Sommaire

Présidence de M. Georges Patient

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa, M. Pierre Cuypers.

1. Procès-verbal

2. Hommage aux victimes d’une attaque à Nice

3. Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article additionnel après l’article 6

Amendement n° 86 rectifié bis de M. Max Brisson. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 6 bis

Amendement n° 87 rectifié de M. Jean-Pierre Decool. – Adoption.

Amendement n° 43 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 7

Amendement n° 55 rectifié de Mme Angèle Préville. – Retrait.

Amendement n° 187 de Mme Monique de Marco. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 8 – Adoption.

Article 9

Amendement n° 228 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 229 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 46 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Devenu sans objet.

Amendement n° 95 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.

Amendement n° 72 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 10 A (nouveau) – Adoption.

Article additionnel après l’article 10 A

Amendement n° 231 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 108 rectifié de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.

Article 10

Mme Sylvie Robert

M. Pierre Ouzoulias

Amendement n° 207 rectifié du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 100 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.

Amendement n° 101 de M. Pierre Ouzoulias. – Adoption.

Amendement n° 189 de Mme Monique de Marco. – Retrait.

Amendements identiques nos 65 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin et 128 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Adoption de l’amendement n° 128 rectifié bis, l’amendement n° 65 rectifié n’étant pas soutenu.

Amendement n° 129 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.

Amendement n° 209 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 191 de Mme Monique de Marco. – Devenu sans objet.

Amendement n° 208 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 98 de M. Pierre Ouzoulias. – Adoption.

Amendement n° 99 de M. Pierre Ouzoulias. – Adoption.

Amendement n° 102 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.

Amendement n° 168 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Rejet.

Amendement n° 190 de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 103 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.

Amendement n° 162 de M. Pierre Ouzoulias. – Adoption.

Amendement n° 56 rectifié bis de M. Franck Montaugé. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 10

Amendement n° 235 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 163 de M. Pierre Ouzoulias. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 10 bis

Amendement n° 104 de M. Pierre Ouzoulias. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 11

Amendement n° 130 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Adoption.

Amendement n° 66 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Non soutenu.

Amendement n° 105 de M. Pierre Ouzoulias. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 12

Amendement n° 10 de M. Jean Hingray. – Rejet.

Amendement n° 106 de M. Pierre Ouzoulias. – Adoption.

Amendement n° 210 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 131 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Adoption.

Amendement n° 107 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 12

Amendement n° 60 de M. Jean Hingray ; 74 rectifié de M. Cédric Perrin et 132 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Décès d’un ancien sénateur

5. Communication relative à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

6. Hommage aux victimes d’une attaque terroriste survenue à Nice

7. Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre. – Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. Jean Castex, Premier ministre

Suspension et reprise de la séance

M. Patrick Kanner

M. Stéphane Ravier

M. Bruno Retailleau

M. Claude Malhuret

M. Guillaume Gontard

M. François Patriat

Mme Maryse Carrère

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Bonnecarrère

M. Jean Castex, Premier ministre

Vote sur la déclaration du Gouvernement

Désapprobation, par scrutin public n° 10, de la déclaration du Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

8. Prorogation de l’état d’urgence sanitaire. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Discussion générale

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois

M. Stéphane Ravier

M. Guy Benarroche

Mme Nadège Havet

Mme Maryse Carrère

Mme Cécile Cukierman

Mme Dominique Vérien

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Muriel Jourda

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

Clôture de la discussion générale.

Organisation des travaux

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois

Suspension et reprise de la séance

Article additionnel avant l’article 1er

Amendement n° 38 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 1er

Mme Valérie Boyer

Amendements identiques nos 52 de Mme Éliane Assassi et 53 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 33 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 40 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 54 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° 58 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 84 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 18 rectifié de M. Philippe Bonnecarrère. – Retrait.

Amendement n° 60 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 83 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

Articles additionnels après l’article 1er

Amendement n° 41 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 59 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 39 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 42 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 2 (supprimé)

Amendement n° 34 du Gouvernement. –Rejet.

L’article demeure supprimé.

Articles additionnels après l’article 2

Amendement n° 32 du Gouvernement et sous-amendement n° 90 de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait du sous-amendement et rejet de l’amendement.

Amendement n° 43 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 2 bis (nouveau) – Adoption.

Article additionnel après l’article 2 bis

Amendements identiques nos 16 rectifié bis de Mme Lana Tetuanui et 20 rectifié de M. Teva Rohfritsch. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Article 3

M. Cédric Vial

Amendement n° 44 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 55 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Retrait.

Amendement n° 35 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 36 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 3

Amendement n° 26 rectifié bis de M. René-Paul Savary. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 45 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 61 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Article 3 bis (nouveau)

M. Guy Benarroche

Adoption de l’article.

Article s3 ter, 3 quater et 3 quinquies (nouveaux) – Adoption.

Article 3 sexies (nouveau)

Amendement n° 85 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 septies (nouveau)

Amendements identiques nos 25 rectifié de M. Daniel Laurent et 27 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 86 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 3 septies

Amendement n° 12 rectifié de M. Max Brisson. – Retrait.

Article 3 octies (nouveau)

Amendement n° 81 rectifié bis de Mme Françoise Gatel. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 nonies (nouveau)

Amendement n° 57 rectifié ter de Mme Nadège Havet. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 decies (nouveau) – <sort>.

Article 3 undecies (nouveau)

Amendement n° 65 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 3 undecies

Amendement n° 66 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.

Article 3 duodecies (nouveau) – Adoption.

Article 3 terdecies (nouveau)

Amendement n° 64 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 87 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 quaterdecies (nouveau)

Amendement n° 88 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 3 quaterdecies

Amendement n° 50 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 51 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 75 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Amendement n° 29 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 4

Mme Nadège Havet

Amendement n° 56 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° 37 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 9 de Mme Valérie Boyer. – Retrait.

Amendement n° 48 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Amendement n° 49 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Amendement n° 47 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 62 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Adoption de l’article.

Renvoi de la suite de la discussion.

9. Ordre du jour

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Georges patient

vice-président

Secrétaires :

Mme Esther BenBassa,

M. Pierre Cuypers.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage aux victimes d’une attaque à Nice

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons appris avec une très grande émotion qu’une attaque s’est produite, ce matin, dans le périmètre de la basilique Notre-Dame de Nice. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation, se lèvent.)

D’après les informations dont nous disposons à cette heure, plusieurs personnes auraient été tuées et d’autres blessées. Dans ces circonstances tragiques, nos pensées vont bien sûr aux victimes et à leurs familles : ce qui vient de se passer nous bouleverse tous. M. le président du Sénat m’a indiqué qu’un hommage leur serait rendu en début de séance cet après-midi. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre, observent un moment de recueillement.)

3

Article 6 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel après l'article 6 - Amendement n° 86 rectifié bis

Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (projet n° 722 [2019-2020], texte de la commission n° 52, rapport n° 51, avis nos 32 et 40).

Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus, au sein du titre II, à un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 6.

TITRE II (suite)

AMÉLIORER L’ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS SCIENTIFIQUES

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article 6 bis

Article additionnel après l’article 6

M. le président. L’amendement n° 86 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Babary, Bascher, E. Blanc, Bouchet, Bouloux et Calvet, Mme Canayer, MM. Darnaud, Daubresse et de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Di Folco et Dumas, MM. Duplomb et B. Fournier, Mmes F. Gerbaud, Gruny et Imbert, M. Karoutchi, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Meurant, Mouiller, Paccaud, Piednoir et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, M. Regnard, Mme Richer, MM. Saury, Savary, Savin et Sol, Mmes Thomas et Ventalon et M. C. Vial, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 431-4 du code de la recherche est ainsi modifié :

1° Après les mots : « présent code », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « un salarié peut être recruté pour contribuer à un projet ou une opération de recherche par un contrat dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération. » ;

2° Les deuxième à dernier alinéas sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée.

« La rupture du contrat de projet ou d’opération qui intervient à la fin du projet ou une fois l’opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse. Cette rupture est soumise aux dispositions des articles L. 1232-2 à L. 1232-6 ainsi que du chapitre IV, de la section 1 du chapitre V et du chapitre VIII du titre III du livre II de la première partie du code du travail.

« Sauf au cours de la période d’essai ou en cas d’insuffisance professionnelle, d’inaptitude physique ou de faute disciplinaire du salarié, l’employeur ne peut rompre le contrat pendant la première année pour quelque motif que ce soit.

« Le contrat peut également être rompu lorsque le projet ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment la nature des projets ou des opérations de recherche pouvant bénéficier d’un tel contrat, ainsi que la proportion maximale des salariés sous contrat de projet ou d’opération par rapport à l’effectif global de l’établissement ou de la fondation. Ce décret prévoit également les modalités de recrutement et de rupture du contrat, telles que les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées au salarié et les modalités d’accompagnement des salariés dont le contrat s’est achevé ainsi que celles de mise en œuvre d’une indemnité de rupture lorsque le projet ou l’opération ne peut pas se réaliser. »

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Dans le contexte actuel, notre vie démocratique doit se poursuivre, mes chers collègues. Cet amendement n° 86 rectifié bis concerne donc les établissements publics à caractère industriel et commercial – ou EPIC – et les fondations reconnues d’utilité publique ayant une activité de recherche.

Ces organismes rencontrent des difficultés pour proposer à leurs salariés des contrats à durée indéterminée (CDI) dits « de chantier », tels que prévus par le code de la recherche.

Ces contrats sont effectivement soumis à une condition de conclusion préalable d’un accord d’entreprise. Cette condition s’avère trop contraignante en pratique. Les opérateurs se retrouvent alors sans aucun dispositif de recrutement adapté aux besoins de la recherche sur projet, qui représente pourtant une part croissante de leur activité et de leurs ressources financières.

Alors que le projet de loi de programmation de la recherche crée de nouveaux dispositifs contractuels pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les EPSCP, avec notamment le CDI dit « de mission » ou les chaires juniors, il n’ouvre pas les mêmes facilités pour les EPIC et fondations ayant une activité de recherche.

Afin de créer un arsenal juridique comparable entre les organismes de recherche, et ce indépendamment de leur statut, il est proposé de faciliter le recours au CDI de chantier pour ces deux types d’établissements. Cet assouplissement se justifie d’autant plus que de nombreux laboratoires de recherche travaillent sous tutelles communes – EPST, EPIC et fondations.

Les facilités proposées seront toutefois encadrées : un décret en Conseil d’État fixera la nature des chantiers ou opérations de recherche pour ce type de contrat, les modalités de recrutement, les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées au salarié, et les mesures d’accompagnement de ce dernier une fois le contrat achevé.

En outre, il est proposé que le décret fixe un quota maximal de CDI de chantier par rapport à l’effectif global de l’établissement. Ce quota pourrait s’établir autour de 10 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Cette disposition permet de créer un cadre juridique homogène pour l’ensemble des organismes de recherche, indépendamment de leur statut : d’un côté, les contrats de mission scientifique pour les EPST et les EPSCP ; de l’autre, les contrats de chantier pour les EPIC et les fondations. Avis très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Permettez-moi tout d’abord de dire, mesdames, messieurs les sénateurs, combien ce qui s’est produit ce matin à Nice me bouleverse. Je veux assurer l’ensemble des Niçois et le maire de Nice de toute ma sympathie. Je m’associe à leur tristesse.

Votre amendement, monsieur le sénateur Brisson, va dans le sens de ce que nous avons souhaité mettre en place dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, la loi Pacte, pour les EPIC comme le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – CEA –, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer – Ifremer – et le Bureau de recherches géologiques et minières – BRGM –, qui sont effectivement des établissements de statut privé.

Cette loi est récente ; il faut lui laisser sa chance… Pour cette raison, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.

Article additionnel après l'article 6 - Amendement n° 86 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article 7

Article 6 bis

I. – Après le troisième alinéa de l’article L. 952-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La rémunération des chargés d’enseignement vacataires et des agents temporaires vacataires est versée mensuellement. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2023.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Decool, Malhuret, Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc, Menonville et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Levi et B. Fournier, Mme Joseph, MM. Daubresse, Canevet, Vogel et Moga, Mme de Marco, M. Dossus, Mmes Raimond-Pavero, Jacquemet et Dindar, M. Détraigne, Mme F. Gerbaud, M. Laménie, Mmes C. Fournier, Puissat et Thomas, MM. Sol, Courtial et Chatillon, Mmes Billon et Drexler, M. Henno, Mmes Férat et Noël, M. Joyandet, Mme Sollogoub, M. Mizzon, Mme Saint-Pé, MM. M. Vallet, Lefèvre et P. Martin, Mme M. Mercier, MM. Pellevat, Longuet, Bonhomme, Cuypers et Lafon, Mme Herzog, MM. Bouloux et Regnard et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer la date :

1er janvier 2023

par la date :

1er septembre 2021

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. L’article 6 bis s’inscrit dans l’objectif de revalorisation des métiers de la recherche visé par le présent projet de loi. Il tend à lutter contre la précarité des doctorants et jeunes chercheurs titulaires d’un doctorat, qui assurent souvent des heures d’enseignement sous la forme de vacation lorsqu’ils ne bénéficient pas d’un contrat, en garantissant le paiement mensuel de ces heures d’enseignement.

Le présent amendement a pour objet d’avancer l’entrée en vigueur de ce dispositif au 1er septembre 2021, au lieu du 1er janvier 2023.

M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer l’année :

2023

par l’année :

2022

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. L’article 6 bis a été fort heureusement introduit lors du débat en séance à l’Assemblée nationale. Ce dispositif devrait permettre de mettre fin aux retards de paiement des vacataires, qui accentuent encore un peu plus le caractère précaire de leur statut. Néanmoins, son application est reportée à 2023 – autant dire à une date très lointaine et renvoyée à la responsabilité d’un autre gouvernement.

Un amendement tendant à anticiper cette mise en œuvre au mois de septembre 2021 a été rejeté en commission par notre rapporteure, pour des motifs de réalisme et de prévisions budgétaires. Nous avons donc déposé le présent amendement, afin d’avoir une applicabilité au 1er janvier 2022, au moins, ce qui permettait au Gouvernement de prendre les dispositions budgétaires nécessaires pour rendre effectif le versement des rémunérations concernées.

Ce matin, nous avons eu l’heureuse surprise d’apprendre le ralliement de Mme la rapporteure à l’échéance de septembre 2021 proposée par notre collègue Jean-Pierre Decool. Nous retirons donc notre amendement n° 43 rectifié au profit du sien.

J’en profite pour m’interroger sur l’adéquation du dispositif, qui, en complétant l’article L. 952–1 du code de l’éducation, vise les conditions d’emploi des seuls chargés d’enseignement, et non celles des agents temporaires. Si l’objectif est de couvrir aussi le cas des personnels vacataires appartenant à la catégorie techniciens, ouvriers et de service (TOS), il conviendrait peut-être d’introduire aussi une seconde disposition à l’article 953-3-1 du même code.

M. le président. L’amendement n° 43 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 87 rectifié ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Pardonnez-moi, mes chers collègues, car j’ai repris les discussions un peu brutalement. Bien évidemment, je m’associe aux propos de la ministre concernant l’attentat épouvantable qui a eu lieu à Nice. Mais, en effet, nous allons poursuivre nos débats, précisément pour ne pas donner raison à ceux qui commettent de tels actes !

Tout d’abord merci, monsieur Redon-Sarrazy, d’avoir bien voulu retirer votre amendement.

Madame la ministre, ce point a déjà été évoqué en commission. Le sujet que soulève M. Decool, celui de la précarité des vacataires, est extrêmement important, majeur. Il n’est pas encore réglé ! Les retards de paiement récurrents dont ces derniers sont victimes ne sont pas acceptables – et je sais que vous partagez ce point de vue.

Mais vous invoquez des problèmes techniques, liés au recours, par les universités, au système dit du « service fait ». Dans ce cadre, aucune solution ne serait opérationnelle avant le 1er janvier 2023… Nous attendons de votre part davantage d’explications sur ce point.

Symboliquement, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 87 rectifié tendant à avancer l’entrée en vigueur du dispositif en septembre 2021. Les vacataires ne peuvent effectivement plus attendre !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, je suis extrêmement favorable à ce que nous puissions régler, une fois pour toutes, le problème du paiement des vacataires. Néanmoins, si cela n’a pas été fait jusqu’à présent, c’est que la question est très complexe et nécessite de coordonner plusieurs logiciels de paie.

Nous avons choisi de nous mettre en capacité de la traiter, y compris en envisageant le changement de certaines règles comptables, notamment celle qui prévoit le paiement au service fait. Le respect de cette règle implique que l’on ne commence à regarder le dossier qu’à la fin de l’année universitaire, pour un paiement, en général, au début de l’année suivante.

Effectivement, c’est inadmissible et il faut corriger cette situation ! Nous aurions dû ajouter la mention « au plus tard » dans le texte, car nous mettrons en œuvre cette évolution dès que possible. Mais, en l’état, je crains que l’échéance de septembre 2021 ne soit vraiment trop courte.

Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Il faut bien comprendre la situation dans laquelle se trouvent à la fois les contractuels et les universités.

Aujourd’hui, les universités – je les ai consultées – expliquent être dans l’incapacité d’appliquer la disposition que nous allons voter, car le déport de paiement de ces contrats leur permet, il faut le dire de façon extrêmement claire, d’assurer leur trésorerie. (Mme la ministre le conteste.) C’est ce que les présidents d’université m’ont dit, madame la ministre ! Eux sont plutôt demandeurs d’une contractualisation, c’est-à-dire d’un recours à des contrats, ce qui permettrait d’éviter le problème lié aux vacations. En l’état, on va leur imposer des prescriptions beaucoup plus fortes, qu’ils sont incapables de respecter sur un plan budgétaire.

Ce n’est pas par malignité qu’une université paie ses contractuels six à sept mois après la réalisation du service ! C’est tout simplement parce qu’elle n’a pas l’argent pour les rémunérer au moment où ils achèvent leur service !

Je comprends l’esprit de cet amendement, et je le soutiens – il faut effectivement mettre un terme à cette injustice flagrante. Mais la question, me semble-t-il, mériterait une réflexion plus vaste, pour tenter de comprendre comment un certain nombre de missions de service public sont assurées, à l’heure actuelle, par des moyens aussi peu conformes aux règles de la fonction publique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6 bis, modifié.

(Larticle 6 bis est adopté.)

Article 6 bis
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Article&#160;8

Article 7

I. – Le titre III du livre IV du code de la recherche est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Doctorants et chercheurs étrangers accueillis dans le cadre dun séjour de recherche

« Art. L. 434-1. – I. – Les établissements publics d’enseignement supérieur, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les autres établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche mentionnés à l’article L. 112-6, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les établissements relevant de l’article L. 732-1 du code de l’éducation dans le cadre de leurs activités de recherche et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 du présent code peuvent accueillir dans le cadre d’un séjour de recherche :

« 1° Des étudiants de nationalité étrangère inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur soit en France, soit à l’étranger, dans le cadre de la préparation du doctorat ;

« 2° Des chercheurs de nationalité étrangère, titulaires d’un diplôme de doctorat.

« Le séjour de recherche a pour objet de participer à une formation à la recherche et par la recherche, de concourir à une activité de recherche ou de développement technologique, au sein d’un établissement d’accueil. Cette activité peut être complétée par une activité d’enseignement.

« II. – Pour pouvoir bénéficier d’un séjour de recherche, les doctorants et chercheurs étrangers doivent bénéficier d’une bourse ou de tout autre financement dédié à cette activité, accordé selon des critères scientifiques, après sélection par un gouvernement étranger ou une institution étrangère ou par le ministère chargé des affaires étrangères.

« Le séjour de recherche fait l’objet d’une convention entre le ou les établissements d’accueil et le doctorant ou chercheur étranger qui précise les modalités de prise en charge et d’accueil. La convention de séjour de recherche définit les règles applicables en matière de propriété intellectuelle.

« Pour les doctorants mentionnés au 1° du I, la convention est conclue pour une durée maximale de trois ans. Elle peut être renouvelée deux fois pour une année, dans la limite de la durée du financement dont bénéficie l’étudiant étranger accueilli au titre du séjour de recherche.

« Pour les chercheurs mentionnés au 2° du même I, la convention est conclue pour une durée maximale d’un an.

« III. – L’établissement d’accueil peut décider de verser un complément de financement afin de contribuer aux frais du séjour du doctorant ou du chercheur étranger, dans la limite de 50 % du plafond annuel mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Le financement dédié à cette activité et le complément éventuel versé par l’établissement d’accueil n’ont pas le caractère d’un salaire au sens de l’article L. 3221-3 du code du travail.

« La convention de séjour de recherche mentionnée au II du présent article définit, le cas échéant, les modalités de versement du complément de financement.

« L’établissement d’accueil vérifie que le doctorant ou le chercheur étranger bénéficie d’une couverture de droit commun ou d’une couverture équivalente en matière de maladie, d’accident et respecte les règles applicables en matière de responsabilité civile. »

II. – Le 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale est complété par un g ainsi rédigé :

« g. Les doctorants et chercheurs étrangers mentionnés à l’article L. 434-1 du code de la recherche pour les accidents survenus au cours de leurs activités de recherche ou d’enseignement ; ».

III. – Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après le 5° du II de l’article L. 313-7, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° À l’étranger qui, à l’exception des cas mentionnés au 4° de l’article L. 313-20, a signé la convention de séjour de recherche définie à l’article L. 434-1 du code de la recherche, afin de se former à la recherche et par la recherche. » ;

2° Après la première phrase du 4° de l’article L. 313-20, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette convention d’accueil peut être conclue par l’étranger qui a signé la convention de séjour de recherche prévue à l’article L. 434-1 du code de la recherche et qui bénéficie d’un financement au moins équivalent à la rémunération minimale, hors prise en compte des charges sociales afférentes, fixée par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche portant rémunération des doctorants. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes Préville, S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste, Assouline et Lozach, Mme Lepage, MM. Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly, Merillou, Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer le mot :

étudiants

par le mot :

doctorants

II. – Alinéa 10, seconde phrase

Remplacer les mots :

l’étudiant

par les mots :

le doctorant

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement, déposé sur l’initiative de Mme Préville, vise à désigner les doctorants comme tels, et non comme des étudiants. Il s’agit donc de faire reconnaître leur spécificité par rapport aux autres usagers.

M. le président. L’amendement n° 187, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le mot :

étudiants

par le mot :

doctorants

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Je retire cet amendement, au profit de l’amendement précédent.

M. le président. L’amendement n° 187 est retiré.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette modification rédactionnelle ne semble pas pertinente, dans la mesure où il est bien précisé dans le texte qu’il s’agit d’étudiants inscrits dans le cadre de la préparation du doctorat. Il serait redondant d’écrire : « doctorants inscrits dans le cadre de la préparation du doctorat ». Par ailleurs, les doctorants sont bien des étudiants. La commission souhaite donc le retrait de l’amendement n° 55 rectifié ; à défaut, son avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je partage l’avis de la commission.

Mme Sylvie Robert. Je retire l’amendement !

M. le président. L’amendement n° 55 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

I. – Le chapitre Ier du titre II du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 421-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 421-5. – Les personnels de recherche mentionnés à l’article L. 411-1, détachés ou mis à disposition auprès d’administrations, de collectivités territoriales, d’organismes ou d’établissements pour y exercer une ou plusieurs des missions définies au même article L. 411-1, d’organisations internationales intergouvernementales ou d’une institution ou d’un organe de l’Union européenne, peuvent bénéficier d’une nomination dans un autre corps à la suite de la réussite à un concours ou examen professionnel ou au titre d’une promotion au choix, sans qu’il soit mis fin à leur mise à disposition ou à leur détachement, lorsque cette nomination n’est pas conditionnée à l’accomplissement d’une période de formation ou de stage préalable. »

II. – Après l’article L. 951-2 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 951-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 951-2-1. – Les enseignants-chercheurs relevant du présent titre et les membres des corps d’ingénieurs et de personnels techniques de recherche et de formation, détachés ou mis à disposition auprès d’administrations, de collectivités territoriales, d’organismes ou d’établissements pour y exercer des fonctions concourant aux missions définies à l’article L. 123-3, d’organisations internationales intergouvernementales ou d’institutions ou d’organes de l’Union européenne, peuvent bénéficier d’une nomination dans un autre corps à la suite de la réussite à un concours ou examen professionnel ou au titre d’une promotion au choix, sans qu’il soit mis fin à leur mise à disposition ou à leur détachement lorsque cette nomination n’est pas conditionnée à l’accomplissement d’une période de formation ou de stage préalable. » – (Adopté.)

Article&#160;8
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Article&#160;10&#160;A&#160;(nouveau)

Article 9

L’article L. 952-10 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° (nouveau) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « jusqu’au 31 août suivant la date à laquelle ils atteignent l’âge de soixante-huit ans » sont remplacés par les mots : « pour une durée de trois ans » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Si cette durée s’achève en cours d’année universitaire, ils sont maintenus en activité, en surnombre, jusqu’au 31 août suivant. » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’ils sont, à la date à laquelle ils atteignent la limite d’âge qui leur est applicable, responsables d’un projet lauréat d’un appel à projets inscrit sur une liste fixée par décret, les professeurs de l’enseignement supérieur, les directeurs de recherche, les maîtres de conférences, les chargés de recherche et les personnels titulaires de l’enseignement supérieur assimilés aux maîtres de conférences et aux professeurs d’université pour les élections à l’instance nationale mentionnée à l’article L. 952-6 peuvent être maintenus en activité au-delà de cette date jusqu’à l’achèvement du projet de recherche et de développement technologique pour lequel ils ont été lauréats, et pour une durée de cinq ans au plus.

« Cette autorisation est donnée par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur pour les professeurs de l’enseignement supérieur, les maîtres de conférences et les personnels titulaires de l’enseignement supérieur assimilés mentionnés à l’alinéa précédent et par décision du chef d’établissement pour les directeurs de recherche et les chargés de recherche. L’autorisation fixe la durée du maintien dans les fonctions. Elle peut être révoquée dans l’intérêt du service. »

M. le président. L’amendement n° 228, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « reste fixée à soixante-dix » sont remplacés par les mots : « est fixée à soixante-treize » ;

II. – Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

…. – L’article L. 952-11 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au début, sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« L’éméritat est le titre qui permet à un professeur des universités admis à la retraite de continuer à apporter un concours aux missions prévues à l’article L. 123-3.

« L’exercice de ce concours intervient à titre accessoire et gracieux. Les professeurs émérites ne peuvent être électeurs et éligibles aux élections de l’établissement, et ne peuvent ni être soumis à aucun lien de subordination, ni assumer aucune fonction de direction, ni disposer d’aucune autorité, ni délégation de gestion sur les moyens humains, matériels et financiers de l’établissement.

« Les conditions de la présence du professeur émérite au sein de l’établissement sont fixées par une convention de collaborateur bénévole.

« Les professeurs émérites sont assimilés aux fonctionnaires et agents publics pour l’application des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; ils sont notamment soumis aux dispositions des articles L. 113-9 et L. 611-7 du même code pour les logiciels et inventions à la création ou à la découverte desquels ils ont contribué dans le cadre de leur éméritat. » ;

b) À la dernière phrase du premier alinéa, le mot : « alinéa » est remplacé par le mot : « article ».

…. – L’article L. 422-2 du code de la recherche est ainsi rédigé :

« Art. L. 422-2. – L’éméritat est le titre qui permet à un directeur de recherche admis à la retraite de continuer à apporter un concours aux missions prévues à l’article L. 411-1.

« L’exercice de ce concours est à titre accessoire et gracieux. Les directeurs de recherche émérites ne peuvent être électeurs et éligibles aux élections des conseils et instances des établissements, ils ne peuvent ni être soumis à aucun lien de subordination, ni assumer aucune fonction de direction, ni disposer d’aucune autorité, ni délégation de gestion sur les moyens humains, matériels et financiers de l’établissement.

« Les conditions de la présence du directeur de recherche émérite au sein de l’établissement sont fixées dans une convention de collaborateur bénévole.

« Les directeurs de recherche émérites sont assimilés aux fonctionnaires et agents publics pour l’application des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; ils sont notamment soumis aux dispositions des articles L. 113-9 et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle pour les logiciels et inventions à la création ou la découverte desquels ils ont contribué dans le cadre de leur éméritat.

« La durée de l’éméritat et les droits attachés au titre sont fixés par décret en Conseil d’État. »

…. – Au dernier alinéa de l’article 1er de la loi n° 75-1280 du 30 décembre 1975 relative à la limite d’âge des fonctionnaires de l’État, les mots : « reste fixée à soixante-dix » sont remplacés par les mots : « est fixée à soixante-treize ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’âge de départ à la retraite des professeurs du Collège de France a toujours fait l’objet de dispositions spécifiques.

En l’espèce, il s’agit de repousser cette limite d’âge de départ à 73 ans, afin de permettre à ces professeurs de conserver l’écart avec les professeurs des universités. Traditionnellement fixé à cinq ans, celui-ci a été réduit à trois ans en 2010, voire à deux ans, compte tenu du maintien en activité en surnombre d’un an dont certains professeurs peuvent bénéficier.

Le rétablissement de ce différentiel de cinq ans, au moins, avec les professeurs des universités permettra de prendre de nouveau en compte les spécificités des missions du Collège de France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Cet amendement vise à reporter à 73 ans l’âge limite de départ à la retraite des professeurs du Collège de France, actuellement fixé à 70 ans.

Cette disposition concerne un nombre très limité d’enseignants – moins de 50 –, les plus éminents dans leur spécialité, dont l’aura est internationale. En plus d’une recherche de haut niveau, ces derniers assurent, depuis 1530, la diffusion de la culture scientifique auprès d’un large public, récemment par le biais de podcasts très populaires.

En conséquence, ce report de l’âge de départ à la retraite, permettant de conserver le différentiel de cinq ans avec les professeurs d’université qui existait jusqu’en 2010, paraît justifié. L’avis de la commission est favorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je défendrai également l’amendement n° 95, ce qui nous fera gagner un peu de temps.

Pour ma part – je vais vous surprendre, mes chers collègues – je suis très favorable à ce dispositif… comme je suis favorable au statut de sénateur à vie ! (Sourires.) Les élections sont un moment pénible et reviennent trop souvent – tous les six ans, c’est trop ! Par conséquent, le fait que les professeurs du Collège de France deviennent, en quelque sorte, des professeurs perpétuels me paraît aller dans le bon sens, celui de la démocratie et du rapprochement avec la population.

Soyons sérieux ! Vous le comprendrez bien, il me semble très difficile de légiférer pour permettre la continuation de la carrière de quelques-uns de mes collègues du Collège de France, même si j’adore cette institution !

En outre, je reviens à la métaphore politique. Nous savons très bien, en tant qu’acteurs du domaine politique, que les transitions non préparées dans le cadre d’un mandat électif sont en général catastrophiques et se passent très mal. La meilleure chose que nous pourrions proposer, en connaissance de cause, aux professeurs du Collège de France, c’est de préparer leur succession ! Le report indéfini de l’âge de la retraite, comme pour les élus, n’est pas une bonne chose : cela finit toujours mal !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 228.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 229, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Après les mots : « d’âge », sont insérés les mots : « ou à l’issue des reculs de limite d’âge fixés par la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté » ;

II. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

de trois ans

par les mots :

d’un an

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. La rédaction actuelle de l’article 9 découle de l’adoption, en commission du Sénat, d’un amendement ayant pour objet de maintenir le bénéfice du surnombre d’une durée d’un an pour tous les professeurs de l’enseignement supérieur, qu’ils bénéficient, ou non, d’un recul de limite d’âge pour motif familial. Ce surnombre permet aux professeurs d’être maintenus en activité après la limite d’âge et de continuer à acquérir des droits à pension.

Le présent amendement du Gouvernement vise à rétablir une durée homogène d’un an de surnombre pour tous les professeurs de l’enseignement supérieur : il est prévu que ce surnombre prendra effet à la limite d’âge ou à l’issue d’éventuels reculs de limite d’âge.

M. le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

de trois ans

par les mots :

d’un an

II. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

de cinq ans

par les mots :

d’un an

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Conformément à l’article L. 952–10 du code de l’éducation, les professeurs des universités ont une carrière longue : ils peuvent partir à la retraite à 67 ans, cette limite pouvant être prorogée jusqu’au 31 août de l’année où ils atteignent 68 ans.

L’adoption d’un amendement en commission a fait passer cet âge limite à 70 ans, alignant ainsi toute carrière de professeur sur celle des professeurs du Collège de France, et ce sans motif justifiant ce recul d’âge de départ.

Par ailleurs, le présent projet de loi prolonge potentiellement de cinq ans la carrière des professeurs responsables d’un projet lauréat. Ceux-ci pourraient ne faire valoir leurs droits à la retraite qu’à l’âge de 72 ans.

On s’interrogera sur la notion même d’équipe portant un tel projet et sur la nécessité d’une transmission et d’une passation de pouvoir à un autre membre de l’équipe, lesquelles ne nécessitent assurément pas une durée de cinq ans pour qui est déjà associé à des travaux !

Notre amendement tend ainsi à reculer au maximum d’un an la date de départ à la retraite, indépendamment du motif de retard de ce départ. Ce faisant, nous reviendrions sur le recul à 70 ans de la limite d’âge, sans motif, pour le départ à la retraite des professeurs et maintiendrions la limite actuelle de 68 ans, y compris pour les lauréats de projet, qui, en un an, auront amplement le temps de transmettre le flambeau et de former leur équipe si nécessaire.

M. le président. L’amendement n° 95, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

peuvent être maintenus en activité au-delà de cette date jusqu’à l’achèvement du projet de recherche et de développement technologique pour lequel ils ont été lauréats et pour une durée de cinq ans au plus

par les mots :

doivent désigner un collaborateur pour leur succéder dans la direction du projet. Ils ou elles sont éligibles de droit pour l’obtention de l’éméritat jusqu’à l’échéance du projet financé

Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. L’amendement n° 229 du Gouvernement apporte des précisions utiles à une disposition adoptée par la commission. Celle-ci émet un avis favorable.

S’agissant de l’amendement n° 46 rectifié, si son I corrige à juste titre une erreur matérielle, l’amendement n° 229 y procède également, tout en apportant une amélioration supplémentaire. La demande est donc satisfaite.

Quant au II, les projets ayant été retenus à l’issue d’appels d’offres internationaux se déroulent parfois sur plusieurs années. La durée de cinq ans a par conséquent été choisie à dessein, afin de ne pas remettre en cause le bon déroulement de ces projets lauréats.

Pour ces deux raisons, l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 46 rectifié.

Enfin, le report possible de la limite d’âge prévu à l’article 9 vise à ce que les financements attribués de manière individuelle au lauréat d’un appel à projets puissent continuer à être versés, même dans le cas où celui-ci aurait atteint cette limite. Il s’agit d’un cas très circonscrit, qui doit seulement permettre que la conduite des projets concernés ne soit pas remise en cause. L’avis de la commission est donc défavorable sur l’amendement n° 95.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. J’émets aussi deux avis défavorables sur les amendements nos 46 rectifié et 95.

Je tiens à confirmer les propos de Mme la rapporteure. Être titulaire d’un programme du Conseil européen de la recherche, dit ERC, c’est l’être à titre personnel, avec une portabilité. Ce qui se passe actuellement, c’est que les chercheurs concernés gardent leurs droits ainsi acquis et partent s’installer dans un autre pays européen.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 229.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 46 rectifié n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 95.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et M. Lagourgue, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur

par les mots :

après avis de la commission de la recherche mentionnée à l’article L. 712-5 réunie en formation restreinte

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement a pour objet de préciser la procédure d’autorisation à rester en fonction au-delà de la limite d’âge pour continuer d’exercer la responsabilité d’un projet lauréat d’un appel à projets, à l’instar de la procédure d’attribution de l’éméritat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette procédure de maintien en fonction étant exceptionnelle, elle doit être autorisée par un acte réglementaire de niveau ministériel, et non par un simple avis d’une commission interne à l’université. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

TITRE III

CONSOLIDER LES DISPOSITIFS DE FINANCEMENT ET D’ORGANISATION DE LA RECHERCHE

Article 9
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel après l'article 10 A - Amendements n° 231 et n° 108 rectifié

Article 10 A (nouveau)

L’article L. 952-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont tenus de respecter les principes et les règles de l’intégrité scientifique. » – (Adopté.)

Article&#160;10&#160;A&#160;(nouveau)
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Article 10

Article additionnel après l’article 10 A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 231, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 10 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la recherche est ainsi modifié :

1° L’article L. 111-6 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche sont arrêtées par le ministre chargé de la recherche, après avoir consulté les ministres chargés des politiques publiques et des stratégies et plans nationaux impliquant des enjeux de recherche et d’innovation, et après une consultation de la communauté scientifique et universitaire, des partenaires sociaux et économiques et des représentants des associations et fondations reconnues d’utilité publique, et des collectivités territoriales, en particulier les régions. Certaines de ces orientations prioritaires font l’objet de programmes prioritaires de recherche mis en œuvre dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir, sur proposition conjointe du ministre chargé de la recherche et des ministres concernés. Le ministre chargé de la recherche veille à la cohérence de ces orientations et programmes prioritaires avec la stratégie de recherche et d’innovation élaborée dans le cadre de l’Union européenne.

« Le ministre chargé de la recherche organise tous les cinq ans une consultation de la société civile sur les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche. » ;

b) La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :

- les mots : « La stratégie nationale de recherche » sont remplacés par les mots : « Les orientations et les programmes prioritaires » ;

- le mot : « sa » est remplacé par le mot : « leur » ;

c) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

- après les mots : « publics de la recherche », sont insérés les mots : « notamment les programmes d’investissement d’avenir » ;

- les mots : « de la stratégie » sont remplacés par les mots : « des orientations prioritaires de la politique » ;

d) Le cinquième alinéa est supprimé ;

2° L’article L. 120-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « Premier ministre » sont remplacés par les mots : « ministre chargé de la recherche » ;

b) Les deuxième et troisième alinéas sont ainsi rédigés :

« Le Conseil stratégique de la recherche peut être consulté par le ministre chargé de la recherche sur toute question concernant les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche. En particulier, il conseille le ministre pour l’organisation et la mise en œuvre de la consultation de la société civile sur les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche prévue à l’article L. 111-6 du présent code. Il propose des actions visant à renforcer la place de la science dans la société.

« Le Conseil stratégique de la recherche est présidé par le ministre chargé de la recherche. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’élaboration de la stratégie nationale de recherche en 2014 a permis une consultation large et une expression claire des grands enjeux, mais sans dégager de réelles priorités nationales qui puissent se traduire dans une programmation opérationnelle. De façon récurrente, dans le champ de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, une stratégie nationale aboutit très souvent à un texte dans lequel chaque discipline et chaque thème est évoqué sans réelle différenciation.

Il s’agit donc de remplacer l’objet que constitue la « stratégie nationale de la recherche » par des orientations prioritaires de la politique nationale de recherche, qui seraient mises en œuvre par contractualisation avec les établissements, déploiement de programmes prioritaires de recherche ou programmations de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, et ce tout en conservant le principe d’une consultation de la société civile, une fois tous les cinq ans, sur ces orientations prioritaires.

Par ailleurs, le Conseil stratégique de la recherche ne s’est plus réuni depuis quatre ans. Durant les quelques années au cours desquelles il a fonctionné, on a constaté une réelle difficulté à faire émerger des priorités thématiques claires et différenciées, difficulté liée, notamment, au nombre élevé de ses membres – il en compte 26 –, qui ont eu une large tendance à se considérer principalement comme des défenseurs de leur domaine.

Il s’agit par conséquent de placer le Conseil stratégique de la recherche auprès non pas du Premier ministre, mais du ministre chargé de la recherche et de permettre à ce dernier de le consulter directement sur toute question concernant les orientations prioritaires. C’est également le Conseil stratégique de la recherche qui conseillera ledit ministre pour l’organisation et la mise en œuvre de la consultation de la société civile sur les orientations prioritaires de la politique de la recherche. Sa composition sera réduite à dix membres : le ministre, six scientifiques, un député, un sénateur et un représentant de Régions de France.

M. le président. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 10 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du premier alinéa de l’article L. 111-6 du code de la recherche est ainsi modifiée :

1° Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;

2° Les mots : « en concertation avec la société civile » sont remplacés par les mots : « et sur proposition du conseil stratégique de la recherche ».

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Nous nous trouvons au cœur d’un problème qui montre bien les limites de votre stratégie, madame la ministre.

Il est indiqué dans l’objet de votre amendement que la stratégie nationale de recherche n’a pas permis d’élaborer de réelles priorités nationales. Comment le pourrait-elle quand la majorité des financements transitent par une agence de moyens ? L’ANR ne définit pas de priorités, ou elle en définit peu, lorsqu’elle élabore des appels à projets et les chercheurs, lorsqu’ils lui soumettent des projets, ne le font pas en fonction de la stratégie nationale de recherche.

Du fait d’un recours systématique et croissant aux appels à projets – il est encore développé dans le cadre de ce projet de loi –, l’État se prive de tout l’intérêt d’une programmation scientifique. C’est là un problème structurel.

Vous êtes donc face à une alternative : conserver le système que nous connaissons depuis le début de la Ve République – l’État choisit des programmes scientifiques forts et leur accorde les moyens nécessaires pour permettre aux chercheurs de travailler – ou opter pour une agence de moyens – mais, dans ces conditions, l’État perd toute possibilité de programmation. Entre les deux, la voie médiane est très difficile à trouver.

De surcroît, je regrette vivement que, au sujet de ce projet de loi de programmation de la recherche, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) n’ait jamais été consulté. Pour tous les textes équivalents, son avis avait été recueilli systématiquement : en tant que membre de l’Opecst, je ne me souviens pas d’avoir débattu du présent texte et encore moins de la stratégie nationale dont il s’agit. Pourtant, cet organe interparlementaire aurait certainement eu des choses à dire.

Madame la ministre, avec cette réforme, c’est toute la collégialité qui disparaît au profit d’un système extrêmement vertical : désormais, le Premier ministre choisira à peu près à sa guise les personnes qu’il consultera.

Enfin, je ne sais pas ce qu’est la « société civile ». Je connais la société ; je comprends le sens du mot « civil » ; je vois aussi ce qu’est la société ecclésiastique, même si je n’y appartiens pas. Au demeurant, je n’ai pas non plus le sentiment d’appartenir à la société civile.

Il serait bon de préciser qui sera consulté au nom de la société civile. En première analyse, il serait également bon d’entendre les chercheurs et la représentation nationale !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Avec l’amendement n° 231, le Gouvernement propose une réforme structurante de la stratégie nationale de recherche, laquelle n’a pas eu, jusqu’à présent, les effets escomptés.

Le ministre ne se contenterait pas de coordonner cette stratégie : il arrêterait des orientations prioritaires après une large consultation des acteurs concernés. À cette fin, il bénéficierait de l’expertise du Conseil stratégique de la recherche, le CSR. Cette instance, qui compterait dix membres contre vingt-six actuellement, serait désormais placée sous son autorité.

Monsieur Ouzoulias, si le Gouvernement n’avait pas déposé son amendement, lequel nous est parvenu tardivement, j’aurais volontiers accédé à votre demande, qui me paraît très intéressante. Mais, à présent, je suis conduite à donner un avis favorable à l’amendement n° 231, qui vise à mener une refonte plus globale de cette stratégie.

En conséquence, je vous demande de retirer l’amendement n° 108 rectifié – même si ce n’est sans doute pas ce que vous ferez. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 108 rectifié ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme Mme la rapporteure, je demande le retrait de cet amendement.

Monsieur Ouzoulias, nous avons effectivement voulu une refonte complète du système. J’entends bien ce que vous dites ; mais, depuis trois ans, nous lançons des programmes prioritaires de recherche dans le cadre de grandes stratégies nationales. Il serait intéressant d’intensifier ce travail grâce à un CSR renouvelé.

J’ajoute que la consultation de l’Opecst me paraît un peu compliquée, eu égard à la séparation des pouvoirs. (M. Pierre Ouzoulias manifeste son étonnement.) Cela étant, j’aurais pu répondre à l’invitation de cet office, s’il avait sollicité ma venue. Enfin, j’ai communiqué le texte du Gouvernement au président de l’Opecst, à titre personnel, ne doutant pas qu’il en discuterait avec les autres membres de cette instance.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je tiens à revenir un instant sur la crise pandémique actuelle. La commission de la culture vous l’a indiqué, y compris par écrit : à aucun moment vous n’avez eu recours aux services du Conseil stratégique de la recherche pour faire face à la pandémie, en particulier pour mettre en place une stratégie de riposte scientifique ! (Mmes Marie Mercier et Sophie Primas applaudissent.)

Vous nous dites aujourd’hui que cet organe est inutile et qu’il faut le réformer. S’il est inutile, c’est parce que le Président de la République – il s’agit encore d’une décision prise par lui, et par lui seul – a décidé de créer, à côté du Conseil stratégique de la recherche, instance définie par la loi, ses propres comités scientifiques.

Mme Marie Mercier. Tout à fait !

M. Pierre Ouzoulias. À cette fin, il a créé deux organes, dont il a défini lui-même la composition et l’organisation. D’ailleurs, personne n’a compris à quoi l’un des deux servait, pas même les chercheurs qui en sont membres !

Il faut que cela cesse : quand de telles crises surviennent, on ne peut pas bricoler dans l’urgence des solutions qui sortent complètement de la loi. (M. Éric Kerrouche opine.) C’est un défaut majeur de votre gouvernement : vous ne prenez jamais le temps de consulter la représentation nationale et d’agir dans le cadre des lois. Vous préférez systématiquement réunir des commissions ad hoc, dont vous définissez vous-mêmes la composition et les attributions.

De telles méthodes posent un grave problème démocratique, qu’il s’agisse de la « société civile » en général, pour utiliser vos termes, ou encore de la recherche. On ne peut pas procéder ainsi : les cadres légaux doivent être respectés par tout le monde ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Je regrette sincèrement que le Gouvernement propose une réforme si structurante au détour d’un amendement. Nous aurions tous souhaité consacrer un débat de fond à ces différentes orientations. C’est dommage, car il s’agit de modifications importantes pour la recherche de demain !

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Nous sommes face à un condensé de tout ce qui peut irriter le Sénat : il s’agit d’un amendement déposé tardivement, alors que ses dispositions sont structurantes. (Mme la rapporteure acquiesce.) Une fois de plus, la Haute Assemblée est piétinée ! On a négligé de la consulter. En parallèle, on suit l’air du temps en parlant de « société civile ». À cet égard, je rejoins tout à fait Pierre Ouzoulias.

Madame la ministre, pour avoir été universitaire, vous êtes, vous aussi, la société civile. (Mme la ministre proteste.) À côté de nos mandats électifs, nous avons tous exercé telle ou telle activité : nous sommes donc également la société civile.

Cette manière d’opposer la société civile au politique, au Parlement, est au fond assez détestable. Elle est tout à fait révélatrice de la manière de faire de ce gouvernement, qui, malheureusement, est aussi celle du chef de l’État.

Pour toutes ces raisons, je m’associe pleinement aux propos de Pierre Ouzoulias ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Même avec les meilleures raisons du monde, on ne peut pas mener une réforme si structurante au détour d’un amendement.

J’entends l’avis favorable donné par Mme la rapporteure, au nom de la commission. Néanmoins, ne serait-ce que pour des questions de méthode, nous devons refuser cet amendement : il faut faire comprendre au Gouvernement que, normalement, la loi procède de la discussion. Elle ne peut pas se contenter de traduire une visée unique, à savoir la sienne !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sur ce sujet, nous sommes nombreux dans cette assemblée à considérer, au premier chef, que la méthode est inacceptable.

Mes chers collègues, si le Gouvernement a déposé un tel amendement au dernier moment, c’est manifestement parce que les consultations préalables ont été insuffisantes.

Il avance que les membres de ce conseil étaient trop nombreux et que chacun, en son sein, défendait sa boutique. Mais en quoi le fait de réduire leur nombre résoudrait-il le problème d’une éventuelle partialité ?

Plus structurellement, le débat relatif à la société civile revient régulièrement. Rappelez-vous de la discussion que nous avons consacrée au Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Si l’on invoque la société civile, c’est en fait pour contourner les corps organisés de la société et imposer, ce faisant, une démocratie d’opinion. (M. Pierre Ouzoulias acquiesce.)

De manière générale, les démocraties d’opinion ne sont jamais des démocraties très solides et très fiables. Mais s’il y a bien un domaine où l’on doit éviter cet écueil, c’est précisément le monde de la science et de la recherche !

Ce domaine exige des corps organisés. Ensuite, les choix stratégiques donnent lieu à des confrontations : c’est le rôle des politiques. Mais ce n’est pas par une pseudo-consultation de la société civile que l’on résoudra ces problèmes.

L’amendement du Gouvernement me paraît donc inacceptable !

M. Max Brisson. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, si le Conseil stratégique de la recherche n’a pas pu être consulté face à la crise que nous connaissons, c’est parce que nous avions besoin de réunir des personnalités à même d’analyser un ensemble de questions très spécifiques. (Mme Marie Mercier lève les bras au ciel.)

Certes, nous devons disposer d’instances nous permettant de nous projeter dans le temps long. Mais, quand c’est nécessaire, le politique doit pouvoir s’appuyer sur des avis scientifiques ciblés ; il faut se garder des visions binaires.

Quant aux termes « société civile », ils désignent l’ensemble des acteurs qui s’intéressent au monde de la recherche. Bien sûr, lorsque nous avons élaboré la stratégie nationale de recherche, la SNR, les différents lieux où la consultation se menait, en particulier les assemblées générales, regroupaient une majorité d’enseignants-chercheurs et de personnels de la recherche. Néanmoins, un certain nombre d’associations s’intéressant à ces sujets étaient également représentées.

C’est ce que recouvrent les termes « société civile » ; mais – je n’en doute pas –, si cette rédaction vous pose problème, nous pourrons l’améliorer au cours de la navette.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je tiens à le dire en mon nom personnel, j’ai été extrêmement sensible aux arguments développés par les orateurs successifs, n’en déplaise à Mme la rapporteure.

Je ne voterai pas l’amendement du Gouvernement. Cher monsieur Ouzoulias, je ne voterai pas le vôtre non plus, pardonnez-moi !

Les dysfonctionnements dont les Français sont aujourd’hui victimes doivent cesser. Voilà pourquoi nous devons exprimer au Gouvernement notre volonté de restaurer, dans les instances dont il s’agit, un véritable esprit démocratique. De même qu’il faut respecter le Parlement, il faut respecter les conseils existants : on ne peut pas décréter qu’ils ne servent à rien, pour la simple et bonne raison que l’on ne les a pas convoqués, avant de les supprimer d’un trait de plume. De tels raccourcis sont insupportables !

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

M. Julien Bargeton. Mes chers collègues, ce débat me rappelle celui des ordonnances.

Quand on est dans l’opposition, on dénonce la prolifération des ordonnances et des amendements de dernière minute… (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.) Nous devons tous faire preuve d’humilité !

M. Julien Bargeton. On ne sait jamais ce qui peut se produire ; les situations peuvent changer ; les gouvernements peuvent changer aussi. Monsieur Ouzoulias, je ne dirai pas « à Dieu ne plaise », mais « au citoyen ne plaise ».

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est donc cela, le « nouveau monde » ?

M. Julien Bargeton. Toujours est-il que, par le passé, d’autres majorités ont eu recours à de tels amendements du Gouvernement et de telles ordonnances…

Mme Sophie Primas. Pas à ce point, monsieur Bargeton !

M. Olivier Paccaud. Cela n’a rien à voir !

M. Julien Bargeton. Franchement, qui peut prétendre que, dans l’avenir comme par le passé, aucun gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, ne présentera de semblables amendements en séance ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vite, la VIe République !

M. Julien Bargeton. À mon sens, mieux vaut se concentrer sur le contenu de ces dispositions ; c’est d’ailleurs ce que Mme la rapporteure nous invite à faire. (Nouvelles protestations.)

M. Max Brisson. Pas de cette manière !

M. Julien Bargeton. Il s’agit d’un sujet de fond…

Mme Sylvie Robert. Justement !

M. Julien Bargeton. Profitons de cette occasion pour travailler les sujets de stratégie ; au-delà des postures un peu rapides et un peu faciles, regardez ce que contient cet amendement : il s’agit d’une grande avancée.

Qui, dans cet hémicycle, peut certifier que ce type d’amendement ne reviendra plus jamais ? Soyons extrêmement prudents ! J’y insiste, il s’agit d’une avancée importante, sur un sujet qui se trouve au cœur de ce projet de loi, à savoir la stratégie de recherche. Saisissons cette occasion ; ensuite, lors de la commission mixte paritaire, tel ou tel terme, tel ou tel élément pourra encore être modifié.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame le ministre, la difficulté ne porte pas vraiment sur le fond…

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Pour un certain nombre de sénateurs présents, membres, en particulier, de la commission de la culture, ces dispositions présentent même un véritable intérêt.

Il s’agit bien d’une question de forme. Nous avons reçu cet amendement lundi après-midi ou lundi soir ; et nous devons en débattre dans l’hémicycle ce matin, alors qu’hier nous avons à peine eu le temps de l’examiner en commission.

C’est un peu fâcheux qu’un projet de loi de programmation de la recherche omette la stratégie. Or, jusqu’à présent, le présent texte n’en donnait aucune définition, excepté certains éléments figurant dans le rapport annexé.

Cet amendement tend à introduire diverses dispositions qui nous semblent assez fondamentales. Certains s’y opposeront, d’autres y seront favorables. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un amendement riche et détaillé, et nous pouvons difficilement nous prononcer en quelques minutes.

J’entends donc les remarques des uns et des autres. On ne peut pas obliger chacun des sénateurs présents à prendre une position définitive, pour ou contre cet amendement, sans pouvoir l’étudier ou le sous-amender. Mieux vaudrait débattre de cette question en commission mixte paritaire : cette stratégie serait beaucoup plus sage.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’amendement du Gouvernement est retiré, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 231 est retiré.

M. Pierre Ouzoulias. Je maintiens le mien ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 108 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 10 A - Amendements n° 231 et n° 108 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 235

Article 10

I. – Le code de la recherche est ainsi modifié :

1° A L’article L. 111-1 est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Promouvoir et garantir l’intégrité scientifique dans la recherche. » ;

1° Le chapitre II du titre Ier du livre Ier est complété par un article L. 112-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-6. – Un décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche fixe la liste des établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche. » ;

2° L’intitulé du chapitre IV du même titre Ier est ainsi rédigé : « Évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » ;

2° bis Au second alinéa de l’article L. 114-1, après la première occurrence du mot : « scientifique », sont insérés les mots : « , la conformité avec les règles et les valeurs de l’intégrité scientifique » ;

3° L’article L. 114-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 114-2. – Les organismes publics de recherche et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel font l’objet de procédures d’évaluation périodique, qui portent sur l’ensemble des missions mentionnées respectivement à l’article L. 112-1 du présent code et à l’article L. 123-3 du code de l’éducation.

« Ces évaluations sont rendues publiques dans les conditions prévues à l’article L. 114-1-1 du présent code. » ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 114-3, la seconde occurrence du mot : « appréciation » est remplacée par le mot : « évaluation » ;

5° L’article L. 114-3-1 est ainsi modifié :

aa) Au premier alinéa, le mot : « administrative » est remplacé par le mot : « publique » ;

ab) Après le même premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par ses rapports d’évaluation, le Haut Conseil émet, à l’attention des acteurs publics, de leurs partenaires et des publics intéressés, des appréciations motivées sur la qualité des résultats obtenus par les établissements et les structures évalués. Ces appréciations précisent leurs points forts et faibles, et s’accompagnent de recommandations. Les rapports d’évaluation fournissent notamment des avis destinés à aider, d’une part, les établissements contribuant au service public de l’enseignement supérieur et au service public de la recherche pour l’élaboration et la mise en œuvre de leur politique d’établissement et pour l’allocation des moyens à leurs composantes internes, et, d’autre part, l’État pour la préparation des contrats pluriannuels définis à l’article L. 311-2 du code de la recherche et à l’article L. 711-1 du code de l’éducation et pour l’allocation des moyens aux établissements.

« Il produit des analyses, des synthèses et des indicateurs qui lui permettent de contribuer à la réflexion stratégique des acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques publiques.

« Il contribue à la définition d’une politique nationale de l’intégrité scientifique et favorise l’harmonisation et la mutualisation des pratiques des établissements d’enseignement supérieur et de recherche dans ce domaine. » ;

ac) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Pour l’exercice de ses missions, le Haut Conseil s’inspire des meilleures pratiques internationales. Il fonde son action sur les principes d’objectivité, de transparence et d’égalité de traitement entre les structures examinées. Le choix des experts chargés des évaluations est guidé par les principes de neutralité et d’équilibre dans la représentation des thématiques et des opinions et de l’absence de conflit d’intérêts. Les établissements et les structures évalués sont mis en mesure de présenter, à leur demande, des observations tout au long et à l’issue de la procédure d’évaluation. » ;

ad) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il conduit directement les évaluations ou, le cas échéant, valide les procédures d’évaluation mises en œuvre par d’autres instances. » ;

a) Au 1°, les mots : « définis à l’article L. 718-3 du code de l’éducation, » sont supprimés ;

a bis) Le premier alinéa du 2° est ainsi rédigé :

« 2° D’évaluer les structures de recherche à la demande de l’établissement dont elles relèvent, en l’absence de validation de ses procédures d’évaluation ou en l’absence de décision de l’établissement dont relèvent ces structures de recourir à une autre instance. Lorsque l’établissement décide de recourir à une autre instance, le Haut Conseil valide au préalable les procédures d’évaluation de cette instance. » ;

a ter) Le second alinéa du même 2° est ainsi modifié :

– à la première phrase, le mot : « unité » est remplacé par le mot : « structure » ;

– à la dernière phrase, les mots : « l’unité » sont remplacés par les mots : « la structure » ;

a quater) Le premier alinéa du 3° est ainsi rédigé :

« 3° D’évaluer les offres de formation des établissements d’enseignement supérieur ou, le cas échéant, de valider les procédures d’évaluation réalisées par d’autres instances. » ;

a quinquies A) La première phrase du second alinéa du même 3° est ainsi rédigée : « Lorsque les établissements font l’objet d’une demande d’accréditation prévue à l’article L. 613-1 du code de l’éducation, l’évaluation des offres de formation concernées est préalable à l’accréditation ou à sa reconduction. »

a quinquies BA) (nouveau) À la deuxième phrase du second alinéa du même 3°, les mots : « de la conformité de la formation au cadre national des formations et » sont supprimés ;

a quinquies B) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis D’évaluer les grandes infrastructures de recherche nationales, les programmes d’investissement ainsi que les structures de droit privé recevant des fonds publics destinés à la recherche ou à l’enseignement supérieur ; »

a quinquies) Après le mot : « industrielle », la fin du 5° est ainsi rédigée : « au sein des établissements, des structures de recherche et des formations évaluées ; »

b) Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° De promouvoir l’intégrité scientifique et de veiller à sa prise en compte dans les évaluations qu’il conduit ou dont il valide les procédures ; »

c) Après le même 6°, sont insérés un 7° et trois alinéas ainsi rédigés :

« 7° D’évaluer la mise en œuvre des mesures visant à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans les établissements contribuant au service public de l’enseignement supérieur et au service public de la recherche.

« Le Haut Conseil répond aux besoins d’évaluation énoncés par les ministres compétents en matière d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation.

« Il peut aussi évaluer, à la demande des autorités compétentes, les activités de recherche d’autres établissements mentionnés à l’article L. 112-6 du présent code dont les statuts prévoient une mission de recherche.

« Il assure, dans des conditions fixées par décret, une coordination et une mise en cohérence de l’action des instances d’évaluation nationales dans les domaines de la recherche et de l’enseignement supérieur, à l’exception des instances chargées de l’évaluation des personnels, dans le respect des caractéristiques particulières des missions exercées par ces instances nationales. » ;

d) Au dernier alinéa, le mot : « unités » est remplacé par le mot : « structures » ;

6° Le dernier alinéa de l’article L. 114-3-2 est supprimé ;

7° Le II de l’article L. 114-3-3 est ainsi modifié :

aa) (Supprimé)

ab) À la première phrase du troisième alinéa, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;

a) Le 1° est ainsi modifié :

– au début, le mot : « Neuf » est remplacé par le mot : « Sept » ;

– les mots : « dont au moins l’un d’entre eux a été autorisé à participer à la création d’une entreprise en application des articles L. 531-1, L. 531-2, L. 531-4, L. 531-5, L. 531-12, L. 531-14, L. 531-15 et L. 531-16, » sont supprimés ;

a bis) Au début du 2°, le mot : « Huit » est remplacé par le mot : « Six » ;

a ter) Au début du 4°, le mot : « Neuf » est remplacé par le mot : « Sept » ;

b) Après le 5°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Parmi les membres ayant la qualité de chercheur, d’ingénieur ou d’enseignant-chercheur nommés au titre des 1° ou 2° figure au moins un membre ayant bénéficié de l’une des autorisations prévues au chapitre Ier du titre III du livre V du présent code. » ;

8° L’article L. 311-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 311-2. – Tout établissement public de recherche conclut avec l’État un contrat pluriannuel qui définit, pour l’ensemble de ses activités, les objectifs de l’établissement ainsi que les engagements réciproques des parties. Le contrat prévoit notamment les objectifs de l’établissement relatifs à ses coopérations avec les établissements publics d’enseignement supérieur et à l’inscription de ses activités dans les sites universitaires.

« Les établissements rendent compte de l’exécution de leurs engagements et de l’atteinte des objectifs prévus dans le contrat au moins une fois tous les deux ans.

« L’exécution du contrat fait l’objet d’une évaluation. L’État tient compte des résultats de l’évaluation pour déterminer les engagements financiers qu’il prend, le cas échéant, envers l’établissement dans le cadre du contrat pluriannuel. » ;

9° À la première phrase de l’article L. 114-3-5, le mot : « unités » est remplacé par le mot : « structures » ;

10° Après l’article L. 114-3-5, il est inséré un article L. 114-3-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 114-3-5-1. – Le rapport d’activité du Haut Conseil, établi au titre des dispositions de l’article 21 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, inclut une synthèse annuelle de l’ensemble des données fournies par les établissements d’enseignement supérieur dans le rapport prévu au 10° de l’article L. 712-2 du code de l’éducation. » ;

11° Au début de l’article L. 211-1, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’intégrité scientifique désigne l’ensemble des règles et des valeurs qui garantissent le caractère honnête et scientifiquement rigoureux de l’activité de recherche, et plus largement de l’exercice de l’ensemble des missions du service public de la recherche mentionnées à l’article L. 112-1 du présent code.

« Les travaux de recherche publique doivent être conformes aux prescriptions en matière d’intégrité scientifique définies par les établissements et structures contribuant au service public de la recherche ou au service public de l’enseignement supérieur ou, à défaut, selon les recommandations du code de conduite européen pour l’intégrité en recherche dans sa version de 2017 ou ses versions ultérieures. »

II. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 242-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 242-1. – L’évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel est assurée en application des articles L. 114-1 à L. 114-3 du code de la recherche. » ;

2° L’article L. 711-1 est ainsi modifié :

a) Les cinquième et sixième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Tout établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel conclut avec l’État un contrat pluriannuel qui définit, pour l’ensemble de ses activités, les objectifs de l’établissement et les engagements réciproques des parties. Le contrat prévoit les objectifs partagés avec les établissements publics de recherche partenaires de l’établissement. S’agissant des composantes médicales de l’université, le contrat prend en compte les éléments figurant dans la convention prévue à l’article L. 713-4 passée avec le centre hospitalier régional.

« Les établissements rendent compte de l’exécution de leurs engagements et de l’atteinte des objectifs prévus dans le contrat au moins une fois tous les deux ans. Ils mettent en place un outil de contrôle de gestion et d’aide à la décision de nature à leur permettre d’assumer l’ensemble de leurs missions, compétences et responsabilités ainsi que d’assurer le suivi des contrats pluriannuels d’établissement.

« L’exécution du contrat fait l’objet d’une évaluation. L’État tient compte des résultats de l’évaluation pour déterminer les engagements financiers qu’il prend, le cas échéant, envers l’établissement dans le cadre du contrat pluriannuel. » ;

b) Le dernier alinéa est supprimé ;

3° L’article L. 718-5 est ainsi modifié :

a) Au début de la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « Les contrats pluriannuels sont préalablement soumis » sont remplacés par les mots : « Le contrat pluriannuel est préalablement soumis » ;

b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes nationaux de recherche partenaires des établissements d’enseignement supérieur sont associés à ces contrats pluriannuels. » ;

c) La première phrase du quatrième alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées : « Le contrat pluriannuel mentionné au premier et au deuxième alinéas inclut un volet territorial associant la ou les régions accueillant le site universitaire concerné, et associant le centre régional des œuvres universitaires et scolaires. Les organismes de recherche partenaires du site universitaire et les autres collectivités territoriales concernées peuvent être associés à ce volet territorial du contrat. Le volet territorial décrit les objectifs et les engagements des parties concernant l’insertion du site universitaire dans l’environnement économique, social et culturel régional et local. » ;

d) Au début de la seconde phrase du même quatrième alinéa, les mots : « Ils prennent » sont remplacés par les mots : « Il prend » ;

e) Le cinquième alinéa est supprimé.

III. – A. – Le 7° du I du présent article est applicable au premier renouvellement du collège du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur suivant la date de publication de la présente loi.

B. – Le aa du 5° du I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022.

Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur succède en tant qu’autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale dans les droits et obligations de l’État au titre des activités du Haut Conseil en tant qu’autorité administrative indépendante. Ces dispositions s’appliquent également aux contrats de travail.

L’ensemble des biens mobiliers de l’État attachés aux services relevant du Haut Conseil sont transférés de plein droit et en pleine propriété au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur en tant qu’autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale.

L’ensemble des opérations liées à ces transferts de droits et obligations ou pouvant intervenir en application de la présente loi sont effectuées à titre gratuit et ne donnent lieu, directement ou indirectement, à aucune perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit.

Les dispositions du b du 3° du II du présent article entrent en vigueur progressivement à partir de l’année 2021. Pour chaque année entre 2021 et 2023, un arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche fixe les nouveaux contrats pluriannuels pour lesquelles ces dispositions s’appliquent. À partir du 1er janvier 2024, ces dispositions s’appliquent pour tout nouveau contrat pluriannuel.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.

Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire quelques mots de ce sujet si important qu’est l’intégrité scientifique.

La pandémie de la covid-19 constitue un véritable paradoxe pour le débat scientifique. Certes, ce dernier se trouve placé sous le feu des projecteurs et permet de sensibiliser avec acuité les citoyens aux questions scientifiques. Mais il n’échappe pas à ces écueils de la médiatisation en continu que sont le débat de postures, l’invective et la réaction à chaud.

Ce format sied particulièrement mal au débat scientifique, qui – on l’a dit – se nourrit du temps long, de la réflexion, des expérimentations menées et de ses conclusions empiriques.

L’ampleur de l’enjeu politique, économique et sociétal que représentent la lutte contre le coronavirus et son corollaire – la découverte d’un vaccin – a également accentué cette tension, cette pression du résultat conduisant à l’affirmation de faits qui n’étaient parfois, en réalité, que des hypothèses.

En ce sens, le déplacement du débat scientifique d’un espace traditionnellement littéraire, par articles et revues interposés, à un espace plus médiatique a substitué au régime de l’hypothèse et de la preuve scientifiques celui de la vérité autoritaire, mais non moins spécieuse. En d’autres termes, la logique même de la science a été perdue de vue par instants. On constate ainsi l’impérieuse nécessité de renforcer l’intégrité scientifique.

Cette problématique – précisons-le d’emblée – ne vise à restreindre ni la liberté d’expression ni les libertés académiques des chercheurs et des enseignants. La science a toujours progressé grâce aux polémiques et aux controverses. Dans une large mesure, elle est même un art de la controverse. C’est d’ailleurs pourquoi les arguments d’autorité sont si peu pertinents dans le champ scientifique.

Néanmoins, le pendant de ces libertés réside précisément dans l’intégrité scientifique, qui est une forme d’exigence à l’égard du monde de la recherche.

En faisant appel aux notions d’impartialité et d’objectivation de la connaissance, cette intégrité participe de ce qu’on pourrait appeler une éthique scientifique. Sans elle, nous basculons de la connaissance vers l’opinion, de la recherche de la vérité vers la clameur du fait erroné.

Or la science n’est pas déconnectée de la société. Au contraire, dans cette période délicate, complexe et sensible, marquée par tant de soubresauts, elle est un repère et un espoir pour nombre de personnes. Mais elle se doit de conserver sa rigueur, caution de sa crédibilité, faute de quoi – on le sait – la confiance que leur portent les citoyens s’érodera ; et alors, elle se verra attaquer plus avant, comme l’ont été toutes les institutions, par la suspicion, la défiance et la post-vérité !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Chère collègue, merci de soulever, dans cet hémicycle, la question si importante de l’intégrité scientifique ; c’est précisément ce débat que je tiens à poursuivre.

Sur la saisine de la commission de la culture du Sénat, l’Opecst a lancé une mission relative à l’intégrité scientifique, dont notre collègue député Pierre Henriet et votre serviteur ont été chargés. Nous devrions remettre notre rapport dans une quinzaine de jours.

Aujourd’hui, la France, comme d’autres pays dans le monde, est victime de méconduites scientifiques. Ces dernières sont devenues d’ordre structurel – Mme Robert l’a dit très justement.

La course à la publication est devenue une véritable fuite en avant. À l’heure actuelle, il est important de publier rapidement, le plus possible, dans des revues de plus en plus visibles ; mais on en oublie la qualité, qui devrait être l’élément essentiel de toute recherche scientifique.

En une année, 2,5 millions d’articles sont publiés dans le monde. On estime qu’environ un tiers d’entre eux ne seront jamais lus, mais ces textes entrent dans les logiques dites « de bibliométrie » : c’est sur des facteurs quantitatifs qu’est fondée l’évaluation des individus et des équipes.

Cette logique est dangereuse : elle aboutit systématiquement à la triche, et nous le savons. Les États-Unis en ont été victimes, comme d’autres pays anglo-saxons ; la France est touchée à son tour. Il faut absolument passer d’une production quantitative, où seul compte le chiffre, à une production et donc une évaluation qualitatives. En d’autres termes, il faut obliger les chercheurs à réduire la masse de leurs publications. La logique actuelle, c’est de l’argent et du temps dépensés en pure perte, sans compter les effets extrêmement néfastes que je viens de rappeler.

Enfin, sans aucun esprit de polémique, je rappellerai les propos du Premier ministre, M. Castex : « Nous assumons qu’il faut que les chercheurs publient, qu’ils aient des résultats à l’appui des moyens que l’on met. Nous allons mettre beaucoup de moyens dans la recherche, il faut que notre production s’en trouve améliorée. » Certes, madame la ministre, mais pas quantitativement : sinon, nous n’y arriverons pas !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je suis d’accord !

M. Pierre Ouzoulias. Il faut donner des instructions pour que nos chercheurs publient moins, mais mieux : ce n’est pas du tout la même chose.

Je reviendrai sur la question des publications : nous sommes dans un cycle infernal, et il est urgent d’en sortir !

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 207 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 9

Remplacer les mots :

des missions mentionnées

par les mots :

des objectifs et des missions mentionnés

III. – Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Un décret en Conseil d’État détermine les règles de confidentialité et de publicité des évaluations, dans le respect des dispositions de l’article L. 114-1-1. » ;

IV. – Alinéa 16

Remplacer les mots :

des analyses, des synthèses et des indicateurs qui lui permettent de contribuer

par les mots :

des rapports qui contribuent

V. – Alinéas 18 à 21

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

ac) Au deuxième alinéa, le mot : « opinions » est remplacé par les mots : « expertises et avis » ;

VI. – Alinéa 24, première phrase

Après chaque occurrence du mot :

structures

insérer les mots :

et unités

VII. – Alinéa 26

Remplacer les mots :

le mot : « structure »

par les mots :

les mots : « structure ou une unité »

VIII. – Alinéa 27

Après le mot :

structure

insérer les mots :

ou l’unité

IX. – Alinéas 28 et 29

Supprimer ces alinéas.

X. – Après l’alinéa 31

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le même second alinéa dudit 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’évaluation des formations et des diplômes tient compte de l’insertion professionnelle des diplômés. » ;

XI. - Alinéa 33

Supprimer les mots :

les programmes d’investissement

XII. - Alinéa 34

1° Après le mot :

structures

insérer les mots :

et unités

2° Remplacer le mot :

évaluées

par le mot :

évalués

XIII. - Alinéa 42

Rédiger ainsi cet alinéa :

d) Le dernier alinéa est supprimé ;

XIV. - Alinéa 45

Rétablir le aa dans la rédaction suivante :

aa) Au deuxième alinéa, après le mot : « président », sont insérés les mots : « du Haut Conseil » ;

XV. - Après l’alinéa 49

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

– les deux occurrences du mot : « trois » sont remplacées par le mot : « deux » ;

XVI. - Alinéa 50

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

a bis) Le 2° est ainsi modifié :

– au début, le mot : « Huit » est remplacé par le mot : « Six » ;

– les deux occurrences du mot : « trois » sont remplacés par le mot : « deux » ;

XVII. - Alinéa 51

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

a ter) Le 4° est ainsi modifié :

– au début, le mot : « Neuf » est remplacé par le mot « Sept » ;

– les deux occurrences du mot : « trois » sont remplacés par le mot : « deux » ;

XVIII. – Alinéas 57 et 71

Supprimer les mots :

, le cas échéant,

XIX. - Alinéa 58

Remplacer les mots :

le mot : « unités » est remplacé »

par les mots :

les mots : « unités de recherche » sont remplacés

XX. - Alinéa 66

Remplacer les mots :

des articles L. 114-1 à L. 114-3

par les mots :

du chapitre IV du titre Ier du livre Ier

XXI. - Alinéa 70, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

XXII. - Alinéa 85

1° Première phrase

a) Au début,

insérer la référence :

C. –

b) Remplacer la référence :

b

par la référence :

c

2° Deuxième phrase

Remplacer le mot :

lesquelles

par le mot :

lesquels

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le texte de l’article 10 a été très nettement enrichi et élargi au cours des débats à l’Assemblée nationale ; plusieurs ajustements de rédaction sont donc utiles pour que ses dispositions, telles qu’elles sont actuellement formulées, soient mises en conformité avec la loi organique. Tel est l’objet de cet amendement.

De plus, je suis totalement en phase avec ce qui vient d’être affirmé au sujet de l’intégrité scientifique. Je le dis et je le maintiens : nous devons sortir d’une évaluation réduite à la bibliographie. C’est précisément pourquoi ce gouvernement soutient la science ouverte. En réalité, rien ne révèle mieux la qualité d’un article que la capacité qu’ont les pairs de s’en saisir.

M. le président. L’amendement n° 100, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 19, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, notamment celles énoncées dans la déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Nous soutenons les chercheurs qui ont rédigé la déclaration internationale de San Francisco, ou manifeste DORA, qui énumère un certain nombre de prescriptions permettant de respecter l’intégrité scientifique.

J’ai bien compris que Mme la rapporteure est opposée à l’introduction de cette déclaration dans la loi ; je comprends très bien pourquoi. Toutefois, il serait bon que le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation puisse conduire une réflexion, afin que des recommandations équivalentes figurent dans la législation !

M. le président. L’amendement n° 101, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 19, deuxième phrase

Après les mots :

de transparence

insérer les mots :

, de débat contradictoire

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement a pour objet le travail d’évaluation mené par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, le Hcéres.

Les enseignants ici présents le comprendront bien : il faut imposer l’idée que, ce qui compte, ce n’est pas de donner une note, mais de mener un débat contradictoire entre l’institution évaluée et le Hcéres, afin que l’évaluation serve aux deux. Il ne s’agit pas d’une évaluation sanction ; à l’inverse, cette procédure doit permettre un échange dédié aux grandes priorités d’un laboratoire.

M. le président. L’amendement n° 189, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéa 19, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dans le respect de la pleine indépendance et de l’entière liberté d’expression des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs consacrées à l’article L. 952-2 du code de l’éducation

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. L’article 10 précise le cadre général d’action du Hcéres. À nos yeux, il est essentiel d’y rappeler l’importance des libertés académiques. Actuellement, elles ne sont mentionnées nulle part dans les textes encadrant cette institution, alors qu’elles devraient faire partie des principes directeurs de son action.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 65 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.

L’amendement n° 128 rectifié bis est présenté par MM. Piednoir et Le Gleut, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Panunzi, Savin, Bouloux et de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin, Grosperrin, Gremillet, Chevrollier et Husson.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 20 et 21

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 29

Après les mots :

formation des établissements d’enseignement supérieur

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, à l’exception des offres de formation dont l’accréditation est soumise à l’avis préalable d’une autre instance. » ;

III. – Alinéa 41

Remplacer les mots :

une coordination et une mise en cohérence

par les mots :

une animation

L’amendement n° 65 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 128 rectifié bis.

M. Stéphane Piednoir. Il s’agit de revenir sur un amendement par lequel l’Assemblée nationale a modifié les dispositions relatives aux accréditations.

Le Hcéres doit évaluer la qualité des formations dispensées par les universités. En revanche, il n’a pas vocation à évaluer la qualité des formations des écoles d’ingénieurs et de commerce. En effet, ces formations sont évaluées, respectivement, par la commission des titres d’ingénieur, la CTI, et par la commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion, la CEFDG.

La CTI, créée en 1934, et la CEFDG, née en 2001, ont la particularité d’être composées à parité de représentants du monde académique et du monde socioéconomique : elles développent ainsi des procédures et des modalités qui leur sont propres. Ces dispositions sont adaptées à la spécificité des écoles de commerce et d’ingénieurs, lesquelles ont bien sûr pour mission de former des ingénieurs et des cadres aux compétences adaptées aux besoins des entreprises françaises.

La qualité de leur travail est saluée à l’échelle internationale : certains établissements de pays francophones comme la Suisse, la Belgique ou divers États d’Afrique du Nord sont ainsi évalués et accrédités, à leur demande, par la CTI. Cette reconnaissance est tout sauf négligeable.

Toutefois, les dispositions d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture portent atteinte à l’indépendance et à l’autonomie de la CTI et de la CEFDG. Ainsi, elles risquent de nuire à la qualité et à la spécificité des formations des écoles de commerce et d’ingénieurs.

Notre amendement tend donc à supprimer ces modifications, afin de préserver l’autonomie et l’indépendance de la CTI et de la CEFDG ; il s’agit, d’une part, de revenir à l’esprit initial du texte du Gouvernement et, d’autre part, de préciser la rédaction de l’article L. 114-3-1 du code de la recherche.

M. le président. L’amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Piednoir et Le Gleut, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Panunzi, Savin et Bouloux, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 20 et 21

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 41

Remplacer les mots :

une coordination et une mise en cohérence

par les mots :

une animation

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Mme la rapporteure a fait savoir en commission qu’elle émettrait un avis défavorable sur cet amendement. Ses dispositions sont moins complètes que celles de l’amendement précédent, que je vais donc privilégier !

Je retire l’amendement n° 129 rectifié, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 129 rectifié est retiré.

L’amendement n° 209, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 45 et 46

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

aa) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « Le président du Haut Conseil est nommé par décret du Président de la République, après appel public à candidatures et examen de ces candidatures par une commission dont les membres sont désignés par le Premier ministre sur proposition des ministres chargés de la recherche et de l’enseignement supérieur. » ;

ab) Au début du troisième alinéa, les mots : « Le collège est composé de trente membres » sont remplacés par les mots : « Outre son président, le collège est composé de vingt-trois membres » ;

ac) Au début du quatrième alinéa, sont ajoutés les mots : « Outre son président, » ;

II. – Alinéa 48

Remplacer le mot :

Sept

par le mot :

Six

III. – Alinéa 80

Après le mot :

supérieur

insérer les mots :

ou de sa présidence

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agit, par cet amendement, de préciser dans la loi la procédure de désignation du président du Hcéres, avec un appel public à candidatures et un examen des candidatures par une commission dont les membres sont désignés par le Premier ministre.

La mise en place de cette procédure me semble répondre à une obligation de transparence, même si les textes ne l’imposaient pas. C’est d’ailleurs ainsi que cela a été fait en 2020.

Les autres modifications proposées sont rédactionnelles.

M. le président. L’amendement n° 191, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 46

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) La première phrase du deuxième alinéa du II est ainsi rédigée : « Le président est élu par les membres du collège, parmi ses membres ayant la qualité de chercheur, d’ingénieur ou d’enseignant-chercheur. » ;

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Je vais rappeler quelques éléments de contexte, mais tout le monde a encore en mémoire ce qui s’est passé la semaine dernière.

Le collège du Hcéres est vacant depuis un an. La semaine passée, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a auditionné M. Thierry Coulhon pour se prononcer sur sa nomination en tant que président, et s’y est opposée à la quasi-unanimité.

D’une part, le président est censé être nommé parmi les membres du collège, alors que celui-ci était vacant, d’autre part, M. Thierry Coulhon était en situation de conflit d’intérêts, puisqu’il était conseiller de l’Élysée. Toute la procédure de sa candidature a été entachée d’un manque total de sérieux et de transparence.

Afin d’éviter qu’un tel scandale ne se reproduise, nous proposons de consacrer la qualité de primus inter pares du président du collège du Hcéres par une disposition qui nous semble logique : son élection par les membres du collège eux-mêmes.

Nous formons également le vœu qu’une telle réforme permette au collège du Hcéres de mieux fonctionner, sous l’autorité d’un président qui jouirait de la confiance et de l’approbation de ses membres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Madame la ministre, nous n’avons reçu la dernière rédaction de votre amendement n° 207 rectifié que ce matin ; or celle-ci tend à modifier de nouveau complètement l’article 10, ce qui nous empêcherait de discuter le reste des amendements. L’avis de la commission est donc défavorable.

Monsieur Ouzoulias, j’aime beaucoup San Francisco, mais, en matière de légistique, les formulations commençant par l’adverbe « notamment » sont à éviter ; en outre, la référence à une simple déclaration ne relève pas de la loi. Même si j’ai toutefois bien entendu vos propos et si je les partage entièrement, l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 100.

En revanche, s’agissant de l’amendement n° 101, le principe du contradictoire, qui permet aux évalués de faire connaître leur point de vue sur leur évaluation, est une condition de la légitimité et de l’acceptabilité de celle-ci ; l’avis de la commission est donc favorable.

J’en viens à l’amendement n° 189. La précision qu’il vise à insérer ne me semble pas nécessaire à cet endroit du texte, étant donné qu’il est proposé de réaffirmer les libertés académiques dans un article spécifique au tout début du projet de loi, ainsi que nous l’avons voté hier. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Sur l’amendement n° 128 rectifié bis, les écoles concernées redoutent en effet une perte d’indépendance de la CTI et de la CEFDG dans la définition de leurs référentiels, qui sont reconnus à l’international.

Dans la pratique, il existe bien une harmonisation et une coordination des procédures d’évaluation entre le Hcéres et ces commissions spécifiques, mais la rédaction actuelle du texte fait craindre une perte de leurs prérogatives. L’avis de la commission est par conséquent favorable.

Monsieur Piednoir, je vous remercie d’avoir retiré l’amendement n° 129 rectifié.

En ce qui concerne l’amendement n° 209, actuellement, ni la Constitution ni le statut général des autorités administratives indépendantes (AAI) ne prévoient une procédure type de désignation dans la loi du président du Hcéres, ainsi que plusieurs collègues l’ont indiqué. Nous savons l’émoi que cela a suscité jusqu’à l’élection de la semaine dernière.

Cet amendement vise donc à élever au niveau législatif la procédure mise en place lors de la dernière nomination du président, soit un appel public à candidatures et un examen de ces candidatures par une commission. Cette initiative semble apporter toutes les garanties, puisqu’elle sera complétée par l’examen rigoureux mené par les commissions au titre de l’article 13 de la Constitution.

Nous émettons donc un avis favorable et j’ai le sentiment de me faire le porte-parole de l’ensemble de mes collègues en indiquant qu’il aurait été bienvenu qu’une telle évolution se produise un peu plus tôt. C’est ainsi, nous disposons maintenant d’un véhicule législatif pour le faire.

Enfin, l’intention des auteurs de l’amendement n° 191 d’inscrire la procédure de désignation dans la loi étant satisfaite par l’amendement n° 209, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. La déclaration de San Francisco est déjà incluse dans le plan national pour la science ouverte, où il est précisé que le Hcéres s’inspire des meilleures pratiques internationales. Cela me semble suffisant. L’amendement n° 100 étant donc satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Il en va de même en ce qui concerne l’amendement n° 101 : la disposition que vous souhaitez modifier, monsieur Ouzoulias, prévoit désormais explicitement que les établissements et les structures concernés peuvent présenter des observations tout au long et à l’issue de la procédure d’évaluation, garantissant un débat contradictoire. Cet amendement étant également satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Le principe de la liberté d’expression est déjà inscrit dans la loi et je ne vois pas l’utilité de dupliquer cette disposition législative. L’avis est, en conséquence, défavorable sur l’amendement n° 189.

S’agissant de l’amendement n° 128 rectifié bis, le Hcéres évalue déjà les écoles d’ingénieurs et les écoles de gestion, notamment celles qui délivrent un diplôme conférant un grade universitaire et qui sont labellisées « établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général » (Eespig).

Il s’agit bien de simplifier : reconnaître la procédure d’évaluation entre les établissements évaluateurs, si je puis dire, permet d’éviter que les écoles ne subissent deux évaluations, parfois assez proches l’une de l’autre. C’est pourquoi le Hcéres coordonne ses évaluations avec la CTI depuis déjà plus de deux ans.

Je tiens à rassurer l’ensemble de la représentation nationale : la mission de la CTI est définie par la loi, dans l’article L. 642-3 du code de l’éducation, et elle n’est nullement remise en cause ; l’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Enfin, par le biais de l’amendement n° 191, il est prévu que le président du Hcéres soit nommé par le Président de la République conformément à l’article 13 de la Constitution. Il me semble que la procédure générale que je propose, par l’amendement n° 209, contient toutes les garanties nécessaires.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 207 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote sur l’amendement n° 101.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, la procédure permettrait aujourd’hui des échanges d’observations. Il ne s’agit donc pas d’un débat contradictoire, qui doit être public et obéir à des règles spécifiques.

Je remercie vivement la commission de son avis favorable. Il me semble qu’il est important que, dans le cadre de l’évaluation, un échange ait lieu entre évalué et évaluateur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 189.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote sur l’amendement n° 209.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement tend à changer l’esprit du Hcéres, ainsi que M. Coulhon l’a confirmé durant son audition : jusqu’à présent, le président du Hcéres était choisi parmi les membres du collège. Or ce que vous nous proposez est totalement différent : une nomination par décret, par le Président de la République, mais pas parmi les pairs du président.

Quand nous l’avons auditionné, M. Coulhon s’était engagé à respecter l’esprit de la collégialité du Hcéres, un élément fondamental, qui participe aussi des libertés académiques. Celles-ci ne correspondent pas seulement à une expression que l’on place à côté des principes de la République ; il s’agit d’un mode de fonctionnement qui repose sur le jugement par les pairs, aux termes duquel la communauté scientifique est considérée comme un bloc homogène qui définit elle-même les règles de son travail et de son évaluation.

Si vous transformiez le Hcéres en nommant directement son président, vous en feriez une agence de notation, ce qui n’a plus rien à voir. Je suis vivement opposé à une telle évolution, qui introduirait une rupture dans ce que représente cet organisme.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 209.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 191 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 208, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

2° bis L’article L. 114-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « recherche », sont insérés par les mots : « et d’enseignement supérieur » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

II. – Alinéa 11

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

4° L’article L. 114-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa

- après le mot : « recherche », sont insérés les mots : « et de l’enseignement supérieur, » ;

- la seconde occurrence du mot : « appréciation » est remplacée par le mot : « évaluation » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « respectent », sont insérés les mots : « le principe de l’évaluation par les pairs de la qualité scientifique de la recherche et de l’enseignement, » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement rédactionnel tend à simplifier et préciser les principes généraux concernant l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 208.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 98, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il favorise l’usage de la langue française comme langue scientifique. » ;

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement vise à favoriser l’usage de la langue française comme langue scientifique. On pourrait croire qu’il s’agit là d’une évidence et que la loi Toubon suffit. Mais, pour ce qui concerne la langue scientifique, on constate que cette loi n’est absolument pas respectée.

J’ai soulevé ce problème devant plusieurs présidents d’opérateurs de recherche : ils m’ont répondu que le combat était perdu et que tout le monde devait publier en anglais. Ils ajoutaient que cette situation était malheureuse pour cette belle langue qu’est le français, mais que c’était ainsi.

Je m’insurge contre cette manière de voir les choses, pour deux raisons.

La première est d’ordre philosophique : à mon sens, une langue n’est pas seulement un vecteur. Une langue, c’est une façon de penser.

Par ailleurs, l’usage systématique de l’anglais recouvre une réalité économique qu’il faut prendre en compte. Aujourd’hui, les revues qui publient l’essentiel des travaux scientifiques sont anglo-saxonnes et jouissent d’un véritable monopole sur toute la publication scientifique. Leurs lecteurs, scientifiques et usagers des bibliothèques, sont captifs et leur taux de rentabilité est supérieur à celui des grandes marques du luxe.

Elles sont donc en train d’accumuler des trésors de guerre et leur emprise dépasse tout doucement la publication scientifique pour aller vers l’évaluation, le signalement.

En tentant de sortir du carcan de l’anglais et des publications scientifiques dans des revues anglo-saxonnes, nous essayons d’ajouter un peu de diversité et de permettre à la France de regagner sa souveraineté scientifique, qu’elle a perdue au profit de revues devenues de grands conglomérats internationaux qui font payer extrêmement cher leurs services.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Tout d’abord, monsieur le sénateur, vous souhaitez favoriser « l’usage de la langue française comme langue scientifique » et vous désirez que le Haut Conseil fasse la promotion de ces publications.

Cet objectif est louable, mais la mission du Hcéres est d’évaluer les établissements dans toutes leurs dimensions. Dans certaines disciplines, il est important de promouvoir la diffusion en langue française, dans d’autres, le partage et la diffusion de l’information se font dans d’autres langues, notamment en anglais. C’est très variable selon les disciplines, mais cela doit évidemment être pris en compte.

C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable. Il me semble important que la communauté scientifique française puisse continuer à s’adresser à la communauté scientifique internationale.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je remercie M. Pierre Ouzoulias de cet amendement, qui est une pétition de principe, comme lorsque nous avons parlé, hier, des libertés académiques. Les pétitions de principe sont utiles, cependant.

La start-up nation n’aime pas le français ! (M. Julien Bargeton proteste.) C’est ainsi, monsieur Bargeton !

Madame la ministre, cet amendement ne prétend en aucune manière qu’il ne serait pas nécessaire de publier en anglais, mais nous pouvons tout de même réaffirmer haut et fort, à l’inverse de ce que dicte une certaine paresse intellectuelle, qu’il est aussi bon de publier en français.

Cette pétition de principe est nécessaire. Oui, il faut aussi favoriser les publications en français et je regrette qu’un membre du Gouvernement ne s’associe pas à cette volonté de la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je voterai en faveur de cet amendement avec plaisir, parce qu’il est très important de parler de la langue française comme d’une langue scientifique et je partage à ce titre l’avis très favorable de notre rapporteure.

Il importe également de retracer l’utilisation des langues, dont la pratique est fondamentale, mais il est vrai que l’anglais devient de plus en plus prépondérant.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Je soutiens également, et avec grand plaisir, cet amendement de Pierre Ouzoulias.

Beaucoup d’éléments ont déjà été apportés au débat, j’y ajoute le mot « francophonie ». La France n’est pas n’importe quel pays au monde ! Du fait de son histoire, elle a un rayonnement international. Ce n’est pas parce que nous ne sommes plus au XVIIIe siècle et que le français n’est plus la langue de la diplomatie et des savants que nous devons baisser pavillon.

Notre très belle langue a une richesse et une finesse que n’a pas la langue anglaise. Comme l’écrit Pierre Ouzoulias dans l’exposé des motifs, le fait de pouvoir publier en langue française permet d’exprimer avec encore plus d’acuité certains faits scientifiques.

Bravo, donc, pour cet amendement, que nous serons très nombreux à soutenir.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Je vais voter cet amendement, tout en étant mitigé sur le sujet, parce que, à mon sens, publier en anglais n’est pas un problème. Il ne faut pas avoir peur de s’adresser au monde et c’est aussi un moyen de faire passer les idées françaises. Je ne crois donc pas à une opposition aussi manichéenne.

Pour autant, les chercheurs français sont structurellement dans une situation plus difficile parce que s’exprimer et publier en anglais représente pour eux un exercice plus compliqué, auquel nous avons dû tous nous adapter. Nous nous trouvons en cela dans une position un peu plus inconfortable que celle de nos collègues pour qui l’anglais est la langue natale. C’est une vraie difficulté.

Cependant, il nous faut admettre que le marché scientifique français est plus limité en volume et que nous n’avons pas su le construire. Notre problème est là : nous avons laissé s’installer des monopoles en anglais, auxquels nous devons nous adapter par défaut, au risque, sinon, que les idées françaises ne pénètrent plus le reste de la science.

Réaffirmer qu’il faut favoriser l’usage du français est toutefois important parce qu’il ne faudrait pas que notre langue soit complètement discréditée dans la publication scientifique.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous sommes très nombreux à considérer ce sujet important. Les propos de M. Kerrouche complètent bien ceux de M. Ouzoulias : il nous faut absolument construire dans l’espace francophone un système offrant des lieux de publication scientifique en français reconnus internationalement. Il doit s’agir d’un projet de notre nation, qui ne sera pas réalisé du jour au lendemain, mais auquel il faut accorder les moyens et consacrer de la volonté. Nous devons renforcer les publications en français. Par ailleurs, lorsqu’une publication scientifique est très intéressante, il est rare de ne pas parvenir à la faire traduire.

Ce renoncement au français se produit aussi au sein des instances européennes. J’étais députée européenne en 1984 et nous menions déjà alors des batailles pour assurer la reconnaissance des langues officielles prévues dans les traités.

Aujourd’hui, 98 % des rapports, des appels d’offres ou des publications ne sont plus rédigés dans les langues officielles de l’Union européenne, pour des raisons budgétaires ou de commodité. Cela en dit long sur la manière dont une forme d’uniformisation culturelle s’impose, par facilité et par renoncement.

Je demande aux autorités françaises de faire preuve de plus de détermination et d’efficacité à ce sujet. Vous n’imaginez pas le nombre de fois où j’ai refusé de siéger en commission parce que je ne disposais d’aucun texte en français, même si je maîtrise l’anglais et l’allemand. On m’opposait le manque de temps, mais si l’on ne prend pas le temps pour la traduction, alors c’est terminé !

Au-delà de ce qui est proposé par le présent amendement, qui est très important pour la science, la défense de la langue française n’est pas suffisante, notamment au sein de la direction générale de la recherche et de l’innovation, dont les textes sont souvent en anglais.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Mme Claudine Lepage. Il ne faut pas baisser les bras. Publier en français, s’exprimer en français ne veut pas dire que l’on n’est pas entendu. Et cela ne s’oppose pas à la maîtrise d’autres langues.

En outre, comme l’a dit Mme Lienemann, il est toujours possible de traduire un texte publié en français, ce qui fait travailler des traducteurs. Ce qui n’est donc pas une mauvaise idée !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je rappelle simplement le début de l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français. »

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 99, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il évalue les efforts consacrés par les équipes pour transmettre leurs résultats scientifiques, apporter leurs compétences aux pouvoirs publics et participer à l’expertise de la représentation nationale. » ;

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est issu de mon expérience sénatoriale. J’ai demandé au secrétariat général du Sénat de m’indiquer combien de chercheurs du CNRS ou des universités venaient déposer devant les commissions sénatoriales, apportant leurs compétences et leur expertise. Ce nombre est très important, puisqu’il atteint environ quatre-vingts interventions pour l’année 2018 et un peu moins en 2019.

Or il n’est nulle part fait mention dans les évaluations du Sénat – ce n’est d’ailleurs pas son rôle – ou des établissements publics de la part active et importante prise par tous ces chercheurs qui font bénéficier bénévolement les pouvoirs publics, notamment le Sénat, de leur savoir.

On parle beaucoup de relations entre les chercheurs et le monde de l’industrie – j’y suis très attaché –, mais il ne faut pas oublier qu’un fonctionnaire doit entretenir des relations privilégiées avec les pouvoirs publics. Il me semble important de reconnaître, par le biais de cet amendement, le lien très fort qui peut exister entre les pouvoirs publics, la représentation nationale et ces chercheurs, parce qu’ils sont fonctionnaires et que, à ce titre, ils s’engagent à la neutralité et au service du bien public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Alors que la crise sanitaire a révélé l’importance, mais aussi toute la difficulté de l’expertise scientifique, il importe de valoriser les actions des chercheurs en direction de la sphère publique.

Nous en avons souvent parlé au sein de l’Opecst ; l’avis de la commission est donc très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Aux termes de l’alinéa 9 de l’article 10 du projet de loi, les évaluations se font sur l’ensemble des missions et des objectifs fixés par le code de la recherche et le code de l’éducation ; l’apport d’expertise en appui aux pouvoirs publics en fait partie. Il s’agirait de préciser une nouvelle fois dans cet article un élément déjà de niveau législatif. Cet amendement me paraît satisfait ; je m’en remets toutefois à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Si je puis me permettre, la réponse de Mme la ministre ne me semble pas en rapport avec le sujet relatif à l’extériorisation des travaux de recherche vers l’ensemble des acteurs de la société, dont le Parlement fait partie.

Je voudrais en outre attirer votre attention, mes chers collègues, sur un organisme qui permet des échanges privilégiés avec le monde scientifique : l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques au sein duquel un travail remarquable, qui mobilise souvent les chercheurs concernés par les thèmes abordés, est effectué.

L’Opecst mériterait à mon sens une extériorisation de ces travaux, une communication beaucoup plus importante. Dans notre société, la question de la vérité scientifique est en jeu ; je vous renvoie à ces fausses nouvelles, pour ne pas utiliser l’expression anglaise, puisque nous venons de voter pour favoriser l’usage de notre langue. (Sourires.) C’est un vrai sujet.

Ce qu’appelle de ses vœux notre collègue Pierre Ouzoulias par cet amendement permettrait de donner un autre écho à la société dans son ensemble des travaux remarquables menés, notamment dans le cadre de l’Opecst, grâce à la contribution essentielle des chercheurs français.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 102, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Compléter cet alinéa par les mots :

, dont le crédit d’impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles, tel que défini par l’article 244 quater B du code général des impôts

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Je vous rassure, mes chers collègues : avec cet amendement sur le crédit d’impôt recherche (CIR), la série des avis favorables va s’arrêter…

Madame la ministre, je vous ai demandé hier de me citer une publication résultant de travaux menés dans le cadre de ce crédit d’impôt. Comme vous l’avez fait avec grande facilité, je suppose qu’une liste de ces publications existe. Le Sénat pourrait-il disposer de cette liste complète pour son travail d’évaluation des politiques publiques ? De fait, il serait intéressant de connaître les résultats dans le domaine de la publication scientifique des efforts considérables consentis par la Nation par le biais de ce dispositif.

Par ailleurs, il serait très important que le CIR participe, d’une certaine façon, à la structuration de l’offre française de publication – un enjeu fondamental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Comme vous vous y attendez, mon cher collègue, je ne suis pas tout à fait de votre avis… Il n’est pas du ressort du Hcéres d’évaluer l’impact d’une dépense fiscale. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il est également défavorable. C’est à la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation qu’il appartient de réaliser ces évaluations. Elle a publié l’année dernière une première série de résultats, issus de quatre évaluations indépendantes réalisées par des équipes académiques. Ce travail sera complété, d’ici à la fin de l’année, par deux nouvelles approches.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 168 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° D’évaluer les comités territoriaux de la recherche en santé dans leur mission de coordination d’une politique de valorisation de la recherche publique responsable mise en place par le comité sur son territoire.

La parole est à Mme Guylène Pantel.

Mme Guylène Pantel. Cet amendement fait pendant à l’amendement n° 173 rectifié, déposé à l’article 24, qui vise à initier au sein des comités territoriaux de recherche en santé une politique de valorisation de la recherche publique responsable. À travers cette politique, il s’agirait notamment de rendre plus accessibles les médicaments en termes de coût et plus transparente la traçabilité des innovations financées sur fonds publics.

Le présent amendement tend à confier au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur la mission d’évaluer cette politique de recherche publique responsable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Ma chère collègue, il n’est pas du ressort du Hcéres d’évaluer les instances de coordination de la politique de recherche. Au surplus, la commission s’est prononcée en faveur de la suppression de l’article 24. Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; s’il est maintenu, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 168 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 190, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 43

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Le I de l’article L. 114-3-3 est ainsi rédigé :

« Le Haut Conseil est administré de manière collégiale. Le collège, qui assure une représentation propre et authentique des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs, est garant de la qualité de ses travaux.

« Sauf disposition contraire, les attributions confiées au Haut Conseil sont exercées par le collège. » ;

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Parmi de nombreuses difficultés, le Hcéres a souffert d’un manque d’encadrement juridique. Entre autres critiques, une dérive présidentialiste lui est reprochée : le président prendrait seul un certain nombre de décisions. Avec l’amendement adopté ce matin relatif à sa désignation, les choses n’iront pas en s’arrangeant…

Cet amendement vise donc à renforcer le fonctionnement collégial de cette instance. C’est au collège du Haut Conseil de prendre les décisions, sauf exception. Délibérées collectivement, les décisions seront meilleures et plus acceptables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, le fonctionnement collégial du Hcéres, que vous proposez de réaffirmer, est déjà prévu par le texte actuel. De plus, la notion de « représentation propre et authentique » n’est pas très satisfaisante d’un point de vue sémantique. Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; s’il est maintenu, avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 190.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 103, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 55, seconde phrase

Après les mots :

avec les établissements publics d’enseignement supérieur

insérer les mots :

, dans le respect de leur autonomie pédagogique et scientifique,

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Je tiens, par cet amendement, à revenir sur le respect des libertés académiques, un principe fondamental.

Alors que l’État passe des conventions avec les établissements publics de recherche et fournit l’essentiel – plus de 80 % – de leur budget, il ne faudrait pas que, par le biais de cette relation inégale, il leur impose des choix pédagogiques ou scientifiques contraires à ceux que leur instance compétente aurait définis – je ne crois pas, madame la ministre, que ce soit non plus votre souhait.

C’est pourquoi je propose de rappeler que la négociation que vous menez avec ces établissements a lieu dans le respect de leur autonomie pédagogique et scientifique.

On parle beaucoup d’autonomie des universités, mais l’autonomie ne doit pas être seulement financière : l’autonomie pédagogique et scientifique est fondamentale ! C’est aux établissements, dans le cadre des instances définies par la loi, d’élaborer leur politique scientifique et pédagogique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche jouissent, par principe, de la personnalité morale et de l’autonomie pédagogique, scientifique, administrative et financière. Mon cher collègue, la mention que vous proposez d’ajouter paraît donc superfétatoire. Je serai défavorable à votre amendement, à moins que vous ne le retiriez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il est également défavorable, pour la raison que la rapporteure vient d’indiquer.

Il est normal que le contrat pluriannuel conclu par les opérateurs de l’État avec celui-ci définisse des objectifs. Comme opérateurs de l’État, les universités mènent une action qui s’inscrit dans le cadre des politiques publiques et des lois votées par le Parlement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 103.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 162, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 61 à 63

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

11° Après l’article L.  211-1, il est inséré un article L. 211-2 ainsi rédigé :

« Art.  L.  211-2. – Les travaux de recherche, notamment l’ensemble des activités de la recherche publique contribuant à ses objectifs mentionnés à l’article L.  112-1 du présent code, respectent les exigences de l’intégrité scientifique visant à garantir leur caractère honnête et scientifiquement rigoureux et à consolider le lien de confiance avec la société.

« L’intégrité scientifique contribue à garantir l’impartialité des recherches et l’objectivité de leurs résultats.

« Les établissements publics contribuant au service public de la recherche et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 du présent code offrent les conditions du respect des exigences de l’intégrité scientifique pour les activités et travaux menés en leur sein. Ils mettent en place les dispositifs nécessaires pour promouvoir les valeurs de l’intégrité scientifique et favoriser le respect de ses exigences. Sans préjudice des dispositions du code du patrimoine sur les archives publiques, ils conservent les résultats bruts des travaux scientifiques réalisés en leur sein afin de permettre leur vérification.

« Les établissements et fondations mentionnés au troisième alinéa du présent article transmettent tous les deux ans au ministre chargé de la recherche et au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur un rapport sur les actions entreprises dans le cadre des dispositions du présent article.

« Un décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche fixe les conditions d’application de ces dispositions. »

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est issu de celui que mon collègue Pierre Henriet, député, a présenté à l’Assemblée nationale ; sa rédaction a été revue en liaison avec la commission ainsi que les services du ministère. Pour M. Henriet comme pour nous tous, son adoption marquerait une avancée fondamentale pour la défense dans notre législation de l’intégrité scientifique.

L’amendement comporte une définition de cette notion extrêmement simple, mais suivie d’un engagement fort : les établissements « offrent les conditions du respect des exigences de l’intégrité scientifique ».

Il est fondamental de donner pour mission aux établissements publics de protéger les libertés académiques des chercheurs et de les garantir contre des pratiques mettant en danger leur intégrité scientifique. Ce serait une première étape par rapport à tout ce que nous avons envisagé dans le rapport de l’Opecst sur l’intégrité scientifique.

À cet égard, nous aurions souhaité aussi consacrer dans la loi une plus grande indépendance de l’Office français de l’intégrité scientifique au sein du Hcéres. Cela n’a pas été possible pour des raisons légistiques, mais j’ai entendu les engagements de M. Coulhon, qui a dit qu’il y était favorable quant à l’esprit général – d’un point de vue fonctionnel, c’est un peu plus compliqué.

Madame la ministre, j’aimerais que vous vous engagiez en séance sur la capacité de l’Office français pour l’intégrité scientifique à mener une politique parfaitement indépendante de celle du Hcéres, qui pourrait être vis-à-vis de l’Office dans une situation de conflit d’intérêts, dans la mesure où l’évaluation, bien évidemment, a une incidence sur l’intégrité scientifique. Il ne faudrait pas que le Hcéres soit à la fois juge et partie !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Je regrette que cet amendement soit noyé dans la discussion de l’article 10, car il mérite vraiment qu’on s’y arrête.

Il s’inscrit dans la continuité de travaux de l’Opecst menés par vous-même, monsieur Ouzoulias, ainsi que votre collègue député ; je vous rends hommage pour cette réflexion sur un sujet qui vous tient beaucoup à cœur. Je rends hommage aussi à Pierre Corvol, en quelque sorte notre maître à tous dans ce domaine : je conserve un souvenir ému de l’audition de cet éminent personnage, qui a été le premier à vouloir définir l’intégrité scientifique.

Au-delà de la définition, le dispositif proposé offre un cadre juridique spécifiquement consacré à l’intégrité scientifique. Il énonce explicitement les principes de respect et de responsabilité des exigences de l’intégrité scientifique.

Ce nouveau cadre doit permettre aux établissements de se doter d’un corpus de prescriptions en matière d’intégrité scientifique, afin d’outiller davantage leurs référents et, ce faisant, de garantir l’honnêteté et la rigueur scientifique des travaux de recherche menés en leur sein.

Par ailleurs, il complète avec pertinence la disposition qu’il est proposé d’introduire en tête du projet de loi sur les libertés académiques. En effet, intégrité scientifique et libertés académiques sont des notions distinctes, mais intimement liées.

L’avis de la commission est donc très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’intégrité scientifique est un socle que nous devons renforcer pour consolider le lien de confiance entre la science et la société. De ce point de vue, monsieur Ouzoulias, votre amendement est tout à fait bienvenu ; j’y suis donc favorable. Par ailleurs, l’Office français pour l’intégrité scientifique doit, en effet, pouvoir contribuer à cela.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 162.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’amendement n° 56 rectifié bis, présenté par M. Montaugé, Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Blatrix Contat, MM. Bouad, Michau, Tissot, Pla, Cardon, Antiste, Assouline et Lozach, Mme Lepage, MM. Magner et Stanzione, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly, Merillou et Redon-Sarrazy, Mme Préville, MM. Sueur, Kerrouche et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 77

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il comprend, pour l’enseignement supérieur et la recherche, une étude d’impact visant à mesurer les effets de l’activité du site universitaire, ses perspectives d’évolution et les risques identifiés devant être surmontés pour sa pérennisation et son développement.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à compléter le dispositif introduit par la commission qui ajuste les dispositions de la loi du 22 juillet 2013 en associant les collectivités territoriales aux contrats conclus entre les sites universitaires et l’État.

Il s’agit de préciser que le volet territorial des contrats de site est élaboré au regard des objectifs et des moyens envisagés, à partir d’une étude d’impact qui lui est annexée ; celle-ci porte sur les effets locaux et régionaux de développement durable et culturel du site universitaire et de recherche. Cette étude d’impact vise notamment à mesurer les évolutions et les risques auxquels sont confrontés les services publics de la recherche et de l’enseignement supérieur sur le territoire considéré. Elle doit permettre d’accompagner et de protéger les petites villes pourvues de sites déconcentrés.

Cet amendement est aussi une traduction de l’étude annuelle du Conseil d’État pour 2020, Conduire et partager lévolution des politiques publiques, selon laquelle « les politiques décentralisées et souvent partagées avec l’État mettent en évidence la nécessité de développer des évaluations partenariales et de sensibiliser les associations d’élus à cette problématique ».

Conformément à l’esprit de la loi de 2013 et aux schémas régionaux de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation qui en sont la traduction, notre amendement sert les objectifs de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur dans les territoires ruraux, d’aménagement du territoire par l’activité de recherche et, plus généralement, de réduction des inégalités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. L’étude d’impact proposée serait l’occasion d’un dialogue renforcé entre la collectivité territoriale, le site universitaire et l’État. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, l’article 10 a été introduit par la commission pour faciliter la réelle association des collectivités territoriales aux contrats de site.

Comme vous l’avez rappelé, cette association est inscrite dans la loi depuis 2013 ; mais elle n’a jamais été mise en œuvre. L’alinéa 77, qui permet d’inclure dans le contrat de site un volet territorial – une dimension à laquelle je suis très attachée – me semble très prometteur.

En revanche, je suis réservée sur votre amendement, dont l’adoption imposerait de réaliser une étude d’impact avant même d’avoir commencé à mettre en place l’association des collectivités territoriales aux contrats des sites universitaires. J’en demande donc le retrait. S’il est maintenu, avis de sagesse.

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.

M. Christian Redon-Sarrazy. La place de l’enseignement supérieur et de la recherche dans l’aménagement des territoires est centrale. Tous, dans cette assemblée, nous sommes conscients que l’avenir de nos territoires ruraux passe par la présence sur un certain nombre de sites des universités, de leurs laboratoires de recherche et de formations de premier, voire maintenant de deuxième cycle, en association avec les collectivités territoriales.

Ce dialogue n’a peut-être pas été suffisamment formalisé pour le moment, mais il existe bel et bien ; nombre d’universités se sont déjà engagées dans un véritable partenariat avec leur territoire. Il faut renforcer ce dialogue, et l’étude d’impact y contribuera !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, il y a une réalité territoriale : les coopérations existent. Toute la matière est là pour établir cette étude d’impact. Il faut s’y engager, comme le Conseil d’État nous y invite !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
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Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 163

Articles additionnels après l’article 10

M. le président. L’amendement n° 235, présenté par Mme L. Darcos, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le titre IV du livre III du code de la recherche est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« L’établissement public Campus Condorcet

« Art. L. 345-1. – L’établissement public Campus Condorcet est un établissement public national de coopération à caractère administratif rassemblant les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche, publics et privés, qui regroupent tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens sur le campus de sciences humaines et sociales dénommé Campus Condorcet.

« L’établissement public Campus Condorcet, placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche, a pour mission d’assurer la réalisation et le fonctionnement du Campus Condorcet.

« À cette fin, il coordonne la programmation et la réalisation du campus. Il réalise des acquisitions et opérations foncières et immobilières. Il assure pour le compte de l’État, dans le respect des règles de la commande publique, la conception et la réalisation de constructions et d’équipements nécessaires à l’exercice de ses missions. Il assure l’exploitation, la gestion, la promotion et la valorisation du Campus Condorcet.

« Les articles L. 719-14 et L. 762-2 du code de l’éducation sont applicables à l’établissement public Campus Condorcet.

« Art. L. 345-2. – L’établissement public Campus Condorcet a également pour missions de :

« 1° Collecter, enrichir, valoriser, mettre à disposition et conserver des ressources documentaires ;

« 2° Soutenir et faciliter les activités de recherche et de formation de ses membres, notamment à l’échelle européenne et internationale ; soutenir et faciliter d’autres activités de recherche et de formation ;

« 3° Soutenir et faciliter l’innovation, notamment numérique, et la valorisation de la recherche ;

« 4° Contribuer à la diffusion des savoirs et de la culture scientifique ;

« 5° Soutenir et faciliter la vie étudiante et développer la vie de campus ;

« 6° Coordonner, avec tout ou partie des établissements et organismes membres, l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de recherche et d’innovation, notamment de programmes favorisant l’interdisciplinarité entre les sciences humaines et sociales et les autres domaines scientifiques ;

« 7° Assurer la mise en œuvre d’activités et de projets qui lui sont confiés par tout ou partie de ses membres, notamment en matière scientifique.

« Art. L. 345-3. – L’établissement public Campus Condorcet est administré par un conseil d’administration, qui détermine sa politique, approuve son budget et en contrôle l’exécution.

« Le conseil d’administration comprend :

« 1° Un représentant de chacun des établissements et organismes membres de l’établissement ;

« 2° Un représentant du ministre chargé de l’enseignement supérieur et un représentant du ministre chargé de la recherche ;

« 3° Des représentants des collectivités territoriales sur le territoire desquelles est implanté l’établissement ;

« 4° Des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs exerçant leurs fonctions dans l’établissement ou dans l’un des établissements ou organismes membres ;

« 5° Des représentants des autres personnels exerçant leurs fonctions dans l’établissement ou dans l’un des établissements ou organismes membres ;

« 6° Des représentants des étudiants qui suivent une formation dans l’un des établissements membres ;

« 7° Des personnalités qualifiées désignées par arrêté conjoint des ministres de tutelle de l’établissement.

« Les membres du conseil d’administration mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 6° et 7° représentent au moins les deux tiers de l’effectif du conseil.

« Le président de l’établissement, choisi parmi les membres du conseil d’administration sur proposition de celui-ci, est nommé par décret pris sur le rapport des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il préside le conseil d’administration et dirige l’établissement. Il est assisté par un bureau qu’il préside et qui est composé des représentants des établissements et des organismes membres de l’établissement siégeant au conseil d’administration.

« Art. L. 345-4. – Un conseil scientifique assiste le conseil d’administration et le président de l’établissement. Il est composé de représentants des établissements et organismes membres et de personnalités qualifiées françaises et étrangères.

« Art. L. 345-5. – Les ressources de l’établissement public Campus Condorcet comprennent les contributions des établissements et des organismes qui en sont membres et toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. L’État lui attribue, pour l’accomplissement de ses missions, des équipements, des personnels et des crédits.

« L’article L. 719-9 du code de l’éducation est applicable à l’établissement public Campus Condorcet.

« Art. L. 345-6. – L’établissement public Campus Condorcet conclut avec l’État un contrat pluriannuel qui définit, pour l’ensemble de ses activités, les objectifs de l’établissement et les engagements réciproques des parties. Le contrat prévoit les objectifs partagés avec les établissements et organismes membres, qui sont associés au contrat.

« Le contrat pluriannuel inclut un volet territorial associant la région Île-de-France et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires compétents. Les autres collectivités territoriales concernées peuvent être associées à ce volet territorial du contrat. Le volet territorial décrit les objectifs et les engagements des parties concernant l’insertion du campus dans l’environnement économique, social et culturel régional et local.

« L’établissement rend compte de l’exécution de ses engagements et de l’atteinte des objectifs prévus dans le contrat au moins une fois tous les deux ans.

« L’exécution du contrat fait l’objet d’une évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. L’État tient compte des résultats de l’évaluation pour déterminer les engagements financiers qu’il prend envers l’établissement dans le cadre du contrat pluriannuel.

« Art. L. 345-7. – Un décret détermine la liste des membres de l’établissement public Campus Condorcet, les modalités permettant de prononcer l’accueil d’un nouveau membre et le retrait ou l’exclusion d’un membre, les modalités de représentation des membres dans les conseils, ainsi que les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement. Il précise les compétences que celui-ci peut exercer par délégation des établissements et des organismes membres. »

II. – L’article 44 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain est abrogé.

III. – Les I et du II entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2022.

Les mandats en cours des membres du conseil d’administration et du conseil scientifique courent jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions de la présente loi.

Le président en fonction à la date de publication de la présente loi reste en fonction jusqu’à la nomination du prochain président dans les conditions prévues par la présente loi.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laure Darcos, rapporteure. Le présent amendement a pour objet de donner toute sa place à Campus Condorcet, réunion de l’ensemble des établissements publics d’Île-de-France dans le domaine des sciences humaines et sociales, à l’instar de l’École des hautes études en sciences sociales, l’École des chartes, Paris 1-Sorbonne ou Paris 8. Créé en 2017 et mis en place voilà environ un an, ce regroupement doit être consacré comme l’un des instruments de la politique nationale de recherche en faveur des sciences humaines et sociales, chères à M. Ouzoulias comme à moi-même.

Cet amendement vise à inscrire les modalités de gouvernance, d’organisation et de fonctionnement de l’établissement public Campus Condorcet dans le code de la recherche, tout en clarifiant ses compétences en matière de coopération scientifique dans le domaine des sciences humaines et sociales. Il tend également à inscrire ce campus dans son territoire, en prévoyant un volet spécifique du contrat d’établissement associant les collectivités territoriales, notamment la région d’Île-de-France.

Au-delà de ces avancées, il était important de marquer par un amendement spécifique l’intérêt que nous portons aux sciences humaines et sociales, qui ont souvent critiqué la faible place qui leur était faite par rapport aux sciences dures.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la rapporteure, votre amendement vise à inscrire dans le code de la recherche des dispositions législatives relatives à l’établissement Campus Condorcet et à renforcer ses liens avec l’État et les collectivités territoriales. Tout cela va dans le bon sens, pour nous donner toutes les chances de réussir ce projet ambitieux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 235.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 235
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Article 10 bis

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.

L’amendement n° 163, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la troisième phrase du troisième alinéa de l’article L. 612-7 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « À l’issue de la soutenance de la thèse, le candidat doit prêter serment en s’engageant à respecter les principes et les exigences de l’intégrité scientifique, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la recherche. »

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement, un peu symbolique, vise à redonner de la valeur au doctorat et à la thèse, ainsi qu’à la soutenance de celle-ci.

Alors que le nombre de docteurs baisse, il est de la plus haute importance de marquer que la thèse est un acte scientifique fort, couronnement d’un cursus honorum très difficile. Ces années de travail changent l’esprit ; elles changent une personne. Il est essentiel que la société le reconnaisse.

Une fois sa thèse soutenue, le docteur, incorporé à une discipline, est en mesure d’intervenir sur ses paradigmes et sur les modes de probation du discours scientifique. C’est ce qui le distingue des ingénieurs, par exemple, tournés plutôt vers l’application de la science. Ce statut scientifique particulier doit être couronné par l’instauration d’une forme de serment d’Hippocrate du docteur.

C’est ce que je propose, peut-être maladroitement : de même que le médecin prête serment de respecter un certain nombre de règles propres à sa discipline, le docteur, à la fin de sa soutenance, prêterait un serment manifestant de façon très symbolique son incorporation dans sa discipline, source de droits, mais aussi de certains devoirs.

Notre République, j’en suis intimement persuadé, a besoin de rites. Or, si vous avez assisté à des soutenances, vous savez que, à la fin, il manque quelque chose : le jury revient dans la salle, donne son avis et on passe aussitôt à l’apéro… C’est un peu court : il manque un moment un peu solennel où le candidat ou la candidate prête serment – ce qui fait pleurer tous les parents !

Mme Sophie Primas. Merci pour les parents ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, la prestation de serment que vous proposez n’a pas valeur seulement de symbole. Elle participe aussi à la nécessité de mieux valoriser le doctorat et de sensibiliser le jeune docteur aux principes d’honnêteté et de rigueur qui sont au fondement de l’intégrité scientifique. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le serment proposé est symbolique, mais ce sera un symbole fort, notamment du point de vue de l’intégrité scientifique, dont j’ai déjà souligné l’importance. La solennité est importante pour marquer un passage. Avis favorable. Monsieur le sénateur, je me réjouis de travailler avec vous à la rédaction de ce serment !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 163.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.

Je constate par ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

M. Olivier Paccaud. Très bien !

Mme Laure Darcos, rapporteure. Bravo !

Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 163
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Article 11

Article 10 bis

I. – À l’article L. 112-2 du code de la recherche, après la deuxième occurrence du mot : « les », sont insérés les mots : « établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et les autres ».

II. – La troisième partie du code de l’éducation est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est complété par les mots : « et la recherche » ;

2° Le livre VI est ainsi modifié :

a) L’intitulé est complété par les mots : « et de la recherche » ;

b) Au chapitre unique du titre VI, il est ajouté un article L. 661-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 661-1. – Dans le cadre des objectifs et missions du service public de l’enseignement supérieur définis au chapitre III du titre II du livre Ier, les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel organisent leurs activités de recherche et d’innovation dans les conditions fixées par le présent code et par le code de la recherche. »

M. le président. L’amendement n° 104, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer les mots :

et d’innovation

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Touché par vos marques de sympathie, je vous épargne ma petite glose lexicographique… Cet amendement est défendu ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’innovation n’est pas seulement technologique, ni limitée au secteur marchand : il y a des innovations sociales, pédagogiques… Il serait donc dommage de la supprimer du champ des activités des établissements d’enseignement supérieur. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10 bis, modifié.

(Larticle 10 bis est adopté.)

Article 10 bis
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Article 12

Article 11

I. – Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de la recherche est ainsi rétabli :

« CHAPITRE III

« Les unités de recherche

« Art. L. 313-1. – Les établissements publics de recherche, les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et les autres établissements publics d’enseignement supérieur ainsi que les associations et fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 peuvent comporter des unités de recherche administrant les dotations globales de fonctionnement et d’équipement qui leur sont allouées par les organes directeurs de l’établissement. Ces unités peuvent relever aussi d’autres établissements contribuant au service public de l’enseignement supérieur ou au service public de la recherche.

« Lorsque l’unité relève de plusieurs établissements, le directeur de l’unité est placé sous l’autorité conjointe de leurs dirigeants. »

II. – Le deuxième alinéa de l’article L. 321-3 du code de la recherche est supprimé.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 130 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Savin et Bonne, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Après les mots :

unités de recherche

supprimer la fin de la première phrase.

2° Après la première phrase :

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ces dernières peuvent, après accord des organes directeurs de l’établissement, administrer les dotations globales de fonctionnement et d’équipement qui leur sont allouées.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Cet amendement vise à clarifier le cadre juridique des unités de recherche annoncées dans l’exposé des motifs du projet de loi.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 11 aggrave la complexification du paysage de la recherche publique française, puisqu’il permet la création directe d’unités de recherche par d’autres établissements, sans concertation avec les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. À l’heure où l’on parle de choc de simplification, la multiplication des structures risque de complexifier davantage le système et de diluer totalement les moyens.

La logique d’uniformisation est bien sûr tout à fait louable, mais elle est en totale contradiction avec le principe d’autonomie des universités. Les établissements publics de recherche, les universités et les autres établissements publics d’enseignement supérieur peuvent comporter et sont habilités à créer des unités de recherche, seuls ou conjointement. Au reste, ces unités peuvent tout à fait nouer des partenariats, toujours sous l’autorité des établissements dont elles dépendent, avec des organismes ou associations contribuant à un réel projet de recherche.

M. le président. L’amendement n° 66 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Je partage le souci de M. Piednoir de mettre un garde-fou à ce qui pourrait déboucher sur une trop forte autonomisation des unités de recherche. Avis favorable sur l’amendement n° 130 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, la limitation que vous proposez constituerait un problème fondamental pour certaines associations et fondations, qui sont aujourd’hui des acteurs majeurs de la recherche publique, comme l’Institut Pasteur ou l’Institut Curie, deux fondations reconnues d’utilité publique.

Pour le reste, je tiens à vous rassurer : l’article 11 réserve bien la création d’unités de recherche aux personnes morales ayant pour activité principale la recherche publique.

Je demande donc le retrait de votre amendement ; s’il est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.

Je précise, à l’intention des auteurs de l’amendement n° 66 rectifié, qu’il n’y a pas de risque d’autonomisation : les unités de recherche n’existent que parce qu’elles sont installées, reconnues et financées par un ou plusieurs opérateurs ; elles fonctionnent évidemment dans le cadre d’une politique globale définie par leur tutelle. La confiance que nous faisons aux directeurs d’unité de recherche, elle leur est accordée par les dirigeants des établissements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 105, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est retiré.

M. le président. L’amendement n° 105 est retiré.

Je mets aux voix l’article 11, modifié.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel après l'article 12 - Amendements n° 60, n° 74 rectifié et 132 rectifié bis (début)

Article 12

Le chapitre IX du titre II du livre III du code de la recherche est ainsi modifié :

1° La seconde phrase de l’article L. 329-1 est supprimée ;

2° À la seconde phrase de l’article L. 329-2, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;

3° L’article L. 329-4 est ainsi modifié :

a) À la fin, le mot : « thématiques » est remplacé par le mot : « ciblés » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Au moins 1 % du budget d’intervention de l’Agence nationale de la recherche est consacré au partage de la culture scientifique. » ;

4° L’article L. 329-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 329-5. – Pour tout projet de recherche financé par l’Agence nationale de la recherche dans le cadre d’une procédure d’appel à projets, un montant dénommé “préciput” est attribué aux établissements participant au service public de la recherche qui sont parties prenantes au projet de recherche.

« Dans le cas d’un projet mené en commun par plusieurs établissements participant au service public de la recherche, ce préciput est réparti entre ces établissements par accord entre eux ou, à défaut, dans des conditions précisées par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche.

« Les dispositions du présent article sont applicables aux associations ou fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 dans lesquelles le porteur du projet exerce ses fonctions ou qui sont parties prenantes au projet de recherche. » ;

5° L’article L. 329-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 329-6. – Au terme du processus de sélection, l’agence communique au porteur du projet les motifs de sa décision et la composition du comité de sélection. »

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

ciblés

insérer les mots :

et veille à l’équilibre territorial de leur répartition

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Le présent amendement a pour objet de garantir que les crédits de l’Agence nationale de la recherche seront répartis selon un certain équilibre territorial. L’une des principales craintes exprimées par le monde de la recherche concernant le présent projet de loi de programmation est en effet qu’il ne conduise à accentuer la concentration des crédits au profit des plus gros pôles de recherche.

Madame la ministre, nous le comprenons bien, c’est justement pour éviter cet écueil que vous avez choisi de faire transiter l’augmentation des crédits par l’Agence nationale de la recherche. Il est clair qu’un financement direct des laboratoires conduirait mécaniquement à accentuer les inégalités territoriales, car les laboratoires seraient alors financés en fonction des budgets des universités, qui eux-mêmes sont historiquement construits, et donc peu équitables.

En revanche, il n’est pas certain que l’Agence nationale de la recherche permette mécaniquement d’éviter l’écueil de la concentration des crédits, tout simplement parce que les plus gros pôles de recherche sont aussi les mieux équipés pour répondre aux appels d’offres. Les élus locaux que nous sommes savent bien qu’une collectivité plus importante que d’autres dispose de ressources en ingénierie également plus importantes ; ce sera la même chose pour les laboratoires.

Pour éviter l’accentuation de la concentration des crédits liée à la mécanique de l’Agence nationale de la recherche, le présent amendement vise donc à lui imposer de les répartir en prenant en compte un certain équilibre territorial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. L’intention est louable, cher collègue, mais ne semble guère compatible avec le principe de sélection des projets de recherche sur la base de critères avant tout scientifiques. La prise en compte d’un critère de répartition territoriale entraînerait une complexification du système qui n’est pas souhaitable.

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il faut sortir de l’idée selon laquelle les laboratoires des universités qui ne sont ni parisiennes, ni marseillaises, ni strasbourgeoises n’auraient pas de crédits de l’ANR. Les projets qui sont financés par l’ANR sont en général des projets multi-équipes : ils sont donc répartis sur l’ensemble du territoire. La qualité scientifique n’est pas concentrée à l’intérieur du périphérique !

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 106, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’Agence nationale de la recherche favorise la publication en langue française.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Dans la continuité de l’amendement n° 104 que vous m’avez fait l’honneur d’adopter, mes chers collègues, le présent amendement vise à faire porter de façon privilégiée l’action de l’Agence nationale de la recherche sur les publications en langue française. Il est très important de soutenir les éditeurs, notamment en sciences humaines et sociales, qui rencontrent les plus grandes difficultés à continuer à exister aux côtés des grandes revues mondiales que nous avons évoquées précédemment.

Si nous voulons que des recherches en sciences humaines continuent d’être publiées en français, nous devons aider ces éditeurs – nous pouvons réfléchir ensemble aux mécanismes qui le permettraient. Compte tenu des moyens dont elle dispose, l’ANR pourrait apporter une aide supplémentaire à ces éditeurs.

Mes chers collègues, permettez-moi de souligner les difficultés qui sont celles du livre en matière d’évaluation scientifique. Celle-ci porte principalement sur les revues. Intégrer l’objet « livre » lui est difficile.

La publication de livres de sciences humaines, pourtant fondamentale, est ainsi freinée par des facteurs économiques, éditoriaux et pour des raisons liées à l’évaluation – il est beaucoup plus intéressant en termes de bibliométrie de publier un chapitre dans chaque revue plutôt que de sortir un livre qui, du point de vue de l’évaluation, sera complètement invisible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, il serait extrêmement symbolique que nous votions votre amendement.

La formulation que vous employez, « favorise la publication en langue française », me rassure, car dans le milieu scientifique – nous l’avons évoqué avec Mme la ministre – les publications sont très majoritairement en anglais du fait de l’universalité de cette langue ; il n’est de fait pas simple d’obtenir des traductions dans toutes les langues. Toutefois, sur le principe, je suis entièrement d’accord avec vous.

Le livre est un autre sujet, sûrement plus complexe. Nous en débattrons, je l’espère, comme nous nous l’étions promis, dans le cadre des travaux de l’Opecst.

J’émets un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, je ne comprends pas pleinement l’objet de cet amendement. Les projets évalués à l’ANR le sont par des pairs : ainsi, lorsque les communautés publient traditionnellement des livres, les projets sont évalués par des personnes qui publient traditionnellement des livres, et qui sont donc capables d’estimer leur valeur. Lorsque les communautés s’expriment traditionnellement en français – vous avez raison de souligner que la langue n’est pas qu’un vecteur –, les projets sont évalués par des personnes qui publient le même genre d’articles.

Par ailleurs, je ne saisis pas ce que vous entendez par « favorise des publications en langue française », si ce n’est à imposer à l’ANR, par exemple, de prendre en charge des frais de traduction.

Ne comprenant pas l’objet de votre amendement, j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, si vous ne comprenez pas, c’est que j’ai été mauvais pédagogue. Permettez-moi de reprendre très succinctement mon explication.

Nous pourrons discuter longuement de l’objet « livre », car le sujet est vraiment important. Tous les établissements vous diront qu’ils ne font pas de bibliométrie et qu’ils évaluent qualitativement les travaux. Tout le monde reconnaît pourtant que dans l’urgence, quand il s’agit de recruter un chercheur, c’est bien l’impact factor de ce dernier que l’on recherchera sur l’ordinateur. Cela se pratique malheureusement, malgré toutes les règles, notamment celles du CNRS. Or un livre n’a pas d’impact factor puisque ce critère dépend de la cotation de la revue dans laquelle le chercheur publie ses travaux.

Par ailleurs, dans votre projet, vous confiez à l’ANR une mission de communication scientifique, dotée d’un financement spécifique de 1 %. Une part de cette enveloppe de 1 % – proportion qui pourrait augmenter – pourrait être consacrée à des aides visant à favoriser la publication en français, notamment par le biais des revues françaises qui publient en français.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. À la lumière de ces explications, j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Monsieur Ouzoulias, vous qui voulez défendre la langue française, sans doute avez-vous voulu parler de « facteur d’impact » en bon français au lieu d’« impact factor » ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 106.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 210, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer les mots :

par accord entre eux ou, à défaut,

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agit d’un amendement de clarification de l’article 12 du projet de loi. Comme indiqué dans le rapport annexé, le Gouvernement souhaite une augmentation, à la fois du budget d’intervention de l’ANR et du préciput, c’est-à-dire de la part qui sera versée, non pas au lauréat du projet, mais pour soutenir collectivement la recherche autour de ce lauréat.

Un travail a été mené avec les organismes de recherche et les universités sur la répartition du préciput. Cet amendement vise à préciser que l’objectif pour 2027 est d’augmenter fortement la part de gestion, car – le reproche en a été fait à l’ANR – les établissements hébergeurs ou gestionnaires ne s’y retrouvent pas, de prévoir une part spécifique pour le laboratoire dont l’équipe lauréate est issue de manière à soutenir des recherches émergentes dans le cadre de la politique scientifique de ses tutelles, et une part réservée à la politique de site, part qui permettra aux organismes et aux établissements de travailler ensemble au soutien à l’émergence d’activités de recherche.

M. le président. L’amendement n° 131 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Rapin, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson et Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin, Gremillet, Chevrollier et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Après le mot :

eux

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

pour financer la stratégie scientifique de ces établissements, ainsi que les coûts d’environnement et de gestion induits. À défaut, il est réparti par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche en respectant ces mêmes objectifs.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Cet amendement, qui répondra sans doute au souhait de notre rapporteure, vise à préciser plus avant les modalités de répartition du préciput.

L’objectif est d’inviter les établissements publics, notamment les universités, qui sont autonomes et responsables, à décider des règles communes de répartition de ce préciput dans le cadre de leur politique scientifique partagée. Il me paraît que la solution la plus appropriée consiste à inclure les dispositions correspondantes dans les accords de recherche conclus entre établissements. En l’absence de consensus, un décret peut fixer des règles de répartition, sans perdre de vue l’objectif de financement visé au travers de cet amendement, notamment sur la stratégie de recherche.

Nous devons encourager la collaboration entre établissements de recherche, car elle fait la richesse du système français. À cette fin, il est nécessaire, pour prendre en compte les frais indirects des projets de recherche, notamment liés à l’environnement et à la gestion, et accélérer leur conduite, de préconiser des pratiques contractuelles de répartition de ces coûts entre les différents établissements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. L’objet de l’amendement n° 210 indique bien qu’un accord a été obtenu dans le cadre du groupe de travail créé par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sur la répartition du préciput « nouvelle formule », ce que la commission appelait de ses vœux.

Lors de son audition, la ministre nous a annoncé quels seraient les bénéficiaires – les établissements gestionnaires, les établissements hébergeurs, les laboratoires et les politiques de site – et à quelle hauteur. Toutefois, nous ne retrouvons absolument pas ces éléments dans l’amendement qui nous est proposé, lequel a pour objet de renvoyer au décret. Comme ses auteurs le reconnaissent d’ailleurs dans l’objet, il s’agit d’une simple retouche rédactionnelle.

De plus, nous demandons depuis quinze jours – je le répète – les conclusions du groupe de travail sur le préciput, conclusions que vous avez signées. Nous sommes si je puis dire complètement « secs » quant aux répartitions.

J’en suis désolée, madame la ministre, mais j’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, et un avis favorable sur l’amendement n° 131 rectifié bis, car les dispositions qu’il vise à introduire constituent un pas dans la bonne direction.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 131 rectifié bis ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le travail qui a été mené dans la concertation pour aboutir non pas à trois, mais à quatre parts – une part pour la gestion, une part pour l’hébergeur, une part pour le laboratoire et une part pour la politique de site – permet de prendre en compte tous les niveaux de la recherche.

Les directeurs de recherche des unités concernées nous disent qu’ils ont besoin de disposer de moyens pour soutenir et financer des projets qu’ils voient émerger sans qu’il leur soit nécessaire de demander des financements spécifiques à leurs établissements de tutelle. Il ne s’agit pas de centaines de milliers d’euros ; il s’agit de pouvoir leur donner de quoi soutenir la science émergente dans le cadre de leur politique scientifique, laquelle a été validée par leur tutelle. C’est ainsi que l’on peut repérer des pépites.

Or il me paraît important que la répartition puisse être déterminée par décret pour que ces quatre parts existent bien, et que l’on n’ait pas la tentation de dire que les directeurs de laboratoire ne seraient pas traités de la même façon partout sur le territoire.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laure Darcos, rapporteure. Il est louable d’être parvenu à un accord. Je peux comprendre que vous n’indiquiez pas les proportions, mais je ne saisis pas pourquoi vous ne souhaitez pas afficher clairement dans la loi les quatre vecteurs. On pourrait indiquer symboliquement que la répartition, bien que susceptible d’évoluer, existe déjà.

Vous ne m’avez pas totalement convaincue, madame la ministre. Je maintiens donc mon avis défavorable sur l’amendement n° 131 rectifié bis et favorable sur le n° 210.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Ce débat sur le préciput est très intéressant, bien qu’extrêmement technique.

Madame la ministre, vous tentez de résoudre une contradiction forte : si l’essentiel des financements de ce projet de loi de programmation de la recherche passe par l’ANR, vous avez conscience, comme nous, qu’il est essentiel que les équipes et les établissements soient aussi financés par ailleurs. Nous avons unanimement souligné, ici même, au Sénat, l’importance d’assurer un équilibre entre ces deux types de financement.

Vous utilisez le préciput d’une façon quelque peu détournée pour alimenter les ressources propres de ces équipes. C’est une politique très difficile, parce qu’à demander trop à l’ANR, elle risque de rester dans la situation dont vous essayez de la sortir. Je crains que l’ANR ne devienne une vache à lait, si je puis dire, pour un certain nombre de politiques publiques que vous pourriez parfaitement soutenir par un autre mode de financement, notamment par la distribution des crédits récurrents.

Par ailleurs, chers collègues, la répartition des crédits de l’ANR est géographiquement très inégalitaire, Jean Hingray l’a dit avec justesse. Elle est aussi inégalitaire en fonction des disciplines. Certaines universités qui ne dispensent quasiment que des enseignements en sciences humaines et sociales bénéficient de très peu de crédits de l’ANR, non pas parce qu’elles ne le souhaitent pas, mais parce que du fait de leur encadrement administratif, les chercheurs ont énormément de mal à présenter des projets ; les chercheurs en sciences dites « dures » disposent, eux, d’un encadrement beaucoup plus important.

Si tout le financement passe par l’ANR et le préciput, un certain nombre de territoires et d’universités plutôt spécialisées en sciences humaines ne percevront pas cet argent et souffriront d’un sous-investissement chronique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, je tiens à me porter en faux avec vos propos indiquant que la majorité du financement sera distribuée au travers de l’ANR.

À l’horizon 2030 – je le répète –, l’ANR percevra environ 1 milliard d’euros sur les 5 milliards d’euros supplémentaires prévus : 4 milliards d’euros ne bénéficient donc pas à l’Agence. Au final, elle apportera 1,7 milliard d’euros sur 20 milliards d’euros. On ne peut pas dire que la recherche française est financée majoritairement par l’ANR !

Vous indiquez que les sciences humaines et sociales sont moins bénéficiaires parce qu’elles demandent moins et qu’elles disposent de moins d’aides. J’ai beaucoup discuté de ces sujets avec un certain nombre de représentants d’universités spécialisées en sciences humaines et sociales. J’estime que cette idée est quelque peu datée et que les choses ont beaucoup progressé. De plus, ces universités nous ont demandé que les financements de l’ANR soient plus adaptés aux attentes des disciplines de sciences humaines et sociales, ce que nous ferons. Le président de l’ANR, Thierry Damerval, y travaille.

Quelque 33 % des financements de l’appel à projets Flash covid-19 ont été attribués à des projets en sciences humaines et sociales. Il faut sortir de l’idée que les sciences humaines et sociales dans notre pays ne sont pas capables de candidater à des projets et d’être excellentes. Elles ont tout à gagner à ce mode de financement qui bénéficie, non pas seulement au projet lauréat, mais également au laboratoire et à l’ensemble du site.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 131 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 107, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’État veille à abonder de manière plus importante les financements de base des établissements appelés à bénéficier de financements autres que ceux de l’Agence nationale de la recherche.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, permettez-moi de vous répondre rapidement. Les chiffres que vous annoncez sur l’appel à projets Flash covid-19 sont tout à fait justes.

Toutefois, si les sciences humaines ont bénéficié d’un fort taux de réponses favorables, cela s’explique par le fort taux de réponses favorables de l’ANR – autour de 50 % – toutes disciplines confondues. Tous les chercheurs que j’ai rencontrés m’ont indiqué qu’ils étaient très satisfaits de ce taux. Ils souhaiteraient qu’il en soit toujours de même, car cela permet de financer beaucoup plus de projets. Or l’objectif que vous fixez au travers de ce projet de loi de programmation n’est pas de 50 % ; il se situe autour de 30 à 35 %. Le niveau relativement faible de réponses positives a des effets induits sur les disciplines.

Dans la continuité de l’amendement n° 10 déposé par M. Hingray, le présent amendement vise à permettre une prise en compte plus large des relations que les établissements universitaires ont noué avec les collectivités. Il faudrait reconnaître plus fortement cette attache.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 107.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.

(Larticle 12 est adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel après l'article 12 - Amendements n° 60, n° 74 rectifié et 132 rectifié bis (interruption de la discussion)

Article additionnel après l’article 12

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 60 est présenté par M. Hingray, Mmes Létard, C. Fournier et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 74 rectifié est présenté par M. Perrin, Mme Deroche, MM. Milon et B. Fournier, Mme Chauvin, MM. Rietmann et Brisson, Mme Deromedi, M. Savary, Mme M. Mercier, MM. D. Laurent, Bonne et Joyandet, Mmes Delmont-Koropoulis, Raimond-Pavero et Ventalon, M. Lefèvre, Mme F. Gerbaud, M. Bascher, Mme Imbert, MM. E. Blanc et Regnard, Mme Lherbier, MM. del Picchia, Bouchet, Sautarel et Pointereau, Mme Micouleau et MM. Belin et Grosperrin.

L’amendement n° 132 rectifié bis est présenté par MM. Piednoir et Calvet, Mme Joseph, M. Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et M. Gremillet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre II du titre III du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase de l’article L. 732-2, après les mots : « de l’enseignement supérieur », sont insérés les mots : « et de la recherche » ;

2° La troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 732-3 est complétée par les mots : « et entame, tous les trois ans, un dialogue financier avec les services du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche afin de valoriser la participation des établissements définis à l’article L. 732-1 aux missions de service public de l’enseignement supérieur et de la recherche définis à l’article L. 123-3 ».

II. – Le titre Ier du livre III du code de la recherche est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre …

« Les établissements privés associés à la mission de service public de la recherche

« Art. L. 311-…. – Les établissements privés en contrat avec l’État, tels que définis à l’article L. 732-1 du code de l’éducation, concourent à la mission de service public de recherche et aux objectifs de la recherche publique définis à l’article L. 112-1 du présent code. Ils sont évalués par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. »

La parole est à M. Jean Hingray pour présenter l’amendement n° 60.

M. Jean Hingray. Le présent amendement vise à valoriser et encadrer la participation des établissements privés à but non lucratif en contrat avec l’État à l’effort national de recherche.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié.

M. Max Brisson. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 132 rectifié bis.

M. Stéphane Piednoir. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Messieurs les sénateurs, ce que vous demandez existe déjà.

En effet, la recherche fait partie des missions de service public de l’enseignement supérieur énoncées dans le code de l’éducation ; en concourant à ces dernières, les Eespig ont naturellement une mission de recherche.

De plus, les contrats comprennent six thématiques obligatoires, parmi lesquelles la recherche. La qualification d’Eespig nécessite que les formations et les diplômes visés ou conférant grade soient adossés à la recherche, ce qui impose qu’on puisse reconnaître une activité de recherche à ces établissements.

Vous souhaitez qu’un dialogue financier soit prévu tous les trois ans. L’élaboration du contrat pluriannuel d’établissement entre l’État et les Eespig comprend déjà une annexe financière et permet donc ce dialogue régulier.

Enfin, vous souhaitez l’introduction d’un nouveau chapitre dans le code de la recherche comprenant un article unique relatif aux Eespig pour indiquer que ces établissements concourent à la mission de service public de la recherche et sont évalués par le Hcéres. Comme je l’expliquais précédemment, ils y concourent déjà. Par ailleurs, les amendements que vous avez adoptés prévoient des évaluations par d’autres organisations que le Hcéres : l’évaluation que vous souhaitez introduire serait donc redondante.

Je demande le retrait de ces trois amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60, 74 rectifié et 132 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel après l'article 12 - Amendements n° 60, n° 74 rectifié et 132 rectifié bis (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Discussion générale

4

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Pierre Jourdan, qui fut sénateur de l’Ardèche de 1971 à 1980.

5

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

6

Hommage aux victimes d’une attaque terroriste survenue à Nice

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, attentat après attentat, la France des Lumières s’assombrit. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

Quelques jours après l’abominable assassinat de Samuel Paty, le terrorisme islamiste vient de nouveau de frapper en la basilique Notre-Dame de l’Assomption, ce matin, à Nice, ville tellement meurtrie.

Je tiens, au nom du Sénat, à exprimer notre compassion et notre soutien aux familles des victimes et à leurs proches. J’ai une pensée émue pour les catholiques de France durement éprouvés en cette veille de fête de la Toussaint. Je pense aussi au père Hamel lâchement assassiné dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray au mois de juillet 2016. Je pense aux Niçoises et aux Niçois encore une fois éprouvés.

L’islamisme radical a déclenché contre notre pays une offensive de grande ampleur. Ces actes constituent une agression contre notre peuple, contre notre identité et contre – j’ose le mot – notre civilisation et les valeurs qu’elle porte. S’attaquer à une église, à un temple, à une synagogue ou à une mosquée, c’est s’attaquer à la République tout entière. Je pense au principe défini par Aristide Briand selon lequel la loi doit protéger la foi tant que la foi n’entend pas dicter la loi.

Nous sommes à la croisée des chemins. Faiblir, c’est renoncer. Renoncer, c’est abdiquer. Abdiquer sur les valeurs qui ont construit notre nation et notre République.

Notre combat est celui des Lumières contre l’obscurantisme. Aujourd’hui c’est l’esprit de la résistance qui doit nous animer ; c’est une nation solidaire et unie face à ce qui est désormais un ennemi – j’ose le mot – clairement désigné. Le Sénat, dans sa diversité, sera à la hauteur de ses responsabilités.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous invite à observer, non pas comme une répétition ou une forme de litanie, car nous ne cessons de nous recueillir en ces temps difficiles, un moment de recueillement, mais aussi d’engagement, en mémoire des victimes de cet attentat et de toutes celles et de tous ceux à qui nous devons d’être une République debout. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

7

Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en effet dans un contexte particulièrement dramatique, après l’attentat atroce qui vient d’être perpétré à Nice, que je m’adresse à vous cet après-midi

Le Président de la République s’est rendu sur place. Et il était de mon devoir d’être présent ici, au Sénat, dans le cadre de mes fonctions, comme cela était prévu. La vie démocratique, que certains souhaitent abattre, doit plus que jamais suivre son cours.

La France subit une nouvelle fois une attaque sanglante. La République doit rester debout. Et c’est pour cette raison que je prononcerai depuis cette tribune le discours que j’avais préparé à votre intention.

Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que le vendredi 16 octobre, avec le meurtre de Samuel Paty, c’est la liberté d’expression et d’enseigner qui étaient prises pour cibles. Aujourd’hui, avec les victimes de Nice, c’est la liberté de culte et, au-delà, la liberté de conscience qui sont attaquées.

Dans cette heure d’une gravité exceptionnelle où l’émotion du pays est à son comble, permettez-moi d’adresser, au nom du Gouvernement, mes plus profondes condoléances aux familles et aux proches des victimes. Je tiens également à exprimer un message de soutien, en notre nom à tous, aux catholiques de ce pays frappés au cœur, dans une de leurs églises et à la veille des fêtes de la Toussaint.

Le Président de la République a immédiatement convoqué pour demain un conseil de défense et de sécurité nationale, et j’ai d’ores et déjà porté le plan Vigipirate au niveau « urgence attentat » sur l’ensemble du territoire national.

Non, vous avez raison, monsieur le président, la République ne faiblira pas, la République n’abdiquera pas !

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut remonter à près d’un siècle dans l’histoire de la France, de l’Europe et du monde pour trouver une crise sanitaire comparable à celles que nous vivons.

Hier soir, le Président de la République a souhaité s’adresser directement aux Françaises et aux Français pour leur faire part des décisions qui ont été prises pour affronter l’épidémie. Il me revient aujourd’hui, comme l’article 50-1 de la Constitution m’y autorise, de venir devant vous pour vous présenter tout à la fois les raisons et les modalités de ces nouvelles mesures. Il nous appartiendra ensuite d’en débattre. Et il vous reviendra de vous prononcer.

Je tiens d’emblée à dire devant la Haute Assemblée avoir parfaitement conscience que nous demandons à nos concitoyens, dans une période déjà particulièrement troublée, de nouveaux efforts et de nouveaux sacrifices, rendus nécessaires par cette nouvelle flambée de l’épidémie.

Cette flambée, vous le savez, ne concerne pas que la France ; l’ensemble des pays européens y est aujourd’hui soumis. L’accélération brutale et soudaine, en large partie imprévue avec une telle intensité, y compris par la communauté scientifique, nous oblige à agir plus fortement encore. Car ce virus, convenons-en tous ensemble, doit appeler chacune et chacun à la plus grande humilité. Le caractère totalement inédit de cette crise et les difficultés à y faire face tiennent, en effet, à ce que ce virus n’existait pas il y a encore un an et reste toujours, en large part, imprévisible.

La France, à l’instar de ses voisins, a déconfiné de manière progressive et territorialisée à partir du 11 mai. Dès que les signes de reprise épidémique se sont manifestés cet été, elle a adopté une réponse également progressive et territorialisée, toujours à l’instar de ses voisins.

Devant la Haute Assemblée, dont je connais l’attachement à la France des territoires, au dialogue et à la proximité, je tiens à saluer les élus locaux. Je suis en relation permanente avec ces élus depuis des semaines et voudrais souligner leur grand sens des responsabilités. Dans la gestion de cette crise, le couple préfet-maire, dont je me suis toujours fait l’ardent promoteur, fonctionne très bien. Je remercie également les régions et les départements de leur mobilisation constante.

Toutefois, cette stratégie se heurte aujourd’hui à la flambée de l’épidémie, j’insiste sur ce mot. Je l’ai dit ce matin devant l’Assemblée nationale et vous le savez : aucun pays d’Europe n’est épargné. Je discute régulièrement avec mes homologues de la situation à laquelle ils sont confrontés et des mesures qu’ils prennent.

En France, l’épidémie est désormais partout et sévit sur l’ensemble des territoires. Si la mortalité, comme pendant la première vague, affecte principalement des personnes très âgées, la maladie frappe toutes les générations, avec des formes graves et des séquelles parfois lourdes et durables.

Aujourd’hui, 60 % des lits de réanimation sont occupés par des patients covid, soit deux fois plus qu’il y a quinze jours. Nous allons devoir gérer un mois de novembre avec un pic d’hospitalisations vraisemblablement plus élevé qu’au mois d’avril dernier. L’accélération du virus nous oblige à presser la mise en œuvre de nouvelles mesures sanitaires

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a décidé d’instaurer un nouveau confinement à l’échelle du pays tout entier jusqu’au 1er décembre avec des adaptations pour les seuls départements et territoires d’outre-mer. Tous nos voisins européens sont ou seront contraints d’adopter des mesures similaires, et ce pour une raison simple : c’est la seule solution pour sauver des vies.

Il ne m’a pas échappé que certains soutiennent que multiplier les lits de réanimation suffirait à endiguer l’épidémie. Mais c’est refuser de comprendre que les murs et les lits ne suffisent pas, que l’on ne forme pas un médecin réanimateur ou une infirmière spécialisée en six mois. Quand bien même, mesdames, messieurs les sénateurs, pourrions-nous augmenter sans limites nos capacités hospitalières, ce raisonnement supposerait que nous acceptions de voir le nombre de morts et de personnes intubées s’envoler. C’est exactement vers le contraire que nous devons aller : prévenir plutôt que guérir, empêcher l’épidémie de progresser.

Par ailleurs, il est une seconde idée fausse que je ne peux pas laisser prospérer et que j’entends bien combattre devant vous. Certains, en effet, proposent de confiner les plus vulnérables de nos concitoyens, à commencer par les personnes âgées. Qui peut croire qu’il serait possible d’établir un mur étanche entre les aînés et le reste de la population ?

Il est tout aussi faux de penser que l’on pourrait laisser galoper impunément l’épidémie dans toute la population sans qu’elle finisse par atteindre celles et ceux que nous cherchons justement à protéger.

Pourtant, nous savons d’expérience que le confinement n’est pas exempt de graves conséquences économiques, psychologiques et sociales. C’est la raison pour laquelle la nouvelle forme de confinement que nous avons décidée sera différente de celle que nous avons connue au printemps dernier. Nous avons appris et tiré des leçons de la première vague.

Première différence majeure : les établissements scolaires resteront ouverts. Le confinement du printemps dernier a accru le risque de décrochage scolaire pour les enfants, en particulier les plus défavorisés. Je sais également que les enseignants ont été alors affectés d’être séparés de leurs élèves, mais je sais aussi pouvoir compter sur leur dévouement et leur attachement à l’école de la République, à un moment où elle a été attaquée avec la volonté de l’intimider.

Au-delà de l’école, nos grands services publics – je pense à La Poste ou aux guichets des administrations – doivent également continuer à fonctionner dans cette nouvelle phase. Aussi, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées resteront ouverts ; et il en ira de même du secteur périscolaire.

Dès la rentrée de lundi, en dehors du renforcement général de nos mesures de sécurité, le protocole sanitaire applicable à ces établissements sera renforcé pour assurer la protection de tous : enfants, enseignants, parents d’élèves. Conformément aux avis que nous ont transmis hier la société française de pédiatrie et le Haut Conseil de la santé publique, le port du masque sera étendu aux enfants du primaire dès l’âge de 6 ans.

Alors que la France avait connu une récession parmi les plus fortes en Europe avec le confinement du mois de mars, tout doit être fait, cette fois-ci, pour éviter de connaître une chute de l’activité économique aussi brutale. Il ne peut être question de mettre de nouveau notre économie sous cloche. Le plus grand nombre d’entre nous doit continuer à pouvoir travailler, autant que possible, dans des conditions sanitaires optimales, tout en stoppant la circulation virale.

Pour cela, le recours au télétravail doit être organisé de la manière la plus massive possible dans les entreprises comme dans les administrations publiques. S’agissant de ceux pour qui le télétravail est impossible et dont les activités resteront autorisées, des attestations dérogatoires permettront de poursuivre leur activité.

Le secteur du BTP doit continuer à travailler, nos usines doivent fonctionner et les agriculteurs poursuivre leurs activités. Pour autant, nous le savons, mesdames, messieurs les sénateurs, ce confinement aura, malgré notre volonté de l’adapter, des conséquences sociales et économiques lourdes, en particulier pour les secteurs déjà fragilisés qui vont de nouveau faire l’objet d’une fermeture administrative. C’est aussi ce défi considérable que nous devons relever.

Je comprends la difficulté immense et la détresse qui touchent ceux que, pour des motifs d’intérêt général sanitaire, l’on empêche de travailler. Comme lors de la première vague, les commerces, à l’exception de ceux de première nécessité, seront fermés, ainsi que les bars et les restaurants. Seront également fermées les entreprises de l’événementiel, du sport, et les secteurs du cinéma et du spectacle vivant cesseront leur activité. Suspendre temporairement ces activités est particulièrement douloureux, car il y va aussi de l’esprit français. Mais nous devons à nos concitoyens une ligne claire et des décisions lisibles.

Je pense aussi à ceux dont l’activité qui, sans être formellement interdite, subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire : le tourisme, l’hôtellerie, l’aéronautique et l’automobile. Nous ferons tout pour accompagner ces secteurs, leurs salariés et en particulier les indépendants, afin de repousser et d’éviter le risque de faillite.

L’État, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, a déployé, au cours de la première vague, des mesures de soutien tout à fait exceptionnelles saluées en Europe comme étant parmi les plus ambitieuses. Ces mesures seront reconduites et amplifiées, car nous savons que notre tissu économique a été particulièrement fragilisé depuis le printemps dernier.

Mercredi, le conseil des ministres adoptera un nouveau projet de loi de finances rectificative pour l’exercice 2020 prévoyant une enveloppe de 20 milliards d’euros supplémentaires pour financer ces mesures de soutien exceptionnel. Ces dépenses, que nous devons assumer ensemble, sont d’abord un investissement, car elles ont pour objet de limiter le coût économique, financier, mais surtout humain de cette pandémie.

Le Gouvernement a parfaitement conscience que certains de nos concitoyens ont souffert plus que d’autres depuis le début de cette crise et que ce sont les mêmes qui seront tout particulièrement affectés par ce nouveau confinement ; je pense évidemment aux jeunes, aux indépendants, aux travailleurs dits « de la deuxième ligne », aux personnes fragiles et précaires.

En concertation avec les partenaires sociaux que j’ai reçus en début de semaine et dont je salue le haut sens des responsabilités, avec les associations et les organisations professionnelles, nous allons renforcer les solutions adaptées à leur situation. Permettez-moi de m’adresser directement à eux, à travers vous, pour leur dire que la solidarité nationale continuera à se déployer pleinement.

Les mesures que nous prenons sont particulièrement difficiles à accepter pour une population qui a déjà affronté de longues semaines de confinement au printemps dernier. C’est la raison pour laquelle la situation sera soumise à une première évaluation au bout de quinze jours, afin d’ajuster éventuellement ce dispositif. Nous sommes déjà à pied d’œuvre pour anticiper l’échéance du 1er décembre, pour améliorer encore nos outils de prévention, pour tester mieux et plus, pour alerter plus vite, pour protéger de manière plus efficace, pour vivre avec ce virus jusqu’à ce que la science nous permette d’en venir à bout.

Nos concitoyens sont inquiets, beaucoup sont en souffrance. Tous sont concernés par cette maladie, tous sont menacés par la crise économique qui en résulte. Cette crise, mesdames, messieurs les sénateurs, est finalement un rendez-vous avec nous-mêmes. Car la vie avec le virus, la maîtrise de l’épidémie reposent avant tout sur notre responsabilité individuelle et collective. Une part de la solution est entre les mains de chacune et chacun d’entre nous. Adaptons nos comportements, respectons les gestes barrières. Protégeons-nous, protégeons les autres, y compris chez nous.

Nous devons tous nous hisser à la hauteur des circonstances exceptionnelles que traverse la France. Nous vivons un moment particulièrement difficile. Nous devons affronter avec le virus un ennemi qui n’a ni stratégie, ni tactique, ni volonté particulière, mais qui tue. Aujourd’hui, si la France est de nouveau horrifiée et endeuillée, la République tient debout.

La double épreuve qui nous frappe est totalement inédite. Nous devons, mesdames, messieurs les sénateurs, faire corps. Nous faisons le choix de la vie et de la solidarité, car finalement c’est le seul qui s’impose. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Mes chers collègues, à la demande de plusieurs présidents de groupe, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons aux orateurs des groupes politiques.

Dans le débat, la parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre pays vit des heures noires.

La concorde nationale n’est pas, dans cette situation, quand il s’agit de préserver notre pacte républicain et notre modèle de société, une vaine expression. Soyons à la hauteur de l’attente des Français, qui ont besoin d’être rassurés, qui ont besoin de solidarité et qui ont besoin de se projeter, y compris dans la confiance en leurs dirigeants. L’angoisse, le désespoir, la peur, l’absence de perspectives composent le terreau fertile d’un potentiel délitement et affaiblissement de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

Dans ce climat si inquiétant, mes premiers mots de compassion, après l’effroi et la sidération, vont vers les victimes du fanatisme islamiste, qui a encore frappé les habitants de la ville de Nice, une nouvelle fois meurtrie au travers de son église catholique. Je pense aussi à nos forces de sécurité, qui ont arrêté l’auteur de cette attaque ignoble et qui méritent plus que jamais notre respect, un respect à la hauteur de leur dévouement.

Ce dévouement et cette résilience, nous les retrouvons aujourd’hui dans chaque foyer français. Ainsi, je souhaite rendre hommage aux soignants, qui vont être une fois de plus en première ligne, alors que leur résistance physique et psychologique, héroïque bien souvent, a été fortement éprouvée. Et les semaines qui viennent, mes chers collègues, seront un enfer pour ces personnels soignants.

Je souhaite rendre hommage aux travailleurs qui ne pourront pas se confiner et qui continueront, malgré les risques pour leur santé, à faire en sorte que notre pays reste debout. J’aurai également une pensée pour nos compatriotes qui ont été touchés par ce virus, avec parfois des conséquences sur le long terme, pour ceux qui ont perdu des proches, pour ceux qui se battent actuellement contre cette maladie. J’aurai enfin une pensée pour une partie de nos concitoyens les plus fragiles, qui vont être confrontés à la solitude et la précarité.

Voilà neuf mois que la pandémie est entrée dans la vie de tous les Français. Elle l’a changée, percutée, détruite pour certains. Nous nous retrouvons ce jour au Parlement, dans cette enceinte qui est l’émanation du peuple français, pour évoquer les nouvelles mesures prises pour contrer la deuxième vague.

Cette nouvelle épreuve est grave. Elle demande un nouvel effort important, peut-être plus important même que celui qu’ont supporté les Français depuis le mois de mars dernier. Le pays tout entier est mobilisé pour faire face et chacun doit jouer son rôle.

Notre rôle, en tant que parlementaires, en tant que législateur, est de participer comme représentants du peuple au débat national. Valérie Rabault, mon homologue à l’Assemblée nationale, et moi-même vous avions demandé par courrier, monsieur le Premier ministre, le 10 septembre et encore le 15 octobre dernier, que le débat qui se tient aujourd’hui soit organisé bien en amont. Ce n’était pas un caprice, monsieur Castex : c’était une nécessité ! Vous l’avez refusé. Vous ne l’estimiez pas nécessaire dans votre réponse du 19 octobre.

Je le regrette, alors que nous nous retrouvons aujourd’hui pour entériner une décision très lourde de conséquences, annoncée hier soir par le Président de la République, sans qu’aucun débat éclairé et digne de ce nom ait pu avoir lieu préalablement dans les enceintes du Parlement. Le débat est normal, important dans une démocratie. Le débat devant les Français doit se faire dans notre enceinte et pas ailleurs. Sinon, la défiance sera au rendez-vous.

Nous regrettons votre gestion trop pyramidale. L’exécutif ne s’est pas senti obligé de présenter publiquement devant quiconque les différents scenarii sur lesquels il a travaillé. Les éléments de diagnostic sur lesquels il se fonde pour arrêter sa décision ont fait l’objet de cette réunion, disons-le, surréaliste, mardi soir dernier, avenue de Ségur.

La fonction délibérative de notre démocratie est ainsi remplacée par un débat qui n’aboutit qu’à un enregistrement a posteriori d’une décision prise ailleurs, puis détaillée plus finement devant la presse que devant la représentation nationale ce jour. Nous ne pouvons pas, monsieur le Premier ministre, être les supplétifs de quelques conseils que ce soit, aussi scientifiques soient-ils.

Votre gouvernement recherche l’unité nationale, mais ne fait rien pour la créer. Le Président de la République l’a dit hier soir : « J’ai décidé de confiner le pays. » Les consultations mises en place avant cette décision n’étaient donc que de pure forme.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Patrick Kanner. Pour autant, en responsabilité, je dirais même en conscience, et eu égard à la situation actuelle, nous voterons en faveur de ce qui est devenu inévitable (Marques détonnement sur les travées du groupe Les Républicains.) : des mesures sanitaires plus strictes pour protéger les Français, car leur santé doit être notre priorité. Mais je le dis très nettement, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ce vote n’est en aucun cas un vote de confiance pour le Gouvernement ; il n’est pas non plus un quitus donné pour l’action de celui-ci depuis le début de cette crise.

M. Patrick Kanner. C’est un vote favorable pour, encore une fois, protéger les Français.

Certes, le combat contre le virus est extrêmement difficile. Nous ne le nierons pas. Aucun gouvernement dans le monde n’y était préparé. Cette maladie est évolutive : elle ne frappe pas toujours là où on l’attend, et la deuxième vague dans laquelle nous sommes pris au piège, qui est encore devant nous, s’annonce plus terrible que ce que nous avions annoncé et que ce que nous avions vécu au printemps dernier.

Mais nous ne pouvons pas vous accorder notre confiance, monsieur le Premier ministre. De nombreux spécialistes, parmi lesquels le président du conseil scientifique, estimaient probable une deuxième vague. Le 27 juillet, un rapport dudit conseil jugeait, « fortement probable la survenue d’un retour du virus en novembre ou au plus tard dans l’hiver ».

Le 14 juillet dernier, le Président de la République affirmait que nous étions prêts à affronter une seconde vague. Vous-même, le 27 août, vous déclariez : « Face à la pandémie, il n’y a pas de quoi s’affoler. » Le 22 octobre, le ministre des solidarités et de la santé avançait, à l’appui du couvre-feu que : « sans mesures nouvelles là où c’est nécessaire pour freiner l’épidémie, il y aurait dans les quinze jours jusqu’à 50 000 malades diagnostiqués quotidiennement ». Ce seuil a été atteint quatre jours après cette déclaration. Hier soir, Emmanuel Macron, Président de la République, se déclarait « surpris par l’évolution du virus », présentant des comparaisons avec les autres États européens.

Monsieur le Premier ministre, je ne vous demande pas d’être « aussi faible » ou « aussi mauvais » que d’autres États européens, je vous demande d’être meilleur ! Nous ne pouvons pas vous faire confiance, car gouverner c’est prévoir. Ces déclarations montrent que ce n’était pas le cas. Ce manque d’anticipation va coûter très cher à la Nation.

Comme au printemps, la qualité de la réponse sanitaire déterminera le nombre de vies que nous sauverons. Il faut prendre en compte toutes ces alertes. Comme le disait hier notre collègue Bernard Jomier dans cette enceinte même, tous les rapports relèvent un dysfonctionnement dans la gestion de la pandémie : une myriade d’agences sanitaires, la création d’agences nouvelles, et la stratégie « tester, tracer, isoler » qui n’a pas fonctionné. Les nouvelles annonces restrictives sont nécessaires, mais elles sont aussi le marqueur d’un échec en matière de politique de santé publique.

La situation de l’hôpital public s’est dégradée. La lenteur de la mise en place du Ségur de la santé place les soignants devant un dilemme insoluble : ils ne peuvent que tenir malgré les insuffisances, sinon l’hôpital public implosera, ce qui affectera encore plus la santé de nos concitoyens.

Nous vous avons auditionné le 6 mai dernier, monsieur Castex, alors que vous étiez chargé du déconfinement. Vous êtes désormais le Premier ministre chargé du reconfinement. Dans ce cadre, j’ai une question simple à vous poser : pouvez-vous nous présenter clairement, avec précision, les différents scenarii qui nous permettront d’éviter un troisième reconfinement début 2021 ?

Nous relevons ces points par esprit de responsabilité. Contrairement à ce qu’ont pu dire ces derniers jours votre porte-parole et votre ministre des solidarités et de la santé, nous avons fait des propositions : cela fait neuf mois que nous répondons présents, que nous sommes au rendez-vous pour accompagner les Français face à cette crise. En matière de santé publique, nous vous avions alerté sur les dysfonctionnements.

Nos propositions ont également porté sur la question sociale. Sur ce point, aucun quitus non plus ne sera donné à votre gouvernement, qui n’a pas pris la mesure de l’urgence. Un million de Français ont rejoint les plus de 9 millions de Français qui étaient déjà sous le seuil de pauvreté. Cette situation est dramatique. Il aurait fallu réagir plus en amont, plus rapidement, plus efficacement. Vos annonces de samedi dernier ne répondent pas à ce drame social en perspective. Il n’y en a pas eu depuis, malgré le durcissement.

Vous pratiquez un saupoudrage, qui ne prend pas en compte l’ampleur de ce qui existe déjà, et encore moins de ce qui attend notre pays. Bien sûr, des mesures d’urgence ont été prises au début de la crise, et nous avions d’ailleurs voté vos différents budgets rectificatifs, mais les jeunes, les pauvres, les nouveaux précaires sont sortis de votre radar. À ceux-là, vous proposez des aides exceptionnelles et ponctuelles, quand la deuxième vague nous confirme qu’un grand nombre de Français risquent de s’installer dans la précarité sur un temps long.

Dans le même temps, la suppression de l’impôt sur la fortune et l’instauration de la flat tax au début du quinquennat ont eu pour effet de faire fortement augmenter le revenu des 0,1 % des Français les plus aisés, tandis que la distribution des dividendes, de plus en plus concentrée, a explosé ces derniers mois. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est la vie, mes chers collègues ! Cet « en même temps » là, c’est de la fracture sociale en puissance !

Ainsi, il vous faudra répondre à ces questions de plus en plus pressantes, monsieur le Premier ministre.

Quand allez-vous penser de nouvelles ressources tirées de la taxation du capital pour qu’une réelle solidarité nationale s’exerce dans cette crise ?

M. Bruno Sido. Et voilà, c’est reparti !

M. Patrick Kanner. Quand allez-vous ouvrir le revenu minimum aux jeunes pour les empêcher de sombrer quand ils n’ont plus de petits boulots ni de perspectives professionnelles ? Quand allez-vous revenir sur votre réforme des aides personnalisées au logement (APL) ? Quand allez-vous abandonner définitivement votre réforme de l’assurance chômage ? Quand allez-vous revaloriser les minima sociaux ? Quand allez-vous augmenter les moyens alloués à l’aide alimentaire, à laquelle le recours explose sur notre territoire, et non les baisser, comme le prévoit le projet de loi de finances ? Quand allez-vous rendre les masques gratuits à l’école pour que tous nos enfants soient protégés efficacement ? Quand allez-vous réactiver une politique ambitieuse de contrats aidés ?

M. Bruno Sido. Des mots de socialiste !

M. Patrick Kanner. La réalité est là, sous nos yeux, tragique. Allez-vous la prendre en compte et changer de cap social ? C’est notre demande depuis le début de la crise.

Il faudra aussi accompagner, à côté du commerce de proximité et de la restauration, qui vont droit au tapis, même si vous allez les soutenir – je n’en doute pas un seul instant –, le monde de la culture et celui du sport, si durement touchés. Accélérez sur cette question que le Président de la République n’a même pas évoquée hier soir, sinon, il ne restera que des décombres et ce qui fonde notre identité commune ne pourra pas se relever.

Alors, oui, notre vote est un vote pour les Français. Mais pour aller vers les Français, il faut sortir de votre verticalité et mieux associer les relais que sont les élus locaux. Mon groupe a naturellement une préoccupation toute particulière pour les territoires d’outre-mer : certains ont été lourdement touchés par la crise sanitaire, d’autres, telle que la Polynésie française, subissent de plein fouet cette seconde vague. Puisque les situations sont différenciées, nous appelons des réponses territorialisées et surtout concertées avec les acteurs locaux. La mobilisation totale de l’État sera absolument nécessaire.

En conclusion, monsieur le Premier ministre, ce confinement et le déconfinement qui suivra doivent fonctionner. L’effort est trop important. La difficulté de votre tâche est grande, mais la responsabilité devant les Français l’est tout autant. Nous vous demandons plus de transparence citoyenne : c’est par ce seul biais, par le partage d’éléments précis et clairs auprès de la représentation nationale et des Français, que vous emporterez la confiance de nos concitoyens. Cette confiance est nécessaire pour combattre le virus.

Monsieur le Premier ministre, nous voterons cette déclaration, pas pour vous, pas pour votre action passée, mais pour les Français, pour les protéger. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, dans quelques heures, par la volonté du président En Marche, la France sera à l’arrêt pour la deuxième fois, au moins jusqu’au 1er décembre. Il est plus facile pour Emmanuel Macron d’enfermer les Français que d’enfermer les islamistes !

Le Président de la République s’est livré hier à son exercice favori quand il s’adresse aux Français : culpabiliser, interdire et mentir avec un aplomb qui forcerait presque le respect. Comment oser affirmer, en regardant les Français droit dans la caméra, avoir appris de la première vague de la covid-19, alors que les conclusions du bilan de la gestion printanière de l’épidémie, rédigées par le général Lizurey, pulvérisent le mensonge du chef de l’État ?

Des conseils de défense qui ne donnent aucun conseil ! Des cellules de crise ministérielle et interministérielle concurrentes, dont les informations ne circulent pas ! Des préfets et directeurs d’agence régionale de santé (ARS) dont la rivalité neutralise les décisions ! Une logistique largement défaillante et, le plus inquiétant, c’est qu’aucune des vingt et une recommandations du rapporteur n’a été prise en compte. Aucune !

Cela n’a pas empêché Emmanuel Macron d’affirmer le 14 juillet que, en cas de deuxième vague, il serait prêt, suivi par le secrétaire d’État chargé du tourisme qui, le 12 octobre dernier, incitait les Français à partir pour les vacances de la Toussaint.

Pour le président Macron, passer de 5 000 à 6 000 lits, c’est doubler les capacités d’accueil en réanimation. Ce n’est pas étonnant quand un ministre de la santé préfère obéir aux exigences budgétaires de Bruxelles plutôt qu’aux exigences sanitaires de la France.

Pour tenter de masquer sa responsabilité, ainsi que celle de son gouvernement dans la reprise de l’épidémie, le Président use et abuse de la stratégie d’« anxiogénisation » des esprits avec l’évocation de 400 000 morts potentiels si l’on ne reste pas enfermé à double tour chez soi. Personnes âgées, jeunes, tout le monde est concerné par le virus, ce que nul ne conteste, mais alors pourquoi autoriser les visites dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et laisser les écoles ouvertes ?

La grande distribution peut se réjouir : ce confinement sera une nouvelle affaire juteuse, pendant que les artisans, les commerçants, les cafetiers, les restaurateurs sont condamnés à mort.

Le Président annonce le contrôle des frontières extérieures de l’Europe, mais laisse les frontières intérieures ouvertes, alors qu’il affirme dans le même temps que l’épidémie touche plus fortement encore nos voisins. Où est la cohérence, monsieur le Premier ministre ? Où est la logique ? Cela part dans tous les sens, et dans tous les sens contraires ! On n’y comprend plus rien !

Ce que l’on sait, c’est qu’à la crise sanitaire c’est une crise économique et sociale d’une violence inouïe que le Gouvernement inflige aux Français.

Et, bien sûr, tout en continuant à ignorer leur expérience, le chef de l’État a le culot d’en appeler à la mobilisation des élus locaux pour assurer le service après-vente. Ceux-ci ne vous ont pas attendu, fort heureusement monsieur le Premier ministre, pour protéger les populations.

Incapable de prévoir, d’organiser et de décider, vous n’avez plus d’autre solution que d’incarcérer nos compatriotes chez eux, de précipiter le chaos économique et social, et d’exiger du Parlement qu’il ait le vote sur la couture du pantalon. Les parlementaires ne sont pas, ne vous en déplaise, à votre botte !

À vos mensonges, les Français ne croient plus. À votre capacité à combattre l’épidémie, les Français ne croient plus. À votre capacité à écouter le pays réel, je ne crois plus. C’est pour toutes ces raisons, et pour la mémoire des 35 785 victimes du covid-19, monsieur le Premier ministre, que ma confiance, vous ne l’aviez déjà pas, et vous ne l’aurez définitivement plus !

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les Français traversent actuellement des heures difficiles et la situation est grave.

La France, le pays que nous aimons, est frappée simultanément par plusieurs crises – sanitaire, économique et sociale –, mais aussi de nouveau par le totalitarisme islamiste. Au nom de mon groupe, je veux m’associer aux hommages et surtout saluer la mémoire des victimes, de toutes les victimes.

Monsieur le Premier ministre, je vous ai interrogé la semaine dernière lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement et vous ai indiqué que nous étions en train de perdre du terrain dans ce grand combat contre l’islamisme. Ces victimes vous obligent. Elles vous obligent à sortir des solutions toutes faites, des demi-mesures, car on n’y parviendra pas avec des demi-mesures, j’en suis persuadé.

Je pense qu’il faut un combat global et qu’il faut aussi sortir du cadre. Si vous restez dans le cadre, vous continuerez à faire des déclarations, nous continuerons à rendre des hommages et les crimes se poursuivront en France et ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

La gravité de cette situation, mes chers collègues, nous oblige à la fois à la responsabilité et à la hauteur.

Il n’est pas inutile de vous rappeler notre état d’esprit, monsieur le Premier ministre. La ligne que nous nous sommes fixée depuis le début des attentats et le début de cette crise tient en deux mots : responsabilité et exigence.

Responsabilité d’abord. Nous avons été au rendez-vous en adoptant tous les textes que vous nous avez proposés. Tous ! Notre responsabilité est de vous donner les moyens de gouverner pour protéger les Français. Mais, en face de cette responsabilité, il y a une exigence de vérité, exigence que nous devons d’un point de vue démocratique à nos concitoyens, à nos compatriotes, aux Français qui, eux-mêmes, s’interrogent – et nous nous devons de relayer leurs interrogations, parce qu’elles sont légitimes et que nous avons été mandatés pour cela.

Vous vous êtes exprimé à plusieurs reprises sur l’unité nationale. Très bien ! Mais l’unité nationale ne peut être un prétexte pour imposer le silence dans les rangs, pour museler l’opposition nationale. Monsieur le Premier ministre, vous aviez une bonne occasion de sceller cette union nationale. Ce soir, nous allons examiner un texte qui vous donnera les moyens de réaliser ce que vous nous avez annoncé. Nous allons d’ailleurs sans doute l’adopter, après l’avoir amendé.

Mais vous avez aussi maintenu, dans les circonstances que nous connaissons, un vote à l’issue de ce débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution. Vous auriez pu le reporter : cela aurait été évidemment la preuve que vous étiez attaché à cette unité nationale. Vous ne l’avez pas fait, alors que c’est un vote qui n’est qu’indicatif, un vote de confiance, confiance que nous ne vous accorderons sans doute pas, un vote pour rien, un vote inutile donc. (M. le Premier ministre exprime son désaccord.) Dans ces circonstances, était-il vraiment nécessaire de le préserver ?

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Bruno Retailleau. La responsabilité qui est la nôtre est de vous donner les moyens que vous souhaitez pour enrayer l’épidémie, et nous le ferons. Votre responsabilité, monsieur le Premier ministre, est de nous écouter et de rendre des comptes au Sénat, mais aussi à tous les Français.

On a souvent parlé de guerre : guerre contre le virus, guerre contre le totalitarisme islamiste. Je me souviens de cette métaphore utilisée par le Président de la République au printemps dernier : il s’agissait d’une métaphore, suivie d’une anaphore, la répétition à six reprises des termes « nous sommes en guerre ». Mais n’est pas Clemenceau qui veut ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Que reste-t-il sept mois après cette déclaration de guerre ? La France est-elle sur le pied de guerre ? Non, la France est au pied du mur ! Hier, le Président de la République nous a annoncé les mesures de confinement. Je n’ai rien trouvé dans son discours qui se démarque de ce que tout le monde attendait déjà. Par conséquent, même si vous vouliez ce débat et ce vote, les jeux étaient faits. Tout est décidé, mes chers collègues ! Ce débat et ce vote sont à l’évidence un théâtre d’ombres ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Que reste-t-il sept mois après cette déclaration donc ? Vous nous avez indiqué à plusieurs reprises, ce qui est vrai, que cette seconde vague est la même pour tout le monde, pour tous les pays d’Europe. Nous sommes confrontés aux mêmes difficultés, au même virus, mais nous n’obtenons pas les mêmes résultats, mes chers collègues !

D’après plusieurs outils de comparaison entre les pays, la France n’est pas bien classée en ce qui concerne sa mortalité : nous sommes au cinquième rang ! Peut-on s’en satisfaire ? Peut-on dire que c’est partout pareil et qu’on fait comme les autres ? (Non ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Non ! On fait moins bien que les autres tout en ayant en matière de dépenses de santé le niveau le plus élevé. Voilà le problème ! (Marques dapprobation sur les mêmes travées.)

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Bruno Retailleau. Que s’est-il passé pour qu’on en arrive là ? Je sais, bien sûr, qu’il faut être humble, mais on doit aussi la vérité aux Français. Pour nous, c’est incompréhensible.

Prenons la déclaration du ministre des solidarités et de la santé dans le Journal du dimanche du 28 mars dernier : « L’anticipation a été absolue depuis le premier jour ».

Un sénateur du groupe Les Républicains. Quelle honte !

M. Bruno Retailleau. C’est écrit, il l’a déclaré, alors, comment expliquer ces mauvaises performances ? Le ministre des solidarités et de la santé s’est montré aussi définitif, aussi péremptoire qu’il l’est chaque fois qu’il répond à nos questions d’actualité au Gouvernement le mercredi – mes collègues en savent quelque chose, Alain Milon, en particulier.

Que s’est-il passé ? Les deux raisons qui expliquent les résultats que nous connaissons sont l’imprévision, que notre commission d’enquête, comme celle de nos collègues députés, a commencé à révéler, et l’impréparation.

L’imprévision a prévalu pendant le confinement : pas de masques, pas de gel, pas de blouses, et malheureusement pas de cap ni de stratégie. Dès le mois de mars, nous avons été nombreux, ici au Sénat, à indiquer qu’une mise sous cloche était une stratégie uniquement défensive et qu’elle aurait dû s’accompagner de la seule stratégie qui permette de briser les reins de l’épidémie : « tester, tracer, isoler ». Cela n’a pas été fait, et une fois la cloche retirée, le virus est reparti.

L’impréparation a, quant à elle, triomphé avec le déconfinement et l’été. Vous n’avez pas su profiter du répit que le virus vous donnait. On ne peut pas dire que l’on ne savait pas parce que, dès le mois de juillet, le président du conseil scientifique – ce n’est pas nous qui avons nommé les membres de ce conseil et choisi son président ! – nous avertissait d’une possible seconde vague. Et, dès la rentrée, le 9 septembre très exactement, le président du conseil scientifique, toujours lui, déclarait : « le Gouvernement devra prendre des décisions difficiles sous huit à dix jours ». Quelques jours après, monsieur le Premier ministre, vous aviez fait une conférence de presse lors de laquelle vous aviez annoncé que vous transformiez la quatorzaine en petite semaine.

Nous n’avons donc pas profité de ce moment de répit estival pour nous préparer et, en particulier, pour augmenter le nombre de lits en réanimation. Nous en sommes d’ailleurs toujours au même chiffre, malgré les allégations du ministre des solidarités et de la santé devant notre commission d’enquête.

Ce qui a été mis en échec à ce moment-là, c’est la fameuse stratégie « tester, tracer, isoler ». Personnellement, j’avais été heureux d’entendre votre prédécesseur dire dans cette enceinte même, dans son discours sur le déconfinement, qu’il fallait maintenant tester, dépister, tracer et isoler. Mais cette stratégie a été battue en brèche !

S’agissant du dépistage, on a fait du chiffre : jusqu’à 1,2 million de tests par jour ! J’ai entendu certains s’en gargariser, mais à quoi cela sert-il de généraliser ces tests si les résultats arrivent trop tard et si ceux qui doivent être testés ne le sont pas en réalité ? À rien ! Pourquoi le ministère du travail a-t-il interdit aux entreprises et à la médecine du travail, à l’époque, de participer au dépistage ? Pourquoi les laboratoires publics n’ont-ils pas été suffisamment associés ? Ce premier volet de la stratégie a donc été un échec.

Pour ce qui est du traçage – je ne parle pas de l’application StopCovid –, on a permis aux fameuses brigades sanitaires de partir en vacances pendant l’été, en juillet et en août, alors que c’est à ce moment-là que se sont multipliés les clusters et que la circulation du virus s’est accélérée. Au mois de juillet, on traçait cinq cas contact en moyenne par malade, depuis quelques semaines, on n’en trace plus en moyenne que deux : échec sur le traçage !

Échec aussi sur l’isolement : dans mon propre département, seules trois personnes ont été isolées depuis le mois de mai : un sans domicile fixe et deux travailleurs étrangers. On n’a pas vraiment isolé, alors que les hôtels pouvaient être réquisitionnés et mobilisés. Voilà où nous en sommes !

Et les frontières ? Alors que le conseil scientifique, toujours lui, vous enjoignait au mois d’août dernier d’imposer un isolement absolu aux passagers en provenance des zones rouges, pourquoi n’avez-vous rien fait ? Pour quelle raison, si ce n’est cette idée que les frontières, en tout cas intraeuropéennes, doivent toujours – je l’ai encore entendu hier soir – restée ouvertes ?

Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, c’est cette accumulation d’échecs, ce sont ces manquements à l’anticipation, même si je sais que cela n’était pas facile, qui vous conduisent aujourd’hui à reconfiner. Ce sont les Français qui vont en payer le prix fort en termes de libertés publiques, bien sûr, mais aussi en termes de souffrances économiques et sociales, n’en doutons pas, parce que le confinement est aussi un cortège de souffrances sociales.

Ce n’est pas sur le front de l’activité économique que nous avons le plus de reproches à vous faire. Je pense en effet que le Gouvernement a plutôt bien accompagné l’économie. Nous avons d’ailleurs, chaque fois, voté les projets de loi de finances rectificative que vous nous présentiez.

Mais, de grâce, ne massacrez pas les commerces de proximité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Bruno Retailleau. À quoi cela sert-il de fermer la librairie du coin de la rue ou les magasins des chaussures ? Les Français feront leurs achats dans les grandes surfaces ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.) Vous préciserez cela, monsieur le Premier ministre…

Sans doute trouvez-vous que ces critiques sont injustes…

M. Jean Castex, Premier ministre. Non, populistes !

M. Bruno Retailleau. Or c’est non pas moi qui ai signalé pour la première fois des « ratés », mais le Président de République, le 13 avril. Hier soir encore, il disait : « Avons-nous tout bien fait ? Non […] ». C’est l’évidence !

De même, vous nous avez souvent accusés de ne pas faire de propositions. Or nous avons tout voté, et notamment, sur tous les textes, des dizaines et des dizaines d’amendements qui sont autant de propositions !

Croyez-vous, monsieur le Premier ministre, que StopCovid serait « passé » au Sénat sans mon engagement personnel ? Qu’avais-je à y gagner à l’époque ? Rien du tout ! Je pensais, simplement, que c’était une affaire de cohérence par rapport à la stratégie de traçage, et j’ai emmené mon groupe pour qu’il vote en ce sens. C’était une question de responsabilité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous continuerons à faire des propositions pour que la France reprenne le contrôle de l’épidémie et que les Français reprennent le cours d’une vie normale.

Ce que nous souhaiterions, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est un plan d’anticipation – enfin ! – qui permette, à la fois, de soigner tous les malades, y compris les plus âgés, et de traquer la maladie.

Faisons en sorte, dans la phase actuelle, que les personnes âgées ne soient pas mises de côté pour l’accès aux soins en réanimation à l’hôpital, comme l’a révélé la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. C’est très important ! On doit pouvoir multiplier le nombre de lits.

Alain Milon le disait hier, il faut faciliter l’entente et l’articulation entre l’hôpital, le secteur public et les cliniques privées, faire en sorte d’ouvrir des hôpitaux éphémères, ce qui est une idée du professeur Philippe Juvin – qui plus est, je connais une très belle entreprise vendéenne (Sourires.) qui peut installer en un rien de temps des structures modulaires ! –, et accélérer les formations, comme l’ont fait les Italiens.

Chez moi, à La Bruffière, il y a 63 cas sur 84 résidents dans un Ehpad, et le personnel est indisponible ! Le directeur et le maire ont fait appel à la réserve sanitaire ; or il n’y en a pas. Il faut, bien sûr, former cette réserve ! Aujourd’hui, ce sont les conseillers municipaux et les personnels du centre communal d’action sociale (CCAS) qui donnent un coup de main, bénévolement, dans cet établissement…

M. Jean Castex, Premier ministre. Et alors ?

M. Bruno Retailleau. Ce qu’il faut faire, c’est multiplier les lits, parce que l’action publique est limitée par le nombre de lits de réanimation, et aussi traquer véritablement la maladie, dépister massivement via les tests antigéniques et, demain, les tests salivaires.

Dépistez en mobilisant toutes les énergies et tous les acteurs de santé, y compris la médecine du travail ! Faites en sorte de casser les reins de cette épidémie en traçant vraiment, en isolant ! Réquisitionnez des hôtels et isolez les personnes ! L’isolement doit être accompagné d’un suivi par SMS, « industrialisé ». Il faut également fermer les frontières.

Nous avons des propositions à vous faire, monsieur le Premier ministre. Nous en avons formulé depuis le départ, ici, au Sénat. Vous ne pouvez pas dire que l’opposition se contente de critiquer !

Je conclurai mon propos sur le sens du vote que vous nous demandez. Pour ce qui est de vous donner les moyens de prendre vos mesures, le vote interviendra ce soir, sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Mais ce que vous nous demandez ici, après cette déclaration du Gouvernement, c’est de vous faire confiance.

Cette confiance, nous ne pouvons vous l’accorder, car cela reviendrait à signer un chèque en blanc. Les Français ne font plus confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce vote est inutile.

Je vous souhaite de tout cœur de réussir, monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement et le Président de la République, et nous serons toujours disponibles pour vous en donner les moyens. Réussissez ! Il y va de l’avenir de la France et surtout, en ces moments si difficiles qui concentrent tous les dangers, de la destinée commune du peuple de France. (Applaudissements vifs et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains. – Les membres du groupe Les Républicains se lèvent pendant que lorateur regagne son siège.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs le ministre, mes chers collègues, une de ses patientes se confie un jour à Freud : « Docteur Freud, je n’arrive pas à élever mon fils. Je ne peux rien en tirer. S’il vous plaît, donnez-moi un conseil sur la façon de l’éduquer. » Et Freud lui répond : « Oh ! Ne vous inquiétez pas, madame, quoi que vous fassiez, vous ferez mal. »

Cette anecdote m’est revenue en mémoire mardi dernier, lors de la réunion à laquelle vous aviez invité, monsieur le Premier ministre, les présidents de tous les partis et de tous les groupes parlementaires. Tous, ou presque, vous ont expliqué que, de toute façon, vous feriez mal. Au point que François Bayrou a résumé la réunion en vous disant devant tout le monde, à la fin : « Vous savez maintenant qu’être Premier ministre ça consiste à se faire engueuler. » (Sourires.)

Je ne me suis pas joint au chœur des plaignants et je ne le ferai pas aujourd’hui ; je vais vous expliquer pourquoi.

Il y a quelques jours, je demandais à Édouard Philippe, votre prédécesseur, ce qui lui avait paru le plus dur quand il devait gérer la crise. Il m’a répondu : « La même question a été posée à Churchill au sujet de la Seconde Guerre mondiale et celui-ci a répondu : “Le plus dur, c’est de prendre des décisions quand un tiers des informations dont vous disposez sont incomplètes, un tiers sont contradictoires et un tiers sont fausses.” »

Ce qui me frappe le plus dans cette épidémie, ce n’est pas que tout le monde ait été dans le brouillard au début. Un virus inconnu surgit et tout le monde patauge, c’est normal. Mais il y a quelques semaines, pendant l’accalmie, tout le monde – scientifiques, politiques, journalistes – disait : « S’il y a une deuxième vague, maintenant nous sommes beaucoup mieux préparés pour y faire face. Nous avons retenu les leçons de la première. »

La deuxième vague est arrivée, et elle nous désoriente de nouveau. Rien ou presque ne se passe comme prévu, ici comme ailleurs.

Aujourd’hui, l’Europe entière est frappée, et à ceux qui en douteraient je conseille la lecture de l’excellent rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques qui est paru ce matin.

La République tchèque n’avait recensé presque aucun cas ; elle est désormais le pays le plus touché. La Grèce, très épargnée la première fois, a déclaré le couvre-feu. L’Allemagne, que l’on donnait en exemple, est en pleine flambée et la Chancelière convoque en urgence les présidents des Länder. D’un pays à l’autre, les mesures s’enchaînent. Chacun répond dans l’urgence, quand ce n’est pas dans la panique.

Cette situation est tragique pour les gouvernants. D’un côté, beaucoup de citoyens ne leur font plus confiance, de l’autre, ces mêmes citoyens veulent être rassurés par des paroles et des actes clairs, précis et efficaces. Tout le monde voit bien qu’on est en présence d’un phénomène inédit, qui force à hésiter, à changer d’avis, à réagir au coup par coup. Pourtant tout le monde attend des décisions assurées et nettes. Et parce que l’une de leurs missions essentielles est de rassurer, les politiques tombent dans le piège consistant à affirmer des certitudes, contredites dès le lendemain.

Les opposants s’engouffrent dans la brèche avec un reproche permanent, répété ad nauseam : « Vous n’êtes pas capables d’anticiper. » Ce reproche est, à mon humble avis, aussi facile qu’injuste quand on sait que, face à cette situation imprévisible, il est dans de nombreux cas presque impossible d’anticiper. C’est la raison pour laquelle je ne vais ni participer au concert des critiques ni vous dicter les décisions que vous devez prendre. Je pense même qu’un certain nombre de ces critiques, dans le contexte tragique que nous connaissons et qui impose l’unité de la Nation, sont inopportunes.

Hier soir, le Président de la République a annoncé les nouvelles mesures de lutte contre l’épidémie. Je suppose qu’il l’a fait en conscience et qu’il dispose de beaucoup plus d’informations que moi. En revanche, je voudrais vous soumettre deux ou trois réflexions.

Première réflexion : l’enjeu des prochaines semaines et des prochains mois est capital. Comment se débarrasser du virus sans mettre à nouveau l’économie à terre ? Comment casser les chaînes de contamination sans entraîner une récession d’une violence inouïe ?

Je dis d’une violence inouïe, car, au vu des dégâts du premier confinement sur une économie qui se portait plutôt bien, on peut prévoir que les mêmes mesures prises dans un pays pas encore convalescent seraient la recette infaillible de l’effondrement économique, puis social, enfin politique.

Nous sommes sur un chemin de crête terriblement dangereux. Prendre des mesures insuffisantes, ce serait laisser mourir des gens, mais tuer l’économie, c’est en faire mourir d’autres.

Vous avez choisi un confinement « allégé », si l’on peut dire, en laissant travailler tous ceux qui le peuvent sans danger, en laissant ouvertes les écoles, en permettant les déplacements professionnels. Je ne sais, et personne ne sait, si vous avez placé le curseur au bon endroit. Malheureusement, nous ne le saurons qu’après coup. Mais je constate que, à quelques détails près, dans notre Europe frappée au cœur, tous les gouvernements prennent des mesures semblables.

Je n’aurai pas l’outrecuidance de prétendre vous conseiller d’autres solutions. Si d’autres le font, j’aimerais qu’ils le fassent en prenant garde de ne pas rompre une unité nationale indispensable et pourtant déjà bien mise à mal.

Deuxième réflexion, et je ne suis pas le seul à la faire ici, chacune des mesures prises emporte avec elle une restriction des libertés publiques. L’immense majorité de nos concitoyens l’acceptent, à condition qu’elle ne soit que temporaire. La Ve République confère à l’exécutif des pouvoirs bien supérieurs à ceux du Parlement et tous ses gouvernements ont été tentés, à un moment ou un autre, de s’en servir, parfois d’en abuser. Je voudrais vous mettre en garde contre cette tentation.

Depuis le début de la crise, le Sénat a accepté dans une très large mesure de vous laisser prendre vos responsabilités. Il vous a autorisé à prendre en quelques semaines autant d’ordonnances qu’on en prend habituellement durant tout un quinquennat. Il s’apprête à vous permettre de prolonger leurs effets et d’en prendre de nouvelles. Mais il vous demande de les limiter dans le temps, peut-être davantage que vous ne le souhaiteriez, et de revenir régulièrement vers la représentation nationale. Je souhaite que vous l’acceptiez, monsieur le Premier ministre, car c’est un des meilleurs moyens de préserver l’unité nationale dont vous avez besoin.

Ma dernière réflexion est sans doute la plus préoccupante. Je veux, à ce stade de mon intervention, m’associer à mon tour à l’hommage aux victimes de l’effroyable attentat de Nice, à la douleur de leurs familles et de tous les chrétiens et, en fait, de tous les Français.

La conjonction des crises – virus, terrorisme, écroulement économique, bond du chômage et des difficultés sociales – ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur nos démocraties déjà affaiblies, qui comptent tant d’ennemis. Les attentats de Conflans et de Nice ainsi que la crise de ces derniers jours avec le sultan d’Istanbul en sont les derniers exemples.

Un peu partout en Europe, des manifestants refusent désormais les décisions des gouvernements sur l’urgence sanitaire. Il n’y a pas de meilleur carburant pour les rhétoriques complotistes, les discours allumés et les fausses nouvelles que l’ensemble de ces chocs simultanés et leur complexité.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Très bien !

M. Claude Malhuret. La France y échappe pour l’heure et c’est une bonne chose. Souhaitons qu’elle garde cette sagesse malgré les épreuves, malgré la profusion des Diafoirus télévisés qui se succèdent et se contredisent, malgré les fanatiques qui tuent au hasard et, sans doute, continueront de le faire.

Souhaitons que la corde tendue à l’excès ne vienne pas à se rompre. Il y faudra beaucoup d’efforts, de patience, de courage. Mais c’est l’avenir de notre société qui est en jeu, notre façon de vivre ensemble, notre démocratie. Puissions-nous, tous ensemble, en prendre soin. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nos premières pensées et nos premiers mots vont aux victimes du barbare attentat islamiste de Nice. Nous adressons toutes nos condoléances à leurs familles et à leurs proches.

Dans le climat particulièrement lourd qui pèse sur notre pays, monsieur le Premier ministre, vous vous livrez à un exercice quelque peu étrange. Vous venez consulter le Parlement sur des décisions déjà prises par le pouvoir exécutif. La concertation n’est décidément pas votre fort ! Le spectacle affligeant de la réunion avec les chefs de partis et les présidents de groupes parlementaires, mardi dernier, en est le triste exemple. Ce qui était compréhensible au printemps, dans l’urgence, ne l’est plus six mois plus tard.

Le 14 juillet dernier, le Président de la République déclarait lors de son interview : « Nous serons prêts en cas de deuxième vague de l’épidémie. » Force est de constater que nous ne sommes pas prêts, que vous n’êtes pas prêts.

Faute de plan de bataille, faute de réponse graduée, faute de stratégie, faute de transparence, faute de concertation, vous en êtes réduit à imposer de nouveau le confinement. Nous ne remettons pas en cause ce choix,…

M. Jean Castex, Premier ministre. Il faudrait savoir !

M. Guillaume Gontard. … car la situation sanitaire l’exige.

Il faut protéger les Françaises et les Français en limitant la propagation du virus. Il faut soulager nos soignantes et nos soignants, particulièrement éprouvés cette année.

Vous ne nous ôterez pas de l’esprit que ce reconfinement signe l’échec de la méthode de l’exécutif. Rares sont ceux qui rêvent de gouverner la France dans une telle période, et je ne peux prétendre que nous aurions mieux maîtrisé la propagation du virus si nous assumions ces responsabilités à votre place.

M. Jean Castex, Premier ministre. Bravo !

M. Guillaume Gontard. Mais ce dont je suis certain, monsieur le Premier ministre, c’est que nous ferions différemment.

L’union nationale ne se décrète pas, elle se construit. Dans les mois d’accalmie de la pandémie, vous auriez dû associer toutes les forces politiques à la prise de décision, à l’élaboration de la stratégie d’endiguement du virus. Le risque est élevé que la crise sanitaire dure au moins jusqu’à l’été. Après dix-huit mois de pandémie, rien ne reviendra totalement comme avant.

Il est indispensable d’associer la représentation nationale à la définition du cadre juridique pérenne permettant de faire face à la situation sanitaire, tout en protégeant les libertés individuelles. Il est indispensable d’en finir avec les ordonnances à répétition. Malheureusement, le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire que nous examinerons dans quelques heures ne va pas du tout dans ce sens.

Le Parlement doit retrouver toute sa place. Il est dans votre intérêt, dans notre intérêt collectif, d’associer réellement l’opposition aux prises de décisions. Encore moins que d’habitude, l’exécutif ne peut avoir raison tout seul.

La période actuelle illustre les fragilités de la VRépublique. Vous me permettrez de voir dans la meilleure résistance de l’Allemagne à la crise l’efficacité d’un régime parlementaire reposant sur un véritable équilibre des pouvoirs, sur la concertation et l’efficacité d’un régime fédéral associant réellement les territoires à la prise de décisions.

En la matière, vous auriez dû associer beaucoup plus étroitement les élus locaux. Le couple maire-préfet fonctionne inégalement selon les territoires et la coordination entre les différents échelons – État, villes, intercommunalités, régions, départements – reste à construire. En l’absence d’un État stratège, il est heureux que les associations d’élus, par exemple France Urbaine, aient permis d’assurer ce lien afin de favoriser les échanges et le partage d’expériences, indispensables à la gestion de la crise.

Hélas, la consultation des territoires préalablement à la prise de décisions d’ampleur nationale, comme celles que vous présentez aujourd’hui, est inexistante. Cela ne peut plus durer ! Pour faire face au virus et mobiliser toute la Nation, il faut définir collectivement notre cap et construire ensemble les solutions.

Sachez que les écologistes, au Parlement ou dans les territoires qu’ils dirigent, seront, dans ce contexte, toujours disponibles pour accompagner le Gouvernement, pour réfléchir collectivement aux meilleures solutions, pour construire du compromis et assumer des décisions prises collectivement. Dans cette perspective, nous formulons un certain nombre d’exigences.

Le confinement est avant tout la conséquence de la fragilité de notre hôpital public : 100 000 lits ont été supprimés en vingt ans. Le Ségur de la santé marque, certes, un coup d’arrêt à cette hémorragie, mais avec 4 000 lits annoncés, nous sommes encore très loin du compte.

Vous avez annoncé 15 000 créations d’emploi, là où les hôpitaux et les Ehpad auraient besoin de 200 000 recrutements supplémentaires.

À l’hôpital, les logiques comptables et managériales n’ont pas été remises en cause. Monsieur le Premier ministre, ce reconfinement vous oblige à revoir la copie du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, il est plus que temps de mettre en œuvre un plan d’urgence sociale digne de ce nom. La crise économique résultant du confinement du printemps a mis près d’un million de Français au chômage et fait basculer dans la pauvreté des centaines de milliers de personnes.

Les mêmes causes produiront les mêmes effets et un effort d’une ampleur sans précédent doit être déployé. Il faut abroger la réforme de l’assurance chômage, augmenter les minimas sociaux, automatiser leur versement, élargir le revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25 ans, déployer les chèques alimentaires, rétablir les contrats aidés, aider les associations et tendre demain vers un revenu universel.

M. Guillaume Gontard. Pour faire face à la crise, le secteur du réemploi solidaire est indispensable, et vous devez l’accompagner.

Nous vous demandons également de faire preuve d’une vigilance accrue à l’égard de tous les publics exposés par le confinement : les personnes seules, celles qui sont psychologiquement fragiles, les victimes de violences conjugales et tout particulièrement les femmes.

Le volet social était presque absent de l’effort de relance ; cela ne peut plus être le cas. La crise dure et votre réponse doit être à la hauteur, notamment pour l’éducation. Les professeurs et les instituteurs sont aussi en première ligne, et le dispositif semble insuffisant. Il faut des moyens humains, des équipements, des masques pour enfant, des outils pédagogiques pour construire la complémentarité entre distanciel et présentiel. Il convient également d’accompagner financièrement les communes dans ce casse-tête logistique.

Pour financer cet effort national sans précédent, les hauts revenus doivent être mis à contribution. Enfermé dans votre idéologie, vous vous y refusez depuis le printemps. Pourtant, c’est indispensable d’un point de vue comptable, car les dettes de l’État et des comptes sociaux ne peuvent pas être la seule source de financement de l’effort actuel. C’est également indispensable d’un point de vue moral pour garantir l’unité du pays.

Il convient de mettre en place une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont la richesse s’accroît encore malgré la crise. Comment comprendre que le CAC 40 verse encore 30 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires d’entreprises quand celles-ci bénéficient d’aides publiques ? Il est nécessaire d’exiger des contreparties sociales et environnementales de la part de toutes les entreprises qui reçoivent des aides publiques ou bénéficient de réduction d’impôts. Il faut, aussi, une contribution exceptionnelle des grandes surfaces…

Mme Sophie Primas. N’importe quoi !

M. Guillaume Gontard. … et des géants de la vente en ligne au bénéfice des petits commerçants obligés de fermer pendant le confinement.

Enfin, et ma conclusion ne vous étonnera pas, il est impensable que la crise actuelle oblitère la crise écologique. Le Président de la République n’en a pas dit un mot hier, ce qui est à la fois révélateur et inquiétant. Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ne sauraient davantage être abandonnées, délayées ou diluées.

Cela est d’autant plus vrai que le projet écologiste est la réponse la plus probante à la crise actuelle. Relocaliser l’activité dans les territoires, accroître leur résilience, développer les circuits courts, réduire la pression démographique dans les métropoles sont autant de perspectives pour diminuer les inégalités, mieux respecter notre environnement et limiter la propagation du virus.

Considérant tout à la fois les manques de votre plan, l’absence de concertation et les exigences de la situation, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires choisira une abstention exigeante. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants.

M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, je veux que mon intervention soit sobre et confiante.

Je ne suis pas convaincu que les nombreuses critiques entendues depuis ce matin soient à la hauteur de la gravité de la situation que nous connaissons. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. C’est facile !

M. François Patriat. Qui a dit ici que la France était le pays qui avait le mieux traité les plus faibles pendant la crise du covid ? Personne ne l’a rappelé, et c’est pourtant la vérité !

Permettez-moi, d’abord, d’exprimer au nom de mon groupe un message de soutien ému aux familles des victimes de l’attentat terroriste survenu à Nice. J’adresse également mes pensées aux forces de l’ordre prises pour cible à Avignon, ainsi qu’à nos représentations diplomatiques, l’une d’entre elles ayant été attaquée ce matin. Je le disais hier, ces terroristes ne mettront jamais à terre ce à quoi nous croyons : nos valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité.

Mes chers collègues, nous vivons le temps de l’angoisse, de l’incertitude économique et sanitaire ainsi que du risque terroriste. Le sang-froid de la Nation est mis à rude épreuve. Le Gouvernement nous invite à réagir et à agir : nous le ferons, la France le fera.

Cette période inédite, l’exécutif, avec l’ensemble des Français, l’affronte et continuera de l’affronter avec détermination et pragmatisme. La gravité de la situation exige retenue, responsabilité et engagement.

Chacun a rappelé l’état dramatique de la situation sanitaire. Le virus se multiplie partout à grande vitesse, personne ne le conteste. Plus de la moitié des lits de réanimation sont occupés par des concitoyens touchés par le covid. Si rien n’est fait, les services de réanimation connaîtront dans quinze jours le même niveau de saturation qu’au printemps dernier, et nous aurons peut-être à déplorer près de 400 000 morts.

L’Europe tout entière est victime d’une nouvelle déferlante. L’ampleur de cette vague a surpris tout le monde, y compris la communauté scientifique.

Je n’ai jamais entendu les prédicateurs de tout poil prévoir ce à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui. Certains disaient qu’il y aurait une deuxième vague, mais beaucoup d’autres qu’elle ne surviendrait jamais, que le virus avait muté, qu’il était moins toxique et moins dangereux, que les traitements étaient meilleurs… De nombreuses opinions contradictoires ont été émises, mais je n’ai pas entendu beaucoup de propositions !

Partout sur notre continent, y compris dans les pays qui semblaient mieux résister à la reprise épidémique, les gouvernements sont contraints de prendre des mesures draconiennes pour casser sans attendre la chaîne de transmission. L’Irlande, le Pays de Galles, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et bien d’autres sont concernés.

Hier soir, la décision de mettre en place un nouveau confinement a été prise avec lucidité par le chef de l’État. J’ai entendu dire que nos concitoyens n’avaient plus confiance… Mais j’ai lu aussi, ce matin, que sept Français sur dix approuvaient les propos du Président de la République et les soutenaient !

La seule mesure à même de protéger les Français est le confinement. Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, quand la circulation du virus augmente massivement, le Gouvernement réagit massivement. Les décisions proposées s’inscrivent dans cette démarche, avec trois objectifs principaux : la préservation de la santé des Français, l’aide aux plus vulnérables, le soutien à l’activité économique.

Préserver la santé des Français, en évitant la saturation des services hospitaliers ; aider les plus vulnérables, en prolongeant les dispositifs mis en place depuis le début de la crise ; soutenir l’économie en maintenant l’activité partielle et en amplifiant le fonds de solidarité, dispositifs indispensables au maintien de nombreux emplois dans une période incertaine. Certains d’entre nous ont rappelé que ces mesures avaient été importantes. Elles seront amplifiées, le Gouvernement s’y est engagé.

Mes chers collègues, nous partageons le constat fait sur l’ensemble de ces travées : nous devons mieux anticiper l’évolution de la circulation du virus. Mais je ne saurais dénombrer ici les contrevérités que j’ai entendues sur ce sujet…

Prenons les décisions nécessaires, mais sachons faire preuve d’humilité et ne pas exprimer de certitudes sur l’avenir ! Nous devons nous hisser, toutes et tous, à la hauteur des circonstances. Nous ne pouvons transiger avec la vie humaine. C’est la raison pour laquelle, depuis le début de la crise, il a été décidé de placer l’humain avant toute chose.

Encore une fois, la situation requiert la plus grande responsabilité de la part de chacun d’entre nous : de la part de tous les élus, pour que nous ayons des débats constructifs, mais aussi de chaque citoyen, pour que nous ralentissions efficacement la circulation du virus.

Sortons des vaines polémiques ! Refusons les postures dogmatiques et regardons le réel. Nous parlons de la vie et de notre capacité à poursuivre le travail. Cette nouvelle phase doit être préparée avec toutes les inconnues propres à ce fléau sanitaire. La pire des attitudes serait de céder à la critique facile.

Mme Sophie Primas. Il faut dire amen à tout ?

M. François Patriat. La tâche est immense, et c’est la raison pour laquelle ce débat est organisé au sein de la Haute Assemblée.

Loin de « bouder » la représentation nationale, comme je peux l’entendre ici et là, vous l’écoutez et la considérez, monsieur le Premier ministre. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

La règle « des 3 C » – concertation, cohérence, cohésion – doit être appliquée à la lettre.

J’ai entendu moquer la concertation à laquelle j’ai moi-même participé, mardi soir. J’ai entendu beaucoup de critiques sur des sujets qui n’étaient pas à l’ordre du jour, mais aucune proposition autre que celles formulées par le Gouvernement. Aucune ! (Protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.) J’y étais et pas vous, mes chers collègues !

La cohérence, ensuite, c’est d’assumer les positions que vous avez défendues depuis le début de la crise, sans changer de braquet par opportunisme, comme certains commentateurs l’ont fait. Jamais votre discours n’a varié.

Il est important de rappeler que, cet été, face à un certain relâchement, la majorité et le Gouvernement, par la voix du ministre de la santé, avaient inlassablement averti du risque de rebond épidémique. Ils ont été peu entendus.

La cohésion, j’y faisais référence précédemment. Sachez, mes chers collègues, que nous serons jugés, quelle que soit notre sensibilité, sur notre capacité à entendre le message délivré par les Français, celui de l’unité nationale. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. L’unité n’est pas l’union !

M. François Patriat. Les réflexes politiciens ne feront qu’ajouter de la crise à la crise, soyez-en tous conscients. Finalement, il convient de rappeler ici à ceux qui nous écoutent que, loin des critiques caricaturales, vous avez œuvré à préparer notre pays à cette reprise épidémique, monsieur le Premier ministre.

Non content d’avoir inlassablement alerté, vous avez reconstitué notre stock de masques et de matériel médical, revalorisé massivement les rémunérations de nos soignants et préparé l’augmentation de nos capacités en réanimation. Il y a aujourd’hui des doses de curare pour 29 000 patients.

Ceux qui affirment aujourd’hui le contraire, par opportunisme politique, ne sont pas à la hauteur. Nous préparons non pas une élection, mais la lutte contre la crise ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Notre groupe sait pouvoir compter sur vous, monsieur le Premier ministre, pour mener notre pays sur la voie du redressement sanitaire, économique et social. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe du RDSE, je voudrais tout d’abord exprimer aux familles des victimes de l’acte ignoble commis ce matin à Nice notre solidarité et notre soutien dans cette épreuve.

Je tiens aussi à exprimer notre reconnaissance et notre soutien sans faille à tous les personnels des hôpitaux et des Ehpad, en première ligne depuis plusieurs mois pour soigner et accompagner les plus vulnérables. Nous connaissons les conditions éprouvantes dans lesquelles ils doivent travailler, avec des moyens limités, mais toujours avec humanité.

Nous leur devons cet hommage car, au-delà des mots bienveillants, ces personnels totalement dévoués et épuisés sont en droit d’être dépités au vu de la situation catastrophique d’aujourd’hui. Le 11 mai dernier, dans cet hémicycle, monsieur le Premier ministre, votre prédécesseur nous expliquait que notre pays était sur un « fil », à quelques jours de la mise en œuvre du déconfinement que vous avez d’ailleurs supervisé. Un fil fragile, dont la solidité dépendait tout autant de notre capacité à tester massivement que des moyens supplémentaires dispensés à notre système de soin ou que du sens civique de chacun.

Cinq mois plus tard, le déconfinement est un échec.

Les annonces du Président de la République, auxquelles nul n’aurait cru en début de semaine, en prennent la mesure, avec des conséquences sur notre mode de vie difficiles à accepter. La circulation du virus est cependant hors de contrôle : les chiffres dépassent le pic du mois de mars ; le nombre de cas, sous-estimé, suit une courbe de progression fulgurante ; le taux d’incidence a atteint des niveaux inédits en très peu de temps. Les projections sont alarmistes, avec une hausse potentielle des hospitalisations de 30 % par semaine selon Santé publique France, alors que les services de réanimation sont déjà pratiquement saturés.

Il faut donc agir, et vite, pour casser cette épidémie qui fait plier bon nombre de sociétés, partout dans le monde. Il sera toujours temps, lorsque nous retrouverons des heures plus apaisées, d’identifier les dysfonctionnements, de souligner les responsabilités et d’en tirer les leçons pour le long terme, mais, pour le moment, je serai très claire, monsieur le Premier ministre : mon groupe estime que la gravité de la situation sanitaire exige d’agir avec force et détermination pour donner à l’État les moyens d’intervenir efficacement.

Notre soutien est commandé par l’intérêt général et l’absolue nécessité de préserver l’unité de la Nation, quels que soient nos attaches partisanes, les régions où nous vivons, ou notre âge, car pointer la responsabilité de nos jeunes dans la résurgence pandémique ou exiger une assignation à domicile quasi permanente des plus âgés n’est pas acceptable. Nous devons faire corps, comme vous l’avez dit.

Bien sûr, cette unité ne signifie ni unanimité irréfléchie ni blanc-seing. Autant il était concevable que les pouvoirs publics fussent dépassés au printemps dernier devant un phénomène inédit, autant cette argumentation n’est plus recevable aujourd’hui. La gravité des mesures annoncées hier soir tient aussi à la tardiveté de décisions qui auraient pu être prises il y a plusieurs semaines.

Partout, dans nos territoires, remontent des informations surprenantes montrant une véritable impréparation des services hospitaliers, malgré des signaux inquiétants depuis plusieurs semaines et les leçons du printemps. Pourquoi certaines ARS ont-elles ainsi attendu le dernier moment pour réarmer des lits de réanimation ? Pourquoi ne pas avoir davantage mobilisé la réserve sanitaire ? Pourquoi ne pas avoir alloué plus tôt les moyens matériels et humains adéquats ?

Monsieur le Premier ministre, par-delà le décompte funeste des contaminations, des admissions en réanimation ou des décès, notre groupe craint que cette crise systémique ne se transforme en une crise historique de confiance des citoyens. La colère a dépassé la résignation, vous ne pouvez l’ignorer. Le terreau, hélas, est déjà fertile. Le fossé entre nos concitoyens et nos institutions ne cesse de se creuser depuis longtemps, sur fond d’angoisses économiques et sociales majeures.

Le flottement ayant précédé les annonces du Président de la République y a encore contribué. Quand cessera donc ce feuilleton quotidien des rumeurs ballons-sondes, décortiquées sur les chaînes d’information par des experts autoproclamés ayant un avis définitif sur tout et n’importe quoi ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Il n’y a pas qu’eux !

Mme Maryse Carrère. Nos concitoyens, en particulier ceux qui sont durement touchés sur le plan économique et social, n’en peuvent plus de ce flot de propos anxiogènes et irrationnels qui minent la cohésion nationale. Voyez comment en Italie le mécontentement s’exprime dans la violence !

Ce qui est aussi en jeu, c’est la crédibilité de la puissance publique. Les extrémismes se nourrissent depuis toujours de la perte de confiance envers l’autorité légitime. En ces temps troublés, où le fanatisme religieux nous met au défi et où l’actualité semble sans fin, nous avons besoin d’un État solide, sûr de ses valeurs et de son autorité, dans lequel notre société se reconnaît. À l’évidence, l’impuissance des pouvoirs publics a provoqué l’effet inverse, au moment même où l’exercice de nos libertés publiques est une question fondamentale.

Rebâtir cette confiance passe par un renforcement de la subsidiarité des décisions, en laissant davantage de marges aux préfets et en continuant à faire des élus locaux des interlocuteurs incontournables : ils ont été à la hauteur de la situation ! Cela passe aussi par la restauration d’un dialogue de qualité avec le Parlement en amont des décisions, afin que du débat démocratique et de la concertation jaillisse une meilleure acceptation de décisions aussi lourdes de conséquences.

Rebâtir la confiance, c’est encore ne pas sacrifier le long terme. Oui, la priorité est de vaincre le virus – aujourd’hui, nous en sommes convaincus –, mais pas au prix du sacrifice de notre économie, qui est déjà durement touchée. Je pense en particulier aux petits commerces dits « non essentiels », dont beaucoup ne se relèveront pas ; aux professions indépendantes ; aux salariés qui ne peuvent télétravailler et qui ont été en première ligne durant le printemps. Nous devons tout faire pour les soutenir au nom de l’équité économique et de la justice sociale. Comment peut-on laisser aux grandes surfaces le droit de vendre des produits non essentiels, alors que les petits commerces spécialisés doivent fermer ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Maryse Carrère. Cette iniquité n’est pas acceptable.

Aussi, monsieur le Premier ministre, c’est un soutien de responsabilité que mon groupe vous apportera dans sa grande majorité. De nombreuses questions se posent, et nous souhaitons que le Parlement soit pleinement associé à la définition des réponses que vous apporterez, au nom de la clarté, mais aussi au nom de l’exigence démocratique inhérente à notre État de droit, si durement éprouvé aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en préalable, je souhaite faire part de l’émotion profonde et de l’horreur qui ont saisi les sénatrices et sénateurs de mon groupe à l’annonce de l’attentat commis dans l’église Notre-Dame de Nice.

Face à cet acte barbare, nous apportons notre soutien aux familles, aux proches des victimes, aux élus et à la population de la ville de Nice, une nouvelle fois confrontés à cette violence terroriste. Nous pensons à eux, nous sommes à leurs côtés.

La deuxième vague de l’épidémie est là. Elle est haute, très haute, et si rien n’est fait, elle pourrait nous submerger. Il faut agir vite et fort, c’est une certitude.

Nous ne sommes pas surpris comme en mars dernier, car nombreux furent les scientifiques éminents, à commencer par le président du conseil scientifique, qui avaient annoncé ce risque comme étant une quasi-certitude.

Aujourd’hui, des milliers de nos concitoyens souffrent. Chaque jour, des centaines de personnes décèdent ; chaque jour des centaines d’autres entrent en réanimation à l’hôpital. L’inquiétude est grande dans notre peuple face à cette épidémie mondiale. Mes pensées vont aussi à nos anciens, si exposés au risque, en particulier dans les Ehpad.

Comme en mars, je lance un appel fort à la prudence. Je dis à nos concitoyennes et concitoyens : protégez-vous, respectez les consignes, restez solidaires.

Mes premiers mots iront aussi une nouvelle fois aux soignants. Eux non plus ne sont pas surpris. Ils seront là pour faire face à l’épidémie, car leur sens du devoir est immense, mais ils sont amers. Ils sont en colère car, de toute évidence, ils sont les derniers remparts avec leur fatigue, leur angoisse, face à la maladie qui les frappe durement. Tenez bon, faites votre possible, même si nous savons que votre appel à la reconstruction de l’hôpital et de notre système de santé n’a pas été entendu.

Enfin, alors qu’un nouveau confinement aux contours imprécis a été décidé par le Président de la République, notre pays tiendra. Il tiendra grâce à l’engagement au quotidien de ces salariés de première ligne, ces « premiers de corvée » si peu reconnus par la société, alors qu’ils la tiennent à bout de bras en ces circonstances.

Monsieur le Premier ministre, comment ne pas s’interroger sur le sens de notre débat de cet après-midi ?

Le Président de la République a décidé seul, hier soir, d’une stratégie face à l’épidémie. Mardi dernier, vous nous avez réunis pour entendre vos réflexions, mais sans annoncer la moindre mesure, renvoyant à l’intervention de mercredi soir. Le 16 octobre, je vous avais écrit pour demander un débat sur le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire par décret et la mise en œuvre du couvre-feu. Vous avez répondu par la négative.

Pire, chacun l’a constaté, les mesures annoncées par Emmanuel Macron ont été imprécises sur bien des points et vous devez les détailler lors d’une conférence de presse ce soir à dix-huit heures trente, après avoir fait débattre et voter le Parlement. Ainsi, le Parlement est mis devant le fait accompli. Les erreurs successives ne vous ont pas servi de leçon, pas plus qu’au Président de la République.

Mme Sophie Primas. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Pourtant, il y avait de quoi apprendre de l’absence d’anticipation de la première vague, caractérisée par l’absence de matériel – des masques aux respirateurs artificiels et aux lits de réanimation –, et de ce déconfinement dont beaucoup relèvent qu’il est un échec parce qu’il a été bâti sur trop peu de moyens – en tests, en système de traçage, en personnels – pour être mis en œuvre.

Nous entendons les appels à l’humilité : « Que feriez-vous à notre place ? » Cette épidémie touche l’Europe tout entière, plaidez-vous, comme l’a fait hier soir le chef de l’État, en oubliant que nous sommes malheureusement dans le groupe de tête des pays les plus touchés dans le monde. Vous oubliez aussi que l’ensemble de l’Europe a subi les conséquences des politiques d’austérité et de réduction de moyens.

Monsieur le Premier ministre, face à la violence de la nature, face à cette crise, oui, il faut être humble, mais il faut aussi s’ouvrir aux autres, écouter les propositions, admettre ses erreurs. C’est à ce moment-là que la démocratie est essentielle. Il n’y aura pas de sauveur suprême en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE – Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

La caricature de consultation du Parlement doit sonner comme une alerte forte, pour en finir avec un régime à la verticalité folle.

Nous vous demandons, de nouveau, de mettre en place un comité de suivi national de la crise, véritable comité de santé publique, pluraliste, aux réunions hebdomadaires, mobilisable jour et nuit, afin de permettre un véritable contrôle démocratique et une réelle participation de tous aux décisions.

Où en sommes-nous ? Une chose est certaine, la deuxième vague est si haute que la submersion de notre système hospitalier est envisagée.

Hier soir, le Président de la République a écarté d’un revers de main l’argument de la faiblesse de nos moyens en réanimation, de nos moyens hospitaliers, comme raison des difficultés actuelles.

Pourtant, si l’on écoute un instant les professionnels, cette situation de destruction de l’hôpital depuis des années est une évidence. Depuis vingt ans, notre système de santé, l’une des fiertés de notre pays, est saccagé par les politiques libérales successives. La fermeture des lits était considérée comme un baromètre pour juger de l’efficacité d’une politique. En vingt ans, 100 000 lits ont été fermés – ils existaient donc bien –, et avec eux tant de postes supprimés.

Emmanuel Macron n’a pas stoppé le mouvement : 4 800 lits furent fermés en 2018, 3 400 en 2019, et cela continue. Allez-vous, oui ou non, stopper cette évolution et réparer les dégâts ?

Les ravages du libéralisme ont touché toute la société, et leur description détaillée prendrait des heures. L’humanité est aujourd’hui en danger. La crise écologique masquait l’arrivée d’une soudaine crise sanitaire qui, elle aussi, ébranle le système, remettant profondément en cause le capitalisme mondialisé.

En mars dernier, le Président de la République avait semblé chanceler sur ses certitudes. Il avait eu des mots inhabituels : « rupture », « mettre à l’abri du marché ». Le « quoi qu’il en coûte » dominait le discours, bien loin de la course à la rentabilité et au profit, bien loin de ces dogmes de compétitivité et de concurrence qui font exploser notre société et contredisent fondamentalement ce concept profondément humain de solidarité.

Hier, quoi qu’il en dise, le Président de la République a placé l’économie devant l’humain. L’exercice est difficile.

Il est vrai qu’un équilibre doit être trouvé pour ne pas jeter dans la pauvreté des millions de personnes qui viendraient rejoindre les 10 millions qui se trouvent déjà, dans notre pays, sous le seuil de la pauvreté.

Mais nous n’avons pas entendu un mot – pas un mot, j’insiste ! – pour appeler ceux qui possèdent les richesses dans notre pays à participer réellement à l’effort de solidarité nationale.

Il n’y a pas de doute à avoir aujourd’hui : la priorité, c’est sauver des vies.

Oui, monsieur le Premier ministre, c’est vrai : ralentir considérablement l’économie a un coût, mais ce n’est ni aux salariés ni aux plus pauvres d’en subir les conséquences, y compris par leur mise en danger.

Nous regrettons qu’aucune mesure fiscale de solidarité ne soit imposée aux bénéficiaires de dividendes, dont le montant a explosé, y compris pendant la crise.

Nous regrettons qu’aucune mesure radicale ne soit prise pour faire participer les géants du numérique, comme Amazon, qui accumulent des profits prodigieux sur le dos de la crise et du malheur des hommes. Il faut aujourd’hui « changer de logiciel ».

Alors, nous serons responsables, comme notre peuple qui, contrairement à ce que d’aucuns ont dit, n’a pas fait preuve de légèreté. Nous serons mobilisés contre l’épidémie. Mais nous demandons au Président de la République d’être responsable démocratiquement, de cesser son exercice solitaire du pouvoir.

La responsabilité aujourd’hui, c’est accepter la démocratie, agir ensemble pour frapper ensemble cette épidémie.

La responsabilité, c’est la mise en service des richesses de notre pays au service du bien commun.

La responsabilité, c’est l’humain d’abord.

Ce qui nous est demandé aujourd’hui par notre vote, ce n’est pas d’être pour ou contre le confinement. En réalité, ce que vous nous demandez, monsieur le Premier ministre, c’est de vous accorder la confiance. Notre vote négatif mûrement réfléchi est donc un vote d’opposition à vos choix politiques et à la méthode utilisée pour les imposer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la première fois depuis 2017, nombre de sénateurs centristes vont exprimer leur opposition à une déclaration du Gouvernement au titre de l’article 50-1 de la Constitution. (M. Vincent Segouin applaudit.) Nous vous en devons l’explication, monsieur le Premier ministre, à vous ainsi qu’à nos concitoyens. La gravité de la situation impose un discours de franchise.

Notre explication est double.

Premièrement, l’exécutif ne peut pas attraire à lui tous les pouvoirs. La France est une démocratie parlementaire. En application de l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » L’hyperprésidentialisation de nos institutions va trop loin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Deuxièmement, toute décision politique s’analyse à l’aune d’un bilan avantages-inconvénients. Nous ne sommes pas convaincus que ce bilan ait été fait, surtout au regard des effets de long terme du reconfinement. Il va être une catastrophe pour nombre de nos concitoyens, entraîner beaucoup de souffrances individuelles et collectives et de larges déchirures du tissu social. Aucun pays ne sort indemne d’une paupérisation. Le « quoi qu’il en coûte » illimité n’existe pas.

Avant de développer ces deux idées, les sénateurs centristes voudraient vous exprimer leur compréhension de la difficulté de la tâche des gouvernants : nulle leçon de notre part, aucune recherche de responsabilité ; nous partageons une humilité de bon aloi.

Nous exprimons notre gratitude au corps médical, à nouveau soumis à une terrible épreuve qui va durer.

Nous savons que la situation est préoccupante, mais nous savons aussi que le monde a déjà affronté des pandémies, que paradoxalement le taux de mortalité reste stable, que la maladie est peut-être parmi nous pour longtemps et qu’il faut en toute chose raison garder.

Que nous dit la raison ? La raison, pas simplement l’émotion. Et je reviens à nos deux sujets.

Tout d’abord, l’ordre normal des choses voudrait que l’exécutif propose, et que le Parlement débatte puis légifère. Nous entendons l’argument de l’urgence, mais vous faisons observer que des mesures antiterroristes à la sortie de la crise des « gilets jaunes », de l’état d’urgence de ce printemps en passant par les lois de finances rectificatives, le Parlement n’a jamais manqué à son devoir dans les délais les plus brefs et sait prendre ses responsabilités.

Or que constatons-nous ? Les décisions ont été annoncées par le Président de la République hier. Nous sommes réunis a posteriori pour voter, alors que les décisions sont déjà prises et alors que l’on nous dit que notre vote n’aura aucune incidence.

M. Philippe Bonnecarrère. Cet abaissement du Parlement est une mauvaise manière, peut-être à notre égard, ce qui est secondaire, mais surtout à l’égard de la démocratie. L’exécutif – vous-même, monsieur le Premier ministre – en est la deuxième victime en s’exposant seul à la défiance, et nos concitoyens sont privés de tout dialogue et de toute appréciation des mesures à prendre. Dans cette crise, ils sont des sujets, et non des acteurs.

Plus les restrictions sont majeures – le reconfinement est une restriction majeure –, plus le contrôle du Parlement devrait être strict. Vous faites l’inverse. Plus la décision à prendre est lourde, plus elle doit être partagée. Vous faites toujours l’inverse.

Nous en arrivons même à ce que les conseils de défense remplacent les conseils des ministres. (Marques détonnement au banc du Gouvernement.) Comment exprimer plus nettement la concentration des pouvoirs ?

Notre Constitution est certes présidentielle, mais elle repose sur un équilibre des pouvoirs et, derrière, se profile toute la question des libertés publiques.

M. Philippe Bonnecarrère. Pour le groupe centriste, cet équilibre des pouvoirs est essentiel. L’exécutif, au mieux, l’oublie. Nous ne nous y résignons pas !

Ensuite, au-delà des considérations institutionnelles, le reconfinement est une mesure très brutale. La question essentielle est de savoir si la résilience de notre pays est suffisante pour y résister. Ne nous y trompons pas : elle a diminué depuis le mois de mars dernier.

Nos concitoyens sont psychologiquement usés, les entrepreneurs sont dans la détresse, la précarité se diffuse. Le terrorisme – j’y reviendrai plus loin – a frappé très durement, encore ce matin. Les « bruits de bottes » sont multiples à travers le monde, parfois même en Méditerranée orientale. Notre pays a déjà perdu 7 % à 8 % de son PIB, nos déficits et notre endettement ont filé à des vitesses sidérantes.

Monsieur le Premier ministre, notre nation a besoin de toutes ses forces. À notre sens, vous surestimez la résistance de notre pays, tandis que vous sous-estimez les multiples défis de l’instant présent.

Nous préférons un appel « à se retrousser les manches » ou « à faire bloc collectivement en tant que nation » plutôt qu’à « rester au maximum chez soi ». Nous nous méfions de la pression du court terme, des images et des propos qui tournent en boucle et suscitent émotion comme culpabilisation.

Où sont les études d’impact du reconfinement ? Certainement pas dans le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, qui n’en dit pas un mot.

Quel est le bilan coûts-avantages des différents scénarios que vous devriez nous présenter, mettre en perspective ?

Êtes-vous certain que nous n’aurions pas réussi à freiner suffisamment l’épidémie autrement ? Par un couvre-feu élargi et aménagé, auquel on laisserait le temps de produire ses effets ? Par le « tester, alerter, isoler » et le déploiement des nouveaux tests ? Avons-nous tout fait sur les gestes barrières qui sont normalement de nature à nous protéger mutuellement ? Sommes-nous allés au bout de toutes les mesures ciblées, comme le fait au même moment l’Allemagne ?

Le Président de la République répond par la négative, mais il ne nous apporte pas de démonstration.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est une grande responsabilité de savoir si l’on a tout fait pour protéger. C’est aussi une responsabilité de déterminer si l’on a ou non imposé à notre pays une charge trop lourde, qui l’affaiblira dans la durée.

Regardons les choses avec les yeux de nos concitoyens.

Sur le plan sanitaire, quel sera l’impact sur notre système de soins d’un appauvrissement durable du pays ? Quel sera l’impact sur l’espérance de vie dans cinq ans, dans dix ans ? Où trouverons-nous les moyens pour financer la recherche, les politiques de prévention, les achats de matériels et de molécules dans les années à venir ? Quel sera l’impact dès demain des opérations à nouveau déprogrammées ? Des examens de dépistage non réalisés ?

Nous n’entendons que les urgentistes, les réanimateurs et les épidémiologistes. Où sont les cancérologues, les cardiologues, les psychiatres ? Que pensent-ils des mois et des années à venir ?

Sur le plan social et psychologique, comment quantifiez-vous le chômage issu de la mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie ? Comment mesurez-vous l’angoisse qui va étreindre des millions de personnes précarisées ou isolées ? Combien de commerçants ou d’entrepreneurs vont perdre le fruit de leur travail ?

Sur le plan éducatif, comment estimez-vous les dommages pour nos enfants et nos étudiants ?

Sur le plan économique, combien d’entreprises ne se relèveront pas ou seront durablement fragilisées ? Combien seront dépassées par leurs concurrentes asiatiques ? Le Président de la République nous dit que les entreprises vont pouvoir continuer à travailler, mais pour cela elles ont besoin de clients, de marchés. Tout est interdépendant ! Sans clients, il n’y a plus d’activité.

Sur le plan budgétaire, comment financerons-nous le « quoi qu’il en coûte » ? L’argent magique, y compris européen, n’existe pas.

Monsieur le Premier ministre, nous avons le sentiment que les décisions sont prises sans tenir suffisamment compte de la globalité de leur impact à l’instant t et de leurs effets à long terme. Nous avons le sentiment curieux d’une société qui aurait perdu le sens du long terme.

Vous avez entendu nos réserves. Nous voulons tout autant que vous l’unité nationale. Nous n’oublions jamais son exigence dans la difficulté. Les difficultés sont là. Notre pays est assailli par le terrorisme, attaqué à l’extérieur pour ses valeurs ; le Président de la République est vilipendé et menacé.

Cette unité est cruciale pour lutter contre la maladie, pour lutter contre le terrorisme et pour sauver notre économie. Elle existe clairement face au terrorisme.

Le Président de la République a dit hier soir qu’il ne fallait pas opposer santé et économie. Nous avons cependant la conviction que vos options y conduisent. Nous vous demandons de faire évoluer les mesures contre la maladie pour sauvegarder notre économie, qui, je le souligne de nouveau, est également le pilier de notre santé future. Laissez leurs chances à nos entreprises, à nos commerces. N’attendez pas quinze jours ou encore moins un mois !

Ainsi, pour certains d’entre nous, le vote favorable traduira la volonté de partager les responsabilités. Pour ceux qui vont voter contre, entendez, monsieur le Premier ministre, qu’il s’agit d’une alerte solennelle pour revenir à un fonctionnement équilibré de nos institutions et donner toute sa réalité à l’unité nationale ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous dire que votre vote n’est pas secondaire, qu’il ne l’est jamais. (M. Jean-Claude Tissot proteste.) Comme tout vote, il est surtout et d’abord un vote de clarification et de prise de responsabilité devant la Nation, comme l’a fait, du reste, l’Assemblée nationale ce matin. Je remercie celles et ceux d’entre vous qui sauront prendre leurs responsabilités. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu au cours des différentes interventions – permettez-moi de le dire – quelques approximations et des touches de démagogie que les circonstances présentes ne me paraissent pas autoriser. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

J’aime beaucoup entendre invoquer l’autorité du conseil scientifique et des scientifiques. Que n’entend-on à ce sujet ? Parfois, nous serions les jouets du conseil scientifique : c’est lui qui ferait la politique de la France…

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas faux !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mais, quand cela vous arrange, voilà que l’on nous reproche de ne pas suivre ses préconisations. Où se situe la vérité ?

Quand on invoque le conseil scientifique, encore faut-il le faire avec justesse ! Plusieurs orateurs ont cité certains de ses avis ou certaines mises en garde qu’il a effectivement formulés. Je suis parfaitement à l’aise quant aux mesures que nous avons prises, notamment à la suite de l’avis qu’il a rendu au mois de juillet. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Vincent Segouin. On voit le résultat !

M. Jean Castex, Premier ministre. On me dit aussi – je crois que c’est le président Retailleau – et l’on ne cite, évidemment, qu’une partie de mes propos : « Vous êtes intervenu, monsieur le Premier ministre, le 11 septembre, et vous avez ramené la quatorzaine à la septaine ».

Mme Sophie Primas. C’est pourtant vrai !

M. Jean Castex, Premier ministre. Oui, bien sûr que c’est vrai. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Depuis lors, la plupart des pays se sont ralliés à cette mesure que j’ai prise précisément sur les recommandations des scientifiques et des médecins.

Monsieur le président Retailleau, ce 11 septembre, je déclarais aussi, et vous ne m’en voudrez pas de me citer (Sourires.) : « La période estivale a été marquée par une forme de relâchement que l’on peut probablement expliquer après les longues semaines de confinement du printemps dernier. La rentrée est là. Nous devons impérativement respecter les règles de distanciation physique, nous laver régulièrement les mains, porter le masque. » Quant à cette dernière préconisation, je l’avais rendue obligatoire, dès le mois de juillet, par trois décrets, dans l’espace public, dans les commerces et dans les entreprises, puisqu’il faut le rappeler. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce même jour, mesdames, messieurs les sénateurs, j’annonçais que, compte tenu de la dégradation particulièrement visible dans deux métropoles, Bordeaux et Marseille, les préfets seraient invités à prendre des mesures, après concertation avec les élus locaux. Parmi celles-ci, le 14 septembre, il y a eu pour la première fois la fermeture des bars et restaurants. Que n’ai-je entendu à l’époque ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Que nous en faisions trop ? Ou que nous n’en faisions pas assez ? Les mêmes qui, aujourd’hui, me disent : « Vous êtes en retard, monsieur le chef du Gouvernement ! »…

M. Jean Castex, Premier ministre. … me disaient à l’époque : « Vous y allez trop fort ! Vous nous privez des libertés publiques ! » Telle est la vérité.

Mme Cécile Cukierman. C’est à cause de l’absence de concertation !

M. Jean Castex, Premier ministre. J’entends aussi certains dire et redire : « Vous n’avez pas créé de lits. » Or vous savez parfaitement, toutes et tous ici, que sans personnel qualifié les lits ne servent à rien. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.) Contrairement à ce que j’ai entendu, nous avons mobilisé en six mois le maximum de ressources possible dans un cadre très contraint. À la seule Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le taux de vacance des personnels paramédicaux a diminué de moitié.

Cette situation résulte d’années de progression insuffisante de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) : nous devrions l’admettre avec modestie ! Ce Gouvernement a su prendre des décisions dans le cadre du Ségur de la santé (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.) et vous aurez à en débattre lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021.

Mme Cécile Cukierman. On ferme les urgences !

M. Jean Castex, Premier ministre. Il a mis en place des mesures structurelles pour rendre à nouveau attractifs les métiers de l’hôpital et pour investir dans notre système de santé.

Le plan de relance, qui vous sera soumis dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, comprend des reprises de dette hospitalière et des investissements pour l’hôpital. Je ne doute pas que le Sénat votera ces mesures, et je prends à témoin son président, que je sais être profondément et historiquement attaché à l’hôpital.

J’ai entendu aussi des reproches : « Vous allez fermer des commerces, des bars, des restaurants ! » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Les commerces de proximité !

M. Jean Castex, Premier ministre. La décision a effectivement été très douloureuse à prendre, très difficile… (Mêmes mouvements.)

Mme Sophie Primas. Alors, pourquoi ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la seule voie possible si vous souhaitez comme nous que ce confinement soit efficace, et vous avez toutes et tous dit que c’était ce que vous vouliez.

Nous avons amélioré ce confinement par rapport à celui du printemps dernier, en faisant en sorte, différence majeure, que les établissements scolaires continuent de fonctionner. Nous l’avons amélioré en faisant en sorte que l’activité économique en pâtisse moins, car l’un d’entre vous l’a dit à fort juste titre : la crise économique et sociale dans laquelle nous sommes déjà plongés aura des effets tout aussi ravageurs que la crise sanitaire.

M. Loïc Hervé. Voire plus graves !

M. Jean Castex, Premier ministre. Le Gouvernement le sait et a adopté des mesures correctrices et d’accompagnement dont vous avez bien voulu reconnaître la pertinence.

Pour autant, si en plus d’autoriser les gens à sortir de chez eux pour aller travailler, pour emmener leurs enfants à l’école et dans les établissements scolaires, nous les autorisions aussi à sortir pour aller faire toutes leurs courses en dehors de celles des produits de première nécessité,…

Mme Catherine Belrhiti. Laissez vivre les petits commerces !

M. Jean Castex, Premier ministre. … alors, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y aurait plus de vrai confinement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Non, il n’y en aurait plus !

Mme Cécile Cukierman. C’est encore la grande distribution qui va s’en tirer !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je veux aussi vous rappeler, mais je sais bien que vous le savez, car vos objectifs sont ailleurs (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.), que tous les pays qui nous entourent prennent les mêmes mesures que nous. Je ne manquerai pas de faire part à leurs dirigeants de vos utiles recommandations. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le président, dans la chambre des sages, dans l’assemblée des territoires auxquels je suis tant attaché, je voudrais en conclusion surtout retenir, si vous me le permettez, l’intervention du président Malhuret. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Vote sur la déclaration du Gouvernement

M. le président. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.

Conformément à l’article 39, alinéa 6, de notre règlement, il va donc être procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 10 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour l’adoption 130
Contre 178

Le Sénat n’a pas approuvé la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Discussion générale (suite)

Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (projet n° 74, texte de la commission n° 79, rapport n° 78).

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que les candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 38

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me présente devant vous, alors que vous venez de vous prononcer sur la déclaration que le Premier ministre a faite au nom du Gouvernement concernant l’évolution de la situation sanitaire, dans un contexte que je sais particulier.

Je ne saurais commencer mon propos sans avoir une pensée émue, alors que trois de nos compatriotes ont été assassinés, aujourd’hui, et que notre pays a été une fois encore victime d’attaques terroristes islamistes. Ces actes terroristes ont pris pour cibles, sur notre territoire, certains de nos concitoyens qui souhaitaient exercer librement leur culte, dans une ville déjà meurtrie par un attentat ; ils ont également porté contre un vigile qui assurait la protection de notre représentation consulaire à Jeddah, en Arabie Saoudite. Les Français et la France sont clairement attaqués.

Le Président de la République l’a dit, à Nice, il y a quelques heures : cet attentat ignoble, cette attaque aussi lâche que barbare, endeuille notre nation tout entière et appelle une réponse ferme et implacable du Gouvernement. Immédiatement, le plan Vigipirate a été relevé au niveau « alerte attentat ». L’opération Sentinelle déploiera quatre mille militaires supplémentaires sur l’ensemble du territoire dans les prochains jours. Un conseil de défense se réunira, demain, pour prendre toutes les mesures qui s’imposent.

La France fait donc face à une menace sécuritaire réelle, avérée et malheureusement à nouveau réalisée. S’y ajoute une autre menace, sanitaire, qui me conduit précisément devant vous, cet après-midi. Elle n’est pas idéologique. Elle appelle une réponse non seulement de l’État, mais aussi de chacun d’entre nous. C’est pourquoi, pour la deuxième fois depuis le début de l’année 2020, un confinement a été décidé face à un virus qui circule à nouveau de manière trop active, et qui nous fait craindre le pire.

La Nation tout entière est appelée une fois encore à faire bloc pour protéger les plus vulnérables, dont nos aînés, bien sûr, mais aussi tout un chacun, car ce virus peut également frapper les plus jeunes ; pour protéger les soignants aussi, parce que, malgré la fatigue accumulée ces derniers mois, vous savez qu’ils sont pleinement mobilisés.

Ce deuxième confinement ne saurait être comparé au premier. Il s’en distingue par bien des aspects. À titre d’exemple, le choix de ne pas fermer nos crèches, nos écoles, nos collèges et nos lycées traduit l’équilibre si fragile et si précieux que nous devons chercher à atteindre. Les efforts demandés aux Français sont très importants : le Gouvernement en a conscience et mesure les sacrifices individuels et collectifs auxquels nous nous préparons : ils sont indispensables pour sauver des vies.

La situation est peu commune. Il y a deux semaines, le Gouvernement vous présentait un texte visant à prolonger les mesures dérogatoires pour accompagner la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Ce texte n’aura pas atteint le terme de son parcours, interrompu après que le Président de la République a pris un décret en conseil des ministres pour instaurer à nouveau l’état d’urgence sanitaire dans notre pays.

Il n’aura échappé à personne que, depuis le mois d’août, l’Europe est confrontée à une recrudescence du nombre des contaminations à la covid-19. Particulièrement meurtrière, l’épidémie a déjà causé le décès de plus de 250 000 personnes, dont près de 35 000 dans notre pays.

Conformément à l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois nécessite une autorisation du législateur : c’est l’objet principal du projet de loi que je vous présente aujourd’hui.

En effet, l’évolution de la situation sanitaire et les effets différés de la circulation du virus sur le système de santé rendent indispensable une prorogation au-delà du 17 novembre. Une divergence existe sur la date, puisque la commission des lois du Sénat a privilégié celle du 31 janvier là où le Gouvernement avait inscrit le 16 février.

Autre désaccord, le projet de loi prévoit, à l’article 2, de proroger le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril 2021, en vue de disposer de facultés d’intervention lorsque l’état d’urgence sera levé. La commission des lois n’a pas retenu cet article et le Gouvernement le regrette.

Il est pourtant indispensable de proroger ce régime dérogatoire et transitoire, si l’on veut éviter toute rupture brutale des mesures barrières en sortie d’état d’urgence sanitaire. À défaut, et sauf à ce que l’épidémie présente une gravité telle qu’elle justifie de prolonger encore l’état d’urgence, nous ne disposerons d’aucun moyen d’action, dès lors que ce régime expirera, c’est-à-dire demain, vendredi 30 octobre 2020, conformément à l’article 1er de la loi du 9 juillet dernier.

La date du 1er avril 2021 nous paraît, en outre, cohérente avec la clause de caducité que le Parlement a lui-même voulue pour le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. Cette échéance permettra de consacrer la future réforme relative à la mise en place d’un dispositif pérenne de gestion de l’urgence sanitaire, sans que le débat de fond soit suspendu par la nécessité d’une nouvelle prorogation des mesures transitoires.

Parce que nous disposons de systèmes d’information importants pour suivre et gérer efficacement l’évolution de la situation sanitaire, l’article 3 autorisera la mise en œuvre de systèmes dédiés à l’épidémie de la covid-19 pour une durée correspondant à la période de l’état d’urgence sanitaire et du régime transitoire.

À ce sujet, je salue le travail mené par le Sénat dans le cadre de l’examen du précédent projet de loi. En effet, la finalité d’accompagnement social mentionnée dès le texte initial pour reconnaître juridiquement l’action des organismes qui assurent une importante mission d’accompagnement social des personnes touchées par l’épidémie, comme les centres communaux d’action sociale, est un atout majeur issu d’une des propositions des sénateurs.

Enfin, à l’article 4, le projet de loi prévoyait plusieurs habilitations pour rétablir ou prolonger les dispositions de certaines ordonnances prises sur le fondement des lois du 23 mars et du 17 juin 2020, ou sur celui de dispositions législatives récentes, précisément identifiées.

Cet article tire les conséquences du débat parlementaire qui s’est ouvert lors de la première lecture du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Plusieurs sénateurs avaient alors déposé des amendements visant à proroger les mesures d’incitation et de protection de la population. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, dans le présent texte, de proposer au Parlement de proroger un ensemble de dispositifs, à l’instar de ce que vous aviez accepté au moment de l’instauration de l’état d’urgence sanitaire. Cette habilitation permettra, en tant que de besoin – j’insiste sur cette modération –, de rétablir et d’adapter à l’état de la situation sanitaire du moment ainsi qu’aux règles de police sanitaire, les mesures d’accompagnement qui avaient été conçues à partir de mars dernier.

En commission, les députés ont adopté un amendement tendant à réduire le délai pour prendre les ordonnances au 16 février, date de la fin d’état d’urgence sanitaire et non pas, comme l’avait prévu le Gouvernement, au 1er avril, date de la fin du régime transitoire. En séance, un amendement de compromis a été trouvé sur les consultations obligatoires. Pour pouvoir intervenir rapidement et en toute sécurité juridique, nous avons proposé de maintenir l’absence de consultation obligatoire en amont des ordonnances, au moins pour celles qui interviendront dans les premières semaines d’application de la loi.

En séance, samedi dernier, le Gouvernement a proposé de compléter ces mesures d’accompagnement transitoire qui nous paraissent indispensables pour limiter les conséquences de la reprise de l’épidémie.

Nous prenons acte des modifications qui sont intervenues lors de l’examen du texte par la commission des lois. Certaines d’entre elles posent des questions techniques ; d’autres, plus politiques. Si nous pouvons partager l’esprit de certaines initiatives, d’autres soulèvent de vraies difficultés. En tout état de cause, le Gouvernement considère que ces modifications ponctuelles ne justifient pas de supprimer ou de restreindre significativement les dispositions de l’article 4, telles que les a adoptées l’Assemblée nationale, dès lors que l’évolution très rapide de la situation et le renforcement des mesures de police sanitaire vont appeler la réactivation d’autres mesures d’accompagnement, dans les prochaines semaines.

Par conséquent, nous avons souhaité déposer des amendements sur les seuls éléments que nous considérons comme des lignes de crête pour garantir l’équilibre de ce projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début de la pandémie, le Sénat a su se montrer exigeant et responsable pour relever ce défi historique. Le virus n’épargne aucun territoire : dans l’Hexagone comme en outre-mer, tous nos concitoyens sont menacés. Nous nous préparons à un choc très important dans les jours qui viennent. Il faut le dire, et le Président de la République a été très clair dans son discours, hier soir. Nos soignants sont déjà sur le front et le pays tout entier doit être à nouveau à leurs côtés. De l’exigence, de la responsabilité, aucun élu n’en a manqué et tous seront au rendez-vous. Ce texte est aussi l’occasion de le rappeler.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la gravité de la situation épidémique dans notre pays, justifie à l’évidence que nous ayons ce débat sur les moyens qui doivent être mobilisés pour faire face au défi de la propagation du covid-19.

À l’évidence aussi, nous avons du mal à suivre les événements. Il y a quinze jours, nous discutions, ici, d’un projet de loi relatif à la prorogation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Ce texte a vu sa discussion interrompue, car dans le même temps l’épidémie galopait et le Gouvernement décidait de rétablir l’état d’urgence sanitaire, et non plus le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire.

Il assortissait sa décision de la mise en œuvre, notamment, de couvre-feux territorialisés, qui n’ont cessé depuis lors de s’étendre. Le Président de la République a annoncé hier qu’il était de nouveau dépassé par la dynamique des contaminations et il a décidé que cet état d’urgence sanitaire, dont la prorogation était inscrite à l’ordre du jour du Parlement, soit lui-même accentué très fortement par le rétablissement du confinement, même si le confinement mis en œuvre n’est pas le même que celui de mars dernier.

Pour ne prendre qu’un exemple, les professeurs et les élèves des écoles continueront respectivement à assurer la mission d’enseignement et à assister à cet enseignement. Il n’en reste pas moins vrai que, de la prorogation avortée du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire au confinement, nous avons vu en quelques semaines les pouvoirs publics condamnés à surenchérir dans les restrictions apportées aux libertés, compte tenu de cette inflation des cas de covid-19. Rarement on aura vu en quinze jours un assaillant faire reculer à ce point les limites de l’action publique.

Nous sommes donc revenus, en quelque sorte, à la situation du 15 mars 2020, mais, à cette date, chacun pouvait constater que le confinement était la sanction de l’impréparation de la France au risque épidémique, puisqu’il n’y avait pas d’autre moyen de lutter contre le covid-19 que d’en venir à cette mesure extrême pour les libertés individuelles et pour les libertés publiques : ni masques, ni tests de dépistage, ni accès généralisé aux gels hydroalcooliques, ni apprentissage par nos concitoyens – et nous-mêmes ! – des distances physiques nécessaires pour se protéger, ni organisation du travail, ni télétravail, ni adaptation des transports publics et, surtout, aucun système d’information nationale permettant, à partir des dépistages, d’identifier les personnes en contact avec des personnes dépistées positives, et donc porteuses du virus.

Le confinement généralisé était donc la sanction de cette impréparation de notre pays. Je ne le dis pas pour accabler les pouvoirs publics ; je le dis parce que c’est un constat de fait. Même si nous n’avons pas le monopole de cette impréparation, il faut bien reconnaître que c’est une situation de fait à laquelle il a fallu faire face : nous n’avons pas marchandé au Gouvernement, à ce moment-là, les moyens d’action qu’il nous réclamait. Madame la ministre, mes chers collègues, si le confinement était la sanction de cette impréparation, on peut se demander de quoi le reconfinement est la sanction.

Le reconfinement est la sanction d’un échec, dont je veux bien admettre la dimension collective, mais c’est aussi nécessairement l’échec du Gouvernement et des autorités sanitaires de notre pays.

Cette situation est pour nous un constat qui appelle, dans notre réaction, l’exigence d’un esprit de responsabilité. Notre responsabilité n’est pas de faire votre procès : il y a pour cela des commissions d’enquête qui continuent leur travail.

M. Bernard Jomier. Nous faisons une enquête, pas un procès !

M. Philippe Bas, rapporteur. Non, notre responsabilité, c’est de vous attribuer les pouvoirs nécessaires pour faire face à ce regain de la crise sanitaire, ici et maintenant, quel que soit l’enchaînement des causes et des effets qui a produit cette situation dramatique pour notre pays.

Il appartient maintenant au Gouvernement, si nous lui consentons ces nouveaux pouvoirs, de les utiliser efficacement, et sans doute davantage que cela n’a été le cas pour la mobilisation de tous les instruments qui ont été développés depuis la fin du premier confinement.

Pour autant, si je vous propose de donner au Gouvernement les moyens d’action dont il a besoin, nous ne pouvons lui accorder un blanc-seing, et nous le pouvons moins encore qu’au mois de mars dernier, compte tenu de ce que nous avons vécu, de ce que les Français ont vécu au cours de ces dix derniers mois. C’est la raison pour laquelle il me semble que cet esprit de responsabilité, dont nous pourrons faire preuve une fois encore – sans vouloir préjuger votre vote, mes chers collègues –, doit avoir pour corollaire un esprit de vigilance.

Premièrement, le Parlement doit resserrer son contrôle. Nous n’admettons pas que vous puissiez, jusqu’au 1er avril prochain, user de pouvoirs spéciaux sans jamais avoir besoin de revenir devant le Parlement.

À partir du moment où on en est arrivé à franchir ce palier, que tout le monde voulait éviter, le Président de la République le premier, à savoir le reconfinement, et donc la mise entre parenthèses des libertés les plus fondamentales de nos concitoyens, le contrôle du Parlement doit être simultanément renforcé. Plus les droits des Français sont mis en cause, plus le Parlement doit être présent pour contrôler les pouvoirs qui sont mis en œuvre par le Gouvernement. Donc non, il n’est pas question de vous laisser ces pouvoirs jusqu’au 1er avril prochain sans que le Parlement se prononce.

Nous allons vous proposer de ramener au 31 janvier la durée de l’état d’urgence sanitaire qui pourra être mis en œuvre sans vote du Parlement. Nous allons vous proposer aussi, puisque confinement il y a, ce qui n’était pas le cas lorsque nous avons examiné le texte du projet de loi en commission, de modifier le régime de l’état d’urgence sanitaire pour dire : oui, il y a état d’urgence sanitaire, mais, en plus, il y a confinement et, sur ce point particulier, nous voulons que le Gouvernement revienne devant le Parlement d’ici au 8 décembre s’il devait décider une prolongation. En effet, il n’est pas concevable que les Français puissent être confinés pendant les fêtes de fin d’année sans que la représentation nationale, c’est-à-dire la représentation de tous les Français dans leur diversité, ait été amenée à prendre ses responsabilités. C’est trop grave !

Deuxièmement, nous ne voulons pas vous donner non plus un blanc-seing en multipliant les ordonnances par des habilitations législatives, qui plus est d’un flou sans précédent. Nous ne pouvons pas accepter cela ! Par conséquent, sur les 70 habilitations proposées par le Gouvernement, nous avons réussi à n’en retenir que 30, tout en les restreignant. Dans certains cas, nous les avons écartées purement et simplement ; dans d’autres cas, nous avons inscrit dans la loi les règles que le Gouvernement voulait édicter seul ; dans le reste des cas, nous prévoyons de lui consentir ces habilitations.

Voilà ce qu’est la vigilance ; voilà ce qu’est la responsabilité. C’est ainsi que j’ai abordé ce travail de rapporteur, et que je vous propose d’aborder ce débat ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, savez-vous pourquoi on évoque une deuxième vague de l’épidémie ? Parce qu’il y en a eu une première, pardi ! Une première, et vous n’en avez rien appris : neuf mois et 35 785 morts plus tard, vous nous imposez une nouvelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire, piétinant allègrement le Parlement, l’État de droit et les libertés économiques et individuelles des Français. Votre mode de gouvernement, c’est la réaction plutôt que l’anticipation. Tel le hamster dans sa roue, vous ne cessez de courir derrière un virus que, décidément, vous n’arrivez jamais à rattraper. Vous courez, mais ce sont les Français qui sont fatigués, et ce sont les Français que vous mettez en cage.

Plus de neuf mois après avoir été informés par vos prédécesseurs de l’arrivée en France de la covid-19, nos compatriotes sont aussi dépourvus en moyens qu’au début de l’année. Pendant ce temps, nos voisins italiens, dès le mois de mars, ont recruté 20 000 soignants, soit 5 000 médecins spécialisés, 10 000 infirmiers et 5 000 aides-soignantes. Ils ont même prévu de recruter leurs médecins à la retraite. Le nombre de lits en soins intensifs a été augmenté de 50 %. Comme quoi, c’est possible !

Qu’avez-vous prévu, vous, de structurel et de durable pour nos hôpitaux saturés ? Le rapport du général Lizurey sur le bilan de la gestion printanière répond à cette question, et c’est un implacable réquisitoire. Pour mémoire, et à toutes fins utiles, je rappelle qu’un certain Jean Castex a été le directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère des solidarités et de la cohésion sociale, de 2005 à 2006, et qu’à ce titre il est l’un des pères de la loi Hôpital, qui introduit la notion d’objectifs et de rentabilité dans la gestion hospitalière. Il est ensuite directeur de cabinet de Xavier Bertrand au ministère de la santé pendant deux ans, puis conseiller chargé des affaires sociales de Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Il est donc l’un des principaux artisans de la politique hospitalière, ou plutôt anti-hospitalière, de 2005 à 2012. Résultat : les opérations sont déprogrammées et des patients mis en danger ; notre tissu économique se déchire ; les droits du Parlement reculent ; notre démocratie et nos libertés publiques sont menacées. N’en jetez plus, madame la ministre, la coupe est pleine, vraiment pleine !

Vous accorder tout pouvoir sans contrôle jusqu’au 1er avril est inacceptable. Je refuse quant à moi de cautionner votre coup de force, conséquence de votre état de faiblesse. Le Parlement, le Sénat en tout cas, n’est pas une chambre d’enregistrement des dérives autoritaires de l’exécutif.

Enfin, pour couronner le tout, le ministre de la justice, dans la situation explosive que nous subissons, demande des alternatives à l’incarcération pour faire face à la densité carcérale en contexte épidémique et, tel un vulgaire préfet de police de Paris, le président de l’Assemblée nationale culpabilise à son tour les Français, en les rendant d’ores et déjà responsables de leur possible contamination. M. Ferrand est non plus au perchoir, mais perché au sommet de l’indécence.

La coupe est vraiment pleine, madame la ministre !

Au bilan sanitaire désastreux qui est le vôtre est venue s’ajouter la perquisition du domicile du ministre de la santé dans le cadre d’une information judiciaire sur la gestion de la crise. Est-ce la raison qui explique son absence devant la représentation nationale, une absence qui s’apparente à un véritable mépris de notre assemblée ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Stéphane Ravier. Je conclus en une phrase : c’est non pas la prorogation de l’état d’urgence sanitaire que nous attendions du ministre de la santé, mais sa démission.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France et la vaste majorité des pays du monde font face à la crise sanitaire la plus importante de ce siècle. En mars dernier, le Gouvernement a pris la décision d’instaurer l’état d’urgence sanitaire. Le pays fut confiné, avec pour conséquence une détérioration de la condition sociale et économique de nos concitoyens. Après une brève accalmie, nous devons nous rendre à l’évidence : depuis le début du mois de septembre, la France est confrontée à une dégradation de sa situation épidémiologique ; la deuxième vague est là !

Madame la ministre, nous sommes pleinement conscients de la gravité de cette crise sanitaire et des difficultés qu’engendre sa gestion. Depuis plus de sept mois, les pouvoirs publics et les comités scientifiques naviguent à vue. Cette situation dramatique nous oblige, en tant qu’élus de la Nation, à l’humilité et à la responsabilité.

Pour autant, les réponses à cette crise sanitaire majeure ne doivent pas être fondées sur l’affaiblissement du Parlement et l’infantilisation de la population. Cette crise appelle, au contraire, à plus de clarté et de démocratie, à plus de cohésion sociale pour bénéficier d’un soutien permanent de nos concitoyens, déjà lourdement éprouvés par la situation du pays. Il y a bien sûr nécessité d’agir pour enrayer l’épidémie, mais l’état d’urgence sanitaire, tel qu’il a été voté le 23 mars dernier, n’est pas satisfaisant, et a conduit à une gestion de crise désordonnée et autoritaire.

Désordonnée, car la multiplication des mesures liberticides n’a pas été utile pour prévenir la deuxième vague. Autoritaire, puisque le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’est lui-même inquiété d’un risque d’accoutumance au renouvellement sans fin des mesures de contrôle.

La nouvelle Défenseure des droits, Claire Hédon, a également exprimé son inquiétude face à ces nouvelles restrictions des libertés publiques.

M. Philippe Bas, rapporteur. Eh oui !

M. Guy Benarroche. En outre, la confusion qui ressortait des prises de parole de l’exécutif, notamment sur l’utilité du port du masque, mais pas seulement, a gravement nui à la compréhension des mesures. La confiance des Français à l’égard du pouvoir exécutif s’en est trouvée visiblement amoindrie.

Or vous nous demandez aujourd’hui de déposséder le Parlement de ses prérogatives afin que le Gouvernement puisse prononcer seul toutes les mesures liberticides qu’il juge utiles, et ce pour une durée de plusieurs mois. Nous ne pouvons tolérer que la représentation nationale soit ainsi écartée du processus décisionnel !

Sur le sujet si grave de la pandémie, l’unique recours aux ordonnances est inacceptable. Députés et sénateurs ont été pleinement mobilisés ces derniers mois et travaillent sans relâche pour apporter des réponses à cette crise. Les laisser de côté dans cette épreuve revient à affaiblir notre démocratie et à nier le principe de séparation des pouvoirs.

Enfin, des incertitudes demeurent quant aux choix de gestion de ces dernières semaines. Tandis que les milieux de la culture, de l’événementiel et de l’hôtellerie-restauration, ainsi que les commerçants et les artisans étaient durement touchés par les mesures de restriction, les centres commerciaux restaient très peu contraints face à l’impératif de santé publique.

Il importe d’amplifier le recours au télétravail, dont la pratique demeure marginale, alors que près d’un quart des foyers de contamination sont situés en milieu professionnel.

J’ajoute que le soutien est clairement lacunaire pour une frange de la population tombée dans une précarité absolue. Une étude de l’ONG Médecins sans frontières a révélé qu’une personne en grande précarité sur deux a été infectée par le covid-19 en Île-de-France.

Madame la ministre, l’exécutif ne doit pas rester sourd aux alertes du monde associatif. L’attention aux plus démunis doit être au centre de nos priorités. Sans intervention forte des pouvoirs publics, les nouvelles mesures de restriction ne feront que creuser les inégalités sociales. La crise sanitaire a déjà fait basculer un million de Français dans l’impécuniosité. Ces nouveaux pauvres s’ajoutent aux 9,3 millions de Français vivant au-dessous du seuil de pauvreté.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. Les parlementaires de l’opposition, depuis le début de la crise, demandent le renforcement des aides au logement, ainsi que la gratuité des masques : en vain !

Madame la ministre, nous ne prendrons jamais l’habitude des pandémies, mais nous devons prendre l’habitude de les traiter d’une façon plus transparente, plus collaborative, plus constructive, plus républicaine. Vivre avec le virus signifie…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Guy Benarroche. … appliquer, dans les situations difficiles, les principes démocratiques et républicains qui régissent notre modèle et les améliorer, non pas y renoncer.

M. le président. Ce n’est plus possible, mon cher collègue !

M. Guy Benarroche. Y renoncer signifierait que notre modèle républicain n’est pas adapté ni capable de gérer les crises qui durent. (Marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.) Terrible démonstration à laquelle nous ne nous résoudrons pas, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Mes chers collègues, je suggère que les orateurs calibrent leurs textes pour respecter leur temps de parole.

La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Je vais essayer de respecter mon temps de parole, monsieur le président !

Madame la ministre, mes chers collègues, en introduction, je voudrais adresser une pensée émue, au nom du groupe RDPI, aux victimes du nouvel attentat commis ce matin à Nice. L’unité est là encore indispensable face à la barbarie.

Nous le savons, la situation économique en Europe s’aggrave, et ce de façon très inquiétante. Le Président de la République a annoncé le renforcement des mesures de protection hier. Le Premier ministre les a précisées à l’instant. À l’instar de la France, de nombreux pays européens voisins ont pris, ces derniers jours, des décisions fortes, courageuses, parfois impopulaires, pour sauver des vies, pour protéger nos soignantes et nos soignants. La situation française n’est ni isolée ni singulière. Hier aussi, l’État fédéral allemand et les Länder se sont mis d’accord sur l’instauration d’un reconfinement partiel.

Pourquoi ? Parce que depuis le début de la pandémie, plus de 260 000 personnes sont déjà décédées en Europe et que le nombre de contaminations bat des records. L’état d’alerte décrété dimanche en Espagne, comparable à l’état d’urgence, constitue, pour le gouvernement socialiste, « la mesure la plus efficace pour infléchir la courbe des contagions ».

C’est dans ce contexte général grave qu’a été réactivé en France, à compter du 17 octobre, l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire. C’est aussi dans ce contexte que le présent projet de loi nous est soumis.

Le Gouvernement sollicite donc tout d’abord une prorogation du régime de l’état d’urgence sanitaire pour trois mois, soit jusqu’au 16 février. Cette durée nous paraît, ainsi que l’ont confirmé le conseil scientifique et le Conseil d’État, adaptée et proportionnée à l’état de la situation sanitaire. C’est d’ailleurs un point sur lequel, monsieur le rapporteur, les positions n’apparaissaient pas, en réalité, irréconciliables. Vous avez consenti à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire tout en réduisant sa durée de deux semaines.

Nous avons, dans le même temps, des réserves quant à la suppression de la prolongation du régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Celle-ci permettrait de conférer une agilité et une capacité d’adaptation indispensables dans la gestion de crise, de nature à favoriser une sortie anticipée, car progressive, de l’état d’urgence. C’est ce que souligne l’avis du Conseil d’État lui-même.

La vigilance, peut-être même la défiance, qui se manifeste sur nos travées, ne doit pas faire oublier le cadre strict qui s’applique aux deux régimes précités. Je pense aux prérogatives de contrôle renforcées du Parlement, et je veux, sur ce point, saluer le travail de notre commission des lois. Je pense également au contrôle du juge, qui peut suspendre en référé l’application des mesures prises.

La position de la commission sur l’article 3, qui vise à ramener du 1er avril au 31 janvier l’autorisation de mise en œuvre des systèmes d’information, est elle aussi source d’interrogations. Aux termes du droit en vigueur, cette autorisation devrait arriver à échéance le 10 janvier. Le texte de la commission n’augmente donc que très modestement la durée d’utilisation de ce système, alors même qu’il est indispensable pour la réussite de la stratégie « tester, tracer, isoler ».

Je veux également saluer les mesures d’urgence économique et sociale visant à prolonger le fonds de solidarité, les dispositifs d’activité partielle et de garde d’enfants, ou encore adapter le fonctionnement des collectivités territoriales.

Il n’est jamais aisé ni agréable pour nous, législateurs, de consentir aux habilitations.

Un mot, enfin, sur les dispositions introduites en commission sur les modalités d’organisation des prochaines élections locales. Une mission a été confiée à Jean-Louis Debré, qui mène une concertation approfondie pour trouver un consensus politique. Il nous paraît opportun d’en attendre les conclusions pour prendre en compte les conditions de déroulement des campagnes électorales. Le groupe RDPI conditionne son vote aux évolutions qui seront adoptées en séance.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà deux semaines, lors de l’examen avorté du projet de loi prorogeant le régime transitoire instituant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, j’avais pointé l’entre-deux dans lequel nous étions, à savoir un état d’urgence qui n’en était pas un. Par son intervention d’hier, le Président de la République a fait état d’une situation sanitaire fortement dégradée, nous imposant aujourd’hui un nouveau confinement. Dès lors, le choix entre nous empêcher de vivre et nous empêcher de mourir est vite fait.

Ces mesures sont nécessaires si l’on souhaite venir à bout de ce covid-19, mais, au-delà des mesures transitoires, des déconfinements, puis des reconfinements, il va falloir que nous nous interrogions sérieusement sur notre stratégie pour éradiquer définitivement ce virus du territoire.

Aujourd’hui, nos concitoyens ont le sentiment qu’ils n’ont qu’un seul droit, celui d’aller travailler, et je regrette vivement que les mots choisis à certains moments aient alimenté la défiance. Il va de soi que le contexte actuel nous oblige à proroger l’état d’urgence sanitaire, le simple régime transitoire que nous devions discuter la semaine dernière ne suffisant plus. À cet égard, mon groupe partage l’avis de la commission des lois, qui souhaite la prorogation jusqu’au 31 janvier uniquement, et la suppression du régime transitoire. La persistance de ces deux régimes distincts suscitait, une fois de plus, de l’incompréhension, d’autant que tout ce que permettait le régime transitoire est possible dans le cadre de l’état d’urgence.

Concernant les systèmes d’information de l’article 3, à savoir le système d’information national de dépistage et le téléservice Contact Covid, mon groupe est également favorable à leur prorogation. Nous nous réjouissons que les mesures permettant une meilleure pseudonymisation, inspirées du Sénat, aient été ajoutées. Nous partageons néanmoins les doutes de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur l’évaluation et l’efficacité sanitaire de ces dispositifs. Là encore, trop peu d’éléments sont mis à notre disposition.

Permettez-moi de faire un parallèle avec les retards récurrents avec lesquels sont rendus publics les avis du conseil scientifique. Madame la ministre, la confiance du Parlement ne se décrète pas ; elle se mérite. Aussi, une publication dans des délais plus brefs serait heureuse.

Concernant les habilitations à légiférer par ordonnances, le champ prévu par le texte était très large, trop large. Aussi, je salue le travail effectué par le rapporteur Philippe Bas, qui vise à ne conserver que ce qui est pleinement nécessaire. Le passage du nombre des habilitations de 70 à 30 décidé par la commission est, selon nous, le bienvenu.

Sur les mesures visant à la sécurisation du processus électoral, nous sommes plus partagés. Les membres du RDSE sont attachés à la vitalité du débat démocratique. Ils souhaiteraient, bien entendu, pouvoir garantir le déroulement des scrutins départementaux et régionaux prévus au printemps prochain. Les mesures proposées en matière de procurations sont, à leur avis, intéressantes. Il faudra néanmoins rester vigilant quant aux dispositions relatives au vote par correspondance.

Pour conclure, je saluerai les mesures prises à l’article 6 en faveur des PME, qui vont une fois de plus souffrir de ce confinement – j’en ai parlé lors du débat précédent. La rétroactivité de ces mesures ajoutées par notre commission sera d’un grand secours dans cette période éminemment difficile pour elles. Vous l’aurez compris, face à l’urgence sanitaire, le groupe du RDSE votera ce projet de loi au regard des améliorations apportées par le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je veux souligner l’incohérence de nos travaux, signe d’un profond mépris du pouvoir exécutif à l’égard du Parlement.

Nous allons débattre des principes de l’encadrement juridique de la prorogation de l’état d’urgence, alors que, il y a quelques instants, notre assemblée était amenée à se prononcer sur les nouvelles décisions du Président de la République, et de lui seul, organisées, mises en place dans ce cadre juridique que le Sénat n’a donc pas encore approuvé.

Bien sûr, l’urgence, l’explosion de l’épidémie exigent de réagir vite, mais nous ne sommes plus en février ou en mars. Nous aurions pu en discuter en amont. D’ailleurs, nous avions demandé, avec d’autres, un débat sur le rétablissement par décret de l’état d’urgence sanitaire. Les parlementaires, madame la ministre, ont des choses à vous dire : l’emballement de la circulation du virus, ce sentiment que le couvre-feu ne répondait pas à l’urgence de la situation, et bien d’autres choses, que je ne développerai pas ici. Il est donc grand temps de sortir de la verticalité, de l’organisation jupitérienne du pouvoir. Les événements actuels, les échecs successifs, de la pénurie des masques jusqu’aux ratages des tests et du couvre-feu, appellent un tournant démocratique dans la lutte contre le covid-19.

Avec ce projet de loi, c’est une nouvelle fois le Parlement qui est contraint. Le texte visait, avant son examen par la commission des lois, à proroger pour quatre mois l’état d’urgence sanitaire, sans retour devant le Parlement durant cette période. Le Gouvernement proposait même de prolonger cet état d’exception par un autre état d’exception, le fameux régime de sortie d’état d’urgence, nouveau genre inauguré le 11 juillet dernier, et ce jusqu’au 1er avril prochain. Nous estimons que cette démission démocratique au profit d’un pouvoir personnel n’est pas acceptable et qu’elle peut même s’avérer dangereuse pour notre peuple, vu la situation actuelle.

Pour y faire face, nous proposons, comme nous l’avions fait dès le 19 mars dernier, de revenir à une validation législative au terme de douze jours, et non d’un mois, des décrets d’état d’urgence, et que la présente prolongation soit ramenée à un mois. Nous irons même plus loin, au regard de l’expérience, en proposant que ce soit le Parlement qui décide de l’état d’urgence, sur proposition du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, nous avons noté votre émoi à l’annonce du couvre-feu, mais nous constatons que vos propositions s’arrêtent au milieu du gué.

M. Philippe Bas, rapporteur. Ah !

Mme Cécile Cukierman. Vous ramenez en effet à trois mois, au lieu de six, l’état d’exception, sans vous attaquer selon nous totalement à la source du malaise démocratique, c’est-à-dire aux conditions du déclenchement de l’état d’urgence.

Dans la peur du moment, notre peuple subit ces mesures, qui peuvent être ponctuellement nécessaires, mais il faut repousser toute tentation autoritaire, qui peut s’appuyer sur l’habitude de la contrainte.

Enfin, nous nous opposons frontalement à l’extension de la législation par ordonnances. Madame la ministre, depuis le 23 mars dernier, 66 ordonnances ont été prises dans le cadre de l’état d’urgence, auxquelles il faut ajouter 22 autres, prises dans d’autres domaines. Ce projet de loi en prévoyait 70 nouvelles et, monsieur le rapporteur, vous les avez réduites à 30,…

M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !

Mme Cécile Cukierman. … ce qui est encore trop à nos yeux. Aucune des ordonnances prises dans le cadre de l’état d’urgence n’a été à ce jour ratifiée. Peut-on continuer ainsi ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Non !

Mme Cécile Cukierman. Le débat peut-il s’accommoder d’une telle violation de la Constitution ? En tout état de cause, nous nous y opposerons, sur la forme comme sur le fond, notamment dans le domaine du droit du travail, parce que, dans ce projet de loi, comme dans celui dont l’examen a été interrompu voilà maintenant une semaine, un certain nombre d’ordonnances n’ont pas leur place.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, nous voterons contre ce texte, véritable blanc-seing accordé à un pouvoir, qui, en fermant la porte au débat démocratique, se prive d’un outil indispensable à une lutte efficace contre la pandémie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de ma dernière intervention sur la question de l’état d’urgence, plus précisément sur celle de la sortie de l’état d’urgence, voilà quelques jours, juste avant que le projet de loi ne soit retiré pour passer en état d’urgence, je déplorais déjà l’état d’exception et l’éloignement forcé de nos règles démocratiques.

Comment ne pas insister aujourd’hui sur le sujet ? Je ne parle même pas du confinement. Je comprends qu’il faille protéger des vies et que le nombre de nos lits de réanimation soit trop faible. Faiblesse que je ne vous impute pas, madame la ministre : voilà longtemps que notre hôpital est malmené… Pour autant, je ne vous en exonère pas non plus, car c’est bien votre gouvernement, madame la ministre, qui souhaite fermer le centre d’appels d’urgence 15 d’Auxerre – je m’éloigne du sujet, quoique…

Je comprends donc qu’il faille confiner. Ce que je ne comprends pas, c’est que l’urgence sanitaire empêche toute concertation avec le Parlement.

Ce que je ne comprends pas, c’est que l’urgence sanitaire puisse potentiellement repousser des élections, mais ne permette pas de réfléchir à d’autres modalités de vote comme le vote par correspondance.

Alors, comme je ne suis pas la seule à me poser ces questions au sein de la commission des lois, des propositions vous ont été faites afin, tout en respectant la protection de chacun, de repositionner le Parlement au cœur de la vie démocratique.

Nous vous proposons ainsi de revenir chaque mois devant nous pour prolonger les mesures de confinement, le cas échéant. Au regard des restrictions annoncées, un tel dispositif nous apparaît comme une assurance nécessaire pour préserver nos libertés fondamentales.

Nous vous proposons aussi d’autres modes de vote pour que les élections à venir puissent se tenir. Comment imaginer que l’on ne puisse, à cause d’un virus, renouveler nos conseillers départementaux ou régionaux et demain, qui sait, le Président de la République ?

De même, nous avons réduit le champ des ordonnances. Alors, c’est vrai, prévoir de tout décider par ordonnance donne une véritable latitude au pouvoir. Mais le principe même de la démocratie veut que le peuple, à travers sa représentation nationale, puisse juger de l’opportunité des actions à mener. Se passer de notre avis est pratique, mais véritablement autocratique.

En outre, se passer de notre avis est aussi contre-productif : ne croyez-vous pas que vos mesures concernant la fermeture de certains commerces, par exemple, passeraient mieux si elles avaient été adoptées après concertation ? Si la liste des commerces avait pu être réfléchie ensemble, et donc défendue ensemble, ne serait-elle pas mieux acceptée ?

De même, ne croyez-vous pas qu’il aurait été plus constructif de débattre de la liste des ordonnances réellement nécessaires pour vous permettre d’être efficaces, plutôt que de la prévoir tellement large que l’on a l’impression que vous vous moquez de nous ? Comment pouvez-vous imaginer que nous vous donnions un blanc-seing, qui plus est pour une longue période ? Le Gouvernement a-t-il décidé définitivement de se passer de nous ?

Je ne serai pas plus longue. Le groupe Union Centriste votera la version sénatoriale de ce projet de loi, modifié et amélioré par notre rapporteur Philippe Bas.

Madame la ministre, nous vous invitons à consulter le Parlement et à discuter avec lui, car il ne demande pas mieux. C’est, soyez-en certaine, le cas du Sénat : nous ne demandons pas mieux que de vous accompagner dans ces périodes difficiles où il est préférable d’être unis. Mais, pour être unis, il faut la volonté des deux parties. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat se réunit aujourd’hui pour examiner un cinquième projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire. Chaque fois, il a répondu présent.

Notre groupe, qui participait activement à ces réflexions dès le 23 mars dernier, a abordé ce texte avec un regard à la fois exigeant et ouvert. Cette ouverture et cette compréhension de la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouvent notre pays et le Gouvernement nous ont amenés, voilà quelques instants, à approuver les propositions du Premier ministre à la suite des annonces, hier soir, du Président de la République.

Bien évidemment, il faut toujours garder à l’esprit que le Gouvernement doit pouvoir agir. Mais deux autres éléments doivent aussi être pris en compte : d’une part, le respect de notre constitution, le respect de l’équilibre des pouvoirs, le respect du Parlement ; d’autre part, les absences de ce texte.

Je rappellerai, sur le premier point, une phrase que nous connaissons tous : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Montesquieu exprime purement et simplement ce que nous vivons aujourd’hui : le Parlement doit pouvoir, comme le prévoient les termes mêmes de la Constitution, limiter, encadrer, contrôler le pouvoir exécutif.

Or le choix que vous avez fait aujourd’hui est assez surprenant, sinon inquiétant : vous avez décidé de présenter dans un seul et même texte l’ensemble des dispositions contenues auparavant dans plusieurs textes, en décrétant une prolongation de plusieurs mois de l’état d’urgence sanitaire et en rendant dès à présent possible sa prorogation. Vous instaurez ainsi un régime valable jusqu’au mois d’avril prochain, sans qu’il soit besoin de revenir devant le Parlement. Ce n’est pas acceptable.

C’est d’autant moins acceptable que le Parlement a démontré sa capacité à délibérer avec l’adoption de la loi du 23 mars dernier, prorogée par la loi du 11 mai, avec l’adoption de la loi du 9 juillet permettant la sortie de l’état d’urgence sanitaire et avec l’examen, le 14 octobre dernier, et même si le débat a avorté, du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Non, ce n’est pas le Parlement qui empêche, et pourtant vous ne voulez pas de lui.

Ce choix n’est pas acceptable, raison pour laquelle notre groupe avait proposé des amendements visant à réduire de manière importante cette durée et à refuser l’article instaurant d’ores et déjà un régime de sortie d’état d’urgence sanitaire pour le mois de février. Une large majorité, pour ne pas dire unanimité, s’est manifestée en commission et nous avons pu, avec le rapporteur Philippe Bas, rendre les choses un peu plus conformes à l’esprit démocratique, mais nous aurons tout à l’heure l’occasion de défendre des amendements qui vont un peu plus loin.

Plusieurs de mes collègues ont déjà évoqué la question des ordonnances, à travers lesquelles le Parlement décide de remettre tous ses pouvoirs entre les mains de l’exécutif. Le recours aux ordonnances peut être justifié par l’urgence, ce que nous pouvions comprendre quand nous avons adopté la loi du 23 mars dernier – quoique : 70 habilitations dont certaines n’ont jamais été utilisées… Mais lorsque, sept mois plus tard, vous demandez de recourir de nouveau aux ordonnances, il ne s’agit plus d’urgence, mais plutôt d’une forme de désinvolture qui n’existe pas dans notre droit. Cela signifie aussi que vous considérez que le Parlement n’a pas de raison d’être. Encore une fois, ce n’est pas acceptable.

Mon groupe avait proposé de supprimer cet article ; le rapporteur et la majorité de la commission ont préféré élaguer considérablement les possibilités d’utiliser les ordonnances, ce qui est déjà un progrès.

Quid du fonctionnement de la démocratie ? Quelle curieuse chose de considérer que tout peut fonctionner, sauf les élections.

M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la ministre, j’ai cru comprendre que vous seriez vous-même candidate à une élection dans quelques semaines. Je vous suggère donc d’approuver, au nom du Gouvernement, les dispositions que nous proposons sur le vote par correspondance et sur le vote avec double procuration.

Comment peut-on imaginer que la démocratie ne fonctionne pas ? Dans cette période – et nous l’avons encore vu aujourd’hui – où notre pays est menacé dans ses fondements mêmes, comment peut-on penser que tout peut fonctionner, sauf la démocratie ? Notre groupe, notamment sur l’initiative de notre collègue Éric Kerrouche, propose cette solution depuis de nombreux mois. Nous espérons qu’elle sera enfin approuvée.

J’ai également évoqué la question des manques de ce texte. Singulièrement, ce projet de loi comporte peu de dispositions en matière sociale. À cet égard, votre présence au banc du Gouvernement est une bonne chose.

Cette question a été abordée lors de la présentation du plan Pauvreté, accueilli de manière assez fraîche par les associations, notamment sur la question du RSA jeunes. Mme Cukierman, entre autres, a également abordé ces questions. Nous ferons aussi des propositions.

Si notre groupe salue l’évolution positive du texte en commission, nous n’avons pas décidé, à ce stade, quel sera notre vote. Nous verrons, lors de l’examen des articles, quel état d’esprit guide le Sénat.

Je pense que nous devrions faire en sorte que la plus grande majorité des parlementaires, et pas seulement des sénateurs, approuve un texte commun. Il faut que nous arrivions à faire évoluer nos collègues députés pour que, demain, la commission mixte paritaire aboutisse à un texte qui nous fasse honneur. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, raison pour laquelle nous ne pourrons nous prononcer qu’à la fin des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux votes aujourd’hui sur la gestion de la crise, deux votes aux finalités sensiblement différentes. Le groupe Les Républicains votera donc différemment.

Voilà quelques instants, nous discutions, en quelque sorte, de la confiance que nous pouvions accorder au Gouvernement dans la gestion de la crise. Notre vote a été très majoritairement négatif. Non pour déplaire au Gouvernement, mais parce que, comme nos concitoyens, nous nous posons un certain nombre de questions. Pourquoi, par exemple, inciter les Français à partir en vacances en cette période de la Toussaint, sachant qu’ils se sont assez naturellement déplacés des zones rouges vers les zones vertes, prenant ainsi le risque de disperser le virus ? Pourquoi s’enorgueillir d’un taux de tests enfin élevé, alors qu’aucune infrastructure suffisante n’a été mise en place pour en exploiter les résultats selon le fameux triptyque « tester, tracer, isoler » qui a donné tant de bons résultats dans les pays asiatiques ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Tout à fait !

Mme Muriel Jourda. Pourquoi fermer aujourd’hui des commerces ayant adopté les gestes barrières depuis des semaines ? En quoi serait-il plus dangereux d’aller chez le cordonnier que d’acheter une baguette ? Ces questions ont en partie justifié notre vote négatif sur la confiance.

Mais nous discutons désormais non plus de la mise en œuvre des moyens, mais des moyens qu’il convient d’accorder au Gouvernement pour gérer cette crise. Nous sommes aujourd’hui dans le cadre d’un régime de sortie de l’état d’urgence qui confère déjà des pouvoirs importants à l’exécutif.

Le Gouvernement sollicite le bénéfice du régime d’état d’urgence, déjà décrété, mais qui ne peut être prolongé au-delà d’un mois sans l’aval du Parlement. Cette demande est motivée par l’augmentation non seulement des cas positifs au covid, mais surtout des hospitalisations et du nombre de personnes en réanimation. Ces éléments sont réels. Ce n’est pas aujourd’hui le moment de mener le débat de la responsabilité. Il faut répondre à cette situation et le groupe Les Républicains va voter ce texte, mais pas à tout prix.

Tous les orateurs l’ont souligné, et je ne voudrais pas paraphraser le Premier ministre, les institutions sont le soutien de la démocratie ; les institutions, dans leur force et dans leur équilibre. Comme le prévoit la Constitution, le Gouvernement peut prendre des décisions, mais le Parlement les contrôle. Et M. le rapporteur l’a dit, plus nous confions de décisions au Gouvernement, plus notre contrôle doit être fort. Sous l’égide de notre rapporteur, nous avons adopté, en commission des lois, des dispositifs différents de ceux que nous proposait le Gouvernement, afin de nous assurer justement un contrôle plus fort.

Ces dispositifs ont été rappelés : il s’agit d’abord de ne pas permettre d’instaurer l’état d’urgence sur une durée excessivement longue. Il faudra revenir beaucoup plus tôt devant le Parlement. Il s’agit aussi de mieux contrôler – et plus rapidement – la plus liberticide des dispositions, le confinement. Il s’agit encore de ne pas permettre de rétablir le régime de sortie d’état d’urgence sans revenir devant le Parlement pour pouvoir échanger et discuter. Ces éléments nous paraissent essentiels pour faire en sorte que le contrôle parlementaire puisse avoir lieu d’une façon régulière et que le Gouvernement ne se retrouve pas « la bride sur le cou » pour utiliser les pouvoirs si forts qu’il nous réclame aujourd’hui.

Nous avons eu un débat récurrent sur les ordonnances lors de l’examen de chaque texte relatif à cette crise particulière depuis le mois de mars dernier. Dans un premier temps, nous avons permis au Gouvernement d’empiéter sur le domaine législatif. Nous n’avons pas discuté, car nous étions d’accord sur l’urgence qui justifiait l’application de telles dispositions.

Cette urgence, le Gouvernement ne peut plus s’en prévaloir aujourd’hui. L’adoption des propositions de la commission des lois nous semble donc assez naturelle, à savoir une diminution du nombre d’ordonnances – sachant que le Gouvernement semblait parfois ne pas savoir ce qu’il entendait faire de ce pouvoir – et l’inscription en clair dans la loi des dispositions du ressort de la loi qui peuvent d’ores et déjà être prises.

Enfin, je voudrais évoquer la démocratie. L’urgence sanitaire existe et rend plus difficile l’exercice de la démocratie par le jeu des élections – nous l’avons vu lors des dernières municipales. Toutefois, le devoir du Parlement est sans doute d’essayer de pallier cette difficulté en trouvant les moyens à même de permettre à la démocratie de s’exprimer. Le virus ne peut pas confisquer la démocratie.

C’est ce qu’a fait la commission des lois, grâce à un assez large accord, transpartisan, sur les procurations ou sur le vote par correspondance afin d’éviter de créer des foyers de contamination dans les bureaux de vote. Cette question n’est pas la moindre.

Le groupe Les Républicains approuvera, ainsi modifié, ce projet de loi qui confie certes des pouvoirs au Gouvernement, mais qui permet aussi de les contrôler au plus près. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes premières pensées vont aux victimes de l’attaque de Nice et à leurs familles. Notre pays est une nouvelle fois frappé, alors que nous sommes par ailleurs confrontés à une situation sanitaire toujours préoccupante : plus d’un million de nos concitoyens ont déjà été infectés par la covid-19, plusieurs dizaines de milliers d’entre eux sont morts.

La France, comme d’autres pays européens, connaît une nette dégradation de sa situation sanitaire. Pour juguler une progression rapide des contaminations, malgré des couvre-feux locaux, le Président de la République a décidé hier un reconfinement national.

C’est dans ce contexte sous tension que nous examinons ce projet de loi qui vise à prolonger, au-delà du 16 novembre prochain, l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020.

La durée initiale de la prolongation, non modifiée par l’Assemblée nationale, était fixée à trois mois. Notre commission des lois a souhaité la limiter au 31 janvier 2021 pour que le Parlement se prononce à cette date sur la nécessité du maintien de ce régime.

À l’instar des précédents textes d’urgence, celui-ci vise également à maintenir, au-delà du 30 octobre 2020, les systèmes d’information déployés en appui à la lutte contre la pandémie.

Enfin, il autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances en vue de prolonger l’application de certaines mesures exceptionnelles mises en œuvre depuis mars dernier.

La commission des lois a apporté des précisions quant aux conditions de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire afin notamment d’y associer plus étroitement le Parlement. Depuis le début de la pandémie, Gouvernement et Parlement ont su travailler ensemble efficacement. Nous devons veiller à maintenir ce haut niveau de coopération.

Dans ce contexte, une bonne information est primordiale. La transmission immédiate des avis du comité de scientifiques au Parlement, introduite par la commission, contribuera à éclairer les décisions politiques.

Je me félicite que la commission ait directement inscrit dans la loi certaines des décisions à prendre. Leur mise en œuvre n’en sera que plus rapide.

Plus généralement, il apparaît nécessaire que la représentation nationale puisse se prononcer sur des mesures ayant de si fortes conséquences sur la vie de nos concitoyens.

La France, mes chers collègues, traverse une année particulièrement difficile. Gouvernement et Parlement doivent travailler ensemble pour protéger au mieux les Français. Mais l’État ne peut pas tout. Avec beaucoup de bienveillance, je voudrais appeler nos concitoyens à une nouvelle forme de ressaisissement. La crise sanitaire que nous traversons est très dure. Il nous faut en outre affronter d’autres périls. Souvenons-nous de ceux qu’ont dû traverser, au cours de notre longue histoire, celles et ceux qui se sont battus pour que la France continue d’exister. Nous sommes une grande nation millénaire, nous devons garder confiance et courage.

Cette résilience, nous la devons aussi à celles et ceux qui sont en première ligne : soignants, militaires, forces de l’ordre et pompiers qui ont tenu bon jusqu’à présent et qui continuent de faire face. L’élue de l’Aube que je suis reste déterminée à lutter contre toute tentation crépusculaire, contre tout défaitisme. (Sourires.)

Soucieux du rôle du Parlement, et particulièrement attaché au respect des libertés, le groupe Les Indépendants soutient les objectifs de ce projet de loi qui vise à nous doter des moyens de la reprise de l’épidémie. (Mme Catherine Di Folco et MM. Claude Malhuret et Yves Bouloux applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. À l’écoute de vos différentes interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pris acte de vos remarques, de nos désaccords, sur le fond ou sur la forme. J’espère que l’examen des articles pourra éclairer la Haute Assemblée. Pour ma part, je m’y emploierai, ayant trop de respect pour le débat parlementaire.

M. le président. La discussion générale est close.

Organisation des travaux

M. le président. La commission doit se réunir pour examiner les amendements de séance. Monsieur le président, de combien de temps souhaitez-vous disposer ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, nous aurons besoin d’une heure au maximum. Nous avons beaucoup d’amendements à examiner.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à dix-neuf heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 1er

Article additionnel avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la capacité hospitalière du pays.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Au cours de l’allocution du Président de la République, hier soir, le confinement nous a été annoncé, nous en avons beaucoup parlé tout au long de cet après-midi. Cette décision se fonde sur l’explosion du nombre de cas de covid et une saturation de nos hôpitaux, qui constituent la problématique au cœur de nos débats.

Surtout, il faut parler d’une crise de la capacité hospitalière, crise structurelle, qui n’est pas due à une épidémie galopante, mais au fait qu’on refuse de prendre les mesures qui s’imposent.

On nous parle beaucoup des lits de réanimation. Je le rappelle, nous disposons toujours de 5 000 lits seulement. Les choses ne semblent donc pas avoir changé depuis la première vague. Par ailleurs, cette problématique n’est pas la seule. En effet, le traitement des patients a progressé, puisque nombre d’entre eux, aujourd’hui, ont besoin d’être non pas réanimés, mais seulement oxygénés. Ils doivent bénéficier de corticoïdes. Si l’affection est prise à temps, on observe un soulagement des patients.

Il est donc nécessaire de prévoir des lits en aval des services de réanimation. Or, nous le savons, mes chers collègues, dans les établissements hospitaliers de nos territoires, tous les soignants nous alertent sur un manque structurel de lits.

Nous avons donc besoin de disposer d’un état des lieux. Avez-vous prêté attention, sur le site d’information indépendant Basta !, à la carte des suppressions de lits d’hospitalisation ? Ces suppressions se poursuivent, y compris pendant la période d’épidémie.

Nous demandons donc, dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport du Gouvernement au Parlement permettant de connaître de façon extrêmement précise notre capacité hospitalière. Nous aurons ainsi une information transparente, qui nous permettra d’agir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Les amendements faisant injonction au Gouvernement de remettre des rapports au Parlement ont un avantage : ils permettent à certains de nos collègues de soulever un problème et d’alerter le Gouvernement. Ils ont aussi un inconvénient : ils sont dénués de toute portée.

Vous pourriez amender le texte en prévoyant cinq cents rapports, le Gouvernement ne serait pas tenu de faire ces rapports, heureusement d’ailleurs ! Sinon, il ne ferait plus que cela ! Il lui faut garder un peu de temps pour agir, afin d’être efficace dans l’action exécutive.

Si je tiens à expliquer ma position sur cette demande de rapport, ce n’est pas pour aller contre l’exigence posée très justement par nos collègues d’une « objectivation » – veuillez excuser ce néologisme – de la situation de l’hôpital public, qui serait selon moi très utile. Simplement, je souhaite ne plus avoir à entrer dans le détail des nombreux amendements qui prévoient un rapport du Gouvernement. J’y opposerai, dans la suite de la discussion, un avis défavorable, sans explication complémentaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission. Les données sur la capacité hospitalière sont déjà largement publiées par Santé publique France. Les décisions prises par le Gouvernement pour déclarer l’état d’urgence sont éclairées par de nombreux documents publics, vous le savez probablement, relatifs à cette capacité. Je pense aux avis du conseil scientifique et du Haut Conseil de la santé publique, qui constituent une importante source d’informations.

Il s’agit de faire en sorte que les gens n’arrivent pas en réanimation. Tel est notre objectif commun.

Pour votre information, le système de santé est passé de 5 085 lits de réanimation avant la crise de la covid, à 5 800 lits permanents équipés.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Disons les choses franchement, c’est l’article 40 de la Constitution qui nous contraint à demander des rapports. Au demeurant, autant je comprends et j’apprécie la réponse de M. le rapporteur, conforme à la philosophie du Sénat, autant, pardonnez-moi, madame la ministre, j’estime que vous n’avez pas prêté attention aux propos que j’ai développés.

Vous me répondez lits de réanimation, qui sont en nombre insuffisant, alors que je vous parle lits en aval des services de réanimation. Je vous invite à prendre connaissance des propos des soignants. Dans un article du Figaro, Gérald Kierzek, qui est un médecin urgentiste, réaffirme la nécessité d’ouvrir des lits en aval des services de réanimation, ce qui nécessite d’ailleurs un personnel moins formé techniquement, dont la formation est donc plus courte.

Par conséquent, il est nécessaire, pour le Gouvernement et les parlementaires que nous sommes, de disposer d’éléments précis. Si vous avez d’ores et déjà connaissance de ces éléments, madame la ministre, cela pose un problème grave, puisqu’il y a mise en danger de la vie d’autrui.

Si vous refusez d’ouvrir des lits en sachant pertinemment que la capacité hospitalière est insuffisante, le seul choix est donc bel et bien le confinement : il faut mettre sous cloche les personnes, afin d’éviter qu’elles ne tombent malades.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 38
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 41,  n° 59 rectifié et n° 39 rectifié

Article 1er

I. – L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 31 janvier 2021 inclus.

II (nouveau). – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 3131-15 est ainsi modifié :

a) Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Limiter ou interdire les rassemblements, activités ou réunions sur la voie publique ainsi que dans les lieux ouverts au public ; »

b) Le 8° est abrogé ;

2° Au cinquième alinéa du II de l’article L. 3131-17, après le mot : « déroule, », sont insérés les mots : « pendant plus de douze heures par vingt-quatre heures, » ;

3° Au premier alinéa des articles L. 3821-11 et L. 3841-2, la référence : « n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » est remplacée par la référence : « n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ».

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, sur l’article.

Mme Valérie Boyer. Depuis le début de la crise, le groupe Les Républicains a toujours pris ses responsabilités autour de son président Bruno Retailleau.

Nous avons toujours accompagné la majorité dans un grand nombre de prises de décisions. Pour autant, prendre ses responsabilités, c’est aussi dire la vérité.

Je ne reviendrai ni sur les cafouillages au sujet des masques, d’abord jugés inutiles, car en nombre insuffisant, ni sur le rôle des cliniques privées, mises de côté pendant la première vague.

Certaines directives relatives aux tests sont aujourd’hui encore parfois difficiles à comprendre. Les délais s’allongent et des produits peuvent encore manquer. Parfois, des réponses tardent à arriver.

Pire encore, alors que les équipes de Marseille étaient les seules, en France, à dépister massivement et à préconiser un parcours de soins, sans surmortalité, vous avez préféré vous livrer à une bataille contre l’hydroxychloroquine, si ce n’est à une bataille contre Marseille, abandonnant les études sur ces tests. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Permettez-moi d’insister sur cet élément important : à Marseille, près de 9 000 patients ont été suivis, plus de 5 800 traités avec le protocole, et on a observé une très faible mortalité des patients détectés précocement. Ces protocoles sont aujourd’hui abandonnés.

Par ailleurs, alors que vous souhaitez prolonger l’état d’urgence sanitaire, je compte sur l’examen de ce projet de loi pour obtenir des réponses à mes questions. Les cliniques privées sont-elles pleinement associées ? Comment suivre les lits de réanimation dans ces cliniques ? Quel est le profil des malades ? Quel est le taux de mortalité et de comorbidité ? Les taux de comorbidité, par âge, ne sont jamais indiqués dans les chiffres que vous donnez. Combien de lits de réanimation ont-ils été ouverts ou fermés depuis le mois de janvier ? J’aimerais aussi connaître le taux d’occupation des lits de réanimation année par année avant la crise.

Enfin, alors que vous avez été capable de débloquer 470 milliards d’euros pour les entreprises, combien ont été débloqués pour soutenir nos hôpitaux et nos soignants, qui font un travail absolument remarquable ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 52 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 53 rectifié est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 52.

Mme Céline Brulin. Nous proposons de supprimer l’article 1er. Depuis le début, vous le savez, nous sommes pour le moins sceptiques sur l’efficacité du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire pour lutter efficacement contre l’épidémie et sur ses conséquences démocratiques.

Comme tout le monde, nous constatons avec effroi que l’épidémie se propage dangereusement. Jour après jour, nous sommes malheureusement confortés dans notre position, puisque nous observons que, parallèlement à ces mesures, l’exécutif fait preuve de beaucoup moins de rigueur dans d’autres domaines de gestion de la crise, qui sont pourtant au moins aussi importants, si ce n’est davantage.

Je ne reviens pas sur la situation de notre système de santé, qui a été longuement évoquée, mais on pourrait citer – on l’a beaucoup fait cet après-midi – un certain nombre d’incohérences, voire de décisions contre-productives. Ce soir, à quelques heures du confinement, qui est réactivé, nous sommes inquiets. Bien sûr, on peut s’habituer et se dire que ce régime est nécessaire compte tenu de la situation.

Pourtant, j’observe, dans nos débats et nos votes, mais également dans la presse et dans tout ce qui s’exprime démocratiquement aujourd’hui, l’installation d’une véritable crise de confiance. Nous serons bientôt dans une situation extrêmement compliquée, entre l’état d’urgence sanitaire extrêmement strict, reconduit sans même qu’un espace de discussion soit prévu – nous aurons l’occasion de revenir sur ses modalités –, et le manque de confiance dans l’exécutif.

Lors du débat sur la déclaration du Gouvernement, M. le Premier ministre a jugé bon de dire que certains parlementaires seraient responsables et d’autres le seraient moins. Dans ce pays, je crois que nous le sommes tous ! (MM. Philippe Bonnecarrère et Sébastien Meurant applaudissent.)

Nous vous alertons au sujet de la crise de confiance qui est en train de s’installer. Nous y répondrons non pas par un arsenal juridique, mais par une confiance renouvelée s’appuyant sur le travail réel de toutes les forces vives de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié.

M. Guy Benarroche. La loi d’urgence du 23 mars dernier a conféré à l’exécutif le pouvoir de limiter les libertés individuelles et publiques de nos concitoyens. Alors que la pandémie est en pleine recrudescence, le Gouvernement a fait le choix de déclencher de nouveau ce dispositif, dont l’application a été assouplie depuis le 10 juillet.

Le présent article prévoit de proroger l’état d’urgence sanitaire. Nous comprenons que, face à l’ampleur inédite de cette épidémie, au nombre de contaminés et de décès, au caractère anxiogène de la situation, l’exécutif ait souhaité faire preuve de volontarisme en prenant des mesures radicales.

Toutefois, le caractère temporaire de cet état d’urgence sanitaire ne saurait être oublié. A fortiori, celui-ci ne saurait devenir permanent. Nous ne nous le rappelons que trop bien, le Gouvernement a permis l’incorporation dans le droit commun de dispositifs ayant trait à l’état d’urgence sécuritaire, notamment par la loi SILT, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, de 2017.

Surtout, cet état d’exception ne doit aucunement cacher le véritable problème engendré par la pandémie liée au covid-19, à savoir l’état de notre système de santé. Mes chers collègues, l’hôpital public est en lambeaux : les budgets d’austérité et les choix économiques ont mis à mal les conditions sociale et salariale de nos soignants, mais aussi les conditions d’accueil et de traitement des patients.

Si, aujourd’hui, la pandémie frappe aussi durement notre pays, c’est en partie aussi parce que nos dispositifs hospitaliers ne sont pas aptes à faire face aux vagues de contamination. Plutôt que le retour de l’état d’urgence sanitaire, les auteurs du présent amendement préconisent un vaste plan pour l’hôpital français, bien plus ambitieux que le modeste Ségur de la santé présenté récemment. Ils demandent, de ce fait, la suppression de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 et 53 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 4 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 16 février 2021 inclus.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. La commission s’est montrée défavorable à la rédaction initiale de cet article, j’en suis parfaitement consciente.

Pourtant, le présent amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 1er du projet de loi dans sa version transmise au Sénat, afin de permettre une prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 inclus, et non pas jusqu’au 31 janvier 2021.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis quelque peu étonné que vous déposiez cet amendement, madame la ministre. En effet, nous avons eu un long débat en commission et nous pensons vraiment que la durée proposée par le Gouvernement est excessive. Quel inconvénient voyez-vous à ce que l’on réduise, comme l’a proposé notre rapporteur et comme l’a proposé le groupe socialiste, la durée de l’état d’urgence, de manière à ce que le Parlement se réunisse de nouveau pour statuer ?

Je ne comprends pas quel argument, madame la ministre, vous pourriez invoquer pour revenir à la charge comme vous le faites. Notre position est en effet très claire, et très respectueuse des droits du Parlement. Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement s’y opposerait désormais.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement ne répond pas ?

M. le président. Mon cher collègue, le Gouvernement est libre de prendre la parole quand il le souhaite.

M. Jean-Pierre Sueur. Apparemment, il est surtout libre d’être muet !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 40, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier 2021

par la date :

16 décembre 2020

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à réduire la durée de l’état d’urgence, en tout cas la durée pendant laquelle l’exécutif n’est pas tenu de consulter le Parlement. Chaque groupe a un avis un peu différent sur cette durée. Quoi qu’il en soit, une volonté commune se dégage.

Je ne comprends pas non plus, madame la ministre, pourquoi le Gouvernement refuse de discuter de cette durée ni pourquoi il refuse d’entendre la volonté largement partagée de la restreindre. Il y a une vraie contradiction entre une sorte d’unité nationale à laquelle vous semblez appeler et le refus de discuter des propositions qui émergent et font l’objet d’un débat. Une telle situation nous pose vraiment problème.

M. le président. L’amendement n° 54, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

1er janvier

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Je rejoins bien entendu l’avis des auteurs de ces amendements en discussion commune.

Le présent amendement vise à raccourcir la durée d’application de ce régime dérogatoire, en retenant la date limite du 1er janvier 2021.

S’il s’avère nécessaire de prolonger une nouvelle fois l’état d’urgence, le Gouvernement pourra, le cas échéant, déposer un projet de loi de prorogation et solliciter de nouveau le Parlement.

Je l’ai dit, les atteintes aux libertés induites par un tel régime ne peuvent se prolonger sans que les sénateurs et les députés soient en mesure d’en évaluer l’impérieuse nécessité. Or nous ne savons pas où en sera la situation à la date prévue par le Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 58, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

16 janvier

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Après avoir entendu le débat en commission sur la durée de l’état d’urgence sanitaire, nous avons modifié légèrement la date que nous proposons. En effet, il avait été suggéré, et nous l’avons entendu, que le décompte se fasse à partir du moment où nous prolongeons l’état d’urgence et non pas à partir de son début. Par conséquent, alors que nous avions initialement proposé la date du 17 décembre, nous retenons désormais la date du 16 janvier.

Nous estimons que la date du 31 janvier proposée par le rapporteur est un peu bancale. En effet, nous légiférons pour l’avenir : il ne s’agit pas simplement du texte examiné aujourd’hui, le Gouvernement ayant annoncé vouloir instaurer une législation qui sera inscrite dans le droit commun. Nous sommes donc en train de décider si, lorsqu’il y a prorogation de l’état d’urgence, c’est pour une semaine, un mois, deux mois ou six mois. La commission propose une durée de deux mois et demi, ce qui paraît un peu étrange. C’est la raison pour laquelle nous avons retenu la date du 16 janvier, qui correspond à une durée de deux mois.

Au-delà de cet aspect, je veux revenir rapidement sur la position du Gouvernement. Je l’ai dit cet après-midi dans mon intervention, il faut que chacun fasse une partie du chemin, afin que ce texte soit soutenu par l’arc parlementaire le plus large possible. Dans ces conditions, peut-être trouverions-nous un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Les amendements déposés par le Gouvernement témoignent d’une volonté inverse : vouloir rétablir à tout prix le texte initial, c’est refuser le débat et considérer que, au fond, rien ne peut être amélioré, la majorité de l’Assemblée nationale rétablissant le texte initial. Fin du débat ! Tout cela est contrariant.

Je défends donc cet amendement visant à retenir la date du 16 janvier, afin que nous adoptions, pour l’avenir, une durée claire. Dans le même temps, j’attire votre attention sur le fait que le Gouvernement fait preuve d’une absence totale de volonté d’échange, ce qui me préoccupe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Il faut examiner ce problème de dates dans le cadre de l’enchaînement des rendez-vous que nous voulons avoir avec le Gouvernement.

Le Gouvernement a proposé d’en finir une fois pour toutes avec le vote du Parlement concernant la lutte contre l’épidémie de covid-19 après notre débat. En effet, il souhaite pouvoir continuer à utiliser des pouvoirs spéciaux, d’abord au titre de l’état d’urgence sanitaire, puis au titre de la sortie de l’état d’urgence sanitaire, jusqu’au 1er avril prochain. C’est du jamais vu ! Nous avons dit au Gouvernement que nous ne voulions pas de cela.

Premièrement, nous voulons que, à mi-chemin, soit avant le 31 janvier, au cas où le régime de pouvoirs spéciaux serait prorogé, le Parlement se prononce pour y autoriser le Gouvernement.

Deuxièmement, nous voulons que, puisque le Gouvernement a décidé le confinement, franchissant un palier dans les restrictions portées aux libertés des Français, ce dernier ne puisse pas être prolongé au-delà du 8 décembre sans un vote. Dans ces conditions, si nous avons un vote le 8 décembre sur l’éventuelle prolongation du confinement, nous ne pouvons pas avoir aussi un vote le 16 décembre, le 1er janvier et le 16 janvier.

Il faut garder la date du 31 janvier, retenue par la commission, étant entendu que celle-ci se montre très exigeante. Quand le Gouvernement a déclenché l’état d’urgence sanitaire, il l’a fait pour deux mois. Cet état d’urgence a été reconduit pour deux mois. Ensuite, il a fallu voter de nouveau pour créer le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui a duré trois mois et demi. C’est le maximum de temps que nous ayons jamais donné au Gouvernement pour exercer les pouvoirs exceptionnels que nous avons consenti à lui conférer.

Nous n’allons pas passer d’un régime dans lequel le Parlement exerce un contrôle étroit sur le Gouvernement à un régime dans lequel ce contrôle serait relâché jusqu’au 1er avril prochain, alors même que les contraintes imposées aux Français sont beaucoup plus fortes qu’elles ne l’étaient voilà encore quinze jours.

Il s’agit donc d’une exigence fondamentale. Il est de l’intérêt de la démocratie que le Gouvernement l’accepte. Sinon, il agira seul, autant qu’il le voudra, dans l’exercice de pouvoirs spéciaux dont nous ne voulons pas qu’il puisse abuser. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements, au bénéfice du régime de contrôle resserré que nous avons voulu mettre en place.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je profiterai de cet avis pour répondre à M. Sueur.

Comme l’a indiqué le conseil scientifique, plusieurs éléments laissent à penser que les mois d’hiver seront difficiles du point de vue de la circulation du virus. Le nombre de cas positifs se situe déjà à un niveau extrêmement élevé et le taux d’occupation des lits de réanimation par les patients atteints de la covid-19 risque d’atteindre un point de saturation dans quelques jours pour certains territoires particulièrement touchés.

Les virus respiratoires circulent davantage en saison hivernale – ce n’est pas moi qui le dis : c’est le conseil scientifique –, ce qui est corroboré, d’ailleurs, par la recrudescence des cas dans toute l’Europe depuis le mois de septembre.

Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas le sujet !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. En outre, comme l’a rappelé le conseil scientifique, l’immunité collective de la population française contre ce virus reste très faible – vous avez pu le constater –, à un niveau bien trop bas pour prendre le risque de laisser celui-ci circuler librement. Cela nous conduit à considérer qu’une prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’à la mi-décembre ou à la mi-janvier seulement serait insuffisante. À cet égard, je rappelle que le premier état d’urgence sanitaire avait duré, en comptant sa prolongation, plus de trois mois et demi, alors que nous étions au printemps.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Précisément, nous avions voté pour le proroger !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Bien entendu, si la situation sanitaire devait s’améliorer, le Gouvernement pourrait mettre fin à l’état d’urgence sanitaire avant le 16 février 2021, comme il l’avait fait en septembre pour la Guyane et pour Mayotte, par décret en conseil des ministres.

J’émets, par conséquent, un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 84, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1er

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. – Pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé par le I du présent article, l’application des mesures prévues au 2° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, lorsqu’elles ont pour conséquence d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile pendant plus de douze heures sur vingt-quatre heures, ne peut être autorisée au-delà du 8 décembre 2020 que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du même code.

II. – Après l’alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

bis Après le I du même article L. 3131-15, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« I bis. - Le Premier ministre ne peut interdire, en application du 2° du I du présent article, aux personnes de sortir de leur domicile plus de douze heures par vingt-quatre heures qu’en vertu d’une disposition expresse dans le décret déclarant l’état d’urgence sanitaire en application de l’article L. 3131-13 ou dans la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire en application de l’article L. 3131-14. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement vise à mettre en place le système dont je vous ai parlé à l’instant.

Il y a, d’une part, l’état d’urgence sanitaire : si le Gouvernement veut le reconduire après le 31 janvier 2021, il faut un vote du Parlement.

Et il y a, d’autre part, à l’intérieur de l’état d’urgence sanitaire, des pouvoirs spéciaux qui portent des atteintes particulières aux libertés. Ces pouvoirs viennent d’être mis en œuvre par l’exécutif ; ils permettent le confinement. En la matière, concernant, donc, le seul confinement, que disons-nous ? Que, par exception – l’exercice des autres pouvoirs, lui, peut être prolongé sans vote jusqu’au 31 janvier 2021 –, nous ne voulons pas que le confinement puisse être prolongé par décret au-delà du 8 décembre prochain sans vote du Parlement.

Il nous semble extrêmement important d’apporter cette garantie à nos concitoyens : le Parlement se prononcera de nouveau si jamais la situation sanitaire devait exiger, aux yeux du Gouvernement, de prolonger le confinement pendant les fêtes de Noël.

Il s’agit donc d’un amendement extrêmement important. Il contient également une disposition permanente : à l’avenir, quand on activera l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire la loi du 23 mars 2020, ce système qui distingue les différents pouvoirs qui peuvent être accordés au Gouvernement s’appliquera. Certains pouvoirs spéciaux sont plus attentatoires aux libertés que d’autres ; quand on les actionne, le contrôle du Parlement est plus resserré. Cela permet, nous semble-t-il, de hiérarchiser les exigences en matière de protection des libertés.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Bonnecarrère et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé par le I du présent article, le Premier ministre ne peut faire application des mesures prévues au 2° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, lorsqu’elles ont pour conséquence d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile pendant plus de douze heures sur vingt-quatre heures, pour une période supérieure à trente jours. L’application de ces mesures au-delà de cette période, définie à partir du jour de la prise de décision, ne peut être autorisée que par la loi.

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Nous partageons la logique du contrôle resserré qui vient de vous être décrite, en deux temps, avec, au sein de ce contrôle resserré, un focus sur la restriction spécifique des libertés que représente le reconfinement.

L’esprit de ces deux amendements est exactement le même ; la discussion porte seulement sur huit jours. Nous retirons donc l’amendement n° 18 rectifié au bénéfice de l’amendement n° 84.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 84 ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Nous ne sommes évidemment pas favorables à cet amendement, monsieur le rapporteur. La durée des mesures de confinement ne peut être définie à l’avance, s’agissant d’un virus très évolutif. Le Gouvernement doit donc garder une capacité de réaction rapide et d’adaptation. Le contrôle parlementaire déjà prévu paraît suffisant, équilibré ; sa rigidification pourrait être préjudiciable à l’action.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je pense vraiment que nous ne parlons pas de la même chose, madame la ministre, là encore. Vous revenez sur la dangerosité du virus. Mais personne ici ne remet en cause cette dangerosité. Nous sommes en train de parler, nous, de confinement des droits démocratiques. Dès lors que vous jugez qu’il n’est pas nécessaire de recueillir l’avis du Parlement, vous confisquez la démocratie ! De même quand vous restreignez le droit de manifester ou les droits syndicaux !

Voilà ce que nous sommes en train de vous dire, chacun avec nos sensibilités propres : voilà le fondement de nos interventions. Et vous nous répondez à un autre niveau. Ce n’est pas la réponse que notre groupe attend de la part du Gouvernement.

M. Philippe Bas, rapporteur. Le Gouvernement ne veut plus venir devant le Parlement ; c’est ennuyeux…

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Madame la ministre, pendant ce confinement, toutes les entreprises ont le droit de travailler, sauf le Parlement, ce qui est quand même assez étonnant.

M. Jérôme Bascher. Dites-le à Emmanuel Macron !

Mme Dominique Vérien. La vie démocratique nécessite que les lois s’appliquent et que le Gouvernement interroge le Parlement. Si tout le monde peut aller travailler malgré la circulation du virus, je pense que le Parlement peut également continuer à travailler de façon normale, comme peut le faire le Gouvernement, en nous consultant.

Mme Laurence Cohen et M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. J’irai dans le sens de mes collègues. Madame la ministre, je vous remercie de nous rappeler que nous ne contrôlons pas la pandémie et que l’évolution de la situation est aujourd’hui difficile à prévoir ; nous en sommes tous conscients et nous cherchons des solutions avec vous : nous cherchons à vous aider à trouver les meilleures solutions.

Malgré tout, l’état d’urgence sanitaire est une confiscation d’un certain nombre de nos libertés. Nous ne comprenons donc pas pourquoi vous refusez obstinément d’admettre que le Parlement puisse être à même de savoir, de juger et de décider avec vous de la prolongation ou non d’un certain nombre de mesures, et en particulier du confinement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

M. Loïc Hervé. Excellent !

M. le président. L’amendement n° 60, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

a) Au début du 6° du I de l’article L. 3131-15, les mots : « Limiter ou interdire » sont remplacés par le mot : « Réglementer » ;

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. La liberté de manifester est, selon le Conseil constitutionnel, un « droit d’expression collective des idées et des opinions ». Celui-ci ne saurait être arrêté par le confinement ; même pendant l’état d’urgence, le principe de la liberté de manifestation doit donc demeurer.

Pour cette raison, le Conseil d’État a décidé, le 13 juin dernier, de suspendre les restrictions de manifestation sur la voie publique. Nous vous proposons, par cet amendement, de remplacer les mots : « limiter ou interdire » par le mot : « réglementer », cette dernière notion paraissant plus proportionnée. Bien entendu, la réglementation pourrait différer en fonction de la situation sanitaire. Mais nous posons le principe que l’exercice de la liberté de manifestation doit toujours rester possible, même en situation sanitaire particulièrement tendue.

Le vote de cet amendement me semble essentiel pour réaffirmer dans la loi nos principes, mais aussi pour envoyer un message et exprimer notre solidarité avec un autre pays. Ce pays, la Pologne, vit lui aussi un confinement en ce moment, mais, depuis une semaine, des millions de femmes et d’hommes y descendent dans la rue contre leur gouvernement, bien que celui-ci les attaque en prenant prétexte de la situation sanitaire dans le pays. S’ils sont dans la rue, c’est pour protester contre la manipulation du droit dont s’est rendu coupable le gouvernement polonais en remettant en cause la possibilité, pourtant faible dans ce pays, d’avorter.

Nous devons, nous, élus du pays des droits de l’homme, envoyer un signe de solidarité aux Polonais, en disant que chez nous, quoi qu’il arrive, le droit de manifestation peut être réglementé, mais certainement pas supprimé, en période d’état d’urgence. Il y va de la défense de nos principes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Mon cher collègue, ne voyez pas dans l’avis de la commission la marque d’un manque de solidarité à l’égard de la Pologne. D’ailleurs, même si les Polonais sont certainement très sensibles – je n’en doute pas – à l’adoption de cet amendement, il est possible que cette discussion échappe à beaucoup d’entre eux.

En ce qui me concerne, je voudrais vous dire que vous faites un usage excessif d’une décision du Conseil d’État qui était parfaitement circonstanciée. Le Conseil d’État a dit en effet, alors qu’il était saisi d’une interdiction de manifester, au mois de juin dernier, que la situation sanitaire qui prévalait alors ne devait pas empêcher les manifestations sur la voie publique telles qu’elles étaient prévues. Il n’a pas dit que jamais on ne pourrait interdire de manifestation sur la voie publique !

Imaginez qu’à partir d’aujourd’hui les Français soient tous confinés chez eux et qu’on permette en revanche qu’ils aillent manifester sur la voie publique ; où serait la cohérence dans la lutte contre le virus ? Nous ne saurions donc accepter votre amendement, quel que soit notre attachement, qui est commun à tous les groupes de notre assemblée, à la possibilité d’exprimer ses convictions par l’exercice du droit de manifestation.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vous rejoins sur le caractère nécessaire de la liberté de manifester. D’ailleurs, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, dès lors que le décret du 16 octobre 2020 préserve les manifestations, en excluant expressément les rassemblements de plus de six personnes interdits sur la voie publique, ce droit de manifester se trouve consacré. Il n’y a donc pas d’interdiction.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, nous ne proposons pas de maintenir le droit de manifester sans réglementation ; nous proposons simplement de substituer aux notions de limitation et d’interdiction la notion de réglementation proportionnée à la situation.

M. Jean-Yves Leconte. Ne caricaturez donc pas notre position, monsieur le rapporteur : bien entendu, nous ne manifesterions pas aujourd’hui dans les mêmes conditions que nous l’avons fait contre la réforme des retraites.

Il n’empêche que cette liberté de manifestation ne doit jamais être totalement contrainte, même si nous comprenons que la situation actuelle exige des réglementations particulières, réglementations auxquelles nous ne nous opposons d’ailleurs pas : nous proposons de remplacer un dispositif binaire par un dispositif continu, via le principe d’une réglementation qui serait proportionnée à la situation. Cette solution permet de consacrer notre attachement à la liberté de manifestation, qui me semble essentielle quoi qu’il en coûte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 83, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Un décret détermine les conditions dans lesquelles le représentant de l’État dans le département peut, pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé en application du I du présent article, à titre dérogatoire et lorsque la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus est garantie, autoriser l’ouverture de commerces de vente au détail.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Il ne faut pas exagérer la portée de cet amendement, qui a malgré tout une certaine importance. Il vise à permettre au Gouvernement de déterminer les conditions dans lesquelles les préfets pourraient, par exception, autoriser l’ouverture de commerces qui ne sont pas de première nécessité si les conditions sanitaires étaient réunies, afin de prendre en compte les situations locales, par exemple dans de petits bourgs ruraux où l’ouverture d’un commerce ne saurait attirer une clientèle si nombreuse qu’elle puisse mettre en péril la sécurité sanitaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. L’adaptation des mesures de fermeture des commerces relève de la responsabilité du Premier ministre au niveau national. Si des assouplissements devenaient utiles, il appartiendrait à un décret de les prévoir, comme cela a pu par exemple être le cas pour la jauge des 5 000 personnes applicable aux grands événements.

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est ce que nous proposons.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il est difficile d’adopter la bonne mesure. Lorsque nous avons commencé à déconfiner, tout le monde voulait que les décisions soient prises à l’échelle locale, territoriale ; dès lors que le virus revient et que la pandémie s’enflamme, on demande au contraire un traitement national. Nous sommes donc toujours en train de jongler entre ces deux injonctions : le niveau national doit tout régler et tout régenter, d’un côté ; il faut faire droit aux particularités et à des décisions plus locales, de l’autre. Et il est un peu compliqué de trouver le bon équilibre…

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Je voudrais vraiment appuyer cet amendement : il répond à une réalité dont nous avons ressenti qu’il était urgent de la traiter dès l’annonce du confinement. Partout dans nos territoires, en effet, les petits commerçants se posent des questions.

M. Philippe Mouiller. Je pense notamment aux fleuristes, aux cordonniers, aux libraires de nos communes, qui sont aujourd’hui soumis à cette obligation de fermeture, alors que, dans le même temps, les grandes surfaces pourront continuer à vendre des fleurs ou des livres. Il y a donc bien une distorsion de concurrence.

Nous n’ignorons rien des enjeux de sécurité, mais nous savons que ces petits commerçants ont mis en place tous les outils et tous les moyens nécessaires au respect de la sécurité sanitaire. C’est un point essentiel !

M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, votre action en la matière sera observée de très près sur le territoire.

M. Loïc Hervé. C’est très vrai !

M. Philippe Mouiller. L’ensemble des professions et des syndicats professionnels auront le regard rivé sur la position du Gouvernement. Cet amendement, qui me paraît relativement simple, a pour objet un enjeu fondamental au niveau national, pour les territoires ruraux comme pour les territoires urbains ; des milliers d’emplois sont en jeu. Il ne faut donc pas le prendre à la légère. Vous avez, en l’espèce, une véritable responsabilité, à la mesure de l’engagement pris par le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons cet amendement. Il y a quand même une vraie curiosité, madame la ministre, à expliquer que ces règles doivent être définies au niveau national. Ces règles vont s’appliquer pendant plusieurs semaines ; j’ai entendu le Président de la République, hier, dire qu’il réévaluerait la situation dans quinze jours – c’est trop aimable. Mais les préfets, dans les départements, sont quand même les mieux placés, me semble-t-il – ce sont d’ailleurs eux qui, sans doute, informeront le Président de la République –, pour dire si dans telle ou telle zone du territoire des assouplissements peuvent être décidés, comme cela a pu être le cas au printemps.

Soyons au plus près du terrain ; permettons à nos concitoyens de respirer et aux commerçants de survivre – pour eux, il ne s’agit même plus de respirer. Voilà pourquoi nous voterons cet amendement. (Mme Pascale Gruny et MM. Loïc Hervé et Philippe Mouiller applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Nous voterons nous aussi cet amendement. Je ne pense pas, madame la ministre, que la question soit celle du caractère national ou local des enjeux. Il s’agit de cohérence, celle que demandent nos concitoyens : ceux-ci ne demandent qu’à comprendre les mesures qu’on leur intime de respecter. Or je ne vois pas comment on peut comprendre, par exemple, que les grandes surfaces restent ouvertes, alors qu’elles rassemblent beaucoup de monde et qu’il n’est pas toujours possible d’y respecter les règles de distanciation physique.

Il en a été beaucoup question cet après-midi : la crise sanitaire est en train de muter en une crise économique et sociale. Or autant il me semble, sans préjuger de rien, que la famille Mulliez et le groupe Auchan, qui ont d’ailleurs été généreusement aidés,…

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Leurs salariés l’ont été aussi !

Mme Céline Brulin. … vont pouvoir bon an mal an s’en sortir, autant nos commerces de proximité, nos commerces locaux, les « petits », comme nous avons coutume de les appeler, auront sans doute beaucoup plus de difficultés. Un peu de justice sociale, un peu d’intervention, pour que les plus petits puissent continuer de survivre et de vivre, cela nous semble donc déterminant dans le moment que nous traversons.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Je veux simplement ajouter deux choses, dans le prolongement de ce qui a été dit.

Un mot sur l’« agilité », tout d’abord : il va nous en falloir sur ce sujet – nous le voyons bien. Nous allons devoir nous doter des outils – c’est ce que propose l’auteur de cet amendement – nous permettant d’être réactifs et d’agir en proximité.

Cet après-midi, pendant que se tenait un débat un peu crispé entre notre assemblée et le Premier ministre sur la question des commerces, qui est absolument essentielle, Le Monde nous informait de l’autorisation d’ouverture, annoncée par d’autres membres du Gouvernement, accordée aux garages et aux opticiens. On voit bien, donc, que les choses sont en mutation, en évolution constante, et qu’il va falloir s’adapter. C’est ce que permet le présent outil.

Second point : oui, il faut un décret. C’est précisément ce qui est proposé par l’auteur de cet amendement. (MM. Philippe Bas, rapporteur, et Philippe Mouiller applaudissent.) Le décret est le bon outil, au bon endroit ; il permet l’agilité des services de l’État, sous la direction du Gouvernement, sans engorger les services du Premier ministre.

J’en appelle donc, madame la ministre, à la mutation de votre avis en un avis de sagesse.

M. Jérôme Bascher. À tout le moins !

M. Philippe Bas, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. La question dont nous discutons est difficile ; les exigences qui s’y font jour peuvent apparaître contradictoires : d’un côté, une nécessaire lisibilité au niveau national ; de l’autre, des situations locales qui sont très différentes.

De ce point de vue, monsieur le rapporteur, votre amendement me semble un amendement de bon sens.

M. Philippe Bas, rapporteur. Mais oui !

M. Philippe Folliot. Nous comprenons vos propos, madame la ministre, et les éléments que vous mettez en avant. Mais il faut tenir compte des réalités locales, notamment dans nos territoires ruraux, où un certain nombre de commerçants exercent des activités multiples, dont certaines sont interdites et d’autres autorisées.

Qui, à l’échelle déconcentrée de l’État, donc au niveau des services du département et du préfet, est mieux à même de juger, en liaison avec les maires et les élus locaux, des mesures les plus sages et des décisions de bon sens – je m’apprêtais à employer un mot qui est bien de chez nous, dans le Sud-Ouest : le biaïs, autrement dit le bon sens paysan ? Faisons preuve d’un peu de biaïs dans nos décisions, afin d’opposer à cette crise sanitaire particulièrement forte, à laquelle en effet nous devons faire face, une réponse adaptée aux réalités locales. C’est important, et même essentiel. (M. Philippe Bas, rapporteur, applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Le confinement remet en cause certains éléments de notre tissu économique et social et fragilise, voire casse, des savoir-faire, du moins la capacité à les exploiter. L’adoption de cet amendement permettrait de les laisser vivre là où il serait possible de le faire sans conséquence sur le plan sanitaire. Il me semble que c’est essentiel.

La situation dans laquelle nous sommes est paradoxale : depuis six mois, on nous dit qu’il faut recouvrer notre souveraineté. Or que fait-on ? À chaque librairie qui ferme, ce sont des centaines de livres qui s’achètent sur Amazon.

M. Philippe Bas, rapporteur. Il a raison…

M. Jean-Yves Leconte. Au nom de la sécurité sanitaire, on va tuer l’ensemble de notre tissu économique et social pour « GAFAïser » l’ensemble de notre économie ! Et, pendant ce temps, on parle de souveraineté ?

Madame la ministre, là où cela n’aurait pas de conséquences sanitaires, allons dans le sens proposé par le rapporteur.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Philippe Bas, rapporteur. Merci !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Philippe Mouiller l’a bien dit : votre erreur, c’est votre entêtement.

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est vrai.

M. Jérôme Bascher. Ce sera l’erreur de ce reconfinement : celle qui consiste à ne pas écouter les territoires. Jean Castex devrait d’en souvenir, lui qui avait, avant de devenir Premier ministre, proposé des aménagements locaux. Mais tout ça est oublié désormais… Vous avez la mémoire bien courte ! Je sais pour quelle raison : parce qu’hier, la Pythie de l’Élysée n’a pas dit que les commerces pourraient rester ouverts ! Et tant que la Pythie n’a pas parlé, vous n’avez pas le droit de déroger ! Or c’est bien là où le bât blesse.

Il faut que le Gouvernement gouverne en écoutant le Parlement, qui fait la loi ; ce n’est pas au Président de la République de décider seul. La loi doit primer ; elle est faite au Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je suis tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit, mais je vais ajouter autre chose, madame la ministre. Dans les petits commerces, les commerces locaux, les magasins, les barrières sanitaires sont respectées. Dans les grandes surfaces, au contraire, on a vu pendant le confinement, de ce point de vue, des situations absolument catastrophiques.

Que voulez-vous faire ? Laisser le coronavirus circuler ? Persévérer dans la concurrence déloyale ? Tuer nos commerçants, sans parler de la ruralité ? (Mme la ministre le conteste.)

Vous pouvez faire « non » de la tête, madame la ministre ; je vous invite chez moi. J’ai reçu toute la journée des appels téléphoniques : les gens ne comprennent pas. Pensez aux barrières sanitaires ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Madame la ministre, je suis un peu surpris que cette proposition, qui me paraît relever éminemment d’une sagesse et d’un bon sens ancrés dans la terre, puisse créer une polémique ou poser un problème. J’ai même du mal à concevoir pourquoi cet amendement ne serait pas accepté par le Gouvernement.

Revenons dans la réalité : j’étais samedi dernier à la préfecture des Bouches-du-Rhône, où les parlementaires étaient reçus par le Premier ministre et le préfet du département. La préoccupation majeure de tous les représentants des différentes corporations de commerçants et d’artisans qui étaient présents à cette réunion était que leur cas puisse être étudié de manière spécifique en tenant compte de ce qui se passe, précisément, dans la réalité. Telle était également la préoccupation des maires des petits villages des Bouches-du-Rhône qui étaient présents.

L’incompréhension est totale ; elle tient au fait que le sujet n’est pas étudié d’une manière déconcentrée et décentralisée, au niveau des territoires. C’est tout ce que nous demandons ! Nous ne demandons pas que tous les commerces rouvrent demain ; nous demandons simplement que les problèmes soient étudiés au cas par cas, par le biais qu’a très bien expliqué notre rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je voudrais vous exhorter à sauver les centres-villes. On ne peut pas promettre une loi sur la décentralisation, la différenciation et la déconcentration et, dans le même temps, tuer les petits commerces. J’ai entendu mes collègues parler de la ruralité. Je peux vous assurer que dans les grandes villes, à Marseille par exemple, tout ce qu’on peut faire pour le petit commerce permet d’assurer la sécurité et la pérennité de notre ville. Aujourd’hui, tous les centres-villes souffrent en France. De quoi souffrent-ils ? Des grandes surfaces !

Déjà, pendant le confinement, nous ne comprenions pas pourquoi on pouvait se chausser, s’habiller, acheter les produits de première nécessité dans les grandes surfaces alors que tous les magasins, par ailleurs, étaient fermés. C’est encore plus incompréhensible aujourd’hui, surtout lorsqu’on entend le Président de la République dire qu’il veut réindustrialiser le pays et favoriser la production locale. En effet, que se passe-t-il ? Mes collègues vous l’ont dit, depuis toutes les travées de cette assemblée : un bouquin que vous n’achetez pas dans une librairie, c’est une vente pour Amazon ! Amazon s’apprête à embaucher pendant que nous assistons à la destruction de nos commerces de proximité. Mais jusqu’où ira cette absurdité, madame la ministre ?

Je voudrais que la voix du Parlement soit entendue afin que puisse cesser cette concurrence biaisée, déloyale, que vous allez créer en favorisant les grandes surfaces. Ou bien, si vous nous entendez, madame la ministre, il faudra proposer à ces dernières de ne vendre que des produits alimentaires, pour que les autres commerces ne soient pas lésés.

Les Français en ont assez, par ailleurs, que vous instrumentalisiez le Parlement. Le Parlement n’est pas la chambre d’enregistrement des désirs du Président de la République ! Nous ne sommes pas là pour faire un petit tour sans participer à la décision ! Quand on en appelle à l’union nationale, on respecte la représentation nationale, et on l’écoute, madame la ministre ! On ne fait pas semblant de venir tout en n’écoutant pas ce que les parlementaires ont à dire. Les parlementaires sont élus par les Français, et les Français, aujourd’hui, ont envie d’être entendus et respectés dans leurs choix ; ils ont envie que l’on respecte les petits commerces, les centres-villes et la ruralité.

Je vous en prie, madame la ministre : sauvez les petits commerçants, qui ont tant souffert. Cela ne sert à rien de faire de la dette si c’est pour tuer ceux qui restent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, ce sont, sous plusieurs formes, les mêmes exhortations qui sont énoncées, ici, dans cette assemblée, pour défendre le petit commerce, mais aussi, au-delà du petit commerce, la vie de nos villages et de chacune de nos PME.

Quand on regarde le bilan en termes de perte de chiffre d’affaires de la première vague de confinement pour ce secteur économique, il est impossible d’expliquer dans nos territoires que, demain, on appliquera de nouveau une différence de traitement entre les grandes surfaces et les petits commerces, les seconds accueillant pourtant dix, cent, mille fois moins de clients que les premières.

Il faut absolument sortir d’une forme d’autisme quant à la réalité de nos territoires et il faut effectivement, madame la ministre, que vous puissiez donner quelques gages au Parlement et, à travers nous, aux acteurs des territoires, aux PME aujourd’hui à l’agonie. Si vous ne le faites pas, vous en porterez la pleine responsabilité, car, après la mort « sanitaire » de certains de nos concitoyens, nous assisterons à une mort économique et sociale d’un grand nombre d’acteurs qui font la vie quotidienne de nos territoires et la richesse de nos centres-villes dans les grandes, moyennes et petites villes.

Ayez enfin un peu d’écoute à l’égard des parlementaires, lesquels représentent les territoires et leur diversité ! Je vous en conjure ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. En réponse aux différentes interventions, je précise de nouveau que, soit l’amendement est une injonction à déconcentrer adressée au Premier ministre, soit il n’est pas normatif. D’où l’avis défavorable du Gouvernement.

Par ailleurs, je voudrais tout de même vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons décidé l’instauration d’un fonds de solidarité. En un mois, nous allons dépenser plus que sur la totalité du premier confinement !

Mme Éliane Assassi. Ils veulent travailler, pas être aidés !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je vous ai laissé parler, madame la sénatrice ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Je tiens donc à m’exprimer – je ne parle pas souvent –, notamment pour indiquer que je suis élue depuis plus de huit ans dans une circonscription extrêmement rurale. Par conséquent, je connais parfaitement les problèmes des commerçants, et compatis tout autant que vous à leur situation.

Mais j’affronte une crise sanitaire ! Je ne reste pas là à m’apitoyer, mesdames, messieurs les sénateurs ; je suis aux côtés des commerçants de mon territoire et je leur parle autrement : je leur explique ce que nous allons faire pour les aider. (Mme Pascale Gruny sexclame.)

Croyez-vous que nous n’ayons pas envie, nous aussi, de vivre normalement, de vivre à notre guise, de vivre sans confinement ? Aujourd’hui, il y a une crise sanitaire, et nous en sommes tous victimes ! Nous devrions plutôt être dans l’union et, à tous ces commerçants que nous tenons à bout de bras depuis des semaines et des mois, nous adresser d’une même voix !

Je ne suis pas une ministre « hors-sol » ! Voilà plus de huit ans que je suis élue. Venez sur mon territoire, madame la sénatrice, je vous y invite vous aussi… Je pourrai vous présenter des tas de gens, que je connais très bien et qui connaissent mon sens de la proximité. Je n’apprends rien de ces territoires ce soir, comme on vient de le laisser entendre ! (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 83.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-présidente

Mme le président. La séance est reprise.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 42

Articles additionnels après l’article 1er

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 41, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3131-13 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 3131-13. – L’état d’urgence sanitaire est déclaré à la suite d’un vote à l’Assemblée nationale et au Sénat sur proposition du gouvernement. L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises ou mises en œuvre par les autorités administratives en application de l’état d’urgence sanitaire. Ces autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application de ces dispositions. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.

« La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19. Une loi autorise tous les douze jours son renouvellement, également après avis du comité des scientifiques prévu à l’article L. 3131-19. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Je vous propose, mes chers collègues, de continuer nos débats dans le même esprit qu’avant la coupure du dîner. En effet, cet amendement, qui tend à modifier le code de la santé publique, est en lien direct avec les dernières phases de notre discussion : l’état d’urgence sanitaire serait déclaré à la suite d’un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur proposition du Gouvernement.

D’ailleurs – j’ai écouté ce que vous avez dit, madame la ministre –, cela vaudra la peine de regarder combien d’amendements votés ici, en particulier d’amendements votés à l’unanimité, vous n’allez pas soutenir par la suite. On regardera, et on fera les comptes !

M. Pascal Savoldelli. Avec cet amendement, nous proposons que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré après un vote à l’Assemblée nationale et au Sénat, sur proposition du Gouvernement. L’instauration d’une telle procédure participe d’un souci qui nous est commun à tous ici – forcément –, aussi bien au Gouvernement qu’aux parlementaires : mobiliser la Nation. Mais, excusez-moi de le dire, comment peut-on mobiliser la Nation avec les parodies de démocratie auxquelles nous avons assisté, que ce soit lors de la réunion de mardi ou du débat de cet après-midi ?

La question qui se pose est donc de savoir si l’on se donne les moyens d’avoir un moment d’unité…

Vous avez parlé d’union, madame la ministre ; j’ai bien écouté vos propos. Pour qu’il y ait unité, pour qu’il y ait union, il faut mobiliser la Nation ! Il faut écouter les parlementaires !

Un amendement a été voté à l’unanimité avant la suspension du dîner et vous nous dites, à travers votre réponse ou votre absence de réponse, qu’il sera de toute façon balayé à l’Assemblée nationale par votre majorité. Ce n’est tout de même pas une bonne façon de faire !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je n’ai jamais dit cela !

M. Pascal Savoldelli. J’ai parlé aussi de vos absences de réponse ou de vos silences, madame la ministre… Mais nous verrons bien ce que vous répondrez à la présente intervention !

J’ai en mémoire, aussi, le débat que vous avez eu avec ma collègue Laurence Cohen. Vous lui avez donné des chiffres, des chiffres, et encore des chiffres. Mais, vous qui avez mis en avant votre expérience d’élue locale, vous qui êtes aujourd’hui ministre, vous savez bien que l’on ne gouverne pas uniquement avec des chiffres ! On gouverne avec des chiffres, certes, mais aussi avec des valeurs et, parmi ces valeurs, se trouve l’humanité ! Tout cela relève de l’exercice politique !

Déjà, rappelez-vous, nous vous avions demandé un débat, ici, au Sénat, le 16 octobre dernier. Vous nous avez refusé ce débat, et vous nous en avez imposé un cet après-midi. C’est pourquoi nous vous demandons de nouveau, pour aujourd’hui, mais aussi pour demain, quels que soient l’exécutif et la majorité, de faire en sorte que l’on redonne du pouvoir et de la crédibilité au Parlement – Assemblée nationale et Sénat.

Mme le président. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le rapport mentionné au premier alinéa est communiqué à l’Assemblée nationale et au Sénat qui l’approuvent dans un délai de cinq jours au plus tard. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous cherchons – et nous en avons trouvé, avec la contribution du rapporteur – des dispositifs permettant d’associer plus étroitement le Parlement à cet état d’exception qu’est l’état d’urgence sanitaire.

À ce stade, néanmoins, nous n’avons proposé qu’un dispositif s’appliquant en cas de prorogation de cet état d’urgence sanitaire.

L’amendement n° 59 rectifié a donc pour objet d’associer le Parlement dès l’origine. Comment ? Par application de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, l’état d’urgence sanitaire est déclaré par un décret pris sur rapport du ministre chargé de la santé. Nous proposons ici que ce rapport soit adressé immédiatement à l’Assemblée nationale et au Sénat, et soumis aux parlementaires dans un délai de cinq jours.

Le scénario serait donc le suivant : le Président de la République annoncerait qu’il a l’intention de demander la proclamation de l’état d’urgence sanitaire, un décret serait pris sur rapport du ministre de la santé et, dans les cinq jours, le Parlement se prononcerait.

Cet amendement est complémentaire de l’amendement du rapporteur prévoyant une saisine du Parlement, uniquement après prorogation d’un état d’urgence qui durerait déjà depuis un mois. C’est très complémentaire, mes chers collègues, et au niveau, je pense, de l’exigence qui est la nôtre concernant l’association du Parlement.

Mme le président. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 3131-13, les mots : « un mois » sont remplacés par les mots « douze jours » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 3131-14 est ainsi rédigé :

« La loi ne peut proroger l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois. Au-delà de cette durée, le vote d’une loi de prorogation est nécessaire tous les quinze jours. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. On pourrait dire ici – je ne suis pas complètement certain que le terme soit exact – qu’il s’agit d’un amendement de repli. Que proposons-nous ? De limiter le délai prévu entre la publication du décret déclenchant l’état d’urgence sanitaire et la loi de prorogation à douze jours, au lieu d’un mois.

Je le dis avec sérieux et solennité, on nous annonce un délai de réflexion de quinze jours pour évaluer la situation des commerces et de toute une série d’activités et on risque, je le crains, de déclarer hors-jeu notre proposition, à nous, parlementaires, de réduire ce délai d’un mois à douze jours.

Je veux attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait qu’il ne peut pas y avoir de différences dans les temporalités. Il ne peut pas y avoir la temporalité de l’artisan et du commerçant, celle de l’infirmière et de l’enseignant, celle du parlementaire, et puis celle d’un gouvernement. La démocratie doit s’exercer simultanément pour tous, dans le respect des fonctions et des identités de chacune et chacun.

Avec cet amendement, nous proposons donc de réduire le délai d’un mois à douze jours et, comme vous le savez, madame la ministre, nous serons là tous les douze jours ! Nous répondrons présent ! Chacun exercera son mandat de parlementaire avec responsabilité !

Ainsi, les mêmes temporalités seront appliquées à tous. On n’aura pas un régime d’exception avec des clauses de revoyure à quinze jours pour certains, un mois pour d’autres, et même plusieurs mois pour d’autres encore.

Compte tenu de l’exercice de la démocratie tel qu’il est attendu par nos concitoyennes et nos concitoyens, nous considérons que cette modification peut être apportée au texte. Cette limitation de la durée de l’état d’urgence initial permettrait une réactivité par rapport à une situation qui est extrêmement grave et qui doit nous mobiliser tous ensemble.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission comprend ce qui inspire ces trois amendements, ayant elle-même été inspirée par les mêmes motivations pour déterminer le système que j’ai précédemment exposé à notre assemblée et qui permet au Parlement de voter, à intervalles réguliers, la prorogation éventuelle du régime de l’état d’urgence et, à l’intérieur de ce régime, l’utilisation de pouvoirs pouvant aller jusqu’à l’imposition du confinement.

Cela étant, le dispositif de l’amendement n° 41, qui consiste à faire voter le Parlement tous les douze jours, nous placerait devant une quasi-impossibilité. On ne peut tout de même pas prendre un abonnement, mes chers collègues !

Cette solution me paraît tout à fait excessive. Autant je souhaite un contrôle resserré du Parlement, autant je trouve que, dans cette hypothèse, nous ne pourrions plus rien faire d’autre ici que de discuter, avant même d’avoir pu dresser le bilan des mesures prises, de la prorogation des pouvoirs spéciaux de l’état d’urgence sanitaire.

De la même façon, l’idée, défendue à l’amendement n° 59 rectifié, selon laquelle il faudrait que nous votions l’approbation d’un rapport scientifique est particulièrement créative, mais ne me semble pas comporter une dimension d’utilité pratique très grande.

Enfin, le système proposé à l’amendement n° 39 rectifié est contraire à la position de la commission. Celle-ci préfère que la reconduction de l’état d’urgence soit votée au bout d’un mois, et non douze jours, afin d’avoir le temps de mesurer les effets.

Nous ne sommes pas tout à fait dans le même cadre que celui de l’état d’urgence de la loi de 1955… Quand il s’agit de rétablir l’ordre public, on n’a pas en face de soi une épidémie. Quand il s’agit de combattre une épidémie, on a besoin d’un peu plus de temps. C’est pour cette raison, aussi, que la commission n’est pas favorable à l’amendement n° 39 rectifié.

Je vous prie de m’en excuser, mes chers collègues, parce que nous ne sommes pas si éloignés sur le plan des objectifs à atteindre. Néanmoins, nous souhaitons atteindre ces derniers selon d’autres modalités.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Savoldelli, ne me prêtez surtout pas des mots que je n’ai pas prononcés ! Je n’ai jamais dit que l’Assemblée nationale allait balayer ce que vous aviez décidé, parce que j’ai du respect pour la vie parlementaire. J’étais présidente de commission juste avant d’être ministre. Croyez-moi, je suis la première à défendre le débat parlementaire et je suis trop respectueuse de cette vie parlementaire pour tenir de tels propos. Donc, de nouveau, ne me les prêtez pas !

J’en viens à vos amendements. Conditionner la déclaration de l’état d’urgence sanitaire à une autorisation préalable du Parlement n’est pas conciliable avec l’urgence impérieuse de la situation.

Pour les mêmes raisons, limiter à douze jours la durée des prorogations successives pouvant être autorisées par le Parlement n’apparaît pas davantage compatible.

De manière plus générale, ces différents sujets pourront être examinés lors de la discussion, en début d’année prochaine, d’un projet de loi visant à créer un régime pérenne de gestion de l’urgence sanitaire.

Par ailleurs, madame la sénatrice de La Gontrie, le décret déclarant l’état d’urgence sanitaire est obligatoirement motivé et le Parlement est déjà informé sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence. L’article 50-1 de la Constitution permet en outre de procéder à une déclaration, suivie d’un débat et d’un vote, comme cela a toujours été le cas – il y en a eu une cet après-midi même, dans cette assemblée.

J’ajoute, pour éviter tout malentendu, que la mention « sur le rapport du ministre », au sens des textes réglementaires, vise à désigner le ministre compétent pour présenter le projet de décret, mais ne renvoie à aucun document précis.

Pour ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements nos 41, 59 rectifié et 39 rectifié.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je n’interprétais pas vos propos, madame la ministre ; j’essayais de m’expliquer vos silences. Et je ne le faisais pas en rapport avec mes propres interventions, mais en rapport avec celles qui ont précédé la suspension de séance. N’y voyez pas une question personnelle ; cela n’a pas de sens !

Moi, je ne vais pas vous raconter qui j’étais avant d’arriver ici. À mes yeux, ce n’est pas un élément de légitimité. Ma légitimité, madame la ministre, elle est nationale ! Je la tire des électeurs de ma circonscription ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Inutile, donc, de justifier d’un parcours ! Du calme !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. On ne fait pas non plus parler les silences !

M. Pascal Savoldelli. On peut ne pas être d’accord, ce n’est pas grave… Mais il faut alimenter le débat, madame la ministre ! Il faut argumenter ! Nous suggérons qu’il y ait un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur le fondement du décret gouvernemental. Vous refusez. Pourquoi ? C’est un débat politique, et il n’y a là rien d’irrespectueux : nos concitoyennes et nos concitoyens ont le droit de le savoir ! Ce que j’attends, donc, ce sont des arguments !

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de partager avec vous mes interrogations – parce que c’est ce que nous avons l’habitude de faire ici, sans nous jeter à la tête des « postulats » et des « étiquettes » toutes les cinq minutes.

Un délai de douze jours ne serait pas envisageable, car il poserait une question de réactivité, de temps de présence ou toute autre difficulté. Mais que font les élus tout au long de l’année ? Les maires, les présidents de département, les présidents de région ? Ils se fixent des calendriers : douze jours, quinze jours, je ne sais quel délai encore ! Dans une situation aussi difficile et complexe, avec une telle diversité de cas, il faut un degré très élevé de réactivité.

D’où mes interrogations. Ce n’est pas un diktat ! Il s’agit simplement d’essayer d’avoir la démocratie la plus vivante et la plus réactive par rapport aux besoins et aux problèmes posés. Ce n’est pas non plus une bataille de chiffres ou de mots, une simple question de jours. Il faut restimuler la démocratie, si on veut s’éviter les populismes et l’obscurantisme.

Tel était le sens de nos propositions. La rédaction de nos amendements était peut-être insatisfaisante, mais ils méritaient d’être débattus.

M. Jérôme Bascher. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 41,  n° 59 rectifié et n° 39 rectifié
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 2 (supprimé)

Mme le président. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de la promulgation de la présente loi, est instauré un Comité national de suivi de l’état d’urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité scientifique, d’un représentant par formation politique représentée au Parlement, d’un représentant par groupe politique de l’Assemblée nationale et du Sénat et d’un représentant par association nationale d’élus locaux. Ce comité se réunit une fois par semaine. Ses délibérations sont rendues publiques.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Nos débats peuvent être marqués par des interventions passionnées, fortes de nos convictions : ce n’est pas gênant ici. On peut aussi se prononcer contre tel ou tel amendement ; mais on peut également faire des propositions ! C’est précisément ce que nous faisons avec cet amendement. Notre présidente de groupe, Éliane Assassi, l’a déposé préalablement au débat et au vote de cet après-midi, qui – je le rappelle – n’était pas contraignant.

Nous proposons de créer un comité national de suivi de l’état d’urgence sanitaire. Cela ne remet pas en cause le conseil scientifique. Évidemment, cela ne remet pas non plus en cause le conseil des ministres. En revanche, cette structure politique, composée de femmes et d’hommes élus, choisis par les citoyennes et les citoyens, assurerait un contrôle réactif tout en formulant des suggestions ; elle pourrait alimenter une forme de boîte à idées. Il s’agit de permettre un suivi et d’éviter des erreurs, non d’entretenir des polémiques.

Les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont donc fait une proposition extrêmement constructive, loin des oppositions stériles.

Madame la ministre, le pluralisme, dont ce comité de suivi de l’état d’urgence serait le gage, nous aidera à faire face à la situation, quelle que soit la majorité de demain. Je vais même plus loin : notre proposition ne contient-elle pas les prémices d’une nouvelle Constitution, mettant un terme à la dérive monarchique que connaît l’exercice de la responsabilité présidentielle ?

M. Fabien Gay. Très bien !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Un tel comité nous ferait entrer dans une forme de cogestion de la crise sanitaire par le Gouvernement et le Parlement, ce que nous ne souhaitons pas. Chacun son métier et les vaches seront bien gardées.

M. Jérôme Bascher. Très bien !

M. Philippe Bas, rapporteur. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

Le Parlement contrôle le Gouvernement. Le Parlement évalue régulièrement la nécessité des pouvoirs exceptionnels qu’il concède. Mais le Parlement ne cogère pas, avec le Gouvernement, la crise sanitaire !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur Savoldelli, le contrôle démocratique réel que vous évoquez est déjà assuré par la représentation nationale : le Parlement vote la prorogation de l’état d’urgence, bénéficie d’une information sans délai, valide les mesures prises par le Gouvernement, constitue des missions d’information et des commissions d’enquête, etc. Toutes ces procédures restent d’actualité. J’émets donc un avis défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Dans le droit-fil de ce que Pascal Savoldelli vient de dire, je tiens à réagir aux réponses de M. le rapporteur et, a fortiori, de Mme la ministre.

Dans d’autres crises que notre pays a traversées, nos gouvernants ont su mettre en place, sous différents noms, des comités de suivi. Ainsi, après les terribles attentats de 2015, le Gouvernement a réuni une instance chargée d’évaluer la dangerosité de la situation. À ma connaissance, ce choix n’a porté préjudice ni au Gouvernement – l’exécutif a continué de jouer son rôle dans notre République – ni au Parlement – l’Assemblée nationale et le Sénat sont restés forces de proposition.

Aussi, je ne comprends pas ce refus autoritaire de créer un comité national pluraliste. J’ai le sentiment que, ce qui gêne le Gouvernement, c’est le concept de pluralisme… Or ce comité pourrait, non pas décider, mais émettre un avis éclairé sur la situation sanitaire de notre pays.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 42
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 32

Article 2

(Supprimé)

Mme le président. L’amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La date : « 30 octobre 2020 » est remplacée par la date : « 1er avril 2021 » ;

b) Les mots : « hors des territoires mentionnés à l’article 2, » sont supprimés ;

2° Au premier alinéa du 4°, le mot : « biologique » est supprimé.

II. – L’article 2 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 précitée ainsi rédigé :

« Art. 2. – L’article 1er de la présente loi est applicable dans les territoires où l’état d’urgence sanitaire n’est pas en cours d’application. »

III. – Les I et II du présent article s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la République.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il s’agit ici, je le sais, d’un sujet de désaccord majeur entre le Gouvernement et la Haute Assemblée.

Cet amendement vise à rétablir l’article 2, supprimé en commission, qui proroge jusqu’au 1er avril 2021 l’application du régime de transition défini par l’article 1er. En effet, il est indispensable de disposer d’un régime intermédiaire en sortie d’état d’urgence sanitaire.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la ministre, qui peut le plus peut le moins. Dans le régime de l’état d’urgence sanitaire, vous n’êtes nullement obligés de prendre les mesures les plus coercitives : vous pouvez aussi utiliser le type de dispositions prévues dans le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Cela prouve l’inanité de ce régime : parfaitement inutile, il relève du pur affichage. C’est la raison pour laquelle nous ne l’avons pas voté.

Il ne s’agit pas de priver le Gouvernement d’un certain nombre de pouvoirs nécessaires : j’y insiste, il peut déjà les exercer dans le régime de l’état d’urgence sanitaire. À cette fin, il lui suffit de prendre des mesures restreignant moins les libertés publiques que les mesures de confinement qu’il avait prises à l’origine.

Ce régime étant inutile, je ne vois pas pourquoi on le ferait durer, sauf, peut-être, pour dispenser le Gouvernement d’un vote parlementaire. Or, précisément, nous ne voulons pas vous laisser agir sans rendre compte au Parlement, sans demander son autorisation, par un vote, s’il s’agit de poursuivre sur la voie d’un régime de pouvoirs spéciaux.

L’utilisation des pouvoirs du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire s’est soldée par un échec, que nous constatons, que nous avons à gérer et pour lequel nous délibérons aujourd’hui. Il est incroyable qu’après cet échec vous osiez nous réclamer la possibilité d’utiliser des pouvoirs spéciaux jusqu’au 1er avril prochain sans avoir à revenir devant le Parlement. Ce n’est pas concevable ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la ministre, le régime dit « de sortie de l’état d’urgence », que vous proposez à travers ce projet de loi, n’est pas, comme vous l’indiquez, un régime intermédiaire, mais un régime d’exception, et c’est bien le problème ! Évidemment, le Sénat ne peut pas accepter de voir maintenus, pendant six mois, plusieurs régimes successifs qui ont tous la particularité de ne pas respecter l’exercice des libertés publiques.

Vous avez tellement hésité sur cette législation que nous avons dû chercher à la loupe la différence entre la loi du 9 juillet dernier et le régime de l’état d’urgence sanitaire. La seule différence que nous avons trouvée, c’est que vous ne pouviez pas ordonner un confinement total : le reste était absolument identique.

Vous nous avez ensuite demandé d’interrompre notre discussion en cours de route, quelques minutes avant que le Président de la République n’annonce des mesures qu’il eût été possible de prendre sur la base du seul code de la santé publique.

On le voit bien, du côté du Gouvernement, la confusion est extrême quant au droit applicable et aux possibilités qu’offre la législation en vigueur… (Loratrice sinterrompt.)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Permettez que j’échange un mot avec mes conseillers !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la peine de vous énerver, madame la ministre, mais, quand je m’adresse à vous, cela me gêne que quelqu’un vous parle en même temps, j’en suis désolée !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je ne vais pas rester figée toute la soirée ! On n’est pas à l’école !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je termine !

En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas accepter un régime d’exception pour six mois. C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

M. Jérôme Durain. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.

Article 2 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 2 - Amendement  n° 43

Articles additionnels après l’article 2

Mme le président. L’amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Aux premier et second alinéas du 4° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, le mot : « aérien » est supprimé.

II. – Le présent article s’applique sur l’ensemble du territoire de la République.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Cet amendement vise à donner au Premier ministre la faculté d’imposer la présentation d’un test négatif pour d’autres modes de transports publics que l’aérien en régime de sortie de l’urgence sanitaire.

Cela étant, je l’ai bien compris, ce régime est un point de blocage…

Mme le président. Le sous-amendement n° 90, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :

Amendement n° 32

Après l’alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Le 4° du même I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette exigence ne saurait toutefois interdire le retour sur le territoire national d’un ressortissant français, ou d’une personne étrangère y résidant légalement. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Je reviens sur un sujet qui m’a valu, il y a quinze jours, un débat un peu vif avec M. le ministre des solidarités et de la santé.

À l’heure actuelle, on impose des tests pour le transport public aérien ; il n’est pas illogique d’élargir cette obligation. Toutefois, les difficultés que nous avons rencontrées pour le transport aérien, et que M. le ministre niait, s’en trouveront multipliées si nous ne faisons pas attention à un certain nombre d’éléments. En particulier, le décret d’application de cette disposition impose aujourd’hui, dans un certain nombre de pays, d’obtenir un test virologique avant d’utiliser le transport public aérien, ce qui n’est pas toujours possible. Or le Conseil d’État considère que, pour un Français, le droit à revenir sur le territoire national ne saurait être contesté. Empêcher quelqu’un de prendre un transport public pour rentrer en France, faute d’un test PCR dans le pays où il se trouve, pose donc une véritable difficulté.

Avec ce sous-amendement, nous affirmons que l’on ne peut pas bloquer une personne qui veut revenir en France. Nous ne demandons pas de dérogation à l’obligation de test. Aujourd’hui, des laissez-passer consulaires sont précisément délivrés pour permettre aux personnes de rentrer en France, mais ces titres sont accordés sans instruction générale : le décret ne donne aucune indication à cet égard.

Les précisions que je suggère permettraient au Gouvernement de corriger le décret, afin de préciser les conditions d’attribution d’un laissez-passer pour rentrer en France lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir un test virologique avant de prendre un transport public. C’est une simple question de transparence. Ce faisant, on mettra un terme à la pagaille qui règne depuis le mois d’août dernier.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Les dispositions de l’amendement n° 32 se greffent sur le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Or nous ne voulons plus que ce régime soit activé, car il priverait le Parlement de toute décision quant à la prolongation de l’exercice, par le Gouvernement, de pouvoirs spéciaux pour lutter contre le covid-19. Par cohérence, j’émets donc un avis défavorable.

Nous n’avons jamais marchandé notre soutien aux mesures utiles pour lutter contre l’épidémie ; je ne comprends pas que le Gouvernement propose un régime en vertu duquel il n’aurait plus à revenir devant le Parlement pour obtenir son soutien. D’ailleurs, cet appui lui est nécessaire pour continuer à lutter efficacement contre le covid-19.

Monsieur Leconte, votre sous-amendement, qui se greffe sur un amendement qui lui-même se greffe sur le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, ne peut pas non plus recevoir un avis favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 90 ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur Leconte, le sujet que vous évoquez est effectivement d’une importance majeure.

Des mesures ont été prises pour répondre aux difficultés de nos ressortissants qui ne parviennent pas à disposer du résultat de leur test avant l’embarquement. Ce dispositif fonctionne : au 21 août dernier, l’ensemble des consulats du réseau aux États-Unis avaient reçu 552 demandes d’exemption. Sur ce total, 401 personnes ont bénéficié d’une exemption. Le taux de délivrance s’élève donc à 73 %.

De son côté, la compagnie Air France nous fait savoir que plus de 90 % de ses voyageurs entre les États-Unis et la France sont en mesure de présenter les résultats d’un test RT-PCR à l’embarquement et que la plupart des autres disposent d’une exemption.

J’ajoute que les tests antigéniques sont en train d’être ajoutés aux obligations de test dans les aéroports.

M. Jérôme Bascher. Ce n’est donc pas encore fait…

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Sur ce sujet, j’invite réellement le Gouvernement à clarifier les instructions données. Nous devons disposer de circulaires transparentes. Pour l’heure, les consulats sont laissés à eux-mêmes, et cela ne peut pas durer.

Vous nous donnez des chiffres, madame la ministre, mais quelles sont les instructions données aux consulats ? Dans quelles conditions ces laissez-passer consulaires sont-ils délivrés ? Aujourd’hui, nous ne le savons pas. Nous savons simplement qu’en cas de blocage au consulat le Conseil d’État donnerait l’injonction de délivrer un tel titre. La méthode actuelle n’est donc pas opérationnelle.

Toutefois, dès lors que le Sénat supprime le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, il n’y a plus besoin de l’améliorer : je retire donc mon sous-amendement.

Mme le président. Le sous-amendement n° 90 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 32
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Article 2&#160;bis&#160;(nouveau)

Mme le président. L’amendement n° 43, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la participation de l’assurance maladie pour une prise en charge à 100 % des masques et des tests de dépistage, afin de faire face à l’épidémie de Covid-19.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, ne pensez pas que nous soyons agressifs envers vous. Ce n’est pas du tout le cas.

M. Philippe Bas, rapporteur. Ce n’est pas personnel !

Mme Éliane Assassi. Chacun sait que, sur ces travées comme sur d’autres, nous avons de profonds désaccords avec le Gouvernement, notamment sur le texte qui nous occupe ce soir. Nous avons aussi le sentiment que, quoique nous disions, votre mission est de rejeter nos propositions. Dont acte ! La manière dont vous inclinez la tête vient conforter mes propos.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je ne peux plus parler, je ne peux plus bouger…

Mme Éliane Assassi. C’est votre attitude qui m’inspire ce constat ; mais croyez bien que, pour notre part, nous ne mettons aucune agressivité dans nos propos.

Avec cet amendement, nous reprenons une revendication que nous défendons depuis le début de cette crise, à savoir la gratuité des masques. Nous considérons que l’obligation de porter un masque pour des raisons de santé publique, dans les collèges, les lycées et les universités, dans les transports, les lieux clos, les entreprises et l’espace public de nombreuses villes françaises, implique cette gratuité : c’est indispensable à l’accessibilité des masques, lesquels sont – enfin ! – disponibles. À nos yeux, il s’agit d’une urgence, au regard de l’aggravation significative de la situation économique et sociale de nombreuses familles, de nombreux foyers dans notre pays.

À cet égard, les élus de mon groupe sont pleinement cohérents avec eux-mêmes : le 7 septembre dernier – ce n’est pas tout récent –, nous avons déposé sur le bureau du Sénat une proposition de résolution invitant le Gouvernement à engager une réflexion sur la participation de l’assurance maladie pour une prise en charge à 100 % des masques et des tests de dépistage.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est encore une demande de rapport. En la matière, je ne change pas d’avis : défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Madame la sénatrice, avec cet amendement, vous demandez au Gouvernement un rapport relatif à la prise en charge à 100 % des masques et des tests.

Le Gouvernement a déjà pris des mesures de distribution de masques auprès des populations les plus modestes : c’est l’objet de l’article 35-1 de l’arrêté du 10 juillet dernier. Ensuite, il a pris par décret des mesures de contrôle du prix des masques.

En parallèle, de nombreuses entreprises et collectivités ont pris des initiatives pour fournir, à titre gratuit, des masques à leurs employés ou à la population : il est important de le souligner et de leur rendre hommage. Ces actions relèvent d’une solidarité nationale qui, en ces temps, est on ne peut plus nécessaire.

Enfin, depuis le 26 juin dernier, les personnes souhaitant réaliser un test peuvent bénéficier, à leur demande et sans prescription médicale, d’examens de détection du génome du SARS-CoV-2. Ces examens sont intégralement pris en charge par l’assurance maladie.

Dans ces conditions, un rapport n’apporterait rien de plus. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Madame la ministre, nous sommes issus de la même région.

M. Philippe Bas, rapporteur. Et du même parti !

M. Patrick Kanner. Vous le savez, il y a beaucoup de situations difficiles, sur le plan social, dans l’ancienne région du Nord-Pas-de-Calais, qui, avec la Picardie, constitue désormais la région des Hauts-de-France.

Le Président de la République, puis, cet après-midi, le Premier ministre ont annoncé que le port du masque serait dorénavant obligatoire pour les enfants dès l’âge de 6 ans. Imaginez le budget que les masques vont représenter pour les familles modestes !

Nous sommes cohérents avec ce que nous demandons depuis des mois – depuis presque une année maintenant. Avec nos collègues communistes, nous souhaitons obtenir la gratuité des masques. En tout cas, pour ce qui nous concerne, nous la demandons pour les scolaires.

Ce rapport permettrait au moins de faire un point de la situation. C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Souvent, je peux partager les préoccupations qui animent nos collègues du groupe CRCE lorsqu’ils déposent leurs amendements. De plus, le sujet dont il s’agit est, malheureusement, au cœur de l’actualité.

En mars et en avril derniers, alors qu’il n’y avait pas du tout de masques, l’État et l’assurance maladie se sont engagés, comme de nombreuses collectivités locales : des communes, mais aussi des intercommunalités, des régions et des départements ont passé de grandes commandes de masques. Je n’oublie pas non plus les bénévoles,…

M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !

M. Marc Laménie. … qui ont confectionné des masques en tissu à l’époque où nous ne disposions pas des masques jetables actuels.

Aujourd’hui, le port du masque est obligatoire, mais le problème de la production persiste, car nous nous retrouvons avec des masques importés. Il y a quelques mois, à l’échelle nationale, nous étions bien contents d’avoir des entreprises locales, souvent petites, disposant d’un savoir-faire pour réaliser des masques…

Il faut également prendre en compte la problématique du coût, pour le budget des ménages, sans oublier le rôle de soutien que jouent de nombreux partenaires, notamment les collectivités locales et les entreprises.

Je me rallierai à l’avis de M. le rapporteur ; mais, avec cet amendement, nos collègues ont le mérite de soulever des problèmes particulièrement sensibles et importants.

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est vrai !

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur Kanner, j’ai oublié de rappeler qu’en août dernier nous avons envoyé 53 millions de masques lavables aux plus précaires et que nous sommes en train de renouveler l’opération : d’ici à la mi-novembre, 52 millions de masques jetables seront distribués aux sans-abri. On peut tout de même le relever, parmi toutes les mesures que j’ai énumérées.

M. Patrick Kanner. On parle des scolaires !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Ce n’est pas l’objet du rapport demandé.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous avons obtenu du Gouvernement que l’État prenne à sa charge 50 % du coût des masques fournis aux populations par les collectivités territoriales, quelle que soit leur sensibilité politique. Ce que nous demandons aujourd’hui n’est guère différent.

On dit et on répète que le masque est un élément de protection pour l’ensemble de notre population. On constate tous que la propagation et les conséquences de ce virus sont d’une extrême gravité.

Il y a quelques mois, vous avez reconnu l’engagement financier significatif des collectivités territoriales pour la fourniture de masques, au point de leur rembourser 50 % de cette dépense. Comment, en ce mois d’octobre, ne pas agir en conséquence ?

J’ai bien écouté le Premier ministre : il a pris pour référence la grippe espagnole. Voulez-vous qu’on rappelle le nombre de morts causé par cette épidémie ? Voulez-vous qu’on dise tout ce qui s’est passé ? Ces références appellent des actes de responsabilité. Nous serons jugés par l’histoire.

Pour notre part, nous ne proposons pas la gratuité pure et simple des masques : nous voulons que leur coût soit pris en charge par la sécurité sociale. Dès lors, on pourra faire appel à la responsabilité des citoyennes et des citoyens !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement  n° 43
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Article additionnel après l'article 2 bis - Amendements n° 16 rectifié bis et n° 20 rectifié

Article 2 bis (nouveau)

I. – L’avant-dernière phrase de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Dès leur adoption, ces avis sont communiqués simultanément au Premier ministre, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat par le président du comité. Ils sont rendus publics sans délai. »

II. – La seconde phrase du VI de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Dès leur adoption, ces avis sont communiqués simultanément au Premier ministre, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat par le président du comité. Ils sont rendus publics sans délai. » – (Adopté.)

Article 2&#160;bis&#160;(nouveau)
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Article 3

Article additionnel après l’article 2 bis

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 16 rectifié bis est présenté par Mme Tetuanui, MM. Bonnecarrère, Cazabonne, Folliot, S. Demilly, Levi et Louault, Mmes Guidez et Billon, MM. Bonneau et Laugier, Mme Sollogoub, MM. Kern et Lafon, Mme Férat, M. L. Hervé, Mme Jacquemet et M. Détraigne.

L’amendement n° 20 rectifié est présenté par M. Rohfritsch et Mme Havet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 2° de l’article L. 3841-3 du code de la santé publique, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« … Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« “Par dérogation à l’article 850 du code de procédure pénale, les contraventions aux réglementations applicables localement afin de prévenir et limiter les conséquences sur la santé de la population de menaces sanitaires graves appelant des mesures d’urgence ou de catastrophes sanitaires au sens de l’article L. 3131-12 du présent code qui sont punies seulement d’une peine d’amende peuvent faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale.” ; ».

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié bis.

M. Philippe Bonnecarrère. Nos collègues polynésiens Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch nous soumettent une situation tout à fait spécifique.

Depuis le début de l’année, le covid-19 a fait vingt morts en Polynésie ; comme chacun le sait, l’épidémie y a connu une accélération dans la période récente. Parmi les outils déployés en Polynésie figure, comme en métropole, une contravention pour défaut de port du masque, lorsque ce dernier est obligatoire.

Nos collègues polynésiens demandent que l’on puisse adosser à une contravention de quatrième classe un mécanisme d’amende forfaitaire. En effet, les dispositions de la loi dite « de pays », pour employer la terminologie de ce territoire, sont fondées sur une mesure pénale, et non pas, comme il le faudrait dans ce cas précis, sur une disposition du code de la santé publique.

Mes chers collègues, il s’agit donc de permettre d’utiliser en pratique le mécanisme des amendes forfaitaires en Polynésie française. Je vous remercie par avance de votre soutien !

Mme le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié.

Mme Nadège Havet. J’associe à cet amendement, mon collègue Teva Rohfritsch.

Dans le cas de la crise sanitaire du covid-19, plusieurs arrêtés ont été pris en application d’une loi de pays adoptée par la Polynésie française. Ce texte prévoit, notamment, des contraventions de quatrième classe en cas de non-respect de dispositions telles que l’absence de port du masque. Toutefois, la rédaction actuelle de l’article 850 du code de procédure pénale ne permet pas, pour ces contraventions, d’éteindre l’action publique par le paiement d’une amende forfaitaire.

Cet amendement a donc un objet simple, de bon sens, mais indispensable : rendre applicable en Polynésie française la procédure de l’amende forfaitaire pour les contraventions aux réglementations mises en œuvre localement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié bis et 20 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendements n° 16 rectifié bis et n° 20 rectifié
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 26 rectifié bis

Article 3

L’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « , pour une durée de six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid -19 » sont remplacés par les mots : « tard, jusqu’au 31 janvier 2021 » ;

b) À la deuxième phrase du troisième alinéa, les mots : « dans la limite de la durée » sont remplacés par les mots : « , au plus tard, jusqu’à la date » ;

c) Au dernier alinéa, les mots : « durée prévue » sont remplacés par les mots : « date mentionnée » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi modifié :

– à la première phrase, les mots : « des examens de biologie ou » sont remplacés par les mots : « d’examens de dépistage virologique ou sérologique ou d’examens » ;

– à la seconde phrase, les mots : « médecin ou un biologiste médical ou sous leur responsabilité » sont remplacés par les mots : « professionnel de santé figurant sur une liste prévue par décret et habilité à la réalisation des examens de dépistage virologique ou sérologique ou sous la responsabilité de ce professionnel » ;

b) À la fin du 4°, les mots : « et leur adresse » sont remplacés par les mots : « , leur adresse et leurs coordonnées de contact téléphonique et électronique » ;

c) Après le même 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° L’accompagnement social des personnes infectées et des personnes susceptibles de l’être pendant et après la fin des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, sous réserve du recueil préalable du consentement des intéressés au partage de leurs données à caractère personnel dans ce cadre. » ;

d) Au dernier alinéa, le mot : « au » est remplacé par les mots : « à la » ;

3° Le III est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « et services autorisés à réaliser les examens de biologie ou » sont remplacés par les mots : « , services et professionnels de santé autorisés à réaliser les examens de dépistage virologique ou sérologique ou les examens » ;

b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés dans les conditions prévues au 5° du II du présent article peuvent également recevoir les données strictement nécessaires à l’exercice de leur mission. » ;

4° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – L’inscription d’une personne dans le système de suivi des personnes contacts emporte prescription pour la réalisation et le remboursement des examens effectués en laboratoires de biologie médicale, par exception à l’article L. 6211-8 du code de la santé publique, et des autres examens mentionnés au 1° du II du présent article ainsi que pour la délivrance des masques en officine. » ;

4° bis (nouveau) Le V est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils dressent la liste exhaustive des données pouvant être collectées en vue du suivi épidémiologique et de la recherche sur le virus. » ;

5° Le VI est ainsi rédigé :

« VI. – Les données individuelles relatives à la covid -19 font l’objet d’une transmission obligatoire à l’autorité sanitaire prévue à l’article L. 3113-1 du code de la santé publique. Cette transmission est effectuée par les médecins, les responsables des services et laboratoires de biologie médicale publics et privés et les autres professionnels de santé mentionnés au 1° du II du présent article, au moyen des systèmes d’information mentionnés au présent article. » ;

6° À la première phrase du second alinéa du IX, après le mot : « mesures », sont insérés les mots : « , comprenant des indicateurs d’activité, de performance et de résultats quantifiés adaptés aux priorités retenues, ».

Mme le président. La parole est à M. Cédric Vial, sur l’article.

M. Cédric Vial. Nous sommes réunis ce soir pour permettre au Gouvernement de faire face à une crise sanitaire exceptionnelle, en prenant des mesures exceptionnelles et en lui conférant des pouvoirs législatifs et réglementaires exceptionnels. L’objectif a été clairement défini par le Président de la République : nous sommes en guerre contre la covid et ses conséquences.

Dans le même temps, nous devons livrer une autre guerre contre le terrorisme et l’islamisme radical. Notre rôle est de veiller à ce que les mesures prises dans le combat contre la covid-19 ne gênent pas d’autres dispositions nécessaires à l’autre combat que nous devons livrer.

Madame la ministre, votre collègue M. Darmanin a demandé aux préfets, dans un courrier qui leur a été adressé courant septembre, « d’appliquer strictement la loi et de reconduire systématiquement dans leur pays les étrangers qui, par leurs agissements, constituent une menace grave pour l’ordre public ». Le ministre leur a demandé « de mettre systématiquement en œuvre les procédures à même d’interrompre, dans les meilleurs délais, la présence de ces personnes sur notre territoire ».

Il se trouve que certains des pays de destination de ces personnes sous le coup de mesures d’éloignement demandent un test PCR négatif pour accueillir sur leur sol leurs ressortissants. Le refus de procéder à ce test par ces personnes sous le coup d’une mesure judiciaire ou administrative de reconduite à la frontière a pour conséquence de ne pas permettre leur expulsion.

Dans le cadre de cet état d’urgence, qui va vous permettre de prendre, par ordonnance ou par voie réglementaire, certaines mesures, il me semble nécessaire d’étudier la possibilité de rendre ces tests obligatoires dans les centres de rétention ou quand ces personnes font l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière d’origine administrative ou judiciaire. Les circonstances sanitaires ne doivent pas nous handicaper dans notre combat contre l’islamisme radical.

Mme le président. L’amendement n° 44, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Notre amendement vise à supprimer l’article 3. Je vais essayer d’expliquer pourquoi nous considérons que celui-ci n’a pas fait la preuve de son efficacité.

Cet article autorise, au plus tard jusqu’au 31 janvier 2021, une dérogation à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, par laquelle les Françaises et les Français verront, pour une période encore étendue, leurs données traitées et partagées… sans leur consentement. C’est factuel !

La CNIL, dans sa délibération du 10 septembre 2020, rappelle que l’efficacité du prélèvement de ces données personnelles n’est pas avérée et demande que des indicateurs soient mis en place pour évaluer le rôle de ces dispositions dans la gestion de la crise sanitaire. Elle nous invite à renforcer l’évaluation et le contrôle permanent des mécanismes de manipulation des données personnelles et, ainsi, d’en mesurer l’efficience avant de les prolonger. Or nous nous trouvons dans l’incapacité de le faire, car de nombreuses inconnues demeurent et nous empêchent de nous prononcer sur la proportionnalité de ce dispositif.

S’agissant du fichier Contact Covid, par exemple, la CNIL dénonce le fait que la sécurité des transmissions de données entre certains organismes ne soit pas garantie ; ces défaillances font donc peser un risque d’interception. Plus encore, la durée de conservation de ces données pourrait être excessive au regard des besoins en la matière.

Je reconnais que le Conseil d’État s’est dit favorable à la prolongation des systèmes d’information ; en revanche, vous avez pu observer comme moi que les acteurs chargés de la collecte et du traitement des données dénoncent des insuffisances manifestes. Les autorités sanitaires demeurent, par exemple, dans l’incapacité de savoir si des cas contacts se font réellement tester. Je ne demande qu’à voir mes propos infirmés, qu’on me dise que ce n’est pas vrai !

L’assurance maladie n’a pas la possibilité de croiser la base Contact Covid avec celle du Sidep pour savoir si un résultat est disponible pour chacun de ces cas contacts. Comme vous le voyez, en termes d’efficacité, ce n’est pas génial ! Le directeur général de l’assurance maladie regrette d’ailleurs cette entrave.

Autre exemple : l’étude des chaînes de contamination est peu réalisable ; si les agents de l’assurance maladie ont connaissance des circonstances dans lesquelles le patient zéro a potentiellement contaminé ses contacts, ce n’est qu’en allant chercher dans le Sidep qu’il leur est possible de savoir lequel d’entre eux a été infecté, et seuls les clusters sont connus à ce jour.

Comme vous le voyez, madame la ministre, notre amendement ne vise pas à supprimer cet article pour le supprimer. Nous constatons son déficit d’efficacité, qui s’ajoute aux dangers qu’il fait peser sur les libertés.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Ce n’est pas parce que le système d’information permettant de remonter les filières de contamination ne donne plus satisfaction aujourd’hui – à vrai dire, il n’a jamais donné pleine satisfaction – qu’il faut y renoncer. Au contraire, il faut le faire fonctionner.

M. Pascal Savoldelli. Ça ne marche pas, donc on continue !

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission des lois, au mois de mai dernier, a entendu le président du conseil scientifique indiquer qu’il faudrait 20 000 à 30 000 personnes pour qu’un tel dispositif fonctionne. Celui-ci n’a pas fonctionné, parce qu’on ne s’est pas donné les moyens nécessaires.

M. Loïc Hervé. Exactement !

M. Philippe Bas, rapporteur. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’une des dispositions que nous propose le Gouvernement permet de recruter jusqu’à des étudiants en médecine pour renforcer les effectifs des plateformes qui exploitent les données de ces systèmes d’information.

Au lieu de vouloir le mettre par terre, il faut, selon moi, mobiliser tous les moyens possibles pour faire fonctionner ce dispositif. Il a échoué, c’est un constat objectif ; pourtant, cet échec n’est pas lié à sa conception, mais aux moyens défaillants mobilisés pour le faire fonctionner.

Je propose, quant à moi, de conserver le système, mais de le faire fonctionner et, donc, de rejeter cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Dans sa note du 12 septembre dernier, le conseil scientifique souligne le rôle déterminant de ces systèmes d’information et se déclare favorable à leur maintien et à la prolongation dans la durée de la conservation des données pseudonymisées.

Dans son avis public du 10 septembre, la CNIL ne remet pas en cause l’utilité des systèmes d’information.

Par ailleurs, la prolongation de la durée de conservation des seules données pseudonymisées dépourvues de toute information nominative et destinées à la veille épidémiologique et à la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation est aujourd’hui fondamentale, compte tenu de la situation sanitaire.

Dans le contexte actuel, la suppression de cet article mettrait en péril le dispositif de gestion de la crise.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Il est vrai que nous avons un problème de gestion des données médicales, la CNIL l’a rappelé à propos des difficultés qu’elle a relevées s’agissant du système Health Data Hub, avant même cette pandémie. Je voudrais toutefois apporter ma contribution, en tant que représentant, avec notre collègue Muriel Jourda, au Comité de contrôle et de liaison covid-19, à propos du système d’information mis en œuvre à l’occasion de cette pandémie.

Ce système n’est pas comparable à l’application StopCovid : il constitue le cœur du dispositif nous permettant de comprendre comment cette épidémie se propage. Ce n’est donc pas parce que nous n’avons pas pu l’exploiter correctement jusqu’à présent qu’il faudrait l’abandonner : il est nécessaire pour comprendre comment les choses se passent.

Certes, pour le moment, c’est un échec. On peut d’ailleurs constater qu’un certain nombre de choses auraient pu être mises en place plus rapidement pour accompagner les brigades sanitaires, en particulier pour que celles-ci ne perdent pas de temps à essayer de tracer. Si les tests ne fonctionnaient pas jusqu’à présent, c’est pour cette raison.

En tout état de cause, si nous voulons être capables de comprendre comment cette épidémie se propage et de prévoir des reprises de la maladie, nous avons besoin d’un système opérationnel. À défaut, nous ne pourrons comprendre comment les choses évoluent.

D’une part, nous avons besoin de ce système pour comprendre. D’autre part, nous avons besoin de le conserver dans la durée, de manière à disposer de données suffisamment exploitables pour être utiles. À ce titre, la limitation dans le temps mise en place par la commission des lois n’est probablement pas raisonnable, compte tenu de la nécessité de trouver par nous-mêmes une explication à la propagation de ce virus.

Je rappelle que les données sont pseudonymisées, c’est-à-dire que, globalement, on peut considérer qu’il n’est pas possible de revenir en arrière et de tracer la population individu par individu. Il s’agit donc d’un outil permettant de comprendre comment l’épidémie se propage ; nous ne pouvons pas nous permettre, alors que nous ne maîtrisons pas du tout la situation, de l’abandonner.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Nous avons été opposés d’emblée à la création de ces fichiers, qui posent des problèmes considérables en matière de sécurité et d’éthique et participent du basculement toujours possible vers une société de surveillance numérique et de fichage permanent. C’est une question éthique, celle du sens de la société vers laquelle nous voulons nous diriger.

Je comprends les remarques de M. Leconte, mais je souhaite avancer une remarque sincère et candide : il faut, certes, suivre l’évolution de la maladie et essayer de constater et de contrôler la réalité de la circulation du virus, mais beaucoup d’épidémiologistes, dans de nombreux pays, étudient ce virus et parviennent à des résultats positifs sans pour autant en passer par des systèmes de fichage comparables à celui que l’on souhaite établir en France. Ce dispositif pourrait être un moyen de procéder, mais il en existe vraisemblablement d’autres, qui ont déjà été utilisés.

Comme le disait notre collègue du groupe CRCE, si ce système avait fait ses preuves, si l’on pensait aujourd’hui qu’il était en voie d’amélioration, si les dispositions étaient prises pour qu’il fonctionne peut-être un jour, on pourrait envisager de l’accepter, mais ce n’est pas le cas, me semble-t-il. C’est pour cela que nous voterons cet amendement de suppression.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur, je vais vous communiquer une information qui va vous intéresser.

Nous nous sommes renseignés : le dispositif actuel dans les Ehpad, où se trouve une des populations les plus fragilisées, qui court le plus de risques, consiste en un questionnaire en ligne « très basique », comme le dit le chef de la DATA de Santé publique France. Or ce questionnaire ne peut pas nous fournir l’âge et le sexe des victimes.

Voyez de quels outils nous disposons, en 2020, pour faire face à une telle crise : un questionnaire en ligne concernant nos aînés qui n’est pas capable d’indiquer l’âge et le sexe des victimes ! Et vous me dites qu’il faut continuer, que ça va marcher ? Non, franchement, il faut mettre un coup d’arrêt et repenser le dispositif pour qu’il soit efficient !

Cet amendement, on vous le donne,…

M. Pascal Savoldelli. … il n’aura donc pas de connotation politique.

Ne tournez pas la tête, madame la ministre, dites-moi plutôt que mes informations sont fausses et qu’on dispose de l’âge et du sexe des victimes, si vous le pouvez !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 55 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

1er janvier

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Nous retirons cet amendement de repli.

Mme le président. L’amendement n° 55 rectifié est retiré.

L’amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

31 janvier

par les mots :

1er avril

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je retire cet amendement, en cohérence avec le rejet de l’amendement déposé à l’article 1er.

Mme le président. L’amendement n° 35 est retiré.

L’amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la même première phrase, après les mots : « code du travail », sont insérés les mots : « , les professionnels de santé et personnels spécialement habilités des services de santé des établissements d’enseignement scolaire ou des établissements d’enseignement supérieur », et après les mots : « les pharmaciens, », sont insérés les mots : « des professionnels de santé ou des étudiants inscrits dans une formation donnant accès aux professions de santé régies par la quatrième partie du présent code, » ;

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il s’agit par cet amendement de permettre aux professionnels de santé scolaire et de l’enseignement supérieur ainsi qu’à d’autres professionnels de santé, notamment les étudiants en santé, de participer aux missions de gestion de la crise sanitaire et d’accéder, à cette fin, aux systèmes d’information, dans un même souci de traçabilité.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 3 - Amendements  n° 45 et n° 61

Articles additionnels après l’article 3

Mme le président. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Imbert, MM. Babary et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne, Bouchet, Bouloux et Cardoux, Mmes Chauvin et Chain-Larché, MM. Chaize, Courtial et Daubresse, Mme Demas, M. de Nicolaÿ, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. B. Fournier, Mmes Joseph, Garriaud-Maylam et F. Gerbaud, MM. Gremillet, Husson, D. Laurent et Lefèvre, Mmes Lopez et M. Mercier, MM. Mouiller, Pellevat, Piednoir et Pointereau, Mme Procaccia, MM. Sautarel et Sol, Mme Thomas et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa de l’article L. 4311-15 du code la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, les infirmiers exerçant dans un pôle de santé, dans une maison de santé ou dans un centre de santé sont référencés et habilités à pratiquer des actes avancés définis par arrêté du ministre chargé de la santé. »

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Je défends cet amendement au nom de mes collègues Savary et Imbert, qui en sont à l’origine.

Cet amendement vise à permettre, à titre dérogatoire et pour toute la période de l’état d’urgence, aux infirmiers exerçant dans un pôle de santé, dans une maison de santé ou dans un centre de santé d’effectuer des actes de pratiques avancées tels que la prévention ou le dépistage, des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique, des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale, des prescriptions d’examens complémentaires, des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales.

Le coût supplémentaire de cette extension serait largement absorbé, puisque son activité permettrait de faire plusieurs économies : les médecins pourraient déléguer plusieurs tâches afin de se concentrer sur des activités à plus forte complexité et donc à plus forte valeur ajoutée ; le coût horaire d’un infirmier en pratiques avancées (IPA) étant plus faible que celui d’un médecin, tout acte transféré à l’IPA serait vecteur d’économie ; enfin, les coûts organisationnels diminueraient en conférant directement à l’IPA un rôle d’adressage.

L’habilitation sera automatiquement levée à la sortie de l’état d’urgence sanitaire.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je vous rejoins sur le fond, mais cet amendement est satisfait.

Depuis mars 2020, quatre protocoles de coopération spécifiques et applicables en structures collectives permettent des transferts d’activité entre médecins et infirmiers. Ils ont été autorisés par arrêté ministériel. Par conséquent, le cadre réglementaire permet déjà ce type de pratique pour les infirmiers en structures collectives.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme le président. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 26 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Philippe Mouiller. N’étant pas le premier signataire de cet amendement, je ne peux le retirer.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 26 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 3 bis (nouveau)

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 45, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2020 au plus tard, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conditions sanitaires des personnes détenues dans des établissements privatifs de liberté dans le cadre de l’épidémie de Covid-19.

Ce rapport devra établir le niveau de protection des personnes concernées, détenues, retenues et du personnel.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il ne serait pas sérieux de nier qu’il existe un déficit de protection manifeste dans les centres de détention ou de rétention, qui laisse des dizaines de milliers de personnes à la merci du virus : pas de gel, pas de masques et impossibilité d’assurer une distanciation physique. Nous savons que les cas de contamination en milieu carcéral explosent.

Au 1er juillet 2020, on comptait près de 60 000 détenus pour 188 établissements. La maison d’arrêt de Carcassonne, par exemple – je ne vais pas vous parler de celle de Villepinte, en Seine-Saint-Denis –, affichait alors un taux d’occupation de 208 %, celle de Nîmes de 182 %, celle de Perpignan de 180 %. Dans ces conditions, il est véritablement impossible de garantir la sécurité sanitaire des personnels et des détenus.

Il en est de même s’agissant de l’absence de campagnes de dépistage en prison, qui laisse craindre l’entrée et le maintien en détention de personnes porteuses asymptomatiques du virus. Le 16 octobre dernier – il n’y a donc pas si longtemps –, 88 cas de covid-19 ont été détectés dans les établissements pénitentiaires ; il y en avait moitié moins quinze jours auparavant. On compte également 188 surveillants pénitentiaires contaminés.

Le mot n’est peut-être pas le bon, mais je considère que nous sommes face à une bombe sanitaire et que le Parlement pourrait, pour le moins, être informé des conditions sanitaires des personnes détenues dans les établissements privatifs de liberté dans le contexte de l’épidémie de covid. Ce qui vaut pour les personnes détenues vaut évidemment pour les personnels de l’administration pénitentiaire.

J’invite chaque parlementaire à user de son droit de visite – beaucoup le font déjà – dans ces établissements pour constater la situation par lui-même. Incarcérées ou détenues, ces personnes ont des droits qu’il faut savoir respecter.

Mme le président. L’amendement n° 61, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2020 au plus tard, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conditions sanitaires des personnes détenues ou retenues dans des établissements privatifs de liberté, en cas de situation sanitaire appelant des mesures d’urgence, notamment pour faire face à l’épidémie de covid-19. Ce rapport détaille les modalités envisagées par les pouvoirs publics pour assurer dans tous les locaux clos ou partagés de ces établissements, la mise à disposition gratuite de matériels de protection à destination des personnes détenues ou retenues et du personnel.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. On sait généralement le sort réservé aux amendements qui demandent un rapport, mais le sujet est vraiment important parce qu’il s’agit des personnes retenues ou détenues, qui ont un droit fondamental à la santé. Nous savons combien la situation dans les centres de rétention et dans les prisons est une bombe à retardement et menace la santé des personnes détenues ou retenues comme des personnels.

Madame la ministre, j’ai visité plusieurs centres de rétention au cours des derniers mois. J’en ai vu un dans lequel toutes les personnes retenues étaient priées de boire au même robinet, car il n’y avait pas de distribution de bouteilles d’eau, dans lequel elles n’avaient pas accès au gel hydroalcoolique, parce qu’elles auraient pu le boire. Comment assurer la santé et le respect de ces personnes en temps de pandémie dans des conditions pareilles ? Comment assurer la santé des personnels de la police aux frontières qui assurent la surveillance de ce centre ? Il n’y a absolument rien !

Au greffe de ce centre de rétention, on apprend que celui-ci n’est occupé qu’à 50 %. Eh oui, dans le centre, on constate que 50 % des chambres n’ont pas été réparées depuis des mois, parce qu’on n’entre pas dans une bombe sanitaire. Par conséquent, les retenus sont tous entassés sur les lits et dans les chambres qui restent.

Telle est la situation dans les centres de rétention aujourd’hui, madame la ministre. Est-elle acceptable ? Bien entendu, cela dépend des centres, mais une question doit être posée : le ministre de l’intérieur, quand il n’est pas devant les médias, donne-t-il des instructions à la police aux frontières pour imposer un protocole sanitaire strict qui protège ces personnes et les personnels ? À force de visiter des centres, j’en doute, et je voudrais connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.

Il existe aussi, madame la ministre, des centres de rétention et des prisons dans lesquels les gens ont faim. Même le personnel a honte de la manière dont les détenus et les retenus sont traités ces derniers temps. Nous avons besoin d’explications sur ce sujet !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je remercie les auteurs de ces amendements d’avoir soulevé une question très grave. Il me semble toutefois que nous aurions avantage à la traiter à l’occasion de l’examen des budgets du garde des sceaux et du ministre de l’intérieur, car c’est à eux qu’il revient de dégager les moyens pour améliorer la protection de la santé des personnes privées de liberté. En effet, la situation actuelle est, à certains égards, critique.

Puisque le problème est grave, il ne sera pas traité par un rapport que l’administration rédigera laborieusement, que le ministre tamponnera et qui sera transmis, s’il parvient jusqu’à ce stade, par le Gouvernement au Parlement. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je suis évidemment sensible à ce sujet, et la description que vous en faites m’est familière ; je n’ose plus avancer d’éléments personnels, mais j’ai, moi aussi, visité des centres de rétention dans ma circonscription.

Un rapport au sein de ce projet de loi n’apparaît toutefois pas comme la méthode adaptée pour rendre compte de ce que vous évoquez. Je n’aurais pas osé la formuler de la même manière, mais je rejoins la proposition de M. le rapporteur, qui me semble constituer la réponse la plus adaptée.

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Je peux entendre les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre, mais, en la matière, il me semble qu’il faut entendre l’urgence. Ce sont de véritables cris d’alarme qui sont lancés à la fois par des personnels de l’administration pénitentiaire, par des détenus et par des fonctionnaires, notamment de la PJJ. Je me permets ainsi de vous lire le témoignage d’une éducatrice de la PJJ.

« […] Des moments difficiles, douloureux, j’en ai vécu depuis que j’exerce ce métier. C’est la première fois que je ressens viscéralement ce besoin d’essayer d’alerter, même si je doute de l’intérêt que portera le grand public à ce qui se passe derrière ces murs épais.

« Je rencontre des gosses qui n’ont pas de masques et qui, pour certains, se sentent, sinon en danger, au moins délaissés. Ce n’est pas la première fois, et pour beaucoup ce ne sera, hélas ! pas la dernière.

« Je porte un masque quand je vais les voir, quand je traverse ces couloirs étroits, quand je dois parfois attendre que la grille suivante s’ouvre, pressée contre des dizaines de détenus qui attendent aussi pour passer. J’emporte avec moi des masques chirurgicaux pour eux, pour les entretiens éducatifs que je mène dans une petite cellule aménagée en bureau de fortune.

« Au mois de juillet, certains d’entre eux s’étonnaient : “On a besoin d’un masque ? Pourquoi, il est revenu le virus ?” Naïveté de gosse. Parce que, oui, ce sont des gosses, persuadés que, si les adultes ne se protègent pas, ne les protègent pas, c’est que le virus ne circule plus… Je me suis entendue murmurer qu’il n’était jamais parti, ce virus.

« Impuissante, tiraillée par cette envie de leur dire une vérité contre laquelle ils n’ont aucune prise, aucun maigre moyen d’agir, je suis sortie de là effondrée. »

J’entends bien ce qui vient d’être dit, j’entends bien qu’il faudra discuter de ce sujet lors du projet de loi de finances, mais, monsieur le rapporteur, madame la ministre, considérez avec nous qu’il y a urgence !

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Il y a deux centres dans mon département, celui d’Alençon-Condé, où se trouvent des détenus très dangereux, et celui d’Argentan. Je ne peux que partager ce qui vient d’être dit : la situation est absolument dramatique à la fois pour les personnels et pour les détenus.

Ici, ce n’est pas souvent le bon moment, c’est rarement le bon texte, ce n’est pas toujours le bon amendement, mais, pour le coup, je vais voter l’amendement présenté par Mme Assassi, pour le principe. Je pensais en écoutant son intervention à notre ancien collègue Robert Badinter et à sa prison républicaine. Nous nous en éloignons de plus en plus.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 61.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, vous ne nous avez pas répondu sur la manière dont vous demandez à l’administration pénitentiaire et à la police aux frontières de faire face à la pandémie : quelles instructions leur ont été données, et aussi quels moyens ?

Le débat budgétaire ne sera pas suffisant. Monsieur le président de la commission des lois, nous devons auditionner rapidement le ministre de l’intérieur et le garde des sceaux sur ces sujets. Compte tenu de la situation dans nos prisons, il est urgent de les entendre sur leur gestion de la crise sanitaire dans les centres dont ils ont la responsabilité.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendements  n° 45 et n° 61
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 3&#160;ter&#160;(nouveau)

Article 3 bis (nouveau)

I. – L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Les articles 3, 6-1 et 7 de la présente ordonnance sont également applicables aux juridictions judiciaires statuant en matière non pénale, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article 3 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « mentionnée », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « au II de l’article 1er de la présente ordonnance dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire. » ;

b) La troisième phrase est ainsi rédigée : « Elle est rendue publique. » ;

3° L’article 6-1 est ainsi rédigé :

« Art. 6-1. – Aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider, avant l’ouverture de l’audience, que les débats font l’objet d’une publicité restreinte ou, en cas d’impossibilité de garantir les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes présentes à l’audience, se déroulent en chambre du conseil. Dans les conditions déterminées par le juge ou le président de la formation de jugement, des journalistes peuvent assister à l’audience, y compris lorsqu’elle se tient en chambre du conseil en application des dispositions du présent article.

« Lorsque le nombre de personnes admises à l’audience est limité, les personnes qui souhaitent y assister saisissent par tout moyen le juge ou le président de la formation de jugement. » ;

4° L’article 7 est ainsi rédigé :

« Art. 7. – Aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19, l’audience ou l’audition peut avoir lieu, à l’initiative des parties, du juge ou du président de la formation de jugement, en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle, si les parties en sont expressément d’accord.

« Ce moyen de télécommunication audiovisuelle permet de s’assurer de l’identité des personnes participant à l’audience ou à l’audition, de garantir la qualité de la transmission, la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats, ainsi que, pour les audiences, le secret du délibéré.

« Le juge ou les membres de la formation de jugement sont présents dans une salle d’audience ou d’audition située dans des locaux relevant du ministère de la justice. Lorsqu’il s’agit d’une audience, cette salle est ouverte au public. Le juge ou le président de la formation de jugement peut faire application de l’article 6-1 de la présente ordonnance dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

« Les parties ou les personnes convoquées peuvent se trouver dans un lieu distinct de la salle d’audience ou d’audition.

« Une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition des parties. Lorsqu’elles sont assistées d’un conseil ou d’un interprète, ces derniers sont physiquement présents auprès d’elles.

« Le juge ou le président de la formation de jugement s’assure du respect des droits de la défense, notamment du caractère contradictoire des débats.

« L’audience ou l’audition donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal établi par le greffe, également présent dans la salle située dans des locaux relevant du ministère de la justice mentionnée au troisième alinéa du présent article, ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore. » ;

5° Après les mots : « résultant de », la fin de l’article 23 est ainsi rédigée : « la loi n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire. »

II. – L’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif est ainsi modifiée :

1° À l’article 1, après le mot : « ordonnance », sont insérés les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire » ;

2° L’article 2 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Les articles 6, 7 et 10-1 de la présente ordonnance sont également applicables aux juridictions de l’ordre administratif, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique. » ;

3° L’article 6 est ainsi rédigé :

« Art. 6. – Aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider, avant l’ouverture de l’audience, que les débats font l’objet d’une publicité restreinte ou, en cas d’impossibilité de garantir les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes présentes à l’audience, se déroulent hors la présence du public. Dans les conditions déterminées par le juge ou le président de la formation de jugement, des journalistes peuvent assister à l’audience, y compris lorsqu’elle se tient hors la présence du public en application des dispositions du présent article.

« Lorsque le nombre de personnes admises à l’audience est limité, les personnes qui souhaitent y assister saisissent par tout moyen le juge ou le président de la formation de jugement. » ;

4° L’article 7 est ainsi rédigé :

« Art. 7. – Aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19, l’audience peut avoir lieu, à l’initiative des parties, du juge ou du président de la formation de jugement, en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle, si les parties en sont expressément d’accord.

« Ce moyen de télécommunication audiovisuelle permet de s’assurer de l’identité des personnes participant à l’audience, de garantir la qualité de la transmission, la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats, ainsi que le secret du délibéré.

« Le juge ou les membres de la formation de jugement sont présents dans une salle d’audience ouverte au public située dans des locaux relevant du ministère de la justice. Le juge ou le président de la formation de jugement peut faire application de l’article 6 de la présente ordonnance dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

« Les parties ou les personnes convoquées peuvent se trouver dans un lieu distinct de la salle d’audience.

« Une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition des parties. Lorsqu’elles sont assistées d’un conseil ou d’un interprète, ces derniers sont physiquement présents auprès d’elles.

« Le juge ou le président de la formation de jugement s’assure du respect des droits de la défense, notamment du caractère contradictoire des débats.

« L’audience donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal établi par le greffe, également présent dans la salle située dans des locaux relevant du ministère mentionnée au troisième alinéa du présent article, ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore. » ;

5° Au début de l’article 10-1, sont ajoutés les mots : « Aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19, » ;

6° L’article 18 est complété par les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire. »

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.

M. Guy Benarroche. L’article 3 bis organise le fonctionnement des juridictions en période de crise sanitaire. En particulier, il prévoit la possibilité de tenir audiences et auditions par un moyen de télécommunication audiovisuelle, en accord avec les parties.

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires tient à exprimer ses craintes quant au déploiement massif d’un mode de gestion dématérialisé susceptible d’engendrer plusieurs atteintes à l’effectivité de la justice. De fait, des dysfonctionnements informatiques peuvent nuire à la qualité des débats. En outre, la dématérialisation ne permet pas pleinement d’assurer la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. La solennité des audiences est fortement réduite dans le cadre de ces procédures par écran interposé. Surtout, l’oralité des débats et le rapport humain en sont profondément bouleversés.

Lors de la première vague de l’épidémie, de nombreuses violations aux principes fondamentaux de la justice ont été dénoncées par la Cimade. Ainsi, l’association a constaté le recours systématique aux vidéoaudiences pour statuer sur les mesures privatives de liberté des étrangers retenus en centre de rétention administrative. Nous craignons pour cette nouvelle vague le retour de cette justice quelque peu expéditive, sous prétexte de crise sanitaire.

Au moment où l’épidémie de covid-19 accroît les inégalités, il importe de renforcer les services publics – le Président Emmanuel Macron l’a d’ailleurs rappelé dans son allocution d’hier soir. Les conditions de mise en œuvre de la justice ne doivent pas se faire au détriment du respect des droits de la défense. J’ajoute qu’une attention particulière doit être portée aux mineurs et aux personnes détenues, qui ont déjà beaucoup souffert de ces procédures dématérialisées lors de la première vague.

Notre groupe demande donc au Gouvernement des garanties sur le respect des droits des justiciables, en particulier la limitation, dans toute la mesure du possible, du recours aux télécommunications audiovisuelles pour les audiences.

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 bis.

(Larticle 3 bis est adopté.)

Article 3 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 3&#160;quater&#160;(nouveau)

Article 3 ter (nouveau)

À la première phrase des I et II et à la fin de la première phrase du dernier alinéa du III de l’article 32 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 ». – (Adopté.)

Article 3&#160;ter&#160;(nouveau)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 3&#160;quinquies&#160;(nouveau)

Article 3 quater (nouveau)

I. – La loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne est ainsi modifiée :

1° L’article 45 est ainsi modifié :

a) Au I, les mots : « pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, ou dans les six mois à compter de son terme » sont remplacés par les mots : « entre le 23 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, ou dans les six mois à compter de ce terme » ;

b) Au II, les mots : « pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, ou dans les six mois à compter de son terme » sont remplacés par les mots : « entre le 23 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, ou dans les six mois à compter de ce terme » ;

2° Au premier alinéa des I et II de l’article 47, les mots : « pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, ou dans les six mois à compter de son terme » sont remplacés par les mots : « entre le 23 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, ou dans les six mois à compter de ce terme » ;

3° L’article 48 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa du I, les mots : « Pendant l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique et pendant six mois à compter de son terme » sont remplacés par les mots : « Entre le 23 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, et dans les six mois à compter de ce terme » ;

b) Au II, les mots : « de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé » sont remplacés par les mots : « des états d’urgence sanitaire respectivement déclarés par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogés ».

II. – Le a du 1° du I du présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles de Wallis et Futuna, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 445-1, L. 446-1 et L. 447-1 du code de la sécurité intérieure. – (Adopté.)

Article 3&#160;quater&#160;(nouveau)
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Article 3 sexies (nouveau)

Article 3 quinquies (nouveau)

Les I, II et III de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux restent applicables jusqu’au 31 janvier 2021. Les mesures prises en application de ces mêmes dispositions prennent fin trois mois au plus tard après la même date. – (Adopté.)

Article 3&#160;quinquies&#160;(nouveau)
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Article 3 septies (nouveau)

Article 3 sexies (nouveau)

I. – Par dérogation aux articles L. 541-2 et L. 821-4 du code de la sécurité sociale et L. 241-3, L. 241-6 et L. 245-2 du code de l’action sociale et des familles, les bénéficiaires des droits et prestations énumérés au II du présent article dont l’accord sur ces droits et prestations expire entre le 1er août et le 31 décembre 2020 bénéficient d’une prolongation de la durée de cet accord d’une durée de six mois à compter de la date d’expiration de cet accord, renouvelable une fois par décret, si la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles ou, le cas échéant, le président du conseil départemental n’ont pu se prononcer avant la date d’expiration des droits.

II. – Le I du présent article est applicable aux bénéficiaires des droits et prestations suivants :

1° L’allocation aux adultes handicapés, et le complément de ressources prévus aux articles L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 821-1-1 du même code dans sa rédaction antérieure au 1er décembre 2019 ;

2° L’allocation prévue aux articles 35 et 35-1 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, dans sa rédaction antérieure au 1er décembre 2019, ;

3° L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et ses compléments prévus à l’article L. 541-1 du code de la sécurité sociale ;

4° L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et ses compléments prévus à l’article 10-1 de l’ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l’extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité de Mayotte ;

5° L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et ses compléments prévus au 9° de l’article 11 de l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales ;

6° La carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles ;

7° La prestation de compensation du handicap prévue à l’article L. 245-1 du même code affectée aux charges mentionnées aux 1°, 4° et 5° de l’article L. 245-3 dudit code ;

8° Tous les autres droits ou prestations mentionnés à l’article L. 241-6 du même code relevant de la compétence de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du même code.

III. – Les I et II du présent article sont applicables aux droits et aux prestations dont la durée de validité a expiré à compter du 1er août 2020.

IV. – Au 3° de l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, après la référence : « L. 3253-18, », est insérée la référence : « L. 5212-9, ».

Mme le président. L’amendement n° 85, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Amendement de coordination.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 85.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 sexies, modifié.

(Larticle 3 sexies est adopté.)

Article 3 sexies (nouveau)
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Article additionnel après l'article 3 septies - Amendement n° 12 rectifié

Article 3 septies (nouveau)

I. – Aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, lorsque le lieu de réunion de l’organe délibérant ne permet pas d’assurer sa tenue dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur, le maire, le président de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou le président d’un groupement de collectivités territoriales peut décider de réunir l’organe délibérant en tout lieu, dès lors que ce lieu ne contrevient pas au principe de neutralité, qu’il offre les conditions d’accessibilité et de sécurité nécessaires et qu’il permet d’assurer la publicité des séances.

Lorsqu’il est fait application du premier alinéa du présent I, le maire, le président de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou le président du groupement de collectivités territoriales en informe préalablement le représentant de l’État dans le département ou son délégué dans l’arrondissement.

II. – Aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, le maire, le président de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou le président d’un groupement de collectivités territoriales peut décider, pour assurer la tenue de la réunion de l’organe délibérant dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur, que celle-ci se déroulera sans que le public soit autorisé à y assister ou en fixant un nombre maximal de personnes autorisées à y assister. Le caractère public de la réunion est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.

Lorsqu’il est fait application du premier alinéa du présent II, il est fait mention de cette décision sur la convocation de l’organe délibérant.

III. – Les I et II du présent article sont applicables jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.

IV. – Par dérogation aux articles L. 2121-20, L. 3121-16, L. 4132-15, L. 4422-7, L. 7122-16 et L. 7222-17 du code général des collectivités territoriales et à l’article L. 121-12 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie et jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, un membre des organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent, des commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux, de la collectivité territoriale de Guyane et du Département de Mayotte et des bureaux des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peut être porteur de deux pouvoirs.

V. – Le premier alinéa de l’article 11 de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’article 6 est applicable jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.

VI. – Le présent article est applicable aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale et aux syndicats mixtes de Polynésie française et de Nouvelle Calédonie.

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 25 rectifié est présenté par MM. D. Laurent, Mouiller, Bazin, Belin, Pellevat et Sautarel, Mme Deseyne, M. Reichardt, Mmes Bonfanti-Dossat, Thomas et Saint-Pé et MM. Babary, Bonhomme et Lefèvre.

L’amendement n° 27 rectifié est présenté par M. Requier et Mme M. Carrère.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV. – Par dérogation aux articles L. 2121-17, L. 2121-20, L. 3121-14, L. 3121-14-1, L. 3121-16, L. 4132_13, L. 4132-13-1, L. 4132-15, L. 4422-7, L. 7122-14, L. 7122-16, L. 7123-11, L. 7222-15 et L. 7222-17 du code général des collectivités territoriales, L. 121-11 et L. 121-12 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie et jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, les organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent, les commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux, de la collectivité territoriale de Guyane et du Département de Mayotte et les bureaux des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne délibèrent valablement que lorsque le tiers de leurs membres en exercice est présent. Si, après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n’est pas atteint, l’organe délibérant, la commission permanente ou le bureau est à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle. Il délibère alors sans condition de quorum. Dans tous les cas, un membre de ces organes, commissions ou bureaux peut être porteur de deux pouvoirs.

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.

M. Philippe Mouiller. L’article 10 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a assoupli les règles de quorum applicables aux organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent. Prolongée par la loi du 22 juin 2020, l’application de cette disposition doit prendre fin demain.

Alors que le Gouvernement souhaite prolonger l’état d’urgence sanitaire, le maintien de cette dérogation, établie afin de faciliter le respect des règles sanitaires durant les réunions des organes délibérants des collectivités territoriales, paraît nécessaire. Le présent amendement a donc pour objet de maintenir l’application de ces dérogations jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.

Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié.

Mme Maryse Carrère. Le rebond de l’épidémie de covid nous impose de réduire rigoureusement les contacts et les réunions. Naturellement, ces restrictions doivent concerner aussi le fonctionnement des collectivités territoriales, afin que celles-ci participent à l’effort collectif pour endiguer l’épidémie, mais aussi afin de protéger la santé des personnels et des élus locaux.

Toutefois, il n’est pas envisageable que ces restrictions viennent heurter la continuité de l’action publique, tout particulièrement au niveau local. Jusqu’à présent, nos collectivités territoriales ont joué un rôle essentiel dans la gestion de cette crise, notamment grâce à leur proximité avec la population : il importe de s’assurer qu’elles puissent continuer.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission se réjouit de la remarquable coordination entre les groupes RDSE et Les Républicains, qui ont accouché, grâce à leur travail commun, du même amendement. Je les félicite, et j’engage tous nos collègues à adopter ces amendements très utiles pour la vie de nos collectivités territoriales.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié et 27 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 86, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

V. – L’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19 est ainsi modifiée :

1° L’article 6 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« V. – Pour l’application des I à III du présent article aux réunions des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, il est dérogé à l’article L. 5211-11-1 du code général des collectivités territoriales. » ;

2° L’article 11 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’article 6 de la présente ordonnance est applicable jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit de faciliter l’usage de la visioconférence, mais aussi de l’audioconférence, dans nos communautés de communes.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 septies, modifié.

(Larticle 3 septies est adopté.)

Article 3 septies (nouveau)
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Article 3 octies (nouveau)

Article additionnel après l’article 3 septies

Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Brisson, Bazin, Courtial et Piednoir, Mme Lavarde, M. Daubresse, Mme Joseph, MM. D. Laurent, Perrin, Rietmann, Pellevat, Mouiller, Savin et Bascher, Mme Ventalon, M. Darnaud, Mme Deromedi, MM. Chatillon et de Nicolaÿ, Mme Bourrat, M. Gremillet, Mmes Lopez, Gruny et Belrhiti, MM. C. Vial et Panunzi, Mmes Dumont, Noël et Berthet, MM. Regnard et Hugonet, Mme Raimond-Pavero, M. Cardoux, Mmes Goy-Chavent, Imbert et Procaccia, MM. Anglars, B. Fournier, Le Gleut, Lefèvre, Chaize et Grosperrin, Mme Thomas, MM. Calvet et Paccaud, Mme Bonfanti-Dossat, M. Savary, Mme Chain-Larché et MM. Vogel, Sautarel, Belin, Bacchi et Bonnus, est ainsi libellé :

Après l’article 3 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19, après le mot : « groupements, », sont insérés les mots : « ainsi que dans les syndicats mixtes régis par les articles L. 5711-1 et L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales, ».

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Cet amendement a pour objet de permettre aux syndicats mixtes fermés et aux syndicats mixtes ouverts restreints de se réunir par visioconférence ou audioconférence. En effet, cette possibilité ne leur est pas clairement ouverte par la loi, en sorte que, dans certains cas, la tenue d’une réunion par visioconférence ou audioconférence a pu être refusée par le représentant de l’État dans le département, ce qui a rendu difficile l’avancée des travaux.

Alors que l’état d’urgence sanitaire se prolonge, il apparaît important pour le bon fonctionnement des collectivités territoriales que ces syndicats ne soient pas empêchés de fonctionner et que les interprétations des préfets ne varient pas d’un département à un autre. Tel est le sens de cet amendement de clarification.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement pourrait être tout à fait judicieux, si la règle qui n’est pas claire empêchait le recours à la visioconférence ou à l’audioconférence dans ces syndicats mixtes. Il me semble que l’ambiguïté pourrait être levée par une simple déclaration du Gouvernement – auquel cas, mon cher collègue, vous pourriez retirer votre amendement. Si le Gouvernement n’est pas en mesure de nous donner ces assurances, j’émettrai un avis favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il est proposé d’ajouter aux bénéficiaires de l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril dernier, qui permet de réunir un organe délibérant par téléconférence, les syndicats mixtes dits fermés, régis par les articles du code général des collectivités territoriales correspondants, et les syndicats mixtes dits ouverts restreints. Or cet article vise déjà les groupements de collectivités territoriales, dont font partie les syndicats mixtes fermés et les syndicats mixtes ouverts restreints. Dans ces conditions, l’amendement nous paraît satisfait.

Mme le président. Monsieur Brisson, l’amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?

M. Max Brisson. Non, je le retire.

Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 3 septies - Amendement n° 12 rectifié
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Article 3 nonies (nouveau)

Article 3 octies (nouveau)

I. – Au deuxième alinéa du II de l’article 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, les mots : « premier jour » sont remplacés par la date : « 1er juillet ».

II. – Le III de l’article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase, la date : « 31 mars 2021 » est remplacée par la date : « 31 août 2021 » ;

2° À la fin de dernière phrase, la date : « 1er juillet 2021 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2022 ».

III. – Le II de l’article L. 1231-1 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au début de la première phrase du premier alinéa, la date : « 1er juillet 2021 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2022 » ;

2° Au second alinéa, à la deuxième phrase, la date : « 1er juillet 2021 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2022 » et aux deuxième et troisième phrases, la date : « 31 mars 2021 » est remplacée par la date : « 31 août 2021 ».

Mme le président. L’amendement n° 81 rectifié bis, présenté par Mmes Gatel et Vérien, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Sans préjudice du VIII de l’article 94 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, les lignes directrices de gestion en matière de promotion et de valorisation des parcours telles que définies à l’article 33-5 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale sont arrêtées avant le 31 mars 2021.

La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. Aux termes de la loi du 6 août 2019, dans chaque collectivité territoriale et établissement public, des lignes directrices de gestion doivent être arrêtées par l’autorité territoriale, après avis de l’instance de dialogue social compétente. Ces lignes directrices de gestion doivent déterminer la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources ; elles fixent également les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours. Ce dernier aspect est particulièrement important, puisque les commissions administratives paritaires ne seront plus compétentes en la matière à partir du 1er janvier prochain.

Or la crise sanitaire et le confinement ont fait prendre un retard important à nombre de collectivités territoriales dans les négociations sociales nécessaires à la définition d’un tel document. Dès lors, plutôt que d’obliger les collectivités territoriales à passer outre à la négociation sociale ou à y consacrer un temps disproportionné alors qu’elles sont concentrées sur le maintien de la continuité du service public, nous proposons de laisser un court délai, de trois mois, pour finaliser correctement cette réforme importante.

Les décisions prises sur la base de ces lignes directrices de gestion, à compter, donc, du 31 mars 2021, pourront être rétroactives en application de l’article 77 de la loi du 26 janvier 1984, ce qui permettra de ne pas léser les fonctionnaires concernés par un avancement ou une promotion.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je salue le travail très pointu accompli par Mme Gatel, la nouvelle présidente de notre délégation aux collectivités territoriales, et par Mme Vérien. Grâce à leurs amendements, elles nous ont déjà permis de prendre en compte dans le texte de la commission les délais nécessaires pour le transfert aux communautés de communes des compétences « mobilité » et « urbanisme ».

Elles proposent à présent une disposition, favorablement accueillie par la commission, sur les lignes directrices de gestion en matière de promotion et de valorisation des parcours dans la fonction publique territoriale. En la matière aussi, la crise rend indispensable que des délais soient donnés à nos collectivités territoriales pour que ces compétences puissent être transférées dans de bonnes conditions.

Je les remercie pour la qualité de leur travail.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Cet amendement vise à reporter l’échéance pour l’adoption des lignes directrices de gestion dans la fonction publique territoriale.

Ces lignes directrices doivent déterminer la stratégie pluriannuelle des ressources humaines, qui définit les enjeux et les objectifs de la politique de ressources humaines à conduire au sein d’une collectivité territoriale ou d’un l’établissement public. Leur adoption est l’une des mesures structurantes de la loi de transformation de la fonction publique.

Le dispositif en vigueur n’impose pas un niveau de précision particulier en ce qui concerne les enjeux et les objectifs à déterminer. Ainsi, une collectivité territoriale pourra, dans un premier temps, privilégier des lignes directrices généralistes, dans l’objectif de respecter les délais fixés par la loi. Dans un second temps, il lui sera tout à fait possible de reprendre les lignes directrices adoptées, pour les ajuster ou les approfondir.

Dans ces conditions, conformément à la position exprimée devant les employeurs territoriaux et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, je ne puis être favorable au report de la date d’adoption des lignes directrices de gestion dans la fonction publique territoriale.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 octies, modifié.

(Larticle 3 octies est adopté.)

Article 3 octies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 3&#160;decies&#160;(nouveau)

Article 3 nonies (nouveau)

Au VI de l’article 6 et au IV de l’article 12 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, la date : « 31 décembre 2020 » est remplacée par la date : « 30 juin 2021 ».

Mme le président. L’amendement n° 57 rectifié bis, présenté par Mme Havet, MM. Bargeton, Buis, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le premier alinéa du II du même article 12 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le complément à l’indemnité brute mensuelle d’activité partielle versé par l’employeur peut être intégré aux assiettes précitées. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de la prorogation par la commission des lois du maintien des garanties de protection sociale complémentaire pour les salariés placés en activité partielle.

En octobre, 1,1 million de salariés ont été placés en activité partielle : il est primordial de leur garantir le bénéfice de la couverture collective des frais de santé et de prévoyance mise en place par leur entreprise.

Dans le même esprit, nous proposons de renforcer les garanties accordées en intégrant le complément à l’indemnité d’activité partielle versé par l’employeur à l’assiette définie par le calcul des cotisations, primes et montants des prestations des salariés placés en activité partielle.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Avis favorable, et je lève le gage.

Mme le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 57 rectifié ter.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 nonies, modifié.

(Larticle 3 nonies est adopté.)

Article 3 nonies (nouveau)
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Article 3 undecies (nouveau)

Article 3 decies (nouveau)

I. – Par dérogation aux articles L. 2315-4 et L. 2316-16 du code du travail, le recours à la visioconférence est autorisé pour l’ensemble des réunions du comité social et économique et du comité social et économique central, après que l’employeur en a informé leurs membres.

Le recours à la visioconférence est autorisé dans les mêmes conditions pour l’ensemble des réunions des autres instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail.

II. – Le recours à la conférence téléphonique est autorisé pour l’ensemble des réunions des instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail, après que l’employeur en a informé leurs membres.

Un décret fixe les conditions dans lesquelles les réunions tenues en conférence téléphonique se déroulent.

III. – Le recours à la messagerie instantanée est autorisé pour l’ensemble des réunions des instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail, après information de leurs membres, en cas d’impossibilité de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique ou lorsqu’un accord d’entreprise le prévoit.

Un décret fixe les conditions dans lesquelles les réunions tenues par messagerie instantanée se déroulent.

IV. – Le présent article est applicable aux réunions convoquées pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.

La limite de trois réunions par année civile prévue aux articles L. 2315-4 et L. 2316-16 du code du travail ne s’applique qu’aux réunions organisées en dehors de la période de l’état d’urgence sanitaire. – (Adopté.)

Article 3&#160;decies&#160;(nouveau)
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Article additionnel après l'article 3 undecies - Amendement n° 66

Article 3 undecies (nouveau)

I. – Après les mots : « 12 mars 2020 et », la fin de l’article 11 de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19 est ainsi rédigée : « jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique. »

II. – Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna.

Mme le président. L’amendement n° 65, présenté par Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

rédigée : «

la fin de l’alinéa est ainsi rédigé :

jusqu’au 30 avril 2021. »

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Compte tenu de la similarité de leurs objets, je présenterai, en même temps que celui-ci, l’amendement n° 66, également déposé par le groupe socialiste.

L’épidémie et les contraintes qui en sont résultées ont naturellement pesé sur les entreprises et, plus généralement, sur toutes les structures dotées ou non de la personnalité morale : associations, groupements, fédérations. Afin de faciliter la réunion de leurs organes de direction, une ordonnance du 25 mars 2020 a autorisé celles dont les statuts ne le prévoyaient pas à se réunir à huis clos, c’est-à-dire à distance en recourant à tous les systèmes d’information envisageables – je crois que nous les avons tous expérimentés depuis quelques mois… Une seconde ordonnance du même jour a différé la date de réunion de l’assemblée générale nécessaire à l’approbation des comptes arrêtés le 31 décembre 2019. Toutefois, l’article 11 de l’ordonnance n° 2020-321 limite la faculté de se réunir à huis clos au 30 novembre 2020.

En adoptant un excellent amendement du rapporteur dont je partage à la fois la philosophie et la lettre, la commission a introduit dans le projet de loi cet article 3 undecies, qui prolonge cette faculté jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Cette rédaction est la bonne, mais il me semble qu’il faut y ajouter une précision.

La date de sortie de l’état d’urgence restant incertaine – les débats qui nous animent ce soir en attestent cruellement –, il faut prévoir l’hypothèse où l’état d’urgence cesserait avant le 30 avril 2021 sans que la période transitoire qui suivra soit achevée à cette date. Dans ce cas, certaines personnes morales de droit privé pourront avoir intérêt à continuer à se réunir à huis clos, alors même que la loi, d’après la rédaction actuelle, ne le leur permettra plus. Je pense notamment aux fédérations sportives concernées par les jeux Olympiques de 2021, dont l’article 1er du décret n° 2020-896 du 22 juillet 2020 prévoit qu’elles ont jusqu’au 30 avril 2021 pour renouveler leurs instances dirigeantes.

Rendons-leur service dès maintenant en prévoyant qu’elles pourront, le cas échéant, le faire à huis clos, même après la fin de l’état d’urgence sanitaire, mais pendant la période transitoire qui suivra. Tel est l’objet de l’amendement n° 65.

Par ailleurs, le code de commerce prévoit que les associations ou entreprises qui y sont soumises disposent d’un délai de six mois pour faire approuver par leur assemblée générale les comptes arrêtés au 31 décembre de l’année précédente – soit, pour les comptes arrêtés le 31 décembre 2019, jusqu’au 30 juin 2020. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, l’article 3-1 de l’ordonnance n° 2020-318 a différé ce délai de trois mois, permettant de ce fait à ces personnes morales de réunir leur assemblée générale jusqu’au 30 septembre dernier.

Je partage avec la commission, qui n’a pas souhaité, dans un premier temps, approuver cet amendement, le constat que les facilités offertes de se réunir à huis clos et la possibilité d’obtenir du juge l’autorisation de différer la date de l’assemblée générale semblent priver cet amendement de toute utilité. Néanmoins, nous connaissons des mandataires sociaux et des dirigeants de personne morale qui ont différé la tenue de ces réunions dans l’espoir de les tenir physiquement. Devons-nous les en blâmer ? Je pense aussi aux juges surchargés par plusieurs mois de suspension qui devront accuser réception des demandes de report.

Je sais, monsieur le rapporteur, qu’on reproche souvent à la loi d’être bavarde. Mais si cela peut aider nos concitoyens, autorisons-nous-le !

Dans cet esprit, l’amendement n° 66 vise à permettre le report de ces assemblées générales au-delà du délai de six mois prévu par le code de commerce, dans un délai courant jusqu’à la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Nous proposons de mettre un terme aux dispositions de l’ordonnance à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Les auteurs de l’amendement n° 65 souhaitent retenir la date du 30 avril.

Franchement, puisque nous voulons un vote du Parlement avant le 31 janvier, nous pourrons reculer la date d’expiration des dispositions de l’ordonnance à ce moment-là, si cela est rendu nécessaire par les pouvoirs spéciaux de nouveau exercés par le Gouvernement en raison de la situation sanitaire. Si, au contraire, nous avons vaincu l’épidémie d’ici là et que le Gouvernement ne nous demande pas de prolonger les pouvoirs spéciaux, il n’y aura aucune raison de prolonger le dispositif de l’ordonnance au-delà du 31 janvier.

Ma chère collègue, nous ne privons d’aucune chance les entreprises en leur disant : allons-y une haie après l’autre, en prévoyant déjà ce régime jusqu’à la fin de l’état d’urgence, que nous espérons pour le 31 janvier au plus tard. Si l’état d’urgence se prolonge, nous traiterons le problème de la même façon.

Plus complexe – car le diable est dans les détails – est la question que vous posez sur la date limite d’approbation des comptes.

Comme chacun le sait, une société anonyme, après avoir arrêté ses comptes, dispose d’un délai de six mois pour les faire approuver par son assemblée générale. Compte tenu du confinement mis en place au mois de mars, une ordonnance a fort opportunément été prise pour reculer la date d’établissement des comptes, ce qui a une conséquence sur la date d’approbation des comptes par l’assemblée générale.

En examinant les choses dans le détail, nous avons constaté que votre amendement n° 66 comportait des inconvénients.

Prenons le cas d’une société dont l’exercice social court du 1er juillet au 30 juin de l’année suivante. Elle doit normalement faire approuver ses comptes par l’assemblée générale dans un délai de six mois suivant leur clôture, soit avant le 30 décembre. Grâce à l’ordonnance du 25 mars dernier, ce délai est prolongé de trois mois, jusqu’au 30 mars, pour l’exercice clos le 30 juin. Or votre amendement rétablirait pour cette société un couperet au 31 janvier, c’est-à-dire trois mois plus tôt, ce qui n’est pas votre souhait – vous l’avez fort bien expliqué.

Pour la commission, ce problème de rédaction s’oppose à l’adoption de l’amendement n° 66.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Même avis que le rapporteur. Je ne saurais être plus complète…

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 undecies.

(Larticle 3 undecies est adopté.)

Article 3 undecies (nouveau)
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Article 3&#160;duodecies&#160;(nouveau)

Article additionnel après l’article 3 undecies

Mme le président. L’amendement n° 66, présenté par Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3 undecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du I de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l’épidémie de covid-19, les mots : « sont prorogés de trois mois » sont remplacés par les mots : « sont prorogés jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique ».

Cet amendement a été précédemment soutenu.

La commission et le Gouvernement ont fait connaître qu’ils y sont défavorables.

Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 undecies - Amendement n° 66
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Article 3 terdecies (nouveau)

Article 3 duodecies (nouveau)

I. – Jusqu’à la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique :

1° Les délais, durées et durées maximales mentionnés à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 611-6, aux première et seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 621-3, à la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 621-12, à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 622-10, aux première et seconde phrase du premier alinéa ainsi qu’au second alinéa de l’article L. 644-5 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 661-9 du code de commerce sont augmentés de trois mois ;

2° Sans préjudice du dernier alinéa de l’article L. 611-7 du même code, la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 611-6 dudit code n’est pas applicable ;

3° Le I de l’article L. 631-15 du même code n’est pas applicable ;

4° Le tribunal peut prolonger la durée prévue au dernier alinéa de l’article L. 645-4 du même code pour une durée maximale de trois mois, auquel cas la durée maximale mentionnée au premier alinéa de l’article L. 645-6 du même code est augmentée à due concurrence ;

5° Le président du tribunal, statuant sur requête de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, du liquidateur ou du commissaire à l’exécution du plan, peut prolonger les délais impartis à ces derniers d’une durée maximale de trois mois ;

6° Dans le cas où, en application du 5° du présent I, le président du tribunal prolonge le délai imparti à l’administrateur ou au liquidateur pour notifier des licenciements, la durée mentionnée au b du 2° de l’article L. 3253-8 du code du travail est augmentée à due concurrence ;

7° Les relevés des créances résultant d’un contrat de travail sont transmis sans délai par le mandataire aux institutions de garantie mentionnées à l’article L. 3253-14 du code du travail. Le premier alinéa de l’article L. 625-1 et l’article L. 625-2 du code de commerce s’appliquent sans avoir pour effet l’allongement du délai de cette transmission.

II. – Le I est applicable aux procédures en cours à la date de publication de la présente loi, ainsi qu’aux procédures ouvertes entre cette même date et la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.

III. – Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna. – (Adopté.)

Article 3&#160;duodecies&#160;(nouveau)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 3 quaterdecies (nouveau)

Article 3 terdecies (nouveau)

I. – Le premier alinéa du I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure est complété par les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique ».

II. – Le premier alinéa du I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 relatif aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport est complété par les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique ».

Mme le président. L’amendement n° 64, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Jomier, Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.… – L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 précitée est ainsi modifié :

1° Le 1° du I est abrogé ;

2° À la seconde phrase du V, les mots : « dix-huit » sont remplacés par le mot : « six ».

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Un grand nombre de nos concitoyens se sont trouvés, depuis le mois de mars, dans la situation de subir l’annulation d’une prestation : voyage, vol, spectacle, manifestation sportive. Le présent amendement vise à les protéger.

Le projet de loi reprend le dispositif d’une ordonnance prise au mois de mars : les personnes qui ne bénéficieraient pas d’une prestation ne pourraient plus bénéficier que d’un avoir, et non pas d’un remboursement ; cet avoir serait valable pendant dix-huit mois, après quoi, s’il n’a pas été utilisé, le remboursement pourrait peut-être avoir lieu.

Nous proposons de distinguer deux types de situations : les voyages, d’une part, et les spectacles et manifestations sportives, d’autre part.

Le cas des voyages est régi par des directives européennes, imposant que le choix entre l’avoir et le remboursement soit proposé au client. D’ailleurs, certains acteurs, dont Air France, ont été rappelés à l’ordre par la Commission européenne, car ils ne respectaient pas ces dispositions. En vertu de cette réglementation européenne, il faut prévoir le remboursement pour les voyages.

En revanche, pour la culture et le sport, on peut considérer que le remboursement peut être difficile pour les entreprises concernées. Nous sommes donc d’accord pour la formule de l’avoir, mais nous proposons que sa validité soit réduite à six mois. D’ailleurs, il est illusoire de penser que ces entreprises, qui seront sans doute en difficulté, pourront continuer au-delà.

Le dispositif actuellement prévu serait contre-productif – la SNCF ne s’y est pas trompée. En effet, si vous voulez encourager les personnes à consommer, à aller au spectacle, il faut leur garantir qu’elles seront remboursées en cas d’annulation. Si elles savent qu’elles risquent de ne pas être remboursées, elles n’iront pas au spectacle, et tout le monde sera perdant !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a souhaité traiter de la même manière les voyages, les spectacles et les manifestations sportives.

Le régime de l’avoir paraît approprié et ne lèse pas les consommateurs dans la mesure où, si l’on ne peut résoudre l’avoir par une consommation de voyage, de culture ou d’événement sportif au-delà d’un certain délai, il sera remboursé. Restons-en là, s’il vous plaît. L’avis est donc défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Même avis.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je suis un peu étonné par ces avis, parce que la directive 2015/2302 vise, non pas simplement les vols en avion, mais tous les voyages à forfait et toutes les prestations de voyage liées. L’article 11 est très précis : en cas de résiliation du contrat, un remboursement doit être effectif dans les quatorze jours si une autre prestation n’est pas acceptée par le client. Il y va de la protection du consommateur.

Or on a donné à penser à des prestataires de voyages qu’il pouvait en être différemment. Aux mois de mars et d’avril, des centaines de Français ont acheté successivement plusieurs billets d’avion pour des voyages qui furent ensuite annulés, puis ces Français se sont retrouvés bloqués dans le pays dans lequel ils se trouvaient parce qu’ils n’avaient plus les moyens de se payer un autre billet d’avion.

La protection du consommateur reste quoi qu’il arrive une nécessité. Le respect du droit européen n’est pas une option, monsieur le rapporteur, c’est une obligation.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Dans la situation actuelle, nombreux sont nos concitoyens qui se sont engagés dans des procédures souvent complexes, par le biais d’internet ou, pis, de plateformes téléphoniques, pour essayer de se faire rembourser. Cet amendement tend à apporter un peu de lisibilité et de protection au consommateur. Cela me paraît aller dans le bon sens.

J’ai la chance cette année de suivre le cycle des hautes études de la culture. Les professionnels avec lesquels j’ai l’occasion de discuter dans ce cadre m’ont indiqué qu’un certain nombre de spectateurs ont fait le choix de ne pas demander le remboursement de leurs tickets afin d’apporter leur soutien au monde de la culture en ce moment particulièrement difficile.

Dans le monde du sport, un certain nombre de championnats ont été arrêtés. Des supporteurs ont aussi fait le choix de soutenir leurs équipes respectives en ne demandant pas le remboursement de leurs tickets. C’est une manière de soutenir son club, son théâtre ou tout autre prestataire. Ce choix est éminemment respectable ; il est de notre devoir de le souligner en cette occasion.

Je soutiendrai cet amendement, car il tend à donner au consommateur la possibilité de se faire rembourser ou non en fonction de ce qu’il souhaite.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 87, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

II. – L’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article 1er est complété par les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique » ;

2° Au premier alinéa du I de l’article 2, après le mot : « inclus », sont insérés les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Amendement de précision.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 terdecies, modifié.

(Larticle 3 terdecies est adopté.)

Article 3 terdecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 3 quaterdecies - Amendements n° 50, n° 51 et n° 75 rectifié

Article 3 quaterdecies (nouveau)

L’article L. 6327-1 du code des transports est ainsi modifié :

1° La première occurrence des mots : « de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers » est remplacée par les mots : « a dépassé cinq millions de passagers lors de l’une des cinq années civiles précédentes » ;

2° À la fin, la seconde occurrence des mots : « de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers » est remplacée par les mots : « dont le trafic annuel a dépassé cinq millions de passagers lors de l’une des cinq années civiles précédentes ».

Mme le président. L’amendement n° 88, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

dont le trafic

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 88.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 quaterdecies, modifié.

(Larticle 3 quaterdecies est adopté.)

Article 3 quaterdecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 3 quaterdecies - Amendement n° 29

Articles additionnels après l’article 3 quaterdecies

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 50, présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3 quaterdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3131-14 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les licenciements sont interdits durant l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à la fin des mesures d’accompagnement des entreprises. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, vous le savez, il y a beaucoup de colère chez les salariés. Ils ont l’impression – et ce n’est pas qu’une impression – de payer la crise sanitaire, alors que les grands groupes, que nous distinguons bien des PME, des artisans et des commerçants qui sont dans la même difficulté que leurs salariés, en profitent pour licencier. Or ces groupes bénéficient d’aides indirectes, comme le chômage partiel, ou directes, comme les prêts garantis par l’État. Nous pensons donc qu’il faut interdire les licenciements aux grands groupes qui ont fait appel au chômage partiel. L’Espagne et l’Italie l’ont fait : c’est donc faisable.

Permettez-moi d’illustrer mon propos par un exemple parmi d’autres – mon collègue Savoldelli pourrait vous parler de Renault, la présidente Assassi de la plateforme de Roissy –, tant les grands groupes qui licencient et profitent de cette crise sont nombreux.

Tui est le plus grand groupe de tourisme, avec des filiales comme Look Voyages ou Marmara. En cinq mois, pendant la crise, ce groupe a économisé 3,9 millions en salaires – ce sont les chiffres de l’expert indépendant nommé par le CSE –, alors qu’il a bénéficié de 1,7 million d’euros d’exonérations de cotisations sociales et patronales. Dans le même temps, la maison mère, basée en Allemagne, a reçu 2 milliards d’euros de PGE, dont 100 millions d’euros uniquement pour la filiale française.

Au lendemain du déconfinement, 600 des 900 salariés en France ont été virés par visioconférence, le PDG étant confiné au Maroc… Quand ils voient les chiffres, ces 600 salariés ressentent beaucoup de colère. Ils se disent que, lorsqu’une entreprise bénéficie d’aides directes, ou indirectes comme le chômage partiel, on pourrait lui interdire de licencier.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme le président. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3 quaterdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3131-14 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pendant la crise sanitaire, les licenciements sont interdits pour :

« 1° Les entreprises qui versent des dividendes à ses actionnaires durant la même période ;

« 2° Les entreprises dont des filiales ou établissements sont établis dans des États et territoires non coopératifs. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Au début du confinement, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, avait appelé les grands groupes du CAC 40 à la modération dans le versement des dividendes. Soit il n’a pas été entendu, soit il n’a pas parlé assez fort, car il y a eu incompréhension.

Pas moins de 100 % des entreprises du CAC 40 ont été aidées, soit par un prêt garanti par l’État, soit par le chômage partiel, soit par l’exonération de cotisations sociales et patronales ou des remises d’impôts de production. Or deux tiers de ces entreprises ont versé des dividendes ; huit ont même fait l’exploit d’augmenter leurs dividendes au cours de la période. Au total, 34 milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires par les entreprises du CAC 40.

Constatant cet échec, Bruno Le Maire a précisé qu’il s’agissait du versement en 2020 des dividendes de l’année 2019. Envisagez-vous d’interdire à ces entreprises du CAC 40, qui ont toutes été aidées, le versement en 2021 des dividendes de l’année 2020 ?

Par ailleurs, nous pensons qu’en cette période il faut au moins interdire aux entreprises qui versent des dividendes de licencier. Cela suscite une colère incroyable chez les salariés, et ils ont raison : ils constatent que les grands groupes privés vont bénéficier de beaucoup d’argent dans le cadre du plan de relance, alors qu’à la fin ce sont eux, les salariés, qui paieront la crise.

Telles sont les deux propositions assez concrètes que nous faisons pour les salariés de ce pays.

Mme le président. L’amendement n° 75 rectifié, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3 quaterdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le présent article est applicable aux personnes morales de droit privé exerçant une activité économique non affectée par les mesures de police administrative prises en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l’article L. 3131-17 du même code, et aux entreprises n’ayant pas connu de diminution de leur chiffre d’affaires depuis la promulgation de cette loi.

II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date de sortie de l’état d’urgence, tout licenciement, individuel ou collectif, fondé sur un motif économique, d’ordre conjoncturel ou structurel, est subordonné à une autorisation de l’autorité administrative compétente qui doit statuer en regard de la nécessité de préserver l’emploi et de protéger les salariés dans le cadre de la crise de la covid-19.

Pendant cette même période, aucune suspension du contrat de travail ne peut être mise en œuvre et aucune exécution d’un préavis ne peut être engagée.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Si un grand nombre d’entreprises souffrent de la conjoncture actuelle, d’autres souffrent beaucoup moins, qu’elles parviennent à tirer leur épingle du jeu ou qu’elles continuent simplement à fonctionner normalement.

Nous proposons de rétablir ce qui était autrefois l’autorisation administrative de licenciement, c’est-à-dire l’intervention d’un tiers qui viendrait juger de l’opportunité de chaque licenciement. C’est très ancien, mais je me souviens bien de la fin de cette autorisation administrative de licenciement : sa suppression était censée permettre de créer énormément d’emplois, mais ça n’a jamais été le cas.

Je rappelle que nous discutons de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Ce rétablissement serait donc effectif pour une période donnée. Il permettrait, pour cette période donnée, de protéger des salariés qui peuvent être victimes de licenciements que nous pouvons qualifier d’opportunistes.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Ces questions me sont très familières, car il s’agit d’un domaine de spécialité de la commission des lois.

L’amendement n° 50, même s’il est inspiré par de bonnes intentions, me paraît largement contre-productif.

Imaginez que, dans une entreprise artisanale, un salarié ait commis une faute professionnelle grave : il deviendrait impossible de le licencier parce qu’on est en temps d’épidémie. Imaginez qu’un salarié se trouve être le seul employé de l’entreprise – un commerce, par exemple, ou une petite entreprise artisanale – et que, faute d’autre moyen de se sauver, elle soit sur le point de déposer son bilan et de licencier à grand regret son ouvrier : elle se verrait interdire de le faire. On préfère donc dans ce cas que non seulement le salarié n’ait plus d’emplois, mais que l’artisan ou le commerçant n’en ait plus non plus et qu’il n’y ait pas de chance de redressement pour cette entreprise.

Parfois les intentions les plus généreuses, surtout quand elles sont sur le compte d’autrui, peuvent se retourner contre l’intérêt social que l’on vise.

L’amendement n° 51 a l’habileté de ne toucher que des entreprises qui versent des dividendes. Mais, enfin, il y a aussi des petites entreprises – et c’est heureux – qui versent des dividendes ! Ces petites entreprises ont droit de notre part à une certaine attention, d’autant plus que, quand on décide du versement des dividendes, parce que les comptes de l’année précédente ont été bons, la situation de l’entreprise, si la conjoncture s’est retournée, peut-être très mauvaise. Par conséquent, les rigidités que le présent amendement vise à introduire me semblent tout à fait mal venues.

Quant à l’amendement n° 75 rectifié, faites attention, mes chers collègues : vous voulez rétablir l’autorisation administrative de licenciement pour motif économique dans les entreprises dont les activités économiques ne sont pas affectées par les mesures de police administrative qui sont prises pour lutter contre le covid. Vous observez pourtant que la frontière entre les entreprises qui sont affectées par les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le covid et les entreprises qui ne seraient pas affectées – on se demande lesquelles – est extrêmement difficile à établir. En l’absence de règle claire, c’est un nid à contentieux. D’ailleurs, aucun secteur économique aujourd’hui n’est épargné, même si certains sont plus touchés que d’autres.

Je vois bien la générosité de l’intention, mais je crains fort que de telles dispositions ne contribuent à aggraver la crise économique et sociale. Pour cette raison, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les amendements nos 50, 51 et 75 rectifié.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je partage les recommandations du rapporteur.

Monsieur le sénateur Gay, malgré son caractère exceptionnel, la situation actuelle ne permet pas d’envisager une interdiction générale et absolue de toute rupture des contrats de travail. Je connais – comme vous, je suppose – des entrepreneurs qui pleurent lorsqu’ils doivent licencier. Vous évoquez les grands groupes, mais la situation est plus compliquée.

L’activité partielle et les aides que le Gouvernement a activées pendant cette période ont permis de protéger, non pas seulement les entreprises, mais également les salariés. Soyez assuré que le Gouvernement sera vigilant partout sur le territoire à ce qu’aucun abus de ce type ne soit pratiqué dans ces circonstances, ce qui serait déplorable.

Par son caractère trop général, l’interdiction des suspensions de contrat de travail que l’amendement n° 75 rectifié vise à introduire risquerait de porter atteinte aux causes de suspension qui font l’objet d’un régime juridique protecteur.

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 50, 51 et 75 rectifié.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. C’est la quatrième fois que nous avons ce débat.

M. Philippe Bas, rapporteur. On l’avait aussi dans les années 1970 !

M. Fabien Gay. Mais nous allons continuer, madame la ministre, parce que, quand je vous écoute – pas d’interdiction des licenciements, pas de contrôle a posteriori des licenciements, pas de contrôle des aides publiques et même pas d’évaluation de ces aides –, je comprends que, dans cette période, les entreprises ont tous les droits mais pas beaucoup de devoirs.

Il est un peu facile de botter en touche comme vous l’avez fait, monsieur le rapporteur. Je parle bien des grands groupes, et non des PME, des petits artisans et des commerçants, que nous soutenons.

M. Philippe Bas, rapporteur. Non !

M. Fabien Gay. Si ! Nous avons fait beaucoup de propositions pour les aider, et nous en ferons encore dans le PLF.

Il reste que les grands groupes comme General Electric, qui a profité de la crise pour supprimer un millier d’emplois, sachant que cette suppression était déjà prévue avant la crise, McAfee, Airbus ou Renault – la liste est tellement longue que nous pourrions y passer toute la nuit – sont en train de faire payer la crise. Prenons aussi l’exemple de Bridgestone : il faudra bien que nous légiférions pour récupérer l’argent, car nous ne disposons actuellement d’aucun moyen législatif de le faire.

Je souhaite vous poser deux questions extrêmement précises sur le chômage partiel, madame la ministre.

Compte tenu des fraudes constatées, Mme la ministre Borne avait commencé un contrôle sur le chômage partiel. Pendant la crise, la proportion d’entreprises qui ont activé le chômage partiel en continuant à faire travailler leurs salariés était de une sur trois. Les chiffres qui nous ont été communiqués au mois de juillet étaient assez inquiétants. Depuis, nous n’avons plus de nouvelles des contrôles effectués. Où en sommes-nous ?

Par ailleurs, le chômage partiel de longue durée a été activé. C’est une bonne chose, même si, malgré l’accord signé par les salariés et les syndicats, nous continuons de penser que, 84 % du salaire, ce n’est pas assez. Notre groupe continue à pousser pour porter l’indemnisation à 100 %, car ce n’est pas aux salariés de payer la crise. Nous avons toutefois une vraie inquiétude, car nous constatons qu’un certain nombre d’entreprises dont le carnet de commandes est différé mais toujours plein, notamment chez les sous-traitants aéronautiques, préfèrent licencier plutôt que d’activer ce chômage partiel de longue durée.

Mme le président. Merci, cher collègue !

M. Fabien Gay. Il faut que le Gouvernement ait une vraie discussion…

M. Fabien Gay. … avec ces entreprises.

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Ces trois amendements tendent à éviter la fraude au chômage partiel. Permettez-moi de rappeler que nous avions voté ici même, au Sénat, l’interdiction des aides aux entreprises qui avaient des filiales directes ou indirectes dans les paradis fiscaux. Cette disposition ayant sauté lors des travaux de la commission mixte paritaire, elle a fait l’objet d’une circulaire. Vous conviendrez que la valeur juridique d’une circulaire n’est pas tout à fait la même que celle d’une loi.

S’agissant des contrôles a posteriori, madame la ministre, nous avons bien compris qu’il fallait aller vite devant cette situation totalement inédite, mais celle-ci perdure. Quelque 25 000 à 30 000 contrôles ont été effectués, mais, puisque la situation perdure, il faut désormais effectuer des contrôles a priori.

Lors d’une discussion précédente, j’avais moi aussi déposé un amendement visant à rétablir l’autorisation administrative de licenciement. Ce n’était pas une vraie autorisation administrative de licenciement, mais plutôt un contrôle du chômage partiel, dispositif qui va tout de même nous coûter une fortune.

Dans quelques jours, nous examinerons le PLFSS, puis, juste après, le PLF. Nous aurons de nouveau cette discussion, car il n’est pas possible de donner des millions – notre collègue Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », va faire des sauts de carpe compte tenu de ce que nous coûtent les dispositifs…

M. Jérôme Bascher. Pas tant que ça !

Mme Nathalie Goulet. Quoi qu’il en soit, nous avons un endettement extravagant, et il nous faudra bien contrôler ces dépenses.

Ces amendements sont peut-être mal rédigés, ce n’est pas le bon moment, etc., mais le sujet reste entier – nous en avons longuement débattu avec Mme Pannier-Runacher – : il est nécessaire d’établir un contrôle a priori des licenciements et du chômage partiel.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. On comprend les bonnes intentions qui ont présidé au dépôt de ces amendements, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions.

J’observe une très grande différence entre la rédaction de votre amendement, mon cher collègue, et votre exposé oral. Vous évoquez oralement les grands groupes, mais, si nous adoptions votre amendement, la disposition qu’il vise à introduire s’appliquerait à toutes les entreprises, y compris, comme l’ont souligné M. le rapporteur et Mme la ministre, aux toutes petites entreprises. Ce serait quelque chose de très négatif pour l’activité.

Nos entreprises sont dans une situation difficile, et aucun chef d’entreprise, que ce soit le dirigeant d’une petite entreprise ou d’un grand groupe, ne licencie par plaisir. Or, dans tous les pays qui ont introduit des rigidités de cette nature, on a constaté, non seulement que ces mesures étaient inefficaces économiquement, mais qu’elles pouvaient même, à certains égards, être dangereuses socialement.

Nous devons adopter une position de sagesse. Comme l’a indiqué notre collègue Nathalie Goulet, peut-être faudra-t-il contrôler l’utilisation du chômage partiel pour prévenir certains abus qui peuvent être choquants, mais, en tout état de cause, nous ne devons pas opter pour des schémas administrés. Il y aura toujours de bonnes personnes qui, avec de bonnes intentions, voudront pérenniser ces schémas une fois que nous serons sortis de la crise, alors que nous aurons pu constater qu’ils sont économiquement contre-productifs et socialement inefficaces.

Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Monsieur le rapporteur, je ne partage pas votre conviction que toutes les entreprises souffrent de près ou de loin de la situation actuelle, même s’il est vrai que beaucoup souffrent terriblement et que les conséquences seront dramatiques pour les salariés. Certaines entreprises – Le Monde publie aujourd’hui un article sur ce sujet – vont tirer leur épingle du jeu.

Nous ne sommes pas simplement de doux rêveurs mus par de bonnes intentions ; nous évitons aussi d’être naïfs. J’en veux pour preuve les chiffres, qui sont terribles. J’ai d’ailleurs des exemples dans mon entourage – je suis certaine que, pour la plupart, vous en avez aussi, mes chers collègues – de fraudes au chômage partiel. Les grands groupes ne sont pas les seuls concernés : de petites et moyennes entreprises ont continué à faire travailler du personnel tout en percevant le chômage partiel.

Il ne faut pas jeter l’opprobre sur toutes ces entreprises qui souffrent actuellement. La plupart ne souhaitent pas se séparer de leurs salariés, et, lorsqu’elles y sont conduites, elles le font avec énormément de ressentiment. Pour autant, il ne faut pas être naïf : nous savons que certaines d’entre elles tirent leur épingle du jeu.

Nous sommes dans une situation d’urgence. Les dispositions que nous proposons seront donc effectives pour une période délimitée. Je n’entends pas rétablir l’autorisation administrative de licenciement définitivement – même si cela pourrait se discuter dans certains domaines –, mais pour cette période durant laquelle nous devons protéger, certes les entreprises, mais aussi les salariés.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Mon collègue Fabien Gay propose aussi une aide pour les finances de l’État, madame la ministre. Dans quelques semaines, nous devrons affronter 210 ou 220 milliards d’euros de déficit de l’État.

M. Pascal Savoldelli. Vous comprendrez que les parlementaires que nous sommes regardent où va l’argent public.

Il arrive que, dans cet hémicycle, l’un d’entre nous, pris de passion, attribue la propriété de telle ou telle question, comme celle des entreprises, à un camp politique. Les difficultés des entreprises n’appartiennent pourtant à aucun groupe politique, pas plus que le constat que beaucoup d’entreprises vont mal.

Les exemples qu’a donnés Fabien Gay se retrouvent dans la situation de la dette privée, madame la ministre. La dette privée atteint – le savez-vous ? – plus de 150 %. Cela traduit certes des choix d’entreprises, mais aussi le hold-up que les marchés financiers opèrent sur nos entreprises.

Dans ce contexte, vous comprendrez que nous soyons amenés à poser la question de la conditionnalité des aides publiques aux entreprises. Vous allez me répondre que c’est difficile. Bien sûr que c’est difficile, mais alors que la dette des entreprises progressait de 2,1 % dans la zone euro, elle progressait de 6,4 % en France !

C’est pourquoi, comme l’a indiqué mon collègue, mon groupe considère qu’il faut davantage taper sur la table pour dénoncer certaines stratégies d’entreprise, mais aussi pour demander des comptes et un retour de l’argent public. Cet argent a été mal utilisé, au bénéfice d’actionnaires trop gourmands. Au Sénat, nous faisons souvent des comparaisons européennes, donc je répète les chiffres : 6,4 % de hausse de la dette privée en France, contre 2,1 % dans l’ensemble de la zone euro.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 75 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 quaterdecies - Amendements n° 50, n° 51 et n° 75 rectifié
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 4 (début)

Mme le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 3 quaterdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Par dérogation à l’article L. 411-11 du code de la sécurité intérieure, la durée maximale d’affectation des réservistes mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 411-7 du même code est portée, pour l’année 2021 :

1° Pour les retraités des corps actifs de la police nationale, à deux cent dix jours ;

2° Pour les autres réservistes volontaires, à cent cinquante jours ;

3° Pour les réservistes mentionnés au 2° du même article L. 411-7, à deux cent dix jours.

II. - Le contrat d’engagement des réservistes mentionnés aux 2° et 3° du I du présent article peut être modifié, par la voie d’un avenant, pour tenir compte de l’augmentation des durées maximales d’affectation conformément au même I.

Il ne peut être procédé à la modification du contrat d’engagement du réserviste salarié dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II qu’après accord de son employeur.

III. - Les I et II du présent article sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 445-1, L. 446-1 et L. 447-1 du code de la sécurité intérieure.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Cet amendement vise à permettre la prolongation du nombre maximal de vacations pouvant être effectuées en 2021 dans la réserve civile de la police nationale. Il s’agit ainsi de renforcer les capacités opérationnelles des missions de sécurité intérieure de la police nationale pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement inspire beaucoup de sympathie à la commission, parce qu’il reprend une disposition que nous avions pris l’initiative d’inscrire dans un texte de loi portant diverses mesures d’urgence dont le rapporteur était Mme Muriel Jourda. Vous proposez de prolonger les effets de cette disposition en 2021. Je m’en réjouis. L’avis est donc favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 quaterdecies.

Article additionnel après l'article 3 quaterdecies - Amendement n° 29
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 4 (interruption de la discussion)

Article 4

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger ou de rétablir l’application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d’ordonnance et à procéder aux modifications strictement nécessaires à leur prolongation, à leur rétablissement ou à leur adaptation, le cas échéant territorialisée, à l’état de la situation sanitaire, sur le fondement :

1° Du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, à l’exception :

a) (nouveau) Des quatrième à neuvième, onzième et douzième alinéas du b et des c à h du 1° ;

b) (nouveau) Des a à h et des j et l du 2° ;

c) (nouveau) Des 5° et 8° ;

1° bis (nouveau) Du f du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée en ce qui concerne les seuls contrats de la commande publique qui ne relèvent pas du code de la commande publique et les contrats publics emportant occupation du domaine public ;

2° De l’article 1er de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, à l’exception du 3° du I.

Les mesures mentionnées aux 1°, 1° bis et 2° du présent I peuvent entrer en vigueur, si nécessaire, à compter de la date à laquelle les dispositions qu’elles rétablissent ont cessé de s’appliquer et dans la mesure nécessaire à la continuité du bénéfice de droits et prestations ouverts par ces dispositions et relevant des collectivités publiques.

bis (nouveau). – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à élargir le champ des créances couvertes par l’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 du code du travail.

II. – En outre, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi et permettant, en tant que de besoin, de rétablir ou, lorsque cela est strictement nécessaire, d’adapter à l’état de la situation sanitaire, le cas échéant de manière territorialisée, les dispositions, notamment les périodes d’application ou périodes d’ouverture des droits, résultant :

1° (Supprimé)

2° De l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 ;

3° Des articles 41 et 52 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 précitée.

II bis (nouveau). – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger ou de rétablir l’application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d’ordonnance sur le fondement :

1° Du l du 2° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;

2° De l’article 36 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

III. – (Supprimé)

III bis. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation et afin d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’exercice des compétences des établissements publics de santé et des établissements de santé privés mentionnés aux b et c de l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi :

1° Dérogeant aux règles de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements de santé s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes, de leurs exécutifs et de leurs instances représentatives du personnel ;

2° Dérogeant ou adaptant les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que ces établissements de santé sont tenus de déposer ou de publier, notamment celles relatives à l’obligation de certification et aux délais, ainsi que celles relatives à l’affectation du résultat ;

3° Dérogeant ou adaptant les règles d’adoption et d’exécution des budgets ainsi que de communication des informations indispensables et d’analyse de leurs activités prévues par la loi.

IV. – (Supprimé)

V. – (Non modifié) Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai d’un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

Mme le président. La parole est à Mme Nadège Havet, sur l’article.

Mme Nadège Havet. Je salue les mesures économiques et sociales contenues dans l’article 4 du projet de loi, y compris dans sa version initiale.

Je pense aux mesures relatives à la prolongation du dispositif d’activité partielle et du fonds de solidarité pour les entreprises en difficulté, à propos desquels le Premier ministre a fait des annonces importantes cet après-midi.

Je pense également aux mesures relatives aux gardes d’enfants et à la continuité de l’accompagnement des personnes en situation de pauvreté. Ces mesures, dans un esprit partagé avec les mesures sanitaires décidées par ailleurs, ont une ambition cardinale : protéger les plus fragiles dans la période que nous vivons.

Je pense enfin aux mesures permettant d’assouplir les modalités de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs organes délibérants ; elles sont de nature à garantir la continuité de l’action publique locale.

Sur le fond, nous ne pouvons que soutenir ces dispositifs. Je pense que nous nous accordons tous sur ce point.

Pour ce qui concerne la méthode, il est essentiel de bien situer le débat. Je le répète, en tant que législateur, il ne nous est pas agréable de consentir à des habilitations. Quoique nous soyons d’accord sur ce point, mes chers collègues, nous ne pouvons nous en tenir à ce constat.

Sur quoi nous prononçons-nous, alors que nous allons prochainement débattre d’un rétablissement de l’article 4 tel qu’adopté par l’Assemblée nationale ? Nous débattons d’habilitations qui portent, à l’exception de deux d’entre elles – l’une a d’ailleurs été confirmée par notre commission –, sur des mesures que nous connaissons déjà : soit parce qu’elles ont été prises par de précédentes ordonnances auxquelles nous avions consenti, soit parce qu’elles ont été adoptées conformes dans la loi du 17 juin 2020.

Les mots de « singulière désinvolture » figurant dans le rapport pour qualifier l’attitude du Gouvernement à l’égard du Parlement ne semblent donc pas adaptés au contenu effectif du texte visé. Le débat sur la méthode doit bien sûr se tenir, mais il est nécessaire de s’accorder sur son objet.

Mme le président. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. L’objet doit-il prévaloir sur la méthode ou la méthode doit-elle prévaloir sur l’objet ?…

Les auteurs du présent amendement sont opposés à cette méthode qui vise à recourir à l’article 38 de la Constitution. Le Parlement ne peut se laisser ainsi déposséder de ses prérogatives législatives. Il n’est pas acceptable que, dans le cadre de cette pandémie, les représentants de la Nation et des territoires soient exclus de la sphère décisionnelle.

L’exécutif ne s’est que trop livré à un exercice solitaire du pouvoir. Il est grand temps que le législateur retrouve sa pleine part dans le processus d’élaboration de la loi. Nous demandons donc la suppression de cet article.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Vous avez raison : légiférer par ordonnance dans la période actuelle est encore plus choquant que d’habitude. Par conséquent, il faut y regarder de très près.

Précisément, si l’on regarde de très près, on fait un tri, tandis que votre amendement écarte toute possibilité d’accorder au Gouvernement la possibilité de légiférer par ordonnance. Or il y a des dispositions pour lesquelles nous pensons que c’est tout de même utile. C’est le cas pour l’aide aux entreprises, le chômage partiel, l’allongement des délais de paiement ou les règles de financement des hôpitaux, mais aussi pour l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux.

Nous partageons le même souci de faire respecter les droits du Parlement. La demande du Gouvernement, qui portait sur 70 habilitations, était vraiment tout à fait excessive. Nous avons donc pris des mesures pour réduire leur nombre à 30. Pour autant, nous ne pouvons pas supprimer toute habilitation dans la période actuelle. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je rejoins bien sûr l’avis du rapporteur sur certains points.

Le Gouvernement considère indispensable de disposer d’une autorisation pour rétablir ou prolonger certaines mesures d’accompagnement prises au printemps. À défaut, nous n’aurions aucune possibilité de répondre en temps utile à la crise sanitaire et ses multiples conséquences. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger ou de rétablir l’application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d’ordonnance et à procéder aux modifications nécessaires à leur prolongation, à leur rétablissement ou à leur adaptation, le cas échéant territorialisée, à l’état de la situation sanitaire, sur le fondement :

1° Du I de l’article 11, à l’exception du h du 1° et des a, b, d, e et h du 2°, et de l’article 16 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;

2° De l’article 1er de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Les mesures mentionnées aux 1° et 2° du présent I peuvent entrer en vigueur, si nécessaire, à compter de la date à laquelle les dispositions qu’elles rétablissent ont cessé de s’appliquer et dans la mesure nécessaire à la continuité du bénéfice de droits et prestations ouverts par ces dispositions et relevant des collectivités publiques.

II. – En outre, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par ordonnances, jusqu’au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi et permettant, en tant que de besoin, de rétablir ou d’adapter à l’état de la situation sanitaire, le cas échéant de manière territorialisée, les dispositions, notamment les périodes d’application ou périodes d’ouverture des droits, résultant :

1° Des articles 10 et 13 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée ;

2° De l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 ;

3° Des articles 5, 6 et 12, des I à III de l’article 32 et des articles 36, 41, 45, 47, 48, 49 et 52 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 précitée.

III. – Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par ordonnances, jusqu’au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant d’adapter le champ de compétence de l’Autorité de régulation des transports aux fins d’homologuer les tarifs des redevances pour services rendus mentionnées à l’article L. 6325-1 du code des transports et leurs modulations et de rendre un avis conforme au ministre chargé de l’aviation civile sur les projets de contrats mentionnés à l’article L. 6325-2 du code des transports.

III bis. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’exercice des compétences des établissements publics de santé et des établissements de santé privés mentionnés aux b et c de l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale en prenant toute mesure :

1° Dérogeant aux règles de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements de santé s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes, de leurs exécutifs et de leurs instances représentatives du personnel ;

2° Dérogeant ou adaptant les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que ces établissements de santé sont tenus de déposer ou de publier, notamment celles relatives à l’obligation de certification et aux délais, ainsi que celles relatives à l’affectation du résultat ;

3° Dérogeant ou adaptant les règles d’adoption et d’exécution des budgets ainsi que de communication des informations indispensables et d’analyse de leurs activités prévues par la loi.

IV. – Les projets d’ordonnance pris sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire. Le présent IV est applicable aux ordonnances signées jusqu’au 31 décembre 2020.

V. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai d’un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Voilà un autre point de divergence avec la commission.

Le Gouvernement souhaite rétablir l’article 4 du projet de loi dans la version adoptée par l’Assemblée nationale. Bien que je partage la préoccupation des parlementaires quant à la difficulté de laisser le Gouvernement légiférer par ordonnance, nous préférons disposer d’habilitations pour nous permettre de répondre à l’évolution rapide de la crise.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la ministre, je vois que le Gouvernement n’est pas prêt à discuter avec le Sénat : il souhaite rétablir les 70 habilitations législatives. Pour autant, il ne s’oppose pas à l’inscription, dans le projet de loi, de dispositions le dispensant de recourir à des ordonnances. Pour la plupart d’entre elles, il ne les a pas critiquées sur le fond. La raison est qu’il s’agit de questions que le Gouvernement avait prévu de traiter par ordonnances directement dans la loi.

Nous avons fait le travail que vous n’aviez pas eu le temps de faire – je sais que vous travaillez dans des conditions très difficiles –, et nous sommes parvenus à un résultat que nous pensions raisonnable et qui nous paraissait devoir être accueilli avec davantage de considération. Au lieu de cela, l’oracle tombe purement et simplement : vous rétablissez vos habilitations et vous ne tenez aucun compte de notre travail. Nous avons pourtant effectué un travail également très technique qui vous permettrait de trouver un accord avec le Sénat sur ce sujet essentiel. Comme vous êtes une parlementaire chevronnée, vous n’avez pas manqué de rappeler que vous partagez le souci qu’ont les parlementaires de ne pas déléguer le pouvoir législatif au Gouvernement sans raison impérieuse.

J’ai compris que, compte tenu des délais très brefs que le Gouvernement a eus pour présenter son projet de loi, vous n’aviez pas eu le temps. Par précaution, les fonctionnaires qui travaillent dans les ministères ont donc convaincu les ministres, qui ont eux-mêmes convaincu le Premier ministre, de demander des habilitations. Le Gouvernement n’ayant pas envisagé de revenir devant le Parlement avant le mois d’avril, c’était évidemment son dernier point d’eau avant le désert.

Nous vous offrons une double chance : traiter dans la loi des problèmes que vous vouliez régler par ordonnance et, si jamais il y avait un malheureux oubli, revenir assez vite devant le Parlement pour le corriger.

Mes collègues de la commission des lois et moi-même, ainsi que, sans doute, l’ensemble des sénateurs qui participent à cette délibération cette nuit, sommes vivement contrariés…

M. Philippe Mouiller. Ça, c’est sûr !

M. Philippe Bas, rapporteur. … de voir que le Gouvernement tient…

Mme le président. Merci, cher collègue !

M. Philippe Bas, rapporteur. … pour négligeable le travail du Parlement.

Madame la présidente, la commission ne pense pas abuser du droit qu’elle détient, du fait de notre règlement intérieur, de s’exprimer jusqu’à ce qu’elle ait terminé d’argumenter.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Nous partageons l’avis du rapporteur, d’autant plus qu’il y a eu quelques ordonnances signées ces derniers temps qui ont un peu surpris, et pas seulement sur les travées du groupe CRCE. Par exemple, celle signée le 20 mai 2020 qui déroge à l’article 642 du code de commerce en permettant à un dirigeant d’entreprise qui a placé son entreprise en liquidation judiciaire de venir la racheter à la barre. Ce n’est pas un petit fait ! Auparavant, lorsque vous placiez votre entreprise en liquidation judiciaire, ni vous, ni un ayant droit, ni un membre de votre famille jusqu’au second degré ne pouvait venir racheter partiellement ou totalement l’entreprise.

Je ne parle pas là des petits commerçants, mais d’une entreprise comme Alinéa, qui appartient à la famille Mulliez. Je ne suis pas sûr que la famille Mulliez ait versé beaucoup de larmes lorsqu’elle a liquidé son entreprise, et au passage 1 000 salariés, puis qu’elle l’a rachetée pour une bouchée de pain. Il en va de même pour les dirigeants de Camaïeu, d’Inteva Products, de Phildar ou d’Orchestra.

Quel effet d’aubaine, madame la ministre, que d’effacer la dette, de faciliter les licenciements et de faire payer par l’Unédic les salaires entre-temps ! Nous voudrions savoir quand cette ordonnance prendra fin, car, pour l’instant, elle ne profite qu’aux grands groupes. Ce sont toujours les salariés qui paient la crise, et, dans le cas d’Alinéa, ils la paient assez fortement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 9, présenté par Mme Valérie Boyer, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement d’appel vise à mettre un frein à l’abaissement du Parlement et à la dépossession de ses prérogatives.

Le Parlement ne doit pas être exclu des décisions. Il n’est pas la chambre d’enregistrement des désirs du Président de la République. Il est très important que nous puissions nous exprimer.

Le travail de la commission a éclairé les visées de cet amendement, puisque nous sommes passés de 70 habilitations à 30. Je salue ce travail, mais j’insiste sur le fait qu’il est important que la représentation nationale puisse s’exprimer, surtout dans la situation doublement douloureuse que nous traversons avec la crise sanitaire et la crise terroriste.

Mme le président. L’amendement n° 48, présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

quatrième

par le mot :

sixième

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 49 et 47.

Mme le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 49, présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

quatrième

par le mot :

cinquième

L’amendement n° 47, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

c à

insérer les mots :

d et du f au

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. Les amendements nos 48 et 49 visent à supprimer des dérogations au droit du travail. Nous proposons de retirer deux dispositions maintenues dans le champ des habilitations qui vont être prolongées jusqu’en février et auxquelles nous étions opposés : la possibilité de déroger aux règles du droit au repos hebdomadaire et dominical des salariés et la possibilité de déroger aux règles du temps de travail pour les entreprises relevant de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale. Si j’ai bonne mémoire, le Sénat avait déjà refusé quasiment à l’unanimité de remettre en cause la question du repos des salariés.

L’amendement n° 47 vise à prolonger la trêve hivernale, sujet qui a été abordé lors du débat de cet après-midi avec le Premier ministre. En la matière, nous avons le devoir d’anticiper : qui pense ici que le virus va s’arrêter de circuler le 31 mars ? Personne, je le sais ! L’exécutif n’arrête pas de nous demander les pleins pouvoirs, presque jusqu’au 1er avril. Il ne peut donc pas nous refuser de rétablir l’habilitation offrant la possibilité de prolonger la trêve hivernale.

Tout le monde ici le sait, nous franchissons un nouveau seuil du point de vue de la pauvreté. Notre groupe a regardé ce qu’il en coûte aux familles les plus modestes. Leur loyer oscille entre 35 % et 44 % de leurs revenus. Vous le savez, madame la ministre, mais le savoir est une chose, agir en est une autre.

Que des salariés travaillent le dimanche ou la nuit, oui, mais à condition que ce soit justifié et qu’on ne le leur impose pas de manière unilatérale. Ce sujet doit être réglementé, des critères doivent être définis et il doit faire l’objet d’une convention collective. Faisons le pari de l’intelligence des salariés !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je voudrais dire à notre collègue Valérie Boyer que nous allons exactement dans la même direction : limiter drastiquement le nombre d’habilitations législatives. Cependant, quand on regarde les choses dans le détail, il me semble que votre amendement, ma chère collègue, va un peu trop loin. Son adoption priverait les ordonnances de la possibilité de prévoir un certain nombre d’aides aux entreprises, telles que le chômage partiel, l’allongement des délais de paiement ou les règles de financement des hôpitaux ainsi que l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux.

Je suis sûr que votre intention n’est pas d’empêcher que ces mesures soient prises comme elles l’ont été, par ordonnances, dans la première partie de ce combat contre le covid-19. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement pour rejoindre la position de la commission, qui me paraît très largement se superposer à la vôtre.

Je voudrais dire à Mme Assassi et aux membres de son groupe que nous avons eu la même idée. Dans le texte de la commission, nous avons expressément exclu les habilitations à légiférer par ordonnance pour imposer la prise de congés aux salariés dans le secteur privé comme dans le secteur public. Je crois que vous avez raison de le souhaiter, puisque nous le souhaitons aussi. Une telle mesure devrait être débattue par le Parlement, après avoir été concertée avec les partenaires sociaux si elle était jugée opportune, ce qui n’est pas nécessairement le cas.

Il en va de même pour les dérogations au droit du travail concernant les entreprises nécessaires à la continuité de la vie économique et sociale : c’est déjà exclu par le texte de la commission. Si vous acceptiez, vous aussi, de retirer les amendements nos 48 et 49, je crois qu’on gagnerait un peu de temps, puisqu’ils me paraissent tout à fait satisfaits.

En revanche, votre amendement n° 47, nous ne l’avons pas satisfait, puisque nous sommes en désaccord avec lui. La raison est qu’il vise à prolonger la trêve hivernale au-delà du 31 mars 2021. Nous ne pouvons affirmer que le covid sera toujours actif à cette période. Nous aurons l’occasion de débattre s’il faut prolonger la trêve hivernale, comme cela a été fait cette année. Nous ne pouvons, en tout cas, préjuger la situation en mars prochain du point de vue des contaminations, même si nous espérons tous que nous serons tirés d’affaire.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Sur les amendements nos 9, 48 et 49, l’avis est défavorable.

Sur l’amendement n° 47, qui va dans le sens souhaité par le Gouvernement de prolonger la trêve hivernale, l’avis est favorable.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Compte tenu de ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, nous retirons les amendements nos 48 et 49.

Je rappelle ce que disait notre groupe en mars dernier : « Demain, les risques d’une seconde ou d’une troisième vague de covid-19 justifieront le maintien de ces dispositifs dérogatoires temporaires. »

Nous sommes dans un mouvement sans fin dans lequel le Parlement n’a aucune prise. Il y a deux corps totalement mis de côté : les salariés et les parlementaires. On décide des jours de congé et de repos, des conditions de travail et du travail de nuit des premiers, qui n’ont pas le droit à la parole. Quant aux parlementaires, ils votent, débattent, prennent la parole respectueusement, mais rien ne se passe ou ne change.

Je crains que ce que nous avons dit en mars et que nous répétons en octobre, nous ne devions le répéter à l’avenir du fait d’autres circonstances qui feraient déroger au droit du travail. À force d’y déroger, on tue le travail !

Mme le président. Les amendements nos 48 et 49 sont retirés.

Madame Boyer, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?

Mme Valérie Boyer. Non, je le retire.

Mme le président. L’amendement n° 9 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 62, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Jomier, Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 19 et 21

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement de Mme Marie-Pierre de La Gontrie est très important. En effet, il illustre parfaitement le caractère pernicieux qu’a le recours inconsidéré aux ordonnances.

L’habilitation demandée offre la possibilité de déroger aux règles de fonctionnement et de gouvernance des établissements de santé, s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes, de leurs exécutifs et leurs instances représentatives du personnel, et aux règles d’adoption et d’exécution des budgets ainsi que de communication des informations indispensables.

On a beaucoup applaudi les personnels hospitaliers. Or, par cet article, voilà qu’on ouvre la possibilité de retirer tout pouvoir à leurs représentants au sein des conseils de surveillance des hôpitaux. Une telle disposition est totalement indéfendable ! Quand on connaît les conseils de surveillance des hôpitaux, on sait déjà que le pouvoir des personnels est assez limité.

Cela signifie que, par une simple ordonnance, on va mettre à bas ce qui fait l’intérêt et l’importance des conseils de surveillance des hôpitaux. Ce n’est pas correct, madame la ministre, et j’espère que vous allez vivement soutenir la suppression d’une entorse au droit des personnels hospitaliers.

Je le répète, ce n’est pas la peine de les applaudir et de dire, matin, midi et soir, tout ce qu’on leur doit pour, ensuite, prendre de telles mesures dérogatoires par rapport à leurs droits.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission s’est livrée à un examen très approfondi de cette question. Elle en a conclu qu’il valait mieux laisser le Gouvernement prendre une ordonnance. Il ne s’agit que de dispositions budgétaires et comptables ; ce ne sont pas les piliers de la gestion de l’hôpital qui sont en cause. Si l’on devait attendre le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, on arriverait trop tard.

Comme ce sont des matières essentiellement techniques qui n’appellent pas de grand débat de principe au Parlement, par exception à notre doctrine générale selon laquelle il ne faut pas accepter d’habilitation à légiférer par ordonnance, nous sommes opposés à cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je souhaite remercier le rapporteur, parce que c’est tout à fait l’esprit de l’ordonnance. En effet, il s’agit de permettre aux établissements de santé de se réorganiser et de concentrer l’ensemble de leurs moyens financiers et techniques sur la gestion opérationnelle de la crise, tout simplement.

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La demande d’habilitation qui figure dans le projet de loi recouvre trois champs.

Le premier offre la possibilité de déroger aux règles de fonctionnement et de gouvernance des établissements de santé, s’agissant notamment – terme pudique – de leurs assemblées délibérantes, de leurs exécutifs et de leurs instances représentatives du personnel. Nous voulons supprimer cette possibilité.

Plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, ont présidé des conseils de surveillance. Vous savez bien que c’est la seule manière d’avoir un peu connaissance du fonctionnement de l’hôpital. Désormais, on ne réunira plus le conseil de surveillance, et les maires perdront le peu d’informations qu’ils avaient jusqu’à présent.

Le deuxième champ concerne les règles comptables ou financières : arrêté, audit, revue, etc. Nous ne proposons pas de le supprimer.

Le troisième champ a trait aux modalités d’exécution des budgets et à la communication des informations indispensables et d’analyse de leurs activités prévues par la loi. Dans ce monde qui manque de transparence, on cherche à couper la passerelle étroite entre les élus locaux et les hôpitaux. Il est donc important que vous vous opposiez à cela.

Je suis très contrariée que le rapporteur de la commission des lois se soit laissé convaincre.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, vous ne pouvez pas dire que ces dispositions ne concernent que des mesures financières. Il suffit de lire le texte, nous n’avons rien inventé.

Je suis né dans le Pas-de-Calais – je vais aussi raconter mon histoire, puisque vous aimez ça. (Mme la ministre déléguée se désole.) J’ai également assez souvent présidé les instances d’un grand hôpital. Je sais donc l’importance, dans cette instance, de la présence et de l’apport des médecins, de l’ensemble des personnels, des élus, de l’administration, des usagers.

Vous ne pouvez pas dire qu’il ne s’agit que de mesures financières. Ce n’est pas vrai ! Il faut regarder la vérité ! Nous sommes extrêmement attentifs à cette question, et c’est pourquoi nous tenons beaucoup à cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 62.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Mme le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 51 amendements au cours de la journée ; il en reste 29.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Discussion générale

9

Ordre du jour

Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 30 octobre 2020 :

À neuf heures trente :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (texte de la commission n° 79, 2020-2021) ;

Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 52, 200-2021).

À quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 52, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 30 octobre 2020, à zéro heure trente.)

 

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de prorogation de létat durgence sanitaire et portant diverses dispositions de gestion de la crise sanitaire a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. François-Noël Buffet, Philippe Bas, Mme Muriel Jourda, M. Arnaud de Belenet, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Jean-Yves Leconte et Mme Nadège Havet ;

Suppléants : Mmes Jacky Deromedi, Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Hervé Marseille, Jérôme Durain, Mmes Maryse Carrère et Éliane Assassi.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER