Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Avant tout, je tiens à remercier Mme la rapporteure du travail qu’elle a accompli depuis l’adoption de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale. Bien sûr, je salue également l’ensemble de mes collègues, M. le ministre, ses équipes et l’ensemble de nos administrateurs. Nous pouvons tous nous réjouir de la qualité de nos débats.
Notre commission et, selon toute vraisemblance, le Sénat dans son ensemble ont choisi d’accompagner la démarche engagée avec la proposition de loi Égalim 2, pour toutes les raisons évoquées au cours de cette discussion. À l’évidence, la loi Égalim 1 peine à obtenir des résultats. De plus, nous avons souhaité élargir le champ du texte Égalim 2 en le complétant de notre mieux, afin qu’une plus grande part du revenu des agriculteurs bénéficie de ses dispositions.
Monsieur le ministre, il nous reste à parcourir la dernière partie du chemin : celle qui nous conduit à la commission mixte paritaire. Nous sommes réellement disposés à trouver des accords. Cela étant, nous serons extrêmement vigilants sur un certain nombre de points que nous considérons comme essentiels.
En particulier, le fait de sanctuariser la part des produits agricoles dans la négociation entre fabricants et distributeurs nous a inspiré des doutes : nous redoutions que ce choix n’entraîne une pression extrêmement forte sur le reste des charges, lequel représente non seulement des achats, des frais de transport et d’emballage, mais aussi des salariés et de la recherche et développement, tout ce qui fait la grandeur de l’industrie agroalimentaire française.
Ces doutes persistent. Nous ne voulons pas affaiblir davantage notre outil de production et de transformation agroalimentaires. C’est la raison pour laquelle la transparence totale reste, à nos yeux, un point on ne peut plus délicat. Nous pensons que cette transparence aurait pour effet de tirer les prix vers le bas, donc de mettre en danger nos industriels. Or, si les outils de transformation sont fragilisés dans nos territoires, c’est, à terme, nos agriculteurs qui seront fragilisés.
Entre l’examen en commission et les débats en séance publique, nos positions ont évolué sur différents points : vous l’avez vu au sujet de l’étiquetage. Évidemment, nous sommes ouverts à de nouvelles améliorations, à de nouveaux changements. Sur un certain nombre de sujets, nous sommes prêts à faire un pas vers l’Assemblée nationale. Mais nous serons inflexibles sur d’autres questions, et la transparence en est une.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. À mon tour, je tiens à remercier Mme la rapporteure, Mme la présidente de la commission, l’ensemble des administrateurs qui ont travaillé sur ce texte et vont continuer à s’y consacrer, sans oublier mes équipes.
M. Labbé l’a rappelé, nos discussions se sont parfois révélées très techniques. Nous n’étions pas d’accord sur tout ; nous avons eu de vrais débats de fond, mais, malgré les oppositions, nous avons toujours eu en partage la volonté d’avancer. Sur des sujets si complexes, nul ne détient la vérité vraie et absolue. J’y insiste, nous n’avons cessé de travailler avec un véritable souci d’écoute et dans un esprit constructif.
Comme l’a dit Mme la présidente de la commission, nous avons eu des points de désaccord ; à présent, nous devons faire converger nos positions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour moi, ce texte répond d’abord à une vision politique qui nous est commune, car nous avons tous pour but de défendre notre souveraineté agroalimentaire.
De surcroît, j’ai chevillé au corps la conviction qu’il ne faut pas opposer les uns aux autres, car la chaîne agroalimentaire forme un ensemble. L’industriel n’est rien sans l’agriculteur, mais la grande distribution n’est rien sans l’industriel. À la fin des fins, le consommateur a aussi besoin des circuits de distribution. Comme je le disais hier dans mon propos introductif, c’est toute la chaîne agroalimentaire qu’il faut faire monter en puissance grâce à la création de valeur.
Il nous reste maintenant quelques jours avant la commission mixte paritaire, et nous devons faire en sorte que ce texte de loi s’applique le plus vite possible.
Monsieur Gremillet, je vous le confirme, nous devrons être extrêmement vigilants lors de sa mise en œuvre. Nous devrons mener un certain nombre de contrôles et agir avec la plus grande détermination, car il faudra traiter non seulement les revenus, mais aussi les charges, les dépenses et les enjeux de compétition.
Enfin, monsieur Gay, à l’heure des explications de vote, on a coutume de dire qu’il faut aller encore plus loin. Nous sommes tous d’accord : il faut aller le plus loin possible. Mais quand je parle de décisions difficiles, c’est par exemple quand il s’agit d’abandonner telle ou telle pratique agricole.
Une décision de cette nature a nécessairement des impacts sur les comptes de résultat et l’on ne peut pas renvoyer l’examen de ces conséquences à plus tard. Il faut faire preuve de lucidité. Cela étant, il est parfois difficile d’admettre que l’on renonce à agir, car il y va de notre souveraineté.
Bien sûr, nous sommes d’accord pour remettre en cause tel ou tel dogme de l’OMC : je peux vous certifier que c’est sacrément difficile…
M. Fabien Gay. Commencez par abandonner le CETA !
M. Julien Denormandie, ministre. Je ne dis pas pour autant qu’il faut mettre ces questions sous le tapis. Toujours est-il que je ne parlais absolument pas des salaires.
Une nouvelle fois, je salue la qualité de nos débats, en vous remerciant également, madame la présidente. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Volontariat des sapeurs-pompiers
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels (proposition n° 646, texte de la commission n° 787, rapport n° 786).
Je rappelle que, en application de la décision prise hier par la conférence des présidents, les orateurs s’exprimant à la tribune, et eux seuls, sont dorénavant autorisés à retirer leur masque.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avant de vous présenter la position du ministère de l’intérieur sur la proposition de loi, je souhaite profiter de cet instant pour rendre, depuis la tribune du Sénat, un hommage au personnel de la sécurité civile. Son engagement au service des Français est sans faille, quotidien, constant. Un départ en intervention des sapeurs-pompiers a lieu toutes les sept secondes en France. Cet engagement conduit parfois au sacrifice suprême, qui fauche, dans leur jeunesse et dans leur force, des femmes et des hommes engagés au service des autres.
À cette heure, je veux commencer par avoir une pensée pour Pierre-François Bonnard, 38 ans, mécanicien opérateur de bord de la base aérienne de Grenoble, mort en intervention il y a dix jours, le 12 septembre. J’ai également une pensée pour Bryan Rimbaut, sapeur-pompier volontaire de 23 ans, décédé en intervention dans la Somme.
Ces drames humains illustrent au plus haut point le sens élevé du service public de la grande communauté de la sécurité civile : sapeurs-pompiers militaires, professionnels et volontaires, marins-pompiers, sapeurs-sauveteurs des formations militaires de la sécurité civile, pilotes et agents du groupement des moyens aériens, fonctionnaires du déminage – chacun, en son grade et qualité, à son poste et à sa responsabilité, au service des Françaises et des Français. Cette tradition de service, cette force de mobilisation, le Gouvernement et les Français les connaissent et les reconnaissent.
Je voudrais, avant d’en venir au détail de la proposition de loi, saluer l’action de ces femmes et de ces hommes, qui, tous les jours, portent secours à nos concitoyens. Je crois que, collectivement, nous pouvons en être fiers ; fiers de ce modèle de sécurité civile qui suscite des demandes toujours plus nombreuses de coopération à l’international, fiers d’une organisation solide qui sait toujours s’adapter pour faire face aux nouvelles menaces. Preuve en est la formidable mobilisation de la sécurité civile dans la gestion de la crise sanitaire.
Ainsi, quand il a fallu donner un élan nouveau, renforcé, décisif à la campagne de vaccination contre le covid-19, les services d’incendie et de secours ont su se mobiliser selon les directives de la direction générale de la sécurité civile et sous la direction opérationnelle des préfets. Ils sont ainsi présents dans 201 centres de vaccination, dont 119 directement placés sous leur autorité. Aujourd’hui encore, plus de 5 500 sapeurs-pompiers œuvrent quotidiennement pour vacciner l’ensemble de la population.
Lorsqu’il a fallu mettre en place, dans les meilleurs délais, les contrôles aux frontières extérieures pour pratiquer des tests, la force humaine des services d’incendie et de secours et des associations agréées de sécurité civile (AASC) a été, là encore, au rendez-vous. Plus de 820 000 passagers ont été testés par les équipes réparties sur tous les points d’entrée des ports et aéroports internationaux.
Cet été, après s’être engagés sur de multiples théâtres extérieurs – Italie, Grèce, Algérie –, nos services d’incendie et de secours, appuyés par les formations militaires de la sécurité civile, sont venus à bout de l’incendie qui ravageait le massif des Maures. Je salue la mobilisation totale des sapeurs-pompiers, leur professionnalisme et leur dévouement exemplaire cet été pour lutter contre les feux de forêt.
Cet engagement du quotidien nous oblige. C’est le sens de la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers déposée par M. le député Fabien Matras.
Cette proposition de loi a été adoptée en mai dernier à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Le Sénat en a été saisi dans la foulée et a réalisé un travail de grande qualité. Je veux ici saluer chaleureusement l’investissement sur ce texte des trois rapporteurs : Mme Françoise Dumont, M. Loïc Hervé et M. Patrick Kanner. Je tiens à les remercier, en mon nom et au nom du ministre de l’intérieur, M. Gérald Darmanin, pour la fluidité de nos échanges et le climat constructif dans lequel ils se sont toujours déroulés. Je sais que nous aurons des débats sur certains points, je sais aussi que nous pourrons dégager les consensus utiles.
S’agissant de la protection de nos concitoyens, les opinions et les avis divergent peu. En discutant de cette proposition de loi, nous poursuivons tous un objectif commun et partagé – largement transpartisan – : offrir le meilleur service de secours aux Français.
La proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels apporte – vous le savez parfaitement – des avancées attendues par l’ensemble des acteurs de la sécurité civile, et que le Gouvernement soutient.
Consolider notre modèle de sécurité civile, cela signifie avant tout conforter le volontariat et l’engagement citoyen.
Le volontariat, c’est cette spécificité française si précieuse qui permet à notre modèle de porter secours à l’ensemble de nos concitoyens, en tout temps, en toutes circonstances et en tous points du territoire. La solidité de ce modèle repose sur les 200 000 femmes et hommes qui, en parallèle de leur travail, de leurs études, de leur vie personnelle ou familiale, volontairement, donnent de leur temps et s’engagent pour secourir les autres. Ces 200 000 femmes et hommes sont, aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels et militaires, le pilier de notre organisation de secours, et ils doivent, je crois, le demeurer.
Pour conforter le volontariat, il faut l’encourager et le valoriser. En effet, si l’engagement ne cherche pas la rétribution, il doit être néanmoins reconnu, pour que ce modèle se renforce et perdure. La gratitude de la Nation doit pouvoir s’exprimer pleinement quand les citoyens s’engagent pour la servir et la rendre toujours plus forte et toujours plus unie.
Plusieurs mesures figurent dans cette PPL pour aller plus loin dans la reconnaissance et la valorisation du volontariat, à commencer par l’abaissement du seuil de déclenchement de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR). Le ministre de l’intérieur ouvrira d’ailleurs un champ d’échanges avec les financeurs des SDIS pour la revalorisation du montant de la NPFR, qui relève du pouvoir réglementaire.
Le texte a également pour objet la promotion au cadre d’emploi, au grade ou à l’échelon supérieur selon les cas pour les fonctionnaires décédés en service ou grièvement blessés, la création de la qualité de pupille de la République, notamment pour les enfants des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires tués, et la mise en place de dons de jours de congé au bénéfice des sapeurs-pompiers volontaires.
Vous le savez, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin et moi-même sommes d’ardents défenseurs de cet engagement citoyen, qui n’est ni du bénévolat ni du salariat et qui ne doit pas s’en approcher. Il faut à la fois le faciliter, en permettant une meilleure conciliation du volontariat avec l’exercice d’une activité professionnelle, et l’encadrer, pour éviter que certaines pratiques minoritaires ne le déstabilisent. Nous devons aussi et surtout le conforter dans sa spécificité au regard des règles européennes. Après la jurisprudence Matzak et à la suite de notre saisine de la Commission européenne, le gouvernement français a obtenu une réponse qui confirme bien la solidité du système du volontariat.
La lecture en séance publique au Sénat est l’occasion de mieux prendre en compte dans le texte le rôle essentiel des associations agréées de sécurité civile. C’est pourquoi le Gouvernement soutiendra plusieurs amendements visant, par exemple, à mieux préciser le champ des réserves des services d’incendie et de secours, qui n’ont pas vocation à agir sur le même périmètre de missions que les AASC, ou à réprimer plus efficacement les structures qui, bien que dépourvues d’agréments, se permettent d’agir sur le terrain.
Le Gouvernement sera également favorable à l’amendement n° 166 déposé par les rapporteurs à l’article 34. En effet, nous partageons clairement avec eux l’importance de la reconnaissance par la Nation de l’engagement des bénévoles de ces associations agréées. La meilleure reconnaissance du rôle de ces associations dans cette proposition de loi me semble être une brique majeure apportée par le Sénat.
Par ailleurs, cette PPL ne se contente pas de consolider le volontariat. Elle conforte l’ensemble du modèle de sécurité civile, à commencer par les missions des sapeurs-pompiers, qui ont évolué au cours des quinze dernières années en changeant notamment de nature. Le secours d’urgence aux personnes est devenu en quelques décennies l’activité principale des services d’incendie et de secours. Il représente désormais plus de 80 % des interventions.
Dans la très grande majorité des cas, les sapeurs-pompiers interviennent en étroite collaboration avec les acteurs de santé, en premier lieu les services du SAMU-centre 15. C’est toujours en totale complémentarité et avec un grand professionnalisme qu’ils interviennent, ensemble, pour offrir le secours le plus rapide et le plus optimal aux victimes. Je tiens à le souligner.
D’une certaine manière, il est urgent de tirer toutes les conséquences de cette évolution en adaptant la loi et nos doctrines opérationnelles aux réalités de terrain. Il y a une certaine urgence à reconnaître les missions des sapeurs-pompiers dans leur globalité, y compris celles qui sont liées aux soins pouvant être prodigués aux personnes secourues. C’est tout le sens de l’article 2 de cette proposition de loi.
La proposition de loi traite également dans son article 3 du sujet majeur des carences ambulancières, enjeu important du fonctionnement actuel des services d’incendie et de secours.
L’Assemblée nationale a aussi permis aux SIS de retrouver la maîtrise et la hiérarchisation de leurs moyens en permettant la temporisation de l’engagement.
La commission des lois du Sénat a souhaité introduire la requalification. Sur ce dernier point, il semble important au Gouvernement de respecter les équilibres trouvés entre les services d’incendie et de secours et les structures d’aide médicale d’urgence. C’est pourquoi le Gouvernement proposera un amendement de rétablissement du texte de l’Assemblée nationale sur ce sujet.
La proposition de loi apporte aussi beaucoup en matière de doctrine d’intervention, d’organisation et de fonctionnement des services d’incendie et de secours.
Ainsi, le Gouvernement a porté des amendements sur les pactes capacitaires et les contrats territoriaux de réponses aux risques et aux effets de menaces à l’Assemblée nationale. Nous soutiendrons devant le Sénat des amendements visant à élargir les communes soumises à la réalisation obligatoire d’un plan communal de sauvegarde. Les expériences récentes nous montrent à quel point un PCS, même simple, et des exercices réguliers peuvent réussir à sauver des vies. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ! C’est cela qui doit guider nos réflexions et notre action.
Un autre enjeu majeur dans l’organisation des secours est le traitement de l’alerte. L’article 31 de la proposition de loi permet ainsi d’expérimenter un numéro unique des appels d’urgence, dans le droit fil de l’engagement du Président de la République. Certains jugent que cette écriture aurait pu être plus ambitieuse. Je les entends, mais j’aimerais leur dire aussi qu’il nous faut embarquer tous les acteurs dans cette expérimentation.
Cette expérimentation ne sera pas dilatoire, elle sera fondatrice. Les préfets et les directeurs généraux des agences régionales de santé en dresseront le bilan. Sur cet article également, le Gouvernement proposera un amendement afin de préserver les équilibres qui avaient pu se dégager à l’issue de l’examen à l’Assemblée nationale.
L’article 9 de la proposition de loi traite de la modernisation de notre dispositif de prévention. Le déploiement du cell broadcast, que nous avions annoncé pour 2022, viendra améliorer en temps réel l’alerte et l’information des populations en cas de survenance d’un événement majeur. Il permettra une diffusion massive, prioritaire et rapide aux populations exposées à un risque des informations essentielles à leur protection.
Cette proposition de loi est ainsi devenue au gré des apports successifs – de l’Assemblée nationale hier, du Sénat aujourd’hui et dans les prochains jours, et du Gouvernement constamment – le support juridique d’une rénovation profonde de notre modèle de sécurité civile dans un objectif toujours partagé d’excellence opérationnelle au service des Français et d’une reconnaissance forte et claire des sapeurs-pompiers et de leur action. J’en souhaite donc l’adoption rapide et la plus large possible. Nous aurons de riches et féconds débats avant d’y parvenir, mais je ne doute pas que nous parviendrons ensemble à atteindre l’objectif attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, la commission des lois donne à la sécurité civile la place primordiale qu’elle mérite. C’est la raison pour laquelle elle a désigné, pour cette proposition de loi, trois rapporteurs appartenant aux trois principales sensibilités politiques de notre assemblée.
Cette configuration aurait sans doute été impossible sur d’autres sujets, ou en d’autres lieux, mais elle n’a posé aucun problème, donné lieu à aucune dissension, tant nous savons à quel point les enjeux de cette proposition de loi sont fondamentaux pour notre nation tout entière. Je tiens ici à remercier chaleureusement Loïc Hervé et Patrick Kanner, grâce à qui la qualité de notre travail a été, je pense, à la hauteur des enjeux.
Initialement déposé par le député Fabien Matras, puis soutenu par le Gouvernement, ce texte entend se placer dans la lignée des grandes lois de sécurité civile, au même titre que la loi de 1996 relative aux services d’incendie et de secours ou celle de 2004 portant modernisation de la sécurité civile. C’est pourquoi nous n’avons pas hésité à considérer que certaines dispositions du texte transmis par l’Assemblée nationale étaient de véritables avancées qu’il ne fallait pas remettre en cause par pur principe. Cette objectivité nous conduit à partager un certain nombre de points de vue avec le Gouvernement. En revanche, nous avons été particulièrement vigilants lors de l’examen des dispositions qui n’emportaient pas de consensus à leur sortie de l’Assemblée nationale. Les plus sensibles concernent l’expérimentation des plateformes communes de réception des appels d’urgence.
L’article 31 de la proposition de loi initiale prévoyait la mise en place du 112 comme numéro d’appel d’urgence unique ainsi que la mutualisation des plateformes de réception des appels d’urgence. Très attendu par les acteurs de la sécurité civile, ce dispositif a toutefois soulevé de vives protestations de la part des acteurs de la santé, qui y ont vu une remise en cause possible du principe de la régulation médicale et du service d’accès aux soins récemment mis en place.
La commission des lois ne remet pas ici en question son souhait de voir aboutir, à terme, un numéro unique et des plateformes communes. Ce souhait a d’ailleurs été conforté par notre déplacement sur la plateforme commune de réception des appels d’Annecy. Toutefois, nous avons considéré que les conditions n’étaient, pour l’heure, pas réunies pour la mise en place définitive d’un tel système sur l’ensemble du territoire national. La commission a donc conservé le principe d’une expérimentation, mais a apporté des modifications, dont certaines sont à nos yeux clairement indispensables.
La première concerne la prise en compte des associations agréées de sécurité civile dans le dispositif dont elles étaient exclues, et ce malgré le caractère incontournable de leurs actions.
La deuxième tend à mettre les présidents des SDIS concernés sur le même plan que le représentant de l’État ou le directeur général de l’agence régionale de santé dans la mise en œuvre et l’évaluation des expérimentations.
Enfin, la troisième tend à prévoir qu’en cas de succès de l’expérimentation un référentiel national relatif au fonctionnement des plateformes serait élaboré par l’ensemble des acteurs concernés, dans le respect des prérogatives de chacun. Cette logique de dialogue et d’échange semble impérative pour mener à bien un tel projet de mutualisation.
Madame la ministre, ces modifications ne relèvent que du seul bon sens. Pourtant, vous souhaitez toutes les remettre en cause, sans exception, par un amendement que vous avez déposé. Nous aurons l’occasion d’y revenir un peu plus tard. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrick Kanner, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je rejoins la position de Mme Françoise Dumont, que je souhaite à mon tour remercier, ainsi que Loïc Hervé, pour le travail que nous avons mené ensemble, dans une entente totale et sincère. La posture – permettez-moi cette expression – du Gouvernement quant aux avancées de la commission des lois m’interpelle.
De notre côté, nous avons su saluer les avancées du texte transmis au Sénat. Je fais ici référence aux articles 1er, 2 et 3, qui clarifient utilement le cadre d’intervention des services d’incendie et de secours – sous certaines réserves, comme l’expliquera Loïc Hervé. Je fais également référence aux articles 20 et 21 : le premier prévoit des promotions à titre exceptionnel pour les sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels décédés lors de leur service ou ayant réalisé des actes de bravoure ; le second crée une mention « Mort pour le service de la République » au bénéfice de personnes appartenant à des corps ou entités habituellement exposés à des situations de danger, tout en ouvrant le nouveau statut de « pupille de la République » pour leurs orphelins.
Malgré vos salutations amicales, madame la ministre, nous ne sommes pas naïfs. Le projet de loi déguisé que nous examinons aujourd’hui a mis près d’un an à être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Son examen a été reporté de mois en mois, car le Gouvernement n’y trouvait pas, à l’époque, d’intérêt immédiat.
Si la procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement, si ce texte qui concerne directement les départements a été transmis au Sénat en plein milieu des élections départementales, si nous avons dû l’examiner en commission au mois de juillet, au pas de course, sous une grêle de projets de loi, et si une CMP va être convoquée dans des délais record, c’est seulement parce que le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers se tiendra au mois d’octobre à Marseille et que vous souhaitez, naturellement, y faire bonne figure au moyen d’une loi présentée par le Président de la République lui-même.
M. Ludovic Haye. Oh !
M. Patrick Kanner, rapporteur. Permettez-moi de vous le dire : nous ne sommes pas les supplétifs d’un Gouvernement déjà en campagne présidentielle. Et nous n’hésiterons pas à reporter l’entrée en vigueur du texte de quelques semaines, s’il y va de l’intérêt des actrices et des acteurs de la sécurité civile !
Nos attentes vis-à-vis du Gouvernement dépassent ce texte. Je fais ici référence à la jurisprudence Matzak – évoquée par notre collègue Françoise Dumont et par vous, madame la ministre – qu’il n’est plus besoin de présenter dans notre hémicycle et par laquelle la Cour de justice de l’Union européenne considère que les sapeurs-pompiers volontaires peuvent être assimilés à des travailleurs.
Certes, l’article 22 A de la proposition de loi tend à contrer cette jurisprudence – vous l’avez rappelé –, mais son niveau législatif le rend parfaitement inopérant face à une jurisprudence de niveau européen. Ce texte est l’occasion pour nous de demander au Gouvernement s’il compte soumettre une réponse juridique effective à ses partenaires européens, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne. C’est l’occasion ou jamais de faire bouger les lignes.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, nous sommes là pour défendre l’intérêt général. Vous pouvez compter sur nous. Or l’intérêt général ne se résume pas à la course contre la montre que vous nous imposez dans le cadre de l’agenda parlementaire. Sachez néanmoins que nous serons constructifs afin de préserver la sécurité civile de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)