M. Michel Savin. Très bien !
Mme Catherine Deroche. … a fait adopter, à l’article 9, une clause de revoyure qui permettra d’ici cinq ans d’apprécier la portée de ces ajustements, qui feront l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux.
La commission a également prévu une information obligatoire des travailleurs indépendants sur la possibilité de souscrire une assurance contre la perte d’emploi subie. Selon l’association pour la garantie sociale des chefs et des dirigeants d’entreprise (GSC), sept dirigeants sur dix n’auraient jamais entendu parler de cette solution.
Il me semblerait d’ailleurs utile, monsieur le ministre, d’améliorer la diffusion de l’information sur l’ATI elle-même, car, en la matière, la méconnaissance peut en partie expliquer le non-recours.
La crise sanitaire et économique aura contribué à mettre en lumière la fragilité de la couverture sociale d’un certain nombre de travailleurs indépendants, ainsi que la nécessité d’aller vers une plus grande équité avec les salariés.
Certes, les travailleurs indépendants ne contribuent pas à l’assurance chômage, mais la substitution croissante de la CSG aux cotisations sociales et les allégements sur les bas salaires modifient l’effort contributif des uns et des autres, sans réflexion sur l’effet de cette modification quant à l’équité entre salariés et non-salariés. Ainsi les travailleurs indépendants participent-ils à hauteur de 5 milliards d’euros, via la CSG, aux 38 milliards d’euros de recettes de l’Unédic.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il faut le dire !
Mme Catherine Deroche. Le présent texte devrait permettre de mieux sécuriser les transitions professionnelles des indépendants. C’est pourquoi le groupe Les Républicains y sera favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte en faveur de l’activité professionnelle indépendante comporte des avancées intéressantes.
Je pense à la création d’un statut unique, protecteur du patrimoine personnel, pour l’exercice en nom propre d’une activité professionnelle ou à la simplification qu’induit l’extinction progressive du statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Je me suis plus particulièrement intéressée aux articles 9 et 10, délégués au fond à la commission des affaires sociales. Ce texte ne traite pas suffisamment des problèmes spécifiquement liés aux nouvelles formes de travail inhérentes au statut d’autoentrepreneur notamment.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même rappelé, au cours de votre audition devant le Sénat, que le régime de la microentreprise, qui a été appelé en 2009 « autoentreprise », n’est pas un statut juridique, mais un régime fiscal et social dérogatoire du droit commun. Ceux qui l’utilisent sont, juridiquement parlant, travailleurs indépendants.
Vous précisiez que, à ce titre, ils bénéficiaient des mesures du plan de soutien aux indépendants.
Nous savons bien cependant, monsieur le ministre, que le régime de la microentreprise, parce qu’il est vraiment dérogatoire du droit commun, tend à brouiller la compréhension que l’on peut avoir des conséquences qui accompagnent le fait de l’investir et de devenir autoentrepreneur.
Vous précisiez également qu’il arrive à nombre de ces entrepreneurs, par manque d’information, de faire la confusion, en supposant, d’une part, que ce régime dérogatoire est un statut juridique et, d’autre part, qu’il est différent de celui d’indépendant.
De fait, nous pouvons craindre qu’une part considérable d’entre eux ne soient victimes d’un redoutable miroir aux alouettes les conduisant à endosser ce statut et à s’abîmer dans une activité professionnelle relevant des nouvelles formes du travail sans être suffisamment armés et protégés pour cela.
Pour mémoire, l’Insee a mis en évidence cette année le fait qu’en 2020 le nombre total de créations d’entreprises avait atteint en France un nouveau record : 848 200 créations soit 4 % de plus qu’en 2019, et ce malgré la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19.
Il apparaît ainsi que cette hausse est de nouveau portée par les immatriculations d’entreprises individuelles sous le régime de la microentreprise, en augmentation de 9 %, tandis que les créations d’entreprises individuelles classiques diminuent de 13 %.
Dans le même temps, il existe une grande diversité de situations : toujours selon l’Insee, dans l’industrie et le commerce, la médiane des revenus ne dépasse pas 150 euros par mois en 2017, alors qu’elle atteint 500 euros par mois dans la construction. Un quart des microentrepreneurs gagnent plus de 1 000 euros par mois dans les activités immobilières, le conseil de gestion, l’architecture et l’ingénierie.
Les nouvelles formes de travail sont nombreuses et protéiformes ; de surcroît, elles changent elles-mêmes rapidement. Elles mettent au défi notre protection sociale, aujourd’hui impuissante à protéger ces nouveaux travailleurs.
Je constate que, dans votre projet de loi, il n’y a pas un seul article concernant un certain type d’autoentrepreneurs : les Uber, les Deliveroo et autres « cyberprécaires » des plateformes de travail.
Pourquoi n’y sont-ils donc pas mentionnés, malgré l’importance de l’enjeu que représente l’apparition de ces nouveaux modes de travail pour notre économie et pour notre société ? Est-ce parce que votre gouvernement reconnaît, monsieur le ministre, comme le fait la Cour de cassation avant lui, que ces travailleurs sont de facto des indépendants fictifs, et qu’à ce titre leur place est dans le code du travail ?
Bien sûr, les formes de travail évoluent, et nous devons le prendre en compte. Cependant, je vous le rappelle, c’est à nous, politiques, de fixer, sous forme de règles, le cadre dans lequel ont cours ces évolutions du travail.
C’est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat avait déposé, en mars dernier, une proposition de loi promouvant la présomption de salariat et la requalification par action de groupe des contrats de ces travailleurs. Le Gouvernement et la majorité sénatoriale l’ont rejetée. En avril, l’Espagne mettait en place un dispositif analogue à celui que nous proposions et, le 16 septembre, le Parlement européen en adoptait le principe à une immense majorité…
Le texte dont nous discutons aujourd’hui échoue à couvrir la diversité des situations professionnelles réunies sous l’appellation d’« indépendants ». Face à la complexité des mutations du travail que nous semblons encore incapables d’appréhender, confrontés à la rapidité de leur évolution, on ne se défait pas de l’impression que nous courons après un train lancé en trombe sans parvenir à le rattraper. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Micheline Jacques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, près de 3,2 millions de travailleurs indépendants exercent actuellement en France, couvrant de nombreux secteurs de notre vie quotidienne : artisans, commerçants, professions libérales, travailleurs des plateformes, entrepreneurs agricoles… Tous créent de la richesse, font vivre nos territoires, souvent sans compter leur temps et pour des revenus modestes.
L’entrepreneuriat est en France très dynamique ; les créations d’entreprises individuelles ne fléchissent pas, au contraire : on décompte plus de 630 000 créations en 2020.
Pourtant, ces dernières années, les indépendants ont dû faire face à plusieurs crises dont l’impact sur leurs revenus a été considérable : crise des « gilets jaunes », grèves contre la réforme des retraites, crise sanitaire. Les secteurs de l’hôtellerie-restauration et de l’événementiel ont particulièrement souffert.
Il faut ainsi attendre la fin du quinquennat pour que le Gouvernement annonce un plan spécifique, après quatre années pendant lesquelles les indépendants ont fait l’objet d’une attention toute relative.
La mesure principale de ce projet de loi est la mise en place d’un statut unique de l’entrepreneur individuel et la séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel. Il s’agit d’éviter les situations où, ayant choisi le statut d’entrepreneur individuel, l’indépendant doit accepter de voir ses dettes professionnelles recouvrées sur son patrimoine personnel. C’est souvent en effet quand la situation est irréversible que ces indépendants découvrent les implications du statut, entraînant des drames personnels.
Ce nouveau statut simplifiera également la transmission du patrimoine de l’entrepreneur individuel vers une autre entreprise ou vers l’un de ses héritiers, ce qui est positif.
Le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui offre plus de garanties, n’a pas été un grand succès. Quelques dizaines d’entreprises seulement sont ainsi créées chaque année – la complexité administrative et les difficultés de financement sont en cause. Ce statut sera donc mis en extinction.
La commission des affaires économiques a validé ces orientations, dont les professionnels attendent depuis longtemps qu’elles soient entérinées. Nous avons néanmoins soulevé un certain nombre d’interrogations, qui sont partagées sur les diverses travées de notre assemblée : les banques suivront-elles les indépendants quand seul leur patrimoine professionnel sera engagé ? L’échec du statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée tient en partie à cette inquiétude. Les banques ne demanderont-elles pas qu’ils renoncent à la protection de leur patrimoine personnel, car elles auront besoin de garanties ? La définition du patrimoine professionnel, qui est assez floue, n’est-elle pas source de contentieux avec les créanciers ? Aussi louable soit ce texte, nous sommes en droit de nous demander s’il est réaliste.
Le Gouvernement doit apporter des précisions sur ces points et nous faire part des discussions qu’il mène avec les banques.
Un dernier point, sur le cas particulier des artisans : le projet de loi prévoit une habilitation à légiférer par ordonnance pour clarifier le code de l’artisanat. Les textes adoptés ces vingt-cinq dernières années n’ont pas été codifiés, ce qui entrave la lisibilité d’un code de l’artisanat non actualisé. Cette codification, qui a été demandée, est une bonne chose à condition qu’elle se fasse à droit constant ; la représentation nationale doit en recevoir l’assurance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante
Chapitre Ier
De la simplification de différents statuts de l’entrepreneur
Section 1
Des conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel
Article 1er
Le chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « De la protection de l’entrepreneur individuel » ;
2° Au début, sont ajoutés un article L. 526-1 A et une section 1 A ainsi rédigés :
« Art. L. 526-1 A. – L’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes.
« Section 1 A
« Du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel
« Sous-section 1
« De la consistance des patrimoines professionnel et personnel et du droit de gage général des créanciers
« Art. L. 526-1 B. – Les biens, droits et obligations dont l’entrepreneur individuel est titulaire, exclusivement utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes, constituent son patrimoine professionnel. Les autres biens, droits et obligations de l’entrepreneur individuel constituent son patrimoine personnel.
« Sont réputées comprises dans le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel les dettes, nées à l’occasion de son exercice professionnel, dont il est redevable auprès des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales.
« La distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal.
« Art. L. 526-1 C. – I. – Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 526-1 E du présent code. Toutefois, dans le cas où l’entrepreneur individuel fait un usage professionnel de biens ou droits compris dans son patrimoine personnel, le droit de gage des créanciers peut s’exercer sur celui-ci, dans la limite de la valeur du droit d’usage de ces biens et droits, correspondant à leur usage professionnel effectif pendant les douze mois précédant l’introduction des poursuites.
« La dérogation prévue au premier alinéa du présent I ne s’applique qu’aux créances nées à compter de l’immatriculation de l’entreprise à un registre de publicité légale, de l’inscription de l’entrepreneur individuel sur la liste ou au tableau d’un ordre professionnel ou de toute autre mesure de publicité équivalente prévue par décret en Conseil d’État.
« Seul le patrimoine personnel constitue le gage général des créanciers de l’entrepreneur individuel dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. En outre, les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet quelle que soit leur assiette.
« II. – Par dérogation au I, les personnes physiques exerçant en nom propre une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé répondent sur l’ensemble de leurs biens des actes professionnels qu’ils accomplissent.
« III. – Par dérogation au I, le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l’ensemble des biens de l’entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales dans les conditions prévues aux I et II de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales dans les conditions prévues à l’article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale.
« IV. – Le premier alinéa du I est sans incidence sur les droits des créanciers du conjoint de l’entrepreneur individuel marié sous un régime de communauté légale ou conventionnelle.
« V. – Les I à IV s’entendent sans préjudice des dispositions légales relatives à l’insaisissabilité de certains biens, notamment celles de la section 1 du présent chapitre.
« Art. L. 526-1 D. – En cas de contestation, les biens immeubles de l’entrepreneur individuel sont présumés compris dans son patrimoine personnel. Ses biens meubles, à l’exception de ceux définis par décret en Conseil d’État, sont présumés compris dans son patrimoine professionnel, dans la limite du total du bilan du dernier exercice clos ou, à défaut, de 5 000 €.
« Art. L. 526-1 E. – I. – L’entrepreneur individuel peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la dérogation prévue au premier alinéa du I de l’article L. 526-1 C, pour un engagement spécifique. À peine de nullité, cette renonciation s’effectue par écrit, l’entrepreneur individuel apposant lui-même en termes non équivoques la mention qu’il entend permettre au créancier d’exercer un droit de gage général sur l’ensemble de ses biens.
« À peine de nullité, cette renonciation ne peut intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion de sept jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation, dès lors que le montant de l’engagement excède un montant fixé par décret en Conseil d’État.
« II. – L’entrepreneur individuel peut, par un seul acte, renoncer à la dérogation prévue au premier alinéa du I de l’article L. 526-1 C, à l’insaisissabilité de ses droits sur sa résidence principale et, le cas échéant, sur tout bien foncier non affecté à l’usage professionnel, prévue à l’article L. 526-1, au profit d’un ou de plusieurs créanciers. Les conditions de validité et d’opposabilité de cette renonciation sont celles prévues à l’article L. 526-2.
« Sous-section 2
« Du transfert universel du patrimoine professionnel
« Art. L. 526-1 F. – L’entrepreneur individuel peut transférer à autrui son patrimoine professionnel à titre universel et indivisible.
« Le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens et obligations dont celui-ci est constitué. Il peut être consenti à titre onéreux ou gratuit. Lorsque le cessionnaire est une société, la cession des droits et biens peut revêtir la forme d’un apport en société.
« Sous réserve de la présente sous-section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en va de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats.
« Dans le cas où le cédant s’était obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine professionnel ou à ne pas transférer celui-ci à titre universel, l’inexécution de cette obligation engage sa responsabilité sur l’ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert.
« Art. L. 526-1 G. – Le projet de transfert universel du patrimoine professionnel fait l’objet d’une mesure de publicité définie par décret en Conseil d’État. Sauf lorsque le projet porte sur le transfert du patrimoine professionnel à une société dont l’entrepreneur individuel est l’associé unique ou majoritaire, il est également notifié personnellement aux titulaires de contrats conclus en considération de la personne de l’entrepreneur individuel.
« Par dérogation aux articles 1216, 1216-1 et 1327 à 1327-2 du code civil, dans le délai de deux mois suivant la date de la publicité du projet de transfert ou, le cas échéant, de sa notification, les créanciers et cocontractants de l’entrepreneur individuel peuvent former opposition. Le transfert ne peut avoir lieu avant l’expiration de ce délai.
« Le juge rejette l’opposition si le projet de transfert présente des garanties suffisantes pour les droits du créancier ou du cocontractant. Dans le cas contraire, il peut ordonner le paiement anticipé de la créance ou la résiliation du contrat, autoriser ou ordonner toute mesure conservatoire sur les biens du cessionnaire, ou décider que le cédant reste tenu à titre subsidiaire ou solidaire sur l’ensemble de ses biens, sans contribuer à la dette.
« En cas de méconnaissance des dispositions du présent article par l’entrepreneur individuel, celui-ci reste solidairement tenu sur l’ensemble de ses biens à l’égard des créanciers et cocontractants concernés, nonobstant le transfert universel de son patrimoine professionnel.
« Art. L. 526-1 H. – Nonobstant le transfert universel de son patrimoine professionnel, l’entrepreneur individuel reste solidairement tenu sur l’ensemble de ses biens à l’égard des créanciers auxquels la dérogation prévue au premier alinéa du I de l’article L. 526-1 C n’était pas opposable à la date du transfert. L’entrepreneur individuel et le bénéficiaire du transfert déterminent amiablement leur contribution respective à la dette. À défaut, ils y contribuent chacun par moitié.
« Art. L. 526-1 I. – Les articles L. 141-14 à L. 141-22 ne sont pas applicables au transfert universel du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel. Toute clause contraire est réputée non écrite.
« Art. L. 526-1 J. – À peine de nullité du transfert prévu à l’article L. 526-1 F :
« 1° Celui-ci doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, qui ne peut être scindé ;
« 2° En cas d’apport à une société nouvellement créée, l’actif disponible du patrimoine professionnel doit permettre de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine ;
« 3° Ni l’auteur ni le bénéficiaire du transfert ne doivent avoir été frappés de faillite personnelle ou d’une peine d’interdiction prévue à l’article L. 653-8 du présent code ou à l’article 131-27 du code pénal, par une décision devenue définitive.
« Sous-section 3
« De la cessation d’activité et de la succession de l’entrepreneur individuel
« Art. L. 526-1 K. – Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, y compris pour cause de décès, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis.
« Art. L. 526-1 L. – En cas de décès d’un entrepreneur individuel en activité, par dérogation au second alinéa de l’article 772 du code civil, l’héritier sommé d’exercer son droit d’option et qui n’a pas pris parti à l’expiration du délai imparti peut, à la demande de tout intéressé, être condamné en qualité d’acceptant pur et simple dans ses relations avec ce dernier. Il conserve la faculté de renoncer à la succession ou de ne l’accepter qu’à concurrence de l’actif net tant que cette condamnation n’est pas passée en force de chose jugée, s’il n’a pas fait par ailleurs acte d’héritier et s’il n’est pas tenu pour héritier acceptant pur et simple en application de l’article 778 du même code.
« Art. L. 526-1 M. – Un décret en Conseil d’État détermine, en tant que de besoin, les modalités d’application de la présente section. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Herzog, sur l’article.
Mme Christine Herzog. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le chapitre Ier du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante concerne les différents statuts des entrepreneurs. Le projet de loi vise à les simplifier. Toutefois, il n’aborde pas le statut des conjoints des travailleurs indépendants.
Les conjoints sont considérés comme des travailleurs indépendants s’ils participent de manière régulière à l’activité de l’entreprise et sont mariés ou liés par un pacte civil de solidarité au détenteur de l’entreprise individuelle.
Ce statut prévoit, pour les entreprises, des cotisations minimales d’environ 30 % ; il représente un intérêt social et fiscal pour la jeune entreprise.
Le Gouvernement souhaite modifier ce statut pour limiter la situation de dépendance économique du conjoint à l’égard de l’entreprise et du chef d’entreprise. C’est la raison pour laquelle le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale visera à le supprimer.
Ce statut constituait un avantage certain pour l’entreprise, tant pour le chef d’entreprise que pour son conjoint, car il supprimait le travail dissimulé si répandu dans notre pays depuis des décennies.
En visant à réduire les situations de dépendance, cette nouvelle mesure va créer de nouveaux problèmes : ce projet de loi n’en parle pas. C’est d’autant plus étonnant que l’on y aborde le problème du patrimoine. Or le patrimoine concerne le couple.
Quant au statut d’associé, comment l’appliquer si le conjoint n’exerce pas le même métier ou s’il n’est pas diplômé ? Par exemple, un conjoint non-dentiste peut-il être associé dans un cabinet dentaire et une secrétaire qui n’est pas expert-comptable peut-elle être associée dans un cabinet d’expertise comptable ?
Cette disposition est inapplicable, voire préjudiciable à la survie de l’entreprise. Elle contribuera à faire prospérer le millefeuille administratif et conduira au retour au travail dissimulé.
Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par Mmes Blatrix Contat et Lubin, MM. Leconte, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’entrepreneur individuel tient à la disposition de ses créanciers une attestation mise à jour annuellement définissant la composition de son patrimoine professionnel, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. L’information des créanciers nous semble insuffisante dans ce projet de loi. Le formalisme du régime des EIRL étant jugé excessif, il a été décidé, dans le cadre de ce projet de loi, de ne pas obliger les entrepreneurs individuels à faire une déclaration précise des biens qu’ils affectent à leur patrimoine professionnel.
Cette simplification à l’extrême des démarches dites « administratives » ne nous paraît par opportune, car elle risque de déséquilibrer le nécessaire lien de confiance et la transparence qui conditionnent l’activité économique. Le fait de ne pas être informé sur le patrimoine ne favorise pas la confiance entre les acteurs économiques.
Le déficit d’informations sur la consistance du droit de gage peut donc s’avérer contre-productif, devenir une source d’insécurité et entraver les relations entre professionnels.
Cet amendement vise à inciter l’entrepreneur individuel à mettre à disposition de ses créanciers ou fournisseurs une attestation simplifiée et mise à jour chaque année relative à la composition de son patrimoine professionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Mme Blatrix Contat et ses collègues soulèvent une question importante.
Dans le régime actuel de l’EIRL, la consistance du patrimoine affecté d’un entrepreneur est connue de tous, notamment de ses créanciers, puisque la déclaration d’affectation doit être accompagnée d’un inventaire des biens affectés.
Estimant cette procédure trop complexe, le Gouvernement propose que les entrepreneurs disposent désormais de plein droit de deux patrimoines, l’un professionnel, l’autre personnel, la démarcation entre les deux patrimoines résultant d’un critère légal.
À l’évidence, cette réforme, quels qu’en soient les mérites, sera une source d’incertitude pour toutes les personnes en relation d’affaires avec l’entrepreneur individuel, notamment pour ses créanciers. Il est indispensable de veiller à ce qu’elle n’assèche pas complètement le crédit des entrepreneurs individuels.
À cet effet, nos collègues proposent que l’entrepreneur individuel soit tenu de mettre à disposition de ses créanciers une attestation, mise à jour annuellement, définissant la composition de son patrimoine professionnel.
Le problème, c’est que l’amendement ne précise pas quels seraient les effets juridiques de cette attestation ni les sanctions liées à l’absence d’attestation ou de mise à jour.
Faut-il comprendre que l’attestation aurait une fonction constitutive, autrement dit que le patrimoine professionnel serait constitué des éléments figurant dans l’attestation ? On comprend mal comment cela pourrait se concilier avec la définition légale du patrimoine professionnel. En outre, cela reviendrait à maintenir un régime très proche du régime actuel de l’EIRL.
L’attestation aurait-elle seulement une fonction probatoire, c’est-à-dire que l’entrepreneur individuel ne pourrait plus contester l’appartenance à son patrimoine professionnel d’un élément figurant dans l’attestation ? Pourquoi pas, mais la commission a institué d’autres règles de preuve qui s’articulent mal avec celle-ci.
En outre, cette fonction probatoire de l’attestation impliquerait qu’elle soit publiée et qu’elle ne puisse pas être modifiée à tout moment au gré d’éventuels contentieux, ce que l’amendement ne tend pas à prévoir.
Dans ces conditions, il me paraîtrait plus raisonnable de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.