M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’arrêt Matzak et l’expérimentation des plateformes uniques n’ont pas été les seuls sujets d’attention de la commission des lois. La proposition de loi se penche également sur le problème épineux des carences ambulancières.
Relevées dès 2016 par le rapport de la commission des lois du Sénat intitulé Secours à personne : propositions pour une réforme en souffrance, les carences ambulancières recouvrent les cas où, à la demande du SAMU, les SDIS réalisent des transports sanitaires pour pallier l’absence d’autres moyens, dont ceux des ambulanciers privés. Ces carences sont dénoncées par les acteurs de la sécurité civile, car, d’une part, la qualification d’une mission en carence relève principalement de l’appréciation du médecin régulateur du SAMU et, d’autre part, le montant de l’indemnisation des SDIS s’élève à 123 euros par carence alors que le coût moyen qu’ils supportent est estimé entre 450 et 500 euros. En outre, ces créances sont parfois difficilement recouvrées par les SDIS. In fine, le développement de ces carences ajouté à leur mauvais remboursement conduit à un transfert de charges de fait entre le niveau national, qui finance les SAMU, et les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les départements et les communes, qui financent les SDIS.
Nous avons donc été très favorables à l’article 3 de la proposition de loi, qui donne une définition objective de la carence ambulancière. C’est une vraie avancée qu’il faut reconnaître. Néanmoins, la commission des lois a jugé utile d’adopter un amendement qui tend, d’une part, à supprimer l’obligation de prescription médicale pour pouvoir qualifier une intervention de carence ambulancière et, d’autre part, à rétablir la possibilité de procéder à la requalification a posteriori de cette carence. Cette précision permettra aux SDIS d’être justement indemnisés lorsqu’ils ont réalisé une intervention à la demande du 15 dont il s’est avéré, par la suite, qu’elle relevait en pratique de la carence ambulancière. À cet égard, je comprends mal l’amendement de suppression du Gouvernement. Son examen sera l’occasion de débattre de ce point.
Enfin, je souhaite finir sur des points positifs, puisque certains apports de la commission des lois n’ont pas fait l’objet d’amendements ni du Gouvernement ni de votre part, mes chers collègues.
Le premier porte sur la mise en place de référents « sécurité » au sein des SDIS. Ils seront notamment compétents pour les questions relatives à la prévention des violences commises contre les sapeurs-pompiers. Il s’agit de l’une des propositions du rapport de la commission des lois de 2019 sur la sécurité des sapeurs-pompiers.
Le second concerne la possibilité ouverte à l’ensemble des conseillers municipaux de représenter leur commune ou leur EPCI au conseil d’administration du SDIS, faculté ouverte actuellement uniquement aux maires ou à leurs adjoints. Cet apport fait écho à la création, par la proposition de loi, d’un correspondant « incendie et secours » au sein de chaque conseil municipal.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce dernier point me pousse à être optimiste quant à l’avenir de ce texte. Nous sommes convaincus que la sagesse du Sénat ne manquera pas de persuader nos collègues députés. C’est, en tout cas, le souhait que nous formulons, avec Françoise Dumont et Patrick Kanner. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les attentes face à ce texte sont immenses et nombreuses, non seulement pour les acteurs du secteur, mais aussi pour notre modèle de sécurité civile et son bon fonctionnement. Les débats à l’Assemblée nationale tout comme l’important travail effectué en commission des lois, qui est à féliciter, prouvent, s’il en était besoin, l’importance de traiter ce sujet avec précision et en profondeur.
L’engagement, volontaire ou professionnel, des femmes et des hommes sapeurs-pompiers dans notre pays est inestimable et irremplaçable pour tous nos concitoyens : faire face aux urgences, au covid-19, aux feux, aux carences d’ambulances, etc. Nous leur en sommes vivement reconnaissants, mais cela n’est pas suffisant. Dans cet hémicycle, il est de notre devoir de préserver et de valoriser notre système de secours et de sécurité civile. Le meilleur moyen d’y parvenir est de travailler à son amélioration et d’en assumer une réforme.
Le contexte dans lequel nous vivons est malheureusement marqué par une hausse importante des violences envers les sapeurs-pompiers, dont le sentiment d’insécurité durant les interventions ne cesse de croître. Je rappelle des chiffres déjà bien connus : entre 2017 et 2018, l’augmentation des agressions a été évaluée autour de 25 %. Cela n’est pas acceptable au sein de notre société, d’autant que les sollicitations augmentent elles aussi et sont parfois assez éloignées des domaines d’activité premiers des sapeurs-pompiers.
Le texte que nous examinons paraît revêtir un équilibre intéressant. Les articles relatifs à la question des retraites, de la réserve citoyenne ou encore aux autorisations d’absence pendant le temps de travail vont dans le bon sens.
Je souhaite évoquer plusieurs points qui me semblent essentiels, en commençant par rappeler le rôle des sapeurs-pompiers volontaires, acteurs ô combien indispensables en milieu rural. Leur recrutement doit être facilité à la fois dans le secteur public et au sein des entreprises. Plusieurs articles sont consacrés à leur place en entreprise : c’est un bon moyen de valorisation.
Tout d’abord, l’aménagement du temps de travail et la flexibilité des jours de repos non pris afin de permettre aux sapeurs-pompiers volontaires d’assurer leurs missions et activités sont des avancées intéressantes. Je proposerai des amendements d’amélioration allant dans le même sens.
Ensuite, le numéro unique d’appel d’urgence porté par l’article 31 de la PPL et l’expérimentation proposée vont dans la bonne direction. Cependant, un aspect pratique devrait être précisé, et c’est le sens d’un amendement que j’ai déposé. Certains médecins régulateurs du SAMU expriment leur inquiétude. En effet, dans un objectif d’efficacité et d’amélioration de la prise en charge du blessé ou du malade, il est primordial que la gestion des appels et les décisions prises en matière de santé restent entre les mains du seul médecin régulateur du SAMU.
Enfin, je ne peux pas clore mon propos sans évoquer un sujet essentiel pour notre modèle de sécurité civile, particulièrement pour les sapeurs-pompiers volontaires : le fait de ne pas assimiler leurs activités à celle d’un travailleur. C’est l’un des objectifs de l’article 22 A de cette proposition de loi. Nous comprenons que la portée juridique limitée de cet article ne résoudra pas le problème provoqué par la jurisprudence européenne et la directive relative à la durée du temps de travail.
Concernant l’activité des sapeurs-pompiers volontaires, j’ai moi-même posé la question à plusieurs reprises au Gouvernement durant les deux dernières années. La réponse de la Commission européenne au ministre de l’intérieur, bien que donnant des éléments de réponse concrets, n’est pas satisfaisante, car elle n’exonère pas totalement les sapeurs-pompiers volontaires, elle propose seulement une interprétation au cas par cas.
Comme le définit la loi du 20 juillet 2011, « l’activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n’est pas exercée à titre professionnel ». Et c’est ce que souhaitent les sapeurs-pompiers volontaires et toutes les collectivités territoriales rurales ! Madame la ministre, il y va de la pérennité des centres de secours en milieu rural. La présidence française du Conseil de l’Union européenne doit absolument apporter des solutions concrètes à ce problème.
Ce texte doit apporter des avancées significatives pour les sapeurs-pompiers et pour le modèle que la France peut s’enorgueillir de développer. La proposition de loi a été enrichie, notamment par son passage en commission, et l’on peut voir se dessiner un texte équilibré, travail entre le Parlement et le Gouvernement. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je tiens à souligner la qualité du travail de la commission des lois sur ce texte essentiellement technique, mais qui ne répond que partiellement aux attentes et aux enjeux.
Notre modèle de sécurité civile connaît des difficultés et a besoin de réponses concrètes. Plusieurs constats ont été pris en compte dans notre réflexion.
Le premier concerne le volontariat : l’engagement volontaire, vital dans notre système, est trop peu reconnu et parfois mis en difficulté, comme nous avons pu le constater à l’occasion d’une décision européenne récente. La présente proposition de loi a le mérite de chercher à redéfinir et à consolider le rôle et le champ d’action des pompiers.
Le second constat est plus inquiétant : le nombre d’interventions s’est accru de manière importante ces dix dernières années, pour différentes raisons, dont l’une découle d’une certaine inaction face à l’urgence climatique. Personne ne peut le nier, le nombre d’épisodes extrêmes est en hausse : pluies violentes, incendies, épisodes de chaleur, autant de situations qui exigent la participation de nos services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).
J’en profite pour remercier ici ces héros du quotidien qui, trop souvent au péril de leur vie, viennent en aide à la population et combattent les feux qui ravagent de plus en plus nos territoires ou ceux de nos voisins européens, réduisant parfois à néant des années d’efforts de protection de la biodiversité.
En outre, la récente crise du covid a montré une forte mobilisation des pompiers dans les transports sanitaires comme dans l’appui, voire dans l’organisation de la campagne de vaccination.
En dehors de cette crise inédite, la situation sociale et sanitaire de notre pays a évolué ces dernières années. Les pompiers sont souvent le dernier recours face à une détresse qui reflète de trop nombreuses inégalités, particulièrement face à l’accès aux soins.
Le texte présenté aujourd’hui donne les outils nécessaires aux SDIS pour mieux travailler en coordination avec les SAMU dans le cadre des soins de secours aux personnes. Toutefois, les articles qui s’y attachent, s’ils constituent une avancée, ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Alors que certains évoquent et recherchent un renforcement de la chaîne pénale, peu se penchent sur la chaîne sanitaire.
Les débats en commission ont mis en avant les difficultés liées aux carences ambulancières. Quel que soit l’opérateur chargé de ce transport sanitaire, l’entonnoir se déverse toujours sur les urgences hospitalières publiques. L’hôpital était déjà à bout de souffle avant même les deux dernières années, qui ont été encore plus difficiles.
Si ce texte touche du doigt le sujet de ces transports, on n’y trouve aucune réflexion sur les possibilités de développer les services d’accès aux soins. Certes, un article permet l’expérimentation de plateformes communes de réception d’appels d’urgence ; cette idée, pertinente selon les situations locales, n’a de sens que dans une vision plus grande du lieu de prise en charge post-transport et devrait s’y inscrire. À ce titre, nous serons attentifs aux résultats de l’expérimentation des services d’accès aux soins (SAS), qui arrive à terme à la fin de l’année.
Au-delà de ces réflexions sur la philosophie générale du texte, permettez-moi d’évoquer quelques questions qui restent en suspens.
S’agissant de la coordination avec les maires et les préfets, les acteurs locaux doivent avoir droit à la parole sur l’organisation. La mobilisation transpartisane ayant permis, par exemple, le maintien des canadairs sur la base de Marignane en est un exemple. Notre groupe proposera plusieurs amendements à ce sujet, dont certains concernent Marseille, qui, comme Paris, bénéficie d’une protection par les militaires que sont les marins-pompiers.
Nous proposerons aussi la suppression de l’article 22 A, qu’a évoqué le rapporteur Patrick Kanner. À la suite de l’arrêt Matzak, les inquiétudes fortes et fondées se font jour quant à la disparition du volontariat et à ses conséquences sur l’organisation des services. Pourtant, cet article ne nous semble pas offrir une arme efficace pour se prémunir de tels effets néfastes ; le Gouvernement doit faire mieux et s’engager dans le cadre de la présidence de l’Union européenne à venir.
Nous nous opposons aussi à l’article 24 bis, symptôme récurrent de cette pensée de la « start-up nation » selon laquelle la solidarité devrait être horizontale, entre travailleurs. Le jour de congé d’un employé ou d’un agent pourrait ainsi, une fois encore, faire l’objet de transactions.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite une valorisation accrue du volontariat et proposera que cela passe aussi par une bonification lors des examens dans l’enseignement pour les volontaires mineurs faisant preuve d’une implication citoyenne forte.
Enfin, afin de reconnaître à leur juste valeur les sacrifices de certains, nous proposerons une modification visant à élargir les circonstances conduisant à la reconnaissance du statut de pupille de la République pour les orphelins de ces acteurs morts dans le cadre de leur service.
Les pompiers, les services d’incendie et de secours sont un maillon essentiel de notre République, un outil avéré de la fraternité présente dans notre devise. Cette solidarité doit s’exprimer également à travers les moyens qui leur sont affectés pour qu’ils exercent au mieux leur mission. Aussi, malgré quelques réserves et en formant le vœu que ses apports soient intégrés, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. Ludovic Haye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le secours aux personnes dans la crise sanitaire, les incendies dans le Var, les intempéries dans le Gard, le déploiement de la stratégie vaccinale, sans oublier les innombrables interventions de proximité et de secours à la personne : ces proches réalités sanitaires et climatiques illustrent le rôle essentiel et la diversité des interventions de la sécurité civile dans nos territoires. Cette diversité se retrouve parmi les acteurs de cette sécurité. J’ai notamment à l’esprit les emplois techniques, indissociables des interventions, en saluant, après Mme la ministre, l’engagement de Pierre-François Bonnard, mécanicien opérateur de bord de la sécurité civile, récemment décédé dans une opération de secours en montagne, mais aussi celui de tous les sapeurs-pompiers décédés en mission.
Le dénominateur commun de cette pluralité est en effet l’engagement, socle de notre modèle de sécurité civile, dans lequel les sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou, pour près de 80 % d’entre eux, volontaires, occupent une place essentielle. Dans ce modèle, les 250 000 femmes et hommes pompiers donnent en gage leur personne pour la prévention des dangers, mais aussi pour l’aide et le secours à leurs concitoyens en péril, un engagement républicain qui porte haut le principe de fraternité et, plus encore, le donne à voir dans sa réalisation concrète et quotidienne.
Ce modèle fait face, aussi, à de nombreux enjeux que prend en compte la proposition de loi de notre collègue député Fabien Matras, que nous examinons aujourd’hui, dix-sept ans après la dernière grande loi de modernisation de la sécurité civile. Parmi ces enjeux, relevons la diversité croissante des missions des sapeurs-pompiers, marquées, notamment, par l’augmentation des interventions au titre du secours à la personne ou la dégradation de leurs conditions d’opération en raison de la hausse des violences dont ils font l’objet, qu’avaient utilement soulignée nos rapporteurs Loïc Hervé et Patrick Kanner dans un précédent rapport.
J’ai, enfin, à l’esprit la crainte qu’a suscitée, en 2018, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne s’agissant de la conception du statut de sapeur-pompier volontaire, indissociable de notre modèle de sécurité civile. Mme la ministre a utilement apporté certaines clarifications devant l’Assemblée nationale et, à l’instant, dans notre hémicycle ; le débat, complexe, se poursuivra lors de l’examen de nombreux amendements.
Mes chers collègues, je ne serai pas exhaustif à propos des presque soixante-dix dispositions comprises dans la proposition de loi, dont la majorité – il faut le souligner – fait l’objet d’une convergence de vue entre les deux assemblées et les différents groupes politiques qui les composent.
Ce texte permet tout d’abord de reconnaître et d’intégrer dans la loi la réalité opérationnelle des interventions des sapeurs-pompiers, en faisant figurer parmi les missions des services d’incendie et de secours les soins d’urgence. Il permet ensuite de consolider le volontariat en valorisant et en reconnaissant cet engagement à sa juste valeur. Je pense notamment, sur le plan social, à l’extension de l’accès à la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance, à la prise en charge de la protection sociale par les SDIS, ou encore à la facilitation de l’accès au logement social. Je pense également, sur le plan symbolique, à la création d’une nouvelle mention honorifique « Mort pour le service de la République » et à l’instauration d’un nouveau statut de pupille.
La juste reconnaissance de l’engagement des sapeurs-pompiers passe également par les garanties de leur protection physique, que le présent texte, tel qu’il nous est arrivé de l’Assemblée nationale, propose de renforcer en étendant la constitution de partie civile par les SDIS et la possibilité d’indemnisation à tous les cas d’incendies volontaires, en durcissant les peines encourues pour outrage à un sapeur-pompier dans l’exercice de sa mission ou, encore, en généralisant l’usage des caméras individuelles et en instaurant dans chaque SDIS un référent « sécurité ». Ces dispositions s’ajoutent à la limitation, prévue dans un autre véhicule législatif, des réductions de peine accordées en cas d’infraction commise sur un sapeur-pompier.
Texte de reconnaissance, cette proposition de loi est aussi un texte d’équilibre, cohérent avec la pluralité que j’évoquais, laquelle se retrouve dans la coproduction de sécurité civile qu’il vise à affermir. Il y va ainsi du renforcement du rôle des associations agréées de sécurité civile et du maintien, que ma collègue Patricia Schillinger et moi-même entendons souligner, d’une coexistence, dans notre département du Haut-Rhin, entre corps communaux et intercommunaux de sapeurs-pompiers. Ces 193 corps, dans certaines zones rurales, permettent de pallier des manques et des fermetures de services d’urgence, participent au lien social, mais sont également confrontés au défi des vocations et de l’engagement.
De même, la définition positive des carences ambulancières permettra de clarifier le régime des interventions ne relevant pas de la compétence des SDIS, afin que les dépenses ne se rattachant pas à l’exercice de leurs missions ne pèsent pas sur les collectivités territoriales. Cet enjeu sera également traité au niveau des conventions entre SDIS et SAMU, maillons indispensables et complémentaires de la chaîne du secours. En effet, cette proposition de loi ne peut pas tout régler, et les conditions de sa mise en œuvre seront décisives. Cette remarque s’applique également au déploiement de la télétransmission des constantes médicales depuis les véhicules dans le cadre des interventions de secours, prévu dans le texte.
Enfin, soulignons la mise en œuvre d’une plateforme commune de traitement des appels et l’expérimentation de plusieurs configurations de regroupement de numéros d’urgence. Il s’agit, sans supprimer la nécessaire régulation médicale, d’aboutir à une solution garante d’une plus grande lisibilité et d’une meilleure efficacité dans la prise en charge des situations d’urgence. Cela implique de recourir à une expérimentation, dont les modalités pourront encore faire l’objet de débat, mais dont le principe nous réunit.
C’est dans un même souci de protection et d’efficacité que nous soutiendrons les amendements portés par le Gouvernement visant à renforcer l’obligation d’acheminement des communications d’urgence, dans la continuité des préconisations de l’Anssi à la suite de la grave panne intervenue au mois de juin dernier.
Mes chers collègues, plusieurs débats entamés en commission se poursuivront dans notre hémicycle ce soir, mais je veux saluer l’esprit de consensus qui a présidé à l’élaboration et à l’examen de cette proposition de loi, comme en témoignent les 500 cosignatures dont celle-ci a fait l’objet à l’Assemblée nationale, et m’y associer. Le groupe RDPI la soutiendra donc en espérant vivement que cet esprit de consensus et d’équilibre se maintiendra lors de la commission mixte paritaire, que nous espérons conclusive, au regard des nombreuses avancées incluses dans le texte adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. le président. Si, au cours de cette soirée intéressante, certains de nos collègues pouvaient imaginer respecter leur temps de parole, j’en serais heureux… Je ne veux toutefois pas paraître autoritaire. (Sourires.)
La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un été au cours duquel nos sapeurs-pompiers auront, hélas ! été sollicités sur de nombreux fronts. Je pense notamment à ceux qui ont lutté contre le feu qui a dévasté près de la moitié de la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures. Aussi, je voudrais dire avant tout mon admiration et ma reconnaissance pour ceux qui forment ce corps.
Face à leur engagement, il était impératif que le législateur réponde avec force pour dire combien nous sommes déterminés à les soutenir. De ce point de vue, j’ai le sentiment que cette proposition de loi est à la hauteur des objectifs. Les premiers apports du Sénat, à travers les travaux de notre commission des lois, ont permis de lui donner la densité attendue par ceux qui offrent une partie de leur vie et de leur temps à notre nation.
Parmi les mesures qui ont pu faire l’objet d’une attention particulière chez les membres du groupe du RDSE, j’ai en particulier à l’esprit l’article 31 et l’expérimentation de la mise en place de plateformes communes de réception des appels et d’un numéro unique d’urgence.
Les représentants des sapeurs-pompiers ont souligné combien ce dispositif non seulement serait utile à leur service, mais répondrait plus largement à un besoin collectif de notre société. Certes, nous avons le sentiment que le texte aurait pu être encore plus complet en prévoyant directement, comme c’était initialement le cas, que le numéro unique en question serait le 112. Il demeure que le dispositif prévu doit être salué.
Il faut également souligner l’article 30, portant la création du label « employeur partenaire des sapeurs-pompiers », attribué aux employeurs publics ou privés ayant conclu une convention de disponibilité. Le texte, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, manquait peut-être d’ambition ; aussi, je me réjouis des apports de notre commission instituant un dispositif bien plus abouti à travers l’exonération de charges patronales pour les entreprises employant des sapeurs-pompiers volontaires. Ce mécanisme est attendu par l’ensemble des acteurs, afin de faciliter concrètement les conditions d’engagement. Nous espérons donc qu’il puisse être maintenu jusqu’au terme de la navette parlementaire.
Je voudrais désormais aborder un point spécifique : la question de l’engagement de notre jeunesse et de sa sensibilité aux questions de sécurité civile. Les moyens mis en place pour l’encourager nous semblent encore insuffisants et risquent, à terme, de provoquer un essoufflement des effectifs. Il nous semble, par exemple, en vue de promouvoir la vocation de sapeur-pompier auprès des jeunes et de réussir leur formation, qu’il faudrait développer davantage les sections études de jeunes sapeurs-pompiers volontaires.
Pour toucher également ceux qui n’envisageraient pas un parcours scolaire aussi spécifique, il paraît impératif que tous les élèves bénéficient d’une sensibilisation à l’engagement de sapeur-pompier volontaire. D’une autre façon, lorsque nos jeunes ont fait le choix d’être volontaires, la valorisation de leur service pourrait passer par la validation des acquis de l’expérience.
Bref, à travers ces illustrations, la question de la jeunesse ne devra pas nous échapper, et je nourris l’espoir que nos débats permettent d’avancer encore.
Si cette proposition de loi était adoptée, cela ne permettrait toutefois pas de régler l’ensemble des difficultés auxquelles font face nos services. Les échanges que j’ai pu avoir avec différents acteurs de terrain m’ont permis de faire certains constats.
La culture des premiers secours et des premiers gestes se perd progressivement et traduit une forme d’échec des pouvoirs publics, qui ne parviennent pas à les transmettre à l’ensemble de nos concitoyens. Cela se manifeste très concrètement sur nos territoires lorsque certains de nos concitoyens ne savent pas comment réagir face à une catastrophe telle qu’un incendie ou une inondation.
De la même façon, la sursollicitation des pompiers, au détriment des cabinets médicaux, lorsqu’il n’y a pas de véritable urgence est un échec de notre société, qui a perdu la culture de ses services de secours et d’urgence et ne parvient plus à savoir quand les appeler sans excès.
Autrement dit, si cette proposition de loi doit être saluée, et le groupe du RDSE s’y montrera très largement favorable, certaines questions demeureront, qui ne devront pas rester trop longtemps sans réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Olivier Cigolotti et Ludovic Haye applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte nous offre l’occasion de rendre un hommage consensuel à ces hommes et à ces femmes qui assurent la sécurité civile de notre quotidien ; je m’incline ici devant la mémoire de celles et ceux qui ont perdu leur vie dans l’accomplissement de leur mission. Reste qu’on ne peut pas omettre ce soir de souligner que la dernière loi de gestion de la crise sanitaire a quelque peu abîmé le lien de confiance entre l’État et nos soldats du feu.
Le fonctionnement de notre modèle de sécurité civile évolue, la crise y a, pour partie, contribué. Dès 1789, la Garde nationale révolutionnaire a cultivé les valeurs du volontariat ; cet engagement citoyen, attaché au statut de pompier volontaire, est aujourd’hui en crise depuis une dizaine d’années. Les effectifs de volontaires continuent de stagner ou de diminuer, et nous attendons le bilan du Gouvernement après les trente-sept mesures de revalorisation annoncées en 2018.
La directive européenne de 2003 sur le temps de travail et la jurisprudence Matzak de 2018 menacent ce pilier de notre sécurité civile, mais révèlent aussi les limites actuelles et les besoins de revalorisation du statut de volontaire. Le sous-effectif chronique des pompiers professionnels conduit à utiliser de manière abusive le statut de volontaire afin de contourner les droits sociaux concernant le temps de repos ou le paiement des indemnités.
Pour reprendre le témoignage d’un pompier relevé par le sociologue Romain Pudal, « le SDIS est un dealer qui vit de la précarité des volontaires ». Ces volontaires représentent 79 % de nos pompiers et assurent une action de proximité primordiale. Nous souhaitons faire perdurer cet engagement citoyen, mais sans que celui-ci devienne pour autant un substitut aux pompiers professionnels pour des raisons de restrictions budgétaires.
Le double statut professionnel et volontaire manque d’encadrement et permet des cumuls d’heures qui créent de l’insécurité lors des interventions, mettant directement en danger la santé de nos pompiers.
Pour que notre modèle de sécurité civile perdure, la revalorisation du volontariat doit passer par un meilleur traitement des volontaires, sans lequel les vocations peineront à se renouveler. La présente loi y contribue par certaines revalorisations et certaines protections ainsi que par une meilleure reconnaissance. Toutefois, sans professionnalisation, rien ne se fera, car nous retomberons toujours sur ce problème structurel d’effectifs de professionnels insuffisants. Une réflexion plus poussée sur les moyens mis en œuvre est donc nécessaire.
Reconsidérer les statuts, c’est aussi prendre en compte l’évolution des missions des pompiers. Le secours à la personne est aujourd’hui leur première activité et concerne 85 % des missions. Cela implique d’en redéfinir le périmètre, notamment vis-à-vis d’autres services, comme l’aide médicale d’urgence, point sur lequel la proposition de loi comporte plusieurs avancées.
Le changement de nature de ces missions met les pompiers face à de nouveaux risques et implique un nouveau rapport entre pompiers et population. Nous déplorons l’explosion des agressions envers les pompiers et nous estimons que leur faire porter des caméras ne réglera en rien les causes premières de ce phénomène.
Valoriser le métier de pompier, c’est aussi, selon nous, mieux les former et mieux distinguer leurs missions de celles des forces de l’ordre afin de mieux les protéger en amont.
La vraie lacune de cette proposition de loi est l’absence de dispositions financières. Les budgets des SDIS sont fortement corsetés, la crise ne fait que peser davantage sur les finances locales, alors que les ressources humaines et financières manquent. Depuis 2000, le nombre de centres d’incendie et de secours chute, compromettant l’égal accès sur l’ensemble du territoire aux interventions et aux soins urgents. Nous sommes passés de 8 700 centres en 2002 à 6 227 centres aujourd’hui ; cette perte de proximité freine l’engagement de pompiers volontaires.
À cette mise en danger de nos concitoyens s’ajoutent des problèmes de sécurité liés à la baisse des dépenses d’investissement dans le matériel. L’État doit être le correcteur de ces inégalités et de ces dangers, mais, depuis 2017, on constate une chute de 60 % de la dotation de soutien aux investissements structurants des services d’incendie et de secours. Le Gouvernement se permet même d’afficher politiquement la revalorisation de la prime du feu, financée en réalité par les départements, qui sont à bout de souffle.
Nous voterons ce texte, qui permet plusieurs petites avancées et apporte des précisions bienvenues. L’examen des articles nous donnera l’occasion de nous exprimer sur l’ensemble de ces dispositions, dont certaines nous posent question, notamment en l’absence d’étude d’impact.
Nous sommes bien conscients que des fragilités persistent dans l’organisation actuelle de notre sécurité civile, qui ne sont pas réglées par ce texte, ce qui doit nous conduire à mener une réflexion plus profonde.