Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous proposons de mettre un terme aux dispositions de l’ordonnance à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Les auteurs de l’amendement n° 65 souhaitent retenir la date du 30 avril.
Franchement, puisque nous voulons un vote du Parlement avant le 31 janvier, nous pourrons reculer la date d’expiration des dispositions de l’ordonnance à ce moment-là, si cela est rendu nécessaire par les pouvoirs spéciaux de nouveau exercés par le Gouvernement en raison de la situation sanitaire. Si, au contraire, nous avons vaincu l’épidémie d’ici là et que le Gouvernement ne nous demande pas de prolonger les pouvoirs spéciaux, il n’y aura aucune raison de prolonger le dispositif de l’ordonnance au-delà du 31 janvier.
Ma chère collègue, nous ne privons d’aucune chance les entreprises en leur disant : allons-y une haie après l’autre, en prévoyant déjà ce régime jusqu’à la fin de l’état d’urgence, que nous espérons pour le 31 janvier au plus tard. Si l’état d’urgence se prolonge, nous traiterons le problème de la même façon.
Plus complexe – car le diable est dans les détails – est la question que vous posez sur la date limite d’approbation des comptes.
Comme chacun le sait, une société anonyme, après avoir arrêté ses comptes, dispose d’un délai de six mois pour les faire approuver par son assemblée générale. Compte tenu du confinement mis en place au mois de mars, une ordonnance a fort opportunément été prise pour reculer la date d’établissement des comptes, ce qui a une conséquence sur la date d’approbation des comptes par l’assemblée générale.
En examinant les choses dans le détail, nous avons constaté que votre amendement n° 66 comportait des inconvénients.
Prenons le cas d’une société dont l’exercice social court du 1er juillet au 30 juin de l’année suivante. Elle doit normalement faire approuver ses comptes par l’assemblée générale dans un délai de six mois suivant leur clôture, soit avant le 30 décembre. Grâce à l’ordonnance du 25 mars dernier, ce délai est prolongé de trois mois, jusqu’au 30 mars, pour l’exercice clos le 30 juin. Or votre amendement rétablirait pour cette société un couperet au 31 janvier, c’est-à-dire trois mois plus tôt, ce qui n’est pas votre souhait – vous l’avez fort bien expliqué.
Pour la commission, ce problème de rédaction s’oppose à l’adoption de l’amendement n° 66.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Même avis que le rapporteur. Je ne saurais être plus complète…
Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 undecies.
(L’article 3 undecies est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 undecies
Mme le président. L’amendement n° 66, présenté par Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3 undecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du I de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l’épidémie de covid-19, les mots : « sont prorogés de trois mois » sont remplacés par les mots : « sont prorogés jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique ».
Cet amendement a été précédemment soutenu.
La commission et le Gouvernement ont fait connaître qu’ils y sont défavorables.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 duodecies (nouveau)
I. – Jusqu’à la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique :
1° Les délais, durées et durées maximales mentionnés à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 611-6, aux première et seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 621-3, à la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 621-12, à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 622-10, aux première et seconde phrase du premier alinéa ainsi qu’au second alinéa de l’article L. 644-5 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 661-9 du code de commerce sont augmentés de trois mois ;
2° Sans préjudice du dernier alinéa de l’article L. 611-7 du même code, la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 611-6 dudit code n’est pas applicable ;
3° Le I de l’article L. 631-15 du même code n’est pas applicable ;
4° Le tribunal peut prolonger la durée prévue au dernier alinéa de l’article L. 645-4 du même code pour une durée maximale de trois mois, auquel cas la durée maximale mentionnée au premier alinéa de l’article L. 645-6 du même code est augmentée à due concurrence ;
5° Le président du tribunal, statuant sur requête de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, du liquidateur ou du commissaire à l’exécution du plan, peut prolonger les délais impartis à ces derniers d’une durée maximale de trois mois ;
6° Dans le cas où, en application du 5° du présent I, le président du tribunal prolonge le délai imparti à l’administrateur ou au liquidateur pour notifier des licenciements, la durée mentionnée au b du 2° de l’article L. 3253-8 du code du travail est augmentée à due concurrence ;
7° Les relevés des créances résultant d’un contrat de travail sont transmis sans délai par le mandataire aux institutions de garantie mentionnées à l’article L. 3253-14 du code du travail. Le premier alinéa de l’article L. 625-1 et l’article L. 625-2 du code de commerce s’appliquent sans avoir pour effet l’allongement du délai de cette transmission.
II. – Le I est applicable aux procédures en cours à la date de publication de la présente loi, ainsi qu’aux procédures ouvertes entre cette même date et la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.
III. – Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna. – (Adopté.)
Article 3 terdecies (nouveau)
I. – Le premier alinéa du I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure est complété par les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique ».
II. – Le premier alinéa du I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 relatif aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport est complété par les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique ».
Mme le président. L’amendement n° 64, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Jomier, Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.… – L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 précitée est ainsi modifié :
1° Le 1° du I est abrogé ;
2° À la seconde phrase du V, les mots : « dix-huit » sont remplacés par le mot : « six ».
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Un grand nombre de nos concitoyens se sont trouvés, depuis le mois de mars, dans la situation de subir l’annulation d’une prestation : voyage, vol, spectacle, manifestation sportive. Le présent amendement vise à les protéger.
Le projet de loi reprend le dispositif d’une ordonnance prise au mois de mars : les personnes qui ne bénéficieraient pas d’une prestation ne pourraient plus bénéficier que d’un avoir, et non pas d’un remboursement ; cet avoir serait valable pendant dix-huit mois, après quoi, s’il n’a pas été utilisé, le remboursement pourrait peut-être avoir lieu.
Nous proposons de distinguer deux types de situations : les voyages, d’une part, et les spectacles et manifestations sportives, d’autre part.
Le cas des voyages est régi par des directives européennes, imposant que le choix entre l’avoir et le remboursement soit proposé au client. D’ailleurs, certains acteurs, dont Air France, ont été rappelés à l’ordre par la Commission européenne, car ils ne respectaient pas ces dispositions. En vertu de cette réglementation européenne, il faut prévoir le remboursement pour les voyages.
En revanche, pour la culture et le sport, on peut considérer que le remboursement peut être difficile pour les entreprises concernées. Nous sommes donc d’accord pour la formule de l’avoir, mais nous proposons que sa validité soit réduite à six mois. D’ailleurs, il est illusoire de penser que ces entreprises, qui seront sans doute en difficulté, pourront continuer au-delà.
Le dispositif actuellement prévu serait contre-productif – la SNCF ne s’y est pas trompée. En effet, si vous voulez encourager les personnes à consommer, à aller au spectacle, il faut leur garantir qu’elles seront remboursées en cas d’annulation. Si elles savent qu’elles risquent de ne pas être remboursées, elles n’iront pas au spectacle, et tout le monde sera perdant !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a souhaité traiter de la même manière les voyages, les spectacles et les manifestations sportives.
Le régime de l’avoir paraît approprié et ne lèse pas les consommateurs dans la mesure où, si l’on ne peut résoudre l’avoir par une consommation de voyage, de culture ou d’événement sportif au-delà d’un certain délai, il sera remboursé. Restons-en là, s’il vous plaît. L’avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis un peu étonné par ces avis, parce que la directive 2015/2302 vise, non pas simplement les vols en avion, mais tous les voyages à forfait et toutes les prestations de voyage liées. L’article 11 est très précis : en cas de résiliation du contrat, un remboursement doit être effectif dans les quatorze jours si une autre prestation n’est pas acceptée par le client. Il y va de la protection du consommateur.
Or on a donné à penser à des prestataires de voyages qu’il pouvait en être différemment. Aux mois de mars et d’avril, des centaines de Français ont acheté successivement plusieurs billets d’avion pour des voyages qui furent ensuite annulés, puis ces Français se sont retrouvés bloqués dans le pays dans lequel ils se trouvaient parce qu’ils n’avaient plus les moyens de se payer un autre billet d’avion.
La protection du consommateur reste quoi qu’il arrive une nécessité. Le respect du droit européen n’est pas une option, monsieur le rapporteur, c’est une obligation.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Dans la situation actuelle, nombreux sont nos concitoyens qui se sont engagés dans des procédures souvent complexes, par le biais d’internet ou, pis, de plateformes téléphoniques, pour essayer de se faire rembourser. Cet amendement tend à apporter un peu de lisibilité et de protection au consommateur. Cela me paraît aller dans le bon sens.
J’ai la chance cette année de suivre le cycle des hautes études de la culture. Les professionnels avec lesquels j’ai l’occasion de discuter dans ce cadre m’ont indiqué qu’un certain nombre de spectateurs ont fait le choix de ne pas demander le remboursement de leurs tickets afin d’apporter leur soutien au monde de la culture en ce moment particulièrement difficile.
Dans le monde du sport, un certain nombre de championnats ont été arrêtés. Des supporteurs ont aussi fait le choix de soutenir leurs équipes respectives en ne demandant pas le remboursement de leurs tickets. C’est une manière de soutenir son club, son théâtre ou tout autre prestataire. Ce choix est éminemment respectable ; il est de notre devoir de le souligner en cette occasion.
Je soutiendrai cet amendement, car il tend à donner au consommateur la possibilité de se faire rembourser ou non en fonction de ce qu’il souhaite.
Mme le président. L’amendement n° 87, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
II. – L’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 1er est complété par les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique » ;
2° Au premier alinéa du I de l’article 2, après le mot : « inclus », sont insérés les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Amendement de précision.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 terdecies, modifié.
(L’article 3 terdecies est adopté.)
Article 3 quaterdecies (nouveau)
L’article L. 6327-1 du code des transports est ainsi modifié :
1° La première occurrence des mots : « de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers » est remplacée par les mots : « a dépassé cinq millions de passagers lors de l’une des cinq années civiles précédentes » ;
2° À la fin, la seconde occurrence des mots : « de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers » est remplacée par les mots : « dont le trafic annuel a dépassé cinq millions de passagers lors de l’une des cinq années civiles précédentes ».
Mme le président. L’amendement n° 88, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
dont le trafic
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Amendement rédactionnel.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 quaterdecies, modifié.
(L’article 3 quaterdecies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3 quaterdecies
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 50, présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3131-14 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les licenciements sont interdits durant l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à la fin des mesures d’accompagnement des entreprises. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, vous le savez, il y a beaucoup de colère chez les salariés. Ils ont l’impression – et ce n’est pas qu’une impression – de payer la crise sanitaire, alors que les grands groupes, que nous distinguons bien des PME, des artisans et des commerçants qui sont dans la même difficulté que leurs salariés, en profitent pour licencier. Or ces groupes bénéficient d’aides indirectes, comme le chômage partiel, ou directes, comme les prêts garantis par l’État. Nous pensons donc qu’il faut interdire les licenciements aux grands groupes qui ont fait appel au chômage partiel. L’Espagne et l’Italie l’ont fait : c’est donc faisable.
Permettez-moi d’illustrer mon propos par un exemple parmi d’autres – mon collègue Savoldelli pourrait vous parler de Renault, la présidente Assassi de la plateforme de Roissy –, tant les grands groupes qui licencient et profitent de cette crise sont nombreux.
Tui est le plus grand groupe de tourisme, avec des filiales comme Look Voyages ou Marmara. En cinq mois, pendant la crise, ce groupe a économisé 3,9 millions en salaires – ce sont les chiffres de l’expert indépendant nommé par le CSE –, alors qu’il a bénéficié de 1,7 million d’euros d’exonérations de cotisations sociales et patronales. Dans le même temps, la maison mère, basée en Allemagne, a reçu 2 milliards d’euros de PGE, dont 100 millions d’euros uniquement pour la filiale française.
Au lendemain du déconfinement, 600 des 900 salariés en France ont été virés par visioconférence, le PDG étant confiné au Maroc… Quand ils voient les chiffres, ces 600 salariés ressentent beaucoup de colère. Ils se disent que, lorsqu’une entreprise bénéficie d’aides directes, ou indirectes comme le chômage partiel, on pourrait lui interdire de licencier.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme le président. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3131-14 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pendant la crise sanitaire, les licenciements sont interdits pour :
« 1° Les entreprises qui versent des dividendes à ses actionnaires durant la même période ;
« 2° Les entreprises dont des filiales ou établissements sont établis dans des États et territoires non coopératifs. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Au début du confinement, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, avait appelé les grands groupes du CAC 40 à la modération dans le versement des dividendes. Soit il n’a pas été entendu, soit il n’a pas parlé assez fort, car il y a eu incompréhension.
Pas moins de 100 % des entreprises du CAC 40 ont été aidées, soit par un prêt garanti par l’État, soit par le chômage partiel, soit par l’exonération de cotisations sociales et patronales ou des remises d’impôts de production. Or deux tiers de ces entreprises ont versé des dividendes ; huit ont même fait l’exploit d’augmenter leurs dividendes au cours de la période. Au total, 34 milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires par les entreprises du CAC 40.
Constatant cet échec, Bruno Le Maire a précisé qu’il s’agissait du versement en 2020 des dividendes de l’année 2019. Envisagez-vous d’interdire à ces entreprises du CAC 40, qui ont toutes été aidées, le versement en 2021 des dividendes de l’année 2020 ?
Par ailleurs, nous pensons qu’en cette période il faut au moins interdire aux entreprises qui versent des dividendes de licencier. Cela suscite une colère incroyable chez les salariés, et ils ont raison : ils constatent que les grands groupes privés vont bénéficier de beaucoup d’argent dans le cadre du plan de relance, alors qu’à la fin ce sont eux, les salariés, qui paieront la crise.
Telles sont les deux propositions assez concrètes que nous faisons pour les salariés de ce pays.
Mme le président. L’amendement n° 75 rectifié, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le présent article est applicable aux personnes morales de droit privé exerçant une activité économique non affectée par les mesures de police administrative prises en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l’article L. 3131-17 du même code, et aux entreprises n’ayant pas connu de diminution de leur chiffre d’affaires depuis la promulgation de cette loi.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date de sortie de l’état d’urgence, tout licenciement, individuel ou collectif, fondé sur un motif économique, d’ordre conjoncturel ou structurel, est subordonné à une autorisation de l’autorité administrative compétente qui doit statuer en regard de la nécessité de préserver l’emploi et de protéger les salariés dans le cadre de la crise de la covid-19.
Pendant cette même période, aucune suspension du contrat de travail ne peut être mise en œuvre et aucune exécution d’un préavis ne peut être engagée.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Si un grand nombre d’entreprises souffrent de la conjoncture actuelle, d’autres souffrent beaucoup moins, qu’elles parviennent à tirer leur épingle du jeu ou qu’elles continuent simplement à fonctionner normalement.
Nous proposons de rétablir ce qui était autrefois l’autorisation administrative de licenciement, c’est-à-dire l’intervention d’un tiers qui viendrait juger de l’opportunité de chaque licenciement. C’est très ancien, mais je me souviens bien de la fin de cette autorisation administrative de licenciement : sa suppression était censée permettre de créer énormément d’emplois, mais ça n’a jamais été le cas.
Je rappelle que nous discutons de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Ce rétablissement serait donc effectif pour une période donnée. Il permettrait, pour cette période donnée, de protéger des salariés qui peuvent être victimes de licenciements que nous pouvons qualifier d’opportunistes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ces questions me sont très familières, car il s’agit d’un domaine de spécialité de la commission des lois.
L’amendement n° 50, même s’il est inspiré par de bonnes intentions, me paraît largement contre-productif.
Imaginez que, dans une entreprise artisanale, un salarié ait commis une faute professionnelle grave : il deviendrait impossible de le licencier parce qu’on est en temps d’épidémie. Imaginez qu’un salarié se trouve être le seul employé de l’entreprise – un commerce, par exemple, ou une petite entreprise artisanale – et que, faute d’autre moyen de se sauver, elle soit sur le point de déposer son bilan et de licencier à grand regret son ouvrier : elle se verrait interdire de le faire. On préfère donc dans ce cas que non seulement le salarié n’ait plus d’emplois, mais que l’artisan ou le commerçant n’en ait plus non plus et qu’il n’y ait pas de chance de redressement pour cette entreprise.
Parfois les intentions les plus généreuses, surtout quand elles sont sur le compte d’autrui, peuvent se retourner contre l’intérêt social que l’on vise.
L’amendement n° 51 a l’habileté de ne toucher que des entreprises qui versent des dividendes. Mais, enfin, il y a aussi des petites entreprises – et c’est heureux – qui versent des dividendes ! Ces petites entreprises ont droit de notre part à une certaine attention, d’autant plus que, quand on décide du versement des dividendes, parce que les comptes de l’année précédente ont été bons, la situation de l’entreprise, si la conjoncture s’est retournée, peut-être très mauvaise. Par conséquent, les rigidités que le présent amendement vise à introduire me semblent tout à fait mal venues.
Quant à l’amendement n° 75 rectifié, faites attention, mes chers collègues : vous voulez rétablir l’autorisation administrative de licenciement pour motif économique dans les entreprises dont les activités économiques ne sont pas affectées par les mesures de police administrative qui sont prises pour lutter contre le covid. Vous observez pourtant que la frontière entre les entreprises qui sont affectées par les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le covid et les entreprises qui ne seraient pas affectées – on se demande lesquelles – est extrêmement difficile à établir. En l’absence de règle claire, c’est un nid à contentieux. D’ailleurs, aucun secteur économique aujourd’hui n’est épargné, même si certains sont plus touchés que d’autres.
Je vois bien la générosité de l’intention, mais je crains fort que de telles dispositions ne contribuent à aggraver la crise économique et sociale. Pour cette raison, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les amendements nos 50, 51 et 75 rectifié.