Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Rachid Temal a un objectif simple : rendre concrètes et palpables les aides auxquelles ont droit celles et ceux qui répondent aux critères retenus pour leur attribution, rendre concret le fruit de la solidarité nationale, par le versement d’allocations ou de prestations de sécurité sociale.
Loin d’être des mécanismes de simple assistanat, souvent décriés à la droite de cet hémicycle, il s’agit de dispositifs découlant de ce que certaines situations, d’origines diverses, ouvrent des droits.
Ces situations sont parfois liées à la condition du bénéficiaire : la perte d’autonomie dans les actes du quotidien provenant du vieillissement, du handicap, ou de la maladie ; parfois au faible montant de ses revenus, qui nécessite, de la part de la société, une redistribution, selon les cas, au titre de l’aide au logement, des allocations familiales, de l’incitation à la reprise d’activité ou de la souscription d’une complémentaire de santé.
La rapporteure Annie Le Houerou a énuméré ces diverses aides : APA, CMU, APL, PCH, RSA, etc. Leur description nous rappelle dans quel but nous avons su tisser des mécanismes de protection mutuelle, combien les conquêtes de notre histoire sociale sont précieuses et combien leurs spécificités permettent d’approcher un sur-mesure qui ne laisse personne au bord du chemin de la concorde sociale.
Pourtant, nous savons que tout le monde ne parvient pas à s’en sortir, et, en même temps, nous mesurons que de nombreuses personnes qui pourraient être épaulées par la solidarité nationale, au travers de la redistribution de l’impôt, ou prises en charge par la sécurité sociale, grâce à la mutualisation des moyens de tous pour faire face aux besoins de chacun, ne le sont pas. Beaucoup n’ont pas accès à ces aides, faute de faire instruire leurs droits.
Ce triste phénomène porte le nom de non-recours aux droits. Cela revient à avoir droit en théorie, mais à ne rien percevoir en pratique, faute d’avoir su, faute d’avoir pu, le demander. Ce n’est pas anecdotique : cela concerne un cas sur dix pour les aides au logement, un sur trois pour la CMU complémentaire, deux sur trois pour l’aide à la complémentaire santé.
La solution que nous proposons, par son automaticité, entend répondre à une partie du problème du non-recours, l’instruction insuffisante des dossiers au regard des informations dont on dispose.
Jusqu’alors, j’ai bien l’impression que nous partageons tous cette vision, si je me réfère à nos débats en commission.
Pourtant, pour nos collègues majoritaires au Sénat, l’urgence à agir semble relative : la solution proposée ne serait pas idéale, telle aide serait oubliée, tel organisme de sécurité sociale décrié, telle charge pèserait injustement sur les collectivités. Pour d’autres, une instruction automatique, donc la perception d’un cumul d’aides, éloignerait de la valeur travail.
Certains d’entre eux se targuent de veiller à l’équilibre des comptes sociaux, d’autres préfèrent conditionner toute aide à un accompagnement, terme parfois commode pour ne pas dire « contrepartie », voire « bénévolat ».
Entendons-nous bien : nous, socialistes, ne faisons pas de cette automaticité l’alpha et l’oméga de notre approche sociale. En premier lieu, nous dénonçons les réformes qui ne visent qu’à diminuer le montant des prestations. Le gouvernement actuel en a fait sa spécialité : baisse des APL en début de mandat, contemporanéité des aides au logement ensuite, qui conduit à des économies sur le dos des plus précaires, notamment des jeunes actifs. Nous avions mis en garde ; le premier bilan nous donne – hélas ! – raison.
Nous croyons à l’approche humaine, nous militons pour développer les moyens et les ressources permettant d’embaucher des professionnels dans les services sociaux, des conseillers en économie sociale, au plus près de toutes les formes de familles, de toutes les formes de précarité, en maraude dans nos rues, en veille dans les établissements scolaires ou à la sortie d’une hospitalisation.
Mettre en place cette instruction automatique, c’est justement libérer du temps pour ces personnes qui accompagnent, afin qu’elles puissent se consacrer à l’effectivité des droits des plus précaires et un peu moins à leurs papiers.
Enfin, nous sommes convaincus que la mise en place d’un tel dispositif ne doit pas nous empêcher d’interroger en permanence les périmètres et les pertinences de nos politiques sociales. Nous ne souhaitons ni figer le paysage de l’aide sociale ni nous dispenser de poursuivre les recherches en sciences sociales sur les raisons qui conduisent au non-recours intentionnel.
L’Observatoire des non-recours aux droits et services, l’Odenore, assure cette mission avec utilité et justesse. Il nous apprend que, pour certains bénéficiaires potentiels, devoir faire la démarche est un acte dégradant en lui-même, une posture stigmatisante à laquelle ils se refusent. Pour cette raison, pour le respect de ces personnes, faisons en sorte que le terme « fraternité », qui honore notre République, ne rime pas avec « indignité ».
Les collectivités locales ont bien progressé dans ce domaine ; Philippe Warin, fondateur de l’Odenore, le rappelle : « Les élus ont compris que ne pas lutter contre le non-recours revenait à s’exposer, pour les années à venir, à des dépenses supplémentaires. ». Pour cette raison seulement, cela vaut la peine d’adopter ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Klinger.
M. Christian Klinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la sécurité sociale fait partie de l’identité de la France et de notre patrimoine. Elle a sa place dans le quotidien de tous les Français et exprime notre conception française de l’égalité et de la fraternité.
Avoir accès aux différents dispositifs d’aide est donc un enjeu essentiel de notre État-providence. Le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît d’ailleurs le droit de tous à avoir accès à la protection sociale.
Pourtant, de nombreuses personnes restent éloignées de l’ensemble des dispositifs sociaux et ne recourent pas aux différentes aides, alors qu’elles y sont pourtant éligibles.
Cette proposition de loi pointe ainsi un vrai problème, celui du non-recours aux droits sociaux dans la France du XXIe siècle. C’est un phénomène complexe, mal connu et dont les chiffres sont difficilement exploitables. Par exemple, le taux de recours à la CMU-C est estimé en 2018 entre 56 % et 68 %, et celui du recours à l’ACS entre 33 % et 47 % seulement.
Il existe également un non-recours important pour les prestations destinées aux personnes à faibles ressources. Le recours à la prime d’activité est ainsi estimé à 77 %.
Les raisons du non-recours aux différentes aides sont diverses et nombreuses, mais c’est principalement la complexité des démarches à entreprendre qui décourage les demandeurs. Il existe aussi un manque de connaissance et de compréhension face à la multitude des dispositifs et des interlocuteurs à solliciter. Il faut noter que ce non-recours est particulièrement présent chez les personnes les plus fragiles, alors que ce sont ces personnes qui ont le plus besoin des aides.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise ainsi à remédier à cette problématique. L’article unique prévoit que, dès lors qu’une personne est admise au bénéfice d’une prestation sociale, un examen automatique de son éligibilité à d’autres prestations sociales relevant du champ de l’autonomie et des minimas sociaux doit être réalisé.
Les mesures que contient ce texte pourraient donc constituer un outil supplémentaire pour les caisses de sécurité sociale et les départements, afin de lutter contre le non-recours aux droits sociaux.
Pourtant, la mise en œuvre et la portée de ce mécanisme d’examen automatique d’éligibilité suscitent de nombreuses réserves.
Tout d’abord, le périmètre des prestations retenues n’englobe pas les prestations familiales ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Ensuite, les caisses et les organismes de sécurité sociale seraient confrontés à des difficultés de mise en œuvre concrète de ces mesures.
En outre, le mécanisme proposé, qui vise à informer le bénéficiaire de son éligibilité à d’autres prestations, ne constitue pas, en réalité, un apport significatif pour lutter contre le non-recours aux droits sociaux, au regard des dispositifs qui sont déjà mis en œuvre par les différents organismes.
Enfin, en ne s’adressant qu’aux personnes ayant déjà formulé une demande de prestation, le dispositif ne vise pas celles qui sont les plus éloignées des aides sociales.
Par conséquent, si nous considérons que le problème soulevé est réel, nous sommes réservés sur la réponse proposée, laquelle ne pourra résoudre de manière satisfaisante les nombreuses difficultés qui ont été soulevées.
Il convient, en réalité, de prendre le problème dans le bon sens. Comme je l’ai indiqué, la principale raison de ce non-recours est la complexité des aides et le manque de compréhension des différents dispositifs. Pour y remédier, il faudrait engager une grande démarche de simplification de notre système d’accès aux aides de la protection sociale, devenu complètement illisible au fil du temps.
En 2018, Gérald Darmanin, alors ministre des comptes publics, déclarait lui-même qu’il y avait beaucoup d’aides sociales et qu’il n’en connaissait pas la totalité. Comment peut-on espérer qu’un citoyen lambda se retrouve dans cette tuyauterie, alors que le plombier en chef ne connaît même pas l’ensemble de ses outils ?
Par ailleurs, il convient de traiter le problème de manière globale. Il y a le sujet du non-recours aux aides, mais il y a également, de l’autre côté, le sujet des fraudes sociales. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Dans son rapport de septembre 2020, la Cour des comptes évalue à 1 milliard d’euros le montant de la fraude aux organismes sociaux, concentrée essentiellement sur le RSA, la prime d’activité et les aides aux logements de la CAF.
La fraude est en augmentation continue depuis plusieurs années, puisqu’elle était évaluée en 2017 à 850 millions d’euros. Il y aurait aussi 2,4 millions de bénéficiaires fantômes de l’assurance maladie d’après la direction de la sécurité sociale.
Malgré les différentes alertes, trop peu est encore fait pour lutter contre la fraude sociale. La Cour des comptes signale d’ailleurs depuis plusieurs années que les systèmes de contrôle sont insuffisants et que les enjeux de fraude sont encore peu pris en considération. C’est également sur ce volet que nous attendons des résultats, madame la secrétaire d’État.
Pour toutes ces raisons, et comme l’a indiqué Édouard Courtial, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale.
proposition de loi relative à la protection sociale globale
Article unique
I. – Sous réserve des dispositions du VII et sauf lorsque cette décision est prise à la suite d’un examen prévu au présent I, l’admission au bénéfice de l’un des droits ou prestations suivants entraîne automatiquement l’examen de l’éligibilité du bénéficiaire aux autres de ces droits et prestations qui ne lui sont pas incompatibles, soit en eux-mêmes, soit en raison des conditions auxquelles ils sont soumis :
1° L’allocation aux adultes handicapés prévue aux articles L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale ;
2° L’allocation prévue à l’article 35 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte ;
3° La prestation de compensation du handicap prévue à l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles ;
4° L’allocation personnalisée d’autonomie prévue à l’article L. 231-1 du même code ;
5° La carte « mobilité inclusion » prévue à l’article L. 241-3 dudit code.
L’octroi d’une allocation pour un montant forfaitaire en application du deuxième alinéa de l’article L. 232-12 du même code ou de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 232-14 du même code ne constitue pas une admission au bénéfice d’un droit ou d’une prestation au sens du premier alinéa du présent I.
II. – Sous réserve des dispositions du VII et sauf lorsque cette décision est prise à la suite d’un examen prévu au présent II, l’admission au bénéfice de l’une des prestations suivantes entraîne automatiquement l’examen de l’éligibilité du bénéficiaire aux autres prestations et qui ne lui sont pas incompatibles :
1° La prime d’activité prévue à l’article L. 841-1 du code de la sécurité sociale ;
2° Chacune des aides personnelles au logement prévues à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation.
III. – Sous réserve des dispositions du VII et sauf lorsque cette décision est prise à la suite d’un examen prévu aux I ou II, l’autorité qui prononce l’admission au bénéfice d’un droit ou d’une prestation mentionné aux 1° à 4° du I saisit sans délai les organismes compétents en vertu de l’article L. 843-1 du code de la sécurité sociale et de l’article L. 812-1 du code de la construction et de l’habitation afin qu’il soit procédé à l’examen de l’éligibilité de l’intéressé à, respectivement, la prime mentionnée au 1° du II du présent article et les aides mentionnées au 2° du même II.
IV. – Sous réserve des dispositions du VII et sauf lorsque cette décision est prise à la suite d’un examen prévu aux I ou II, l’autorité qui prononce l’admission au bénéfice d’un droit ou d’une prestation mentionné aux 1° à 4° du I ou au II saisit sans délai le président du conseil départemental aux fins d’examen par celle-ci de l’éligibilité et, le cas échéant, d’admission du foyer bénéficiaire au revenu de solidarité active prévu à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles.
V. – Sous réserve des dispositions du VII et sauf lorsque cette décision est prise à la suite d’un examen prévu aux I ou II, l’autorité qui prononce l’admission au bénéfice d’un droit ou d’une prestation mentionné aux 1° à 4° du I ou au II saisit sans délai la caisse mentionnée à l’article L. 861-5 du code de la sécurité sociale aux fins d’examen par celle-ci de l’éligibilité et, le cas échéant, d’admission du bénéficiaire de ce droit ou de cette prestation à la protection complémentaire de santé prévue à l’article L. 861-1 du même code.
VI. – Lorsque l’autorité qui prend une décision prévue au premier alinéa des I ou II en a la compétence, le cas échéant par délégation, et dispose de tous les éléments nécessaires, elle se prononce dans la même décision sur l’admission de l’intéressé au bénéfice d’un ou plusieurs autres droits ou prestations prévus, selon le cas, aux mêmes I ou II ainsi que, pour l’application du III, sur l’admission de son foyer au bénéfice du revenu de solidarité active.
Dans les autres cas, l’autorité informe le bénéficiaire, lors de la notification de sa décision, qu’il va être procédé sans délai à l’examen de son éligibilité aux autres droits et prestations et lui indique le ou les organismes chargés de l’instruction de cet examen. Le délai à prendre en compte pour déterminer les conséquences du silence gardé par ce ou ces organismes court alors à compter de cette notification.
Lorsqu’il est fait application des dispositions du deuxième alinéa du présent V, l’autorité peut communiquer à chacun des organismes saisis par elle les informations dont elle dispose sur les ressources de l’intéressé après en avoir informé celui-ci.
VII. – Les autorités qui accordent un droit ou une prestation susceptible de donner lieu à un examen de l’éligibilité à un autre droit ou à une autre prestation en application des I à V n’ont pas, selon le cas, à procéder à cet examen ou à saisir à cette fin une autre autorité pour les droits ou prestations auxquels, au vu des éléments dont elles disposent, l’intéressé n’est manifestement pas éligible ou a déjà été admis.
VIII. – En cas de rejet d’une demande portant sur un droit ou une prestation relevant des I à IV, l’autorité peut procéder à l’examen de l’éligibilité du demandeur à une ou plusieurs autres droits ou prestations mentionnés aux mêmes I à IV ou saisir à cette fin l’autorité compétente.
Les délais de recours contre une décision rendue à la suite d’un examen ou d’une saisine intervenue en application du premier alinéa du présent VIII ne commencent à courir qu’à compter de la notification de cette décision à l’intéressé.
IX. – L’autorité qui, à l’issue de l’examen de l’éligibilité en application des I à V ou du VI, admet une personne au bénéfice d’un droit ou d’une prestation l’informe, dans la notification de sa décision, des éventuelles incompatibilités de ce droit ou de cette prestation. La personne peut à tout moment renoncer au bénéfice de ce droit ou de cette prestation.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
Je rappelle que le vote sur l’article a valeur de vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
La parole est à M. Rachid Temal, auteur de la proposition de loi.
M. Rachid Temal, auteur de la proposition de loi. Bien des choses ont été dites. Il me semble qu’un constat nous anime tous : le non-recours est un véritable fléau qui touche beaucoup de nos concitoyens ; il me semble que nous sommes d’accord pour le combattre. C’est une bonne chose : nous avons un point d’accord.
J’ai entendu des propos intéressants : pour certains d’entre vous, notamment pour le dernier orateur qui s’est exprimé, cela ne va pas assez loin, il faudrait ajouter d’autres prestations ; pour d’autres, ce serait trop complexe. Je puis entendre tout cela et nous pourrions en débattre, mais malheureusement, aucun amendement n’a été déposé.
En fait, il est donc urgent d’attendre ! Les millions de pauvres de notre pays pourront saluer la sagesse du Sénat qui consiste à dire : « C’est très important et très grave, mais nous allons attendre »…
Madame la secrétaire d’État, vous avez vanté le bilan du Gouvernement. Il est vrai que les APL ont été baissées à plusieurs reprises et que l’on débat aujourd’hui de l’assurance chômage, qui va aussi être diminuée. Des milliers de Français n’en bénéficieront même plus ! Je pourrais prendre d’autres exemples : votre bilan est éloquent. (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Vous nous dites : « Nous avons fait beaucoup. » Vous nous avez donné deux chiffres : 7 500 personnes concernées par une mesure, et c’est très important pour elles, 4 000 par une autre. Or nous parlons ici de millions de personnes ! J’ai compris que vous étiez dans une démarche active, mais celle-ci se limite à proposer un rapport en fin d’année. Franchement, les bras m’en tombent ! J’aurais aimé plus de conviction, plus de propositions. Il n’en est rien, et c’est tout à fait regrettable.
Nous nous orientons donc vers un scrutin public. C’est intéressant : sur ce texte à vocation sociale, qui n’est certes pas parfait, qui peut être amélioré, que nous avons déjà adopté en séance, on ne dépose pas d’amendements et on vote au scrutin public…
Puisque l’Euro approche, permettez-moi de finir par la fameuse phrase de Gary Lineker : « Le football est un sport qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne. » Malheureusement, pour sauver une majorité qui s’interroge, mais qui ne sait pas comment avancer, il faut se jouer du règlement.
Ce sujet de la pauvreté aurait mérité un vrai débat et même un vote favorable, qui aurait permis de faire bénéficier ce texte de la navette avec l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Avant de faire une nouvelle loi, il faut appliquer celles que nous avons votées, madame la secrétaire d’État.
Nous attendons notamment un décret en Conseil d’État qui doit préciser les catégories de données pouvant être utilisées, ainsi que les garanties apportées aux personnes dans le traitement de leurs données pour l’exercice de leurs droits, et qui est toujours en attente de publication.
Nous avions proposé de réaliser une expérimentation de partage des données pour couvrir un certain nombre de prestations. Prenons donc déjà les décrets des lois que nous avons adoptées.
Ensuite, notre groupe n’a pas à rougir en matière de politique sociale : nous avons mis sur pied le RSA, alors que, quand les socialistes étaient au pouvoir, ils n’ont pas pris les mesures qu’ils proposent aujourd’hui pour faire avancer les choses.
M. Rachid Temal. C’est nous qui avons créé le RSA !
M. René-Paul Savary. Ce qui nous importe, c’est la notion de droits et de devoirs. Or il apparaît certain qu’une instruction automatique ne favorise pas la partie relative aux devoirs, qui est pourtant tout à fait nécessaire et qui relève notamment de la responsabilité des départements. Ceux-ci, faute de moyens, ne parviennent pas à mener la politique d’insertion qu’ils souhaitent.
Par ailleurs, le problème de ce non-recours tient aussi à ce que nous travaillons en silos. Or vous proposez justement de partager des données numériques pour rapprocher les silos. Cela laissera pourtant toujours en dehors du système ceux qui connaissent les situations les plus difficiles et qui ne répondent pas directement aux exigences de chacune des prestations. Ceux-là ne seront pas atteints, on ne fera que favoriser les droits de ceux qui peuvent en bénéficier.
J’en viens au data mining. Quand j’étais président de conseil départemental, je l’ai pratiqué pour répondre aux préoccupations de fraude sociale ; or, une fois sur deux, cela permettait de détecter des personnes qui n’avaient justement pas recours à leurs droits. Il ne semble donc pas inintéressant d’aller dans ce sens.
Enfin, je relève que cette proposition de loi prévoit le partage de données, mais ne s’accompagne pas d’un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
On sait pourtant toutes les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on propose que les données soient partagées : on se heurte à chaque fois à un état d’esprit qui n’est pas toujours ouvert pour de telles mesures, ce que l’on peut d’ailleurs comprendre. Ce texte pose ce problème à ce titre, et la CNIL devrait donner son avis.
Telles sont les raisons pour lesquelles mon groupe n’a pas souhaité émettre un avis favorable sur cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le hasard de l’ordre de passage en discussion générale a fait que c’est le dernier orateur qui a évoqué la fraude aux prestations sociales. Il en a rappelé l’ampleur : 1 milliard d’euros. Mais je rappelle que le non-recours concerne quant à lui 13 milliards d’euros !
En ce qui concerne la fraude sociale, vous avez présenté une proposition de loi au sujet de laquelle vous ne sembliez pas aussi attentif que vous l’êtes aujourd’hui à la transmission des données, monsieur Savary…
S’agissant du texte qui nous occupe aujourd’hui, le non-recours sous-entend qu’il s’agit de droits existants. Nous ne prétendons pas que ceux-ci sont parfaits, mais si un tiers des personnes qui devraient percevoir le RSA ne le touchent pas, on pourrait considérer que l’on manque à une obligation de résultat, plutôt que de prendre pour cible ceux qui le perçoivent à tort.
Notre groupe a indiqué qu’il voterait ce texte, malgré ses limites. Le Secours catholique a été beaucoup cité, mais, avec d’autres organismes, il demande une modification du cadre existant, avec le passage à un revenu minimal garanti sans contrepartie. Cela ferait un bon débat, mais ce n’est pas celui d’aujourd’hui.
S’il restait des réserves, si des manques avaient été identifiés, le débat sur les amendements aurait été l’occasion d’y travailler. À défaut, on ne peut que constater l’absence de volonté de s’attaquer au non-recours autant que l’on s’attaque la fraude aux prestations.
Enfin, on parle de droits et de devoirs. Il y a, certes, des droits sociaux. Quant aux devoirs, il me semble que les milliards d’euros consacrés au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi n’en étaient pas assortis. On nous avait promis un million d’emplois ; un pin’s avait même été réalisé sur ce sujet… N’était-ce pas un devoir ? J’aimerais que l’on soumette ces subventions aux entreprises aux mêmes devoirs que l’on fait peser sur les allocataires des minima sociaux.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi relative à la protection sociale globale.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 92 |
Contre | 238 |
Le Sénat n’a pas adopté.