Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, sur l’article.
M. Gérard Lahellec. Les dispositions de cet article vont dans le bon sens. Pour autant, nous tenons à alerter le Gouvernement : ces mesures doivent être véritablement effectives. Il est donc indispensable de renforcer les moyens humains permettant d’assurer les prestations dont il s’agit.
Je tiens également à pointer un sujet que l’on évoque à mes yeux trop rarement. L’essor du e-commerce entraîne la multiplication des colis et le développement du transport par de petits utilitaires, parfois en surcharge, qui représentent une forme de concurrence assez déloyale pour les transporteurs professionnels. Cette question mérite d’être traitée : nous n’en attendons pas moins du Gouvernement.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 22.
(L’article 22 est adopté.)
Article 23
I. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° Le chapitre unique du titre III du livre III de la première partie est ainsi modifié :
a) Le chapitre unique devient un chapitre Ier intitulé : « Entreprises de transport terrestres détachant des salariés roulants ou navigants, à l’exception des entreprises de transport routier détachant des salariés roulants dans le cadre d’un contrat de prestation de services international de transport réalisé au moyen de certains véhicules » ;
b) L’article L. 1331-1 est ainsi modifié :
– au I, après le mot : « navigants », sont insérés les mots : « , à l’exception des entreprises de transport routier détachant des salariés pour effectuer des opérations de transport au moyen de véhicules entrant dans le champ d’application du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil lorsque le détachement relève du 1° de l’article L. 1262-1 du code du travail, » ;
– après le mot : « mentionnée », la fin du II est ainsi rédigée : « au I du présent article. » ;
c) À l’article L. 1331-3, la référence : « à l’article L. 1321-1 du présent code » est remplacée par la référence : « au I de l’article L. 1331-1 » ;
2° Le titre III du livre III de la même première partie est ainsi modifié :
a) Le chapitre unique devient le chapitre Ier ;
b) Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Entreprises de transport routier détachant des salariés roulants dans le cadre d’un contrat de prestation de services international de transport réalisé au moyen de certains véhicules
« Art. L. 1332-1. – Le présent chapitre est applicable aux entreprises de transport routier établies hors de France lorsqu’elles détachent temporairement des salariés sur le territoire national, dans les conditions prévues au 1° de l’article L. 1262-1 du code du travail, pour assurer des missions de transports de marchandises ou de voyageurs au moyen de véhicules entrant dans le champ d’application du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil. Le présent chapitre est notamment applicable lorsque le conducteur effectue un transport de cabotage au sens des règlements du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 (CE) n° 1072/2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route et (CE) n° 1073/2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, et modifiant le règlement (CE) n° 561/2006.
« Art. L. 1332-2. – Les modalités d’application du titre VI du livre II de la première partie du code du travail aux entreprises mentionnées à l’article L. 1332-1 du présent code sont définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 1332-3. – I. – Par dérogation à l’article L. 1332-2, le VI du livre II de la première partie du code du travail ne s’applique pas aux entreprises mentionnées à l’article L. 1332-1 du présent code :
« 1° Lorsque le conducteur transite sur le territoire national sans effectuer de chargement ou de déchargement de marchandises et sans prendre ni déposer de voyageurs ;
« 2° Lorsque le conducteur effectue le trajet routier initial ou final d’une opération de transport combiné si le trajet routier, pris isolément, se compose d’opérations de transport bilatérales ;
« 3° Lorsque le conducteur effectue une opération de transport bilatérale de marchandises ou de voyageurs définie aux II, III ou IV du présent article.
« II. – Une opération bilatérale de transport de marchandises consiste à transporter des marchandises, sur la base d’un contrat de transport, depuis l’État membre d’établissement, au sens du paragraphe 8 de l’article 2 du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil, vers un autre État membre ou vers un pays tiers, ou depuis un autre État membre ou un pays tiers vers l’État membre d’établissement.
« III. – Une opération bilatérale de transport de voyageurs dans le cadre d’un service occasionnel ou régulier de transport international de voyageurs, consiste en la réalisation de l’une des activités suivantes :
« 1° La prise en charge de voyageurs dans un autre État membre ou pays tiers et leur dépose dans l’État membre d’établissement ;
« 2° La prise en charge de voyageurs dans l’État membre d’établissement et leur dépose dans un autre État membre ou pays tiers ;
« 3° La prise en charge et la dépose de voyageurs dans l’État membre d’établissement afin d’effectuer des excursions locales dans un autre État membre ou pays tiers, conformément au règlement (CE) n° 1073/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité.
« IV. – Une opération bilatérale de transport peut comporter des activités supplémentaires dans les conditions suivantes :
« 1° Lorsque le conducteur effectuant une opération de transport bilatérale de marchandises définie au II procède à une activité de chargement ou de déchargement dans les États membres ou pays tiers qu’il traverse, à condition de ne pas charger et décharger les marchandises dans le même État membre. Toutefois, si une opération de transport bilatérale démarrant dans l’État membre d’établissement, durant laquelle aucune activité supplémentaire n’est effectuée, est suivie d’une opération de transport bilatérale vers l’État membre d’établissement, la dérogation prévue par le premier alinéa du I du présent article s’applique à deux activités supplémentaires de chargement ou de déchargement au maximum ;
« 2° Lorsqu’un conducteur effectuant une opération de transport bilatérale de voyageurs prévue au III du présent article prend en charge des voyageurs à une seule occasion ou dépose des voyageurs à une seule occasion dans les États membres ou les pays tiers qu’il traverse, à condition qu’il ne propose pas de services de transport de voyageurs entre deux endroits dans l’État membre traversé.
« V. – Le IV n’est pas applicable qu’aux conducteurs réalisant des opérations prévues au premier alinéa du même IV au moyen d’un véhicule équipé de tachygraphe intelligent respectant l’exigence d’enregistrement des activités de franchissement des frontières et des activités supplémentaires mentionnées au paragraphe 1 de l’article 8 du règlement (UE) n° 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers, abrogeant le règlement (CEE) n° 3821/85 du Conseil concernant l’appareil de contrôle dans le domaine des transports par route et modifiant le règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route.
« Art. L. 1332-4. – Les entreprises de transport établies hors de France qui détachent un salarié conducteur routier dans les conditions mentionnées à l’article L. 1332-1 établissent, par voie dématérialisée, une déclaration de détachement, au plus tard au début du détachement selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 1332-5. – Pour le décompte de la durée de douze mois mentionnée au II de l’article L. 1262-4 du code du travail, le détachement prend fin lorsque le conducteur quitte le territoire national dans le cadre d’une opération de transport internationale de marchandises ou de voyageurs. Cette période de détachement ainsi terminée n’est pas cumulable avec les périodes de détachement antérieures réalisées dans le cadre d’opérations internationales de ce type par le même conducteur ou par un conducteur qu’il remplace.
« Art. L. 1332-6. – Pour l’application aux entreprises de transport, mentionnées à l’article L. 1332-1 du présent code, des articles L. 3245-2, L. 4231-1 et L. 8281-1 du code du travail, le destinataire du contrat de transport est assimilé au donneur d’ordre.
« Art. L. 1332-7. – I. – Les informations relatives aux conditions de travail et d’emploi sont mises à la disposition des entreprises de transport établies hors de France et des salariés détachés selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.
« II. – Les conditions dans lesquelles certaines informations disponibles dans le système d’information du marché intérieur institué par le règlement (UE) n° 1024/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur et abrogeant la décision 2008/49/CE de la Commission (“règlement IMI”) peuvent être communiquées aux partenaires sociaux dans la mesure nécessaire à la vérification du respect des règles en matière de détachement sont définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 1332-8. – Les modalités d’application du présent chapitre sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 2 février 2022, à l’exception du V de l’article L. 1332-3 du code des transports qui entre en vigueur à la date à partir de laquelle les tachygraphes intelligents respectant l’obligation d’enregistrement des activités de franchissement des frontières et des activités supplémentaires mentionnées au paragraphe 1 de l’article 8 du règlement (UE) n° 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers, abrogeant le règlement (CEE) n° 3821/85 du Conseil concernant l’appareil de contrôle dans le domaine des transports par route et modifiant le règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route sont installés dans les véhicules immatriculés dans un État membre pour la première fois, dans les conditions prévues au quatrième alinéa du paragraphe 1 du même article 8 et au plus tard le 21 août 2023.
III. – Le II de l’article 7 de l’ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019 portant transposition de la directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services est abrogé à compter du 2 février 2022.
IV. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’harmoniser l’état du droit, d’assurer la cohérence des textes, d’abroger les dispositions devenues sans objet ou inadaptées et de remédier aux éventuelles erreurs en :
1° Prévoyant les mesures de coordination, de simplification et de mise en cohérence résultant du présent article, le cas échéant en procédant à la révision des dispositions du code du travail et du code des transports relatives au régime du détachement applicables aux transports terrestres ne relevant pas du 2° du I du présent article ;
2° Corrigeant des erreurs matérielles ou des incohérences contenues dans le code du travail ou d’autres codes à la suite des évolutions législatives résultant du I à III du présent article ;
3° Actualisant les références au code du travail et au code des transports modifiées par le présent article.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Je tiens à intervenir sur la question extrêmement sensible du travail détaché dans le domaine du transport de marchandises.
Ce matin, en commission, nous avons eu restitution d’un rapport d’information extrêmement intéressant consacré à ce sujet. Ce rapport, voté à l’unanimité, contient un grand nombre de propositions d’amélioration.
M. Lahellec vient d’évoquer la question particulière des véhicules utilitaires légers, qui peuvent circuler sans contrainte réglementaire, dans des conditions déplorables, et qui déstructurent complètement ce secteur d’activité.
Pour ma part, j’insiste sur cette question sociale importante que constitue le travail détaché. Comment, au nom de la liberté de circulation, notre Europe a-t-elle pu permettre une telle déstructuration du secteur du transport de marchandises ? Elle a laissé se développer d’immenses distorsions de concurrence, qui ont causé des dégâts considérables pour les entreprises françaises.
En un peu moins de vingt ans, un grand nombre d’entreprises françaises de transport international ont disparu au profit d’autres États, en particulier des pays d’Europe de l’Est. Dans un premier temps, la Pologne s’était spécialisée dans ce domaine ; désormais, c’est au tour de la Bulgarie, et cette concurrence a de graves conséquences.
Madame la secrétaire d’État, sans intention polémique, j’observe que le Président de la République s’était engagé en 2017 à régler vite la question du travail détaché. Lors de l’une de ses premières sorties à Bruxelles, il avait obtenu des progrès pour bien des secteurs – je tiens à le signaler –, mais pas pour le transport de marchandises. Il a fallu attendre le paquet mobilité et l’action résolue du Parlement européen pour obtenir ces décisions, que nous allons voter, car elles constituent un progrès significatif.
Je tiens à signaler le rôle de la présidente de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen, la Française Karima Delli. J’avais proposé que nous l’accueillions au sein de la commission : le président Longeot a répondu favorablement à ma demande, et je l’en remercie. Ainsi Mme Delli est-elle venue nous présenter le paquet mobilité.
Nous voterons cet article, que nous proposerons toutefois d’amender légèrement pour favoriser le dialogue social.
Mme le président. L’amendement n° 13, présenté par M. Jacquin, Mme M. Filleul, M. Devinaz, Mme Briquet, MM. M. Vallet et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. J. Bigot et Dagbert, Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Remplacer les mots :
peuvent être communiquées aux partenaires sociaux
par les mots :
sont communiquées aux organisations syndicales et patronales représentatives dans les branches professionnelles concernées
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Nous souhaitons améliorer le dialogue social. Il était prévu que les dispositions puissent être communiquées aux partenaires sociaux ; nous proposons qu’elles soient communiquées aux organisations syndicales et patronales afin que celles-ci aient accès à toute l’information.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’alinéa 32 de l’article 23, dans sa rédaction actuelle, prévoit la possibilité de communiquer aux partenaires sociaux certaines informations disponibles dans le système d’information du marché intérieur permettant de vérifier le respect des règles en matière de détachement qui seront fixées par voie réglementaire. Cela me semble conforme à la directive, laquelle prévoit bien une faculté et non une obligation.
L’adoption de cet amendement permettrait de clarifier la rédaction actuelle et pourrait garantir une application plus rigoureuse et transparente des règles du détachement.
En conséquence, la commission a émis un avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Jacquin, sachez que nous étudierons les propositions de la mission d’information dont vous avez discuté ce matin en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Nous sommes tout à fait ouverts à en discuter dans le cadre du projet de loi Climat et résilience.
Je vous rejoins dans le soutien à l’encadrement du transport de marchandises prévu dans le paquet mobilité adopté l’an passé avec un fort soutien de la France. Nous sommes donc en phase, et nous pouvons nous en féliciter.
L’article 23, dans son alinéa 32, confie au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités de communication aux partenaires sociaux des données relatives au détachement des conducteurs routiers issues du système d’information du marché intérieur. Votre amendement vise à prévoir que ces données soient communiquées aux organisations syndicales et patronales représentatives dans les branches professionnelles concernées. Cette précision me semble tout à fait cohérente avec les objectifs de la disposition, même si l’on pourrait considérer qu’elle relève du niveau réglementaire.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Article 24
Les installations, constructions et aménagements nécessaires au lien fixe trans-Manche dans le cadre du rétablissement des contrôles des marchandises et des passagers à destination ou en provenance du Royaume-Uni en raison du retrait de cet État de l’Union européenne ne sont pas soumis au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mme C. Fournier, MM. Bonnecarrère, Canévet et Rapin, Mme Létard, MM. Capo-Canellas et Cadic, Mme Loisier, M. Levi, Mmes N. Goulet, Guidez, Férat, Vérien et Vermeillet, M. Vanlerenberghe, Mme Perrot, M. Moga, Mme Saint-Pé, MM. Le Nay et Chauvet, Mmes Herzog et Dumont, MM. Louault et P. Martin, Mme Gatel et M. Delahaye, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme, après les mots : « des aérodromes », sont insérés les mots : « , du lien fixe trans-Manche ».
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Ainsi que je l’ai évoqué dans la discussion générale, cet amendement vise à réécrire l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme afin de rétablir une égalité de droits entre les ports, les aérodromes et la liaison fixe transmanche. La rédaction en vigueur dudit article ne mentionne pas la liaison fixe, qui se trouve dès lors exclue du régime dérogatoire octroyé aux ports et aux aérodromes.
L’article 24 du projet de loi limite la régularisation des installations de la liaison fixe aux seules « installations, constructions et aménagements nécessaires au lien fixe trans-Manche dans le cadre du rétablissement des contrôles des marchandises et des passagers à destination ou en provenance du Royaume-Uni en raison du retrait de cet État de l’Union européenne ». C’est un problème récurrent : la liaison fixe transmanche est à chaque fois exclue du droit commun. Je demande simplement, par cet amendement, qu’elle soit traitée de la même manière que les ports de Calais et de Boulogne ainsi que les aéroports.
La liaison fixe transmanche n’est pas une simple liaison : ses navettes remplacent les bateaux et chargent des camions, avec du fret, des véhicules de tourisme, des bus et elle permet, parallèlement, le passage direct de l’Eurostar. Pourquoi donc faire une différence ? Pourquoi ne pas profiter de cet événement pour lever cette incertitude et répondre à cette situation ?
La liaison fixe transmanche est un des premiers employeurs privés de notre territoire avec 1 700 salariés et 4 500 emplois induits. S’il vous plaît, pensons à ses salariés ! J’ai d’ailleurs reçu les syndicats.
Il me semble qu’il est important de se poser les bonnes questions : pourquoi différencier les deux régimes, alors que les règles d’urbanisme sont les mêmes ? Le tunnel sous la Manche ne peut pas se déplacer, il est sur la zone côtière, il ne va pas aller réaliser des infrastructures cent kilomètres plus loin ! Sa gestion est comparable à celle des aéroports. C’est simplement cela que je vous demande de reconnaître par cet amendement ou le suivant.
Mme le président. L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par Mme C. Fournier, MM. Bonnecarrère, Canévet et Rapin, Mme Létard, MM. Capo-Canellas et Cadic, Mmes Férat, N. Goulet, Guidez et Herzog, MM. Le Nay, Levi et Chauvet, Mmes Perrot, Dumont et Loisier, MM. Louault, P. Martin et Moga, Mme Saint-Pé, M. Vanlerenberghe, Mmes Vérien, Vermeillet et Gatel et M. Delahaye, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 121-4 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les installations, constructions et aménagements nécessaires au lien fixe trans-Manche dans le cadre du rétablissement des contrôles des marchandises et des passagers à destination ou en provenance du Royaume-Uni en raison du retrait de cet État de l’Union européenne ne sont pas soumis aux dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative. Il en est de même s’agissant des installations, constructions et aménagements nécessaires au lien fixe pour maintenir la fluidité, la sécurité, la sûreté et l’adaptation du service aux modes de transports. »
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Il s’agit d’un amendement de repli.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir défendu ces amendements ainsi que de l’exposé que vous avez fait au début de la séance. Nous avons bien compris les enjeux et vos préoccupations ; j’espère néanmoins que mon argumentaire vous satisfera.
L’avis de la commission est défavorable pour deux raisons.
Premièrement, même s’il est vrai que le Conseil d’État, dans son avis, soulève l’opportunité de codifier ces dispositions dans le code de l’urbanisme, dans un souci de lisibilité du droit, il me semble que, en l’espèce, la codification n’est pas opportune, compte tenu de la nature des dispositions. En effet, l’article 24 a un objet très strict : il vise uniquement à régulariser les installations construites au niveau du lien fixe transmanche pour tenir compte du rétablissement des contrôles à la suite du Brexit. En pratique, il s’agit donc uniquement de permettre la délivrance d’un permis de construire a posteriori et en aucun cas de créer des possibilités d’aménagements futurs.
Deuxièmement, sur le fond, cet amendement vise à introduire une dérogation à la loi Littoral au bénéfice du site Eurotunnel. Je n’y suis pas favorable pour trois raisons.
Tout d’abord, une telle disposition porterait une atteinte forte à la loi Littoral. Il est vrai que des assouplissements ont été décidés ces dernières années par le législateur, notamment dans le cadre de la loi ÉLAN en 2018, qui a autorisé les opérations visant à combler les dents creuses en dehors des villages et des agglomérations. Toutefois, il s’agissait de permettre la densification d’espaces creux situés dans des zones déjà urbanisées. L’atteinte portée à la loi Littoral et au principe d’urbanisation en continuité des constructions existantes était donc limitée.
La loi Littoral repose sur la recherche d’un équilibre entre les impératifs de protection de l’environnement et d’aménagement. Il me semble que, en l’espèce, l’équilibre proposé par l’amendement n’est pas satisfaisant.
Ensuite, si je comprends les enjeux économiques soulevés en matière de concurrence entre les modes de transport, il me semble difficile de mettre les ports, comme le port de Calais, et Eurotunnel sur le même plan en matière de préservation du littoral, dans la mesure où ils ne sont pas soumis au même statut juridique.
Les ports relèvent du domaine public. Autrement dit, les autorités publiques disposent d’un moyen de contrôle des décisions d’aménagement qui y sont prises. Ce n’est pas le cas d’Eurotunnel, qui est une entité privée. Si nous introduisions une dérogation à la loi Littoral pour le lien transmanche, nous exposerions potentiellement une zone littorale sensible à un risque d’étalement des constructions en dehors de tout contrôle de l’État. Cela ne me semble pas souhaitable.
Enfin, je tiens à souligner que le terminal d’Eurotunnel et les installations connexes sont situés à la limite des communes de Coquelles et de Fréthun, qui ne sont pas soumises à la loi Littoral. Il existe donc déjà des possibilités d’extension des installations d’Eurotunnel sans déroger à la loi Littoral.
L’avis est donc défavorable.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié bis, pour les mêmes raisons : introduire une telle dérogation dans le code de l’urbanisme porterait une atteinte à la loi Littoral qui me semble disproportionnée.
La question soulevée par cet amendement est toutefois intéressante : d’après les éléments que j’ai pu rassembler, Eurotunnel risque de faire face à des besoins nouveaux en matière d’aménagement dans un futur proche, notamment en raison de l’entrée en vigueur de la réglementation européenne Entry Exit System, qui imposera de nouvelles obligations en matière de sûreté et de sécurité dès 2022.
Je souhaiterais que le Gouvernement nous fournisse des éléments sur la manière dont il entend permettre à Eurotunnel de s’adapter à des contraintes et à des besoins qui pourraient survenir dans le futur, y compris à court terme.