des organismes existants. Certes, le budget ne sera pas décuplé, mais je voulais lever tout doute : cette réforme fait sens, et ne s’apparente en aucun cas à une rationalisation budgétaire. Nous souhaitons que cet organisme soit bien né. C’est pourquoi de nouveaux moyens lui seront accordés.
Je ne pense pas devoir ajouter autre chose. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous reviendrons sur le volet relatif à la gouvernance territoriale, pour lequel M. le rapporteur a proposé plusieurs pistes d’amélioration.
Je vous livre une dernière information : la direction générale du nouvel organisme sera choisie par le Gouvernement, après avis de l’ADF – j’aurai peut-être l’occasion d’y revenir.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 190 rectifié est présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Decool, Capus et Médevielle, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Lefèvre et J.M. Arnaud, Mme F. Gerbaud, M. Levi et Mmes Guidez, Poncet Monge et Perrot.
L’amendement n° 302 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
L’État assure la coordination de ses missions
par les mots :
Le préfet de département, en tant que représentant de l’État, assure la coordination des missions de l’État
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 190 rectifié.
M. Daniel Chasseing. La protection de l’enfance relève de la compétence des conseils départementaux au titre de l’aide sociale à l’enfance, mais également de la compétence de l’État.
Une coordination des services de l’État, conduite par le préfet de département, devrait permettre une plus grande cohérence et la mobilisation des différents acteurs qui concourent à la protection de l’enfance.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° 302 rectifié.
M. Stéphane Artano. Cet amendement vise à clarifier et à simplifier les procédures. Nous considérons que le préfet de département représente l’échelon pertinent pour assurer la coordination des politiques de protection de l’enfance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il me semble que ces deux amendements font l’objet d’une erreur d’interprétation. En l’espèce, c’est non pas le préfet du département, mais l’État qui prend en charge le groupement d’intérêt public (GIP).
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Même avis, monsieur le président.
J’en profite pour indiquer qu’un référent pour la protection de l’enfance, chef de file sur ces sujets, sera désigné dans chaque préfecture. Celui-ci représentera l’État auprès du conseil départemental.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 190 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 190 rectifié est retiré.
Monsieur Artano, l’amendement n° 302 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Artano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 302 rectifié est retiré.
L’amendement n° 439, présenté par M. Bonne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Supprimer les mots :
de deux députés, de deux sénateurs,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la présence de deux députés et de deux sénateurs au sein du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE).
Conformément aux orientations du bureau du Sénat fixées en 2015, il n’est pas souhaitable de multiplier les instances extérieures au Parlement au sein desquelles des parlementaires siègent ès qualités. Toutefois, des parlementaires ou anciens parlementaires pourront toujours y siéger au titre des personnalités qualifiées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement concerne la représentation des parlementaires. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 403 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Après le mot :
magistrats,
insérer les mots :
d’avocats,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à s’assurer de la présence d’avocats dans la composition du futur CNPE, ce qui n’est pas prévu par le projet de loi dans sa rédaction actuelle.
Certes, un décret précisera la composition de ce conseil. L’article 13 dresse toutefois une liste de personnes qui y siégeront : des députés, des sénateurs, des représentants des conseils départementaux, des représentants d’associations œuvrant dans le champ de la protection des droits des enfants et des magistrats. Le nombre de parlementaires y était même précisé jusqu’à l’adoption de l’amendement n° 439 de M. le rapporteur.
Alors que le rôle du CNPE est d’émettre des avis et de formuler des propositions relatives à la prévention et à la protection de l’enfance, il nous semble important qu’une place soit accordée aux avocats afin de faire vivre les droits des enfants.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 41 rectifié quater est présenté par MM. Favreau, Mouiller, Anglars, Cuypers et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Laménie, Genet, Saury, Lefèvre, Burgoa et Cadec, Mme Gosselin, MM. Meignen et Belin, Mme de Cidrac et M. Gremillet.
L’amendement n° 160 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 168 rectifié bis est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Belrhiti, M. Brisson et Mmes Joseph et Dumont.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16, première phrase
Après le mot :
magistrats,
insérer les mots :
d’avocats désignés par le Conseil national des barreaux,
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié quater.
M. Gilbert Favreau. Afin de compléter la présentation de notre collègue Jean-Claude Requier, je tiens à préciser que les avocats sont de bons connaisseurs du droit et de la justice.
Compte tenu de la présence de magistrats au sein du conseil, il me semble que les avocats y ont également leur place – s’il en était besoin, nos débats l’ont prouvé aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 160.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement est une demande du Conseil national des barreaux que nous soutenons, car nous estimons que l’absence de l’avocat au sein du CNPE est regrettable. Celui-ci est en effet un acteur clé du parcours judiciaire de l’enfant.
Sans revenir sur les arguments que j’ai déjà développés à plusieurs reprises, je pense que leur présence enrichira utilement les travaux du CNPE et améliorera la pertinence de ses avis et de ses propositions.
M. le président. L’amendement n° 168 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, MM. de Belenet, Henno et Le Nay, Mme Vermeillet, M. Laménie, Mmes Férat, Herzog et Lopez, M. Guerriau, Mmes Vérien, Perrot et Guidez, M. A. Marc, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Canévet, J.M. Arnaud, Belin, Détraigne, Chasseing et Houpert, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn, M. Cigolotti, Mmes Létard et de La Provôté et MM. Duffourg, Levi et Delcros, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Après le mot :
accompagnées
insérer les mots :
, de représentants des avocats, de représentants du Défenseur des droits
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Le présent amendement vise à compléter la composition du CNPE par la présence de représentants d’avocats et de la Défenseure des droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. La désignation des membres du conseil d’administration relève du pouvoir réglementaire.
Ces amendements sont de surcroît satisfaits, car il est déjà mentionné que le CNPE comprend des représentants des professionnels de la protection de l’enfance, ainsi qu’un représentant du Conseil national des barreaux.
Je demande le retrait de ces amendements.
Mme Laurence Rossignol. La composition est parfaite !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’article D. 148-2 du code de l’action sociale et des familles définit la composition du Conseil et les représentants du barreau y sont déjà prévus. Mme Dominique Attias y siège d’ailleurs actuellement.
En outre, la Défenseure des droits y siège en tant que personnalité qualifiée.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 403 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 403 rectifié est retiré.
Monsieur Favreau, l’amendement n° 41 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Gilbert Favreau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié quater est retiré.
Madame Poncet Monge, l’amendement n° 160 est-il maintenu ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 160 est retiré.
Madame Sollogoub, l’amendement n° 49 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nadia Sollogoub. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié est retiré.
L’amendement n° 170 rectifié, présenté par MM. Savary, Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Cadec et Cuypers, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes de Cidrac et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Di Folco et Dumont, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Gremillet et Houpert, Mmes Imbert, Joseph et Lassarade, MM. Lefèvre et Longuet, Mme Lopez, MM. Milon, Mouiller, Panunzi, Perrin et Pointereau, Mme Puissat, M. Rapin, Mme Richer et MM. Rietmann, Rojouan, Saury et Savin, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
1° Après les mots :
de l’aide sociale à l’enfance,
insérer les mots :
de représentants d’organismes de formation,
2° Après la première occurrence des mots :
d’associations
insérer les mots :
et d’organismes
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Le présent amendement tend à compléter la composition du Conseil national de la protection de l’enfance afin que les organismes de formation des professionnels de la protection de l’enfance soient représentés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement de M. Savary, même s’il est de nature réglementaire. Il a raison de mentionner les organismes de formation dans la composition du CNPE.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 274, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Après les mots :
de l’aide sociale à l’enfance
insérer les mots :
, notamment des représentants d’associations d’assistants familiaux
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement tend à intégrer les représentants des assistants familiaux au sein du CNPE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, car un représentant de l’Union fédérale nationale des associations de familles d’accueil siège déjà au CNPE.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de l’article 13.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 161 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 332 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Rambaud, Mme Schillinger, MM. Buis, Rohfritsch et Lévrier, Mmes Duranton et Havet, M. Théophile et Mme Dindar.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Sa présidence est assurée par un membre du collège des personnalités qualifiées.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 161.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement fait écho aux recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui, dans son avis sur le projet de loi, estime qu’il est nécessaire d’assurer l’indépendance de fonctionnement du CNPE – vous y avez fait référence, monsieur le secrétaire d’État.
Je rappelle la définition juridique des personnalités qualifiées : il s’agit de personnes nommées en raison de leur compétence, de leur expérience et de leur connaissance.
Nous cherchons à atteindre deux objectifs au travers de cet amendement : d’une part, garantir l’indépendance du CNPE afin d’obtenir des données, des avis et des recommandations indépendants ; d’autre part, nous assurer que la présidence de la structure soit confiée à une personne dont la compétence, l’expérience et la connaissance sont reconnues dans le domaine visé.
Cette proposition, qui nous semble cohérente et pertinente, permettra à l’institution de pallier l’émiettement de la gouvernance en matière de protection de l’enfance et d’assurer son indépendance pour que celle-ci puisse accomplir au mieux ses missions.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 332 rectifié bis.
M. Bernard Buis. Le présent amendement tend à ce que la présidence du CNPE soit assurée par un membre du collège des personnalités qualifiées afin d’en assurer l’indépendance.
Le CNPE a notamment pour mission de proposer au Gouvernement les orientations nationales de politique de protection de la France, dans le but de construire une stratégie nationale. Il assiste par ailleurs le Gouvernement en rendant des avis sur toutes les questions qui concernent la protection de l’enfance.
Il est constitué de plusieurs collèges représentant les institutions, les collectivités, les sociétés civiles, les associations, les administrations, les associations de professionnels et les organismes de formation. Un collège est également composé de personnalités qualifiées œuvrant dans le champ de la protection de l’enfance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il n’est sans doute pas nécessaire de préciser dans la loi que le CNPE doive être présidé par une personnalité qualifiée. Cela ne constituerait pas forcément un gage d’indépendance pour le Conseil.
On pourrait imaginer qu’un représentant associatif ou un représentant des conseils départementaux fasse l’unanimité pour présider l’organisme. Je vous propose donc de laisser le décret d’application déterminer les conditions de nomination du président du CNPE, comme c’est le cas aujourd’hui. Pour mémoire, celui-ci est aujourd’hui présidé par le ministre chargé de l’enfance, son vice-président étant issu du collège des personnalités qualifiées.
Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Même avis, madame la présidente.
Je vous confirme par ailleurs que la présidence du CNPE ne sera plus assurée par le ministre à l’avenir.
Mme la présidente. Madame Poncet Monge, l’amendement n° 161 est-il maintenu ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 161 est retiré.
Monsieur Buis, l’amendement n° 332 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Bernard Buis. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 332 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 360, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 7° D’analyser les demandes émanant des personnes adoptées et des pupilles ou anciens pupilles de l’État, qui recherchent leurs origines et de les informer et les orienter en fonction de leur situation vers les interlocuteurs compétents. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à confier une nouvelle mission, essentielle, au futur groupement d’intérêt public (GIP) : l’analyse des premières demandes émanant des personnes adoptées à l’étranger ou des pupilles et anciens pupilles de l’État qui recherchent leurs origines afin de les informer et de les orienter vers les interlocuteurs compétents en fonction de leur situation.
C’est un sujet d’actualité. Plusieurs articles ont également évoqué le cas plus dramatique encore des adoptions illégales. J’y reviendrai dans quelques minutes.
Les équilibres issus de la loi de 2002 ne sont pas modifiés ; il s’agit simplement d’orienter les requérants vers les bons interlocuteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement apporte une précision utile en complétant les missions du GIP sur l’information et l’orientation sur la recherche des origines, selon une logique de rapprochement et de mutualisation des moyens, en particulier du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop) et de l’Agence française de l’adoption (AFA).
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par MM. Savary, Bazin et Belin, Mmes Berthet et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Cardoux et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Demas et Deseyne, M. Détraigne, Mme Dumont, M. Favreau, Mme Férat, MM. Genet et Gremillet, Mme Gruny, M. Husson, Mme Imbert, M. Karoutchi, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mme Malet, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Milon, Mouiller, Perrin et Pointereau, Mmes Puissat et Richer et MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel, Savin et J.P. Vogel.
L’amendement n° 76 rectifié ter est présenté par Mmes Doineau, Devésa, Vérien et Jacquemet, M. Kern, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Levi et Hingray, Mme de La Provôté, MM. Le Nay, Lafon, Poadja, Duffourg et Chauvet, Mmes Billon et Dindar et MM. Delcros et Longeot.
L’amendement n° 131 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 29
Remplacer les mots :
et les départements
par les mots :
, les départements et un représentant administratif de l’Assemblée des départements de France
La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.
M. René-Paul Savary. Il s’agit de bien préciser la notion de « département ».
Je tiens tout d’abord à rappeler que ce sont bien les présidents des conseils départementaux qui sont compétents dans ces domaines, et non les institutions en tant que telles.
Il y a aussi la partie administrative de l’ADF, qui regroupe l’ensemble des départements. Il me semble important qu’un représentant de cette association figure parmi les membres de droit du nouveau GIP, afin de faciliter la concertation. Des erreurs commises dans le passé pourront ainsi être évitées, notamment en matière d’interopérabilité des logiciels : un logiciel unique permettra à tous les départements de communiquer ensemble et de partager les données, ce qui fera gagner du temps.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié ter.
M. Jean Hingray. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 131 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. Comme l’a indiqué notre collègue René-Paul Savary, il faut intégrer un représentant de l’ADF dans la gouvernance du nouveau GIP, dont la création est prévue par l’article 13.
L’objectif visé par cet amendement est de renforcer la concertation entre ce nouvel organisme et l’ADF, qui est le meilleur représentant des départements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Ces amendements me semblent satisfaits, dans la mesure où des personnes morales pourront adhérer au GIP – l’ADF pourra donc en faire partie.
Il me semble par ailleurs que des échanges ont eu lieu entre l’ADF et le Gouvernement au sujet du partage des responsabilités entre l’État et les départements au sein du GIP. Nous souhaiterions donc que le Gouvernement éclaire le Sénat sur ce qui a été convenu avec les départements pour la gouvernance du GIP et qu’il nous indique s’il est nécessaire d’apporter des précisions dans la loi à ce sujet.
La commission sollicite donc l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Dans mon long exposé liminaire, tout à l’heure, je vous ai indiqué que l’ADF serait bien membre du conseil d’administration du GIP en tant que telle. Par ailleurs, ce conseil sera dirigé par un président de conseil départemental.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l’avis de la commission est-il identique ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Compte tenu de la confirmation qui vient de nous être communiquée par M. le secrétaire d’État, je retire mon amendement, madame la présidente. Mais si les décisions sont prises avant le vote, il devient inutile d’en parler ! L’étape législative est quand même nécessaire !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous mets en garde, lors de la création d’une nouvelle structure, la coordination est essentielle, tout particulièrement en matière numérique. Cela permettra de faire remonter les expériences menées sur le terrain, et de les décliner ensuite sur l’ensemble du territoire.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
Monsieur Hingray, l’amendement n° 76 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean Hingray. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 76 rectifié ter est retiré.
Monsieur Chasseing, l’amendement n° 131 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire également.
Mme la présidente. L’amendement n° 131 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Savary, Bazin et Belin, Mmes Berthet et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Cardoux et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes de Cidrac, Demas, Deseyne et Dumont, M. Favreau, Mme Férat, MM. Genet et Gremillet, Mmes Gruny et Imbert, M. Karoutchi, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mme Malet, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Milon, Mouiller, Perrin et Pointereau, Mmes Puissat et Richer et MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel, Savin et J.P. Vogel.
L’amendement n° 77 rectifié ter est présenté par Mmes Doineau, Devésa, Vérien et Jacquemet, M. Kern, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Levi et Hingray, Mme de La Provôté, MM. Le Nay, Lafon, Poadja, Duffourg et Chauvet, Mmes Billon et Dindar et MM. Delcros et Longeot.
L’amendement n° 132 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled.
L’amendement n° 417 rectifié bis est présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 29
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La présidence du groupement est confiée à un président ou à une présidente de conseil départemental.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. René-Paul Savary. Là encore, les choses sont déjà peut-être décidées au niveau ministériel, mais il est important que le Parlement fasse son travail !
L’amendement vise à confier la direction du GIP à un président ou une présidente de conseil départemental.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié ter.
M. Jean Hingray. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 132 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. Défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° 417 rectifié bis.
M. Stéphane Artano. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Ces amendements sont parfaitement identiques.
Le Gouvernement peut-il confirmer que la présidence du GIP sera bien confiée à un président de conseil départemental ? Si tel n’est pas le cas, la commission sera favorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je confirme que la présidence du GIP sera bien confiée à un président de conseil départemental ou à un vice-président délégué aux affaires sociales.
Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements, car la composition du conseil d’administration relève non pas de la loi, mais de la convention constitutive du GIP.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que la présidence sera bien confiée à un président, et non à un vice-président ?
Je pense que cette précision est importante.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je confirme que cela sera un président, mais, une fois encore, cela relève de la convention constitutive. Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Je me permets de rappeler que Michèle Berthy était jusqu’à présent vice-présidente du conseil départemental du Val-d’Oise, chargée des affaires sociales. (M. René-Paul Savary s’exclame.) C’est aux membres du conseil d’administration de décider qui assurera la présidence, me semble-t-il.
Mais soyez rassurés : dans la convention constitutive, il est bien mentionné « président ». Si celui-ci veut déléguer à sa vice-présidente ou à son vice-président en charge des affaires sociales, je ne vois pas trop où est le problème. J’y insiste, cela relève de la convention constitutive et pas de la loi, donc je demande le retrait de ces amendements.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme la présidente. Quel est finalement l’avis de la commission avec cette précision ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je suis favorable à ce que cela soit bien précisé dans la loi. Les vice-présidents changent ; les présidents restent.
Mme la présidente. M. le secrétaire d’État vous a indiqué que le texte préciserait bien que la présidence du GIP serait confiée à un président de conseil départemental. Dans ces conditions, émettez-vous un avis favorable sur ces amendements identiques, monsieur le rapporteur ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Tout à fait, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Jusqu’à présent, j’ai suivi les avis de M. le rapporteur.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dit tout à l’heure, à propos d’un amendement de Mme Cohen, qu’il était possible de remettre dans la loi des choses qui y figuraient déjà. Une disposition était déjà inscrite dans le droit, et 70 % des départements avaient répondu, mais vous étiez d’accord pour la repréciser. C’est ce que nous appelons les lois bavardes.
À notre sens, il est important de préciser que c’est le président du conseil départemental, qui pourra toujours établir une délégation à l’un de ses vice-présidents s’il le souhaite. C’est essentiel pour cette nouvelle structure, car la responsabilité portera in fine sur le président du département, même s’il a délégué à un vice-président. Il s’agit d’une reconnaissance du chef de filât des départements.
Je maintiens donc mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié bis, 77 rectifié ter, 132 rectifié bis et 417 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 359, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 40
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) L’article L. 225-7 est abrogé ;
II. – Alinéa 46
Remplacer les mots :
Il est institué
par les mots :
L’agence française pour l’adoption met en œuvre
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à attribuer à l’Agence française de l’adoption (AFA) la gestion de la base nationale recensant les demandes d’agrément pour adopter, outil qui permettra notamment de mettre en relation les départements qui le souhaitent pour trouver une famille à chaque enfant.
En effet, l’article 13 intègre l’AFA au nouveau groupement d’intérêt public et lui permet d’apporter un appui aux conseils départementaux qui le souhaitent pour l’accompagnement des candidats à l’adoption, y compris l’adoption nationale. Dès lors, la gestion directe de cette base par l’AFA apparaît nécessaire pour mener à bien cette mission.
Mon amendement a également pour objet de tirer les conséquences de la création de cette base de données, en abrogeant l’article L. 225-7 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoit que les départements transmettent au ministre chargé de la famille les décisions relatives à l’agrément en vue de l’adoption, et qui n’a donc plus lieu d’être.
En résumé, nous créons une base nationale recensant les demandes d’agrément en vue de favoriser l’adoption, et nous en confions la gestion à l’AFA au sein du GIP que nous mettons en place.
L’accompagnement des départements par l’AFA procède de l’extension de l’expérimentation lancée voilà deux ans dans vingt-cinq départements. Cette expérimentation a donné pleinement satisfaction auxdits départements, qui bénéficient désormais d’un appui déterminant. Le nouveau dispositif implique que l’on forme les professionnels de l’AFA, qui s’occupaient jusqu’à présent plutôt des adoptions internationales, et qui devront désormais être davantage aux côtés des candidats à l’adoption nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 191 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Decool, Capus et Médevielle, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Lefèvre, J.M. Arnaud et Levi et Mmes Guidez et Poncet Monge, est ainsi libellé :
Alinéa 53
Rétablir le c bis dans la rédaction suivante :
c bis) Après le 5° du même article L. 226-3-1, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° D’organiser une gouvernance territoriale renforcée, en coordination avec les services de l’État, dont le représentant de l’État dans le département, l’agence régionale de santé, le rectorat et l’autorité judiciaire, dont le président du tribunal judiciaire du ressort et le procureur de la République du même ressort. Cette gouvernance territoriale renforcée vise à améliorer la prévention et le repérage, à renforcer la continuité des parcours et de garantir l’accès aux soins, en particulier en pédopsychiatrie, des jeunes protégés, à éviter les ruptures de prise en charge et à mettre en synergie les autres politiques publiques du territoire pour répondre aux besoins fondamentaux des mineurs et des jeunes majeurs pris en charge. » ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. À notre sens, les observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE) doivent jouer un rôle d’alerte, d’impulsion et d’orientation dans le cadre de la politique publique de protection de l’enfance à l’échelon départemental.
S’il existe des disparités d’un ODPE à l’autre, en matière d’organisation et de moyens de fonctionnement, notamment, il convient malgré tout d’en renforcer le rôle, en particulier en ce qui concerne l’accès aux soins pédopsychiatriques.
Compte tenu de la composition pluri-institutionnelle et des missions dévolues aux ODPE, de leur connaissance des réalités et des besoins du territoire, il nous semble que ces observatoires sont les plus à même de coordonner la politique départementale de protection de l’enfance.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 194 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 275 est présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 303 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 53
Rétablir le c bis dans la rédaction suivante :
c bis) Après le 5° du même article L. 226-3-1, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° D’organiser une gouvernance territoriale renforcée, en coordination avec les services de l’État, dont le représentant de l’État dans le département, l’agence régionale de santé, le rectorat et l’autorité judiciaire, dont le président du tribunal judiciaire du ressort et le procureur de la République du même ressort. Cette gouvernance territoriale renforcée vise à améliorer la prévention et le repérage, à renforcer la continuité des parcours des jeunes protégés, à éviter les ruptures de prise en charge et à mettre en synergie les autres politiques publiques du territoire pour répondre aux besoins fondamentaux des mineurs et des jeunes majeurs pris en charge. » ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 194.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je souhaiterais parler une nouvelle fois du rapport que le Défenseur des droits a fait paraître en 2015 sur la politique de protection de l’enfance, lequel évoque une gouvernance émiettée, peu lisible et complexe en raison du cloisonnement des différentes politiques publiques mobilisées, chacune fonctionnant en silo.
Au regard de ce que vient de dire notre collègue Chasseing, nous proposons, pour mettre fin aux ruptures de prise en charge des enfants, de rétablir une disposition adoptée par l’Assemblée nationale, qui tend à confier aux ODPE la mission d’organiser cette gouvernance territoriale.
Mme Michelle Meunier. Mon amendement étant identique au précédent, il est défendu. Je précise qu’il a été élaboré avec l’aide de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape).
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° 303 rectifié.
M. Stéphane Artano. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission est défavorable aux quatre amendements.
D’abord, la mission de l’ODPE est d’organiser les différentes actions de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) dans le département, et non de diriger la politique de protection de l’enfance au niveau local. L’ODPE n’a pas été créé pour jouer un tel rôle.
Surtout, à l’article 13 bis du présent texte, nous allons proposer une autre forme de gouvernance territoriale qui me paraît beaucoup plus appropriée, et qui correspond davantage à la réalité des compétences exercées par le président du conseil départemental et le préfet. L’ODPE, je le répète, n’a pas été créé pour cela.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Permettez-moi de prendre quelques instants pour expliquer la position du Gouvernement sur ces quatre amendements, ce qui me permettra d’évoquer le dispositif proposé par le rapporteur pour organiser la gouvernance territoriale de la politique de protection de l’enfance dans le département.
Je vous ai longuement exposé tout à l’heure l’objectif que nous défendons à travers l’article 13, lequel prévoit une réforme de fond de la gouvernance nationale.
L’enjeu est similaire, voire plus important encore, pour ce qui concerne la gouvernance locale, car c’est bien sur le terrain, dans les départements, sur les territoires, qu’est appliquée de façon concrète la politique publique de protection de l’enfance.
Aujourd’hui, le pilotage de cette politique au niveau national est inexistant, non pas exclusivement parce que les départements ne se sentent pas impliqués, même si c’est parfois le cas, mais aussi parce que les services de l’État qui contribuent à l’accompagnement des enfants, qu’il s’agisse des services de la préfecture, de l’agence régionale de santé ou de l’éducation nationale, ne s’investissent eux-mêmes pas toujours suffisamment.
Ce problème de pilotage territorial s’explique aussi par l’absence de coopération entre les différents acteurs, qui ont un peu de mal à organiser leurs actions autour de la vie de l’enfant. C’est ce manque de coordination qui est à l’origine d’une multitude de ruptures de parcours.
Cet enjeu est fondamental, et je vais vous proposer, sans grande surprise, de faire du « en même temps ». (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Ouh là là ! Si vous pouviez faire bref…
M. René-Paul Savary. Ça commence mal !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je suis sûr que je vais finir par vous convaincre, monsieur Savary.
Je m’explique : selon moi, l’article 13 bis, que la commission a introduit dans le texte, après en avoir longuement débattu, est le dispositif qui convient parfaitement en matière de gouvernance territoriale. La commission a prévu la création d’une structure de pilotage, coprésidée par le président du conseil départemental et le préfet, afin de mieux coopérer et de mieux coordonner les actions en faveur d’un accompagnement adapté de l’enfant, chacun restant à sa place, chacun exerçant ses compétences propres et prenant ses responsabilités.
Une fois de plus, je reconnais bien volontiers que les services de l’État doivent veiller à se remobiliser pour agir efficacement sur le terrain.
La mesure proposée par le rapporteur correspond à celle que j’avais modestement en tête depuis un certain temps. La seule limite que je décèle, et sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir, même très brièvement, est que le nouveau dispositif se présente sous la forme d’une expérimentation d’une durée de cinq ans.
D’abord, le délai envisagé me semble trop long, si bien que je défendrai tout à l’heure un amendement tendant à le ramener à deux ans.
Surtout, je préférerais, pour dire la vérité, que ce pilotage territorial ne prenne pas la forme d’une expérimentation et que la nouvelle structure, ce « comité départemental pour la protection de l’enfance », qui, vous l’avez compris, duplique au niveau local la gouvernance nationale que nous sommes en train de mettre au point, puisse dès maintenant voir le jour sur l’ensemble du territoire.
Il ne faudrait pas qu’un certain nombre de départements prennent le train en marche, prennent de l’avance, pendant que d’autres prendraient du retard, ce qui accentuerait encore un peu plus les inégalités territoriales dans le pilotage de la politique de protection de l’enfance.
Si vous deviez voter en faveur du dispositif proposé par le rapporteur sous forme d’expérimentation, je m’en réjouirais.
Néanmoins, pour les départements qui décideraient de ne pas s’engager dans cette voie, pour des raisons qui leur appartiennent, il serait nécessaire, me semble-t-il, de renforcer les missions de l’ODPE, car ces départements continueraient à agir au moyen de ce seul observatoire. C’est tout le sens des mesures que les uns et les autres viennent de défendre au travers de ces quatre amendements, sur lesquels, par conséquent, j’émets un avis favorable.
Et j’y reviens, c’est la raison pour laquelle je prônais le « en même temps » : je suis à la fois favorable au dispositif prévu par le rapporteur, même si je préférerais qu’il soit immédiatement généralisé et non mis en œuvre à titre expérimental, et favorable aux amendements nos 191 rectifié, 194, 275 et 303 rectifié dans l’hypothèse où vous voteriez bel et bien en faveur de ce dispositif, ce qui serait, je le répète, déjà très bien.
Dans les départements où le dispositif proposé par la commission n’entrerait pas en vigueur, je le redis, les actions de l’ODPE doivent être soutenues pour que celui-ci puisse pleinement jouer son rôle de coordonnateur de la politique de protection de l’enfance sur le plan local.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. M. le secrétaire d’État a assez largement anticipé sur la discussion que nous ne manquerons pas d’avoir sur l’article 13 bis, au sujet de l’instauration d’un comité départemental pour la protection de l’enfance à titre expérimental.
Pour en avoir discuté avec les dirigeants de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, je pense ne pas me tromper en vous disant que ce dispositif va dans le bon sens. Cela étant, il ne faut aller ni trop vite ni trop loin tout de suite. Après tout, nous ambitionnons de changer complètement l’organisation de la politique de protection de l’enfance au niveau local.
La création d’une nouvelle structure, et ce à titre expérimental, dans certains départements, que j’espère nombreux, même s’ils n’y participeront que sur la base du volontariat, permettra de faire progresser les choses beaucoup plus rapidement.
Le système actuel repose sur les épaules du président du conseil départemental et sur la dévolution des responsabilités aux uns et aux autres. Le dispositif dont on débattra tout à l’heure se fonde plutôt sur la volonté des départements et des services de l’État de travailler ensemble, ce qui me semble important et intéressant.
Dans ces conditions, je crois qu’il est en revanche inutile de maintenir les ODPE dans les départements qui ne s’engagent pas dans la démarche que je propose.
M. Bernard Bonne, rapporteur. L’ODPE doit avant jouer son rôle d’observatoire : observer, réfléchir à ce qui pourrait s’améliorer, et proposer des solutions. Ce n’est pas à cet organisme de décider de la politique à mettre en œuvre.
Le comité départemental pour la protection de l’enfance que nous proposons d’instituer à l’article 13 bis va beaucoup loin : il permettra en même temps de mettre en place le schéma départemental de l’enfance et de statuer sur des cas individuels, dans la mesure où il sera en mesure de se réunir régulièrement.
Ceux d’entre vous qui connaissent le fonctionnement des départements savent bien que les ODPE se réunissent aujourd’hui quand ils le veulent et comme ils le veulent, et qu’ils ne sont pas décisionnaires.
Il faut vraiment faire la différence entre l’ODPE et le comité de pilotage que nous prévoyons. Une fois de plus, pour en avoir discuté avec l’ADF, je suis partisan d’une expérimentation de cinq ans, ce qui nous laissera le temps de nous faire une première idée. Si tout se passe bien, tant mieux, mais, de grâce, n’allons pas trop vite : c’est en tout cas, je le répète, le souhait de l’ADF.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Dans le cadre d’une expérimentation, il faut toujours prévoir un certain délai, monsieur le secrétaire d’État. Je le dis, parce que nous sommes un certain nombre ici à partager l’expérience de Bernard Bonne et que la structure qu’il propose bouleverse véritablement l’ensemble du système actuel.
Revenons-en aux quatre amendements en discussion commune : leur dispositif comporte une limite, qui tient à la composition de la nouvelle gouvernance territoriale.
En effet, cet ODPE renforcé serait coprésidé par le préfet de département. Ce dernier joue certes le rôle de coordonnateur d’un certain nombre de politiques fort importantes au niveau du département, mais il agit au niveau du département et de lui seul ! Or le dispositif de ces amendements prévoit une coordination de son action avec celle de l’agence régionale de santé, du rectorat, qui, eux, exercent leurs missions à un autre échelon !
Il serait préférable que l’ODPE coopère avec le délégué territorial de l’ARS, le directeur académique des services de l’éducation nationale, autrement dit les services de l’État qui exercent leurs missions à l’échelon départemental.
Même s’il est coprésidé par le préfet de département, chacun sait que ce dernier n’a pas autorité sur l’ARS – attention, tout le monde travaille en bonne intelligence, et je ne fais le procès de personne –, sauf en période de crise, ou même sur le recteur. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas ces amendements.
Derrière un tel dispositif, il faut prévoir toute une réorganisation des services de l’État, en plus d’une réorganisation au niveau du département. C’est pourquoi je préférerais que l’on suive la voie de la sagesse, qui est celle du rapporteur, et qui a recueilli l’accord de l’ADF. C’est seulement de cette manière que nous parviendrons à faire en sorte que tous les départements avancent au même rythme, même si c’est par le biais d’une expérimentation.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 194, 275 et 303 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 162, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 61, première phrase
Après le mot :
informations
insérer les mots :
, au suivi des conditions de prise en charge des mineurs en danger,
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à lutter contre la non-application, ou l’exécution beaucoup trop tardive, des ordonnances de placement provisoire (OPP), qui met en danger des enfants que l’on cherche à protéger.
Si l’article 13 confère au conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) un rôle en matière de mise en cohérence des différentes données, afin d’améliorer la connaissance des phénomènes de mise en danger des mineurs, un tel rôle ne peut être correctement rempli que si, en parallèle, des moyens lui sont accordés pour obtenir ces informations, ce qui requiert, comme nous l’envisageons, un suivi des conditions de prise en charge des mineurs.
L’adoption de cet amendement permettra de lutter contre les OPP qui ne sont pas, ou tardivement, exécutées, ainsi que contre les phénomènes de maltraitance ou de négligence. En votant notre amendement, mes chers collègues, vous permettrez au CNPE de produire des données et des informations pertinentes, en vue de formuler des avis et des recommandations et d’en faire un véritable levier d’amélioration des politiques publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement me paraît déjà satisfait, puisque les missions confiées à l’ONPE lui permettront de collecter des données sur la protection de l’enfance, d’améliorer la connaissance sur les phénomènes de mise en danger des mineurs, et de recenser les bonnes pratiques du secteur, ce qui supposera de suivre les conditions de prise en charge des mineurs protégés.
Je vous demanderai donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cette mesure nous semble aller dans le sens d’un renforcement des connaissances en matière de protection de l’enfance, même si l’on peut considérer que cette mission est déjà intégrée aux compétences de l’ONPE. Je suis donc plutôt favorable à l’amendement de Mme Poncet Monge.
Monsieur Savary, sans refaire le débat, je vous propose que nous rediscutions ensemble, à l’extérieur de cet hémicycle, de la question des systèmes d’information. Je précise également que j’ai dit tout à l’heure qu’au sein de la préfecture de département un référent sur la protection de l’enfance serait désigné : en fait, c’est ce référent qui assurera le chef de filât dans le département.
Dernier point, le terme d’observatoire est en réalité assez « piégeux ». Monsieur le rapporteur, dans certains départements comme en Côte-d’Or, où l’ODPE joue le rôle que vous voulez assigner au comité départemental, les choses fonctionnent très bien, ce qui plaide en faveur de votre solution.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je souhaite bien entendu maintenir mon amendement. J’ai oublié de préciser tout à l’heure que notre amendement s’inspirait d’une proposition formulée par Unicef France, qui, on peut le supposer, considère que cette mesure n’est pas satisfaite en l’état.
Mme la présidente. L’amendement n° 201 rectifié bis, présenté par Mme Mélot, MM. Chasseing, Malhuret, Guerriau, Menonville, Lagourgue, Wattebled, Capus et A. Marc et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Alinéa 61, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, notamment un référentiel national portant sur le rôle et la pratique du référent de l’aide sociale à l’enfance
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Conformément aux préconisations du rapport de la mission « La parole aux enfants », qui vous a été remis le 20 novembre dernier, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement vise à clarifier le rôle et à harmoniser les pratiques du référent de l’aide sociale à l’enfance, afin d’améliorer l’accompagnement des enfants confiés à l’ASE sur l’ensemble du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Comme on l’a déjà dit, on peut indéfiniment refaire la loi sur la loi.
Cet amendement me paraît déjà satisfait, car l’ONPE sera chargé d’élaborer des référentiels et de les diffuser auprès des acteurs de la protection de l’enfance.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. On peut certes considérer que ce que préconisent les auteurs de cet amendement fera partie des missions de l’ONPE.
Cependant, comme il s’agit d’une recommandation du rapport de Gautier Arnaud-Melchiorre sur la parole des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, qui a pour objet de confier au futur GIP la mission de réaliser un référentiel national portant sur le rôle et la pratique du référent de l’aide sociale en France, le Gouvernement émettra un avis plutôt favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 201 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié ter, présenté par Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Chasseing, Menonville, A. Marc, Médevielle, Lagourgue, Wattebled, Malhuret et Capus, est ainsi libellé :
Alinéa 61, troisième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi que le suivi et l’évaluation du référentiel national d’évaluation des situations de risque pour la protection de l’enfance
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement tend à préciser que l’ONPE est chargé du suivi du référentiel national pour l’évaluation de la situation des enfants en danger ou risque de danger.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, monsieur Chasseing, je sollicite le retrait de votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 32 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 440, présenté par M. Bonne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 65
Rédiger ainsi cet alinéa :
– à la seconde phrase, après le mot : « quatrième », est inséré le mot : « alinéa » et le mot : « également » est supprimé ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13, modifié.
(L’article 13 est adopté.)
Après l’article 13
Mme la présidente. L’amendement n° 277, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 147-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 147-1. – Un Conseil national, placé auprès du ministre chargé des affaires sociales, est chargé de faciliter, en liaison avec le ministère des affaires étrangères, le groupement d’intérêt public Agence française de l’adoption, les départements, la collectivité territoriale de Corse et les collectivités d’outre-mer, l’accès aux origines personnelles des pupilles de l’État et des personnes adoptées, dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Il émet des avis et formule toutes propositions utiles relatives à l’accès aux origines personnelles. Il est consulté sur les mesures législatives et réglementaires prises dans ce domaine.
« Il est composé d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés (justice, affaires étrangères, affaires sociales, santé, intérieur, outremer), d’un représentant des conseils départementaux, d’un représentant de la collectivité de Corse, de deux représentants d’associations de défense des droits des femmes, de deux représentants d’associations de familles adoptives, de deux représentants d’associations de personnes adoptées, d’un représentant d’associations de personnes dont la conception a été médicalement assistée avec don de gamètes, d’un représentant d’associations de pupilles de l’État, d’un représentant d’associations de défense du droit à la connaissance de ses origines et de deux personnalités que leurs expérience et compétence professionnelles qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein. » ;
2° L’article L. 147-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 147-2. – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles reçoit :
« 1° La demande d’accès à la connaissance des origines de la personne pupille ou ancienne pupille de l’État, ou adoptée, formulée :
« – si elle est majeure, par celle-ci ;
« – si elle est mineure et qu’elle a atteint l’âge de discernement, par celle-ci avec l’accord de ses représentants légaux ;
« – si elle est majeure et placée sous tutelle, par son tuteur ;
« – si elle est décédée, par ses descendants en ligne directe majeurs ;
« 2° La déclaration de la mère, le cas échéant, du père de naissance ou par laquelle chacun d’entre eux autorise la levée du secret de sa propre identité ;
« 3° Les déclarations d’identité formulées par les ascendants, les descendants et collatéraux privilégiés des parents de naissance des personnes adoptées ;
« 4° La demande de l’un des parents de naissance s’enquérant de leur recherche éventuelle par la personne adoptée. » ;
3° Après l’article L. 147-5, il est inséré un article L. 147-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 147-5-…. – Pour satisfaire aux demandes des personnes adoptées nées à l’étranger dont il est saisi, le conseil recueille, auprès de l’Autorité centrale pour l’adoption, de l’Agence française de l’adoption ou des organismes autorisés et habilités pour l’adoption, les renseignements qu’ils peuvent obtenir des autorités du pays d’origine de l’enfant en complément des informations reçues initialement. » ;
4° Après l’article L. 147-6, il est inséré un article L. 147-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 147-6-…. – Le conseil accompagne la personne adoptée ou pupille ou ancienne pupille de l’État, après s’être assuré qu’elle maintient sa demande, dans la recherche de ses origines personnelles éventuellement pour localiser et retrouver ses parents de naissance dont l’identité n’est pas couverte par le secret et entrer en contact avec eux, après avoir recueilli leur accord, et dans le respect de la vie privée des personnes concernées. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai écouté et j’ai voté votre amendement n° 360, qui tendait à confier au nouveau Conseil national de la protection de l’enfance la mission d’analyser les demandes émanant des personnes adoptées, notamment à l’étranger.
Le présent amendement va beaucoup plus loin que le vôtre. Cependant, j’estime que ce texte, depuis le départ, est constitué d’une succession de petits pas qui, disons-le tout de même, vont dans la bonne direction, si bien que je vais le retirer.
Évidemment, nous n’en avons pas fini et nous reparlerons peut-être tout à l’heure de la question de l’adoption, de la recherche des origines et, surtout, des réponses du Gouvernement aux demandes émanant de personnes adoptées à l’étranger.
Mme la présidente. L’amendement n° 277 est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 192 rectifié est présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Decool, Capus et Médevielle, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Lefèvre et J.M. Arnaud, Mme F. Gerbaud, M. Levi et Mmes Guidez, Poncet Monge et Perrot.
L’amendement n° 213 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Lafon, Longeot et Henno, Mme Herzog, MM. Hingray, Poadja, Le Nay et Détraigne et Mmes Saint-Pé, Férat, Billon et Létard.
L’amendement n° 276 est présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 305 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article L. 226-3-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « À cet effet, il analyse l’adéquation entre les besoins identifiés au titre de la protection de l’enfance et l’offre disponible au niveau du territoire et étudie tout moyen visant à résorber d’éventuelles listes d’attente ; »
2° Le 4° de l’article L. 312-5 est complété par les mots : « et les avis formulés par l’observatoire départemental de la protection de l’enfance ».
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 192 rectifié.
M. Daniel Chasseing. L’observatoire départemental de la protection de l’enfance doit jouer un rôle d’alerte, d’impulsion et d’orientation de la politique publique de protection de l’enfance au niveau départemental.
À cet égard, il doit être en mesure de diagnostiquer les insuffisances, et, au vu des besoins identifiés et des réponses apportées, de proposer des ajustements. Les corrections qu’il préconisera doivent permettre d’enrayer l’affaiblissement du dispositif, lorsqu’il se traduit notamment par des réponses par défaut.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray, pour présenter l’amendement n° 213 rectifié bis.
M. Jean Hingray. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 276.
Mme Michelle Meunier. Défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° 305 rectifié.
M. Stéphane Artano. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Tous ces amendements sont satisfaits par le droit en vigueur, puisque l’ODPE est déjà chargé de suivre, pour ce qui concerne la protection de l’enfance, le schéma d’organisation sociale et médico-sociale, qui recense l’offre et les besoins en la matière.
L’ODPE est également chargé de formuler des propositions et avis sur la mise en œuvre de la politique de protection de l’enfance dans le département. Il peut d’ores et déjà exercer les missions que l’on souhaite lui attribuer.
Puisqu’il est inutile d’inscrire cette disposition dans la loi, la commission demande aux auteurs de ces quatre amendements de bien vouloir les retirer, faute de quoi elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 192 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 192 rectifié est retiré.
Monsieur Hingray, l’amendement n° 213 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean Hingray. Non, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 213 rectifié bis est retiré.
Madame Meunier, l’amendement n° 276 est-il maintenu ?
Mme Michelle Meunier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 276 est retiré.
Monsieur Artano, l’amendement n° 305 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Artano. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 305 rectifié est retiré.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. J.B. Blanc et Bazin, Mme Borchio Fontimp, MM. Cadec et Lefèvre, Mme Ventalon, M. Belin, Mme Belrhiti, M. Cambon, Mme Herzog, MM. Perrin, C. Vial et Chasseing, Mme de Cidrac, MM. Capus et Bonhomme, Mme Dumont, MM. Genet, Bouchet, Longuet, Anglars, Longeot, J.M. Boyer, J.P. Vogel et Burgoa, Mme Garnier, MM. Somon, Bonnus et Brisson, Mme N. Delattre, MM. Henno, Rietmann et Levi, Mme Demas, MM. Mouiller, Tabarot, Pointereau et Savary, Mmes Noël, Bourrat et V. Boyer et M. Bouloux, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au terme d’un délai maximal d’un an à compter de la publication de la présente loi, les fonctionnaires de la fonction publique hospitalière nommés dans les fonctions de directeur des établissements mentionnés à l’article L. 315-8 du code de l’action sociale et des familles exercent ces fonctions en position de détachement dans les cadres d’emplois équivalents de la fonction publique territoriale, dans les conditions prévues par la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. En cas d’absence de cadre d’emplois équivalent, ils sont détachés sur contrat dans les conditions prévues par la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée.
Les fonctionnaires concernés conservent, s’ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur était applicable.
Dans le délai fixé au premier alinéa du présent I, les agents contractuels exerçant la fonction de directeur d’établissements mentionnée au même premier alinéa relèvent de plein droit des conseils départementaux dans les conditions d’emploi qui sont les leurs. Ils conservent, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat.
II. – L’article L. 315-8 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « nommée par le président du conseil départemental et d’un directeur nommé, après avis du président du conseil départemental, par l’autorité compétente de l’État » sont remplacés par les mots : « et d’un directeur nommé par le président du conseil départemental » ;
2° À la fin du second alinéa, les mots : « , après avis du président du conseil d’administration, par l’autorité compétente de l’État » sont remplacés par les mots : « par le président du conseil départemental ».
La parole est à M. Laurent Burgoa.
M. Laurent Burgoa. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement est important, puisqu’il a pour objet d’attribuer aux départements le choix des directeurs des établissements d’aide sociale à l’enfance.
Je soutiens la mesure proposée, mais le dispositif de l’amendement est identique à celui de l’article 40 du projet de loi 3DS, qui, après avoir été examiné au Sénat en première lecture, est en cours de discussion à l’Assemblée nationale.
Par cohérence, je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. Laurent Burgoa. Je le retire !
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Article 13 bis (nouveau)
I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, les départements volontaires instituent un comité départemental pour la protection de l’enfance, coprésidé par le président du conseil départemental et par le représentant de l’État dans le département.
II. – Le comité mentionné au I est composé de représentants :
1° Des services du département chargés de la protection de l’enfance et de la protection maternelle et infantile ;
2° Des services de l’État, dont ceux de la protection judiciaire de la jeunesse, de l’éducation nationale et de l’agence régionale de santé ;
3° Du procureur de la République et du président du tribunal judiciaire ;
4° Des organismes débiteurs des prestations familiales ;
5° Des professionnels de la protection de l’enfance et des gestionnaires des établissements et services de l’aide sociale à l’enfance.
III. – Le comité mentionné au I assure la coordination des politiques publiques mises en œuvre dans le département en matière de protection de l’enfance. Il peut décider d’engager des actions communes de prévention en faveur de la protection de l’enfance. Il se réunit au moins une fois par an.
Il peut se réunir, le cas échéant en formation restreinte, pour coordonner les actions menées pour la prise en charge d’un mineur ou d’un jeune majeur de moins de vingt et un ans, lorsqu’elle se caractérise par une particulière complexité, ou pour apporter une réponse coordonnée à un dysfonctionnement grave intervenu dans la prise en charge d’un mineur ou d’un jeune majeur de moins de vingt et un ans au titre de la protection de l’enfance.
IV. – La liste des départements concernés et les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret.
V. – Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions de son éventuelle généralisation.
Mme la présidente. L’amendement n° 278, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement tend à supprimer l’article 13 bis, l’une des mesures phares portées par la majorité sénatoriale.
Personnellement, j’y vois surtout la volonté de ne pas appliquer la loi de 2016, qui fait vraiment de l’ODPE l’organe chargé de l’animation, du contrôle et de l’alerte en matière de protection de l’enfance. Je peux vous assurer que, lorsque ce dispositif fonctionne, chacun s’y retrouve : les partenaires, les acteurs, les professionnels et les politiques.
Dès lors, je ne vois pourquoi vous proposez brusquement d’instaurer un comité départemental pour la protection de l’enfance. Je ne vois pas en quoi ce nouvel organisme, même dans la configuration que vous envisagez, à savoir une présidence partagée entre le président du conseil départemental et le représentant de l’État dans le département – je rappelle qu’ils se connaissent et travaillent déjà ensemble dans le cadre de l’ODPE –, serait plus efficace. Il s’agit en réalité d’un ersatz d’ODPE, et c’est pourquoi j’en propose la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. L’article 13 bis, qui a été introduit dans le texte par notre commission, est primordial.
Madame Meunier, l’expérience qui est la vôtre dans votre département n’est pas celle que l’on observe dans tous les départements. On ne peut que regretter le manque de communication, de collaboration, de rencontre entre les services de l’État et ceux du conseil départemental dans de nombreux départements.
Je crois qu’il est indispensable, dans l’intérêt des enfants, de faire en sorte que tous ceux qui contribuent à la politique de protection de l’enfance puissent travailler ensemble – j’allais dire : « qu’ils le veuillent ou non. »
La création d’un comité départemental pour la protection de l’enfance pour piloter cette politique au niveau local présente un intérêt majeur, celui d’obliger les acteurs à travailler ensemble, et de ne plus leur laisser le choix de collaborer ou non.
Jusqu’ici, lorsqu’un président de conseil départemental demandait aux services de l’éducation nationale de se rendre, par exemple, à une rencontre, lesdits services faisaient ce qu’ils voulaient, se faisant représenter ou pas ; c’était la même chose avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse et ceux de l’ARS.
Or, aujourd’hui, il est urgent de trouver des solutions au niveau du département pour organiser le schéma départemental de l’enfance, y coordonner la politique de protection de l’enfant, et réfléchir à d’éventuelles marges de progression.
Surtout, cette mesure permettrait de mettre en place une instance de coordination pour traiter les cas particuliers, les cas difficiles, ceux que l’on ne parvient pas à régler facilement, pas tant ceux que l’on qualifie parfois de « patates chaudes » que les cas un peu délicats, pour lesquels il faut que les personnes se rencontrent en petit comité, comme on le fait, d’une certaine manière, au niveau des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). On ne peut plus laisser certains enfants sans solution, laisser les structures « se les refiler », si je puis dire, les unes après les autres.
On en a parlé, la commission propose que le nouveau dispositif soit mis en œuvre à titre expérimental, de sorte que l’on n’aille pas trop vite ni trop loin, et que l’on puisse dresser un premier bilan dans les départements concernés.
Je suis persuadé que nombre de départements vont se saisir de cette opportunité. On a évoqué la décentralisation de la politique de protection de l’enfance ; personnellement, je parlerais d’une décentralisation dans la décentralisation : aujourd’hui, les départements se contentent souvent de sortir leur carnet de chèques, sans pour autant disposer des moyens nécessaires pour conduire une politique sérieuse en matière de protection de l’enfance.
Dans les faits, ce sont surtout les associations qui prennent en charge et s’occupent des enfants. Ce sont les juges et les associations qui, en réalité, coordonnent leurs actions pour protéger ces enfants ; quant au département, on lui demande de payer et de régler la note qu’on lui envoie, que ce soit dans le cadre des actions éducatives en milieu ouvert (AEMO) ou des mesures de placement.
Notre dispositif obligera les départements à endosser pleinement leur rôle d’animateur de la politique de protection de l’enfance. Quand ils le jouent, comme l’a dit Mme Meunier, cela se passe généralement très bien. Il permettra à certains départements d’agir plus efficacement qu’aujourd’hui.
Il est certes possible que les progrès enregistrés ne concernent que quelques départements, que la durée de l’expérimentation, qui est de cinq ans, soit trop longue, et que les bonnes pratiques se diffusent très rapidement dans l’ensemble des départements, mais, c’est tout de même la proposition que nous faisons aujourd’hui.
Cette disposition me paraît essentielle, et c’est pourquoi je m’oppose à ce qu’on la supprime : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 278.
Je partage en partie votre constat initial, monsieur le rapporteur.
Rappelons tout de même que, sauf erreur de ma part, les ODPE ont été créés par la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance. Quand j’ai été nommé, il n’y en avait pourtant qu’une quarantaine de créés, ce qui signifie que soixante départements environ ne respectaient pas la loi.
Je précise également que, pour pouvoir s’engager dans une démarche de contractualisation avec l’État dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, les départements doivent avoir mis en place un ODPE. À ce jour, près de 80 ODPE ont donc été créés, même si tous ne fonctionnent pas vraiment et que certains, il ne faut pas se mentir, sont encore des coquilles vides.
J’aurais moi aussi aimé, madame la sénatrice Meunier, que tout fonctionne parfaitement, comme dans les Côtes-d’Armor ou dans votre département, manifestement, sauf que ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Je trouve que le copilotage proposé par la commission apporte un plus. Il faut toutefois veiller à ne pas multiplier les structures ; dans cette optique, j’imagine que l’ODPE sera intégré au nouveau comité départemental…
M. Bernard Bonne, rapporteur. Bien sûr !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … et qu’on le recentrera sur son rôle d’observatoire.
Si vous le permettez, madame la présidente, je vais tâcher de nous faire gagner un peu de temps et présenter dès maintenant mon amendement n° 364.
Mme la présidente. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 364, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
cinq ans
par les mots :
deux ans
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Une expérimentation de cinq ans me paraît trop longue. Je comprends bien la nécessité de ne pas trop se presser. Je sais que l’ADF a été consultée sur cette base-là – M. le rapporteur nous le confirmera – et qu’une réforme, pour être couronnée de succès, peut réclamer du temps.
Malgré tout, je propose une expérimentation d’une durée de deux ans, car cela donne, me semble-t-il, le temps à tous les acteurs de s’organiser en ce sens. Mon amendement est un bon compromis, qui permettrait d’éviter que les bons élèves aillent de l’avant, tandis que les autres traîneraient un peu des pieds, ce qui accroîtrait encore davantage les inégalités territoriales.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Il me paraît important d’essayer cette solution, mais il faut tout de même se laisser un peu de temps. C’est une pratique différente, qui exigera en outre un partage des données.
Si, dans cette instance, on veut véritablement travailler à l’élaboration de solutions pour les enfants, il faudra partager, je le répète, un certain nombre de données. Rien que pour cela, il faudra du temps. C’est pourquoi j’ai insisté sur les problématiques liées au numérique : derrière, tout le monde doit être en mesure d’exploiter ces informations, avec une possibilité d’interprétation au plan national, ce qui nécessite, déjà, des décisions et mesures à prendre en matière de protection des données.
À mon sens, ce n’est pas une instance supplémentaire. Il s’agit de mettre en place une coordination, qui peut tout à fait prendre la forme de visioconférences à intervalles réguliers. Il n’y a pas besoin d’un trop grand formalisme, mais il faut être efficace. Si l’on y parvient, alors cela vaut le coup de réunir tout le monde autour de la table, pour aller dans le sens de la protection de l’enfant.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 323 est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 364 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
cinq ans
par les mots :
deux ans
La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 323.
M. Bernard Buis. Cet amendement s’inscrit dans une volonté de privilégier la mise en place d’outils de gouvernance pérennes et de limiter dans le temps les expérimentations.
Un délai de cinq ans d’expérimentation pourrait effectivement avoir pour conséquence, si l’utilité des comités est vérifiée durant l’expérimentation, d’empêcher le déploiement de ces outils efficaces sur tout le territoire. Or il faut s’assurer que les solutions trouvées puissent rapidement être déployées partout.
Pour cette raison, il nous semble opportun de réduire cette durée à deux ans.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Comme je l’ai indiqué précédemment, j’ai reçu les représentants de l’ADF et discuté des possibilités qui sont les leurs. Ils demandent un délai de cinq ans.
Je souhaiterais que l’on en reste à ce délai, pour avoir une ouverture, tout en revoyant avec eux, effectivement, la possibilité d’un raccourcissement. On pourrait donc prévoir un « maximum » de cinq ans, éventuellement révisable à deux ou trois ans.
Il faudra voir, surtout, le nombre de départements qui accepteront de participer à l’expérimentation. Si, demain, on en dénombre 50, on pourra décider d’aller beaucoup plus vite ; on réduira le délai à deux ou trois ans, en encourageant les autres départements à intégrer rapidement le dispositif.
En tout cas, cinq ans, c’est la demande de l’ADF. Je préfère être large et proposer cinq ans aujourd’hui, quitte à réduire ce délai ultérieurement, plutôt que l’inverse.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 323 et 364.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 195, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer le mot :
volontaires
II. – Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret.
III. – Alinéa 11
Remplacer le mot :
généralisation
par le mot :
pérennisation
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Plutôt que de discuter sur un délai de deux ou cinq ans, nous proposons, avec cet amendement, de faire de la création de ces comités une obligation, non une expérimentation.
C’est, je le rappelle, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui a proposé la création de « comités départementaux de la protection de l’enfance, chargés d’assurer l’appui et la coordination des interventions, et de reprendre les missions des ODPE ».
Le rapport précisait bien que ces comités devaient être créés dans chaque département, afin d’« organiser les relations entre les acteurs locaux » et de « faciliter la mise en œuvre de la stratégie nationale et des schémas départementaux de prévention et de protection de l’enfance ».
Dans son rapport, notre commission des affaires sociales convient elle-même que cette disposition permettrait de « mieux articuler les acteurs intervenant auprès des enfants, afin de garantir aux mineurs protégés une prise en charge coordonnée et sans rupture de parcours ».
Au regard de l’enjeu que représente la lutte contre les ruptures de parcours – je n’y reviens pas ; il y a urgence en la matière, le phénomène étant d’une ampleur inquiétante depuis de trop nombreuses années –, pourquoi ne pas avoir l’ambition de généraliser directement le dispositif ? C’est ce que nous proposons.
Je précise que cet amendement est soutenu par l’association d’entraide entre pairs dénommée Repairs!.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Comme je l’ai indiqué précédemment, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 133 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
coprésidé par le président du conseil départemental et par le représentant de l’État dans le département
par les mots :
présidé par le président du conseil départemental auquel sont associés les représentants de l’État
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à confier la présidence du comité départemental pour la protection de l’enfance au président du conseil départemental. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit un copilotage par le préfet et le président du conseil départemental.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. L’idée est tout de même d’associer totalement le préfet aux décisions. Je pense en particulier – je ne l’ai pas évoquée précédemment – à la question de l’implication du système judiciaire : si l’on veut que des juges des enfants participent à l’élaboration des schémas et aux discussions autour de la protection de l’enfance, il faut qu’ils soient présents ; or, j’ai pu le constater à plusieurs reprises, le préfet aura plus de chance de parvenir à convoquer des juges – et encore ! – que le président du conseil départemental.
La coprésidence s’impose donc, pour un bon fonctionnement et une implication totale du préfet.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Daniel Chasseing. Je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 133 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mme Borchio Fontimp, MM. Bonnus, Bouchet et Burgoa, Mme Puissat, M. Sol, Mme Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Cardoux, Laménie, Mandelli et Piednoir, Mmes Demas et de Cidrac, M. Milon, Mme Lopez, MM. Frassa, Perrin et Rietmann, Mmes M. Mercier et Belrhiti, MM. Courtial et Bonhomme, Mmes Malet, Micouleau et Schalck, MM. Saury, B. Fournier, Brisson, Lefèvre, de Nicolaÿ, Sido et J.M. Boyer, Mme Lassarade, MM. Somon et Cambon, Mmes Joseph, Bourrat et Ventalon, MM. Darnaud, C. Vial et Savary, Mmes Pluchet, F. Gerbaud et Canayer, M. Savin, Mme Gruny, M. Belin, Mme Drexler, MM. Babary, Rapin, Cadec et Tabarot, Mme Gosselin, MM. Gremillet, Meignen, Sautarel et Genet, Mmes Chauvin et Imbert, M. Charon et Mme Di Folco, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
et de la protection maternelle et infantile
par les mots :
, de la protection maternelle et infantile et du handicap
La parole est à M. Gilbert Favreau.
M. Gilbert Favreau. Cet amendement a pour objet de permettre aux représentants des services départementaux en charge du handicap de siéger dans le comité départemental pour la protection de l’enfance.
Depuis la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, et le vote au niveau national d’une politique d’inclusion, l’enfant souffrant d’un handicap dispose d’un statut particulier. Il m’apparaît très logique, dans l’organisation proposée pour ce comité, d’inclure des acteurs qui puissent émettre un avis sur les situations de handicap et la suite à donner aux dossiers qui leur sont présentés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je partage pleinement l’objectif visé par les auteurs de cet amendement, et ce d’autant plus que, on le sait, près de 20 % des jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance ont une reconnaissance par la MDPH.
En revanche, il me semble que la composition du comité départemental ne relève pas de la loi. Si l’on apportait une telle indication, il faudrait aussi préciser quels sont les autres membres du comité.
Sur le principe, j’ai évidemment envie de soutenir cette proposition, mais je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 112 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 193 rectifié est présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Decool, Capus et Médevielle, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Lefèvre et J.M. Arnaud, Mme F. Gerbaud, M. Levi et Mmes Guidez et Poncet Monge.
L’amendement n° 214 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Lafon, Longeot et Henno, Mme Herzog, MM. Hingray, Poadja, Le Nay, Détraigne et Delcros et Mmes Billon et Létard.
L’amendement n° 308 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
et des gestionnaires des établissements et services de l’aide sociale à l’enfance
par les mots :
et des associations gestionnaires des établissements et services de protection de l’enfance
L’amendement n° 112 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 193 rectifié.
M. Daniel Chasseing. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 214 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Cet amendement, présenté sur l’initiative de Claude Kern, et identique au précédent, est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° 308 rectifié.
M. Stéphane Artano. Également défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il ne semble pas nécessaire de préciser que les gestionnaires d’établissements qui siégeront au comité départemental représentent des associations.
D’une part, la formulation actuelle suffit pour que les associations gestionnaires soient représentées ; d’autre part, l’amendement exclurait les gestionnaires d’établissements n’ayant pas le statut d’association.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Daniel Chasseing. Je retire mon amendement.
Mme Annick Billon. Je retire le mien également.
M. Stéphane Artano. Moi aussi.
Mme la présidente. Les amendements nos 193 rectifié, 214 rectifié bis et 308 rectifié sont retirés.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 173 est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 196 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 384 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Des associations départementales des personnes accueillies en protection de l’enfance.
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 173.
M. Xavier Iacovelli. Par cet amendement, nous souhaitons que les associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance, les Adepape, soient intégrées au comité créé dans le cadre de l’expérimentation. Il est essentiel qu’elles le soient, dans la mesure où elles remplissent une mission d’aide aux jeunes admis à l’aide sociale à l’enfance. Leur expérience et leur expertise s’avéreront indispensables pour garantir la pertinence de ces nouveaux comités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 196.
Mme Raymonde Poncet Monge. La liste des représentants au sein des comités départementaux pour la protection de l’enfance nous semble effectivement lacunaire, en regard, d’ailleurs, de la composition du Conseil national de la protection de l’enfance, que ce projet de loi institue.
Comment comprendre, en effet, que les associations représentant les personnes concernées ou anciennement placées fassent partie du Conseil national de la protection de l’enfance, mais soient écartées de sa déclinaison départementale ?
La présence de ces associations serait pertinente du fait de leur connaissance directe des conditions d’accueil et de leur activité auprès des personnes admises ou ayant été admises dans un service de l’ASE.
Il est difficile d’imaginer une politique publique sans celles et ceux qui ont vécu et vivent encore ses effets. C’est le principe même de la démocratie, défini par Rousseau dans le chapitre VI du livre II du Contrat social par la formule : « Le Peuple soumis aux lois en doit être l’auteur. » Il en va ainsi du principe d’autonomie, selon lequel ceux qui subissent la loi et les politiques publiques, ceux qui sont directement concernés par elles doivent être les premiers organisateurs de ces politiques.
Ce que nous proposons avec cet amendement – et l’amendement n° 197 qui sera examiné en suivant – relève de l’essence même de la démocratie, en permettant aux associations des enfants placés de siéger dans les comités départementaux.
Le but est d’améliorer encore les conditions d’accueil et d’accompagnement social de ces enfants.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 384.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Dans la lignée des amendements précédents, nous souhaitons que les associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance puissent participer à l’expérimentation d’un comité départemental pour la protection de l’enfance.
En effet, ces associations jouent un rôle indispensable dans la représentation des usagers que sont les jeunes de l’ASE.
Au même titre que les services de l’État, de la protection judiciaire de la jeunesse, de l’éducation nationale, de l’agence régionale de santé, des organismes débiteurs des prestations familiales, des professionnels de la protection de l’enfance et des gestionnaires d’établissements, elles doivent figurer dans la composition du comité départemental, pour garantir la bonne représentation des publics concernés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Si l’on parle bien de la représentation des anciens enfants accueillis à l’aide sociale à l’enfance, leurs associations, les Adepape, participent déjà aux ODPE. Ce n’est pas la peine de les ajouter. Ils y sont déjà !
En revanche, si l’on parle de la représentation des enfants actuellement accueillis, celle-ci n’est absolument pas envisageable, car des informations sensibles seront échangées au sein des comités départementaux.
Ces amendements étant satisfaits, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Dès lors que l’article 13 bis dresse la liste d’un certain nombre de personnes, associations ou institutions représentées au sein du comité départemental, pourquoi ne pas y inclure les Adepape, qui sont mentionnées au code de l’action sociale et des familles ?
En dépit de leur nom, celles-ci regroupent d’anciens enfants protégés, et non des enfants qui le sont actuellement – s’agissant d’eux, je partage tout à fait la position du rapporteur.
Le Gouvernement soutient donc l’intégration explicite des Adepape dans la composition du comité départemental, comme vous venez de le faire, mesdames, messieurs les sénateurs, pour les personnes qualifiées sur la question du handicap.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 173, 196 et 384.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 197, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° De personnes bénéficiant ou ayant bénéficié d’un placement en application de l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles ou d’une mesure d’assistance éducative en application du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil. Les modalités de désignation des membres assurent une représentation juste et proportionnée des spécificités d’accueil, d’hébergement et de mesures éducatives des enfants par le service d’aide sociale à l’enfance dans le département.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’apporterai simplement quelques précisions, ayant déjà abordé le sujet. Il s’agit ici de recueillir, au sein des comités départementaux pour la protection de l’enfance, l’avis et les conseils des anciens enfants placés.
Cela permettrait d’améliorer la pertinence de ces comités, et contribuerait à la libération de la parole de l’enfant et à l’amélioration des politiques publiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 415 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° De personnes ayant bénéficié d’un placement en application de l’article L. 221-1 ou d’une mesure d’assistance éducative en application du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil.
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Notre commission a décidé de créer à titre expérimental un comité départemental pour la protection de l’enfance, qui réunira évidemment tous les acteurs locaux œuvrant dans ce champ : le département, l’État, l’autorité judiciaire, les professionnels de la protection de l’enfance et la caisse d’allocations familiales.
Nous proposons également que ce comité comprenne des personnes ayant fait partie du système de protection de l’enfance. Il nous semble effectivement important de recueillir l’avis et les conseils des personnes ayant été placées ou ayant fait l’objet de mesures d’assistance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Selon des modalités différentes, ces deux amendements en discussion commune visent à permettre la participation au comité départemental pour la protection de l’enfance des personnes bénéficiant ou ayant bénéficié d’un placement.
Comme je l’ai indiqué précédemment, le comité se veut opérationnel, en réunissant des professionnels qui pourront, notamment, partager des informations couvertes par le secret professionnel. Il ne me paraît pas opportun de procéder à cet ajout, même si la consultation et l’association de ces personnes pourraient être très utiles, notamment par le biais des ODPE.
L’avis est défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il est également défavorable.
Pour autant, s’agissant de l’amendement n° 197, qui tend à inclure la participation d’enfants actuellement confiés à l’ASE, nous avons prévu dans le projet de loi, pour la gouvernance nationale, que le Conseil national de la protection de l’enfance comprenne un conseil des enfants et des jeunes protégés – il faudra d’ailleurs veiller à ce que celui-ci ne fasse pas doublon avec celui qui siège auprès du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, le HCFEA. Peut-être aurions-nous pu envisager la création d’un tel conseil des enfants et des jeunes protégés au niveau territorial…
Un certain nombre de départements l’ont déjà mis en place, parfois en profitant de la contractualisation pour le faire. Je pense notamment à l’Allier, qui, via la contractualisation et les financements de l’État, a même pu financer un équivalent temps plein pour réunir et animer ce conseil.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 111 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 306 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 111 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° 306 rectifié.
M. Stéphane Artano. Nous disposons déjà d’un observatoire. Des acteurs, des collectivités, l’État sont à l’œuvre. Il faut rationaliser autant que faire se peut ! Nous ne croyons pas qu’une nouvelle instance de coordination des politiques publiques soit utile. À nos yeux, elle sera simplement source de complexification, là où nous recherchons l’efficacité.
D’où cet amendement visant à supprimer l’alinéa 8.
Mme la présidente. L’amendement n° 174, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 8, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il présente, en lien avec les observatoires départementaux de protection de l’enfance s’ils sont établis sur le territoire, un bilan annuel sur la situation de la protection de l’enfance dans le département et le rend public.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Le présent amendement vise à prévoir que les comités départementaux mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation puissent, en lien avec les ODPE, établir un bilan annuel sur la situation de la protection de l’enfance dans le territoire.
Ces informations permettront d’améliorer la politique de protection de l’enfance sur l’ensemble du pays, par des analyses pointues, des vérifications qualitatives et des comparaisons chiffrées.
Nous proposons que ce bilan soit réalisé en lien avec les ODPE, afin d’intégrer les structures déjà existantes pour mieux renforcer leur implantation locale et assurer leur pertinence.
Mme la présidente. L’amendement n° 198, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 8, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il présente un bilan annuel sur la situation de la protection de l’enfance dans le département et le rend public.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’ai quelques craintes concernant cet amendement, puisqu’il y est question de rapport…
Néanmoins, nous avons constaté à plusieurs reprises dans cette discussion le manque de données consolidées au niveau national sur la protection de l’enfance. La conséquence, et c’est tout de même assez grave, est que nous ne disposons pas d’un état des lieux satisfaisant, permettant d’orienter correctement les politiques publiques.
La production de données au niveau départemental pourrait répondre à ce besoin, tout en étant particulièrement pertinente pour la compréhension fine du fonctionnement des dispositifs locaux de protection de l’enfance.
Une vue d’ensemble, complète, des données des comités départementaux, de nature à apporter une vision plus précise sur les disparités – notamment de prise en charge –, qui demeurent importantes, contribuerait à l’harmonisation de ces politiques publiques décentralisées sur le territoire national, tout en diffusant de fait les bonnes pratiques.
Notre amendement a donc pour objet de compléter les missions des comités départementaux pour pallier le déficit de données, permettre leur consolidation à l’échelle nationale et contribuer, ainsi, à améliorer la politique de protection de l’enfance sur l’ensemble du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. L’amendement n° 306 rectifié vise à supprimer la mission attribuée au comité départemental de coordination des politiques publiques du département en matière de protection de l’enfance. Or c’est la raison d’être de cette instance. Cette suppression viderait le dispositif de sa substance. L’avis est donc défavorable.
Par ailleurs, selon des modalités variables, les auteurs des amendements nos 174 et 198 proposent que le comité présente un bilan annuel sur la situation de la protection de l’enfance dans le département.
Ce comité doit être un organe de coordination opérationnelle, mais il n’a pas vocation à rédiger des rapports ou à faire des évaluations. C’est le travail de l’ODPE, qui est très utile et complémentaire. Le comité pourra d’ailleurs s’appuyer sur ces travaux d’expertise.
Je rappelle à l’attention de Mme Poncet Monge que le futur groupement d’intérêt public prévu à l’article 13 aura pour vocation, justement, de recueillir toutes les données départementales pour essayer d’établir une sorte de…
M. Xavier Iacovelli. … rapport !
M. Bernard Bonne, rapporteur. Voilà ! Il s’agira d’établir un rapport ou un bilan sur la protection de l’enfance et de voir quelles améliorations on peut apporter ou comment l’on peut se servir des bonnes pratiques d’un département ou d’un autre.
Par conséquent, l’avis est défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il est défavorable sur l’amendement n° 306 rectifié et favorable sur les amendements nos 174 et 198, même s’ils sont, je pense, satisfaits.
Mme la présidente. L’amendement n° 320, présenté par M. Iacovelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il peut élaborer un projet territorial de la protection de l’enfance, dont l’objet est l’amélioration de la mise en œuvre des politiques de protection de l’enfance telle que prévue par l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles afin de permettre l’association de ces acteurs ainsi que des professionnels intervenant dans les domaines de la santé, de la prévention, du logement, de l’hébergement et de l’insertion.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement s’inscrit dans la continuité du rapport de la Défenseure des droits publié en 2021. Dans ce rapport, il est constaté que « le travail partenarial entre les services de l’ASE et le secteur sanitaire (services de pédopsychiatrie, ARS) fait trop souvent défaut ».
Nous proposons donc la création d’un projet territorial de la protection de l’enfance dans les départements volontaires pour participer à l’expérimentation. En matière de santé mentale, les projets territoriaux ont prouvé leur utilité et leur efficacité dans les territoires qui les ont mis en place. Il semble donc pertinent de doter la protection de l’enfance d’un tel outil.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Le comité chargé de coordonner les politiques et mettre en œuvre des actions communes, notamment en matière de prévention, pourra déjà formaliser ces actions dans un tel projet, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi.
Il conviendrait en outre de ne pas créer trop de redondances avec les schémas départementaux existants. Notons d’ailleurs que des départements élaborent déjà des schémas départementaux de protection de l’enfance, alors même que rien n’est explicitement prévu par la loi.
Cette précision n’est donc peut-être pas nécessaire. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je partage la position du rapporteur et demande le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13 bis, modifié.
(L’article 13 bis est adopté.)
Après l’article 13 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 200, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 13 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l’article L. 224-11 du code de l’action sociale et des familles est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Les associations de pair-aidance en protection de l’enfance ont vocation à représenter et accompagner les personnes confiées ou ayant été confiées aux services de la protection de l’enfance. Leurs actions de pair-aidance participent à l’effort d’insertion sociale des personnes accueillies en protection de l’enfance. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement a pour objet d’actualiser la dénomination des associations qui interviennent, depuis des années, en faveur des mineurs et jeunes confiés ou accueillis à l’aide sociale à l’enfance.
En ce sens, il tend à modifier l’article L. 224-11 du code de l’action sociale et des familles, en favorisant de plus la pluralité des associations au sein d’un même département.
En effet, nous nous trouvons actuellement dans une situation un peu absurde : certains départements comptent plusieurs associations, quand le droit n’en reconnaît qu’une seule par département, sans avancer aucune justification à ce blocage – peut-être va-t-on nous en donner une, mais pour l’instant il n’y en a pas…
Nous proposons donc de remédier à cette absence de reconnaissance de la pluralité et de la diversité des associations, en espérant favoriser, d’ailleurs, l’émergence de nouvelles structures.
Pour la dénomination, l’amendement vise à reconnaître la pratique de « pair-aidance », déjà bien établie dans le secteur médico-social. L’usage de ce terme, en lieu et place d’« entraide », permettrait de mieux définir l’action de ces associations dans le champ large de l’intervention sociale.
Ce n’est pas très difficile à faire, pas plus que de substituer « accueil » à « placement ». Aujourd’hui, grâce aux outils informatiques, il suffit d’activer une commande recherche et remplace ; c’est rapide.
Cette modification sémantique, comme toutes celles qui ont été citées ou défendues, sera utile pour encadrer, légitimer et reconnaître l’action sociale de ces associations, dont l’existence est salutaire dans le paysage de la protection de l’enfance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il est déjà proposé, dans le cadre de la proposition de loi visant à réformer l’adoption, de modifier ces dispositions. Il y aurait donc un risque à proposer, dans deux textes en cours de discussion, des modifications différentes affectant une même mesure.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 321 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 13 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° du même article L. 226-3-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’instituer en son sein un conseil départemental des enfants et des jeunes confiés à la protection de l’enfance composé de représentants des enfants et des jeunes confiés en protection de l’enfance, membres d’un conseil de la vie sociale. Ce conseil est amené à s’exprimer sur les sujets d’intérêt des enfants et jeunes confiés en protection de l’enfance et à rendre un avis dans le cadre de l’élaboration et l’exécution du schéma départemental de protection. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. M. le secrétaire d’État l’a évoqué au début de l’examen de l’article 13 bis, le département de la Gironde, notamment grâce à sa regrettée vice-présidente Emmanuelle Ajon, s’est doté d’un conseil des jeunes de la protection de l’enfance, afin d’évaluer et d’améliorer régulièrement les dispositifs en cours dans le secteur.
Celui-ci rencontre un véritable succès, et les nombreuses observations réalisées lors de la première mandature démontrent l’utilité de ces structures. Elles donnent un espace aux jeunes pour échanger, pour s’exprimer, pour agir, mais elles permettent aussi aux départements de se nourrir des retours des usagers que sont les enfants placés.
C’est pourquoi nous proposons d’inscrire parmi les missions des ODPE la mise en place d’un conseil des enfants et des jeunes confiés à la protection de l’enfance. Cela offrira à ces jeunes un espace dédié et leur permettra d’être acteurs des politiques publiques les concernant en premier lieu.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 199 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 385 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 13 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, les départements volontaires instaurent un conseil départemental des enfants et des jeunes confiés à la protection de l’enfance, placé auprès de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance.
II. – Le conseil mentionné au I est composé de représentants des enfants et des jeunes confiés en protection de l’enfance, membres d’un conseil de la vie sociale.
III. – Le conseil mentionné au I est amené à s’exprimer sur les sujets qui intéressent les enfants et les jeunes confiés en protection de l’enfance. En outre, il est amené à rendre un avis dans le cadre de l’élaboration et l’exécution du schéma départemental de protection.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 199.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement a le même objet. Pour faciliter le recueil de la parole des enfants placés, le département de la Gironde a mis en place un conseil départemental des jeunes de la protection de l’enfance, qui réunit cent jeunes sélectionnés de 8 à 27 ans, tous issus ou ayant bénéficié de l’aide sociale à l’enfance, l’objectif étant de faire remonter leurs attentes, interrogations et propositions sur leurs droits et leurs besoins.
Avec un objectif similaire – vous en avez parlé, monsieur le secrétaire d’État –, le Haut Conseil aux enfants placés de l’Allier réunit régulièrement des jeunes placés ou anciennement placés pour évaluer et améliorer sa politique en s’appuyant sur la parole des premiers concernés.
Ces initiatives et expérimentations, qui se sont montrées concluantes, doivent être encouragées pour être généralisées. Leur contribution à la conception et à la mise en œuvre d’une politique publique pertinente et démocratique est essentielle.
Il s’agit donc d’encourager la généralisation de ces conseils selon des formes propres retenues par chaque département.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 385.
Mme Laurence Cohen. Quand une expérience fonctionne dans des départements, il me semble intéressant qu’elle soit partagée dans cet hémicycle et que l’on s’en serve pour la généraliser. C’est tout à fait positif.
Je complète les propos de mes deux collègues en précisant que le conseil départemental des jeunes de la protection de l’enfance de Gironde a formulé quatorze observations au cours de la première mandature. Je citerai celle qui fait état de la frustration qu’ils éprouvent au regard du manque de liberté lié à leur placement, de la pénibilité de devoir raconter trop fréquemment leur parcours à chaque nouvel intervenant. Cela pose donc en creux la question de la transmission des informations les concernant entre les professionnels, ce qui me semble intéressant et important. Par ailleurs, ils ont dénoncé une forme de préjugés face aux enfants de l’ASE.
On le voit, il s’agit d’une parole précieuse. Il serait donc bon de se servir de cette expérience pour la généraliser à l’ensemble des départements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il ne me paraît pas nécessaire de créer un conseil départemental des enfants de la protection de l’enfance, dans la mesure où nous prévoyons déjà que le CNPE comprendra un collège des enfants et des jeunes sortant de l’ASE.
Plutôt que de créer une structure supplémentaire à côté de celles qui existent déjà, il me semble préférable d’associer, en lien avec les professionnels, les enfants et les associations d’anciens enfants protégés dans les structures de gouvernance actuelles : le nouveau GIP le prévoit et la gouvernance territoriale que nous proposons pourra également le faire.
Par ailleurs, je ne sais pas si vous mesurez combien il est déjà difficile de créer des conseils municipaux d’enfants, après les conseils départementaux d’enfants. Comment imposer en plus l’obligation de créer un conseil départemental des enfants protégés ? Certains départements n’y arriveront jamais !
Dans mon département de la Loire, qui n’est pas un département de la couronne parisienne, je vous assure que, si l’on doit prévoir des cars ou des voitures pour transporter les enfants régulièrement – car cela n’a de sens que si on les réunit régulièrement et pas tous les trois ans –, c’est d’une complexité énorme ! Vous ne mesurez pas les responsabilités de ceux qui auront à assurer leur transport et la façon dont on devra le faire. (M. Xavier Iacovelli s’exclame.)
Mme Laurence Cohen. Alors on ne fait rien !
M. Bernard Bonne, rapporteur. Non, on ne fait pas rien !
On peut associer les enfants protégés et, dans le cadre de l’ODPE, solliciter des anciens et les associations d’anciens enfants.
On voit que vous n’avez pas géré des départements ruraux : faire faire des trajets, qui plus est à des enfants, et les faire participer valablement à certaines opérations est très difficile.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Depuis ma nomination, j’ai à cœur que soit mieux prise en compte la parole des enfants, pas uniquement celle des anciens enfants protégés, mais aussi celle des enfants qui sont actuellement confiés. C’est d’ailleurs l’un des objectifs fondamentaux de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, puisque c’est l’engagement 3.
Dans ce cadre, un certain nombre de départements se sont emparés de cette opportunité et des financements qui allaient avec pour mettre en place et animer les conseils des enfants confiés.
C’est aussi ce qui m’a poussé à confier à Gautier Arnaud-Melchiorre la mission « À (h)auteur d’enfants ». Il est allé à la rencontre de 1 500 enfants actuellement pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, qui, un peu dans la lignée de ce que vous avez évoqué, madame Cohen, lui ont révélé ces petites choses du quotidien que nous, tout experts que nous sommes, malgré l’expérience que certains ont pu avoir par le passé, ne décelons pas forcément ou auxquelles nous n’accordons pas forcément l’importance que les enfants eux-mêmes leur accordent dans leur quotidien.
C’est pourquoi je suis pour ma part favorable à ces initiatives qui visent à systématiser la création de ces conseils. Certes, j’entends que cela peut soulever des difficultés, mais il existe aujourd’hui des moyens modernes de communiquer et de se réunir. Avec de la volonté et parfois un peu de moyens – la contractualisation sert d’ailleurs à cela –, il est possible de mettre en place ces conseils.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait des amendements identiques nos 199 et 385, qui visent l’instauration d’un conseil départemental des enfants et des jeunes confiés à la protection de l’enfance à titre expérimental, au profit de l’amendement n° 321 rectifié bis, qui ne tend pas à lui conférer ce caractère expérimental.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Avant que ces amendements ne soient mis aux voix, je rappelle que l’adoption de l’amendement n° 321 rectifié bis entraînera, une fois la loi promulguée, l’obligation pour tous les départements de mettre en place un tel conseil.
Ne serait-il pas plus opportun d’inciter fortement les départements, d’une manière ou d’une autre, à le mettre en place, mais sans obligation ? Comment voulez-vous que certains départements le fassent tout de suite ? Je plains certains présidents de département…
Le risque, c’est que soit mise en place une instance qui ne servira à rien et qui n’aura pas d’intérêt, parce qu’il sera très difficile de réunir les enfants dans des conditions acceptables et régulières.
En revanche, inciter tous ceux qui peuvent et qui veulent le faire est une très bonne idée : ils peuvent déjà le faire aujourd’hui. A-t-on pour autant besoin de l’inscrire dans la loi et d’en faire une obligation ?
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Essayons de ne pas nous noyer dans un verre d’eau !
On a pris tout à l’heure l’exemple de la Gironde, qui n’est pas un petit département dans lequel on ne trouverait que des zones urbaines ; c’est même tout le contraire ! Pourtant, elle a réussi à mener à bien cette expérimentation qui fonctionne de façon très satisfaisante et qui permet, comme l’a rappelé le secrétaire d’État, la libération de la parole. Ce qui importe, c’est de permettre aux enfants qui sont actuellement sous la protection des départements dans le cadre de l’ASE d’échanger et de donner leur avis sur les conditions de placement et sur les différents hébergements mis à leur disposition.
Cela ne coûte rien au département, sinon peut-être le déplacement, une fois tous les six mois pour se rendre au siège du département. On peut sans doute recourir à des visioconférences. Le seul aspect positif de cette crise sanitaire, c’est bien le développement de ce nouvel outil, y compris pour les conseils municipaux. Ce qui est possible pour un conseil municipal doit pouvoir l’être pour un conseil des enfants, qui permettrait de libérer la parole.
En outre, cela permettrait aux départements de se nourrir des retours des enfants et d’améliorer leurs conditions d’hébergement.
Je le répète, mes chers collègues : cela ne coûte rien aux départements et favorise la libération de la parole. Réfléchissez avant de voter contre cet amendement !
Mme la présidente. Je vous confirme que la Gironde est bien le plus grand département de France, géographiquement parlant. (Sourires.)
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous allons donc essayer de réfléchir – une fois n’est pas coutume… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un tel conseil existe déjà en Gironde, dites-vous. C’est bien la preuve que la loi n’est pas nécessaire ! Le GIP qui sera créé à l’échelon national pourra inciter au développement de ces bonnes pratiques : la Gironde remontera les effets bénéfiques de ce dispositif pour les partager avec l’ensemble des départements. Une telle coordination est tout à fait importante.
Par ailleurs, il faut faire confiance aux territoires. Un peu de liberté ! Celui qui veut avancer dans ce domaine peut le faire, rien ne l’en empêche.
Arrêtons d’imposer des obligations !
M. Xavier Iacovelli. Le problème, c’est que personne ne le fait !
M. René-Paul Savary. Tout ce que nous avons déjà prévu sera déjà compliqué à mettre en place. Alors, sur ces questions, laissons aux départements leur liberté de manœuvre.
M. Xavier Iacovelli. On a vu ce que cela a donné !
M. René-Paul Savary. L’idée est intéressante, mais faisons confiance aux départements pour s’en emparer. S’il y a une valeur ajoutée, ils s’en empareront !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Même s’il s’agit d’une bonne idée, je rejoins le rapporteur Bernard Bonne : il me semble préférable d’inciter les départements.
Par ailleurs, pourquoi créer un conseil départemental rassemblant uniquement les enfants confiés ? Il faudrait impliquer tous les enfants : le conseil départemental des enfants délibérerait alors aussi avec les enfants confiés. Intéresser les enfants à la gestion des départements et au social me semble une bonne idée, d’autant que le vote est très faible chez les jeunes. De ce point de vue, une telle initiative me paraît aussi aller dans le bon sens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Les conseils départementaux de jeunes existent déjà, même dans des départements ruraux, qui n’ont aucun mal à les faire venir et à les réunir de temps en temps à l’hôtel du département. Après la Gironde, à quelques mètres carrés près, viennent les Landes (Sourires.) et ce département sait aussi ce que sont les grandes étendues.
À mon sens, nous avons beaucoup plus d’obligations envers les enfants placés sous l’égide du président du conseil départemental qu’envers les autres.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
Mme Monique Lubin. Monsieur le rapporteur, avec tout le respect que je vous dois, je trouve que les raisons que vous avez avancées sont mauvaises. Nous devons au contraire en faire plus à l’égard de ces enfants et cette structure permettrait précisément à ces derniers d’échanger et d’indiquer à leurs parents de tutelle ce qui leur convient ou ce qui ne leur convient pas.
C’est donc, cher collègue René-Paul Savary, une excellente initiative. Vous soutenez qu’il faut laisser aux départements la liberté de se saisir de cette opportunité ; malheureusement, on sait ce qu’un certain nombre d’entre eux ont fait – ou, plutôt, n’ont pas fait – en matière de protection de l’enfance.
C’est pourquoi, de temps en temps, une petite obligation légale ne nuit pas au bien commun.
Mme Laurence Cohen. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je rappelle que nous sommes en train d’examiner un projet de loi sur la protection de l’enfance. C’est tout de même de cela qu’il s’agit !
Il faudrait faire confiance aux départements, disent certains. Bien sûr ! Il faudrait ne pas créer trop d’obligations… Mes chers collègues, nous faisons la loi ; or la loi, c’est la règle, c’est-à-dire des obligations. On partage des expériences qui sont importantes pour les enfants, pour se mettre à leur niveau, car la libération de la parole est fondamentale pour ces enfants qui ont une vie cabossée.
Les arguments avancés pour contester nos amendements ne m’ont pas convaincue : ce sont à mon sens de faux arguments.
S’il le veut, un département, quelle que soit sa couleur politique, peut mettre en œuvre de nouveaux dispositifs. C’est une question de volonté politique.
Nous parlons là de protection de l’enfant et je trouve que l’on s’en éloigne de plus en plus. D’ailleurs, les arguments avancés par le rapporteur, qui fait normalement preuve d’écoute et d’humanité, ne sont pas à la hauteur de ce que nous nous proposons pour faire entendre la voix des enfants. (Mme Michelle Meunier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il faut changer de regard et envisager cela non pas comme une contrainte, mais comme une chance.
Il n’est qu’à s’appuyer sur les exemples mentionnés par Laurence Cohen : ces microvérités qui seront révélées à l’occasion de ces conseils aideront forcément les départements dans leur politique. C’est véritablement un atout, une ressource.
Savoir qu’un enfant se plaint de devoir répéter son histoire à chaque fois qu’un nouveau travailleur social arrive ou qu’un nouveau juge est nommé, puisque cela survient tous les deux ans, nous aurait permis de comprendre l’utilité d’un avocat présent de façon pérenne, qui l’accompagne tout au long de sa vie.
Ces micro-vérités ont des « macro-conséquences » pour la politique territoriale et pour la politique nationale.
La contrainte doit donc être largement relativisée, surtout après le confinement qui nous a donné de nouveaux outils. Cette obligation que l’on se donne aujourd’hui sera, demain, considérée comme positive, même par ceux pour qui la loi aura été une contrainte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. C’est évidemment une merveilleuse idée.
Ces dernières années, le principe de la consultation des usagers concernés par des politiques publiques s’est développé dans de nombreuses instances. Ainsi, certains départements ont consulté les bénéficiaires du RSA pour mettre en place la politique d’insertion sociale et professionnelle, ou, dans le secteur de la santé, les familles de malades pour mieux appréhender l’accompagnement des personnes notamment atteintes de maladie grave.
Pour autant, a-t-on inscrit dans la loi que chaque commune devait instituer un conseil municipal de cette nature ? Une telle démarche est restée à l’initiative des élus et je pense que cela doit demeurer ainsi.
C’est une chance, en effet. Ceux qui s’emparent de cette idée ont la chance de connaître la parole de ceux qui sont concernés et de la mettre en résonance avec la politique choisie. Il ne me semble donc pas nécessaire d’inscrire cette obligation dans la loi.
Enfin, instaurer un conseil municipal d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance me paraît stigmatisant, alors que ces enfants ont au contraire besoin d’être parmi d’autres enfants, notamment pour que les uns puissent faire connaître aux autres ce qu’ils vivent. Ce partage de vie d’enfants ou d’adolescents est intéressant s’il va dans les deux sens.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ces amendements.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Suivant régulièrement les débats dans cette assemblée, j’ai entendu, tout au long de la discussion du projet de loi 3DS, les propos suivants : « Cela suffit ! », « Le Gouvernement ne peut pas tout imposer. », « Il faut faire confiance aux élus locaux. » – qui, a priori, ne sont pas des monstres ! –, « Il faut faire confiance aux collectivités. », « Il faut un peu de décentralisation. », etc. Ces demandes ont été exprimées sur toutes les travées.
Depuis hier, j’écoute avec beaucoup d’attention les débats et je ne comprends pas.
Monsieur le secrétaire d’État, reconnaissez que, depuis le début – M. le rapporteur s’est exprimé à ce propos –, ce texte encadre et impose beaucoup. Je suis d’accord avec Xavier Iacovelli et Laurence Cohen sur la volonté et la nécessité : il existe évidemment des mesures pour lesquelles un encadrement est nécessaire, mais ne l’étendons pas à l’ensemble d’entre elles ! Ou alors, nommez les maires, nommez les présidents de conseil départemental, nommez les présidents de conseil régional ! (M. Xavier Iacovelli s’exclame.)
Si, dans cette enceinte, qui est l’assemblée des territoires, nous voulons faire confiance aux territoires et aux élus locaux, accordons-leur un peu de souplesse, un peu de reconnaissance, laissons s’exprimer leur volontarisme et laissons-les prendre des initiatives.
N’oublions jamais que nous sommes des élus et que les élections existent. Si ces élus déméritent parce qu’ils n’auront pas fait le job en matière de protection de l’enfance, les électeurs en tireront les conséquences qu’ils souhaitent.
MM. Laurent Burgoa et René-Paul Savary. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 321 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 199 et 385.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
TITRE VI
MIEUX PROTÉGER LES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS
Avant l’article 14
Mme la présidente. L’amendement n° 420 rectifié bis, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Roux, est ainsi libellé :
Avant l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 377 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les parents ne résident pas sur le sol français, l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale est présumée. »
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Cet amendement, issu d’une proposition de loi déposée par notre ancienne collègue Josiane Costes, vise à mieux protéger les adolescents arrivés sur notre sol au terme d’un parcours dangereux, qui se trouvent fragilisés par cette expérience et par l’absence de protection et de prise en charge par un adulte digne de confiance.
Il s’agit de faciliter cette prise en charge par les services de l’enfance en instaurant une présomption d’impossibilité d’exercer l’autorité parentale pour leurs parents résidant à l’étranger.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement vise à créer une présomption de l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale. Il a pour objet de faciliter la délégation d’autorité parentale aux services de l’ASE dans le cas d’un mineur non accompagné. Toutefois, pour ce faire, il tend à modifier l’article 377 du code civil, qui s’applique à tous les enfants et ne spécifie pas dans son dispositif qu’il ne s’appliquerait qu’aux MNA.
L’adoption de cet amendement créerait donc une présomption de l’impossibilité d’exercer l’autorité parentale pour tous les parents se trouvant à l’étranger et ayant un enfant en France. Elle serait donc risquée, y compris pour les parents français vivant à l’étranger, qui devraient, si ce n’est perdre l’exercice de l’autorité parentale, du moins renverser la présomption.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 420 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 14
(Non modifié)
L’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « mineurs », sont insérés les mots : « et de majeurs de moins de vingt et un ans » ;
b) Après le mot : « famille », sont insérés les mots : « et pris en charge par l’aide sociale à l’enfance » ;
2° La deuxième phrase est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « mineurs », sont insérés les mots : « et de ces majeurs » ;
b) Après le mot : « démographiques », il est inséré le mot : « , socio-économiques » ;
3° À la dernière phrase, les mots : « les conditions d’évaluation de la situation de ces mineurs et » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Cet article ouvre le titre VI intitulé « Mieux protéger les mineurs non accompagnés », qui vise notamment la révision de la répartition territoriale des mineurs non accompagnés. Il en a été largement question depuis hier et nombre d’entre nous sont intervenus sur ce sujet hautement sensible.
Il est notamment fait référence à la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant. Il s’agit de garantir une plus grande équité entre les départements dans l’accueil des mineurs non accompagnés.
Tenir compte des mineurs non accompagnés jusqu’à l’âge de 21 ans paraît nécessaire et a fait l’objet d’un travail qu’a rappelé le rapporteur. Il est également fait référence au travail de la mission d’information sur les anciens mineurs non accompagnés, qui constitue un public particulièrement fragile.
Il faut aussi prendre en considération la situation économique des départements. Cela a été largement évoqué, comme a été évoquée une plus grande solidarité interdépartementale afin de soulager les territoires les plus pauvres. Reconnaissons que les clefs de répartition ne sont pas simples : il serait opportun d’intégrer le taux de bénéficiaires des minima sociaux.
S’il est vrai que l’État, les collectivités territoriales et les départements sont des partenaires, le tissu associatif joue aussi un rôle important.
Je voterai cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Pemezec, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Billon et Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Cambon, Charon et Chauvet, Mmes Chauvin et de Cidrac, M. Daubresse, Mmes Demas, Di Folco, Dumont, Eustache-Brinio et Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mmes Gruny et Herzog, M. Hingray, Mme Lassarade, MM. Lefèvre, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. P. Martin et Meignen, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Thomas, est ainsi libellé :
I. – Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Est créée une section 1 intitulée : « Dispositions générales » et comprenant les articles L. 221-1 à L. 221-9 ;
2° Est créée une section 2 intitulée « Conditions d’accueil et d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » et comprenant les articles L. 221-10 à L. 221-13 tels qu’ils résultent de la présente loi.
II. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
…. – L’article L. 221-2-2 devient l’article L. 221-10 et est ainsi modifié :
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement tend à insérer une section spécifique consacrée aux conditions d’accueil et d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement tend à opérer une restructuration rédactionnelle ambitieuse du code de l’action sociale et des familles. Une telle opération est trop complexe et risquée pour être réalisée par voie d’amendement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article 14 bis
Après l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 221-2-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-2-5. – Le président du conseil départemental ne peut procéder à une réévaluation de la minorité et de l’état d’isolement du mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille lorsque ce dernier est orienté dans le département en application du troisième alinéa de l’article 375-5 du code civil ou lorsqu’il est confié à l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 375-3 du même code. »
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Pemezec, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Billon et Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Cambon, Charon et Chauvet, Mmes Chauvin et de Cidrac, M. Daubresse, Mmes Demas, Di Folco, Dumont, Eustache-Brinio et Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mmes Gruny et Herzog, M. Hingray, Mme Lassarade, MM. Lefèvre, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. P. Martin et Meignen, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Thomas, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
À la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 221-13 ainsi rédigé :
II. – Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 221-2-5
par la référence :
L. 221-13
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 285 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 375 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque cette réévaluation de minorité a lieu après une décision du juge des enfants, le juge des enfants peut ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision en application de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 285.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 14 bis constitue à bien des égards une réelle avancée dans la protection des MNA, puisqu’il a pour objet d’interdire les réévaluations très courantes des jeunes reconnus mineurs et isolés par un département.
Rappelons en effet que l’orientation du mineur, selon la clef de répartition nationale, repose toujours sur une décision judiciaire – parquet ou juge des enfants –, en application des alinéas 3 et 4 de l’article 375-5 du code civil. Ainsi, lorsque le département d’accueil réévalue la minorité d’un jeune qui a été orienté vers lui, il ne s’agit en réalité ni plus ni moins que d’un défaut d’exécution d’une décision de justice.
Il arrive que ces défauts d’exécution soient constatés et sanctionnés par les tribunaux administratifs. Encore faut-il que le mineur soit accompagné par des associations ou des avocats. Un département a cependant toujours les moyens de contourner les dispositions de cet article en faisant défaut de l’exécution de la décision du juge.
C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer les mesures mises en place par l’article. Est prévue à cette fin la possibilité pour le juge des enfants d’ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision, mais cette possibilité de fait est rarement mobilisée en matière d’assistance éducative – c’est paradoxal. Cela constitue pourtant un moyen supplémentaire pour le juge qui constaterait des défauts d’exécution récurrents ou des délais excessifs, voire dilatoires, pour s’assurer de la bonne exécution de cette décision.
Tel est l’objet de cet amendement. Il va dans le sens des dispositions de l’article 14 bis, lequel constitue, je le redis, un véritable progrès. Il s’agit de se donner les moyens de leur application dans l’intérêt des enfants réorientés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 375.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement identique a donc pour objet de protéger réellement les mineurs non accompagnés contre les réévaluations en rappelant la possibilité d’ordonner des astreintes pour assurer l’exécution effective des décisions du juge à l’origine de l’orientation.
La loi prévoit la possibilité pour le juge des enfants d’ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de cette décision, mais cette possibilité est rarement utilisée en matière d’assistance éducative. Cela constitue pourtant un moyen supplémentaire pour le juge qui constaterait des défauts d’exécution récurrents ou des délais excessifs de s’assurer de la bonne exécution de ces décisions.
Cet amendement vise à rappeler cette possibilité dans le cas des décisions d’orientation prises par les juges des enfants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Les amendements identiques nos 285 et 375 ont pour objet de rappeler que le juge des enfants peut prononcer une astreinte à l’encontre du département qui ne respecte pas sa décision concernant la reconnaissance d’un jeune comme mineur non accompagné.
Si l’on peut regretter le manque d’application par certains départements des mesures ordonnées par le juge s’agissant des MNA, la loi permet déjà à celui-ci de prononcer des astreintes. En outre, l’article 14 bis interdit expressément aux départements de procéder à des réévaluations de la minorité.
Ces amendements étant donc déjà satisfaits, même si vous avez tout à fait raison sur le fond, madame Poncet Monge, madame Cohen, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Raymonde Poncet Monge, l’amendement n° 285 est-il maintenu ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 285 est retiré.
Madame Apourceau-Poly, l’amendement n° 375 est-il maintenu ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 375 est retiré.
Je mets aux voix l’article 14 bis.
(L’article 14 bis est adopté.)
Après l’article 14 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 374, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article 375-5 du code civil est ainsi modifié :
1° Les mots : « , selon le cas, le procureur de la République ou » sont supprimés ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette orientation n’est possible que sur décision du juge des enfants. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est défendu, madame la présidente. Je précise que nous l’avons déposé en lien avec Unicef France, qui réalise un travail d’expertise remarquable. J’en profite pour remercier ses membres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement vise donc à supprimer la compétence du parquet pour se prononcer sur l’orientation vers un département du jeune évalué comme MNA par un président de conseil départemental. Seuls les juges des enfants seraient alors compétents.
Les délais d’audience devant le juge des enfants étant très longs, cet amendement, à mon avis, porterait vraiment préjudice aux MNA, qui ne pourraient être pris en charge rapidement.
C’est pourquoi l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 374.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15
I. – Après l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 221-2-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-2-4. – I. – Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence.
« II. – En vue d’évaluer la situation de la personne mentionnée au I, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires au regard notamment des déclarations de cette personne sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement.
« L’évaluation est réalisée par les services du département. Dans le cas où le président du conseil départemental délègue la mission d’évaluation à une structure du secteur public ou du secteur associatif, les services du département assurent un contrôle régulier des conditions d’évaluation par la structure délégataire.
« Sauf lorsque la minorité de la personne est manifeste, le président du conseil départemental, en lien avec le représentant de l’État dans le département, organise la présentation de la personne auprès des services de l’État afin qu’elle communique toute information utile à son identification et au renseignement, par les agents spécialement habilités à cet effet, du traitement automatisé de données à caractère personnel prévu à l’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le représentant de l’État dans le département communique au président du conseil départemental les informations permettant d’aider à la détermination de l’identité et de la situation de la personne.
« Le président du conseil départemental peut en outre :
« 1° Solliciter le concours du représentant de l’État dans le département pour vérifier l’authenticité des documents détenus par la personne ;
« 2° Demander à l’autorité judiciaire la mise en œuvre des examens prévus au deuxième alinéa de l’article 388 du code civil selon la procédure définie au même article 388.
« Il statue sur la minorité et la situation d’isolement de la personne, en s’appuyant sur les entretiens réalisés avec celle-ci, sur les informations transmises par le représentant de l’État dans le département ainsi que sur tout autre élément susceptible de l’éclairer.
« La majorité d’une personne se présentant comme mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ne saurait être déduite de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes, ni de la seule constatation qu’elle est déjà enregistrée dans le traitement automatisé mentionné au présent II ou dans le traitement automatisé mentionné à l’article L. 142-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
« III. – Le président du conseil départemental transmet au représentant de l’État dans le département, chaque mois, la date et le sens des décisions individuelles prises à l’issue de l’évaluation prévue au II.
« IV. – L’État verse aux départements une contribution forfaitaire pour l’évaluation de la situation et la mise à l’abri des personnes mentionnées au I.
« La contribution n’est pas versée, en totalité ou en partie, lorsque le président du conseil départemental n’organise pas la présentation de la personne prévue au deuxième alinéa du II ou ne transmet pas, chaque mois, la date et le sens des décisions mentionnées au III.
« V. – Les modalités d’application du présent article, notamment des dispositions relatives à la durée de l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I et au versement de la contribution mentionnée au IV, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 280 est présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 286 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 366 rectifié est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 280.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à supprimer l’article 15, qui tend à exercer une pression supplémentaire sur les départements pour que le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) soit efficient, par l’instauration de sanctions financières. En effet, si un département n’organise pas la présentation des MNA et ne transmet pas tous les mois les décisions individuelles prises à l’issue des évaluations, la contribution forfaitaire de l’État pour la phase d’évaluation ne lui sera pas versée.
Pour rappel, pour 100 MNA, la contribution forfaitaire s’élève à 50 000 euros.
Selon nous, le fichier AEM fragilise considérablement l’accès des MNA à la protection. Ceux-ci sont particulièrement vulnérables, et cette volonté de fichage, et d’affichage, est délétère.
L’article 15, de plus, ne relève pas d’une question de protection de l’enfance, mais davantage d’un enjeu de régulation des flux migratoires. Il met à mal la règle de présomption de minorité en nous faisant passer d’une évaluation « en cas de doute » à une évaluation généralisée, sauf en cas de minorité manifeste.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 286.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 15 contient des dispositions qui relèvent de la question migratoire. Il n’est pas acceptable d’ouvrir ce débat, sur lequel de forts dissensus existent sur ces travées, à la faveur à la faveur d’un texte sur la protection des enfants, thème sur lequel nous pouvons souvent parvenir à des consensus, comme nous l’avons vu ces derniers jours.
L’enfant migrant est d’abord un enfant, et ses droits à la protection priment. Cet article a été rédigé sans qu’aucune évaluation soit faite de l’usage du fichier AEM par les départements y recourant déjà de manière volontaire. Il a comme principale justification le nomadisme des mineurs isolés, petit frère – ou petite sœur – de la théorie de l’appel d’air. Or ces concepts ne sont ni validés ni étayés par aucune analyse sérieuse, ni quantitative ni qualitative. À défaut d’une réalité signifiante, ils relèvent d’une approche essentiellement idéologique.
Ce qui est réel aujourd’hui, c’est que plus des deux tiers des enfants qui font un recours auprès d’un juge des enfants sont reconnus mineurs. Cette proportion monte même à 80 %, selon une association, lorsque ceux-ci sont logés et accompagnés, comme le démontre le dispositif « La station » de la métropole de Lyon.
Le véritable nomadisme a lieu pendant le temps du recours, recours qui conduit dans la grande majorité des cas à la reconnaissance de la minorité des enfants. Pendant ce temps, ceux-ci sont dans la rue.
L’objet de cette loi, ainsi que la priorité des départements, chefs de file de la protection des enfants, n’est pas de mettre en œuvre la politique migratoire de l’État, dont nous parlerons peut-être à l’occasion de l’examen d’autres véhicules législatifs, mais de protéger les enfants en danger, y compris en respectant la présomption de minorité. Toute autre politique serait contraire aux recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article 15.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 366 rectifié.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous demandons également la suppression de l’article 15, qui vise à rendre obligatoire le recours au fichier automatisé AEM, ainsi que les échanges d’informations entre les services départementaux et préfectoraux.
Le décret du 30 janvier 2019 a autorisé la création du fichier AEM et les dispositions de l’article L. 142-3 du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ont permis d’y enregistrer des données biographiques et biométriques sur les personnes se disant MNA.
Pour l’instant, le président du conseil général décide si ses services ont recours, ou non, à ce fichier, en sollicitant, ou non, le concours du préfet.
L’étude d’impact du projet de loi relatif aux collectivités territoriales, dit « 3DS », ayant montré au Gouvernement que certains départements – au nombre de quinze, apparemment – se montraient récalcitrants, notamment en Île-de-France, celui-ci a décidé de rendre obligatoire, par l’article 39 de ce projet de loi, le recours à l’AEM.
Cette disposition est ici reprise dans un projet de loi visant à protéger les enfants. Il n’existe pas de statut juridique propre aux mineurs isolés étrangers. Ces derniers se trouvent donc à un croisement relevant à la fois du droit des étrangers et des dispositions sur l’enfance en danger. Or le dispositif français de protection de l’enfance ne pose aucune condition de nationalité. C’est le statut d’enfant qui devrait prévaloir pour ces personnes, et non le statut d’étranger, conformément aux engagements de la France au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est ce que le groupe CRCE a toujours défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je ne vais pas vous rappeler ce que l’article 15 prévoit de rendre obligatoire. Afin de rendre effectives les obligations, cet article prévoit également de conditionner à leur respect le versement de la contribution forfaitaire de l’État aux départements.
Le recours au fichier AEM, déjà en vigueur dans quatre-vingts départements, permet de vérifier si la personne qui se déclare mineure a déjà fait l’objet d’une évaluation dans un autre département et de consulter les résultats de cette évaluation.
Un tel fichier national permet d’éviter le phénomène de nomadisme de la part de majeurs qui tentent leur chance dans différents départements et engorgent les dispositifs d’accueil. La généralisation de ce fichier au niveau national apparaît comme nécessaire pour accroître son efficacité et améliorer la qualité des évaluations dans tous les départements.
J’ajoute, mes chers collègues, que ce dispositif a été adopté par le Sénat au sein du projet de loi 3DS. Par conséquent, je vous invite à ne pas voter ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression est défavorable.
Pour vous expliquer pourquoi, je vais vous citer quelques chiffres et données financières, ce qui me permettra de répondre aussi à certaines questions que le sénateur Laurent Burgoa a posées au cours de la discussion générale.
Le traitement d’appui à l’évaluation de la minorité, c’est-à-dire ce fameux fichier AEM, n’est utilisé que lorsque la minorité n’est pas manifeste. Il ne constitue qu’une étape de l’évaluation et n’est qu’un élément parmi un faisceau d’indices que le département doit réunir. Nous l’avons encadré de toutes les garanties posées par le Conseil constitutionnel, d’une part, dans sa décision de 2019, et par le Conseil d’État, d’autre part, dans sa décision de 2020.
Quoi qu’on en dise ici, et si peu élégante que soit cette expression, le « nomadisme administratif » est une réalité. Il ne s’agit pas d’en grossir l’importance, mais on constate que, dans les départements qui sont passés au traitement par le fichier AEM, le nombre de personnes venant se présenter comme mineures a baissé de 20 % à 50 %. On peut interpréter ces chiffres comme l’on veut, mais ils sont réels !
L’évaluation doit être faite d’une manière ou d’une autre. C’est un sujet complexe. Justement, la direction générale de la cohésion sociale a établi un guide pour améliorer la qualité de l’évaluation, et pour la rendre plus homogène entre les départements. De fait, il y a quelques années, le taux de personnes reconnues mineures variait, selon les départements, de 10 % à 100 %… Désormais, le fichier et ce guide font converger les taux de reconnaissance de minorité entre les départements – même si je ne dispose pas de chiffres. C’est la garantie d’une plus grande équité en faveur des enfants.
Nous conditionnerons donc le versement de l’aide financière de l’État aux départements à l’utilisation de ce fichier. Comme vous l’avez dit, environ quatre-vingts départements l’utilisent, sur quatre-vingt-seize en tout – les départements outre-mer ne sont pas concernés. La tendance actuelle est plutôt à ce que les départements rejoignent le mouvement. Je pense notamment à des départements dominés par des forces politiques dont les représentants siègent du même côté de l’hémicycle que les auteurs de ces amendements, comme la Gironde ou plusieurs départements de Bretagne.
On parle souvent de compensation financière dans cet hémicycle. Dans le cas d’espèce, l’État compense à hauteur de 500 euros par jeune évalué. Sur cette somme, 100 euros sont obligatoirement consacrés à un bilan de santé du jeune au moment de son évaluation. Certains départements omettent cette étape, qui doit pourtant être systématique. L’État verse ensuite 90 euros par jour et par enfant, pendant quatorze jours, pour la mise à l’abri, puis 20 euros par jour pour les neuf jours qui restent.
À cela s’ajoute ce qu’on appelle le dispositif Cazeneuve, qui prévoit un apport financier de l’État de 6 000 euros par enfant pour 75 % du nombre supplémentaire de jeunes par rapport à l’année précédente. En 2018 et en 2019 sont arrivés sur notre territoire un certain nombre de MNA. Il y a eu 51 000 évaluations en 2018 – certaines personnes ont pu être évaluées plusieurs fois – aboutissant à 17 000 reconnaissances de minorité ; en 2019, 37 000 évaluations ont donné lieu à 16 000 reconnaissances de minorité ; en 2020, les derniers chiffres font état de 16 000 évaluations et de 9 500 reconnaissances de minorité.
Au total, la compensation de l’État pour les départements, calculée en fonction du nombre de mineurs évalué, était de 126 millions d’euros en 2019 et de 65 millions d’euros en 2020. La loi de finances pour 2021 a provisionné 120 millions d’euros de compensation et d’accompagnement de l’État pour les départements.
Je le répète, l’avis du Gouvernement est défavorable, car le recours au fichier AEM est utile.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je confirme que le recours à ce fichier est utile, et qu’il l’est aussi pour le MNA. En effet, celui-ci sera ultérieurement empêché de trouver un emploi si ses papiers sont falsifiés, alors même qu’il aura subi cette falsification, puisqu’il aura été entraîné par différentes circonstances dans ce circuit. À mon avis, plus l’évaluation est longue et contestée, moins bien se porte le mineur. Mieux vaut donc prendre ses responsabilités directement. Ce fichier permettra notamment de recentraliser le dispositif. Puis, pour celui qui a la conscience tranquille, confier ses données biographiques et biométriques ne doit pas poser de problème… Il est donc important, à la fois pour les départements et pour les mineurs, que ce dispositif soit généralisé.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de m’avoir répondu ! Depuis hier, je me sentais quelque peu frustré…
Je ne serai pas donneur de leçons, mais, sur ce sujet passionnant, les uns ou les autres nous pouvons avoir des paroles qui dépassent notre pensée. Or c’est un sujet avant tout humain, prenons-y garde. Avant de parler de majeurs ou de mineurs, n’oublions pas que ce sont des personnes qui sont en cause, des personnes qui ont souffert avant d’arriver sur le sol français.
Il y a quelques semaines, avec mes collègues Xavier Iacovelli, Hussein Bourgi et Henri Leroy, j’ai rendu un rapport d’information sur la question, et celui-ci a fait consensus. J’aimerais que nous restions ce soir dans le même consensus.
Avec toute l’estime que j’ai pour ma collègue Meunier, que je sais très investie sur ce sujet, je me permets de lui dire que je suis un peu surpris qu’elle ne partage pas, avec son groupe, la position de M. Bourgi. Dans le rapport d’information, il a validé sans problème – et sans contrainte – la recommandation n° 5 tendant à rendre obligatoire le recours par les départements au dispositif AEM.
Sur les articles suivants, qui portent également sur des aspects avant tout humains, j’aimerais que nous soyons, les uns et les autres, au moins de temps en temps, cohérents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. J’avais prévu de prendre la parole avant votre interpellation, cher collègue, et ne la prends donc pas pour y répondre.
En demandant la suppression de l’article 15, nous sommes en totale cohérence avec ce que mon groupe a voté sur le projet de loi 3DS, dont il souhaitait supprimer l’article 39. C’est la même logique, et je n’ai aucun problème sur ce point.
Le vrai risque est que ces jeunes, de peur d’être fichés, ne viennent pas vers la protection de l’enfance. C’est un risque de santé publique, et un risque de santé pour eux-mêmes, bien sûr. Et aboutirons-nous à davantage de sécurité, de tranquillité et de protection pour ces jeunes en leur proposant ce cadrage très contraint ? Tous ces arguments de précaution qu’on emploie ne sont en fait que de mauvais prétextes pour maintenir, dans un texte sur la protection de l’enfance, des questions de politique migratoire, qui doivent certes être prises en compte, mais dans d’autres textes que celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour explication de vote.
M. Gilbert Favreau. Par mon amendement n° 42 rectifié ter, je demande la suppression de l’alinéa 5 de cet article, alinéa qui instaure une présomption de minorité qui n’existait pas jusqu’à présent. Le département a reçu compétence pour mener à bien l’évaluation. Et le mineur qui est évalué majeur peut très bien faire appel de la décision du juge. C’est d’ailleurs très fréquent, puisque ces personnes sont généralement accompagnées par des associations.
On constate qu’une reconnaissance de minorité contestée par le département est, dans 80 % des cas, confirmée par les évaluations qui sont faites, de manière très honnête, par les services du département. Je m’associe donc à ceux qui considèrent qu’aucune raison ne justifie de voter cet article 15 dans sa rédaction actuelle.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 280, 286 et 366 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 281, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article 375 du code civil, après les mots : « du service », sont insérés les mots : « ayant recueilli l’enfant provisoirement ou ».
II. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 223-2 et saisit sans délai le juge des enfants en vue de l’application du premier alinéa de l’article L. 375-5 du code civil. L’accueil provisoire d’urgence se prolonge tant que n’intervient pas une décision du juge compétent
III. – Alinéas 3 à 13
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
« II. – Au cours des mesures provisoires prises en application du premier alinéa de l’article 375-5 du code civil, le juge statue sur la situation de danger et la minorité de la personne mentionnée au I.
« Il prend en compte les documents présentés par la personne en application de l’article 47 du même code.
« Il peut ordonner toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d’une enquête sociale, d’examens médicaux, d’expertises psychiatriques et psychologiques ou d’une mesure d’investigation et d’orientation éducative en application de l’article 1183 du code de procédure civile.
« Il peut ordonner les examens prévus à l’article 388 du code civil selon la procédure définie à cet article.
« Le juge convoque les parties dans un délai qui ne peut excéder quinze jours en application de l’article 1184 du code de procédure civile.
« III. – Si au terme des mesures provisoires, la personne est reconnue mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le juge prend une mesure d’assistance éducative dans les conditions prévues à l’article 375 du code civil. Le juge demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l’orientation du mineur concerné en application du troisième alinéa de l’article 375-5 du même code.
« Si au terme des mesures provisoires, la personne n’est pas reconnue mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le juge des enfants prend une décision de non-lieu à assistance éducative laquelle met fin à l’ensemble des mesures provisoires décidées antérieurement. L’intéressé peut interjeter appel de cette décision dans les conditions prévues à l’article 1191 du code de procédure civile. »
IV. – Alinéa 14
Supprimer les mots :
, notamment des dispositions relatives à la durée de l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I et au versement de la contribution mentionnée au IV,
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Comme je l’ai dit, l’article 15 relève davantage de la politique migratoire que de la protection des enfants. Cet amendement vise à replacer le juge des enfants comme acteur central de la procédure d’évaluation chargée de déterminer, avec l’appui des départements et des services de l’état le cas échéant, en même temps que l’existence d’un danger ou d’un risque de danger, si la personne est mineure ou non – conformément aux articles 375 et suivants du code civil.
Cet amendement prévoit l’ordonnance de mesures provisoires par le juge des enfants lorsque celui-ci est saisi sans délai par le service auprès de qui le mineur se déclarant privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est présenté, et le maintien de l’accueil provisoire d’urgence tant que la décision du juge n’intervient pas.
La compétence du parquet pour prendre des mesures provisoires ne peut en principe être exercée qu’en cas d’urgence grave, en dehors du temps de présence au tribunal du juge des enfants. Concernant les MNA, elle est utilisée systématiquement, alors qu’en réalité les conditions de son exercice ne sont pas remplies.
Dans la grande majorité des cas, le département et le parquet sont les seuls à statuer sur la minorité et l’isolement des mineurs isolés qui ne sont pas encore en capacité d’exercer un recours.
Cet amendement rétablit donc le rôle central du juge des enfants. Ce dernier est souverain dans son appréciation de la majorité ou de la minorité. Il peut ordonner les examens selon la procédure définie dans le code civil. Cela permet de mettre un terme aux ruptures de protection et à la violation des droits fondamentaux des mineurs dont les départements refusent l’admission à l’aide sociale à l’enfance, et qui sont souvent reconnus a posteriori, sur décision du juge des enfants après plusieurs mois passés sans protection.
Il s’agit aussi de se mettre en conformité avec le droit international et la jurisprudence. Cet amendement a pour objet, à cet effet, de réaffirmer qu’un jeune se présentant comme mineur doit être considéré comme tel jusqu’à ce qu’une décision de justice ayant autorité de chose jugée soit rendue. Durant toute la procédure judiciaire, sa prise en charge doit être assurée en protection de l’enfance.
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Pemezec, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Billon et Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Cambon, Charon et Chauvet, Mmes Chauvin et de Cidrac, M. Daubresse, Mmes Demas, Di Folco, Dumont, Eustache-Brinio et Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mmes Gruny et Herzog, M. Hingray, Mme Lassarade, MM. Lefèvre, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. P. Martin et Meignen, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Thomas, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – À la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, sont insérés des articles L. 221-11 et L. 221-12 ainsi rédigés :
II. – Alinéa 2
1° Remplacer la référence :
L. 221-2-4
par la référence :
L. 221-11
2° Compléter cet alinéa par les mots :
selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 223-2
III. – Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« II. – Durant la période d’accueil provisoire d’urgence, la situation de l’intéressé est évaluée par le président du conseil départemental dans les conditions prévues à l’article L. 221-12.
« À l’issue de cette évaluation, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu de l’article L. 226-4 et du second alinéa de l’article 375-5 du code civil. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire.
« S’il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, il notifie à cette personne le refus de prise en charge. En ce cas, l’accueil provisoire mentionné au I du présent article prend fin.
IV. – Alinéa 3
1° Remplacer la mention :
II
par la référence :
Art. L. 221-12. – I. –
2° Après les mots :
de la personne mentionnée au I
insérer les mots :
de l’article L. 221-11
V. – Alinéa 4, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle est conduite selon les modalités précisées dans un référentiel national fixé par arrêté interministériel du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur, du ministre chargé de la famille, du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre chargé de l’outre-mer.
VI. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« II. – Il appartient à la personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille d’établir sa minorité par une pièce d’identité ou par des documents d’état civil légalisés dans les conditions prévues au II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ou, à défaut, authentifiés par les autorités consulaires de son pays d’origine établies en France.
VII. – Alinéa 5, première phrase
Après le mot :
manifeste
insérer les mots :
ou, lorsque l’intéressé justifie de la réalisation de la démarche en vue d’obtenir l’un des documents mentionnés à l’alinéa précédent mais que ces démarches n’ont pas abouti
VIII. – Alinéa 8
Remplacer le mot :
deuxième
par le mot :
quatrième
IX. – Alinéas 9 à 11
Supprimer ces alinéas.
X. – Alinéa 12
1° Remplacer la mention :
IV
par la mention :
III
2° Compléter cet alinéa par les mots :
de l’article L. 221-11
XI. – Alinéa 13
Supprimer les mots :
ou ne transmet pas, chaque mois, la date et le sens des décisions mentionnées au III
XII. – Alinéa 14
1° Remplacer la mention :
V
par la mention :
IV
2° Supprimer les mots :
à la durée de l’accueil provisoire d’urgence mentionnée au I
3° Remplacer la mention :
IV
par la mention :
III
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Lorsque l’intéressé n’est pas en possession d’un passeport ou d’une carte nationale d’identité du pays d’origine, il paraît opportun d’exiger que les documents d’état civil produits soient légalisés, conformément aux dispositions de la loi du 23 mars 2019.
L’évaluation par les investigations prévues par l’article 15 du projet de loi ne revêtirait qu’un caractère subsidiaire, dans les cas où le mineur a établi qu’il est dans l’incapacité de présenter des documents authentifiés, qu’il a effectué des démarches en ce sens qui n’ont pas encore abouti, ou que sa minorité est manifeste.
Cet amendement supprime le dixième alinéa de l’article 15 du projet de loi, qui ne paraît pas nécessaire puisque le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont déjà consacré le principe selon lequel la majorité d’une personne ne peut être déduite de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes ou de son seul enregistrement dans le fichier AEM.
Enfin, cet amendement supprime le renvoi à un décret en Conseil d’État de la fixation de la durée de l’accueil provisoire d’urgence. Cette durée varie considérablement d’un département à l’autre. Il ne paraît donc pas opportun de réglementer de manière uniforme la durée de l’accueil provisoire d’urgence, cette durée n’ayant pas, en tout état de cause, de caractère obligatoire.
Mme la présidente. L’amendement n° 373, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
d’une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 223-2
II. – Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme du délai mentionné au I, ou avant l’expiration de ce délai si l’évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l’article L. 223-2 du présent code et du deuxième alinéa de l’article 375-5 du code civil. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire.
III. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
des dispositions relatives à la durée de l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I et au
par le mot :
le
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement de repli nous a été, lui aussi, inspiré par Unicef France. Il a pour objet de rétablir le renvoi essentiel aux dispositions relatives à l’accueil provisoire d’urgence, tel que le prévoit aujourd’hui la partie réglementaire du code de l’action sociale et des familles. En effet, l’article 15, dans sa réaction actuelle, supprime le renvoi, pourtant essentiel, à l’article L. 223-2 de ce code.
L’inscription de l’accueil provisoire d’urgence dans la partie législative de ce code est primordiale. En effet, les MNA sont d’abord des mineurs privés de leurs représentants légaux, et l’administration ne peut maintenir sous sa protection des enfants sans l’accord de leurs représentants légaux de manière indéfinie. Il est primordial que leur situation juridique soit sécurisée par l’intervention de l’autorité judiciaire, même lorsque l’évaluation se poursuit.
Alors que de nombreux départements ne mettent pas en place cet accueil, ou le diffèrent malgré un cadre légal contraignant – ils sont d’ailleurs condamnés pour cette raison –, il est à craindre que cette suppression du renvoi à l’article L. 223-2 renforce encore ces carences.
C’est également ce qu’observe la Défenseure des droits, qui indique que « ce nouvel article prévu par le projet de loi viendrait conforter de façon très inopportune les pratiques juridiquement contestables des départements qui ne respectaient pas l’article L. 223-2 du code de l’action sociale et des familles depuis des années ».
Cet amendement tend également à rétablir les dispositions qui prévoient le maintien de l’accueil provisoire d’urgence tant que la décision de placement provisoire de l’autorité judiciaire n’intervient pas.
Finalement, cet amendement relève du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, auquel nous sommes toutes et tous ici très attachés. Il devrait donc recueillir un maximum de voix, pour être adopté. Tel est, en tout cas, mon souhait.
Mme la présidente. L’amendement n° 292, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
d’une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 223-2
II. – Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme du délai mentionné au I, ou avant l’expiration de ce délai si l’évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l’article L. 223-2 et du second alinéa de l’article 375-5 du code civil. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire.
III. – Alinéa 14
Supprimer les mots :
à la durée de l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I et
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est presque le même amendement : il tend à rétablir le renvoi, essentiel, aux dispositions relatives à l’accueil provisoire d’urgence, établies dans le code de l’action sociale et des familles. C’est primordial pour assurer la protection immédiate et effective des MNA.
Cet amendement prévoit tout simplement le maintien de l’accueil provisoire d’urgence, tant que la décision de l’autorité judiciaire n’intervient pas. Il est presque rédactionnel, en somme. Il s’agit de garantir le respect des droits : trop souvent, les MNA sont laissés à la rue alors même qu’ils se sont déclarés aux services du département. Or, et cela coule de source, aucun enfant ne doit se retrouver à la rue.
Un MNA est un mineur tant qu’aucune décision administrative, ou judiciaire, s’il y a un recours, n’aura établi le contraire. Un MNA dispose donc, comme tout enfant, d’un droit inaliénable à une protection et une mise à l’abri, que le droit doit garantir.
Mme la présidente. L’amendement n° 290, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après la référence :
I
insérer les mots :
et après lui avoir permis de bénéficier d’un temps de répit
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement m’importe encore davantage.
Le guide ministériel des bonnes pratiques en matière d’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes se déclarant MNA, de décembre 2019, suggère qu’il est pertinent de permettre à la personne de bénéficier d’un temps de répit lors de son accueil et préalablement – j’y insiste – au début de la procédure d’évaluation de sa situation.
Ce temps peut contribuer à éviter que l’évaluation repose sur des éléments recueillis sur des mineurs en souffrance, épuisés, parfois en errance psychique, et donc incapables d’apporter des réponses détaillées et cohérentes, notamment concernant leur parcours de vie. Cette période peut par ailleurs être mise à profit pour un bilan de santé, pour que le jeune soit mis en confiance et qu’il soit informé dans une langue comprise et parlée par lui sur les différentes formes de protection dont il peut bénéficier ainsi que sur les modalités pratiques et les conséquences de la procédure dans laquelle il s’engage.
L’instauration d’un temps de répit, essentielle pour l’enfant, est inégalement respectée par les départements, ce qui aboutit à des erreurs d’évaluation et à la multiplication des recours – dont la majorité conduit à inverser le constat.
Pour toutes ces raisons, cet amendement vise à inscrire dans la loi les mesures suggérées par le guide ministériel, en instaurant un temps de répit préalable à l’évaluation de la minorité.
Mme la présidente. L’amendement n° 367 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 11 à 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
…. – L’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les conseils départementaux d’organiser la présentation des personnes qui se disent mineurs non accompagnés en préfecture, de recourir au fichier national biométrique d’appui à l’évaluation de la minorité et de transmettre des informations aux services de l’État.
La finalité de ces dispositions de lutte contre l’immigration irrégulière est incompatible avec l’ambition de ce projet de loi, à savoir protéger les enfants.
Avant d’être étrangers, ces mineurs non accompagnés sont des enfants. Ils méritent et nécessitent donc notre protection, au même titre que ceux qui sont nés sur notre sol.
Il n’est déjà pas simple pour un enfant d’aller demander une protection, mais ce sera encore plus difficile s’il doit d’abord, avant même d’avoir « posé ses valises », se rendre au commissariat ou en préfecture pour communiquer ses empreintes et toutes sortes de données personnelles. Il doit au préalable être accueilli par des professionnels de la protection de l’enfance.
Cette difficulté est d’autant plus forte pour les enfants qui ont subi des violences pendant leur parcours migratoire, notamment de la part de personnes portant un uniforme.
Nous souhaitons par cet amendement dénoncer et refuser ce système indigne des valeurs humanistes de notre pays des droits de l’homme, et c’est pourquoi nous demandons l’abrogation de l’article L. 142-3 du Ceseda.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 289 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 335 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Rambaud, Mme Schillinger, MM. Buis, Rohfritsch et Lévrier, Mmes Duranton et Havet, M. Théophile et Mme Dindar.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« La présentation par la personne mentionnée au I d’un document d’état civil non formellement contesté rend inutile toute investigation complémentaire, en application de l’article 47 du code civil.
« Si une légalisation du document est nécessaire, le président du conseil départemental assiste le mineur dans ses démarches auprès des autorités consulaires, sous réserve de s’être assuré qu’il n’est pas susceptible de déposer une demande d’asile.
« En cas de doute sur l’authenticité des documents détenus par la personne et uniquement dans ce cas, le président du conseil départemental peut solliciter le concours du représentant de l’État dans le département pour vérifier l’authenticité des documents détenus par la personne. Cette vérification ne peut revêtir un caractère systématique.
« La possession de documents falsifiés ou appartenant à un tiers n’est pas en elle-même la preuve de la majorité de l’intéressé.
« Lorsque la personne mentionnée au I du présent article ne présente aucun document d’état civil, ou lorsque le ou les documents présentés ont été formellement contestés sans que cela permettre de conclure à la majorité de l’intéressé, le président du conseil départemental assiste la personne dans ses démarches auprès des autorités de son pays d’origine et leurs représentations consulaires afin de reconstituer son état civil.
« Si à l’occasion des démarches entreprises auprès des autorités du pays d’origine, il s’avère qu’aucun acte d’état civil n’a été établi dans leur pays d’origine ou que l’intéressé ne peut les y faire établir, une requête est introduite devant le tribunal de grande instance en vue d’obtenir un jugement déclaratif de naissance ou un jugement supplétif d’acte de naissance en application de l’article 46 du code civil. »
II. – Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 9
Après les mots :
s’appuyant
insérer les mots :
sur les documents présentés par la personne,
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 289.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 47 du code civil dispose que les documents d’état civil, même étrangers, font foi pour établir l’identité d’une personne.
De même, l’article 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) consacre le droit à l’identité du mineur, en prévoyant la reconnaissance des documents d’état civil présentés.
Enfin, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU affirme que les documents qui sont disponibles devront être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire.
Les documents d’état civil étrangers doivent donc être présumés valides : aux termes de nos signatures internationales, nous sommes liés par cette présomption juridique essentielle.
Trop souvent, les MNA sont soumis aux autres méthodes d’évaluation de leur minorité alors même que leurs documents d’identité n’ont pas été formellement contestés. Le test osseux est alors considéré comme faisant foi, alors même que sa fiabilité n’est pas établie.
La circulaire du 1er avril 2003 précise pourtant que la force probante d’un acte de l’état civil étranger doit être retenue dès lors que sa régularité formelle n’est pas contestée. Mais cette disposition n’est pas respectée.
En conséquence, cet amendement vise à clarifier les procédures de vérification, en cohérence avec les dispositions du code civil et du droit international, mais aussi avec l’exigence constitutionnelle qui impose de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant.
Je le redis, la présomption d’authenticité doit primer, et non l’obligation pour le jeune de faire toute une série de démarches. Il ne faut pas inverser la charge de la preuve. En cas de contestation, ce n’est pas aux mineurs de faire la démonstration de l’authenticité de ses documents.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 335 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à garantir le droit à l’identité, tel qu’il est prévu à l’article 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Il prévoit la reconnaissance des documents d’état civil présentés par les mineurs, leur vérification et leur reconstitution le cas échéant.
Dans la plupart des cas, même lorsque le mineur présente un document d’état civil dont l’authenticité n’a pas été contestée, il est soumis aux mêmes méthodes d’évaluation.
Il est également courant que les autorités administratives ou judiciaires disqualifient les documents présentés par les jeunes demandeurs au motif qu’ils ne comportent pas de photographie, et qu’il est donc impossible de confirmer l’appartenance de l’acte au jeune.
Enfin, il est rare qu’au stade de l’évaluation, les services qui en sont chargés accompagnent les intéressés dans la reconstitution de leur état civil lorsque celui-ci est absent, alors même que cette reconstitution est explicitement prévue à l’article 8 de la CIDE.
Cet amendement rappelle donc ces principes et définit les conditions dans lesquelles la présomption d’authenticité des documents d’état civil peut être renversée, ainsi que la façon dont le département peut assister le mineur dans la reconstitution de son état civil.
Mme la présidente. L’amendement n° 288, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 à 11 et 13
Supprimer ces alinéas.
II. – Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Outre les dispositions relatives à d’usage du fichier AEM, l’article 15 prévoit que le conseil départemental peut demander à l’autorité judiciaire de recourir aux tests osseux dans le cadre de l’évaluation de minorité.
Selon nous, cet usage des tests osseux est à proscrire. En effet, les planches de référence qui servent à analyser par tranche de six mois l’évolution des os du poignet ont été réalisées en 1930. À l’époque, leur objectif n’était pas de déterminer l’âge des mineurs, mais d’analyser la croissance des enfants.
Ce détournement est absurde : il en résulte un examen d’une imprécision extrême, à la fiabilité largement contestée par les médecins, sur les plans tant scientifique qu’éthique.
Le Haut Conseil de la santé publique déclare que la maturation d’un individu diffère suivant son sexe, son origine ethnique et géographique, son état nutritionnel ou son statut économique, mais il conclut en déclarant qu’« il n’est pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer et interpréter un test qui n’est pas validé scientifiquement et qui, en outre, n’est pas mis en œuvre dans l’intérêt thérapeutique de la personne ».
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la Défenseure des droits et toutes les autorités consultatives plaident pour que l’on interdise, comme au Royaume-Uni, cette gabegie d’examens. On parle quelquefois d’examens inutiles. En voici un !
L’évaluation de la minorité doit être le fruit d’entretiens poussés, pluridisciplinaires, respectueux de l’enfant, et non d’une méthode que l’on pourrait qualifier d’un autre âge.
Supprimons le recours aux tests osseux une bonne fois pour toutes ! Telle est notre proposition à travers cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 42 rectifié ter, présenté par MM. Favreau, Mouiller, Anglars, Cuypers et B. Fournier, Mme F. Gerbaud et MM. Laménie, Genet, Saury, Lefèvre, Burgoa, Belin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gilbert Favreau.
M. Gilbert Favreau. Je veux rappeler comment s’effectue l’évaluation des mineurs qui arrivent sur le territoire d’un département.
Ces derniers sont guidés vers les services départementaux, qui ont pour mission de les accueillir et de les protéger.
Avec une équipe constituée et approuvée par les services de l’État, lesdits services vont ensuite procéder à une évaluation à partir de tous les éléments disponibles.
En cas de contestation de leur minorité par l’équipe d’évaluation, ces jeunes, souvent entourés par des associations, saisissent le juge des enfants, qui confirme généralement la décision prise par l’équipe d’évaluation et le conseil départemental. Un appel est alors interjeté. En attendant que la cour d’appel examine le dossier, les jeunes restent sous la garde du département ; ils n’ont donc rien à craindre.
Les décisions ne sont prises qu’après l’arrêt de la cour d’appel, qui s’impose à tout le monde. Ne faisons donc pas tout un théâtre de prétendues intentions départementales destinées à empêcher de constater la minorité ou la majorité du jeune demandeur.
On s’aperçoit en réalité que la volonté d’imposer, à travers l’article 15, l’application d’un dispositif très spécifique d’évaluation de la minorité vient contredire le pouvoir judiciaire, qui lui aussi va procéder à cette évaluation avec les éléments dont il dispose.
Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole…
M. Gilbert Favreau. C’est pourquoi je demande la suppression de l’alinéa 5.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 279 est présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 334 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Rambaud, Mme Schillinger, MM. Buis, Rohfritsch et Lévrier, Mmes Duranton et Havet, M. Théophile et Mme Dindar.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
Sauf lorsque la minorité de la personne est manifeste
par les mots :
En l’absence de documents d’état civil valables
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 279.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement a pour objet de préciser que la présentation des mineurs non accompagnés en préfecture et le recours au fichier AEM n’ont lieu qu’en l’absence de documents d’état civil valables.
Il permet de réaffirmer le principe de la présomption d’authenticité des documents d’état civil, posé par l’article 47 du code civil.
Il s’agit bien entendu d’un amendement de repli, puisque nous sommes favorables à la suppression de l’article 15 dans son ensemble.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 334 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 418 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
Sauf lorsque la minorité de la personne est manifeste
par les mots :
En cas de doute sur sa minorité
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. L’article 15 vise à rendre obligatoire la présentation auprès des services préfectoraux de la personne se présentant comme mineur non accompagné, afin que ceux-ci apportent une aide à l’identification et à l’évaluation de la minorité par la consultation du fichier AEM. Le président du conseil départemental n’est toutefois pas tenu à cette présentation lorsque la minorité de la personne est manifeste.
Cette rédaction nous semble imprécise. Aussi, nous proposons que la présentation des MNA en préfecture et le recours aux fichiers AEM aient lieu en cas de doute sur la minorité, et non plus « sauf lorsque la minorité de la personne est manifeste ». Cette rédaction fait par ailleurs écho aux termes employés dans l’article 388 du code civil.
Mme la présidente. L’amendement n° 43 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, Belin, Mouiller, Anglars et Cuypers, Mme F. Gerbaud et MM. B. Fournier, Lefèvre, Saury, Genet, Laménie et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gilbert Favreau.
M. Gilbert Favreau. Cet amendement vise, comme d’autres qui le précèdent, à refuser l’utilisation des tests osseux, qui n’offrent en effet aucune garantie d’une évaluation certaine de la minorité ou de la majorité.
Nous proposons donc de supprimer de l’article 15 tous les alinéas relatifs à ces tests.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, M. Delcros, Mme Saint-Pé, MM. de Belenet, Henno et Le Nay, Mme Vermeillet, M. Laménie, Mmes Herzog et Lopez, M. Guerriau, Mmes Vérien, F. Gerbaud, Perrot, Guidez et Drexler, M. A. Marc, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Canévet, J.M. Arnaud, Lefèvre, Belin, Détraigne, Chasseing, Bonhomme et Houpert, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn, M. Cigolotti, Mme de La Provôté et MM. Duffourg et Levi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Solliciter, au moins douze mois avant la majorité de la personne, le représentant de l’État dans le département afin de mettre en œuvre les dispositions nécessaires à un examen anticipé des demandes de titre de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Au travers de cet amendement, nous voulons éviter la catastrophe qui consiste à attendre le jour de la majorité du mineur pour examiner son dossier.
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose d’ouvrir la nuit afin d’achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission sur ces quinze amendements en discussion commune ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Hélas, mes avis risquent encore de décevoir un certain nombre d’entre vous, chers collègues…
Ces différents amendements ont trait à la question de l’évaluation des jeunes qui se présentent comme MNA, en suggérant des dispositifs très différents les uns des autres. Je les aborderai un par un, aussi rapidement que possible, madame la présidente, mais pas nécessairement dans l’ordre de leur présentation.
L’amendement n° 281 vise à ce que l’évaluation de la minorité du jeune et la reconnaissance du statut de MNA relèvent exclusivement du juge des enfants, sans intervention des départements. En augmentant sensiblement les délais d’évaluation, cette disposition conduirait toutefois à submerger et à paralyser les prétoires à chaque vague migratoire. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 21 rectifié vise à centrer l’évaluation de la minorité sur la possession par l’intéressé de documents d’état civil légalisés, et à rendre subsidiaires les autres investigations, notamment sociales et psychologiques. Les MNA provenant en grande majorité de pays où l’état civil n’est pas tenu correctement, une telle mesure nécessiterait que tous les jeunes ou presque entament des démarches auprès des autorités consulaires, sans certitude de résultat, ce qui allongerait considérablement et inutilement les délais d’évaluation. En outre, les entretiens réalisés avec le jeune gardent toute leur pertinence pour évaluer l’isolement de ce dernier. En conséquence, l’avis est défavorable.
Les amendements identiques nos 289 et 335 rectifié bis définissent la procédure après la présentation de documents d’état civil ou en l’absence de ceux-ci. Ils prévoient que le président du conseil départemental se doit, dès le stade de l’évaluation, d’assister les jeunes dans leurs démarches auprès des autorités consulaires. Ils ne semblent toutefois pas applicables en pratique et risqueraient d’allonger considérablement les délais d’évaluation. L’avis est donc défavorable.
Les amendements nos 373 et 292 fixent à cinq jours la durée de l’accueil provisoire d’urgence du jeune à l’issue de laquelle le président du conseil départemental doit saisir l’autorité judiciaire, tandis que l’article 15 renvoie à un décret le soin de fixer cette durée. Cette solution, en vigueur actuellement, est aussi celle qui ménage le plus de souplesse pour adapter ce délai. Celui-ci est d’ailleurs actuellement fixé à cinq jours, mais il n’est que très rarement respecté. N’inscrivons donc pas dans la loi une mesure que les départements ne pourraient pas respecter. Avis défavorable.
L’amendement n° 290 vise à inscrire dans la loi l’organisation d’un temps de répit au bénéfice du jeune avant le début de l’évaluation de sa minorité et de son isolement. Recommandé par le récent rapport des commissions des affaires sociales et des lois sur les MNA, ce temps de répit doit permettre aux jeunes qui ont connu des situations traumatisantes de retrouver leurs esprits avant le début des entretiens. S’il est prévu par le guide de recommandation des bonnes pratiques en matière d’évaluation, il est rarement appliqué par les départements. Il serait donc opportun de l’inscrire dans la loi. Avis favorable, madame Poncet Monge !
Les amendements nos 367 rectifié et 288 proposent de supprimer le fichier d’aide à l’évaluation de la minorité, tandis que l’amendement n° 42 rectifié ter vise à supprimer le recours obligatoire à ce fichier. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai développées sur les amendements de suppression de l’article 15 tout à l’heure, l’avis est défavorable.
Les amendements identiques nos 279 et 334 rectifié bis conditionnent la présentation du jeune à la préfecture pour consultation du fichier AEM au fait de ne pas posséder de documents d’état civil valables. Mais beaucoup de MNA n’ont pas de documents d’état civil, ou disposent de documents dont l’authenticité peut être contestée. Cette condition nous semble donc moins pertinente que l’absence de minorité manifeste. Avis défavorable.
L’amendement n° 418 rectifié entend conditionner le recours au fichier AEM à l’existence d’un doute sur la minorité. Cette condition est équivalente à la condition actuelle, qui prévoit que la consultation a lieu sauf si la minorité est manifeste. Or la minorité est par définition manifeste en l’absence de doute. Cet amendement étant satisfait, nous sollicitons donc son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 43 rectifié bis vise à supprimer la possibilité de recourir aux tests osseux. Il s’agit d’une méthode facultative parmi les nombreuses qui concourent à l’évaluation de la minorité. Elle ne peut être réalisée qu’en saisissant l’autorité judiciaire et dans le respect de règles strictes rappelées par le Conseil constitutionnel. En outre, le doute profite toujours à l’intéressé. Nous devons veiller à ce que ces conditions soient systématiquement respectées lors de l’usage des tests. En revanche, pour le moment, les interdire nous priverait d’une méthode qui peut concourir au faisceau d’indices permettant de trancher la question de minorité. L’avis est donc défavorable, mais je reconnais que nous devrons nous pencher sur cette méthode d’évaluation, car elle ne semble pas très sûre aujourd’hui, en particulier sur le plan médical.
Enfin, l’amendement n° 50 rectifié permet au président du conseil départemental de solliciter le préfet afin qu’il engage un examen anticipé du titre de séjour. L’amendement ouvre toutefois cette possibilité au stade de l’évaluation, c’est-à-dire pour des personnes qui ne sont pas encore reconnues mineures et dont certaines, une fois majeures, seront soumises à une obligation de quitter le territoire français. Cette disposition est en outre satisfaite pour les MNA confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) par une instruction ministérielle du 21 septembre 2020 à destination des préfets. Avis défavorable.
En résumé, la commission émet un avis favorable sur le seul amendement n° 290.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Mes avis seront peu ou prou les mêmes que ceux de M. le rapporteur. Je me permettrai de commenter néanmoins quatre amendements en particulier.
Bien que j’y sois défavorable, l’amendement n° 281 me semble intéressant et ne me surprend pas au regard de la situation dans certains territoires, notamment le vôtre, madame Meunier.
L’amendement n° 290 de Mme Poncet Monge, relatif au répit, a reçu un avis favorable du rapporteur. Cette question nous semble relever davantage du règlement, et c’est en effet une préconisation du guide des bonnes pratiques. Nous avions prévu de solliciter le retrait de cet amendement, mais nous nous en remettrons finalement à la sagesse du Sénat.
Sur les amendements relatifs aux tests osseux, l’avis est défavorable, mais nous partageons la conviction du rapporteur – j’ai déjà eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale.
Quant à l’amendement n° 50 rectifié, j’avais en effet obtenu, dans le cadre du débat sur l’immigration, que le ministère de l’intérieur publie la circulaire du 21 septembre 2020, qui demande aux préfectures de pouvoir évaluer la situation de ces jeunes avant leurs 17 ans. J’avais en effet constaté, dans l’Oise, me semble-t-il, qu’une convention de partenariat entre le département et la préfecture permettait de ne pas attendre la veille de ses 18 ans pour examiner la situation du mineur non accompagné, et que cela permettait de résoudre beaucoup de problèmes.
Cette circulaire va dans le bon sens, et ce débat constitue une bonne occasion de rappeler à l’ensemble de nos préfets la nécessité de la mettre en œuvre dans tous nos territoires. Nous restons toutefois défavorables à l’inscription de ses dispositions dans la loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 289 et 335 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 279 et 334 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Artano, l’amendement n° 418 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Artano. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 418 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Madame Sollogoub, l’amendement n° 50 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nadia Sollogoub. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié est retiré.
L’amendement n° 221 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Henno, Canévet et Kern, Mme Vermeillet, MM. Moga, J.M. Arnaud et Levi, Mme Guidez, MM. Le Nay et Lafon, Mme Saint-Pé, M. Détraigne, Mme Herzog et MM. Poadja, Hingray, Duffourg, Delcros et Chauvet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigé :
Lorsqu’une personne se présentant comme mineure privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est prise en charge dans le cadre de l’évaluation de mise à l’abri prévue à l’article R. 221-12 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental exerce l’autorité parentale le temps de l’évaluation de minorité.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement, déposé par Mme Létard, vise à s’assurer que le président du conseil départemental pourra exercer, dans l’intérêt de la personne se présentant comme mineure, tous les actes de l’autorité parentale pendant la phase de l’évaluation de minorité – autorisation de soin, autorisation de pratiquer un sport, autorisation de passer les tests nécessaires à la scolarisation, autorisation de droit de visite et d’hébergement chez un tiers, etc.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cette mesure systématique, qui ne fait pas intervenir le juge, constituerait une dérogation aux règles de détermination et de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale. Elle ne nous semble pas souhaitable.
Il convient en revanche, dès que le mineur est évalué comme tel, de saisir le juge en vue d’une ouverture de la tutelle ou d’une délégation de l’autorité parentale, si les conditions sont remplies.
Nous émettons toutefois un avis défavorable sur cette demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jocelyne Guidez. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 221 rectifié est retiré.
L’amendement n° 340 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il procède à sa scolarisation en application des articles L. 111-1, L. 122-1 et L. 131-1 du code de l’éducation.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Comme le soulignent le rapport de notre collègue Doineau de 2017 et celui que j’ai rédigé avec mes collègues Bourgi, Burgoa et Leroy en 2021, l’incertitude qui demeure autour de l’âge des mineurs non accompagnés avant leur évaluation de minorité laisse planer un doute extrêmement problématique sur la base juridique qui leur est applicable.
Nous avons ainsi des exemples de jeunes qui ont finalement été reconnus comme mineurs, mais qui sont restés non scolarisés plus d’une année après leur examen de minorité. Ce n’est pas acceptable. Quant à la diversité des réponses selon les départements, elle l’est encore moins : certains, comme les Bouches-du-Rhône, acceptent d’entamer des démarches de scolarisation de certains jeunes avant la fin de leur période d’évaluation, d’autres non.
La scolarisation est pourtant cruciale pour l’intégration et l’insertion de ces jeunes. En 2016, le Défenseur des droits avait ainsi affirmé que la scolarisation des jeunes migrants devait être une priorité absolue. C’est pour atteindre cet objectif que notre amendement prévoit d’organiser la scolarisation des mineurs non accompagnés, avec, dès leur accueil provisoire, l’évaluation de leur niveau scolaire et leur affectation dans un établissement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement parfaitement louable s’appuie sur le récent rapport de la mission d’information sur les MNA, dont vous étiez l’un des quatre corapporteurs, monsieur Iacovelli, et qui dressait un constat inquiétant sur la scolarisation très hétérogène des MNA.
Toutefois, une obligation de scolarisation qui bénéficierait à tous les jeunes arrivant dans un département, y compris ceux qui sont manifestement majeurs, semble peu réaliste et n’est guère souhaitable.
Il conviendrait plutôt d’agir sur les délais de procédure et de développer des modes de préscolarisation par l’intermédiaire de certaines associations, comme le rapport le suggérait.
C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur cet amendement, qui nous semble insuffisamment précis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Notre raisonnement rejoint celui du rapporteur. Un dispositif de droit commun, codifié à l’article L. 122-2 du code de l’éducation, permet déjà la scolarisation de ces mineurs, même si nous constatons des difficultés. Serait-il vraiment pertinent de créer un dispositif dérogatoire ? On peut s’interroger.
Il est sans doute possible d’agir plus efficacement, et immédiatement dans les territoires, sur l’aide que les associations apportent en matière d’apprentissage du français. Nous devons aussi lever les blocages qui peuvent exister au niveau territorial entre l’aide sociale à l’enfance et les services académiques de l’éducation nationale. C’est un vrai sujet, mais je ne sais pas si on le résoudrait en imposant la scolarisation immédiate de ces jeunes, dès leur mise à l’abri. Je m’engage en tout cas à me rapprocher du ministre de l’éducation nationale et de ses services pour voir comment nous pourrions améliorer la situation.
On ne peut pas tout renvoyer au groupement d’intérêt public, c’est-à-dire à la future gouvernance du système, mais c’est sans doute l’un des sujets prioritaires auquel il faudra s’atteler.
La question de la scolarisation, mais aussi celle de l’insuffisance des parcours universitaires parmi les enfants de l’ASE – seuls 6 % d’entre eux poursuivent des études supérieures –, est un sujet sur lequel il y a encore pas mal de travail, et sur lequel nous n’avons pas encore suffisamment avancé ces dernières années. J’en assume la responsabilité, bien évidemment.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 340 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 291 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 336 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Rambaud, Mme Schillinger, MM. Buis, Rohfritsch et Lévrier, Mmes Duranton et Havet, M. Théophile et Mme Dindar.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article 388 du code civil est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa, après les mots : « à partir », sont insérés les mots : « d’examens radiologiques osseux ou ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 291.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement portant également sur les tests osseux, je ne reprendrai pas mon argumentation précédente sur l’usage, ou plutôt le mésusage de ces tests.
Une équipe du CHU de Marseille a ainsi montré que l’os sésamoïde du pouce pouvait apparaître entre 10 et 15 ans chez les garçons et entre 8 et 15 ans chez les filles.
Nous utilisons donc un test dont la marge d’erreur, sur ce point par exemple, est de plusieurs années. (M. Guy Benarroche le confirme.)
Il est temps vraiment d’abandonner ces tests osseux.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 336 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de recourir aux tests osseux pour établir la minorité des mineurs non accompagnés.
Rappelons tout d’abord – tout le monde le sait ici – que le référentiel relatif aux tests osseux date de 1930. Il semble donc légèrement dépassé…
Qu’elle soit prise isolément ou combinée, aucune méthode médicale de détermination de l’âge osseux n’apporte, à l’heure actuelle, des informations scientifiques suffisamment fiables et précises pour déterminer l’âge des mineurs évalués.
Au-delà des réserves éthiques que suscite – cela a été dit – l’usage de ces tests, la marge d’erreur se situerait, selon plusieurs études, entre douze et vingt-quatre mois. Cela peut causer, sur les mineurs évalués, des préjudices non négligeables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Nous en avons discuté précédemment : nous sommes tous d’accord pour reconnaître le caractère insuffisamment fiable des tests osseux.
Pour autant, ces derniers existent toujours. Tant que les médecins ne nous auront pas apporté la preuve de leur inutilité totale et tant que nous ne disposerons pas de procédé alternatif permettant de déterminer l’âge de la personne, nous pouvons attendre.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Quel drôle de débat !
M. le rapporteur vient de répéter, pour la deuxième ou la troisième fois : « Ces tests ne fonctionnent pas ; je vous propose de les garder. » Il y a quelque chose qui ne colle pas !
Il serait temps d’en finir avec cette pratique, qui pose beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout, entraîne énormément de recours et, finalement, n’est plus d’aucune utilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Ronan Dantec a tout à fait raison. J’ajouterai que les organismes scientifiques les plus reconnus sur le plan éthique ou médical confirment la non-fiabilité des tests osseux, surtout entre 16 et 18 ans. Or c’est précisément l’âge des personnes que nous testons.
Tout le monde admet donc que les tests osseux ne fonctionnent pas. Et pourtant, alors que nous tous, mes chers collègues, mettons toujours en avant les avancées de la science et les progrès technologiques, on s’obstine à vouloir les conserver, je ne sais pour quelles raisons.
Aujourd’hui, on nous dit : « Nous savons que les tests osseux ne sont pas fiables, ils sont rétrogrades, ont été inventés il y a un siècle dans un tout autre but, mais nous allons tout de même les conserver. » Comprenne qui pourra la cohérence de cette position !
En conséquence, mes chers collègues, je vous invite à voter conformément à votre opinion et à supprimer les tests osseux.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Mes chers collègues du groupe GEST, vous qui critiquez les tests osseux, quelle solution de remplacement proposez-vous ?
Ce n’est pas tout de dire que vous ne voulez plus des tests, mais que proposez-vous ? Rien ! (Protestations sur les travées du groupe GEST. – M. Xavier Iacovelli proteste également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Un faisceau d’indices !
M. Laurent Burgoa. Un faisceau d’indices ? Ces tests ne sont-ils pas, aussi, l’un des moyens de prouver la minorité ou la majorité de la personne ? C’est à se demander s’il ne faut pas accueillir tout le monde… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 291 et 336 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Après l’article 15
Mme la présidente. L’amendement n° 368 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 388 du code civil est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « âge », il est inséré le mot : « ni » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ni à partir d’examens radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, je suis quelque peu désolée que cet amendement, qui vise également à supprimer les tests osseux, tende à insérer un article additionnel après l’article 15, alors que des amendements semblables ont été déposés sur l’article 15. Veuillez donc, mes chers collègues, excuser cette redite.
Soyons logiques. On ne peut pas, d’un côté, reconnaître que ces tests ne sont pas fiables et, de l’autre, entériner leur maintien !
Nous débattons d’un projet de loi de protection de l’enfance. Nous devons donc nous préoccuper avant tout de protection de l’enfance et affirmer la présomption de minorité.
Il est aussi possible, par exemple, de mener des entretiens pluridisciplinaires. Il me semble important de recourir à des méthodes qui soient beaucoup plus respectueuses des droits de l’enfant, à un système d’évaluation qui soit uniforme, fondé sur des éléments objectifs.
La dimension pluridisciplinaire permet de recueillir des points de vue différents : celui des médecins, des psychologues, etc. C’est cette démarche qui peut nous permettre de sortir de cette situation.
Permettez-moi de dire que je ne trouve pas très courageux d’affirmer dans cet hémicycle que l’on recourt à des tests non fiables, susceptibles de mettre en péril des jeunes, qui sont déjà extrêmement fragilisés.
M. Roger Karoutchi. Là n’est pas le débat !
Mme Laurence Cohen. Cela ne tient pas la route.
Je me demande à quel moment les tests osseux seront enfin profondément remis en cause. Non seulement ils ne sont pas satisfaisants sur le plan scientifique, mais ils sont aussi révoltants sur le plan éthique !
Mme la présidente. Ma chère collègue, si votre amendement a été placé à cet endroit, c’est parce que sa rédaction commence par les termes « après l’article 15 ».
Mme Laurence Cohen. Parfois, la direction de la séance nous aide à corriger ce type d’erreur !
Mme la présidente. Compte tenu du nombre d’amendements qui ont été déposés, il revient aussi à leurs auteurs d’en vérifier la bonne rédaction.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur la discussion. Nous avons dit que, pour l’heure, ces tests existaient.
En revanche, je demande instamment au Gouvernement de procéder à une évaluation, qui pour l’instant n’a pas été faite, qui démontrerait peut-être scientifiquement l’inutilité de ces tests.
Je souhaite que nous trouvions d’autres méthodes pour estimer correctement l’âge de ces personnes, médicalement, légalement ou autrement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 368 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Pemezec, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Billon et Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Cadec, Cambon, Charon et Chauvet, Mmes Chauvin et de Cidrac, M. Daubresse, Mmes Demas, Di Folco, Dumont, Eustache-Brinio et Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mmes Gruny et Herzog, MM. Hingray, Lefèvre, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. P. Martin, Meignen et Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 388 du code civil, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’évaluation de la situation d’une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est effectuée, dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, par le président du conseil départemental territorialement compétent.
« La minorité de l’intéressé est présumée jusqu’à ce que l’évaluation mentionnée au précédent alinéa ait été réalisée par le président du conseil départemental. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement vise à garantir la compétence des conseils départementaux pour procéder à l’évaluation de la minorité lorsque l’intéressé se déclare mineur et privé temporairement, ou définitivement, de la protection de sa famille.
Par ailleurs, la présomption de minorité dont bénéficie l’intéressé jusqu’à ce que l’évaluation de son âge ait été réalisée est consacrée par cette proposition.
Mme la présidente. L’amendement n° 371 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la nécessité d’inscrire dans la loi le principe de présomption de minorité.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à poser le principe de présomption de minorité.
La présomption de minorité permet qu’une personne se présentant comme mineure soit considérée comme telle jusqu’à ce qu’une décision de justice ayant autorité de la chose jugée, donc une décision du juge des enfants ou de la cour d’appel, soit rendue.
En droit français, la présomption de minorité a été consacrée de façon partielle et détournée par la loi de 2016, avec le recours à la pratique des tests osseux.
Comme l’indique la Cimade dans son avis sur le projet de loi que nous discutons aujourd’hui, le recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité « met en avant un contrôle et une gestion des flux migratoires inconciliable avec la protection de l’enfance. Cette disposition renverse d’ailleurs la présomption de minorité et le bénéfice du doute. De plus, l’enregistrement des données personnelles des enfants à d’autres fins que celles liées à leur protection est manifestement contraire aux recommandations du comité des droits de l’enfant ».
La présomption de minorité ne peut être écartée lorsque celle-ci n’est pas manifeste. Il s’agit d’un principe absolu auquel nous voulons aujourd’hui donner, par cet amendement, force de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Le premier point de l’amendement n° 18 rectifié bis est satisfait par l’article 15, qui prévoit que le président du conseil départemental procède à l’évaluation.
Sur le second point, il n’apparaît pas nécessaire d’inscrire une présomption de minorité dans la loi, alors que tout jeune se déclarant MNA arrivant en France bénéficie d’un accueil provisoire d’urgence, le temps d’être évalué.
De plus, si, à l’issue de l’évaluation, il subsiste un doute sur son âge, celui-ci profite à la personne. Une présomption de minorité n’apporterait donc aucune garantie supplémentaire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 371 rectifié bis consiste en une demande de rapport sur l’opportunité d’inscrire la présomption de minorité dans la loi.
Pour les mêmes raisons de fond que celles qui ont été avancées à l’amendement précédent, mais aussi conformément à sa position générale vis-à-vis des demandes de rapport, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons que celles qu’a exposées M. le rapporteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 371 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Pemezec, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Billon et Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Cambon, Charon et Chauvet, Mmes Chauvin et de Cidrac, M. Daubresse, Mmes Demas, Di Folco, Dumont, Eustache-Brinio et Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mmes Gruny et Herzog, MM. Hingray, Lefèvre, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. P. Martin, Meignen et Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 375 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans tous les cas où il existe un doute sur la minorité de l’intéressé, les mesures mentionnées au précédent alinéa sont prises après que le juge a saisi le président du conseil départemental afin qu’il procède à l’évaluation mentionnée à l’article 388 dans les conditions prévues à l’article L. 221–12 du code de l’action sociale et des familles. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Le présent amendement vise à modifier l’article 375 du code civil afin de prévoir, dans les cas où il existe un doute sur la minorité de la personne pour laquelle il est envisagé de prendre des mesures d’assistance éducative, que l’autorité judiciaire saisisse le président du conseil départemental afin qu’il procède à l’évaluation de la minorité dans les conditions prévues par la loi.
Les exigences de sécurité juridique et d’efficacité imposent que les différentes autorités chargées de déterminer si une personne se déclarant mineure doit bénéficier du dispositif de protection de l’enfance ne prennent pas des décisions contradictoires sur la question de la minorité de la personne.
En outre, eu égard aux qualifications exigées par les dispositions réglementaires applicables aux travailleurs sociaux chargés de procéder à l’évaluation de la minorité mise à la charge des départements, il apparaît opportun que le juge des enfants saisi en application de l’article 375 du code civil puisse, pour prendre une décision éclairée, bénéficier de l’expertise des services du département spécialement formés à cet effet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. L’adoption de votre amendement tendrait à placer le juge dans une relation de dépendance, qui ne serait pas pertinente, vis-à-vis du président du conseil départemental.
Le juge des enfants a précisément pour rôle de confirmer ou d’infirmer la décision du président du conseil départemental s’agissant des MNA, sans demander à ce dernier une seconde évaluation.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15 bis (nouveau)
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 423-22, après le mot : « enfance », sont insérés les mots : « ou à un tiers digne de confiance » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 435-3, après le mot : « enfance », sont insérés les mots : « ou à un tiers digne de confiance ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 295, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
1° L’article L. 423–22 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « au plus tard le jour de ses seize ans » sont remplacés par les mots : « ou à un tiers digne de confiance » ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
2° L’article L. 435–3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 435-3. – L’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance ou à un tiers digne de confiance et qui suit une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “salarié” ou “travailleur temporaire” sans que lui soit opposable, ni la situation de l’emploi, ni la condition prévue à l’article L. 412-1.
« L’étranger qui justifie suivre un enseignement en France ou qui y poursuit des études peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant », sans que lui soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis des années, la France est témoin du gâchis humain et social que constituent les sorties sèches de l’ASE.
Par ce projet de loi, nous avons remédié, en partie seulement, à ce problème.
Les délivrances d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) aux MNA à la date anniversaire de leur majorité sont également problématiques.
En décembre dernier, Laye Fodé Traoréiné, arrivé en France après ses 16 ans, s’est vu remettre une OQTF à sa majorité, alors qu’il était en passe de valider son certificat d’aptitude professionnelle (CAP) de boulangerie. Son patron est allé jusqu’à faire une grève de la faim pour que son apprenti soit régularisé et une pétition en ce sens a réuni plus de 240 000 signatures.
En 2015, Armando Curri, titulaire d’un CAP de menuiserie et désigné meilleur apprenti de France ici même au Sénat, avait fait l’objet d’une OQTF quelques mois auparavant, au point que la cérémonie a failli ne pas avoir lieu.
Ces histoires absurdes ne sont pas des cas isolés ; elles se répètent dramatiquement, régulièrement. Pour la seule année 2021, la Cimade accompagnait à elle seule près de 200 anciens MNA visés par des OQTF.
Comment comprendre qu’un mineur ayant fait l’objet de mesures de protection, d’accompagnement, de soutien par les services de l’ASE puisse, du jour au lendemain, se retrouver à la porte d’un système qui a pourtant, et à raison, tout entrepris pour garantir son intégration ?
Ce gâchis doit cesser. Les MNA qui ont été pris en charge par l’ASE doivent, de droit, recevoir à leur majorité un titre de séjour. Il s’agit de faire œuvre de cohérence administrative et de respecter le travail de l’aide sociale à l’enfance, le travail des travailleurs sociaux, l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit de ces jeunes à poursuivre leur intégration dans notre pays.
Mme la présidente. L’amendement n° 222 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Billon et Férat, MM. Canévet et Kern, Mme Vermeillet, MM. Moga, J.M. Arnaud et Levi, Mme Guidez, MM. Le Nay et Lafon, Mmes Saint-Pé et Herzog et MM. Poadja, Hingray, Duffourg, Delcros et Chauvet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Le même premier alinéa de l’article L. 423-22 est ainsi modifié :
a) Les mots : « au plus tard le jour de ses seize ans » sont supprimés ;
b) Après les mots : « d’un an, », sont insérés les mots : « quelle que soit sa nationalité et » ;
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 222 rectifié bis et 223 rectifié bis, tous deux proposés par notre collègue Valérie Létard.
Mme la présidente. L’amendement n° 223 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mme Billon, MM. Canévet et Kern, Mme Vermeillet, MM. Moga, J.M. Arnaud et Levi, Mme Guidez, MM. Le Nay et Lafon, Mmes Saint-Pé et Herzog et MM. Poadja, Hingray, Duffourg, Delcros et Chauvet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase de l’article L. 435-3, les mots : « À titre exceptionnel, » et : « ou “travailleur temporaire” » sont supprimés ;
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Annick Billon. L’amendement n° 222 rectifié bis vise à sécuriser les parcours des jeunes majeurs ex-MNA et de permettre leur admission au séjour mention « vie privée et familiale », quel que soit l’âge auquel ils ont été confiés à l’ASE.
En effet, la carte de séjour « vie privée et familiale » est une condition essentielle de l’insertion sociale et professionnelle. Contrairement à la carte « travailleur temporaire » actuellement délivrée aux jeunes pris en charge après 16 ans, cette carte de séjour marque le caractère pérenne de la présence du jeune sur le territoire ; elle permet un accès au marché de l’emploi non soumis à l’autorisation de travail et sécurise la sortie des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance.
Il s’agit donc également de permettre un accès au séjour mention « vie privée et familiale » aux jeunes Algériens pris en charge par l’ASE.
À défaut de permettre aux majeurs ex-MNA d’obtenir une carte de séjour « vie privée et familiale » quel que soit l’âge auquel ils ont été pris en charge par l’ASE, l’amendement n° 223 rectifié bis vise à sécuriser le parcours de ces jeunes au travers de trois dispositions.
D’abord, en supprimant le caractère exceptionnel de l’admission au séjour « salarié » ; ensuite, en ajoutant que la date à prendre en compte pour calculer la date de prise en charge ASE est la date de la mise à l’abri – cette modification permet de ne pas pénaliser le jeune pour les délais inhérents à l’évaluation de minorité et à l’obtention de l’ordonnance de placement provisoire (OPP) ; enfin, en supprimant la possibilité d’accorder une carte « travailleur temporaire », qui ne donne pas accès au contrat d’intégration républicaine et qui marque le caractère temporaire de l’admission au séjour des jeunes majeurs ex-MNA, en l’espèce le temps du contrat de travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Ces trois amendements visent à assouplir les conditions de délivrance d’un titre de séjour aux MNA.
Je rappelle que la commission a justement proposé d’assouplir les possibilités d’obtenir des cartes de séjour, de ne pas les réserver qu’aux jeunes qui ont été pris en charge par l’ASE, mais de les élargir aux personnes qui avaient été prises en charge par des tiers dignes de confiance. Cet assouplissement est déjà important.
L’amendement n° 295 tend à supprimer les conditions de « caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française » pour l’obtention d’une carte « salarié » ou « travailleur temporaire ».
Comme l’amendement n° 222 rectifié bis, il permet aussi aux MNA d’obtenir de plein droit une carte de séjour « vie privée et familiale », quel que soit l’âge auquel ils ont été pris en charge par l’ASE, alors que cette possibilité est ouverte aux seuls MNA confiés à l’ASE avant 16 ans.
Le rapport de la mission d’information sur les mineurs non accompagnés a constaté que les difficultés d’accès à un titre de séjour pour les MNA étaient plus d’ordre procédural que juridique. In fine, le taux d’approbation des demandes de titre de séjour est très élevé : plus de 90 %.
Je vous propose donc de rester sur cette approche et de ne pas modifier les conditions d’obtention d’une carte de séjour, compte tenu des apports de la commission développés précédemment.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 295 et 222 rectifié bis.
L’amendement n° 223 rectifié bis vise à supprimer le caractère exceptionnel de la procédure d’obtention d’une carte « salarié » et supprime la possibilité d’obtenir une carte portant la mention « travailleur temporaire ».
L’obtention d’une carte de séjour « salarié » pour les anciens MNA arrivés en France après 16 ans relève d’une procédure d’admission exceptionnelle au séjour, c’est-à-dire dérogatoire aux conditions d’obtention dont bénéficient les autres étrangers.
Le pouvoir d’appréciation de l’administration est plus grand. La suppression de ce caractère exceptionnel n’aurait pas d’influence sur les conditions d’obtention ni sur les marges de manœuvre de l’administration. Elle n’apparaît donc pas nécessaire.
Par ailleurs, la carte portant la mention « travailleur temporaire » est délivrée aux étrangers détenant un CDD. Cette règle s’applique à tous les étrangers, et instituer une distinction pour les anciens MNA ne semble pas être justifié. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
J’en profite pour émettre le souhait que des instructions soient données aux préfets pour que les conditions d’obtention des cartes de séjour soient identiques d’un département à l’autre. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : dans certains départements, il est plus facile de les obtenir que dans d’autres, et sans doute une instruction ministérielle permettrait-elle de garantir une certaine égalité territoriale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement suivra M. le rapporteur dans son avis sur ces trois amendements, pour les raisons qui ont été exposées. Le texte issu de la commission comporte en effet des apports s’agissant des MNA confiés à des tiers dignes de confiance. Cette demande m’avait été faite, d’ailleurs, me semble-t-il, par Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace.
En ce qui concerne votre demande, monsieur le rapporteur, c’est tout le sens de la circulaire du 21 septembre 2020 que d’anticiper les situations.
Lorsque l’on se déplace sur le terrain – vous devez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, dans vos départements –, on se rend compte que, quand on appréhende les situations sans attendre le dernier moment ni prendre le risque de ruptures administratives au moment du passage à la majorité, quand les jeunes sont intégrés dans des parcours d’insertion professionnelle – c’est très souvent le cas – et quand des besoins ou des tensions existent dans certains secteurs – c’est particulièrement le cas en ce moment, semble-t-il –, les titres de séjour sont délivrés à hauteur de 90 %, comme l’indiquait M. le rapporteur.
J’entends – vous avez raison, monsieur le rapporteur – que les conditions de délivrance varient parfois selon les territoires. Sachez que des réflexions sont en cours sur une éventuelle révision de la circulaire du 21 septembre 2020, en vue d’une meilleure harmonisation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 222 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 223 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15 bis.
(L’article 15 bis est adopté.)
Après l’article 15 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 114 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 215 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Lafon, Longeot, Henno et Levi, Mme Herzog, MM. Hingray, Poadja, Le Nay et Détraigne, Mme Férat, M. Delcros et Mmes Billon et Létard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la désignation systématique d’un administrateur ad hoc pour tout mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 114.
Mme Angèle Préville. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en vertu de l’article 388-1-1 du code civil, « l’administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes ».
Or les mineurs non accompagnés sont, par définition, sans représentant légal sur le territoire, tant qu’ils n’ont pas été reconnus mineurs et qu’une décision judiciaire n’a pas déféré leur tutelle au président du conseil départemental.
Il paraît primordial qu’ils bénéficient d’une représentation légale dès leur entrée sur le territoire, afin que puissent être effectués tous les actes de la vie civile les concernant, qu’ils puissent être accompagnés dans toute procédure, y compris la procédure d’évaluation de leur minorité, et de pallier les difficultés d’accès à la justice qu’ils peuvent rencontrer.
C’est pourquoi cet amendement tend à proposer que le Gouvernement remette au Parlement, suivant la formule consacrée, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la désignation systématique d’un administrateur ad hoc pour tout mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 215 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Cet amendement proposé par notre collègue Claude Kern vient d’être très bien défendu par notre collègue Angèle Préville.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. S’agissant d’une demande de rapport, la commission conserve sa position constante : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 114 et 215 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
TITRE VII
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
Article 16
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à :
1° L’adaptation des dispositions de la présente loi dans les collectivités qui relèvent de l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
2° L’extension et l’adaptation en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ainsi qu’à Wallis-et-Futuna des articles 7 et 13 de la présente loi.
Cette ordonnance est prise dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)
Après l’article 16
Mme la présidente. L’amendement n° 282, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la date de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la pénurie des familles d’accueil.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai également l’amendement n° 283.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 283, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la date de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences en termes de rémunération pour les assistants dès lors qu’il fait l’objet d’un signalement.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Michelle Meunier. Ces deux amendements visent chacun à demander un rapport ; je connais donc le sort qui leur est réservé, mais je n’ai rien trouvé d’autre pour attirer de nouveau l’attention sur la situation de crise et d’urgence que connaît l’aide sociale à l’enfance, notamment au travers du métier d’assistant familial, et sur le devenir des familles d’accueil.
Je souhaite que le Gouvernement travaille réellement à des solutions. À titre d’exemple, il serait souhaitable, pour le métier d’assistant familial, de favoriser les passerelles entre la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.
Aujourd’hui, si un éducateur de l’ASE souhaite devenir famille d’accueil, il lui faut soit se mettre en disponibilité, soit démissionner, car il ne peut pas cumuler le statut de fonctionnaire et le statut de contractuel de la fonction publique.
Or il pourrait être intéressant que des professionnels déjà formés à la protection de l’enfance puissent s’orienter, en cours de carrière, vers les métiers de famille d’accueil.
L’amendement n° 283 tend également à demander un rapport, cette fois sur les conséquences dramatiques, en termes de rémunération, pour l’assistant familial et sa famille en cas de retrait d’un mineur à la suite d’un signalement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission émet sur ces demandes de rapport un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Même avis.
Sachez, madame la sénatrice, que la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) mène actuellement une grande enquête sur les assistants familiaux.
Ses résultats devaient être publiés à la fin du mois de décembre 2021, mais comme nous sommes déjà le 15 décembre, j’imagine qu’ils le seront plutôt au début de l’année 2022… Je demanderai donc à la Drees de me communiquer la date précise de publication.
Madame Meunier, vous aviez laissé entendre que vous présenteriez un amendement sur la question de l’accès aux origines…
Mme Michelle Meunier. Il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’attendais que vous présentiez cet amendement pour vous informer que, si les adoptions illicites font l’objet d’une attention médiatique, nous sommes, de notre côté, en contact depuis un certain nombre de semaines et de mois sur cette question avec les associations d’enfants adoptés.
Je vous confirme ce que j’ai commencé à évoquer devant l’Assemblée nationale : nous allons mettre en place, au premier trimestre de 2022, avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de la justice, une mission interministérielle inspirée du modèle de la Commission d’information et de recherche sur les enfants de la Creuse.
L’objectif est d’enquêter sur ces adoptions illicites et de pouvoir apporter une réponse à ces enfants devenus grands.
Mme la présidente. L’amendement n° 284, présenté par Mmes Le Houerou, Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la date de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités de financement des lieux de vie et d’accueil.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. J’imagine que cet amendement connaîtra le même sort que les précédents…
Il y a en France 450 lieux de vie et d’accueil (LVA). Dans la mesure où ils ne sont pas des établissements et services sociaux ou médico-sociaux, les LVA ne font pas partie des schémas départementaux. Les organismes utilisateurs ne sont pas solidaires d’éventuels déficits générés par les LVA, qui sont seuls redevables de leurs pertes.
Aussi, il n’y a pas d’organisme financeur pour les LVA, mais des utilisateurs, qui payent une prestation de services délivrée par des structures souvent de droit privé.
Nombre de ces LVA se trouvent aujourd’hui en difficulté, alors qu’ils répondent à de véritables besoins et à des situations très compliquées.
Par ailleurs, le décret auquel renvoie l’article L. 312–1 du code de l’action sociale et des familles attribue aux présidents de conseil départemental le pouvoir de fixer la tarification journalière des LVA. Or les départements ne sont pas les seuls à recourir à leurs services ; la protection judiciaire de la jeunesse et les agences régionales de santé le font également.
En outre, la pratique révèle que certains départements, qui bien souvent n’ont pas recours aux LVA, fixent systématiquement des prix de journées identiques et trop faibles. Cela entretient une normalisation des places, ce qui va à l’encontre de la singularité de chaque LVA.
Ces structures offrent une réponse adaptée aux besoins de chaque enfant ou adolescent ; un accompagnement individuel est donc nécessaire, ce qui induit des coûts de fonctionnement importants.
Pour ces raisons, nous demandons au Gouvernement qu’il remette au Parlement un rapport sur les modalités de financement des LVA et plus largement sur leur fonctionnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il s’agit d’une demande de rapport : l’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable, mais je dois dire que nous allons faire mieux qu’un rapport – j’en ai parlé hier.
En effet, nous avons déjà réuni un groupe de travail, auquel participait notamment la Fédération nationale des lieux de vie et d’accueil, qui a permis d’aboutir à un décret sur l’organisation du travail des salariés de ces lieux. Vous le savez, le temps de travail est une problématique importante pour les LVA.
Un second groupe de travail réfléchit à la question du financement ; il devrait rendre ses résultats au début de 2022.
Vous le voyez, nous sommes au-delà du rapport, puisque nous travaillons sur les réponses à apporter.
Mme la présidente. L’amendement n° 338 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli et Rambaud, Mme Schillinger, MM. Buis, Rohfritsch et Lévrier, Mmes Duranton et Havet, M. Théophile et Mme Dindar, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de modifier l’article 1186 du code de procédure civile, afin de rendre l’assistance d’un avocat systématique pour les mineurs faisant l’objet d’une procédure d’assistance éducative, indépendamment de leur état de discernement et de la formulation d’une demande explicite en ce sens. Ce rapport étudie notamment la possibilité de prendre en charge cette assistance au titre de l’aide juridictionnelle.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 338 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je souhaite tout d’abord remercier M. le secrétaire d’État pour les explications qu’il nous a fournies tout au long de nos débats et notre rapporteur, Bernard Bonne, pour son implication et pour sa contribution à l’élaboration de ce texte.
Nous souhaitons d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, que ces améliorations soient retenues dans la suite de la navette parlementaire.
Certains sujets n’ont pas été abordés lors de nos débats ; je pense notamment à l’accompagnement à la parentalité ou à la pédopsychiatrie, secteur qui rencontre d’importantes difficultés.
En outre, l’intitulé du projet de loi qui évoque « la protection des enfants », et non « la protection de l’enfance », peut prêter à confusion. En fait, ce texte ne concerne que les services de l’aide sociale à l’enfance.
Le dernier point que je souhaite évoquer, c’est celui du coût, car le financement est évidemment un élément déterminant dans la prise en charge des enfants.
J’ai noté, monsieur le secrétaire d’État, que vous aviez annoncé un certain nombre de choses de ce point de vue, mais il faudra bien s’assurer que les départements pourront continuer de faire leur travail de manière satisfaisante – c’est leur préoccupation principale –, par exemple lorsqu’ils devront prendre en charge les jeunes majeurs. Il faut donner aux départements les moyens de faire face aux dépenses supplémentaires.
C’est pour cette raison qu’il était important de ne pas trop surcharger ce texte de contraintes nouvelles qui mobiliseraient les services administratifs des départements au détriment du temps passé par les travailleurs sociaux auprès des enfants.
Pour conclure, nous considérons que ce projet de loi a été enrichi par les travaux du Sénat. Nous le voterons ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Je voudrais remercier l’ensemble de nos collègues pour la qualité de nos débats, et plus particulièrement notre rapporteur pour son implication et ses explications, même si nous n’avons pas toujours été d’accord…
Je souhaite également remercier M. le secrétaire d’État, qui a su nous présenter un texte de qualité.
Je voudrais souligner les avancées contenues dans ce projet de loi.
Je pense notamment à l’encadrement, durant la période transitoire, des jeunes dans les établissements hôteliers, même si nous aurions préféré que le délai de mise en place soit plus court.
Je pense aussi au droit au retour, introduit sur l’initiative de notre rapporteur – c’était une attente forte des enfants et des professionnels –, au délai de trois mois pour le retour sur les informations préoccupantes ou encore à la réécriture de l’article 3 bis D afin de protéger davantage les jeunes majeurs.
Protéger les enfants, c’est aussi leur assurer un avenir plus sûr, ce qui nécessite une politique volontariste en faveur d’une meilleure prise en charge. Je pense ici à la prise en compte de la santé mentale, au contrôle accru des situations de maltraitance, au renforcement de l’accompagnement ou à la systématisation du parrainage – une belle avancée permise par nos débats.
Pour autant, des limites persistent, qui ne sont pas nécessairement d’ordre législatif.
Je pense notamment à la possibilité pour les assistants familiaux d’accueillir un seul enfant et de travailler à côté : cela élargirait le champ des possibles et permettrait de lutter contre la diminution du nombre de personnes prêtes à remplir cette mission. J’espère que le Gouvernement pourra réfléchir à cette piste de travail.
Je pense également à la question, importante, de la scolarisation et du temps scolaire. Aujourd’hui, très souvent, les différents rendez-vous liés à la prise en charge par l’ASE sont pris sur le temps scolaire, ce qui peut contribuer à la déscolarisation de ces enfants.
Je pourrais évoquer beaucoup d’autres sujets.
Mme la présidente. Mais il vous faut conclure, mon cher collègue…
M. Xavier Iacovelli. Ce texte est une pierre de l’édifice des politiques que nous devons conduire pour protéger les enfants. Le groupe RDPI le votera en l’état.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Lors de la discussion générale, je m’étais posé une question : est-ce que ce texte va permettre de mieux répondre aux besoins des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance ? Je dois dire qu’il est encore difficile pour moi de répondre clairement à cette question.
Il contient quelques avancées.
Je retiens le fait que la prostitution des mineurs est reconnue comme un facteur de danger qui ouvre droit à la protection de la société.
Je pense aussi à la meilleure information des personnels qui signalent des informations préoccupantes à la CRIP, la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, et aux améliorations dans la rémunération des familles d’accueil.
Ce sont des points positifs.
Toutefois, pour certaines mesures, nous restons au milieu du gué : je pense notamment à l’accompagnement des jeunes majeurs, qui s’arrêtera à 21 ans, et à l’interdiction des nuitées d’hôtel, qui connaît encore trop de dérogations et qui ne va pas assez vite à mon sens.
En outre, le périmètre très restrictif posé pour l’examen de ce texte n’a pas permis d’aborder certains débats. Je pense ici aux violences conjugales ou sexuelles, dont les enfants peuvent être victimes, aux enfants non capables de discernement, dont l’expression n’est pas même recherchée, ou encore aux enfants confiés faute d’avoir pu exclure les violences éducatives ordinaires des établissements. Je regrette que nous n’ayons pas pu débattre de ces sujets.
Ce texte maintient un certain statu quo en ce qui concerne le rôle et les compétences des départements. Or le groupe socialiste estime que ce fonctionnement n’est pas optimal, loin de là !
Enfin, l’article 15 nous empêche à lui seul de voter ce projet de loi.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons. Il s’agit toutefois d’une abstention positive, monsieur le secrétaire d’État, parce que nous prenons acte des mesures que vous avez annoncées.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Ce texte constitue une avancée très importante dans la prise en charge de l’enfance par l’ASE.
Je voudrais féliciter le rapporteur, Bernard Bonne, qui s’est beaucoup impliqué pour améliorer ce texte, mais aussi M. le secrétaire d’État, qui nous a apporté beaucoup d’explications extrêmement précises.
Nous le savons, 40 % des jeunes de moins de 25 ans sans domicile sont d’anciens enfants placés à l’aide sociale en France. Le texte prévoit un accompagnement des jeunes majeurs jusqu’à 21 ans – pas 25 ans –, grâce à un financement de l’État pour fournir notamment une formation à ces jeunes afin qu’ils aillent vers l’emploi. Cette disposition est absolument capitale.
Le texte prévoit aussi l’interdiction de l’hébergement en hôtel, où la surveillance est inefficace, pour privilégier un hébergement où l’ASE peut organiser un encadrement adapté.
Le groupe Les Indépendants est favorable à toutes ces mesures.
Cela a été dit, il existe une pénurie de pédopsychiatres dans certains territoires, ce qui nuit gravement à la prise en charge des enfants de l’ASE.
Nous regrettons le rejet de l’amendement présenté par Colette Mélot qui visait à inscrire la prévention et la lutte contre la prostitution des mineurs dans une stratégie de prévention. Les faits de prostitution sont extrêmement graves et nous devons identifier et réprimer avec une grande fermeté les auteurs de ces actes.
Dans l’ensemble, le projet de loi contient des avancées importantes : l’interdiction de placement en hôtel, le droit de retour des enfants à l’ASE jusqu’à 21 ans, le renforcement du contrôle des antécédents judiciaires des personnels, le parrainage et le mentorat, et surtout la sécurisation du métier d’assistant familial avec l’augmentation des salaires, la formation et la participation à l’élaboration du projet des enfants.
Par conséquent, notre groupe votera ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je souhaite à mon tour remercier notre rapporteur.
Je veux aussi remercier particulièrement M. le secrétaire d’État, qui a passé du temps dans cet hémicycle et qui a su respecter l’ensemble des sénateurs qui sont intervenus dans ce débat. Il a montré beaucoup de pédagogie. L’attitude dont il a fait preuve n’est pas nécessairement celle de l’ensemble des membres du Gouvernement ; c’est pourquoi je tenais à le souligner. Nous pouvions ne pas être d’accord, mais il argumentait et respectait nos travaux, ce qui me semble extrêmement important.
Ce texte était très attendu, mais il ne me semble constituer qu’une étape. J’ai d’ailleurs senti – c’est un avis tout à fait personnel… – que M. le secrétaire d’État aurait bien voulu aller plus loin, mais qu’il n’avait pas remporté tous les arbitrages…
Il contient des avancées : le tiers de confiance, les parrainages ou encore l’interdiction des hébergements en hôtel, même si cette mesure comprend encore trop de dérogations.
Dans le même temps, il n’est à la hauteur ni des besoins de terrain, compte tenu de la situation actuelle, ni des ambitions affichées. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste n’est pas seul à dire cela, puisque la Défenseure des droits, Claire Hédon, le pense également.
Il n’est pas à la hauteur, parce que les moyens dégagés ne sont pas suffisants, même si M. le secrétaire d’État a tenté de faire des efforts en la matière – nous en avons parlé durant nos débats.
Finalement, la portée de ce texte est donc limitée. Des améliorations ont été décidées pour les assistantes familiales, mais ni sur leur statut ni sur la revalorisation des carrières. Une grande part de la responsabilité est reportée sur les conseils départementaux, mais sans véritables contraintes.
Il manque donc beaucoup de choses dans ce texte, si bien que le groupe CRCE va s’abstenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour explication de vote.
Mme Brigitte Devésa. Nous pouvons nous féliciter de la qualité de nos débats. Je remercie pour cela M. le secrétaire d’État pour ses explications claires et les échanges cordiaux que nous avons eus, ainsi que M. le rapporteur pour son travail et son implication.
Malgré nos différences et nos positions parfois divergentes, l’objectif commun était bien d’améliorer la situation des enfants placés à l’ASE. De ce point de vue, qu’il s’agisse de l’interdiction des placements en hôtel, des normes d’encadrement des foyers, de la modernisation du métier d’assistant familial ou encore de l’accompagnement pour accéder à l’autonomie – un sujet très important –, on peut considérer qu’une étape a été franchie pour garantir aux enfants un cadre de vie sécurisant et serein.
Je crois que nous pouvons nous en féliciter. C’est pourquoi le groupe Union Centriste, que j’ai le plaisir de représenter, votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Beaucoup de choses ont été dites et je ne vais pas les reprendre toutes.
Je voudrais à mon tour souligner la qualité de nos débats, celle des réponses apportées par M. le secrétaire d’État et celle du travail de notre rapporteur qui, dès les auditions qu’il a organisées, a su nous écouter.
Depuis la discussion générale, nous n’avons pas obtenu grand-chose… Certes, l’un de nos amendements a été adopté – c’est Noël ! (Sourires.)
Nous mettons en avant les mêmes avancées que celles qui ont été indiquées par mes collègues – nous les avons d’ailleurs votées –, mais aussi les mêmes limites, en particulier l’article 15, un véritable intrus dans ce texte, qui ne met pas sur un pied d’égalité les enfants français et les mineurs non accompagnés. Cet article constitue une très grande contrariété pour nous.
Nous regrettons aussi l’étroitesse du périmètre retenu pour l’examen de ce texte. Si nous débattions vraiment de la protection des enfants, on aurait pu penser que la suspension, voire le retrait, de l’autorité parentale en cas de violence sexuelle, d’inceste ou de violence conjugale en ferait partie. Cela n’a malheureusement pas été le cas en raison de l’application de l’article 45 de la Constitution. Il faut pourtant avancer très vite sur ces sujets et trouver un véhicule législatif adapté.
Enfin, la question des moyens nous fait douter du caractère effectif des mesures que nous avons adoptées.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif à la protection des enfants.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je veux remercier la présidente de la commission des affaires sociales d’avoir proposé à la commission de me choisir comme rapporteur de ce texte, ainsi que tous nos collègues qui ont participé à ce débat et qui se sont impliqués dans nos travaux.
Chacun a pu regretter que l’examen de ce texte arrive un peu tard en cette fin d’année 2021, mais les deux jours que nous y avons consacrés, s’ils ont été courts, ont quand même permis que le débat se déroule dans de bonnes conditions.
Il s’agit d’un projet de loi important. Nos débats auraient peut-être pu durer plus longtemps et être encore plus approfondis, nous aurions sans doute pu aller encore plus loin pour protéger les enfants, mais je crois que nous avons bien avancé sur un certain nombre de sujets.
Les sénateurs ont souvent été élus départementaux – ils le sont encore parfois –, nous sommes donc particulièrement impliqués sur les questions liées à la protection de l’enfance. Je suis moi-même très intéressé par ce sujet, ayant longtemps été vice-président du département de la Loire chargé des affaires sociales, puis quelques années président de ce conseil départemental. J’avais alors coutume de dire à mes collègues que la protection de l’enfance était l’une des missions essentielles des conseils départementaux.
Ce projet de loi contient des avancées importantes.
Je pense notamment à l’interdiction de l’hébergement en hôtel, au comité de pilotage et à l’accompagnement des jeunes majeurs entre 18 et 21 ans, sujet essentiel pour la sécurisation du projet des enfants.
Je pense aussi à la question des mineurs non accompagnés. Nous devrons certainement travailler de nouveau sur ce sujet, mais je tiens à remercier nos collègues Xavier Iacovelli, Laurent Burgoa, Henri Leroy et Hussein Bourgi pour le rapport qu’ils ont publié en septembre dernier.
Je pense également à la question des assistants familiaux, sur laquelle nous avons un peu progressé. Il faudra cependant aller nettement plus loin et trouver des solutions pour renforcer l’attractivité de ce métier particulièrement difficile.
Je pense enfin à la présence d’un avocat auprès des enfants durant la procédure. Je crois que nous avons là aussi avancé, même si nous n’avons pas pu aller aussi loin que nous le souhaitions en raison de l’article 40 de la Constitution.
Il est vrai que l’article 45 de la Constitution nous a empêchés de travailler sur certains sujets particuliers.
En ce qui concerne le financement, j’en ai beaucoup discuté avec M. le secrétaire d’État et il était extrêmement important que le Gouvernement s’engage sur ce sujet. En effet, le projet de loi de finances pour 2022 ne prévoyait pas de financements spécifiques liés à la mise en œuvre des dispositions de ce texte. D’où l’importance de l’engagement du Gouvernement en séance.
Monsieur le secrétaire d’État, je crois en votre parole pour l’année 2022, mais nous devrons regarder attentivement dans le courant de l’année les dépenses réelles des départements pour aller plus loin en cas de besoin.
Enfin, je voulais vous remercier, monsieur le secrétaire d’État. Il a été agréable et facile de travailler avec vous, nous nous sommes rencontrés à de nombreuses reprises pour préparer l’examen de ce texte par le Sénat. Il fallait en effet que nous réussissions à déboucher sur des propositions acceptables pour les uns et pour les autres afin que la commission mixte paritaire, qui devrait se réunir le 11 janvier, puisse trouver un accord – je n’ai d’ailleurs pas beaucoup de doutes à ce sujet.
Je vous remercie pour votre bienveillance et votre écoute. C’est lorsque chacun s’écoute et tient compte de ces échanges que l’on peut progresser. Je souhaiterais vraiment que l’ensemble des membres du Gouvernement ait cette même attitude – je ne nie cependant pas le fait que d’autres que vous l’ont également… (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je souhaite remercier à mon tour l’ensemble de nos collègues qui ont travaillé sur ce texte, qu’ils appartiennent ou non à la commission des affaires sociales, ainsi que le secrétariat de la commission et la direction de la séance, qui ont également beaucoup travaillé.
Je remercie tout particulièrement Bernard Bonne, dont l’expérience de vice-président et de président de conseil départemental a été précieuse pour l’examen de ce texte.
Comme lui, j’espère que la commission mixte paritaire aboutira à un accord à même de faire progresser la cause de la protection des enfants – c’est l’une des missions essentielles des conseils départementaux comme de notre commission.
Enfin, je veux remercier M. le secrétaire d’État et ses collaborateurs.
Pour conclure, je souhaite à toutes et à tous un joyeux Noël ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je voudrais vous dire, sans aucune flagornerie, que c’est toujours un plaisir de venir débattre au Sénat. C’est aussi le cas avec mes anciens collègues de l’Assemblée nationale, mais il est vrai que les sénateurs ont une certaine compétence et expérience sur ce type de sujet.
Je remercie tout particulièrement M. le rapporteur pour les échanges que nous avons eus, mais aussi l’ensemble des sénateurs qui se sont impliqués sur ce texte depuis des mois. Nous avons commencé à le préparer il y a un peu plus d’un an, ce qui est nécessaire compte tenu de sa nature.
Certains d’entre vous ont regretté que ce projet de loi ne règle pas tous les problèmes. Ils ont raison : tout n’est pas dans ce texte, mais beaucoup de choses y sont et, en tant que membre du Gouvernement chargé de ces questions depuis trois ans, j’en retire une certaine fierté.
Nous avons déjà beaucoup œuvré pour la protection des enfants, mais il reste des choses à faire, tout simplement parce que nous partons de loin ! La situation des enfants reste dramatique dans notre pays et je ne parle pas uniquement de ceux qui sont confiés.
J’ajoute que tout ne relève pas du domaine de la loi. J’ai par exemple évoqué durant nos débats tout ce que nous avions déjà engagé en faveur des assistants familiaux. Par ailleurs, vous savez bien que beaucoup de choses dépendent des pratiques professionnelles et l’un des enjeux des prochains mois sera justement de diffuser auprès des professionnels, qu’ils soient travailleurs sociaux, juges, agents de l’éducation nationale, etc., toutes les avancées du texte qui sera, je l’espère, adopté en commission mixte paritaire. Chacun devra s’approprier ces nouvelles dispositions.
Le projet de loi contient des avancées qui peuvent paraître techniques, comme sur la gouvernance, qu’elle soit nationale ou territoriale, mais qui sont en réalité très importantes.
Il contient aussi des avancées majeures qui correspondent à la mise en œuvre de grands principes et qui contribueront à la transformation de notre système de protection de l’enfance : le recours au tiers digne de confiance, l’interdiction de la séparation des fratries, l’interdiction du placement en hôtel, la modernisation et la revalorisation du métier d’assistant familial, etc.
Nous avons également réformé la gouvernance de ce secteur pour en renforcer le pilotage.
Je vous concède qu’il reste des choses à faire et que nous devons continuer les chantiers que nous avons lancés, mais nous avons adopté de nombreuses mesures, qui sont dans la continuité – je le revendique – des lois de 2007 et de 2016.
J’allais oublier ce qui constitue l’une des avancées majeures de ce texte : la fin du couperet des 18 ans, des sorties sèches. Nous systématisons l’accompagnement des jeunes de 18 à 21 ans et un projet pour l’autonomie sera préparé avec eux dans le prolongement du projet pour l’enfant. Chaque jeune pourra ainsi s’appuyer sur un projet dédié qui reposera lui-même sur trois piliers : la poursuite d’un accompagnement humain, un hébergement et un accompagnement dans l’insertion professionnelle ou dans les études.
Pour conclure, je voudrais remercier l’ensemble des services du Sénat et de mon ministère, avec une pensée particulière pour un membre de mon cabinet, ancienne enfant confiée : son regard et son expérience ont eu une grande influence sur ce texte, notamment en ce qui concerne l’accompagnement des jeunes majeurs – merci à elle ! (Applaudissements.)
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Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 16 décembre 2021 :
À dix heures trente et quatorze heures trente :
Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan sur les services aériens (texte de la commission n° 269, 2021-2022) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (texte de la commission n° 267, 2021-2022) ;
Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs (texte de la commission n° 186, 2021-2022) ;
Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique (texte de la commission n° 188, 2021-2022) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle (texte de la commission n° 263, 2021-2022) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à définir les dispositions préalables à une réforme de l’indemnisation des catastrophes naturelles (texte de la commission n° 278, 2021-2022) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (texte de la commission n° 176, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 16 décembre 2021, à une heure dix.)
nomination de membres d’éventuelles commissions mixtes paritaires
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection des enfants a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Catherine Deroche, M. Bernard Bonne, Mmes Corinne Imbert, Nadia Sollogoub, Michelle Meunier, Annie Le Houerou et M. Xavier Iacovelli ;
Suppléants : M. Laurent Burgoa, Mme Chantal Deseyne, M. René-Paul Savary, Mmes Brigitte Devésa, Laurence Rossignol, M. Stéphane Artano et Mme Laurence Cohen.
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mmes Catherine Deroche, Frédérique Puissat, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, MM. Jean-Luc Fichet, Olivier Jacquin et Xavier Iacovelli ;
Suppléants : Mmes Florence Lassarade, Annie Delmont-Koropoulis, Pascale Gruny, M. Olivier Henno, Mme Annie Le Houerou, M. Stéphane Artano et Mme Cathy Apourceau-Poly.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER