PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour une mise au point au sujet d’un vote.
Mme Marie-Christine Chauvin. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 56 portant sur l’ensemble de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, mon collègue Alain Chatillon souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
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Candidatures à d’éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection des enfants et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Protection des enfants
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des enfants (projet n° 764 [2020-2021], texte de la commission n° 75, rapport n° 74).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 6.
Article 6
I. – L’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « réalisée », sont insérés les mots : « , au regard du référentiel national d’évaluation des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant fixé par décret après avis de la Haute Autorité de santé, » ;
2° (nouveau) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes ayant transmis au président du conseil départemental une information préoccupante sont informées des suites qui ont été données à cette information, dans le respect de l’intérêt de l’enfant, du secret professionnel et dans des conditions déterminées par décret. »
II. – Après le 19° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, il est inséré un 20° ainsi rédigé :
« 20° Rendre l’avis mentionné à l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles. »
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
du référentiel national
par les mots :
des référentiels
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à autoriser une pluralité de référentiels pour évaluer la situation des enfants en danger.
En effet, la diversité des situations rencontrées oblige à privilégier des approches pluridisciplinaires. C’est pourquoi le référentiel de la Haute Autorité de Santé (HAS), pour pertinent qu’il soit, ne saurait s’avérer suffisant.
Cet amendement vise donc à ouvrir la possibilité de recourir à d’autres référentiels que celui qu’a élaboré la HAS.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il pourrait être intéressant d’avoir plusieurs référentiels, mais celui de la HAS vient juste d’être mis en place, et il faut absolument qu’on garde l’idée d’un seul référentiel pour tous les départements. Sinon, comme avant, il sera difficile d’harmoniser les pratiques entre toutes les collectivités.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Il est également défavorable.
Nous avions demandé à la Haute Autorité de santé, il y a deux ans, d’élaborer un tel référentiel. Dans le domaine de la protection de l’enfance comme dans d’autres secteurs, on se rend compte qu’un certain nombre de ruptures sont liées à l’absence de culture commune entre les différentes personnes qui interviennent autour de l’enfant.
Ce référentiel commun d’évaluation des situations de danger est donc nécessaire pour que tous les professionnels – travailleurs sociaux, professionnels de santé et de l’éducation nationale, etc. – aient les mêmes critères et les mêmes repères, et ce sur l’ensemble du territoire, afin qu’un enfant soit considéré comme étant en danger de la même façon à Lille ou Marseille, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Le référentiel de la Haute Autorité de santé constitue donc une réelle avancée, avec toutes les garanties scientifiques liées aux procédures de la Haute Autorité de santé, toutes les garanties aussi en matière de participation, une première version de ce référentiel étant soumise au débat public et à la contribution de l’ensemble des parties prenantes.
Il a été adopté et sachez, pour être totalement complet, que le futur groupement d’intérêt public, la future instance de gouvernance dont nous allons parler à l’article 13, aura pour mission parmi d’autres d’assurer la formation continue, notamment des professionnels de la protection de l’enfance, portant en particulier sur ce référentiel de la Haute Autorité de santé d’évaluation des situations de danger, qui comporte plusieurs livrets en fonction des professionnels concernés.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Par cet amendement, je n’entends pas m’opposer au référentiel de la Haute Autorité de santé ; je propose simplement d’offrir une possibilité supplémentaire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 126 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
santé,
par les mots :
santé et des conseils départementaux en charge de la politique d’aide sociale à l’enfance,
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à intégrer les départements dans l’élaboration du référentiel. Il s’agit de préciser dans la loi que les conseils départementaux seront régulièrement consultés pour l’élaboration dudit référentiel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Le référentiel établi par la HAS se fonde sur des recommandations purement scientifiques. Les départements, y compris au niveau de l’Assemblée des départements de France (ADF), n’ont pas l’habitude d’utiliser des référentiels communs.
Il me semble préférable de s’appuyer sur l’expertise scientifique de la HAS et de conserver un référentiel unique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il est également défavorable.
Sachez néanmoins que, dans la phase de mise au débat public, une soixantaine de départements ont apporté leur contribution à l’élaboration du référentiel de la Haute Autorité.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Là encore, je ne propose qu’une faculté supplémentaire, pour que les départements soient régulièrement consultés. Cela ne me semble pas rédhibitoire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 74 rectifié est présenté par Mmes Doineau et Dindar, M. Levi, Mme Vérien, MM. Longeot, Louault, Kern, J.M. Arnaud, Milon et Détraigne, Mmes Devésa, Jacquemet et de La Provôté, MM. Capo-Canellas, Duffourg et Cigolotti, Mmes Saint-Pé et Billon et MM. Lafon, Le Nay et Delcros.
L’amendement n° 262 est présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 327 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Après les mots :
sont informées
insérer les mots
dans un délai de trois mois
La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié.
Mme Élisabeth Doineau. Une personne qui adresse une information préoccupante au président du conseil départemental éprouve souvent des difficultés pour obtenir un retour dans un délai correct.
Je propose donc que le délai de trois mois, déjà inscrit dans le règlement, figure aussi dans la loi.
Il est toujours difficile pour un professeur des écoles, un voisin ou un maire de signaler une situation qui lui semble préoccupante.
Je souhaite donc que ces personnes soient a minima informées des suites données à leur signalement, car elles sont en droit de connaître la conclusion de l’affaire qu’elles ont dénoncée.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 262.
Mme Michelle Meunier. Il vient d’être fort bien défendu par notre collègue, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 327 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. La commission a prévu qu’une suite soit effectivement donnée à ces informations préoccupantes. Cette disposition va dans le bon sens, mais il nous paraît judicieux de fixer dans la loi un délai limite de réponse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. La commission a en effet ajouté une obligation d’information sur la manière dont les situations préoccupantes signalées sont prises en compte.
Il ne nous semblait pas utile de fixer un délai, car nous pensions initialement que la réponse serait immédiate.
Par ailleurs, certaines évaluations durant plus de trois mois, ce délai pourrait aussi parfois avoir pour conséquence de figer le travail d’investigation.
Quoi qu’il en soit, nous souhaiterions que la réponse intervienne le plus rapidement possible et nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous sommes plutôt en accord avec le raisonnement de la commission. Son ajout est incontestablement utile, car il y a trop de situations où les retours sont inexistants.
La précision sur la durée nous semble davantage relever du domaine réglementaire. Mais l’on peut estimer aussi qu’elle vient utilement compléter le dispositif adopté en commission.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Exiger un retour dans un délai de trois mois ne me semble pas contraindre à l’excès les services qui mènent les enquêtes. Dès lors que l’information est « préoccupante », ils se doivent d’apporter une réponse relativement rapide. Le délai de trois mois me paraît donc raisonnable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Le délai de trois mois me semble en effet raisonnable dans le cadre d’une information préoccupante. Le département n’est pas obligé d’exposer l’intégralité de ses démarches, mais il peut dire au moins qu’il a pris en compte l’information.
Je présenterai même ultérieurement un amendement tendant à ramener ce délai à trente jours et qui, à mon sens, aurait dû être mis en discussion commune.
Les départements doivent comprendre qu’il est très important pour les personnes à l’origine du signalement d’avoir un retour.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il ne faudrait pas que l’adoption de ces amendements identiques ait l’effet inverse et que les départements attendent systématiquement la fin du délai de trois mois pour répondre.
En revanche, vous pourriez peut-être, monsieur le secrétaire d’État, vous engager à prendre un décret en cas de besoin pour contraindre les départements à répondre le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Oui, en effet, si les amendements ne sont pas adoptés, on pourra travailler sur un projet de décret, en réfléchissant au meilleur délai possible.
Mais je précise bien qu’il s’agit d’un retour sur information et non, en aucun cas, d’une communication sur l’enquête.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Ce serait un peu le même principe qu’un recommandé avec accusé de réception.
La personne qui communique une information préoccupante veut légitimement savoir si sa démarche a été utile, car celle-ci n’est pas anodine.
La langue française est assez riche, les conseils départementaux trouveront les mots pour expliquer quelles actions ont été menées à partir des informations communiquées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 rectifié, 262 et 327 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 436, présenté par M. Bonne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.… – À la première phrase du II de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au cinquième ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié, présenté par Mmes Vérien, Sollogoub et Billon et MM. Détraigne, Le Nay, Delcros et Longeot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 226-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Cette information est délivrée au plus tard trente jours après la clôture de l’évaluation mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 226-3 puis, le cas échéant, dans les trente jours suivant toute mesure prise à l’égard de l’enfant. Toutefois, lorsque le président du conseil départemental estime que des informations portées à sa connaissance ne sont pas préoccupantes, il en informe sans délai la personne qui les lui a communiquées. » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et, le cas échéant, les mesures prises à l’égard de l’enfant ; cette information doit être délivrée dans les trente jours suivant la demande qui lui en est faite ».
La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Les amendements fixant le délai à trois mois ayant été adoptés, je retire celui-ci, qui proposait trente jours.
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
TITRE III
AMÉLIORER LES GARANTIES PROCÉDURALES EN MATIÈRE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE
Article 7
Le chapitre II du titre V du livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Institution et compétence » et comprenant les articles L. 252-1 à L. 252-5 ;
2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Organisation et fonctionnement
« Art. L. 252-6. – En matière d’assistance éducative, si la particulière complexité d’une affaire le justifie, le juge des enfants peut, à tout moment de la procédure, ordonner son renvoi à la formation collégiale du tribunal judiciaire, qui statue comme juge des enfants. La formation collégiale est présidée par le juge des enfants saisi de l’affaire et composée en priorité de juges des enfants en exercice ou de juges ayant exercé les fonctions de juge des enfants. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 36 rectifié quater est présenté par MM. Favreau, Mouiller, Anglars et Cuypers, Mme Gosselin, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Laménie, Genet, Saury, Lefèvre, Burgoa, Cadec et Belin, Mme de Cidrac et M. Gremillet.
L’amendement n° 64 rectifié quinquies est présenté par Mme Billon, M. de Belenet, Mmes de La Provôté, Devésa, Dindar, Jacquemet et Vérien et MM. Capo-Canellas, Détraigne, Duffourg, Hingray, Kern, Lafon, Le Nay, Levi, Louault et Longeot.
L’amendement n° 150 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 163 rectifié bis est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier, Belrhiti, Joseph et Dumont.
L’amendement n° 402 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
ordonner
insérer les mots :
, d’office ou à la demande des parties,
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié quater.
M. Gilbert Favreau. Cet amendement a pour objet de permettre aux parties de demander la collégialité en matière d’assistance éducative.
Selon l’étude d’impact du projet de loi, le recours à la collégialité doit permettre « de mettre fin à l’isolement du juge dans les dossiers en assistance éducative les plus complexes ».
Or, laisser à la seule initiative du juge la possibilité de demander la collégialité ne permettra pas de répondre complètement à cet objectif.
Les parties à l’instance ne devraient-elles pas être placées sur un pied d’égalité avec le juge ? Pour avoir pratiqué dans une vie antérieure, il ne me paraît pas anormal que la partie concernée par l’assistance éducative puisse elle aussi demander la collégialité.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié quinquies.
Mme Annick Billon. Amendement identique, très bien défendu par notre collègue Gilbert Favreau.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 150.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne reviendrai pas sur l’étude d’impact, qui vient d’être mentionnée.
S’il semble opportun que le juge puisse demander à confronter son avis avec une formation collégiale, les parties doivent, elles aussi, pouvoir demander la collégialité auprès du juge des enfants, dès lors qu’elles considèrent également – voire différemment du juge – que cela permettrait d’affiner l’analyse du dossier et de renforcer les chances de l’enfant de bénéficier du meilleur accompagnement possible.
Le présent amendement tend à ce que, en matière d’assistance éducative, la collégialité puisse être demandée à la fois par le juge et par les parties.
M. le président. L’amendement n° 163 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Stéphane Artano pour présenter l’amendement n° 402 rectifié.
M. Stéphane Artano. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Il convient de rappeler les particularités de la procédure en assistance éducative.
Le juge des enfants, qui juge seul, ne tranche pas un litige entre des parties, mais ordonne des mesures destinées à protéger un enfant en danger.
Dans cette procédure d’ordre public, son seul objectif est de prendre toute mesure nécessaire à la préservation des besoins fondamentaux de l’enfant.
Contrairement à un litige commun en droit civil, le juge ne rend pas une décision définitive pour régler un différend ; il ordonne des mesures, qui sont, par nature, provisoires et évolutives selon la situation de l’enfant.
Dans ce cadre, le recours à une formation collégiale présente certes un intérêt, lorsque le juge fait face à un cas particulièrement complexe, mais ce dernier doit être le seul à pouvoir l’apprécier.
Confier aux parties le droit de demander une formation collégiale risquerait de cristalliser des conflits pendant la procédure et de rendre la collégialité quasi systématique.
En effet, il y a de fortes chances que les parents qui ne souhaitent pas que leur enfant soit confié demandent une formation collégiale, dans l’espoir que celle-ci contredise le juge saisi de l’affaire. En outre, nous surchargerions les juges, qui seraient sollicités pour participer à de nombreuses formations collégiales, même pour des cas peu complexes.
Cette mesure me paraît donc risquée, contre-productive et inadaptée à la procédure de l’assistance éducative.
Précisons que les parties – le service de l’ASE (aide sociale à l’enfance), les parents, mais aussi le mineur capable de discernement, ou « discernant » – pourront se faire assister d’avocats. L’article 7 bis vise en effet à faciliter la désignation, sur l’initiative du juge ou du département, d’un avocat pour le mineur discernant. Les parties peuvent donc déjà largement exercer leurs droits dans le cadre de la procédure.
Afin de ne pas surcharger les juges des enfants, qui seraient systématiquement saisis d’une demande de collégialité et ne pourraient y faire face, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ces amendements ne correspondent pas à l’esprit – avec lequel vous pouvez être en désaccord – dans lequel nous avions, à l’époque, créé ce dispositif avec Nicole Belloubet.
Pour rappel, il s’agissait, pour les situations les plus complexes – et l’on sait qu’elles peuvent l’être en matière de protection de l’enfance – d’ouvrir au juge, qui, devant ce type de situations, peut parfois se sentir seul et ressentir le besoin de recourir à un regard extérieur, la faculté d’être assisté de deux confrères et de statuer, toujours en tant que juge des enfants, mais en formation collégiale.
Cette faculté avait été réclamée, de mémoire, par les juges eux-mêmes, notamment par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.
Pour ces raisons, et pour celles qu’a exposées M. le rapporteur, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Les amendements sont-ils maintenus par leurs auteurs ? (Assentiment.)
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Les arguments avancés par M. le secrétaire d’État et par M. le rapporteur ont du sens. Je suis par ailleurs favorable à l’amendement du Gouvernement que nous allons examiner dans un instant.
Néanmoins, il arrive – l’étude d’impact le souligne, me semble-t-il – que le juge n’ait pas conscience de son propre isolement. Permettre aux parties de demander, elles aussi, la formation collégiale aurait pour avantage de faire comprendre à un juge qui n’en aurait pas conscience qu’il est isolé.
Par ailleurs, je félicite mes collègues : nous sommes tous géniaux et nous avons tous rédigé, au même moment, les mêmes amendements !
Il serait vraiment souhaitable que les orateurs indiquent la provenance de la disposition proposée dans le cadre des amendements qu’ils présentent. En l’occurrence, c’est le Conseil national des barreaux qui nous l’a fournie. Ces amendements identiques viennent bien de quelque part ; cela va mieux en le disant !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il peut arriver en effet – nous l’avons constaté – que le juge n’ait pas conscience de la complexité de l’affaire.
C’est un fantasme que de croire que l’ouverture aux parties de la faculté de demander une formation collégiale multipliera les demandes.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Non !
Mme Raymonde Poncet Monge. Certes, par construction, les demandes de collégialité seront plus nombreuses, puisque toutes les parties pourront y recourir.
Les juges et les procureurs rapportent que, dans des situations où le concours d’un avocat est proposé, les parties estiment souvent ce dernier non nécessaire et s’en remettent au rôle du juge, qui est, en règle générale, validé.
C’est le juge qui explique l’intérêt soit pour l’enfant, soit effectivement pour les autres parties, de disposer d’un avocat. Le recours à l’avocat n’est nullement une contestation du fait que, en dernière instance, c’est bien le juge qui décide ; il contribue simplement à une analyse plus fine de la situation.
Je le répète, monsieur le secrétaire d’État : les demandes de formation collégiale seront par définition plus nombreuses, mais dire qu’elles seront multipliées et que tout le monde en fera la demande relève aujourd’hui, selon moi, du fantasme.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.