M. André Reichardt. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Il est aussi essentiel de trouver des informations sur les entreprises récemment créées, sur les secteurs porteurs. Par exemple, quel est le pourcentage des entreprises qui survivent au-delà de la première année ?
De même, la question du financement et du rôle des banques n’est pas abordée, alors que l’échec des réformes de l’entrepreneuriat individuel s’explique aussi par la frilosité des banques à financer les entrepreneurs. Aucune charte ne pourra obliger les banques à jouer leur rôle de financement tout en acceptant la séparation des patrimoines.
De plus, le texte oublie les travailleurs victimes de l’ubérisation, faux indépendants compte tenu des liens de subordination qui les unissent à leurs employeurs. Nous savons pourtant tous que le statut d’autoentrepreneur permet à certains de contourner les garanties du salariat et de faire l’économie des cotisations patronales.
Enfin, rien sur la baisse de pouvoir d’achat des Français, qui emporte nécessairement des conséquences sur les indépendants.
Comme le disait en 2010 mon amie Nicole Borvo à propos de la création de l’EIRL : « Le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis affiche une bonne intention : réformer le statut de l’entrepreneur individuel pour le protéger, lui et sa famille, contre les conséquences désastreuses d’une faillite ; il est loin, je le crains, de tenir ses promesses. » Je crois qu’elle n’avait pas tort.
Aujourd’hui, sous le prétexte de libérer le travail et d’agir dans l’urgence, le Gouvernement est en train de créer un statut qui ne résistera pas non plus à l’épreuve de la pratique. Pour autant, même si, comme je l’ai souligné, les conséquences de la crise sont inégales selon les travailleurs indépendants, beaucoup d’entre eux ont été et sont encore fragilisés. C’est la raison pour laquelle nous ne nous opposerons pas à ce texte, malgré ses limites et ses imperfections : nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quand n’avons-nous pas légiféré sur un texte d’une certaine ampleur en faveur des indépendants ? Depuis vingt-sept ans et la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle, dite loi Madelin.
Pourtant, les demandes demeurent très fortes en matière de simplification et de protection sociale et patrimoniale. Mieux protéger l’entrepreneur ou le petit patron qui fait faillite, à la suite d’un bouleversement, d’un aléa de conjoncture, pour reprendre les termes de M. le rapporteur, est un objectif très noble.
Mon professeur de droit des faillites me disait de lire César Birotteau pour comprendre le drame personnel que représente une faillite. Dans ce livre, Balzac décrit à merveille cette triste réalité humaine.
L’esprit de ce texte se résume à ces deux mots : protéger et simplifier. Il s’agit d’abord de protéger le patrimoine des entrepreneurs individuels contre les aléas de la vie économique. Cette réforme est audacieuse, comme l’a souligné notre rapporteur en commission, et je crois que nous pouvons y souscrire.
De nombreux entrepreneurs ont exprimé le besoin d’être mieux protégés. Il est essentiel que les conséquences d’un échec dans le lancement d’une activité entrepreneuriale ne remettent pas en cause l’équilibre financier de toute une famille, de toute une vie parfois.
Nous espérons aussi que cela pourra stimuler l’activité économique et finir de convaincre ceux qui hésitent encore à se lancer, de peur des conséquences financières.
La situation économique des entrepreneurs a été fragilisée ces temps derniers par plusieurs crises successives – « gilets jaunes », réforme des retraites et, bien évidemment, l’épidémie de covid-19. Il était essentiel de renforcer leur protection personnelle face aux conséquences d’une faillite professionnelle, qui n’est pas toujours due, tant s’en faut, à une mauvaise gestion de l’entreprise.
Il s’agit ensuite de simplifier, principalement, le transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Grâce à cette disposition, le passage de l’exercice d’une activité en nom propre à une société sera fluidifié, ce qui permettra de faciliter la croissance et la transmission des entreprises.
Tout ce qui va dans le sens de la simplification est une bonne chose. L’un des exemples ultimes en la matière étant la création du statut d’autoentrepreneur.
Ces dispositions vont dans le bon sens. Toutefois, le groupe Union Centriste, à l’instar des trois commissions saisies de ce texte, constate encore plusieurs zones d’ombre qu’il nous faudra éclairer ensemble.
Tout d’abord, il ne faut pas que cette nouvelle protection soit contraignante. À défaut, il existe un vrai risque, comme d’autres orateurs l’ont déjà souligné, que les banques demandent aux entrepreneurs d’y renoncer ou qu’elles exigent des sûretés conventionnelles. Sur ce point, je rejoins notre collègue rapporteur Serge Babary : les banques ne se satisferont pas d’un droit de gage ne portant que sur le patrimoine professionnel.
Le Conseil d’État avait également exprimé cette inquiétude dans son avis sur le texte. Les rapports de force économiques risquent de mettre à mal la protection nouvellement offerte par le projet de loi.
Pour répondre à cette inquiétude, notre groupe partage et soutient la proposition du rapporteur, qui appelle le Gouvernement et les banques à élaborer une charte d’engagement quant aux conditions de financement des entrepreneurs individuels. Cet engagement important permettra d’assurer la pérennité du projet de loi.
Notre seconde inquiétude est liée à l’article 6 et, plus généralement, à la volonté du Gouvernement de légiférer par ordonnance. Le groupe Union Centriste rejoint la volonté de notre collègue rapporteur, M. Frassa, de supprimer cette habilitation. Comme celui-ci l’a souligné dans son rapport, la modification de ces règles exige un débat parlementaire.
Notre groupe est très attentif au respect du Parlement, de ses élus comme du débat en son sein. Il nous revient de légiférer en tant que représentants du peuple et des collectivités. Je le dis souvent aux maires que je rencontre dans mon département, comme hier soir : le Sénat n’est pas le Bundesrat. Il est une chambre de plein droit et il exerce une vraie mission de législateur.
Je souhaite terminer mon propos en évoquant les deux articles délégués au fond à la commission des affaires sociales. Le rapport de notre collègue Frédérique Puissat, que j’ai lu avec attention, mérite d’être mis en lumière.
À l’article 9, après moins de deux ans de fonctionnement, dont seulement quatre mois vraiment significatifs en raison de la crise sanitaire, le Gouvernement souhaite déjà revoir le dispositif de l’allocation des travailleurs indépendants. Notre groupe s’interroge sur ce revirement précoce : une réforme à la hâte, en l’absence de bilan significatif, est-elle le signe d’un échec ? Nous soutenons donc la proposition d’une clause de revoyure émise par la commission.
Nous souhaitons enfin lancer une alerte sur l’article 10. Pour des raisons historiques, les chefs d’entreprise artisanale et les microentrepreneurs inscrits au répertoire des métiers sont les seuls travailleurs non salariés qui dépendent de deux guichets pour le financement de leur formation professionnelle.
Ce système est incontestablement peu efficient. L’existence de deux guichets est une source de complexité. Ce regroupement, que notre groupe soutient, répond donc à une attente de simplification des professionnels concernés.
Toutefois, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que cette modification du circuit de financement de la formation de ces professionnels ne se traduira pas par des déperditions ? Les difficultés de fléchage rencontrées par les Urssaf ne sont pas résolues à ce jour.
Par ailleurs, la situation financière de France compétences nous inspire des doutes quant à l’opportunité d’un transfert à cet opérateur de la répartition de nouveaux flux et fait craindre des dommages pour les acteurs concernés.
Vous l’avez compris, monsieur le ministre, notre groupe aborde cette discussion avec bienveillance. Je ne doute pas que nous pourrons, après des échanges constructifs et à la suite de l’excellent travail de nos rapporteurs, adopter ce texte. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation des professionnels indépendants – cela a été dit – est très contrastée. Ils ou elles exercent leurs activités dans des secteurs économiques variés : agriculture, artisanat, commerce, professions libérales, mais aussi plateformes numériques, le statut de travailleur indépendant s’apparentant parfois, dans ce dernier cas, à une forme de salariat déguisé.
Le principal enjeu d’un tel projet de loi est de fixer des règles communes et intelligibles pour un état professionnel qui n’a pas de définition unique. Il existe plusieurs statuts d’entreprise individuelle, plusieurs régimes de protection sociale, plusieurs secteurs d’activité, etc. Du point de vue financier, entre le revenu moyen d’un indépendant, situé autour de 2 500 euros net mensuels, et celui d’un microentrepreneur, plus proche de 500 euros, il y a un monde… Même chez les indépendants bénéficiant de revenus corrects, on peut rencontrer des situations très diverses.
L’ambition affichée est de répondre à une multiplicité de questions : simplification des statuts juridiques, amélioration de la protection sociale, sécurisation du patrimoine personnel, meilleure formation… Le texte semble y pourvoir en partie, avec la réécriture des dispositions du livre V du code de commerce relatives au statut de l’entrepreneur individuel, mais aussi des mesures institutionnelles comme la fusion des fonds d’assurance des artisans, le renforcement des procédures disciplinaires applicables aux experts-comptables ou encore, quoique le lien paraisse moins évident, le mode de gestion des chambres de commerce et d’industrie.
La commission des lois a effectué des modifications substantielles, en réécrivant complètement certains articles qui sont au cœur du dispositif et en supprimant ou restreignant le champ des trois habilitations prévues dans la version initiale. Elle a également inséré dans le texte de nouvelles dispositions ; ainsi l’article 9 bis crée-t-il une obligation pour les organismes tels que Pôle emploi ou les chambres consulaires d’informer les professionnels indépendants de la possibilité de souscrire un contrat d’assurance complémentaire contre la perte d’emploi subie. J’ai estimé que cette mesure, en l’état, n’avait pas sa place dans le présent projet de loi ; c’est pourquoi j’en proposerai la suppression.
L’entrée en vigueur de la plupart des mesures a également été reportée.
Mon groupe s’est penché de son côté, depuis plusieurs mois, sur cette question des indépendants et a saisi l’occasion de l’examen de ce projet de loi pour attirer l’attention sur certains sujets à mon sens relativement urgents, comme ceux des garanties personnelles exigibles en cas d’emprunt bancaire ou de la dématérialisation et de la simplification des procédures administratives.
Aujourd’hui encore, les professionnels indépendants sont trop souvent confrontés à des difficultés lorsqu’ils souhaitent réaliser des projets d’investissement ; ils doivent apporter des garanties qui font peser une lourde hypothèque sur leurs biens personnels. Pour encourager l’esprit d’entreprise, il faut que les risques soient équitablement répartis.
C’est pourquoi je regrette, à l’instar de mes collègues, un certain manque de visibilité et de lisibilité de ce projet de loi, qui contient des mesures essentiellement techniques et arrive en fin de législature, alors que la situation des indépendants fait l’objet de discussions et de propositions depuis plusieurs années – qu’on pense à la suppression du régime social des indépendants (RSI), décidée voilà quelques années par Emmanuel Macron, ou aux diverses propositions de loi visant à clarifier le statut des travailleurs non-salariés et collaborateurs de plateformes – ce statut était déjà débattu avant la crise sanitaire, mais, avec celle-ci, l’activité de ces professionnels a littéralement explosé.
Gardons aussi à l’esprit qu’il s’agit d’un ensemble de professions qui sont souvent éloignées, par construction, du monde administratif, et pour lesquelles l’idée de réglementation ne va pas nécessairement de soi. Notre groupe a été, historiquement, l’allié de ces petits indépendants, artisans, commerçants, qui s’appuient sur leurs ressources individuelles pour mener à bien leurs activités et les faire fructifier – un monde qui a souvent l’habitude de compter uniquement sur lui-même, non sur les aides de l’État, et de ne rien attendre de quelque autorité que ce soit, sinon l’absence de contraintes et un traitement équitable des uns et des autres.
En conclusion, si ce texte n’apparaît pas toujours à la hauteur des enjeux qu’il soulève, se limitant à des considérations trop techniques – il est vrai que d’autres mesures du plan de soutien aux indépendants sont contenues dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 –, les membres de mon groupe l’approuveront néanmoins afin de permettre l’application des progrès qu’il contient. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi dont l’importance et l’actualité doivent être soulignées.
La loi Pacte de 2019 se proposait déjà de favoriser la croissance des entreprises à toutes les étapes de leur développement. Sans nier l’intérêt ni l’importance de cette question, notre groupe s’était opposé à l’adoption du projet de loi Pacte, le considérant comme mal ficelé et fourre-tout. Or l’article 12 du présent texte consiste en réalité à revenir sur la réforme de la gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie (CCI) que l’on trouvait dans ce projet de loi, ce qui tend à montrer que nous avions en partie raison, ou pas tout à fait tort, de nous y opposer à l’époque.
Le texte qui nous est proposé aujourd’hui est suscité par une préoccupation que nous comprenons. En effet – cela a été dit –, la plupart des entreprises créées en France le sont sous la forme d’entreprises individuelles, deux tiers d’entre elles l’étant même sous la forme de microentreprises.
Si l’on en croit de récentes enquêtes d’opinion, les jeunes sont de plus en plus nombreux à souhaiter créer une entreprise, soit en guise d’activité exclusive soit en complément d’une activité salariée.
Il y a là un phénomène de société que le législateur doit prendre en compte, mais aussi encadrer, de telle sorte qu’il ne soit pas l’alibi, voire l’aubaine, pour des formes d’emploi dégradées et précaires, comme cela arrive couramment.
C’est donc avec rigueur et sérieux que nous avons abordé l’examen de ce projet de loi. Et je dois dire d’emblée, pour le regretter, que ni le texte lui-même ni la procédure arrêtée pour l’examiner ne sont complètement à la hauteur d’un tel sujet.
Le projet de loi tel qu’il nous est présenté ne répond pas suffisamment à l’objectif de protection. Il ne règle pas le problème de la transmission. Il a été établi avec trop de précipitation.
Il nous semble en effet que le temps d’instruction nécessaire à un examen sérieux et à un débat approfondi n’a pas été ménagé pour le présent texte.
En outre – nombre de mes collègues l’ont signalé –, beaucoup de mesures d’application essentielles sont renvoyées à de futures ordonnances, lesdites mesures échappant ainsi au nécessaire contrôle parlementaire, qui nous tient à cœur.
Nous entamons donc le présent débat parlementaire avec de fortes réserves, qui ne sont toutefois pas des oppositions de principe.
Nous souhaitons que ce projet de loi soit sensiblement amélioré afin qu’il protège mieux les entrepreneurs individuels.
Face au faible succès du régime de l’EIRL, le projet de loi tend à en élargir les dispositions à l’ensemble des entreprises individuelles en le simplifiant à l’extrême, et ce sans aucune obligation d’informer les créanciers quant à la consistance du patrimoine professionnel.
Dans son avis et dans sa sagesse, le Conseil d’État laisse entendre qu’il était possible de procéder autrement, en améliorant le statut d’EIRL via l’allégement des formalités qui lui sont liées et en le faisant connaître plus largement.
Ce qui nous importe, à nous, c’est la réelle protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur. De ce point de vue, il nous semble qu’il y a un décalage entre l’effet d’annonce et la réalité, l’entrepreneur ayant la possibilité – dans les faits, il y sera souvent obligé – de renoncer à cette protection sur demande d’un créancier !
Par ailleurs, ce texte induit – c’est un vrai regret – un amoindrissement de la protection des créanciers du fait du déficit d’information quant à la consistance du patrimoine professionnel de ces entreprises individuelles nouvelle version.
Nous nous attacherons donc, par nos amendements, à assurer une protection plus complète du patrimoine personnel de l’entrepreneur et une meilleure information des créanciers.
Le flou et l’imprécision demeurent également quant aux modalités d’imposition – cette question a déjà été évoquée. Les entreprises individuelles sont en principe soumises à l’impôt sur le revenu, mais il semble qu’elles pourraient éventuellement faire le choix de l’impôt sur les sociétés. Un amendement en ce sens a été déposé à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022. Ne faudrait-il pas envisager dès maintenant une simplification et une clarification générales de l’imposition des entreprises, individuelles ou non ? Il serait intéressant d’ouvrir ce débat.
Enfin, le projet de loi intègre – cela a été dit – différents éléments très extérieurs à la question de l’activité professionnelle indépendante stricto sensu.
Ainsi est-il proposé, à l’article 12, dont j’ai déjà fait mention, de réformer les actuelles règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie.
Les dispositions de cet article ne nous semblent pas en mesure de répondre positivement au blocage constaté du dialogue social entre les directions des CCI et la représentation des personnels.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain participera très attentivement aux débats avant de se déterminer définitivement sur son vote. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ludovic Haye. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Ludovic Haye. « Vous représentez le fil rouge de mon engagement ces dernières années, le mérite, le travail, la prise de risque et la volonté de transmettre ! »
Cette déclaration, qui aurait pu être la mienne tant j’adhère à son contenu, a en réalité été prononcée par le Président de la République voilà dix jours, à la Mutualité, alors qu’il présentait un plan d’aide en faveur des travailleurs indépendants.
Les travailleurs indépendants sont au cœur de l’action du Gouvernement. Il n’y en a jamais eu autant : la France en compte actuellement près de 3 millions.
Le travail indépendant a connu, ces dernières années, un nouveau dynamisme, porté notamment par le développement de formes d’organisation et de modalités de travail inédites et par l’évolution des aspirations individuelles, chez les jeunes générations en particulier. Le déploiement du numérique a en effet favorisé l’apparition de nouvelles formes d’activité.
Artisans, commerçants, professions libérales, dirigeants de TPE-PME, tous nous font vivre au quotidien. Ils répondent aux demandes de services de proximité et assurent le maintien d’un lien économique et social indispensable dans nos territoires.
Ils incarnent des valeurs essentielles pour la vitalité de notre pays : le travail, le sens de l’engagement et de l’effort, l’esprit d’entreprise, le goût pour l’innovation et la transmission des savoir-faire.
Le Gouvernement s’est tenu à leurs côtés pendant la crise, grâce notamment à l’ensemble de nos dispositifs de soutien.
Mais, comme l’a annoncé le Président de la République le 16 septembre dernier, lors de sa présentation du plan Indépendants, nous devons aller encore plus loin dans l’accompagnement.
Ce plan, le premier élaboré depuis vingt-sept ans à l’intention de tous les travailleurs indépendants, comprend une vingtaine de mesures organisées autour de trois exigences : tout d’abord, mieux protéger les indépendants face aux accidents de la vie ; ensuite, mieux accompagner la création d’entreprise et la transmission ; enfin, simplifier les démarches au quotidien.
Ce projet de loi contient donc toutes les mesures annoncées de simplification des différents statuts de l’entrepreneur individuel, cette refonte obéissant au double objectif de renforcer la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur tout en décomplexifiant l’accès à une telle protection, d’une part, et de mettre en extinction le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, d’autre part.
Il prévoit également la clarification du cadre juridique régissant l’exercice des activités artisanales via une refonte du code de l’artisanat.
Enfin, la protection des travailleurs indépendants est renforcée par la sécurisation juridique de l’éligibilité à la procédure de surendettement des dettes de cotisations et contributions sociales personnelles nées de l’activité professionnelle pour les personnes qui ne sont pas éligibles aux procédures collectives relevant du livre VI du code de commerce. Sont également sécurisés les parcours et les transitions professionnels, la procédure disciplinaire relative aux experts-comptables, ainsi que les règles régissant la gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie.
Ce projet de loi peut nous rassembler, je le crois, sur un certain nombre de points ; M. le rapporteur a d’ailleurs souligné, lors de l’examen en commission, qu’il souscrivait aux objectifs de cette « réforme indéniablement audacieuse ». Nous ne pouvons qu’en être d’accord ! J’en profite d’ailleurs pour saluer ses travaux, qui perfectionnent de nombreuses dispositions de ce texte très attendu.
Ce texte, donc, vise tout d’abord à la création d’un statut unique, protecteur du patrimoine personnel, pour l’exercice en nom propre d’une activité professionnelle. Désormais, seuls les éléments utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel pourront être appréhendés en cas de défaillance. Par cette protection automatique, il sera mis fin aux risques pesant sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel lorsque surviennent des difficultés professionnelles.
Il permet, ensuite, de faciliter la transformation d’une entreprise individuelle en société. Le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée sera mis en extinction progressive, ses principaux avantages étant repris dans le nouveau statut d’entrepreneur individuel.
Le texte tend, par ailleurs, à faciliter le rebond des travailleurs indépendants en leur permettant de devenir éligibles à l’ATI, l’allocation des travailleurs indépendants, lorsqu’ils cessent leur activité devenue économiquement non viable. Un décret viendra compléter la réforme de l’ATI par l’assouplissement du critère de revenus de 10 000 euros, qui ne sera désormais exigé que sur la meilleure des deux années.
Enfin, nous allons simplifier l’environnement juridique et l’accès des entrepreneurs à l’information en facilitant l’accès à la formation professionnelle, en adaptant la procédure disciplinaire applicable aux experts-comptables, en clarifiant le cadre juridique applicable aux professions libérales réglementées, en renouvelant les modalités de négociation collective dans les chambres de commerce et d’industrie et en rénovant le code de l’artisanat.
L’ensemble de ces mesures, complété par celles qui figurent dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, vise à bâtir un plan apportant des solutions ambitieuses et opérationnelles aux préoccupations de longue date des indépendants. Nous avons essayé de prendre en compte la totalité des étapes de la vie d’un entrepreneur.
C’est pourquoi le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accès à l’assurance chômage « pour tous les travailleurs » était une promesse de campagne du futur Président de la République en 2017,…
M. François Bonhomme. Non tenue !
Mme Catherine Deroche. … les travailleurs indépendants ne disposant pas, à la différence des salariés, d’une protection obligatoire contre le risque de perte d’emploi et n’ayant donc accès qu’aux minima sociaux ou à des assurances privées peu attractives.
Le degré d’exposition des travailleurs indépendants au risque de perte d’emploi est inégal. Si, traditionnellement, les indépendants le géraient par eux-mêmes, ce risque peut néanmoins être significatif pour une partie d’entre eux, ce qui provoque une demande de protection justifiant une réforme.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a donc ouvert des droits au chômage pour les indépendants, avec la création de l’ATI, entrée en vigueur le 1er novembre 2019.
Elle a aussi opéré, à bas bruit, un changement profond de la nature de l’assurance chômage en ouvrant la voie à la suppression des contributions salariales et en leur substituant un financement par l’impôt, en l’occurrence par une part de la CSG sur les revenus d’activité. Cette modification profonde ne s’est pas accompagnée d’une réflexion sur ses conséquences : un financement par la solidarité nationale, déconnecté, comme tel, de toute contributivité, suppose peut-être, en effet, de servir à tous les mêmes prestations.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Catherine Deroche. Lors de l’examen du projet de loi, notre groupe avait souligné le caractère extrêmement restrictif du droit à l’assurance chômage ainsi créé, le texte imposant la réunion de cinq conditions cumulatives que la rapporteure de la commission des affaires sociales, Frédérique Puissat, a rappelées : conditions relatives à la durée d’activité, au niveau de revenus professionnels, aux ressources, à la forme juridique de la cessation d’activité.
À sa création, le dispositif de l’ATI visait 29 300 bénéficiaires potentiels, pour un budget de 140 millions d’euros. Le premier bilan apparaît très décevant puisqu’à peine plus d’un millier d’indépendants ont pu bénéficier de cette allocation.
Le système retenu s’est révélé complexe et les conditions posées sont apparues trop restrictives. Un rapport de l’Assemblée nationale publié en avril dernier sur le sujet évoque une « erreur de ciblage » et souligne que le cumul des cinq conditions qui encadrent l’octroi de l’ATI entraîne incontestablement l’inéligibilité de milliers d’indépendants demandeurs d’emploi.
Les auteurs de ce rapport parlementaire ont procédé à l’analyse des dossiers traités par Pôle emploi afin d’apporter un début d’éclairage sur les points de blocage. Ainsi, le premier motif de rejet des demandes d’ATI a trait au seuil de revenu minimal d’activité de 10 000 euros annuels, ce critère représentant à lui seul les trois quarts des refus. Par ailleurs, l’exigence d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires exclut de fait un certain nombre d’indépendants, notamment les microentrepreneurs.
Aussi le plan de soutien aux indépendants annoncé le 16 septembre dernier par le Gouvernement a-t-il prévu plusieurs aménagements du dispositif de l’ATI, qui figurent en partie dans le présent projet de loi.
Il s’agit d’élargir le bénéfice de l’ATI aux cas de « déclaration de cessation totale et définitive d’activité […], lorsque cette activité n’est pas économiquement viable », ce qui permet de sortir des seuls cas de liquidation ou de redressement judiciaires.
Le Gouvernement prévoit également la publication d’un décret assouplissant le critère de revenus de 10 000 euros, qui ne sera désormais exigé que sur la meilleure des deux années. Le Président de la République reconnaissait en effet, lors de la présentation du plan, que la dernière année, qui était systématiquement prise en compte, était rarement la meilleure…
Ces mesures suffiront-elles pour assurer un rééquilibrage de l’ATI ? Disposons-nous de suffisamment de recul pour considérer cette allocation comme un outil utile et viable ?
Afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs, la rapporteure Frédérique Puissat, dont je salue comme toujours la qualité du travail,…