Sommaire
Présidence de M. Pierre Laurent
Secrétaires :
Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
2. Prorogation de l’état d’urgence sanitaire. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Articles additionnels après l’article 4
Amendement n° 1 rectifié bis de M. Rachid Temal. – Rejet par scrutin public n° 11.
Amendement n° 28 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 31 du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 13 rectifié de M. Stéphane Artano. – Rejet.
Amendement n° 63 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.
Amendement n° 72 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Articles additionnels après l’article 6
Amendement n° 73 de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 74 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Articles additionnels après l’article 7
Amendement n° 76 de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 77 de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 78 de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 46 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 79 de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Article 8 (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 3 rectifié de Mme Marta de Cidrac. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 10 (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 10
Amendement n° 22 rectifié quater de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Article 11 (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 11
Amendement n° 67 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié ter de M. André Reichardt. – Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Valérie Boyer. – Non soutenu.
Amendement n° 91 de la commission. – Rectification.
Amendement n° 91 rectifié de la commission. – Retrait.
Amendement n° 70 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 82 rectifié ter de M. Éric Kerrouche. – Retrait.
Amendement n° 11 de Mme Valérie Boyer. – Non soutenu.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
3. Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Articles additionnels avant l’article 13
Amendement n° 110 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 181 rectifié bis de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 28 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 119 rectifié de M. Vincent Segouin. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 14 – Adoption.
Amendement n° 211 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 116 de M. Jean-Pierre Moga. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 47 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 120 rectifié de M. Vincent Segouin. – Retrait.
Amendement n° 73 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
Articles additionnels après l’article 15
Amendement n° 27 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 16 bis A, 16 bis, 16 ter, 16 quater – Adoption.
Articles additionnels après l’article 16 quater
Amendement n° 112 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 133 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.
Article 16 quinquies (nouveau)
Amendement n° 61 rectifié bis de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 11 rectifié de M. Jean Hingray. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 134 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Adoption.
Amendement n° 12 de M. Jean Hingray. – Retrait.
Amendement n° 171 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Rejet.
Amendement n° 78 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Rejet.
Amendement n° 15 de M. Jean Hingray. – Retrait.
Amendement n° 14 de M. Jean Hingray. – Retrait.
Amendement n° 13 de M. Jean Hingray. – Retrait.
Amendement n° 149 de M. Jacques Grosperrin. – Adoption.
Amendements nos 157 rectifié, 158 rectifié, 159 rectifié, 160 rectifié et 161 rectifié de M. Maurice Antiste. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Article 17 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 6 rectifié bis de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 205 rectifié de M. Julien Bargeton. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 62 rectifié bis de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 192 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 121 rectifié de M. Vincent Segouin. – Rejet.
Amendement n° 214 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 48 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 148 de M. Laurent Lafon. – Adoption.
Amendement n° 215 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 20
Amendement n° 236 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 31 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 213 rectifié du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 20 bis
Amendement n° 204 de M. Julien Bargeton. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 230 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 125 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 194 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 216 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 195 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 217 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 233 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 237 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 49 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 201 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Sophie Primas. – Adoption.
Amendement n° 18 rectifié bis de Mme Sophie Primas. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 22 bis
Amendement n° 197 rectifié de Mme Monique de Marco. – Devenu sans objet.
Amendement n° 50 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 218 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 177 de M. Laurent Lafon. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 137 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Devenu sans objet.
Amendement n° 156 rectifié de M. Cédric Perrin. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 79 rectifié bis de Mme Claudine Lepage, 172 rectifié de M. Bernard Fialaire et 198 de Mme Monique de Marco. – Devenus sans objet.
Amendement n° 173 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Devenu sans objet.
Amendement n° 199 de Mme Monique de Marco. – Devenu sans objet.
Articles 25 et 25 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 114 de M. Pierre Ouzoulias. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 26
Amendement n° 138 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.
Mme Laure Darcos, rapporteure de la commission de la culture
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture
Adoption, par scrutin public n° 12, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
4. Communications relatives à deux commissions mixtes paritaires
compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Laurent
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Prorogation de l’état d’urgence sanitaire
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (projet n° 74, texte de la commission n° 79, rapport n° 78).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 4.
Articles additionnels après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Temal, Montaugé et Kanner, Mme G. Jourda, MM. Merillou, P. Joly, Bourgi, Houllegatte, Vaugrenard et Cozic, Mme Conway-Mouret, M. Sueur, Mmes Artigalas et Lepage, M. Pla, Mme Bonnefoy, MM. Kerrouche, Cardon, Antiste, Devinaz, Tissot, Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le d du 1 de l’article L. 151-2 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Le franchissement, directement ou indirectement, seul ou de concert, du seuil de 25 % de détention des droits de vote d’une entité de droit français exerçant des délégations de service public telles que mentionnées à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales et qui interviendrait durant la période pendant laquelle l’état d’urgence sanitaire est déclaré sur la totalité du territoire métropolitain en application des articles L. 3131-2 et suivants du code de la santé publique. »
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement vise, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire, à soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle du Gouvernement tout rachat de capital d’une entreprise délégataire de service public conduisant à un franchissement du seuil de 25 % de détention des droits de vote au sein de ladite entreprise.
Dans la période de crise sanitaire que nous vivons, l’action des collectivités territoriales doit être essentiellement tournée vers les mesures sanitaires visant à protéger la population et vers les mesures économiques et sociales visant à faire face aux conséquences de la crise. Aussi, les opérations économiques conduisant à des changements majeurs dans l’organisation des délégations de service public, telles que le rachat de Suez par Veolia, ne conduiraient qu’à complexifier inutilement le travail des collectivités locales, en remettant en cause l’équilibre de services à la population.
Le Gouvernement ayant mis en avant, sans succès, son opposition à ce projet, il pourrait, grâce à cet amendement, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire, différer celui-ci afin de ne pas affecter les capacités d’action des élus locaux, dont l’attention pourrait être portée ailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Pour avoir pris très fermement position, avec beaucoup de mes collègues du groupe Les Républicains, contre le rachat de Suez par Veolia, je ne peux manquer d’être sensible à ce qui inspire cet amendement. Celui-ci intervient après la bataille perdue, hélas ! par le Gouvernement, en se fondant sur l’idée que nos collectivités territoriales ont besoin de s’adresser à des entreprises qui sont en concurrence les unes avec les autres pour pouvoir maîtriser les coûts des marchés qu’elles contractent avec leurs concessionnaires. C’est donc un sujet très grave que vous abordez ici, mon cher collègue.
Si je m’apprête, au nom de la commission, à émettre un avis défavorable sur votre amendement, ce n’est pas faute de partager votre préoccupation, bien au contraire. Toutefois, dans notre pays, l’intrusion de l’État dans l’activité des entreprises est limitée par un texte fondamental, l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui affirme le principe du droit de propriété en même temps qu’il en énonce les limites. En effet, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il n’y a pas de principe sans limites, et il faut que les droits soient combinés entre eux pour pouvoir faire naître la réalité juridique de la garantie des droits fondamentaux.
Mes chers collègues, un amendement législatif ne saurait octroyer de tels pouvoirs. Il semble ainsi impossible d’établir un seuil, en l’occurrence 25 % de détention des droits de vote d’une entité de droit français, à partir duquel il serait possible d’intervenir pour empêcher les actionnaires de faire valoir leur droit de propriété. C’est la raison pour laquelle, à regret, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Je ne rouvrirai pas le débat auquel se référait à l’instant M. le rapporteur. Je ne partage pas forcément son analyse, mais j’émettrai également un avis défavorable sur cet amendement.
Tout d’abord, je note son absence de lien direct manifeste avec le projet de loi relatif à l’urgence sanitaire que nous examinons aujourd’hui.
Ensuite, des raisons constitutionnelles peuvent être avancées. M. le rapporteur a évoqué le droit de propriété, protégé par l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il en va de même du droit européen, harmonisé depuis la directive de 2004, qui protège, au-delà des principes du droit de propriété, les libertés de circulation et d’établissement, lesquelles ne peuvent subir de restrictions excessives.
Je profite aussi de cette occasion pour préciser ce que l’État et le Gouvernement font déjà depuis plusieurs années pour contrôler les opérations portant atteinte à certaines des entreprises stratégiques de notre territoire et vous rappeler quelques-unes des décisions prises.
Le Gouvernement a renforcé le dispositif de contrôle des investissements étrangers, en abaissant de 25 % à 10 % le seuil de participation dans les entreprises sensibles nécessitant une autorisation, et ce jusqu’à la fin de l’année.
L’Assemblée nationale a largement adopté, dans une récente loi de finances rectificative, une enveloppe de 20 milliards d’euros pour donner les moyens à l’État d’investir dans les sociétés menacées.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des arguments, le fonds Lac d’argent de la banque publique d’investissement, que nous avons créé, est en passe d’atteindre 10 milliards d’euros, avec précisément comme objectif de stabiliser le capital des entreprises françaises cotées.
À l’instar du ministre de l’économie, je comprends très bien votre préoccupation, monsieur le sénateur, et je suis sincèrement conscient de la qualité de la réflexion qui sous-tend votre amendement. Nous pensons toutefois que le présent véhicule législatif n’est pas adapté.
Quoi qu’il advienne, le sujet que vous soulevez sera au cœur des discussions relatives au plan de relance. Comme vous le savez, celles-ci n’auront pas lieu dans trois ou six mois.
La question de la protection des intérêts stratégiques et de l’attractivité des entreprises françaises figure au cœur de ce plan, notre objectif étant de renforcer encore la souveraineté industrielle de la France et les fonds propres de nos entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bien évidemment, notre groupe votera cet amendement.
Je salue la présence du représentant du Gouvernement ce matin, mais je note que, décidément, le ministre de la santé ne souhaite pas venir traiter de ces sujets devant le Sénat…
Monsieur le secrétaire d’État, pour expliquer votre avis défavorable, votre premier argument tient à l’absence de lien entre cet amendement et le projet de loi. De la part d’un gouvernement qui se dit très engagé sur le sujet, il me paraît curieux de soulever un argument de procédure, d’autant plus que celui-ci n’a pas été relevé par la commission. Si vous le soulevez, c’est donc que le Gouvernement espère finalement que le Conseil constitutionnel devra statuer…
Ce texte contient de nombreuses dispositions qui tirent les conséquences de la situation très particulière dans laquelle nous nous trouvons, y compris d’un point de vue économique. En réalité, j’entends, par vos explications procédurales, que vous êtes en désaccord sur le fond. C’est d’ailleurs généralement le cas quand on recourt à des arguments de procédure.
Chacun entendra la forme de duplicité du discours du Gouvernement, qui, lorsqu’il a l’occasion, comme ici, de s’opposer à cette manœuvre néfaste, ne la saisit pas.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je tiens à appuyer la position de Mme de La Gontrie sur cet amendement qui interpelle la politique industrielle du Gouvernement.
M. Le Maire n’a pas pu ou n’a pas voulu aller jusqu’au bout de ce qui aurait été le bon sens et la protection de l’intérêt général de notre pays, à savoir tout mettre en œuvre pour refuser cette OPA agressive à l’égard d’un grand groupe industriel français, qui aboutirait à un monopole de fait de Veolia si le processus se poursuivait jusqu’à son terme.
Par cet amendement, nous interpellons les pouvoirs publics et saisissons l’occasion de ce débat devant la représentation nationale pour souligner le problème politique majeur qui se pose. Contrôler ce type d’opérations pendant l’état d’urgence nous semblait être une opportunité d’empêcher une mesure négative pour les Français et les collectivités territoriales, qui vont potentiellement se retrouver face à un monopole mettant en péril les principes mêmes de la concurrence loyale.
Il est donc hors de question de retirer cet amendement, malgré les éléments de procédure qui ont été rappelés par M. le secrétaire d’État. J’espère que nous réunirons une majorité au sein de cette assemblée pour défendre les intérêts de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Nous voterons cet amendement.
J’entends que le véhicule n’est peut-être pas le plus adapté, mais je relève aussi les arguments de Mme de La Gontrie : la commission n’a pas jugé irrecevable un tel amendement.
Il est dommage qu’un tel sujet, qui semblait avoir retenu l’attention du Gouvernement, particulièrement du ministre de l’économie, ne puisse pas faire l’objet d’un débat plus approfondi. Il y a urgence sanitaire, mais il y a aussi urgence économique. Il aurait été intéressant d’aller au bout de la réflexion à partir de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 93 |
Contre | 243 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bonhomme, Daubresse, Mouiller et Darnaud, Mme Ventalon, MM. Lefèvre et Laménie, Mme Billon, MM. P. Martin et C. Vial, Mme Deromedi, M. Canevet, Mmes Vermeillet et Gruny, MM. Sautarel, Bouloux, B. Fournier et Bonne, Mme Sollogoub, MM. Chaize, Rapin, Le Gleut et Bascher et Mmes Berthet, Thomas et Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 30 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Durant la période de l’état d’urgence sanitaire, par dérogation à l’article L. 1423-5 du code du travail, les conseillers prud’hommes, réunis en assemblée, peuvent détenir deux mandats pour élire un président et un vice-président.
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Cet amendement vise à permettre la tenue des assemblées générales des conseils de prud’hommes dans le respect des règles sanitaires en vigueur. À titre exceptionnel, comme cela a été le cas pour le second tour des municipales, il conviendrait que les conseillers prud’homaux soient autorisés à disposer chacun de deux pouvoirs, afin de limiter le nombre de ceux qui se réuniront.
Pour mémoire, les élections respectives des présidents et vice-présidents des conseils prud’homaux, sections et chambres se tiennent chaque année au mois de janvier.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 30.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié ter et 30.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation au dernier alinéa de l’article 714 du code de procédure pénale, les personnes mises en examen, prévenues et accusées peuvent être affectées dans un établissement pour peines.
Par dérogation aux dispositions du dernier alinéa de l’article 717 du même code, les condamnés peuvent être incarcérés en maison d’arrêt, quel que soit le quantum de peine à subir.
Les personnes condamnées et les personnes mises en examen, prévenues et accusées placées en détention provisoire peuvent, sans l’accord ou l’avis préalable des autorités judiciaires compétentes, être incarcérées ou transférées dans un établissement pénitentiaire à des fins de lutte contre l’épidémie de covid-19. Il en est rendu compte immédiatement aux autorités judiciaires compétentes qui peuvent modifier les transferts décidés ou y mettre fin.
Ces dispositions sont applicables jusqu’au 31 août 2021.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à permettre l’adaptation des règles d’affectation et de transfert des personnes détenues afin de limiter les risques de contamination au sein des établissements pénitentiaires. Ces règles doivent en effet être assouplies afin de tenir compte des places disponibles dans les différents établissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous n’avons d’autre choix que de voter cet amendement, mais il concrétise l’incapacité du Gouvernement à traiter la situation épidémique dans les prisons.
À plusieurs reprises, dans cette enceinte, nous avons alerté et dit qu’il fallait mettre en place un protocole sanitaire digne de ce nom. La façon dont les choses se sont passées est absolument indigne. Je pense notamment à l’appel interjeté par le Gouvernement pour faire annuler la décision d’une juridiction administrative qui avait donné gain de cause à des requérants demandant que les détenus soient munis de masques.
Aujourd’hui, vous en êtes conduits à affecter les détenus au gré des places disponibles, que ces derniers soient en détention provisoire ou détenus pour peines. Cela veut dire que vous pouvez vous permettre de placer des personnes en détention provisoire dans des établissements pour peines longues, qui, je le rappelle, ne sont pas les mêmes.
Par ailleurs, si j’ai bien compris, vous avez également l’intention de rassembler les malades.
On est très loin d’une conception de la détention compatible avec la dignité des détenus.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Pour que tout le monde soit éclairé, je précise à cette noble assemblée que des protocoles sanitaires ont été mis en œuvre dans les établissements pénitentiaires dès le début de l’épidémie. Certaines de leurs dispositions ont fait l’objet d’un contentieux devant le Conseil d’État, dont nous avons tenu compte lors de la réactualisation des protocoles.
Évidemment, ces dispositions sont prises dans un souci de protection de la santé des détenus.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Des clusters se sont développés dans les prisons !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Par exception aux deux premiers alinéas de l’article L. 120-32 du code du service national, le contrat mentionné à l’article L. 120-3 du même code souscrit auprès d’un organisme agréé peut prévoir la mise à disposition de la personne volontaire aux fins d’accomplissement de son service, auprès d’un ou, de manière successive, d’un ou de plusieurs organismes agréés ou non agréés satisfaisant aux conditions d’agrément mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 120-30 dudit code.
Le contrat mentionne les modalités d’exécution de la collaboration entre l’organisme agréé en vertu de l’article L. 120-30 du même code, la personne volontaire et les personnes morales au sein desquelles est effectué le service civique, notamment le lieu et la durée de chaque mission effectuée par la personne volontaire ou leur mode de détermination ainsi que la nature ou le mode de détermination des tâches qu’elle accomplit.
II. – Le I du présent article est applicable dans la limite de deux mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 1er de la présente loi. Toute mise à disposition intervenue sur le fondement du I du présent article prend fin à la date prévue par le contrat de service civique.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à lever temporairement les dispositions qui limitent aujourd’hui les conditions de mise à disposition des jeunes engagés dans le service civique auprès d’organismes agréés ayant un besoin temporaire particulier ou auprès d’organismes non agréés, mais qui satisfont a priori aux conditions de l’agrément. Cette dérogation et les mises à disposition qui en découlent prendront fin, en tout état de cause, au terme de l’état d’urgence sanitaire. Les organismes concernés devront alors réintégrer les jeunes engagés dans leurs équipes ou se borner aux possibilités actuelles jusqu’à la fin de leur contrat.
Cette mesure importante permettra au service civique de répondre aux sollicitations pendant et après la crise et d’être pleinement mobilisé, comme il l’a été au cours de l’année 2020.
Ces adaptations, dont j’insiste sur le caractère temporaire, permettront de répondre aux besoins sociaux, dont vous savez qu’ils ont fortement augmenté, de plus de 30 %, en 2020, et qu’ils continueront de croître au cours de l’hiver 2020-2021. Elles permettront aussi de tenir compte des tensions sur les ressources disponibles, une partie des bénévoles, dont la moyenne d’âge est assez élevée, devant prendre des mesures de précaution qui peuvent les empêcher de prêter main-forte aux associations. Il est donc important pour ces dernières de pouvoir bénéficier de ce service civique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement est rédigé de façon tellement vague qu’on ne sait pas ce qu’il veut dire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Exactement !
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est un peu désolant… Le secrétaire d’État a fait un effort pour nous expliquer les intentions du Gouvernement, mais il n’a pas non plus été très précis.
Actuellement, un certain nombre d’organismes agréés peuvent accueillir des jeunes qui bénéficient d’un contrat au titre du service civique, ce qui est très positif. Or l’amendement ne nous dit pas à quels organismes serait étendu le bénéfice de l’emploi de ces jeunes sous contrat de service civique. On nous parle de plusieurs organismes agréés, ou d’organismes non agréés satisfaisant aux conditions d’agrément mentionnées à tel article du code du service national…
Ces dispositions ne nous inspirent aucune antipathie, bien au contraire ; nous portons même sur elles un regard bienveillant. Néanmoins, comme elles ont été rédigées sans aucune précision, ce n’est plus du droit… Je ne peux engager le Sénat à voter cet amendement sans avoir pu le comprendre. D’ailleurs, pour être honnête, il me semble vraiment incompréhensible. En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je partage les remarques du rapporteur. Pour tout dire, ce qui me gêne le plus, c’est cette partie de phrase qui mentionne des « organismes agréés ou non agréés satisfaisant aux conditions d’agrément ». Nous ne savons pas très exactement ce que vous voulez faire.
Si le Gouvernement pouvait au moins retirer la référence aux organismes « non agréés », nous serions déjà assurés de la qualité des organismes auprès desquels les jeunes seront placés. Je lui demande donc de bien vouloir rectifier son amendement en ce sens, sinon je déposerai moi-même un sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. J’ai eu l’honneur, voilà quelques années maintenant, de porter la loi Égalité et citoyenneté dans cet hémicycle. Nous avions eu beaucoup de débats sur l’extension du service civique, par exemple sur la possibilité pour les jeunes en service civique d’être accueillis au sein des SDIS ou d’autres organismes agréés. J’insiste sur cet adjectif, car il permet d’éviter toute forme d’abus dans l’utilisation de cette procédure extrêmement utile pour des jeunes qui souhaitent s’engager, au service de la société, dans des organismes à but non lucratif ou des établissements publics.
Monsieur le secrétaire d’État, comment peut-on être à la fois un organisme agréé et non agréé ? C’est quand même très complexe… J’aimerais savoir si cette liste d’organismes non agréés fait l’objet d’un minimum de contrôle de la part des services de l’État, pour éviter que le service civique ne devienne un bouche-trou pour des organismes désireux de profiter d’un effet d’aubaine, ce qui serait vraiment regrettable au regard de ce que représente ce service pour les jeunes qui ont décidé de s’y engager.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’entends vos demandes de précisions, légitimes au regard du sujet qui nous réunit aujourd’hui. L’objet de l’amendement précise les organismes qui pourraient en bénéficier. Il s’agit des organismes d’accueil agréés qui ont été ajoutés par la loi du 17 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, des personnes morales de droit public français agréées, des organismes sans but lucratif de droit français agréés et, enfin, des organismes agréés ou qui satisfont a priori aux conditions de l’agrément s’ils ne l’ont pas déjà.
Une solution pourrait consister à inscrire directement cette énumération dans l’amendement et, donc, dans le dur de la loi. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes pour voir si une telle rectification pourrait satisfaire ces demandes de précision. À défaut, le Sénat se prononcerait sur le texte que nous avons initialement proposé.
M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures cinq.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Après discussion avec les membres de la commission des lois, le Gouvernement maintient l’amendement n° 31 dans sa rédaction initiale.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je dépose donc un sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 92, présenté par Mme de La Gontrie, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou non agréées satisfaisant aux conditions d’agrément mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 123-30 dudit code
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’adoption de ce sous-amendement permettrait au curieux volatile que constitue l’amendement du Gouvernement de continuer à s’élever dans les airs pour ne pas priver l’Assemblée nationale de traiter ce sujet – c’est sa seule justification.
Je crois que le Gouvernement doit apprendre à mieux préparer ses textes. (Mme Sophie Primas applaudit.) En ce sens, le secours que vous lui apportez, ma chère collègue, n’a pas de vertu pédagogique. Si vous supprimez les organismes non agréés de la liste des organismes qui peuvent accueillir des jeunes du service civique, vous maintenez finalement le droit en vigueur. Or il existe une démarche plus simple pour cela : rejeter l’amendement du Gouvernement ! C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur ce sous-amendement comme il le demeure sur l’amendement n° 31.
Mme Éliane Assassi. C’est logique !
M. le président. J’imagine que le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement…
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Au risque de vous surprendre, monsieur le président, l’avis est favorable.
M. le président. En effet…
Mme Sophie Primas. C’est du grand cirque !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je rejoins la préoccupation de Mme la sénatrice sur la nécessité de continuer à travailler sur ce sujet. Notre objectif, en cette période compliquée pour les associations, est de permettre à un certain nombre d’organismes qui ne le peuvent pas aujourd’hui d’accueillir des jeunes du service civique. Pour autant, je m’engage devant le Sénat à préciser le champ d’application de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je vais vous faire une confidence : je passe plus de temps au Sénat, notamment en commission des lois avec Philippe Bas, qu’avec le Gouvernement. J’écoute donc ce que dit notre rapporteur, si bien que je retire mon sous-amendement. Et nous voterons contre l’amendement du Gouvernement !
M. le président. Le sous-amendement n° 92 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 31.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Artano et Requier, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Roux et Gold, Mme Guillotin et M. Guiol, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À Saint-Pierre-et-Miquelon, le préfet peut, aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et jusqu’au 31 janvier 2021, ordonner par arrêté, pris après avis de l’autorité territoriale de santé, une mesure de quarantaine ou de placement en isolement d’une durée de sept jours de toute personne entrant sur le territoire de la collectivité. Il peut aussi ordonner de présenter, avant la fin de la mesure de quarantaine ou de placement en isolement, le résultat d’un second examen biologique de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid-19.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Si nous devons faire face à l’urgence sanitaire sur le territoire national, il est impératif d’insister sur les singularités de l’outre-mer afin de prendre en compte une situation épidémique ultramarine parfois différente de celle de l’Hexagone.
De ce point de vue, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon nécessite une attention particulière, puisque ses ressortissants qui souhaiteraient le rejoindre sont dans l’obligation de transiter par le territoire canadien. Ce transit constitue un risque élevé au regard de l’augmentation du niveau d’alerte au Canada. Or les passagers arrivant à Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont actuellement plus soumis à une mesure de quarantaine. Certes, la préfecture préconise fortement aux personnes concernées de respecter une période d’autoconfinement de sept jours, mais un tel dispositif nous paraît insuffisant – il doit être renforcé et rendu coercitif. Il s’agit d’une demande expresse de notre collègue de Saint-Pierre-et-Miquelon Stéphane Artano, qui souligne que cette carence est la source d’une vive inquiétude dans l’archipel.
Cet amendement tend à imposer à tous ceux qui entreraient sur le territoire de l’archipel d’effectuer une septaine, ainsi qu’un nouveau test de dépistage à l’issue de cet isolement. Cela permettrait de prévenir et d’identifier tout cas qui se manifesterait durant la période d’isolement, de mieux suivre les cas contacts et de limiter le risque de contagion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me suis entretenu de cette question avec le premier signataire de l’amendement. Je comprends sa préoccupation : elle tient à ce que des voyageurs en provenance du Canada se rendent à Saint-Pierre-et-Miquelon, en particulier pour des raisons touristiques, et les habitants sont légitimement inquiets, compte tenu du niveau de la circulation du virus au Canada, des risques ainsi encourus par la population.
Notre collègue demande que le préfet ait le pouvoir d’imposer une quarantaine à tous les voyageurs venant à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’étranger. Je lui ai expliqué que je n’étais pas opposé à sa démarche sur le fond, mais que le Gouvernement disposait déjà, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, des moyens de prendre un décret qui permettrait au préfet de procéder comme les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon le souhaitent.
Nous n’avons pas à ériger au niveau législatif, pour la seule visite de touristes étrangers à Saint-Pierre-et-Miquelon, cette règle qui permettrait de mettre en œuvre une quatorzaine à l’arrivée sur le territoire de cette collectivité, d’autant plus que nous ignorons quelles sont les intentions du Gouvernement sur les règles qu’il fixera, du fait de l’état d’urgence sanitaire et du confinement, concernant la circulation des visiteurs sur le territoire national, que ce soit à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le reste de l’outre-mer ou en métropole. C’est la raison pour laquelle la commission, tout en étant consciente de la problématique soulevée, a émis un avis défavorable et se tourne vers le Gouvernement pour savoir quelles sont ses intentions en la matière et si une décision a déjà été prise. En effet, je le redis, le Gouvernement a déjà le pouvoir de faire ce qui lui est ici demandé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage également la préoccupation qui est exprimée à travers cet amendement, mais, comme vient de l’indiquer le rapporteur, cela n’appelle pas de mesure législative.
En effet, si l’objet de l’amendement fait référence aux décrets des 11 et 22 mai 2020, le décret du 16 octobre dernier, actuellement en vigueur, a repris les dispositions précédentes sur les mises en quatorzaine, et elles sont bien évidemment applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces mises en quatorzaine doivent toutefois être prononcées dans le cadre prévu par la loi. Ainsi, à l’entrée sur le territoire, elles ne peuvent être prescrites qu’à l’égard des personnes ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection. Ce classement est fixé par arrêté, et, au vu de sa situation sanitaire, le Canada n’y figure pas à ce jour. Pour autant, cette liste est appelée à être actualisée en fonction de l’évolution de la situation.
En attendant, nous ne sommes pas dépourvus de moyens d’action. Je rappelle en effet que le préfet est habilité à limiter les déplacements par voie aérienne en cas de motif impérieux. En outre, les personnes qui souhaitent en ce moment se déplacer par avion à destination de Saint-Pierre-et-Miquelon doivent en tout état de cause présenter le résultat négatif d’un examen de dépistage de moins de soixante-douze heures pour pouvoir embarquer.
J’ajoute que les tests par RT-PCR ne sont plus les seuls examens présentant une fiabilité suffisante pour la détection du covid-19. Les travaux sont déjà bien avancés pour nous permettre de recourir aux tests antigéniques et élargir ainsi la gamme de tests et d’examens recevables.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Je remercie M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État de leurs explications.
Le Premier ministre a annoncé qu’il n’y aurait pas, pour l’instant, de confinement dans les outre-mer. C’est une raison de plus pour renforcer les conditions d’entrée sur ces territoires. La situation de Saint-Pierre-et-Miquelon est tout à fait particulière, puisqu’il faut transiter par le Canada pour s’y rendre.
Cet amendement répond à une forte demande de clarification de l’ensemble des élus de Saint-Pierre-et-Miquelon – le sénateur, le maire de Saint-Pierre, le président de la collectivité… –, qui veulent savoir exactement quelles sont les possibilités d’action qui sont offertes aux autorités locales.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne trouve pas votre réponse parfaitement claire. Pouvez-vous nous apporter un complément d’information, notamment à l’attention de mon collègue Stéphane Artano ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, le dispositif auquel fait référence cet amendement est inscrit dans un décret, la liste des pays où la circulation du virus est importante figure dans un arrêté, et, je le redis, cette liste peut évoluer au regard de la situation sanitaire.
Je reviens ce matin même d’un déplacement à Mayotte et à La Réunion, deux départements où la population se pose, légitimement, les mêmes questions qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il appartient localement au préfet, en concertation avec les forces économiques et sociales et la communauté médicale, de prendre toutes les mesures pour protéger la santé de la population et réduire la circulation du virus. C’est ce qu’a fait le préfet de La Réunion, et il continuera de le faire. Je ne doute pas que le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait et fera de même.
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions législatives prises sur le fondement des habilitations à légiférer par ordonnance autorisées par le présent projet de loi sont applicables jusqu’au terme d’une période de six mois au plus tard après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 72.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 72, présenté par M. Leconte, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions prises sur le fondement des habilitations autorisées dans le cadre du présent projet de loi ne peuvent être prorogées par décret au-delà de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Hier, nous avons beaucoup débattu de la question des ordonnances. Depuis le mois de mars, le Parlement a adopté plus de cinquante habilitations liées à l’état d’urgence sanitaire ; elles ont abouti à plus de quatre-vingts ordonnances. J’ajoute qu’aucun projet de loi de ratification n’a été inscrit à l’ordre du jour du Parlement, même si, conformément à la Constitution, ils ont tous été présentés en conseil des ministres.
Comme il nous a été dit que les dispositions prises par ordonnance étaient pleinement liées à la crise sanitaire, nous proposons de limiter dans le temps leurs effets.
L’amendement n° 63 rectifié vise à ce que les dispositions prises dans le cadre de ces ordonnances n’aient pas de conséquences au-delà d’une période maximale de six mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Il s’agit de garantir que ces dispositions, prises dans un cadre précis, n’aient pas d’effets dans la durée – c’est une sorte d’amendement-balai. Nous avions déjà déposé un amendement de ce type en mars, et la commission des lois avait donné un avis défavorable, mais nous persistons, parce que nous considérons que cette mesure est indispensable pour la souveraineté du Parlement.
L’amendement n° 72 est un amendement de repli. Nous nous sommes rendu compte que le Gouvernement s’octroyait la possibilité de prolonger par décret l’effet des ordonnances au-delà du terme de l’habilitation. C’est la double peine pour le Parlement ! Non seulement il se dessaisit de son pouvoir législatif, mais en plus le Gouvernement se permet de faire durer les dispositions prises par ordonnance au-delà de la période d’habilitation.
Monsieur le rapporteur, nous serions évidemment très heureux que vous donniez un avis favorable sur l’amendement n° 63 rectifié – cela conforterait le caractère provisoire des dispositions prises par des ordonnances directement liées à la période particulière que nous vivons –, mais il nous semble indispensable que l’amendement n° 72 soit voté, dans la mesure où il n’est pas concevable que le Gouvernement puisse allonger par voie réglementaire la période d’effet des ordonnances au-delà de la période d’habilitation.
Si nous ne votions aucun de ces deux amendements, ce serait une démission qui aboutirait à une négation complète des pouvoirs du Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Vous savez à quel point nous sommes vigilants en matière d’habilitation législative. Ainsi, nous avons ramené de soixante-dix à trente le nombre de celles-ci, et celles qui subsistent ont été restreintes.
Parmi les habitations qui subsistent, certaines mesures ne sont pas restrictives de libertés ; elles apportent des solutions conjoncturelles à des problèmes économiques et sociaux provoqués par la crise sanitaire et les mesures mises en œuvre pour la combattre. Par conséquent, adopter une disposition absolument générale – toutes les mesures prises par ces ordonnances devraient s’arrêter un jour précis après la fin de l’état d’urgence sanitaire – nous paraît être une mesure aveugle, car elle va s’appliquer de la même façon à des droits économiques et sociaux créés en faveur des individus et des entreprises et à des restrictions apportées aux libertés. C’est la raison pour laquelle même l’amendement de repli n° 72 nous paraît potentiellement défavorable à beaucoup de nos compatriotes et entreprises.
Dans ces conditions, nous n’avons pu que nous opposer à ces deux amendements, même si nous sommes, nous aussi, très attentifs à ne pas laisser au Gouvernement les pleins pouvoirs en matière d’ordonnance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable.
Je rappelle que ces habilitations à légiférer par ordonnance sont importantes pour nous permettre de gérer dans les prochaines semaines les multiples conséquences de l’épidémie sur le déroulement de nombreuses activités et les mesures de police sanitaire prises pour la combattre. Je sais que cela a nourri d’intenses débats hier au sein de cette assemblée.
Soyez convaincus que nous prendrons le moins de dispositions dérogatoires possible et pour les durées les plus courtes, mais nous ne pouvons pas prévoir aujourd’hui avec certitude que toutes les mesures prises devront expirer six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Les derniers mois nous ont tous conduits à une certaine humilité en la matière. En outre, il peut arriver que certaines adaptations n’aient de sens que sur une période annuelle.
Enfin, le recours aux ordonnances est encadré. Ainsi, l’Assemblée nationale a introduit l’obligation de présenter un projet de loi de ratification au Parlement dans un délai d’un mois à compter de la publication de chaque ordonnance. Le Parlement pourra donc contrôler le contenu de ces ordonnances et leur conformité à l’habilitation initiale lors de l’exercice de ratification. À cette occasion, il pourra modifier, si nécessaire, les dispositions concernées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je retire l’amendement n° 63 rectifié. Il me semble toujours important d’apporter une garantie sur la durée de l’effet des ordonnances, mais je conçois qu’il s’agit d’une mesure aveugle, même si nous avions prévu une durée de six mois après la fin de l’état d’urgence.
Monsieur le rapporteur, je trouve que vos explications cachent mal le secrétaire général de l’Élysée que vous avez été. Alors que nous ne débattons jamais des projets de loi de ratification, vous laissez le Gouvernement inscrire dans les ordonnances qu’il peut, par la voie réglementaire et sans revenir devant le Parlement, allonger au-delà de la période d’habilitation la durée d’application des dispositions qu’il prend sur la base de ces habilitations. Finalement, le Gouvernement peut ainsi, par la voie réglementaire, prendre une mesure d’ordre législatif en dehors de la période d’habilitation. Si on laisse faire cela malgré tous les débats que nous avons eus hier, c’est un peu comme si nous disions : « Je dis ça, je dis rien ! »
Il est absolument indispensable d’empêcher qu’une mesure prise de manière réglementaire au-delà de la date d’habilitation ait des effets d’un niveau législatif. C’est la raison pour laquelle il est très important d’adopter l’amendement n° 72.
M. Philippe Bas, rapporteur. Une loi qui prévoit que la durée de son application est déterminée dans une certaine limite de temps par un décret n’est pas inconstitutionnelle. De la même façon, si une ordonnance le fait, elle ne sera pas contraire à nos règles fondamentales.
Puisque vous avez rappelé, ce dont je me réjouis, que j’ai été secrétaire général de la présidence de la République, sachez que je n’ai aucune raison de le cacher – j’en suis au contraire très fier ! Et je dois dire que le Président Jacques Chirac, que j’ai servi pendant huit ans à l’Élysée, puis pendant deux ans comme ministre, n’a jamais en ce qui le concerne abusé des ordonnances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5
(Non modifié)
À la fin du II de l’article 8 de l’ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 visant à assurer la cohérence de diverses dispositions législatives avec la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la date : « 31 décembre 2020 » est remplacée par la date : « 30 juin 2021 ». – (Adopté.)
Article 6
I. – Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu’elle est prise par le représentant de l’État dans le département en application du second alinéa du I de l’article L. 3131-17 du même code. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pratiquer de mesures conservatoires qu’avec l’autorisation du juge, par dérogation à l’article L. 511-2 du code des procédures civiles d’exécution.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III. – Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
IV. – (Non modifié) Le II s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.
Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu’à compter de l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.
En outre, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu’à la date mentionnée au même premier alinéa.
V (nouveau). – Jusqu’à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II, ne peuvent procéder à la suspension, à l’interruption ou à la réduction, y compris par résiliation de contrat, de la fourniture d’électricité, de gaz ou d’eau aux personnes mentionnées au I pour non-paiement par ces dernières de leurs factures :
1° Les fournisseurs d’électricité titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 333-1 du code de l’énergie ;
2° Les fournisseurs de gaz titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 443-1 du même code ;
3° Les fournisseurs et services distribuant l’eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales.
En outre, les fournisseurs d’électricité ne peuvent procéder au cours de la même période à une réduction de la puissance distribuée aux personnes concernées.
Le présent V s’applique aux contrats afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où l’activité des personnes concernées est affectée par une mesure de police administrative mentionnée au I.
Les personnes mentionnées au même I attestent qu’elles remplissent les conditions pour bénéficier du présent V, selon des modalités précisées par décret.
VI (nouveau). – Les fournisseurs d’électricité titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 333-1 du code de l’énergie et les fournisseurs de gaz titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 443-1 du même code alimentant plus de 100 000 clients, les fournisseurs d’électricité qui interviennent dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les entreprises locales de distribution définies à l’article L. 111-54 dudit code ainsi que les fournisseurs et services distribuant l’eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales sont tenus, à la demande des personnes mentionnées au I du présent article, de leur accorder le report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 17 octobre 2020 et l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II et non encore acquittées. Ce report ne peut donner lieu à des pénalités financières, frais ou indemnités à la charge des personnes précitées.
Le paiement des échéances ainsi reportées est réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois.
Le présent VI s’applique aux contrats afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où l’activité des personnes concernées est affectée par une mesure de police administrative mentionnée au I.
Lorsqu’elles demandent à leur fournisseur le rééchelonnement du paiement des factures, les personnes mentionnées au même I attestent qu’elles remplissent les conditions pour bénéficier du présent VI, selon des modalités précisées par décret.
VII (nouveau). – Le présent article s’applique à compter du 17 octobre 2020.
VIII (nouveau). – Les II à V s’appliquent jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.
IX (nouveau). – Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 6
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le présent article est applicable aux personnes physiques, salariées d’entreprises frappées par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l’article L. 3131-17 du même code, et ayant de ce fait connu une perte de revenus. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les types et seuils de revenus concernés, et en tant qu’ils ont été impactés par les conséquences économiques de la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur revenu cesse d’être affecté par ces mesures, les personnes mentionnées au I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux à usage d’habitation.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et aucune mesure conservatoire ne peut être engagée.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III. – Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
IV. – Le II s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle les revenus de la personne physique sont affectés par les mesures de police administrative prises dans le cadre de la crise sanitaire et impactant les personnes physiques, salariées d’entreprises frappées par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l’article L. 3131-17 du même code, et ayant de ce fait connu une perte de revenus.
Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu’à compter de l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II du présent article.
En outre, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu’à la date mentionnée au même premier alinéa.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. L’article 6 du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire comporte des dispositions à même de protéger certaines personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise dans le cadre de la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, ces personnes ne pourront « encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée ».
Le présent amendement a pour objet de mettre en place des dispositions semblables au profit des particuliers. Il s’agit de les protéger eux aussi de l’encours d’intérêts, de pénalités ou de toute mesure financière, action, sanction ou voie d’exécution forcée pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux à usage d’habitation ou mixtes.
Nous demandons la même protection que celle prévue dans le projet de loi pour des personnes qui travaillent dans des entreprises qui seront fermées de manière administrative ou dont l’activité dépend de ces entreprises. Il n’y a pas de raison de protéger les entreprises et pas les salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me dois de répondre de manière un peu technique à cet amendement ; je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
Cet amendement vise à étendre les dispositions qui sont prises pour assurer la pérennité de l’activité de certaines entreprises aux particuliers qui, pour leur logement, versent un loyer à leur bailleur. C’est une question qui a une dimension sociale que tout le monde perçoit – je n’y reviens pas –, mais qui a aussi une dimension juridique.
En échange de son loyer, l’entrepreneur bénéficie d’un outil de travail. Or un certain nombre d’entreprises ne peuvent pas exploiter cet outil de travail à cause de la crise du covid ; c’est ce qu’on appelle en droit un trouble de jouissance. Au fond, et pour simplifier, on pourrait dire que l’entrepreneur n’en a plus pour son argent. Ce n’est pas la faute du propriétaire, ce n’est la faute de personne, c’est la faute d’une situation qui fait que le bien ne peut pas être exploité dans les conditions pour lesquelles le bail a été conclu.
En échange du loyer que beaucoup d’entre nous qui sommes locataires versons, le propriétaire fournit en contrepartie une habitation. Or cette contrepartie est toujours là. Nous sommes toujours logés, tandis qu’un entrepreneur n’a plus son outil de travail. C’est la raison pour laquelle, d’un strict point de vue juridique, une différence de traitement se justifie parfaitement entre les deux types de situation.
J’ajoute qu’il existe une autre notion juridique, l’abus de droit, que les tribunaux peuvent sanctionner. Bien souvent, dans une situation sociale difficile, on règle toutes ses dépenses, sauf le loyer, qui devient une variable d’ajustement. Mais nous devons aussi penser aux petits propriétaires qui comptent sur ce loyer pour vivre – je pense notamment à ceux, par exemple anciens agriculteurs ou artisans, qui ont une petite pension de retraite. Devons-nous dire à ces petits propriétaires, qui sont parfois démunis, que leur locataire a le droit de ne pas payer son loyer en raison du covid-19 ? Quand on a une pensée sociale, il faut avoir le souci de l’équilibre.
Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à cet amendement, et la commission a été convaincue, en lui donnant un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable.
D’une part, une mesure générale de cette nature poserait un certain nombre de difficultés d’application liées tant à la détermination de son champ d’application qu’à des questions d’indemnisation des propriétaires.
D’autre part, elle ignore – permettez-moi de le rappeler – les nombreuses mesures qui ont été prises pour soutenir les personnes en difficulté dans le paiement de leur loyer.
Ainsi, Action Logement a mis en place un fonds de 100 millions d’euros pour soutenir les salariés qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer. Comme l’a annoncé récemment le Premier ministre, ce fonds a été rouvert dans le cadre des nouvelles mesures prises pour lutter contre le basculement dans la pauvreté.
De même, il existe plusieurs dispositifs d’aides, par exemple le Fonds de solidarité pour le logement, qui est géré par les départements et qui peut soutenir les personnes en difficulté de paiement. Il a aussi été décidé d’engager une politique allant vers ces personnes de façon à leur assurer le meilleur accès à ces aides. Les bailleurs sociaux sont également très attentifs à ce sujet ; ils ont mis en place tous les dispositifs nécessaires pour accompagner leurs locataires – il faut saluer cet effort. Je signale d’ailleurs que le pôle national de prévention des expulsions locatives anime une cellule de veille sur les impayés de loyers : à ce jour, ceux-ci apparaissent contenus, ce qui ne doit pas nous empêcher de rester extrêmement vigilants – c’est pour cette raison que des aides ont été mises en place dès le début de la crise.
Enfin, concernant le remboursement des prêts, la période précédente a montré l’engagement des banques pour trouver les aménagements nécessaires avec leurs clients en difficulté. Soyez convaincus que nous continuerons d’être attentifs sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le présent article est applicable aux personnes physiques, salariées d’entreprises frappées par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l’article L. 3131-17 du même code, et ayant de ce fait connu une perte de revenus. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les types et seuils de revenus concernés, et en tant qu’ils ont été impactés par les conséquences économiques de la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur revenu cesse d’être affecté par ces mesures, les personnes mentionnées au I peuvent bénéficier d’aménagements tels que le paiement de leurs loyers et de leurs mensualités de prêt immobilier puisse être différé et échelonné dans des conditions établies par décret.
III. – Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
IV. – Le II s’applique aux loyers, charges locatives et mensualité de prêts immobiliers dus pour la période au cours de laquelle les revenus de la personne physique sont affectés par les mesures de police administrative prises dans le cadre de la crise sanitaire et impactant les personnes physiques, salariées d’entreprises frappées par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l’article L. 3131-17 du même code, et ayant de ce fait connu une perte de revenus.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement, qui est de la même veine que le précédent, vise à ce que les particuliers victimes de pertes de revenus qui travaillent dans des entreprises fermées administrativement ou dont l’activité dépend de celles-ci puissent bénéficier d’aménagements pour le paiement de leur loyer ou de leur mensualité de prêt.
Je sais que vous allez me répondre la même chose que tout à l’heure. Je me permets donc de vous livrer les commentaires que m’ont inspirés vos avis sur mon précédent amendement.
Monsieur le rapporteur, je comprends parfaitement les contraintes juridiques. En revanche, je ne souhaite pas que mon amendement soit caricaturé. Il ne s’agit pas de permettre aux gens de ne plus payer leur loyer du fait du covid-19 : seuls ceux qui travaillent dans des entreprises fermées administrativement ou dont l’activité dépend de celles-ci seraient concernés.
Monsieur le secrétaire d’État, je me permets juste de vous rappeler que vous ne cessez de malmener Action Logement. Vous ne cessez de lui enlever des crédits. Dans les préconisations relatives au financement de la future branche autonomie, il est encore question de taper sur Action Logement…
Je veux également évoquer tous les coups de canif que vous avez mis dans le contrat concernant les aides au logement pour les particuliers, et je rappelle que la branche des aides au logement et du logement est l’une des plus pauvres de votre politique.
Il n’est donc absolument pas vrai que tous les dispositifs sont prévus aujourd’hui. Je sais quel sort sera réservé à mon amendement, mais nous tenions aujourd’hui à ce que tout cela soit répété de manière ferme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement comme au précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, j’étais prêt à vous rejoindre quand vous avez évoqué la nécessité de ne pas tomber dans la caricature. Je regrette que vous tombiez à votre tour dans la caricature sur la politique menée par le Gouvernement.
J’émets sur l’amendement un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 7
(Non modifié)
Par dérogation, les Français expatriés rentrés en France entre le 1er octobre 2020 et le 1er avril 2021 et n’exerçant pas d’activité professionnelle sont affiliés à l’assurance maladie et maternité sans que puisse leur être opposé un délai de carence. Les modalités d’application du présent article peuvent être précisées par décret. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 7
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Deromedi et Di Folco, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Le Gleut, Regnard et Hugonet, Mme Berthet, MM. Pellevat, Daubresse, D. Laurent et Lefèvre, Mme Lopez, M. Piednoir, Mmes Demas et Joseph, MM. Chaize et Brisson, Mmes M. Mercier et Procaccia, MM. Bouloux et Courtial, Mme Lassarade, MM. Vogel et Bonne, Mme Gruny, MM. B. Fournier, Paccaud, Calvet, Mouiller et Savin, Mmes L. Darcos, Dumont, Imbert, Thomas et Bonfanti-Dossat et M. Babary, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les titres d’identité et les passeports des ressortissants français résidant à l’étranger dont la fin de validité est postérieure à la publication du décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire sont prorogés pour une durée de six mois après la cessation de cet état.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Nos compatriotes expatriés rencontrent de grandes difficultés pour obtenir le renouvellement ou la prorogation de leurs cartes d’identité ou passeports en raison de la crise pandémique.
De nombreux compatriotes ne peuvent se déplacer dans les postes consulaires compétents pour la délivrance de ces documents pour y effectuer les démarches nécessaires. Il s’agit particulièrement de nos compatriotes résidant à l’étranger âgés, handicapés ou confinés. Les services numériques dédiés à ces procédures ne fonctionnent pas toujours dans certains pays. Par ailleurs, les tournées consulaires sont limitées par la crise.
Dans certains pays, l’obtention d’un visa est conditionnée à une date d’expiration du passeport intervenant au moins six mois avant la date de séjour. Certains États estampillent les visas de séjour temporaire directement sur le passeport, ce qui place le titulaire d’un passeport périmé en situation irrégulière au regard des services de l’immigration.
Nous proposons donc que ces titres soient prorogés pour une durée de six mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je remercie nos collègues auteurs de cet amendement, au premier rang desquels Mme Jacky Deromedi, qui est très au contact de tous nos compatriotes Français établis hors de France, de nous avoir fait connaître cette situation très pénible pour nos concitoyens.
Dans certains pays, nos ressortissants ont déjà beaucoup de difficultés à pouvoir se rendre en France pour visiter leur famille, indépendamment de cette difficulté administrative. Je salue donc l’heureuse initiative qui consiste à y mettre un terme.
La commission est favorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous avons évidemment conscience des difficultés que rencontrent ou ont pu rencontrer un certain nombre de nos ressortissants résidant à l’étranger. Toutefois, en plein accord avec le ministère de l’intérieur, j’émettrai un avis défavorable, pour plusieurs raisons.
D’abord, si vous me permettez l’expression, l’État reste ouvert. Il en va de même des services publics. Le Président de la République a affirmé fortement ce principe, dont on retrouve l’application dans le décret qui a été publié la nuit dernière.
Ensuite, sachez, madame la sénatrice, que des consignes très claires ont été passées pour que soient traités en priorité les dossiers des ressortissants français.
En outre, les services des consulats sont un peu soulagés par l’amoindrissement de l’activité de délivrance de visas pour l’international. Ils disposent dès lors de davantage de temps pour s’occuper du renouvellement dans les délais impartis pendant l’état d’urgence sanitaire et, a fortiori, dans les six mois qui suivront.
Pour toutes ces raisons très concrètes, très pratiques, très opérationnelles, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je remercie notre collègue Jacky Deromedi d’avoir déposé cet amendement. Effectivement, le sujet mérite d’être abordé : au pire de la crise, 50 000 Français résidant à l’étranger n’avaient pas la possibilité d’aller récupérer leur passeport. La situation continue à être difficile.
Cela étant, je ne pense pas que l’adoption de cet amendement, que je voterai, permettra de résoudre l’ensemble des difficultés. Nous avons déjà vécu une telle situation voilà quelque temps, lorsque le Gouvernement avait décidé de proroger de quelques années les cartes nationales d’identité. Bien entendu, si le passeport a une date limite de validité, les autorités étrangères vont considérer qu’il n’est plus valable au-delà de celle-ci. Même si une autre loi est votée, des difficultés continueront à se poser.
Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, il n’est pas correct de ne pas bouger sur ce sujet, alors même que la loi ASAP vient d’être adoptée. Le problème se pose à l’étranger, mais pas seulement. Le renouvellement des passeports représente une charge de travail immense, dans la mesure où tous les demandeurs doivent se déplacer en préfecture ou en consulat pour fournir leurs empreintes biométriques, bien qu’elles figurent déjà dans la base TES. C’est une aberration complète. Expliquez-moi où est la simplification ! Celle-ci consisterait tout simplement à ne pas redemander les empreintes biométriques.
Il est absolument indispensable que, sur ce sujet, le ministère de l’intérieur clarifie les choses et simplifie ses exigences, afin qu’un renouvellement de passeport ou de carte nationale d’identité n’exige pas un déplacement pour un relevé d’empreintes existant déjà dans la base TES. Nous le demandons depuis des années.
Oui, monsieur le secrétaire d’État, la crise sanitaire a créé de grandes difficultés dans les consulats ! Nous avons absolument besoin que, à l’occasion de celle-ci, des dispositions soient prises pour simplifier la manière dont les passeports peuvent être renouvelés.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai rarement l’occasion de faire des confessions personnelles, mais je veux évoquer le cas de ma fille, qui attend ses papiers depuis huit mois à New York.
Je veux témoigner de l’état de désorganisation d’un certain nombre de services ainsi que des difficultés que rencontrent nos concitoyens qui habitent à l’étranger pour accéder aux lieux où l’on délivre ces passeports.
L’amendement est de bon sens. Il est évident qu’il faut arranger les choses, monsieur le secrétaire d’État. Pour ma part, je ne crois pas du tout que les services soient soulagés !
Nous allons, dans le débat budgétaire, évoquer ce sujet et les moyens de nos consulats. Pour l’heure, je soutiendrai l’amendement des deux mains.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. Je suis désolée, monsieur le secrétaire d’État, mais je crois que vous connaissez mal ce qui se passe à l’étranger. Pour y vivre depuis longtemps, je peux vous dire que les services consulaires sont totalement débordés. Le personnel est réduit à peu près partout. La plupart des services sont actuellement fermés à cause de la crise sanitaire et n’ouvrent que sur rendez-vous, avec des délais parfois très longs.
Je pense qu’aujourd’hui des dispositions doivent être prises pour les Français de l’étranger, parce que, dans certains pays, quand on n’a plus de passeport en règle, donc de possibilité de prouver son identité, les visas sautent. C’est un problème urgent, qu’il faut régler rapidement.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 76, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant les conditions de modification du revenu de solidarité active pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans, dès dix-huit ans, assorties de mesures d’accompagnement par le biais notamment de formations, afin de lever les verrous actuellement existants et empêchant ces jeunes de bénéficier de la solidarité nationale à hauteur de leurs besoins. Dans ce rapport figurent également les dispositions prises par le Gouvernement en direction des publics jeunes et étudiants pour leur garantir l’accès à des espaces de détente salubres et respectueux de la dignité humaine sur la base d’une périodicité suffisante afin de protéger leur intégrité psychique et psychiatrique dans le cadre de la crise de la covid-19.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 77.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 77, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant les dispositions qu’il a prises pour assurer la sécurité alimentaire des personnes en situation de fragilité sociale ainsi que leur accès aux produits de première nécessité.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Monique Lubin. Je connais le sort qui sera réservé à ces amendements, puisqu’il s’agit de demander la production de deux rapports, mais nous n’avions pas d’autre solution.
L’amendement n° 76 porte sur la situation des jeunes dans ce pays.
La question du RSA jeune se pose non pas depuis que le RSA a été créé, mais depuis maintenant un certain nombre d’années. En effet, depuis quelque temps, les jeunes – comme les seniors, à l’autre bout de la chaîne – sont les premières victimes de la crise. Mais, aujourd’hui, la question de la situation des jeunes de moins de 25 ans en situation de grande précarité se fait particulièrement prégnante.
Un certain nombre de collègues ne veulent pas entendre parler de la mise en place du RSA jeune. Il faut pourtant s’interroger : dans un pays comme le nôtre, avec les sommes que le Gouvernement est capable de débloquer pour venir en aide aux entreprises en difficulté, mais également à leurs salariés, je ne vois pas comment on peut continuer à fermer les yeux ou à faire la sourde oreille face aux jeunes en difficulté.
Je veux aussi, au travers de cet amendement, évoquer la situation des jeunes étudiants, dont nombre d’entre eux ont rencontré, durant le premier confinement, de grandes difficultés, non seulement sociales et alimentaires, mais aussi psychiques, parce qu’ils étaient cloîtrés chez eux, dans des chambres universitaires, très loin de leur famille et dans l’impossibilité de sortir. Or il n’y a pas de raison que les choses se passent différemment cette fois.
Le présent amendement vise à demander la production d’un rapport qui nous permettra de savoir dans quelle mesure le Gouvernement est prêt à mettre en place un RSA jeune et à s’intéresser à tous les jeunes, notamment les étudiants, qui, pour une raison ou une autre, sont seuls et peuvent se retrouver dans une situation d’aggravation de leur état psychique à la suite du confinement.
Le second amendement tend à la remise d’un rapport sur la sécurité alimentaire de nos concitoyens, car, aujourd’hui, malgré l’investissement de nombreux bénévoles, beaucoup se retrouvent en difficulté sur ce plan.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je ne comptais pas revenir sur la position de la commission sur les injonctions qui sont faites au Gouvernement de remettre des rapports au Parlement.
Nous savons tous que, sous le régime de la Ve République, le rapport de force entre l’exécutif et le législatif s’est inversé en défaveur du Parlement. J’ose dire que, chaque fois que nous demandons un rapport au Gouvernement, au lieu de régler un problème, nous accentuons cette faiblesse du législatif par rapport à l’exécutif. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur tous les amendements tendant, pour soulever un problème, à demander au Gouvernement de présenter un rapport au Parlement. Par conséquent, elle est défavorable aux amendements nos 76 et 77.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces deux amendements.
S’agissant de l’activité des jeunes, vous connaissez, madame la sénatrice, l’ensemble des dispositions prises par le Gouvernement en cette période de crise, particulièrement pour faire en sorte que la « génération covid » ne soit pas une génération sacrifiée, dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », sous-tendu par l’idée que chaque jeune doit se voir proposer une solution.
Vous savez par ailleurs que le versement d’une aide exceptionnelle de 150 euros a été décidé pour un certain nombre d’entre eux.
En outre, sur la question du RSA jeune, sur laquelle vous demandez un rapport, de nombreux travaux ont été réalisés et sont encore en cours dans le cadre des réflexions sur le revenu universel d’activité (RUA).
J’en viens au second sujet que vous souhaitez soumettre au débat.
Votre amendement m’offre l’occasion de rappeler, en dehors de toute caricature, tout ce que le Gouvernement a pu faire en cette période compliquée pour assurer la sécurité alimentaire des plus fragiles de nos concitoyens. Nous avons bien évidemment encore plus conscience qu’en temps normal de la nécessité d’agir en ce sens.
Cette crise a conduit l’État à apporter un soutien opérationnel et financier significatif aux opérateurs de l’alimentaire, tout en confortant son rôle de coordination, afin d’aider les acteurs à faire face à l’urgence et à la hausse des besoins. Deux premiers plans de soutien à l’aide alimentaire, dotés de 94 millions d’euros, ont été déployés dès le mois d’avril afin de soutenir les associations confrontées à des difficultés logistiques, mais aussi pour mettre en place une aide d’urgence alimentaire au profit des foyers les plus en difficulté, dispositif qui a été complémentaire de la distribution de chèques services à hauteur de 50 millions d’euros à destination des personnes sans abri.
Ces décisions s’inscrivent dans l’ensemble des mesures sociales d’urgence prises afin d’aider les plus précaires face à la crise, dans des proportions jamais connues dans l’histoire de notre pays. Au total, elles ont représenté plus de 3 milliards d’euros de soutien direct aux personnes précaires.
Le Gouvernement a par ailleurs renforcé son rôle de coordination des différents acteurs et dispositifs dès le mois de mars, en permettant la continuité des distributions grâce au réseau préfectoral. Ainsi, la circulaire du 2 juillet 2020 demande aux préfets de créer une instance de coordination opérationnelle pérenne au niveau départemental.
Le Gouvernement a également installé le comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire au début du mois de septembre.
Face aux conséquences de la crise, le plan France Relance comporte une mesure de 100 millions d’euros pour soutenir les associations de lutte contre la pauvreté. Les associations engagées dans la lutte contre la précarité alimentaire sont particulièrement ciblées dans ce dispositif.
Par ailleurs, conformément aux engagements du Président de la République, les montants des fonds européens consacrés à l’aide alimentaire ont été sanctuarisés, voire augmentés. Les commandes réalisées grâce au FEAD sont en train d’arriver et celles qui ont été effectuées au moyen des crédits React-UE sont en cours d’élaboration.
En ce qui concerne le renforcement des mesures sanitaires, rassurez-vous, le décret d’application et l’attestation ouvriront une dérogation pour les personnes vulnérables, les travailleurs sociaux et les bénévoles travaillant la nuit, notamment dans le cadre de maraudes sociales.
Enfin, pour être complet, je rappelle que des consignes très claires ont été passées aux forces de l’ordre pour qu’elles agissent avec le plus grand discernement à l’égard des personnes sans abri qu’elles rencontreront. Nous leur demandons de contribuer à les orienter vers la mise à l’abri.
Je vous remercie, madame la sénatrice, de m’avoir donné l’occasion d’évoquer avec précision l’ensemble de ces éléments et, ainsi, d’éclairer la représentation nationale.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 78, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant les dispositions qu’il a prises pour protéger les personnes sans domicile fixe de l’épidémie de la covid-19 et veiller au respect de leurs besoins essentiels dans le respect de leurs droits fondamentaux.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Il s’agit de rappeler la situation des personnes sans domicile fixe, qui ont bien évidemment les plus grandes difficultés à respecter les consignes sanitaires. C’est aussi une façon d’appeler l’attention du Gouvernement sur la situation de ces personnes et de lui demander de faire en sorte que tout soit mis en œuvre pour les protéger au maximum.
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 16 décembre 2020, sur les solutions concrètes mises en œuvre pour protéger les personnes sans domicile fixe de l’épidémie de covid-19, en particulier depuis l’instauration du couvre-feu le 17 octobre 2020.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous connaissons le destin de ces amendements, mais je pense qu’il est important d’insister sur la situation des personnes très vulnérables que sont les sans domicile fixe dans le contexte, bien évidemment, de l’état d’urgence, notamment depuis l’instauration du couvre-feu. Il serait effectivement intéressant que le Gouvernement puisse nous dire quelles solutions il préconise pour répondre à la situation catastrophique de ces personnes au regard de la situation sanitaire dans notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Sans surprise, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Sur le fond, nous souscrivons bien évidemment à l’ensemble des propos qui viennent d’être tenus.
Dès le cours de l’année 2020, nous avons prolongé la trêve hivernale jusqu’en juillet.
En outre, comme le Premier ministre l’a annoncé la semaine dernière, nous avons maintenu la campagne hivernale, et nous l’avons avancée au 18 octobre. Les places d’hébergement qui sont prévues pour l’hiver sont donc d’ores et déjà en cours d’ouverture.
Par ailleurs, le Gouvernement a procédé, cet été, à l’expédition par La Poste de 53 millions de masques lavables pour les foyers modestes. Cette opération est en cours de renouvellement. Ce seront à nouveau plus de 50 millions de masques qui vont arriver dans les boîtes aux lettres d’ici à la mi-novembre, une troisième opération étant d’ores et déjà prévue.
Pour les personnes sans abri, près de 52 millions de masques jetables ont été expédiés dans les préfectures à la fin du mois d’août, pour une distribution via les CCAS et les associations. Cet envoi va être reproduit, dans les mêmes volumes, avec de premières livraisons prévues au 16 novembre, puis autant de fois que nécessaire.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’ai déjà évoqué les consignes qui ont été passées aux forces de l’ordre. Les dérogations figurant dans le décret prévoient évidemment que l’ensemble des travailleurs sociaux qui interviennent auprès de ces personnes vulnérables ne puissent être empêchés dans le soutien qu’ils apportent aux sans-abri.
Cela dit, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant les mesures qu’il a prises afin de contrôler et de prévenir l’enfermement abusif des patients en psychiatrie sous prétexte d’endiguement de l’épidémie de la covid-19.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Lors de la mise en œuvre du premier confinement a été déplorée, dans certains établissements psychiatriques, une « confusion absolue entre les notions de “confinement sanitaire” et d’“isolement psychiatrique” », aboutissant à des privations de liberté injustifiées et illégales selon le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La prorogation de l’état d’urgence sanitaire ne doit pas être l’occasion d’un retour à de telles dérives. C’est la raison pour laquelle nous demandons au Gouvernement de nous apporter des éclairages sur les mesures qu’il compte mettre en œuvre pour les éviter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. C’est un sujet important que vous soulevez, madame la sénatrice. L’objectif global du respect absolu des droits des patients pris en charge dans les établissements psychiatriques est évidemment un objectif auquel le Gouvernement souscrit pleinement.
Nous regrettons les confusions entre le confinement sanitaire et l’isolement psychiatrique qui auraient pu être faites par quelques-uns à l’occasion de la crise de la covid-19, justement dénoncées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le Gouvernement assure, depuis le début de la crise, un suivi rapproché des mesures mises en place par ces établissements de santé dans le cadre d’une cellule de crise nationale, qui rassemble les différents acteurs.
Consécutif à une décision du Conseil constitutionnel du 19 juin dernier, l’article 42 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l’examen va bientôt débuter au sein de cette assemblée, précise les dispositions du code de la santé permettant de mieux encadrer juridiquement le recours aux pratiques d’isolement et de contention en psychiatrie. Elles entreront en vigueur à compter du 1er janvier prochain.
Les dispositions proposées par le Gouvernement répondent aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, en posant justement des durées maximales et en définissant les modalités d’encadrement et de contrôle des mesures d’isolement et de contention prises dans le cas des soins sans consentement. Elles visent également à accroître les garanties en matière de droits des patients, en renforçant la motivation des décisions médicales, mais également leur traçabilité tant au sein du dossier médical du patient qu’au sein du registre de suivi de ces mesures.
En réalité, par ces nouvelles dispositions, la France se met en conformité avec les conventions internationales, en développant un meilleur contrôle et en renforçant la politique active de réduction de ces pratiques déjà engagée, sans méconnaître pour autant la réalité de la situation difficile à laquelle sont confrontés les professionnels et les nécessités cliniques qu’impose la prise en charge des patients.
Le Gouvernement est défavorable à votre demande de rapport. Nous aurons l’occasion de rediscuter du sujet à l’occasion de l’examen de l’article 42 du PLFSS.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8 (nouveau)
Jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique, le notaire instrumentaire peut établir un acte notarié sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées, y compris lorsqu’elles résident à l’étranger.
L’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement ou de la déclaration de chaque partie ou personne concourant à l’acte s’effectuent au moyen d’un système de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat.
Le notaire instrumentaire recueille, simultanément avec le consentement ou la déclaration mentionnés au deuxième alinéa du présent article, la signature électronique de chaque partie ou personne concourant à l’acte au moyen d’un procédé de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l’article 1367 du code civil. L’acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique sécurisée.
Un décret en Conseil d’État précise, en tant que de besoin, les modalités d’application de la présente loi. – (Adopté.)
Article 9 (nouveau)
Les durées maximales d’activité dans les réserves militaire, de sécurité civile, sanitaire ou de la police nationale prévues à l’article L. 4251-6 du code de la défense, au 11° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, au 12° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et au 12° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière sont prolongées de la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme de Cidrac, M. Karoutchi, Mme Bourrat, MM. Brisson et Daubresse, Mme Noël, M. Regnard, Mme Gruny, M. C. Vial, Mmes Deromedi, Joseph et L. Darcos, MM. D. Laurent et Rapin, Mme Thomas, M. Le Gleut, Mmes Imbert et Berthet, MM. Mandelli, Bascher, Charon, Gremillet, Calvet et Savary, Mme Deroche, MM. Bonne et Vogel, Mmes Lassarade et Puissat, MM. Chaize, Husson, B. Fournier, Bouloux, Sautarel et Saury, Mme Di Folco, MM. Mouiller, Piednoir, Bazin et J.M. Boyer, Mmes Dumas et Lopez et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Le I du présent article est applicable aux agents contractuels de la fonction publique.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. La commission des lois a adopté un amendement de notre collègue Roger Karoutchi visant à « instituer le même déplafonnement des durées d’activité des réservistes fonctionnaires, pendant la durée d’application de l’état d’urgence sanitaire, afin de pouvoir assurer leur disponibilité pour des missions de réserve sanitaire, militaire, de police ou de sécurité civile, dans un contexte de forte tension opérationnelle pour l’ensemble de ces services ». Le présent amendement a pour objet d’étendre ce dispositif aux agents contractuels de la fonction publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a regretté de ne pas y avoir pensé toute seule… C’est dire si elle se réjouit de cet amendement, sur lequel elle a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Primas. Bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10 (nouveau)
I. – Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, le présent article s’applique au prochain renouvellement général des conseillers départementaux, des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’Assemblée de Guyane et des conseillers à l’Assemblée de Martinique.
II. – Chaque mandataire peut disposer de deux procurations, y compris lorsqu’elles sont établies en France.
Si cette limite n’est pas respectée, les procurations qui ont été dressées les premières sont les seules valables. La ou les autres procurations sont nulles de plein droit.
III. – À leur demande, les personnes qui, pour un motif sanitaire, ne peuvent pas comparaître devant les officiers et agents de police judiciaire habilités à établir les procurations ou leurs délégués disposent du droit à ce que les autorités compétentes se déplacent pour établir ou retirer leur procuration.
Ces personnes peuvent saisir les autorités compétentes par voie postale, par téléphone ou par voie électronique. Elles indiquent la raison de leur impossibilité de se déplacer, sans qu’il leur soit nécessaire de fournir un justificatif.
IV– Le mandataire peut être inscrit sur la liste électorale d’une autre commune que le mandant, sous réserve de respecter le II du présent article et sous le contrôle du répertoire électoral unique mentionné à l’article L. 16 du code électoral.
V. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles le préfet peut augmenter le nombre de bureaux de vote dans les communes du département afin d’assurer la sécurité sanitaire du scrutin.
VI. – Outre le vote à l’urne, les électeurs peuvent voter par correspondance dans les conditions fixées au présent VI.
Le matériel de vote par correspondance est adressé aux électeurs au plus tard le deuxième lundi qui précède le scrutin. En l’absence de réception dans le délai imparti, l’électeur peut saisir le ministère de l’intérieur, le cas échéant par voie électronique.
Ce matériel comporte trois enveloppes : une enveloppe d’expédition, une enveloppe d’identification et une enveloppe électorale.
Afin de permettre le contrôle de son identité, l’électeur signe l’enveloppe d’identification. Il y insère une copie d’une pièce d’identité ainsi qu’un justificatif de domicile.
Son pli est transmis au tribunal judiciaire par voie postale ou par les autorités compétentes pour établir les procurations.
Dans l’attente du scrutin, les plis sont conservés dans un lieu sécurisé du tribunal judiciaire. Le greffier en chef tient un registre du vote par correspondance, un numéro d’ordre étant apposé sur chaque pli. Tout électeur et tout candidat, ou son représentant, peut consulter le registre et y consigner leurs observations relatives aux opérations du vote par correspondance.
Le jour du scrutin, les plis sont acheminés jusqu’au bureau de vote par les autorités compétentes pour établir les procurations.
À la clôture du bureau de vote, son président et ses assesseurs indiquent le numéro du pli sur la liste d’émargement et introduisent l’enveloppe contenant le bulletin de vote dans l’urne, après s’être assurés que l’électeur concerné n’a pas déjà voté.
À l’issue du scrutin, les enveloppes d’identification et leur contenu ainsi que les plis parvenus après la fermeture du bureau de vote sont conservés jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux.
VII. – Toute manœuvre frauduleuse ayant pour but d’enfreindre les dispositions du II ou du VI du présent article est punie d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 €. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 10
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 22 rectifié quater, présenté par MM. Mouiller et Karoutchi, Mme Guidez, M. Milon, Mme Lassarade, M. Favreau, Mmes Thomas, Deromedi et Joseph, MM. Rietmann, Perrin, Bazin, Calvet, D. Laurent, Cambon, Belin, Bonhomme, de Nicolaÿ, Bonne, Sautarel et Piednoir, Mme Deseyne, M. Le Gleut, Mme Chauvin, MM. Laménie et Babary, Mmes Bonfanti-Dossat et F. Gerbaud, MM. Bouchet et Gueret, Mmes Imbert, M. Mercier et Procaccia, MM. Daubresse, Husson, Vogel et Pointereau, Mme Berthet, M. Lefèvre et Mmes Deroche, Di Folco et de Cidrac, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral sont suspendues le temps de l’état d’urgence sanitaire.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. La date des élections départementales et régionales est, en théorie, fixée aux 14 et 21 mars 2021, mais le Gouvernement souhaite les reporter pour des motifs sanitaires. Dans ces conditions, et en l’absence de nouvelle date, les départements et les régions se trouvent privés d’outils de communication par l’article L. 52-1 du code électoral, qui dispose que, dans les six mois précédant un scrutin, aucune communication institutionnelle inédite ne peut être faite.
Cette situation est préjudiciable à l’intérêt général. Par exemple, les entreprises en difficulté, les commerçants, les TPE et indépendants ne peuvent pas avoir accès à l’information sur les dispositifs d’aide d’urgence. De même, les demandeurs d’emploi ne peuvent être informés, par une campagne de communication ad hoc, des nouveaux dispositifs d’aide et de formation mis en place à leur intention. Cette situation peut avoir des conséquences économiques et sociales dramatiques pour les intéressés.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié quater, présenté par MM. Mouiller et Karoutchi, Mme Guidez, M. Milon, Mme Lassarade, M. Favreau, Mmes Thomas, Deromedi et Joseph, MM. Rietmann, Perrin, Bazin, Calvet, D. Laurent, Cambon, Belin, Bonhomme, de Nicolaÿ, Bonne, Sautarel et Piednoir, Mme Deseyne, MM. Le Gleut et Bouloux, Mme Chauvin, MM. Laménie et Babary, Mmes Bonfanti-Dossat et F. Gerbaud, MM. Bouchet et Gueret, Mmes Imbert, M. Mercier et Procaccia, MM. Daubresse, Husson, Vogel et Pointereau, Mme Berthet, M. Lefèvre et Mmes Deroche, Di Folco et de Cidrac, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour les nécessités de la lutte contre la pandémie de la covid-19 et contre la crise économique et sociale qu’elle entraîne, départements et régions peuvent utiliser des supports de communication afin de faire connaître leurs aides, actions et subventions jusqu’à la fin de l’état d’urgence en dérogation aux dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous avons examiné avec soin ces deux amendements. Ceux-ci nous ont paru s’exclure mutuellement.
J’ai le plaisir d’annoncer à ses auteurs que nous avons émis un avis favorable sur l’amendement n° 23 rectifié quater. En revanche, nous sommes défavorables à l’amendement n° 22 rectifié quater, qui serait de toute façon satisfait par l’adoption du précédent.
Il s’agit de permettre, en cette période préélectorale, non pas de réaliser un bilan de l’action conduite durant la mandature qui s’achève, ce qui tomberait sous le coup de la réglementation en matière de dépenses électorales, mais d’informer le plus large public sur les nouveaux dispositifs mis en place, souvent, d’ailleurs, avec le concours de l’État, pour faciliter l’accès à ces derniers.
Cette demande de bon sens paraît d’autant plus légitime que c’est une condition de l’efficacité de ces dispositifs : on ne peut pas se permettre de laisser en déshérence tant d’entreprises en difficulté économique et sociale sans les informer de ce que les aides leur permettent d’obtenir. Elle doit donc être satisfaite.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié quater et un avis favorable sur l’amendement n° 23 rectifié quater.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
D’abord, sauf si j’ai loupé un épisode, il me semble que le Gouvernement ne souhaite pas reporter les élections pour des raisons sanitaires.
Mme Sophie Primas. Pas pour ces raisons-là !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il a demandé à l’ancien président du Conseil constitutionnel M. Jean-Louis Debré de mener une réflexion en coordination avec l’ensemble des institutions concernées pour l’éclairer avant qu’il ne prenne une décision. Il est important de le rappeler.
Par ailleurs, l’article L. 52-1 du code électoral, dont la suspension est demandée à l’amendement n° 22 rectifié quater, ne prive nullement les conseils départementaux et les conseils régionaux d’outils de communication dans les six mois qui précèdent leur renouvellement. Il précise seulement que ces collectivités ne peuvent pas mener de « campagne de promotion publicitaire » de leurs réalisations ou de leur gestion. Il s’agit là d’une mesure essentielle – vous me rejoindrez sur ce point, madame la sénatrice – pour assurer l’égalité entre les candidats et ne pas privilégier les sortants en leur offrant les moyens de la collectivité pour leur campagne. (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.)
M. le rapporteur ne semble pas en accord avec l’interprétation du Gouvernement. Pourtant, cet article n’empêche pas les collectivités d’informer les entreprises ou les particuliers sur les dispositifs ouverts, à condition que cette information ne donne pas lieu à une autopromotion, et ce sous le contrôle du juge de l’élection.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’adoption de ces amendements entraînerait un retour en arrière assez important de toute la législation qui vise à mettre en situation équitable les candidats à une élection. Le président d’un exécutif local dispose d’une capacité de communication qui est aussi une capacité financière et qui peut le placer dans une situation plus favorable lorsqu’une élection se profile.
L’article L. 52–1 permet justement, dans une période qui a été fixée à six mois, de limiter la communication autorisée par les collectivités locales pour qu’elle ne vire pas à la propagande électorale.
Il ne faut pas confondre l’information, qui est tout à fait légitime jusqu’au dernier jour du mandat, et la propagande électorale, qui serait, pour le dire en termes clairs, l’utilisation quelque peu excessive des moyens de la collectivité.
Ces amendements ont pour objet de faire en sorte que ce ne soit plus le cas et que les présidents sortants des exécutifs locaux puissent utiliser plus ou moins les moyens de leur collectivité pour mener des opérations de communication électorale. Ce n’est pas possible !
J’appelle donc votre attention sur ce point. Encore une fois, cet article du code électoral vise la propagande électorale et non la communication. Et, même aujourd’hui, dans les six mois qui précèdent un scrutin, les collectivités peuvent évidemment faire de la communication, et c’est normal ! Le code électoral et la législation sur le financement des campagnes ont vocation non à empêcher les élus d’exercer leur mandat jusqu’à leur terme, mais à mettre les candidats en situation équitable.
Je comprends que le rapporteur soit quelque peu influencé par la qualité des signataires – et ils sont nombreux, même s’ils ne sont pas tous présents ! – de ces amendements, mais, connaissant son exigence juridique, il ne peut, je pense, que partager mon point de vue.
Il serait plus sain – j’utilise ce terme à dessein – de retirer ces amendements pour qu’il n’y ait pas de malentendu.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je fais partie des cosignataires de l’amendement n° 22 rectifié quater, mais, à la lumière des interventions précédentes, je reconnais que l’on peut s’interroger. Tous les codes sont complexes et pointilleux et le code électoral n’échappe pas à la règle. Sur le plan juridique, ce n’est pas simple, d’autant plus que, dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, l’État, comme l’ensemble des collectivités territoriales, s’implique fortement aux côtés de tous les partenaires.
Cependant, face à des échéances électorales comme les élections départementales et régionales, on se trouve vite contraints et limités en termes de communication et, surtout, de bonne communication. Cet amendement a d’une certaine manière pour but de protéger et de faciliter la bonne communication.
M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !
M. Marc Laménie. On croit bien communiquer dans notre société, mais, en réalité, il y a plein de vides ! Dans le cas présent, les régions, comme les départements, s’impliquent aussi beaucoup dans la gestion de la crise : elles sont aussi des partenaires, à l’instar de l’ensemble de services de l’État – agences régionales de santé, rectorats, structures économiques, etc. Pour autant, afin de gérer cette bonne communication, il faut avoir toutes les garanties, ne pas prendre de risque et faire en sorte que tout soit bien encadré. On sait que, pour être réellement dans les règles, il faut aussi des seuils de tolérance.
Pour ma part, je fais confiance au rapporteur et aux membres de la commission des lois, qui ont dû travailler sur ce texte important dans un laps de temps très court. C’est pourquoi, même si je suis cosignataire de cet amendement, je me rallie à l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Si ces amendements ne sont pas complètement satisfaisants, ils posent la question de manière objective. Il est probable – c’est dans le débat public – que les élections départementales et régionales seront reportées pour des raisons véritablement sanitaires – c’est ce que j’espère en tout cas.
Cela emporte des conséquences de tous ordres. Nous nous penchons là sur le problème des actions des départements et des régions, mais nous pourrions évoquer les questions que les sénateurs que nous sommes entendent régulièrement des maires et des exécutifs locaux : comment présenter nos vœux à la population, alors que nous ne pourrons très probablement pas rassembler les habitants comme nous le faisons habituellement en pareilles circonstances ?
Pour autant, et pas seulement pour promouvoir l’action municipale, mais aussi parce qu’il faut du lien social, ces mêmes maires cherchent des moyens d’entrer en contact et d’avoir des moments d’échanges avec les habitants. S’ils se retrouvent candidats aux élections départementales ou aux élections régionales, on pourra alors leur reprocher – en tout cas, mettre à leur compte de campagne – le fait d’avoir organisé des manifestations tout à fait différentes de celles qu’ils proposent habituellement, donc préjuger ou supposer que cela aurait une influence électorale.
Ces amendements ne me paraissent pas répondre à ces questions de manière satisfaisante. En revanche, il reviendra à la mission qui, sous la présidence de Jean-Louis Debré, auditionnera un certain nombre d’acteurs dans les prochains jours, de s’interroger sur ces questions terre-à-terre. Il faut en effet tenir compte à la fois du caractère exceptionnel de la situation et assurer l’égalité due à chacun des candidats, qui constitue l’un des fondements de notre démocratie.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Je rejoins pleinement l’analyse de la commission et sa demande de rejet de l’amendement n° 22 rectifié quater : une communication sans valorisation est possible.
En revanche, pour tout dire, la position de la commission sur l’amendement n° 23 rectifié quater me met très mal à l’aise. Si cet amendement était adopté, on autoriserait explicitement les collectivités à communiquer sur le covid alors qu’elles peuvent déjà le faire, dès lors qu’elles ne valorisent pas leur action.
J’appelle l’attention du rapporteur et du président de la commission des lois sur ce point : entre le premier et le second tour des municipales, un certain nombre de collectivités, principalement les communes, ont communiqué sur le covid. Certaines l’ont fait avec objectivité et pragmatisme, d’autres ont instrumentalisé la situation, d’autres encore ont instrumentalisé la mise en valeur du « super maire » qui luttait contre le covid. Parfois, les résultats entre les premier et second tours ont été étonnamment inversés à quelques voix près et un grand nombre de contentieux sont en cours.
Par conséquent, s’il était adopté, cet amendement pourrait encourager une pratique qu’aucun de nous n’accepte. En outre, et ce point me dérange plus encore, quelques contentieux sont encore pendants et il me semble que ce ne serait pas envoyer un bon message au juge administratif que de l’appeler, par le biais de cet amendement, à une tolérance ou à une pondération dans les jugements qu’il prononcera sur les élections municipales.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Nous rejoignons totalement les analyses de Marie-Pierre de La Gontrie et Arnaud de Belenet. Même si nous savons parfaitement bien que certains ont depuis des années la capacité de passer sans retenue de la communication à la propagande – c’est un euphémisme ! –, la différence entre l’une et l’autre est essentielle !
Par ailleurs, la date des élections risque d’être fixée très peu de temps avant la tenue du scrutin. En d’autres termes, la communication qui tendrait dans certains cas vers une valorisation de l’action d’un certain nombre de présidents de département ou de région pourrait se prolonger jusqu’à tard avant le début des élections.
Nous sommes donc très fermement opposés à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Ces amendements présentent un intérêt. Il n’est qu’à voir le trouble que jettent les élections départementales et régionales !
L’exposé des motifs de ces amendements s’appuie sur le fait que le Gouvernement envisage de reporter ces élections. Il a d’ailleurs mis en place une commission à cette fin.
J’ai déposé voilà quelques semaines une question écrite pour savoir quand serait publié le décret. Au-delà de la question des comptes de campagne, on a aussi des mandataires financiers et toute une ingénierie s’est mise en route pour les élections régionales, ce qui provoque des problèmes en cascade.
Je comprends donc pourquoi cet amendement a été déposé, mais il faudrait surtout, dans les meilleurs délais, une transparence du Gouvernement sur ces élections, peu importe qu’elles soient maintenues ou reportées.
M. le président. Madame Guidez, l’amendement n° 22 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Jocelyne Guidez. Non, je le retire, monsieur le président. En revanche, je maintiens l’amendement n° 23 rectifié quater.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié quater est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Article 11 (nouveau)
Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, pour le prochain renouvellement général des conseillers des Français de l’étranger, les électeurs peuvent voter :
1° Dans les bureaux de vote ouverts à l’étranger ou par correspondance électronique, dans les conditions prévues par la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France ;
2° Ou par correspondance sous pli fermé, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État afin de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 67, présenté par M. Kerrouche, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 3 du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section…
« Vote par correspondance
« Art. L. …. – Lorsque l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131-12 du code de la santé publique est déclaré, ou lorsqu’un régime transitoire de sortie d’état d’urgence sanitaire défini à l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence est mis en place, par dérogation à l’article L. 54 du présent code, les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts, soit par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d’assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin.
« Le droit de vote par correspondance résultant du premier alinéa du présent article demeure valable jusqu’au terme du scrutin électoral concerné.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du vote par correspondance. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans le cadre de ses travaux sur ce texte, la commission a inséré un dispositif permettant d’assurer la tenue des élections par l’instauration d’un mécanisme extrêmement complet de vote incluant le vote par correspondance, mais aussi le vote avec possibilité de double procuration. Si cette question fait aussi l’objet d’une réflexion ailleurs, nous y réfléchissons depuis longtemps ici, puisque nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre lors de l’examen du texte tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires. Sur l’initiative de notre collègue Éric Kerrouche, un dispositif avait été proposé, mais on nous avait opposé à l’époque, ce qui était factuellement exact, que le temps était très court et qu’il serait sans doute complexe de mener cette opération à bien pour le second tour du scrutin.
Aujourd’hui, la situation est totalement différente, ce qui a conduit la commission à adopter un dispositif qui figure désormais dans le texte qui nous est soumis.
L’amendement n° 67 a pour objet d’étendre ce dispositif à toutes les élections. En effet, le premier mouvement de la commission – et c’est bien naturel – a été de prévoir un dispositif pour les élections de 2021, c’est-à-dire pour les élections générales. Pour des motifs que j’ignore, ce dispositif ne s’applique pas aux élections partielles, pas plus qu’aux élections suivantes, alors même que le rapport de la commission évoque expressément l’hypothèse que l’élection présidentielle et les élections législatives qui suivront pourraient être concernées.
Cet amendement a donc pour objet d’étendre le dispositif figurant dans le texte de la commission à toutes les élections et de ne pas le limiter aux seules élections prévues l’année prochaine, si tant est qu’elles soient maintenues à cette date.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avons pris d’autres dispositions en faveur du vote par correspondance, qui nous paraissent plus adaptées et permettent sa sécurisation, sans faire dépendre la possibilité de cette modalité d’exercice du droit de suffrage de l’état d’urgence sanitaire, dont on sait qu’il peut être un jour prolongé, le lendemain abandonné, le surlendemain repris.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je garde un souvenir assez précis de la nuit du 14 au 15 mars dernier, des discussions qui ont pu avoir cours sur la question des élections municipales, de ce qui a pu alors être évoqué et des positions, souvent différentes, qui ont été exprimées par certains le lendemain.
Pour plus de clarté et pour associer publiquement l’ensemble des parties prenantes, il a été décidé de confier à M. Jean-Louis Debré une mission pour étudier les conditions dans lesquelles pourraient se tenir les scrutins départementaux et régionaux et voir si les conditions sanitaires – et exclusivement celles-ci, je vous rassure, madame la sénatrice – nécessiteraient d’adopter des scénarios alternatifs.
Les conclusions de cette mission devraient être rendues d’ici à trois semaines. Je vous propose d’attendre qu’elles soient remises avant de procéder à une évolution de notre législation en matière électorale, si tant est que celle-ci soit nécessaire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement, comme il l’a été à l’amendement n° 23 rectifié quater, dont je regrette l’adoption.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié ter, présenté par M. Reichardt, Mme N. Goulet, MM. Frassa et D. Laurent, Mme Deromedi, MM. Kern, L. Hervé, Vogel, Marseille et Longeot, Mme Schalck, MM. Klinger, Bonneau, Daubresse et J.M. Arnaud, Mmes Loisier, Joseph et de La Provôté, M. Cardoux, Mme Guidez, M. Lefèvre, Mme Dumont, MM. P. Martin et Henno, Mmes Muller-Bronn, C. Fournier et Drexler et MM. Paccaud, Chaize et Levi, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, la date limite mentionnée au II de l’article L. 52-12 du code électoral est fixée au 8 janvier 2021, 18 heures, pour le renouvellement partiel du Sénat organisé le 27 septembre 2020.
II.- Le présent article est applicable en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de bon sens pour nos collègues élus ou réélus le 27 septembre dernier, qui se trouvent parfois en difficulté pour déposer leurs comptes de campagne. Dans cette période de confinement, certains ne peuvent pas voir leur expert-comptable ou récupérer un certain nombre de pièces pour achever cette formalité qui est plus que substantielle.
Par conséquent, dans le cadre des mesures liées à l’état d’urgence sanitaire et, surtout, au confinement, cet amendement vise à repousser au 8 janvier prochain la date de dépôt des comptes de campagne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. La crise sanitaire n’empêche pas d’établir dans les délais un compte de campagne pour une élection sénatoriale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Sur cet amendement, qui me donne l’occasion de saluer et de féliciter tous les sénateurs qui viennent d’être élus ou réélus, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je prends acte de l’avis défavorable de la commission, mais je précise qu’une mesure comparable a été prise pour le second tour des élections municipales.
Les cabinets d’expertise comptable ont fermé ou ont mis en place du télétravail. La situation est compliquée.
Certes, il s’agit d’une disposition importante, mais dont le terme est prévu au 8 janvier prochain. Nous avons voté des mesures autrement plus contraignantes et il me semble que, par cohérence, nous pourrions offrir cette souplesse à nos collègues élus ou réélus, dont je précise que je ne fais pas partie, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. L’amendement n° 10 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 91, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le décret de convocation des électeurs pour le prochain renouvellement général des conseillers départementaux, des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’Assemblée de Guyane et des conseillers à l’Assemblée de Martinique est publié, au plus tard, le 31 décembre 2020.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, je suis un peu inquiet du périmètre de la mission qui a été confiée à l’ancien président du Conseil constitutionnel.
Dans une démocratie, on ne change pas le calendrier des élections, quelles qu’elles soient, sans un motif d’intérêt général extrêmement puissant. C’est un principe fondamental.
Le seul motif pour lequel on pourrait reporter les élections locales prévues au mois de mars prochain, c’est naturellement un motif de sécurité sanitaire, si le déroulement de la campagne puis le déroulement du scrutin devaient avoir une incidence négative sur la santé publique en exposant nos concitoyens, en premier lieu les candidats, à des risques de contamination. Il faut donc d’abord s’attaquer au problème de la sécurité de la campagne électorale, à ses modalités et à la sécurité du scrutin avant d’envisager un report. Partir de l’idée que la seule question posée serait celle du report revient à restreindre l’enjeu que nous avons à relever dans la perspective de ces élections à une question qui est subordonnée à la question principale.
Imaginons que 2021 soit une année d’élection présidentielle. Faudrait-il commencer par se poser la question de réviser l’article 6 de la Constitution, qui prévoit la date de la fin du mandat présidentiel, avant de s’interroger sur notre capacité à sécuriser le scrutin présidentiel ?
Ce raisonnement que nous refuserions pour l’élection présidentielle, comment pourrions-nous accepter de le tenir pour des élections qui, pour être des élections administratives et non politiques, pour reprendre la terminologie juridique, n’en sont pas moins extrêmement importantes ? Elles le sont plus encore aujourd’hui, alors que nous avons à lutter contre les effets sanitaires, mais aussi économiques et sociaux d’une crise multiforme qui nous angoisse tous de la même manière, et alors que les collectivités sont en première ligne face aux difficultés que rencontrent nos concitoyens.
Par conséquent, nous considérons qu’il ne faut pas tarder à faire paraître le décret de convocation des électeurs pour les élections du mois de mars prochain. Il ne faudrait pas en effet que le Gouvernement vienne un jour nous dire qu’il est trop tard pour convoquer les électeurs et qu’il se trouve contraint de reporter le scrutin. En d’autres termes, il ne faut pas que la décision se prenne de manière implicite, avant d’être prise de manière expresse.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mentionné la décision du Gouvernement. Si le Gouvernement peut formuler des propositions dans ce domaine, il n’a pas de décision à prendre : seul le Parlement peut, par la loi, reporter un scrutin.
Indépendamment de ce que sera votre proposition, si vous voulez écarter tout soupçon de différer des élections pour des motifs de convenance politique, il vous faut démontrer d’abord, non pas que vous vous êtes interrogé sur la date d’un scrutin, mais que, conscient de votre responsabilité, vous avez tout mis en œuvre pour assurer la sécurité de ce scrutin en pensant aussi que d’autres scrutins se profilent pour lesquels personne ne peut savoir aujourd’hui si la situation sanitaire permettra qu’ils se tiennent sans avoir à prendre des précautions particulières. Quoi qu’il en soit, il faudra bien qu’ils se tiennent.
Monsieur secrétaire d’État, c’est très simple : lors de ses travaux, la commission a examiné un amendement qui ne convenait pas et qui a donné lieu à un débat. J’ai proposé, pour trancher la difficulté à laquelle nous étions confrontés, de déposer l’amendement n° 91 que je vous présente maintenant. Il doit être adopté, car nous ne pourrons pas attendre au-delà du 31 décembre prochain pour savoir si les élections doivent se tenir ou pas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Que d’a priori sur les intentions du Gouvernement comme sur le travail à venir et sur les conclusions de la mission conduite par Jean-Louis Debré, monsieur le rapporteur ! Laissons-le mener sa réflexion avec les parties prenantes.
Certes, pour les élections régionales et départementales, le code électoral ne prévoit pas de date limite pour prendre le décret de convocation.
M. Philippe Bas, rapporteur. Six semaines avant le scrutin !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Vous avez raison. À ce titre, le 31 décembre est peut-être trop tardif dans les faits.
D’ailleurs, en 2015, pour des élections de même nature, le délai de prévenance nécessaire pour nos concitoyens et pour les collectivités locales – vous avez rappelé le rôle que ces dernières jouaient, rôle d’autant plus important cette année qu’un double scrutin est prévu – a été plus long, le décret de convocation ayant été pris le 28 novembre 2014.
Il s’agit pour le Gouvernement non pas de jouer la montre, mais, bien au contraire, d’essayer de donner un maximum de visibilité aux électeurs, aux candidats – je sais d’ailleurs qu’un certain nombre d’entre vous se présenteront –, comme à l’ensemble des prestataires qui œuvrent à la réalisation et à la distribution de la propagande électorale.
C’est bien dans ce cadre-là que nous avons chargé Jean-Louis Debré de cette mission. Que lui avons-nous demandé, puisque c’est cela qui semble vous poser problème, monsieur le rapporteur ? Nous l’interrogeons sur notre capacité collective à organiser ce scrutin dans des conditions optimales de sécurité ; c’est bien le sens de la démarche du Gouvernement, de la demande qu’il lui a formulée et des réponses qu’il attend de sa part.
La date du 31 décembre 2020 est sans doute dans les faits trop tardive. C’est pourquoi je propose une fois encore que nous attendions les conclusions de la mission menée par Jean-Louis Debré pour pouvoir, en toute transparence, collectivement, parce que nous aurons établi les conditions de sécurité sanitaire de l’organisation de ce scrutin, prendre ensemble les dispositions.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je saisis la balle au bond. M. le secrétaire d’État me convainc que le 31 décembre est en effet un délai beaucoup trop long. Je rectifie donc l’amendement de la commission et je remplace la date du 31 décembre par celle du 30 novembre. Cela laissera deux jours de plus au Gouvernement. En effet, il faut qu’on ait le temps de s’organiser !
Monsieur le secrétaire d’État, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement, de manière répétée, s’oppose à la réintroduction sécurisée d’un vote par correspondance, qui est l’une des solutions possibles.
Je ne comprends pas non plus pourquoi le Gouvernement, qui avait déposé un amendement visant à assouplir le régime des procurations lors de l’examen du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, oublie de le représenter quinze jours plus tard ! Heureusement, nous n’avons pas, nous, oublié cette intention du Gouvernement et nous l’avons concrétisée en introduisant dans notre texte un assouplissement du régime des procurations.
Ces deux éléments permettront de sécuriser le scrutin. Si vous le souhaitez, vous pouvez fort bien ne pas attendre les conclusions de la mission chargée de réfléchir à la date des élections locales pour prendre des mesures de sécurisation du scrutin. Vous pourriez, sans inconvénient, et même si vous deviez décider de nous proposer de reporter la date des élections locales, d’ores et déjà accepter ces assouplissements et ces sécurisations, qui nous paraissent indispensables.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 91 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le décret de convocation des électeurs pour le prochain renouvellement général des conseillers départementaux, des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’Assemblée de Guyane et des conseillers à l’Assemblée de Martinique est publié, au plus tard, le 30 novembre 2020.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il me semble, monsieur le rapporteur, compte tenu de l’enjeu auquel nous faisons face, qu’il n’est pas utile de livrer une petite bataille comme celle que vous menez avec votre sous-amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’était ma propre proposition !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Si vous le dites…
Permettez-moi de revenir un instant sur le vote par correspondance. À l’époque, nous n’avions pas missionné Jean-Louis Debré sur ce sujet.
Que ce soit sur le vote par correspondance ou sur les procurations, eh bien oui, nous souhaitons faire les choses dans l’ordre, en toute transparence ! C’est la raison pour laquelle nous avons missionné l’ancien président du Conseil constitutionnel, l’un de vos proches, qui a lui aussi servi sous Jacques Chirac.
M. Philippe Bas, rapporteur. Quelle instrumentalisation !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Vous avez vous-même rappelé que vous aviez servi sous Jacques Chirac. C’est aussi le cas de Jean-Louis Debré. N’y voyez donc pas de l’instrumentalisation. Jean-Louis Debré est quelqu’un dont la probité ne peut pas être mise en défaut sur ces questions importantes pour nos concitoyens, pour nous tous, collectivement.
Attendons donc les conclusions de cette mission, qui va associer l’ensemble des parties prenantes, à commencer par le président de la Haute Assemblée, je n’en doute pas, avant de tirer des conséquences, que ce soit sur le vote par correspondance ou sur d’autres aspects, en premier lieu la date du scrutin.
Tel est le sens de notre démarche, qui n’a rien d’extraordinaire. Il s’agit de faire les choses dans l’ordre, de réfléchir et de prendre collectivement les décisions qui s’imposent, rien de plus.
Je renouvelle donc mon avis défavorable sur cet amendement, même rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quel contexte étrange ! Tout est étrange dans ce débat, et d’abord cet amendement. S’il est juridiquement à mon avis assez fragile, il a au moins la vertu de poser les termes du débat. On a vu au cours de l’échange qui vient de se dérouler que deux argumentations s’opposent.
Si je dis que cet amendement n’est pas solide, c’est, d’une part, parce que je ne suis pas convaincue que l’on puisse enjoindre au Gouvernement de prendre un décret de convocation, d’autre part, et cela a été déjà rappelé, parce que si la date des élections devait être reportée, c’est le Parlement qui en déciderait. Nous serions nécessairement associés à une telle décision.
Je trouve curieuse la mission qui a été confiée à Jean-Louis Debré. Le Gouvernement évolue dans un monde politique étrange : il en vient désormais à s’adresser à une personnalité extérieure pour parvenir à un consensus. Le Parlement est pourtant là pour cela, me semble-t-il. Le débat sur la date des élections aurait pu avoir lieu dans les deux assemblées.
Il est tout de même étrange de confier cette mission à une personnalité extérieure, aussi talentueuse ou légitime soit-elle, d’autant que cette mission semble variable, en tout cas à rallonge. En effet, chaque fois que vous vous levez, monsieur le secrétaire d’État, M. Debré se voit chargé d’une mission supplémentaire ! J’avais d’abord compris qu’il réfléchissait à la date des élections, je comprends maintenant qu’il travaille également sur les conditions, sur le vote par correspondance. Bref, je le redis, tout cela est assez étrange.
Le contre-pied que vient de prendre à l’instant le rapporteur, qui propose la date du 30 novembre au lieu du 31 décembre, est encore plus étrange. Monsieur le rapporteur, le 30 novembre, nous serons encore en confinement. Certes, le Président de la République peut faire preuve de beaucoup d’imagination, mais nous savons qu’il sera impossible le 30 novembre de fixer la date des élections au milieu de toute cette confusion. Nous ne sommes donc pas d’accord sur cette date.
Pour conclure, après avoir écouté vos échanges à fleurets non mouchetés, nous préférons ne pas prendre part au vote, car nous considérons que c’est au Parlement que doit se dérouler le débat sur la date des élections, conformément d’ailleurs à ce que prévoient les textes.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Que souhaitons-nous pour les Français, pour les électeurs ? Nous voulons éviter le chaos que nous avons connu les 15 mars et le 28 juin. Le chaos dans les prises de position a mis en danger les 500 000 personnes qui ont tenu les bureaux de vote dans ce pays. Je rappelle qu’il n’y avait ni gel ni masques le 15 mars dernier.
Nous voulons aussi éviter le chaos démocratique que constitue le taux d’abstention que nous avons connu lors des deux tours des élections municipales, lesquels ont eu lieu à plus de trois mois d’intervalle.
Il est normal que nous nous intéressions aux élections départementales et régionales et que le Gouvernement, mais aussi la représentation nationale, les anticipe – le mot a été utilisé régulièrement hier – afin qu’elles puissent se dérouler dans de bonnes conditions.
En tant que président de groupe, j’ai eu Jean-Louis Debré une demi-heure au téléphone, car il consulte l’ensemble des personnes susceptibles de l’aider à se forger une opinion. On peut se l’avouer entre nous, il est tout de même hautement improbable que les élections puissent se tenir dans de bonnes conditions au mois de mars. Ne jouons pas les vierges effarouchées en disant qu’elles pourront avoir lieu, car ce n’est pas vrai. Au nom de mon groupe, je lui ai dit que nous souhaitions un report de ces élections au mois de juin.
Très sincèrement, je pense que, sur l’ensemble de nos travées, quelles que soient nos appartenances politiques, nous souhaitons tous, de manière consensuelle, éviter la catastrophe que nous avons connue sur le plan démocratique.
Dans ce contexte, allons au bout du raisonnement, monsieur le secrétaire d’État. Puisqu’il faudra peut-être, pour ne pas dire sûrement, reporter les élections, qui sont un rendez-vous essentiel pour les Français, votons le report dans les meilleurs délais, dès le début de l’année 2021. Nous devons faire un effort de clarté et de lisibilité pour nos compatriotes afin qu’ils puissent se projeter dans cette élection, qui constituera un rendez-vous démocratique essentiel dans cette période de doute dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Comme Mme de La Gontrie, je trouve ce débat quelque peu étrange. Le texte dont nous débattons comprend des dispositions sanitaires, mais aussi économiques. Il traite également de la démocratie de proximité, ce sujet étant fondamental.
Force est de dire que les choses sont complexes, nous sommes dans le brouillard. Je suis très à l’aise pour évoquer ces questions puisque je ne suis plus conseiller général et que je ne serai pas candidat lors des prochaines élections départementales ou régionales. Les élus nous font confiance pour œuvrer dans le sens de l’intérêt général et servir la Nation. Vous avez mandaté un grand expert pour nous éclairer sur les échéances départementales et régionales, mais pourquoi ne pas faire confiance au Parlement ? L’Assemblée nationale et le Sénat comprennent des élus et des personnels de qualité, très compétents d’un point de vue juridique, notamment au sein des commissions. Ces personnes pourraient nous éclairer sur ces sujets.
Par ailleurs, notre institution a toute légitimité pour fixer le calendrier électoral. À cet égard, je rejoins ce qu’a dit le président Kanner dans son intervention sur la démocratie locale. Il ne faut pas que nous connaissions de nouveau les taux d’abstention du premier tour des municipales. Les élections départementales et régionales sont aussi importantes pour la démocratie de proximité.
Je me rallierai donc à l’avis de la commission des lois.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Un mot sur l’amendement de M. le rapporteur.
Les deux dispositifs proposés, qui ont fait l’objet de discussions en commission des lois, posent une question de fond et de forme.
Sur le fond, des considérations constitutionnelles sur les injonctions du Gouvernement nous invitent à exprimer une certaine prudence.
Sur la forme, cet amendement tend à exiger du Gouvernement ce qu’il a en réalité déjà annoncé, à savoir une décision à la fin de l’année sur la tenue des scrutins de mars 2021, à l’issue de la mission confiée à Jean-Louis Debré, qui consulte aujourd’hui et travaille à l’émergence d’un consensus sur la question afin que les élections, ainsi que la campagne qui les précède, puissent se tenir dans les meilleures conditions.
Pour ces raisons, notre groupe n’aurait pas voté l’amendement n° 10 et ne pourra pas non plus voter l’amendement n° 91, même rectifié.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Je ne vois pas de brouillard sur cette question.
Premièrement, la date des élections doit-elle être maintenue ? La réponse est oui, dans un fonctionnement démocratique normal.
Deuxièmement, sommes-nous ou non en mesure de permettre des élections dans des conditions sanitaires sûres pour nos concitoyens ? C’est à cette fin que nous proposons le vote par correspondance.
Troisièmement, l’amendement proposé par M. le rapporteur sur la date de publication du décret est-il une réponse ? Je n’en suis pas tout à fait convaincu. Je pense en fait que cet amendement, s’il était adopté, pourrait permettre au Gouvernement de dire qu’il n’a pas été en mesure de publier le décret à la date arrêtée et que, dans ces conditions, il n’y a pas d’autre solution que de reporter les élections.
Quatrièmement – et c’est le seul sujet pour moi –, le Gouvernement conservera-t-il à l’Assemblée nationale les dispositions que nous avons introduites dans le texte s’agissant du vote par correspondance ? Si la réponse est oui, les élections départementales et régionales pourront avoir lieu dans des conditions correctes. Si la réponse est non, cela signifie que le Gouvernement a déjà pris la décision de reporter ces élections et qu’il en a déjà convaincu sa majorité. Dans ce cas, il ne pourra pas prendre prétexte de la situation sanitaire puisque nous lui aurons proposé des modalités de vote par correspondance, sur lesquelles je n’ai pas entendu de critiques de fond.
À titre personnel, je considère que nous ne pourrons prendre position sur ce sujet qu’à l’issue de l’examen du texte par l’Assemblée nationale et lorsque le Gouvernement aura pris une décision. La situation sera alors claire. C’est la raison pour laquelle je disais que je ne voyais pas de brouillard sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Merci, monsieur le rapporteur, de cet amendement, que je soutiendrai bien évidemment.
Étant membre non pas de la commission des lois, mais de la commission des affaires étrangères, je n’ai pas participé aux discussions sur ce texte. Je souhaite donc attirer votre attention sur l’élection pour nos compatriotes expatriés.
Si vous avez besoin de visibilité et de sécurité en France pour les élections régionales, il en va de même – et peut-être plus encore – pour les Français de l’étranger. Ils ne doivent pas être exclus du dispositif. Eux aussi ont besoin d’être informés le plus rapidement possible des dates des élections.
M. Jean-Yves Leconte. Cela a été intégré au texte !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Ce débat est très fructueux, très riche.
Ce qui importe à la commission des lois, c’est essentiellement la sécurisation du scrutin s’il devait se tenir. C’est pour cela que nous avons adopté dans notre texte des dispositions sur le vote par correspondance.
Notre collègue Leconte a d’ailleurs déposé un amendement visant à permettre l’application de ces dispositions lors des élections consulaires. Cela rassurera Mme Garriaud-Maylam.
Ce qui nous importe, c’est, premièrement, le vote par correspondance, sécurisé ; deuxièmement, le régime des procurations. Ces deux dispositions ont été adoptées.
La question de la date des élections est subordonnée à notre capacité à sécuriser ce scrutin. À cet égard, je prends acte de l’engagement de M. le secrétaire d’État, qui nous a indiqué que le Gouvernement avait demandé à Jean-Louis Debré de remettre son rapport de mission d’ici à trois semaines. C’est un élément très important. Lors de nos délibérations, nous nous étions posé la question de la durée de cette mission, et c’est parce que nous ignorions qu’elle serait brève que j’ai été mandaté à l’issue de notre débat pour présenter cet amendement.
Puisque le terme est proche, et compte tenu de nos échanges, je retire cet amendement, en accord avec le président de la commission, de sorte que nous puissions délibérer sereinement à partir des conclusions du rapport de M. Debré.
M. le président. L’amendement n° 91 rectifié est retiré.
L’amendement n° 68, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes définies à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles et les personnes en situation de fragilité financière définies au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et des facturations de frais et de services bancaires durant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire et prorogé en application de l’article 1er de la présente loi.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement porte sur l’exonération des commissions perçues par les établissements financiers en cas d’irrégularités de fonctionnement de compte bancaire pour les personnes en grande fragilité financière. Nous avons déjà abordé ce sujet lors de l’examen des précédents textes portant sur l’état d’urgence sanitaire.
Nous savons très bien combien peuvent coûter les irrégularités de fonctionnement bancaire. Les frais peuvent parfois atteindre plusieurs centaines d’euros par an. Nous proposons donc de suspendre ces frais pour les personnes en grande fragilité financière pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 89, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 68, alinéa 3
1° Remplacer les mots :
en situation de fragilité financière définies
par les mots :
qui bénéficient de l’offre spécifique prévue
2° Supprimer les mots :
et des facturations de frais et de services bancaires
3° Après le mot :
prorogé
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dans les conditions prévues à l’article L. 3131-14 du code de la santé publique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Pour faire simple, la commission est d’accord avec les auteurs de l’amendement pour que, en cas de découvert, les mesures prises pour rééquilibrer un compte n’entraînent pas de frais pour son titulaire. En revanche, nous ne souhaitons pas prendre de dispositions particulières s’agissant des frais de gestion courante du compte, car ces frais ne sont pas différents en période de covid et en période de sécurité sanitaire.
Tel est le sens de ce sous-amendement à l’amendement de nos collègues du groupe socialiste.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, nous avions déjà eu l’occasion de débattre de ce sujet lors de l’examen d’un précédent projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. C’était en mai, sauf erreur de ma part. Le Gouvernement avait à l’époque émis un avis défavorable sur cette proposition. Dans le droit fil de cet avis, j’émets aujourd’hui aussi un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur le sous-amendement du rapporteur.
Depuis 2017, nous avons apporté de nombreuses protections aux publics fragiles en cas de frais d’incidents bancaires. Auparavant, il n’y avait pas de plafond, y compris pour les publics fragiles. Les banques n’avaient aucune contrainte pour fixer leurs critères d’identification des publics fragiles.
En 2018, le ministre de l’économie et des finances a obtenu des banques françaises que les frais d’incidents bancaires soient plafonnés pour les publics les plus vulnérables. Vous connaissez le dispositif : plafonnement à 25 euros par mois de tous les frais d’incidents ; plafonnement à 20 euros par mois et à 200 euros par an des frais d’incidents pour les bénéficiaires de l’offre spécifique que les banques doivent proposer à leurs clients en situation de fragilité ; augmentation de 30 % du nombre de bénéficiaires de cette offre spécifique.
En 2020, le ministre de l’économie et des finances a signé un décret pour mieux encadrer encore l’identification des publics fragiles. Je n’entre pas dans le détail.
Le principe du plafonnement des frais d’incidents bancaires et l’ensemble des mesures que nous avons prises sur ce sujet ont été consignés dans une charte qui a été homologuée par décret du ministre de l’économie et des finances.
Enfin, nous avons resserré le suivi de cette question. L’Observatoire de l’inclusion bancaire a été chargé de relever chaque trimestre les données à ce sujet, au lieu de deux fois par an auparavant. Il analysera notamment la façon dont les banques détectent la fragilité et le nombre de personnes concernées. Sur la base du prochain bilan de l’Observatoire, nous serons prêts à enrichir le dispositif actuel, en concertation, évidemment, avec les parlementaires qui travaillent activement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis très favorable à cet amendement. Je rappelle que, en février dernier, nous avons voté, sur proposition du groupe socialiste, un texte visant à rendre effectif le plafonnement des frais bancaires. Entre le dire et le faire, il y a parfois en effet la moitié de la mer !
Je pense que tous les dispositifs nécessaires pour que les frais soient véritablement plafonnés ne sont pas mis en œuvre, sinon nous n’aurions pas eu à débattre de ce sujet au Sénat il y a quelques mois. Les mesures que tend à prévoir cet amendement sont donc absolument nécessaires.
Les problèmes d’exclusion bancaire sont majeurs. En cette période de très grande fragilité et de casse sociale, ils seront plus graves encore. À cet égard, je vous renvoie au débat que nous avons eu sur la proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires.
Pour l’instant, il y a beaucoup de bonnes intentions, mais, dans la réalité, le compte n’y est pas.
Pour ma part, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Monsieur le secrétaire d’État, Nathalie Goulet l’a rappelé, nous avons déjà évoqué les problèmes des frais bancaires depuis le début de la crise, y compris lors de l’examen d’une proposition de loi que j’avais défendue et qui a été adoptée.
Il est vraiment temps de renoncer aux éléments de langage que Bercy relaie concernant l’engagement d’autorégulation des banques. Dans la période d’urgence sanitaire que nous connaissons, ce sont les plus pauvres qui vont payer le plus de frais bancaires, à un moment où ils sont mis en difficulté.
Ce sujet soulève également la question de l’efficacité des politiques publiques. Le soutien aux ménages les plus modestes est déjà insuffisant, mais si les 100 ou 150 euros qui leur sont alloués leur servent uniquement à payer des frais bancaires, on est loin de l’objectif de départ.
Il me semble donc qu’il serait vraiment très utile d’adopter cet amendement dans le présent texte.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
L’amendement n° 70, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, et jusqu’à trois mois après sa cessation, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse et le délai d’accès à l’interruption de grossesse par voie médicamenteuse est allongé de deux semaines.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons déjà eu plusieurs fois l’occasion, lors de nos débats sur l’état d’urgence sanitaire, de pointer les difficultés que rencontrent les femmes pour accéder à une IVG alors que les services de soins sont embolisés du fait de l’accueil des victimes du covid.
Il est proposé ici que, pendant la période d’urgence sanitaire, le délai d’accès à l’IVG soit prolongé de deux semaines. Vous le savez, le débat sur la prolongation du délai, de manière générale, a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Pour notre part, nous proposons ici non pas une disposition pérenne – le moment viendra, nous aurons ce débat –, mais une disposition pour une durée strictement limitée à celle de l’état d’urgence sanitaire.
Ayez bien à l’esprit que l’accès à l’hôpital aujourd’hui est réservé d’abord aux victimes du covid et aux personnes dont l’état de santé le justifie, mais que l’accès à l’IVG n’est plus du tout une priorité pour le monde médical.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mes chers collègues, c’est naturellement une question que nous nous devons d’examiner avec beaucoup d’attention.
Aujourd’hui, un certain nombre de femmes enceintes qui souhaiteraient faire procéder à une interruption volontaire de grossesse tardent à en faire la demande pendant les périodes de confinement parce qu’elles craignent d’être contaminées en se rendant dans un établissement hospitalier. Cette crainte, nous dit-on, pourrait perdurer après la fin du confinement, le virus n’ayant pas disparu, comme le prouvent d’ailleurs les décisions de reconfinement qui ont été prises par le Gouvernement.
Pendant toute la période qui a suivi la fin du premier confinement, un certain nombre de femmes peuvent ne pas avoir été rassurées à l’idée de se rendre dans des services hospitaliers ou avoir vu leur mouvement entravé.
C’est donc sur la base de cette interrogation – je ne peux pas parler véritablement de constat – que cet amendement a été déposé pour la troisième fois depuis le début de la crise sanitaire.
Le Gouvernement a eu l’occasion de dire qu’il avait pris la mesure du problème en rendant possibles, par exemple, les vidéoconsultations, lesquelles se sont développées, et qu’il avait été attentif à ce que les droits des femmes en matière d’accès à l’interruption volontaire de grossesse soient respectés pendant la période de lutte contre le fléau du covid-19.
Par ailleurs, nous l’avons constaté, le report du délai normal légal pour pratiquer une IVG ne fait pas l’objet d’un consensus médical. Un certain nombre de médecins soulignent même que, à partir de la douzième semaine, une telle intervention médicale comporte des inconvénients beaucoup plus importants que pendant la période précédente.
Tous ces éléments combinés me font penser qu’il ne faut modifier les échéances prévues dans la loi de 1975 que d’une main tremblante.
Pour ma part, je préférerais que le Gouvernement nous explique ce qu’il met en œuvre pour assurer le respect des droits des femmes en matière d’interruption volontaire de grossesse avant d’envisager une telle mesure.
La commission, comme elle l’avait fait lors des deux précédents examens du même amendement, a émis un avis défavorable.
Pour autant, il importe que la demande de nos collègues du groupe socialiste ne soit pas traitée d’une manière inadéquate. Il est donc très important, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous apportiez des éléments de réponse qui puissent rassurer pleinement tous ceux d’entre nous qui sont inquiets.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. À l’invitation du rapporteur Bas, je vais m’efforcer de vous apporter une réponse adéquate. Cet amendement soulève en effet de vraies questions.
Nous le savons tous, les fortes tensions du système de santé qui résultent de l’épidémie à laquelle nous faisons face ont créé de véritables préoccupations s’agissant de l’accès effectif à l’avortement lors de la première vague. La dégradation récente de la situation sanitaire est susceptible d’entraîner les mêmes difficultés.
Vous avez cependant constaté que les conditions de ce deuxième confinement sont sensiblement différentes de celles de la première vague, avec davantage de possibilités de mobilité. Pour autant, il faut évidemment rester très attentif à l’effectivité de l’accès à l’avortement.
En avril dernier, nous avions décidé le rétablissement par voie réglementaire des adaptations pour l’IVG médicamenteuse pour préserver le droit à l’avortement pendant cette phase d’urgence sanitaire, le recours à la téléconsultation, à la vidéoconsultation pour la prise des médicaments – le rapporteur l’évoquait –, ainsi que la facilitation du retrait des médicaments nécessaires en pharmacie, ou encore l’extension de deux semaines de la période pendant laquelle l’IVG médicamenteuse peut être pratiquée, soit jusqu’à la fin de la septième semaine de grossesse.
L’ensemble de ces mesures est en cours d’examen dans le cadre nouveau du confinement tel qu’il a été établi par le Président de la République, puis précisé par le Premier ministre hier. Nous sommes en train d’évaluer quelles dispositions doivent être réactivées, ou pas, pour assurer l’effectivité de l’accès à l’avortement. C’est, je pense, ce qui nous réunit tous.
Par ailleurs, madame la sénatrice, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, à l’Assemblée nationale, le 8 octobre dernier, le Gouvernement s’est engagé – et a saisi le Comité consultatif national d’éthique à cette fin – à étudier la perspective d’étendre de façon pérenne les délais impartis pour pratiquer l’IVG hors période de crise sanitaire.
C’est la raison pour laquelle, dans l’attente de cet avis, je vous invite à retirer l’amendement. Sinon, en cohérence avec la position adoptée par le Gouvernement à l’occasion de cette proposition de loi, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 71, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les victimes des violences mentionnées à l’article 132-80 du code pénal ne peuvent être soumises au couvre-feu, ou maintenues en confinement dans le même domicile que l’auteur des violences, y compris si les violences sont présumées. Si l’éviction du conjoint violent ne peut être exécutée, un lieu d’hébergement permettant le respect de leur vie privée et familiale leur est attribué.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous l’avons constaté lors du premier confinement, cette configuration de vie très particulière a provoqué une explosion des violences intrafamiliales. Le ministre de l’intérieur avait constaté, au bout de dix jours de confinement, 32 % d’augmentation des signalements dans les zones gendarmerie, 36 % pour la préfecture de police de Paris.
Dans cette nouvelle période de confinement, il faut donc mettre en place des protections. Il convient de préciser que les victimes ne sont pas soumises à l’interdiction de se déplacer, et donc au couvre-feu ou à ce qui en tient lieu désormais, et ne peuvent pas être maintenues en confinement dans le même domicile que l’auteur des violences. Si l’éviction du conjoint violent ne peut être exécutée, un lieu d’hébergement doit leur être attribué.
De nombreux efforts de communication ont été déployés, nous le savons, pour rappeler aux femmes, mais aussi aux enfants, qu’ils pouvaient se signaler. Cet effort doit être est inlassablement poursuivi et il est très important d’affirmer que, couvre-feu ou non, confinement ou non, ces personnes méritent protection.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a déjà permis l’adoption d’un amendement de même nature pour ce qui concerne les quarantaines. Il s’agit là aussi de mettre à l’abri une personne menacée de violences conjugales ou ayant subi de telles violences pendant la période du confinement, même si celle-ci est plus souple que la précédente.
La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
L’amendement n° 82 rectifié ter, présenté par M. Kerrouche, Mmes Lubin et de La Gontrie, M. Bourgi, Mmes Bonnefoy, Harribey, S. Robert, Conconne, Conway-Mouret et Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme Lepage et M. M. Vallet, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dès la publication de la présente loi, un décret définit les conditions dans lesquelles les activités physiques dynamiques individuelles sur et depuis la plage sont autorisées et dans lesquelles les plages, les plans d’eau, les lacs et les forêts sont ouverts au public, par dérogation aux mesures prises dans le cadre du 1° et du 2° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est un sujet que nous connaissons bien, puisque nous avons déjà eu l’occasion de débattre, lors des précédents textes sur l’état d’urgence, de la question de l’accès aux plages, aux plans d’eau, aux lacs et aux forêts. Lors du premier texte, rappelez-vous, il n’était pas possible d’accéder à ces lieux. Il a fallu des discussions assez soutenues avec le Gouvernement pour que les plages soient finalement accessibles suivant un concept d’activités dites « dynamiques ».
Il est proposé ici, de la même manière, que les activités soient autorisées sur les plages, ainsi que sur les plans d’eau, les lacs et les forêts, ouverts au public. Il doit être clair que, dans cette période, ces espaces sont ouverts à nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Tout d’abord, pendant cette période de confinement, l’accès aux plages n’est pas interdit ; c’est très important.
Ensuite, il est vrai que nous avons voulu, au moment de la sortie du premier confinement, faciliter l’accès aux activités nautiques. C’était d’autant plus possible et souhaitable que nous arrivions à la période de l’été et que la vitesse de circulation du virus était extrêmement faible.
Nous sommes dans une situation bien différente de retour au confinement, tandis que le virus circule à une vitesse plus importante. Il me semble que les souplesses déjà prévues par des décisions du Gouvernement sont suffisantes et qu’il ne faut pas aller au-delà.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour deux raisons.
D’une part, ces précisions nous semblent relever davantage du domaine réglementaire que de la loi. D’autre part, le décret paru ce matin prévoit que les parcs et jardins resteront ouverts, de même que les plages. Pour autant, les activités nautiques, je me permets de le préciser, restent interdites.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dois-je comprendre, monsieur le secrétaire d’État, que le décret répondant à la question est paru ce matin et qu’il n’y a donc plus d’ambiguïté ? Notre objectif est très pragmatique : il s’agit d’éviter toute confusion et des interprétations différentes des préfets suivant les départements, notre littoral étant extrêmement étendu.
Si vous le confirmez devant le Sénat, monsieur le secrétaire d’État, engageant ainsi le Gouvernement, nous retirons l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, le décret paru ce matin confirme l’état du droit, c’est-à-dire que les plages, les parcs et les jardins restent ouverts, sur la décision de l’autorité compétente. Je vous précise que les forêts n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque interdiction. En revanche, les activités nautiques, je le réitère, ne sont pas autorisées.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les plages restent ouvertes !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Les plages restent ouvertes !
J’aurais effectivement d’ores et déjà pu formuler une demande de retrait lors de ma précédente intervention ; sinon, l’avis est défavorable.
M. le président. Madame de La Gontrie, l’amendement n° 82 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 11 n’est pas soutenu.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Chacune et chacun d’entre vous l’aura compris, notre groupe votera contre ce projet de loi, pour plusieurs raisons que ma collègue Cécile Cukierman a eu l’occasion de rappeler lors de la discussion générale.
Bien évidemment, nous ne méconnaissons pas les efforts qui ont été réalisés par la commission des lois, notamment par son rapporteur. Il n’en demeure pas moins que ce texte donne toujours trop de pouvoirs à l’exécutif, et pendant beaucoup trop longtemps, en abaissant le rôle du Parlement. Je pense sincèrement qu’il s’agit d’une démission démocratique. Or nos propositions pour redonner au Parlement la place et le rôle qui doivent être les siens, particulièrement dans une situation de crise, ont été rejetées. Nous en prenons acte.
Quant aux ordonnances, malgré l’effort de la commission pour en réduire le nombre, elles demeurent trop nombreuses, notamment dans le domaine du droit du travail. Nous rappelons une nouvelle fois que c’est une façon de mettre à l’écart le Parlement, d’autant que la Constitution n’est pas respectée, celle-ci exigeant une ratification expresse des ordonnances, ce qui est, vous l’avouerez, loin d’être le cas.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, je confirme, à l’issue de ce débat, que le groupe CRCE votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans mon intervention au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain en discussion générale, j’indiquais le regard à la fois vigilant et inquiet que nous portions sur ce projet de loi, en raison de la négation du rôle du Parlement, mais aussi de l’absence de tout un pan de nécessaires dispositions dans le domaine social dans cette période.
Incontestablement, et nous avions déposé des amendements en commission, nos regards ont convergé avec la majorité de la commission, puis avec celle du Sénat. Le texte a été considérablement amélioré, de notre point de vue, puisque le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire prévu dans le texte initial a disparu, les habilitations pour les ordonnances ont été réduites de près de moitié et la durée de l’état d’urgence sanitaire a été cantonnée. Des progrès très importants ont donc été réalisés et nous en sommes satisfaits.
Pour autant, le Sénat a systématiquement refusé toutes nos propositions destinées à mieux accompagner les populations qui vont se trouver en grande difficulté dans cette période, et qui le sont d’ailleurs déjà depuis plusieurs mois. Évidemment, cela nous préoccupe et rend le projet de loi un peu bancal.
Nous l’avions indiqué, ce texte devait selon nous marcher sur deux jambes : d’une part, en respectant le Parlement, ce qui est désormais le cas – c’est une bonne chose –, d’autre part, en traitant aussi les questions sociales – et cet aspect fait défaut. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, je ne vais pas répéter ce que nous avons dit hier lors du débat avec le Premier ministre, mais, nous le savons, il est impératif d’agir pour endiguer au plus vite la propagation du virus dans notre pays et de tout faire pour ne pas revivre un épisode aussi dramatique que celui du printemps dernier. Il faut agir rapidement et avec force. C’est dans ces circonstances que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire paraît indispensable, tout comme il paraît nécessaire d’habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance durant cette période, mais toujours avec le sens de l’urgence et de l’intérêt général.
Comme je le disais lors du débat sur la déclaration du Gouvernement, un vote favorable ne signifie ni une unanimité irréfléchie ni un blanc-seing. En cela, mes collègues du groupe RDSE et moi-même nous réjouissons du travail effectué en vue de la réduction du nombre des habilitations accordées au Gouvernement. Le Parlement ne doit pas être écarté de toute décision durant cette crise et nous demandons à être associés aux orientations que le Gouvernement souhaite impulser.
La gravité de la période ne saurait suffire à justifier une atteinte si excessive aux principes régissant le fonctionnement démocratique de notre nation. Car la démocratie doit pouvoir se poursuivre, au niveau national comme au niveau local.
En ce sens, le groupe RDSE se félicite de l’adoption de l’amendement déposé par notre président, Jean-Claude Requier, assouplissant les règles de quorum applicables aux organes délibérants des collectivités territoriales. Il paraissait impératif d’accompagner nos collectivités territoriales dans leur action quotidienne.
Nous pensons aussi à nos compatriotes d’outre-mer, qui subissent cette crise dans des conditions particulières. Il faudra donc veiller à ce qu’ils reçoivent notre soutien tout au long de cet épisode, comme nous avons souhaité le faire en particulier pour nos concitoyens de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous nous félicitons également de l’adoption hier de l’amendement portant sur les adaptations facilitées pour les commerces de proximité, témoignant que le Sénat est toujours au chevet de ses territoires.
Au regard de tous ces éléments, le groupe RDSE votera en faveur de ce texte. Comme j’ai déjà pu le souligner, notre position est commandée par l’intérêt général. Elle est une position de raison, un soutien de responsabilité face aux événements.
Toutefois, ce vote ne nous empêchera pas de rester vigilants. Le Parlement devra toujours demeurer en mesure d’assumer l’une de ses principales fonctions : celle de contrôler l’action du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je voudrais à mon tour saluer le travail de la commission des lois, du rapporteur Philippe Bas et de son président, ainsi que des collègues qui se sont exprimés avec efficacité et réactivité sur un texte complexe, dans la lignée de ceux qui ont été examinés dès le mois de mars dernier.
Dans ce contexte particulièrement compliqué, nous espérons trouver des solutions. Beaucoup d’amendements ont été débattus, dans l’optique générale de soutenir ceux qui sont en première ligne, et ils sont nombreux : les personnels de santé, bien entendu, mais aussi tous les services de l’État, des collectivités locales. Le soutien au monde économique est également une priorité, avec la fermeture des petits commerces de proximité, la réduction drastique de certaines activités, dont les conséquences risquent d’être dramatiques. Nous devons y rester vigilants.
Je me réjouis, en tant que modeste membre de la délégation aux droits des femmes, de l’adoption de l’amendement sur les violences intrafamiliales, auxquelles il convient d’être particulièrement vigilant.
En termes de soutien au monde économique, social, associatif et de la santé, je salue les dispositions prises au niveau des services de l’État et des collectivités locales. À cet égard, je souligne l’importance de la concertation et de la confiance. Le groupe Les Républicains votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Au moment d’achever l’examen de ce projet de loi, j’évoquerai une problématique qui ne l’a pas été suffisamment, à mon sens, tant par le Premier ministre hier que lors de nos débats. Avant cela, je voudrais acter que la feuille de route et les marges de manœuvre dont vous disposiez, monsieur le secrétaire d’État, comme votre collègue Brigitte Bourguignon, ont rendu votre mission intéressante, mais ardue. En tout cas, elles ont permis de tester la bienveillance des sénatrices et des sénateurs.
Le Sénat s’est efforcé, fort de l’expérience du premier confinement, d’apporter des solutions ou de limiter les effets collatéraux des décisions qui doivent être prises. Ce fut le cas en matière économique, sociale, s’agissant des commerces, et à l’égard des collectivités.
Une thématique n’a pas été assez évoquée – et même pas du tout –, celle du handicap. Au moment où le port du masque devient obligatoire dans les écoles pour les enfants âgés de 6 à 11 ans, permettez-moi de « zoomer » sur ce sujet. Les masques transparents ont fait l’objet de certifications très rapides grâce à la mobilisation du secrétariat d’État chargé du dossier, mais nous constatons une pénurie. Les entreprises peinent à produire ces masques, qui sont pourtant absolument essentiels à tous ceux, victimes d’un handicap, ayant besoin d’une lecture faciale et labiale.
Ces masques sont par ailleurs indispensables, que l’on soit handicapé ou non, en cours préparatoire (CP).
Je voulais donc vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur cette problématique très concrète, afin que vous la relayiez auprès de vos collègues. C’est un vrai sujet de vigilance pour le Gouvernement, qu’il s’agisse de l’aide à la fabrication de ces masques ou de la priorisation de leur affectation aux enseignants et aux enfants de CP, d’unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS-école) ou bénéficiant d’un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH, ex-AVS) en cursus normal.
Ce petit zoom sur le handicap illustre une problématique que nous ne perdons pas de vue, collectivement, même si elle a été assez peu évoquée lors de nos débats.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Je n’allongerai pas les débats outre mesure, mes chers collègues. Plusieurs points n’apparaissaient pas irréconciliables au commencement. Je pense à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, à laquelle nous avons en majorité consenti dans cette assemblée. Je pense également aux mesures d’urgence économique et sociale. Si un désaccord a pu se poser quant à la méthode, si une certaine méfiance, que nous ne partageons pas, a pu s’exprimer sur ces bancs, nous nous accordons tous, je le crois, sur le caractère indispensable de ces mesures. Un certain nombre d’amendements, y compris du Gouvernement, sont d’ailleurs venus depuis hier soir renforcer les dispositifs proposés pour tirer les conséquences, très difficiles, de cette crise.
Certaines réserves importantes demeurent dans les modalités de gestion de la crise : je pense à la faculté de mettre en œuvre, à l’issue de l’état d’urgence sanitaire, un régime transitoire conférant une certaine agilité et de nature à favoriser une sortie anticipée de celui-ci. Je pense également à l’allongement très modeste que prévoit ce texte pour la mise en œuvre des systèmes d’information, et ce alors même qu’ils sont indispensables à la stratégie « tester-tracer-isoler » et que l’on a constaté une montée en charge de ces systèmes sur les dernières semaines.
Pour toutes ces raisons, et dans l’espoir que les positions puissent être rapprochées en commission mixte paritaire cet après-midi, le groupe RDSE s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en quarante-huit heures, nous sommes amenés à exprimer deux votes très différents : si le vote proposé hier était binaire, celui d’aujourd’hui ne l’est pas.
Le vote d’hier était binaire, puisqu’il nous conduisait à dire « oui » ou « non » à une déclaration générale, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Il soulevait la question de savoir s’il était raisonnable ou pas de voter après les décisions, si la gestion de la crise sanitaire était pertinente ou non et si finalement la société française était suffisamment résiliente pour résister aux conséquences des mesures qui étaient prises. C’était oui ou non, blanc ou noir.
En cette fin de matinée, nous avons à nous positionner sur un texte qui a été modifié sur un point essentiel, la mesure la plus restrictive des libertés, celle qui a le plus grand impact économique et social : le reconfinement. Notre assemblée a demandé que le Parlement soit en situation d’être saisi, au plus tard le 8 décembre, et qu’il se prononce sur une mesure de prorogation du reconfinement. Cela change tout ! Sur cette base, le groupe Union Centriste est clairement favorable au projet de loi.
Si, à l’issue de la CMP et de l’examen par l’Assemblée nationale qui en résultera, la version finalement retenue devait être celle du Gouvernement, à savoir une situation d’état d’urgence sanitaire pendant cinq mois et demi – j’intègre bien sûr la période en organisant la sortie –, nous glisserions alors vers une situation totalement anormale.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne ferai pas le reproche au Président de la République de vouloir faire une mauvaise utilisation des cinq mois et demi d’état d’urgence, mais nous nous mettons à accepter une situation d’affaissement de notre démocratie qui, dans un autre contexte politique, nous placerait dans une situation impossible. Ne créons pas ce genre de précédent.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires n’est pas du tout convaincu que le régime d’exception qu’est l’état d’urgence sanitaire soit la solution adéquate. Ce régime est en effet bien trop attentatoire aux libertés individuelles et publiques. Des mesures doivent évidemment être prises, mais elles se doivent d’être raisonnées et proportionnées, et le Gouvernement ne peut exclure de facto la participation du Parlement dans le processus décisionnel.
Bien entendu, nous saluons le travail de la commission des lois, de son rapporteur et des sénateurs ici présents pour améliorer considérablement le projet de loi qui était présenté par le Gouvernement et pour en faire un objet, non pas désirable, mais acceptable.
Toutefois, je me permets de mentionner, pour ceux qui pourraient avoir besoin d’un petit rappel, que les dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire, malgré les modifications qui ont été apportées, permettent de réglementer ou d’interdire la circulation des personnes et des véhicules, de réglementer l’accès aux moyens de transport, d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile, d’ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine de personnes susceptibles d’être infectées, d’ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, d’ordonner la fermeture provisoire et de réglementer l’ouverture de plusieurs catégories d’établissements et de commerces recevant du public, de limiter ou d’interdire les rassemblements, d’ordonner la réquisition de toute personne nécessaire à la lutte contre les catastrophes sanitaires, de prendre des mesures temporaires de contrôle des prix, etc.
La liste de ce que permet cet état d’exception reste donc tout de même considérable, malgré toutes les améliorations apportées par nos amis et collègues de la commission des lois.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que nous pensons, en tant qu’élus, que les citoyens de ce pays sont tout à fait à même de comprendre la complexité du monde, des situations et d’être associés aux décisions qui sont prises, nous voterons contre le projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (projet n° 722 [2019-2020], texte de la commission n° 52, rapport n° 51, avis nos 32 et 40).
Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus à l’examen du titre IV.
TITRE IV
RENFORCER LES RELATIONS DE LA RECHERCHE AVEC L’ÉCONOMIE ET LA SOCIÉTÉ
Articles additionnels avant l’article 13
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 110, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 411-4 du code de la recherche, il est inséré un article L. 411-… ainsi rédigé :
« Art. L. 411-…. – I. – Les personnes morales de droit privé sont tenues de rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent avec les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs, ainsi qu’avec les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Elles précisent, en particulier, si des rémunérations sont versées dans ce cadre.
« II. – La même obligation s’applique, au-delà d’un seuil fixé par décret, à tous les avantages en nature ou en espèces autres que les rémunérations mentionnées au I, que les personnes morales de droit privé procurent, directement ou indirectement, aux enseignants-chercheurs, aux enseignants et aux chercheurs, ainsi qu’aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, la nature des informations qui doivent être rendues publiques, notamment l’objet et la date des conventions mentionnées au I, ainsi que les délais et modalités de publication et d’actualisation de ces informations. Il précise également les modalités suivant lesquelles le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche délibérant en matière consultative est associé à cette publication. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement tend à apporter un peu de clarté face aux potentiels conflits d’intérêts. Je présenterai dans quelques instants l’amendement n° 109, qui s’inscrit dans le même esprit, mais avec une organisation et une procédure très différentes.
Alors que l’amendement n° 110 tend à faire obligation aux personnes morales de droit privé de déclarer les potentiels conflits, il est envisagé de mettre cette déclaration à la charge des chercheurs à l’amendement n° 109, ce que je ne souhaiterais pas. Je pense que les chercheurs ont déjà suffisamment de paperasserie administrative ; inutile de leur en ajouter.
Notre dispositif permet de répondre aux exigences fixées dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : tout fonctionnaire est tenu de signaler une situation de conflit d’intérêts le concernant. D’ailleurs, mes chers collègues, en tant que parlementaires, vous êtes soumis à des règles de déport et de signalement de vos potentiels conflits d’intérêts beaucoup plus sévères que celles qui s’appliquent aux agents de la fonction publique.
Les relations entre les fonctionnaires et les entreprises étant encouragées dans le projet de loi, je trouve tout à fait normal de tenir quelque part un registre permettant d’en vérifier la nature…
Je le rappelle, un certain nombre d’agences, dont l’Autorité européenne de sécurité des aliments, sont actuellement dans l’incapacité de faire appel à des fonctionnaires des États membres en raison de doutes sur les potentiels conflits d’intérêts. Les pouvoirs publics ont besoin de restaurer toute la validité de l’expertise des scientifiques. Pour cela, il faut un système clair et transparent qui permette de déclarer les conflits d’intérêts.
M. le président. L’amendement n° 181 rectifié bis, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le titre Ier du livre V du code de la recherche, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :
« Titre préliminaire
« Chapitre unique
« Art. L. 501-1. - I. - Les personnes morales de droit privé sont tenues de rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent avec les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs, ainsi qu’avec les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Elles précisent, en particulier, si des rémunérations sont versées dans ce cadre.
« II.- La même obligation s’applique, au-delà d’un seuil fixé par décret, à tous les avantages en nature ou en espèces autres, que les rémunérations mentionnées au I, que les personnes morales de droit privé procurent, directement ou indirectement, aux enseignants-chercheurs, aux enseignants et aux chercheurs, ainsi qu’aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
« III.- Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, la nature des informations qui doivent être rendues publiques, notamment l’objet et la date des conventions mentionnées au I, ainsi que les délais et modalités de publication et d’actualisation de ces informations. Il précise également les modalités suivant lesquelles le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche délibérant en matière consultative est associé à cette publication. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. L’indépendance de la recherche passe également par la transparence des liens d’intérêt avec des entreprises et autres personnes morales de droit privé. Par cet amendement, nous proposons d’étendre à tous les domaines de recherche une disposition en faveur de la transparence des liens d’intérêts qui existe déjà pour la santé publique en application de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Les potentiels conflits d’intérêts constituent une préoccupation très importante. Nous aimerions avoir l’éclairage de Mme la ministre. C’est pourquoi je sollicite l’avis du Gouvernement – je ferai de même s’agissant des deux autres amendements à venir portant articles additionnels avant l’article 13 – sur cette question d’importance et ô combien délicate.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Le sujet est effectivement très important. Toutefois, je ne suis pas certaine que nous puissions nous prononcer avant d’avoir mené une concertation avec l’ensemble des acteurs.
Ainsi que Mme de Marco l’a rappelé, un tel dispositif existe déjà pour la santé publique. Il a été le fruit d’un long travail.
S’il faut pouvoir préciser ou donner à connaître les liens d’intérêts, veillons à ne pas tout mélanger. Un lien d’intérêts n’est pas systématiquement un conflit d’intérêts. Il ne le devient que s’il n’est pas déclaré, s’il est caché ou s’il pose problème.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements. En revanche, nous prenons l’engagement de travailler sur le sujet, d’autant qu’il est très important si nous voulons rétablir la confiance de nos concitoyens vis-à-vis du monde de la science.
La rédaction de l’amendement n° 109, qui – M. Ouzoulias l’a rappelé – sera présenté dans quelques instants, me semble plus appropriée. Il me paraît souhaitable que la démarche puisse s’effectuer dans les deux sens. Je proposerai donc que cet amendement puisse être retravaillé dans le cadre de la navette.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laure Darcos, rapporteure. Compte tenu de la position du Gouvernement, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 181 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 109, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 411-4 du code de la recherche, il est inséré un article L. 411-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 411-4-…. – L’agent qui participe directement au service public de la recherche publique défini à l’article L. 112-2 signale, lorsqu’il exerce une mission d’expertise auprès des pouvoirs publics et du Parlement, tout lien d’intérêt prenant la forme d’avantages en nature ou en espèces qu’il a, ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant cette mission, avec des personnes privées dont les activités, les techniques ou les produits entrent dans le champ de l’expertise à propos de laquelle il est sollicité.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment la nature et le destinataire des informations qui doivent être signalées, ainsi que les modalités de ce signalement. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, selon vous, l’amendement n° 110 n’a pas fait l’objet d’une concertation suffisante avec les acteurs concernés ? J’aurais aimé que l’amendement adopté hier soir par le Sénat – je parle de celui qui avait pour objet de modifier totalement l’architecture du Conseil national des universités (CNU) – bénéficie du même intérêt de votre part pour les travaux préparatoires. Ne m’opposez donc pas un tel argument !
L’amendement n° 109 correspond au même projet politique que l’amendement n° 110, à une différence près. La charge de la preuve appartiendrait non pas aux entreprises, mais aux chercheurs, ce qui, comme je l’ai indiqué, me pose problème, car je n’ai pas envie de leur imposer une paperasserie trop contraignante.
Les pouvoirs publics ont aujourd’hui du mal – pour ma part, je l’ai vécu au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) – à demander à des chercheurs d’intervenir dans le débat public s’ils ne sont pas informés préalablement des potentiels conflits d’intérêts. C’est le sens du système déclaratif que nous réclamons.
L’objectif n’est pas de considérer que l’avis d’un chercheur travaillant avec une entreprise serait par nature susceptible d’être entaché d’irrégularités ; il s’agit simplement de faire en sorte que les pouvoirs publics soient informés des éventuels conflits d’intérêts pour pouvoir choisir l’expertise en toute connaissance de cause.
La rédaction de mon amendement, dites-vous, pourrait être retravaillée en commission mixte paritaire ? J’espère que la rédaction d’autres amendements, dont celui sur le CNU, auquel je faisais référence, pourra l’être également. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La commission avait l’intention de solliciter l’avis du Gouvernement. Simplement, madame la ministre, pour que le dispositif puisse être retravaillé en commission mixte paritaire, il faut d’abord que l’amendement soit adopté. J’espère donc que vous émettrez un avis favorable. Pour ma part, j’invite mes collègues à voter l’amendement, afin d’avoir une base de travail dans la perspective de la commission mixte paritaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Compte tenu à la fois de votre engagement de retravailler la rédaction de l’amendement en commission mixte paritaire et de l’importance du sujet, l’avis du Gouvernement est favorable. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 13.
L’amendement n° 28, présenté par M. Montaugé, Mme S. Robert, MM. Redon-Sarrazy et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Merillou, Michau, Pla, Tissot et J. Bigot, Mmes Préville et Lubin, M. Devinaz, Mmes Espagnac et Harribey, MM. P. Joly, Vaugrenard, Kerrouche et Antiste, Mmes Conway-Mouret, Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la manière de valoriser et de garantir dans l’enseignement supérieur et la recherche, la richesse que constitue la diversité des écoles de pensée en économie, notamment par la création d’une nouvelle section du Conseil national des universités qualifiée d’« Économie, société et territoire » et la création d’une nouvelle section du Conseil national de la recherche scientifique qualifiée d’« Économie et société ».
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Le professeur André Orléan, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’École des hautes études en sciences sociales, nous le dit : l’économie en tant que discipline traverse aujourd’hui « une grave crise de légitimité ».
On constate également que le mode actuel de recrutement des professeurs ou des directeurs de recherche marginalise les économistes ne s’inscrivant pas dans le cadre de la pensée économique dominante. Dans les faits, le maintien d’un minimum de pluralisme intellectuel dans l’enseignement supérieur et la recherche en économie est remis en cause.
Pourtant, la tradition hétérodoxe française, riche et diverse, a toujours participé au rayonnement international de la France. Aujourd’hui, face notamment, mais pas seulement, à l’incapacité pour la théorie dominante d’envisager la possibilité ou la prévention de crises financières, les économistes hétérodoxes réclament une réévaluation majeure de la pensée et des politiques macroéconomiques.
La disparition du pluralisme en économie se traduit également par un appauvrissement de l’enseignement de l’économie à l’université. L’offre universitaire en économie est de moins en moins diversifiée. Elle ne répond plus aux attentes des étudiants, qui réclament de manière récurrente un enseignement ancré sur l’analyse du monde réel et des enjeux économiques et sociaux actuels.
L’hégémonie d’une pensée dominante en économie se traduit de fait aussi par un tarissement des financements de la recherche sur certains territoires, avec une concentration des flux financiers vers les universités et laboratoires mainstream.
Cela conduit à de fortes inégalités territoriales, particulièrement pénalisantes pour les universités et les laboratoires de recherche concernés, qui sont généralement constitués de petites et de moyennes structures.
Pour toutes ces raisons, nous proposons que, sur la base d’un rapport du Gouvernement remis au Parlement, il soit créé une nouvelle section « Économie, société et territoire » au sein du Conseil national des universités. La création d’une section « Économie et société » au sein du CNRS irait dans le même sens.
Voilà qui permettrait de préserver la diversité des écoles de pensée en économie et de soutenir institutionnellement le pluralisme de la recherche et de l’enseignement. Notre débat démocratique s’en trouverait également grandement enrichi. Ne l’oublions pas, à l’origine, cette science s’appelait « économie politique ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Vous connaissez notre jurisprudence : je ne peux pas être favorable à une nouvelle demande de rapport.
Le débat qui traverse l’enseignement de l’économie est récurrent, non seulement en France, mais également dans le monde, où des positions dites « hétérodoxes » peuvent ne pas recevoir toute l’attention qu’elles méritent. Mais l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le sujet est bien connu. Je rejoins les auteurs de cet amendement sur la nécessité de préserver la richesse de la science dans son pluralisme. Mais, pour cela, il faut sortir des querelles de principe.
Si les divergences entre orthodoxes et hétérodoxes se cristallisent au CNU et au CNRS, ce n’est pas la création d’une nouvelle section au sein de chacun de ces deux organismes qui réglera le problème. Je vais donc charger l’alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales (Athéna) d’une mission pour que les acteurs concernés puissent parler ensemble.
Les recrutements dépendent avant tout des profils de poste, qui sont décidés dans les établissements, et de la composition des comités de sélection. Plutôt que de créer de nouvelles structures, il me paraît plus raisonnable de faire en sorte que celles qui existent acceptent la pluralité.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Madame la ministre, vous ne m’avez pas vraiment convaincu.
Il y a une dimension institutionnelle. Le courant hétérodoxe en économie, qui participe du pluralisme de la pensée, doit, me semble-t-il, exister institutionnellement au sein des universités, voire au sein du CNRS. Certes, cela ne résoudra pas complètement le problème. Mais je pense que cela lui permettra de peser dans les instances, dont les comités de sélection.
Regardons les chiffres. Depuis une dizaine ou une quinzaine d’années, le nombre d’enseignants et d’enseignants-chercheurs issus de cette école de pensée est en chute libre. La diminution est extrêmement forte. D’un certain point de vue, ce courant de pensée est en train de disparaître.
À mon sens, ce n’est pas dans notre tradition intellectuelle. Nous avons besoin de diversité, a fortiori dans un monde confronté à des problèmes économiques et sociaux considérables. Il est nécessaire de mobiliser des approches diverses, complémentaires, parfois contradictoires, mais qui alimentent le débat vers un progrès plus partagé et un meilleur environnement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Notre collègue Franck Montaugé a tout à fait raison. Des effets institutionnels font que certaines disciplines sont aujourd’hui en situation de domination et imposent, par le biais des recrutements, certains courants de pensée, courants sur la pertinence desquels on peut par ailleurs s’interroger.
En effet, les économistes dits « orthodoxes » sont bien incapables de nous expliquer avec leurs éléments théoriques pourquoi il existe aujourd’hui des prêts à taux négatif. Quand une science n’arrive pas à décrire le réel, c’est qu’il faut peut-être se poser des questions et envisager de revenir au débat contradictoire entre les disciplines.
Madame la ministre, certaines structures, notamment le CNRS, avaient jusqu’à présent une très bonne habitude : changer régulièrement le périmètre des sections pour éviter les « effets de chapelle ». C’était une forme de redistribution des cartes pour empêcher certains courants de pensée de prendre le dessus sur les autres. Je crois qu’il serait important d’y revenir. Une telle pratique est fondamentale pour créer de la biodiversité intellectuelle ; cela existe aussi. Votre ministère devrait l’encourager.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 13
Le chapitre Ier du titre III du livre V du code de la recherche est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 531-1 est ainsi rédigé :
« Les fonctionnaires civils des services publics et entreprises publiques définis à l’article L. 112-2 et les fonctionnaires exerçant leurs fonctions dans les établissements publics relevant du décret mentionné à l’article L. 112-6 peuvent être autorisés à participer à titre personnel, en qualité d’associé ou de dirigeant, à la création d’une entreprise dont l’objet est d’assurer, en exécution d’un contrat conclu avec une personne publique, une entreprise publique ou une personne morale mandatée par ces dernières, la valorisation de travaux de recherche et d’enseignement, que ces travaux aient ou non été réalisés par les intéressés dans l’exercice de leurs fonctions. » ;
2° Après la section 1, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Participation des personnels de la recherche en qualité d’associé ou de dirigeant à une entreprise existante
« Art. L. 531-6. – Les fonctionnaires mentionnés à l’article L. 531-1 peuvent être autorisés à participer à titre personnel, en qualité d’associé ou de dirigeant, à une entreprise dont l’objet est d’assurer, en exécution d’un contrat conclu avec une personne publique, une entreprise publique ou une personne morale mandatée par ces dernières, la valorisation de travaux de recherche et d’enseignement.
« Le fonctionnaire ne peut pas représenter la personne publique ou l’entreprise publique dans une négociation avec l’entreprise.
« Les dispositions des articles L. 531-4 et L. 531-5 s’appliquent. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 531-8, les mots : « des travaux de recherche qu’ils ont réalisés dans l’exercice de leurs fonctions » sont remplacés par les mots : « de travaux de recherche, que ces travaux aient ou non été réalisés par les intéressés dans l’exercice de leurs fonctions » ;
4° L’article L. 531-14 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la référence : « L. 531-1, », est insérée la référence : « L. 531-6, » ;
b) Au sixième alinéa, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 531-6, » ;
5° L’article L. 531-15 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, après la référence : « L. 531-1 », est insérée la référence : «, L. 531-6 » ;
b) Au II, après la référence : « L. 531-1 », est insérée la référence : « L. 531-6, » ;
6° L’article L. 531-17 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « agents non fonctionnaires », sont insérés les mots : « , y compris les titulaires d’un doctorat recrutés en tant qu’agents contractuels de droit public sur le fondement des articles L. 422-3 du présent code ou L. 952-6-2 du code de l’éducation, » ;
b) Après les mots : « sections 1 », est insérée la référence : « , 1 bis ».
M. le président. L’amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. Segouin et Calvet, Mmes Chain-Larché et Deromedi, M. Regnard, Mme Paoli-Gagin, MM. Daubresse, Panunzi, Chevrollier, Lefèvre, Bonne et del Picchia, Mmes Gruny, Raimond-Pavero et F. Gerbaud, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Richer, MM. Bonhomme, Anglars et Belin, Mme Thomas et M. P. Martin, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 7
Après les mots :
objet est
insérer les mots :
, notamment mais pas seulement,
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Le titre IV, que nous examinons actuellement, s’intitule : « Renforcer les relations de la recherche avec l’économie et la société ». C’est précisément ce que nous proposons par cet amendement. Les chercheurs doivent pouvoir travailler avec tous les types d’entreprises, et pas exclusivement avec celles qui ont pour objet particulier la valorisation de travaux de recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’adoption de cet amendement permettrait à des chercheurs publics de travailler comme associés ou comme dirigeants au sein de n’importe quelle entreprise, que son activité ait un lien ou non avec la recherche. Cela ne me paraît absolument pas opportun ; si un chercheur souhaite changer de profession, il peut faire le choix de quitter la fonction publique.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 14
I. – Le titre II du livre IV du code de la recherche est ainsi modifié :
1° L’article L. 421-3 est ainsi modifié :
a) Au e, après le mot : « institutions », sont insérés les mots : « , les collectivités territoriales et les entreprises » ;
b) Le f est ainsi modifié :
– au début, la mention : « f) » est supprimée ;
– après la première occurrence du mot : « et », sont insérés les mots : « , le cas échéant, » ;
– à la fin, les mots : « , une activité dans une entreprise exerçant une ou plusieurs des missions définies à l’article L. 411-1 » sont remplacés par les mots : « et dans le cadre de leurs missions définies à l’article L. 411-1, une activité auprès de tout employeur de droit privé ou public » ;
2° À l’article L. 422-1, les mots : « comme chercheurs et ingénieurs, dans les établissements publics à caractère industriel ou commercial et les » sont remplacés par les mots : « ou à temps incomplet dans des fonctions de chercheur ou d’ingénieur au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial et des » ;
3° Le chapitre II est complété par un article L. 422-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 422-4. – Afin de favoriser l’accueil des personnels des établissements publics de recherche ou des établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche mentionnés à l’article L. 112-6, dans le cadre de mises à disposition à temps complet ou incomplet par des établissements publics à caractère industriel et commercial, par des collectivités territoriales, par des entreprises, par des associations ou des fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1, ceux-ci peuvent verser à ces personnels un complément de rémunération qui est soumis aux mêmes charges sociales que les rémunérations versées à leurs salariés. »
II. – Le titre V du livre IX du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa de l’article L. 952-2-1, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ils peuvent notamment prévoir la possibilité de mettre à disposition à temps complet ou incomplet des enseignants-chercheurs relevant du présent titre auprès de tout employeur de droit privé ou public exerçant une ou plusieurs des missions définies à l’article L. 123-3. Ces mises à disposition donnent lieu à un remboursement, dont les modalités sont fixées par une convention conclue entre l’établissement d’origine et l’employeur d’accueil.
« Afin de favoriser l’accueil de ces enseignants-chercheurs, dans le cadre d’une mise à disposition telle que prévue au cinquième alinéa du présent article, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, les entreprises, les associations ou les fondations reconnues d’utilité publique peuvent verser un complément de rémunération, qui est soumis aux mêmes charges sociales que les rémunérations versées à leurs salariés. » ;
2° L’article L. 952-14-1 est ainsi modifié :
a) Après la première occurrence du mot : « et », sont insérés les mots : « , le cas échéant, » ;
b) Après le mot : « enseignants-chercheurs », sont insérés les mots : « relevant du présent titre » ;
c) À la fin, les mots : « une activité dans une entreprise exerçant une ou plusieurs des missions définies à l’article L. 952-3 » sont remplacés par les mots : « dans les domaines définis à l’article L. 952-3, une activité auprès de tout employeur de droit privé ou public » ;
3° La section 1 du chapitre II est complétée par un article L. 952-14-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 952-14-2. – Les services accomplis à temps complet ou à temps incomplet dans des fonctions de chercheur ou d’ingénieur au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial, des collectivités territoriales et des organismes privés par des enseignants-chercheurs relevant du présent titre sont pris en compte pour l’appréciation des conditions d’ouverture des droits à pension au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite, à concurrence de cinq ans. » ;
4° À l’article L. 953-5, les références : « 25 et 26 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d’orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France » sont remplacées par les références : « L. 411-3 et L. 421-3 du code de la recherche ». – (Adopté.)
Article 14 bis
I. – Le chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Congé d’enseignement ou de recherche
« Sous-section 1
« Ordre public
« Art. L. 3142-125. – Sous réserve de dispositions contractuelles plus favorables, tout salarié qui justifie d’une condition d’ancienneté dans son entreprise a droit à une autorisation d’absence, d’une durée maximale d’un an, en vue de dispenser à temps plein ou à temps partiel un enseignement technologique, professionnel ou supérieur en formation initiale ou continue. La durée de ce congé peut dépasser un an par accord entre l’entreprise et l’établissement de formation ou d’enseignement supérieur.
« Ce congé est également accordé de droit au salarié qui souhaite se livrer à une activité de recherche ou d’innovation dans un établissement public de recherche, une collectivité territoriale, une entreprise publique ou privée, sauf si son employeur établit que l’exercice de ce droit par le salarié compromet directement la politique de recherche, d’innovation et de développement technologique de l’entreprise. La durée de ce congé peut dépasser un an par accord entre l’entreprise et l’établissement ou l’entreprise d’accueil.
« Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, le bénéfice du congé peut être refusé par l’employeur s’il estime que cette absence est susceptible d’avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise. Le refus de l’employeur intervient après avis du comité social et économique. Il est motivé. En cas de différend, le refus de l’employeur peut être directement contesté par le salarié devant le conseil de prud’hommes, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 3142-126. – Dans les entreprises de trois cents salariés et plus, lorsque plusieurs salariés demandent un congé d’enseignement ou de recherche, l’autorisation accordée à certaines demandes peut être différée afin que le pourcentage de salariés simultanément absents au titre de ce congé ne dépasse pas 2 % de l’effectif total de l’entreprise.
« Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, l’autorisation accordée à certaines demandes peut être différée si le nombre d’heures de congé demandées dépasse 2 % de l’effectif total des heures de travail accomplies dans l’année.
« Toutefois, le nombre d’heures de congé auquel un salarié a droit peut être, à sa demande, reporté d’une année sur l’autre, sans que le cumul des reports puisse dépasser quatre ans.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3142-127. – Pour mettre en œuvre le droit à congé du salarié mentionné à l’article L. 3142-105, une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche détermine :
« 1° La condition d’ancienneté requise pour avoir droit à ce congé ou à cette période ;
« 2° Les délais dans lesquels le salarié informe l’employeur de la date à laquelle il souhaite partir en congé ou, en cas de passage à temps partiel, de la date de début de la période de travail à temps partiel et de l’amplitude de la réduction souhaitée de son temps de travail, ainsi que de la durée envisagée de ce congé ou de cette période ;
« 3° Les conditions et délais de la demande de prolongation de ce congé ou de cette période de travail à temps partiel ;
« 4° Les conditions dans lesquelles le salarié informe l’employeur de son intention de poursuivre ou de rompre son contrat de travail à l’issue de son congé ou de sa période de travail à temps partiel ;
« 5° Les plafonds ou niveaux mentionnés à l’article L. 3142-126 ;
« 6° Les conditions permettant le maintien d’un lien entre l’entreprise et le salarié pendant la durée du congé et, le cas échéant, les modalités d’accompagnement et de réadaptation professionnelle à son retour ;
« 7° Les modalités de report des congés payés dus au salarié qui bénéficie du congé. »
II. – L’article L. 433-1 du code de la recherche est ainsi modifié :
1° Les références : « de l’article L. 6322-53 à L. 6322-57 » sont remplacées par les références : « des articles L. 3142-125 et L. 3142-126 » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels bénéficiant d’un congé d’enseignement ou de recherche peuvent être recrutés conformément au premier alinéa et au a de l’article L. 431-1. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 211, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 6 à 21
Remplacer ces alinéas par vingt-cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3142-125 – Le salarié qui souhaite dispenser à temps plein ou à temps partiel un enseignement technologique ou professionnel ou supérieur en formation initiale ou continue, a droit, sous réserve d’une condition d’ancienneté et dans les conditions fixées à la présente section :
« 1° Soit à un congé ;
« 2° Soit à une période de travail à temps partiel.
« Art. L. 3142-126 – L’article L. 3142-125 s’applique également au salarié qui souhaite se livrer à une activité de recherche et d’innovation dans un établissement public de recherche, une collectivité territoriale, une entreprise publique ou privée, sauf si son employeur établit que l’exercice de ce droit par le salarié compromet directement la politique de recherche, d’innovation et de développement technologique de l’entreprise.
« Art. L. 3142-127 – Dans les entreprises de deux cents salariés et plus, l’employeur peut différer le départ en congé ou le début de la période de travail à temps partiel du salarié, lorsque l’exercice de ce droit aurait pour effet de porter le pourcentage de salariés simultanément absents à ce titre, à un niveau excessif au regard de l’effectif total de l’entreprise.
« Art. L. 3142-128 – Dans les entreprises de moins de deux cents salariés, l’employeur peut différer le départ en congé ou le début de la période de travail à temps partiel du salarié, lorsque l’exercice de ce droit aurait pour effet de porter le nombre d’heures de congé demandées à un niveau excessif au regard nombre total d’heures travaillées dans l’année.
« Toutefois, le nombre d’heures de congé auquel un salarié a droit peut être sur sa demande reporté d’une année sur l’autre, sans que le cumul des reports puisse dépasser quatre ans.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3142-129 – Pour mettre en œuvre le droit à congé du salarié mentionné à l’article L. 3142-125, un accord collectif détermine :
« 1° La durée maximale du congé ou de la période de travail à temps partiel ;
« 2° Le nombre de renouvellements possibles de ce congé ou de cette période ;
« 3° La condition d’ancienneté requise pour avoir droit à ce congé ou à cette période ;
« 4° Les délais dans lesquels le salarié informe l’employeur de la date à laquelle il souhaite partir en congé ou, en cas de passage à temps partiel, de la date de début de la période de travail à temps partiel et de l’amplitude de la réduction souhaitée de son temps de travail, ainsi que de la durée envisagée de ce congé ou de cette période ;
« 5° Les conditions et délais de la demande de prolongation de ce congé ou de cette période de travail à temps partiel ;
« 6° Les conditions dans lesquelles le salarié informe l’employeur de son intention de poursuivre ou de rompre son contrat de travail à l’issue de son congé ou de sa période de travail à temps partiel ;
« 7° Les plafonds ou niveaux mentionnés aux articles L. 3142-127 et L. 3142-128 ;
« 8° Les conditions permettant le maintien d’un lien entre l’entreprise et le salarié pendant la durée du congé et, le cas échéant, les modalités d’accompagnement et de réadaptation professionnelle à son retour.
« Sous-section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3142-130 – À défaut de l’accord mentionné à l’article L. 3142-129, les dispositions suivantes sont applicables :
« 1° La durée maximale du congé ou de la période de travail à temps partiel est d’un an. Cette durée peut être prolongée sur demande du salarié par accord entre l’entreprise et l’organisme ou l’entreprise d’accueil ;
« 2° L’ancienneté requise pour ouvrir droit au congé ou à la période de travail à temps partiel est d’un an dans l’entreprise ;
« 3° Les conditions et délais d’information mentionnés aux 4° à 6° de l’article L. 3142-129 sont fixés par décret ;
« 4° Le niveau de salariés absents au titre du congé dans l’entreprise et de jours d’absence prévus au titre de ce congé, pour lequel l’employeur peut différer le départ ou le début de la période de travail à temps partiel, sont fixés par décret. »
II. – Alinéa 23
Remplacer les mots :
et L. 3142-126
par les mots :
à L. 3142-130
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Par cet amendement, nous proposons, sans modifier le fond de la mesure, d’en rendre la rédaction plus conforme à l’articulation instituée par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
En effet, depuis l’adoption de cette loi et des ordonnances du 22 septembre 2017, les dispositions du code du travail sur la durée du travail et les congés sont organisées selon le triptyque suivant : d’abord, l’ordre public, auquel aucun accord ne peut déroger, sauf dans un sens plus favorable aux salariés, les clauses de l’accord de branche ou d’entreprise prévalant sur les dispositions légales si elles sont plus favorables aux salariés, mais pas si elles le sont moins ; ensuite, la négociation collective, c’est-à-dire ce qui peut être prévu par un accord d’entreprise ou de branche, avec primauté donnée à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en matière de congés spéciaux ; enfin, les dispositions supplétives applicables à défaut d’accord d’entreprise et de branche.
Les entreprises et les branches pourront ainsi se saisir au cours des discussions et négociations de la situation spécifique de leurs salariés chercheurs pour mettre en place une organisation adaptée au contexte et au fonctionnement propre des passerelles permises entre les activités de recherche privée et le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche publique.
M. le président. L’amendement n° 116, présenté par M. Moga, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 6 à 11
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3142-125. – Le salarié qui souhaite dispenser à temps plein ou à temps partiel un enseignement technologique, professionnel ou supérieur en formation initiale ou continue, a droit, sous réserve d’une condition d’ancienneté et dans les conditions fixées à la présente section :
« 1° Soit à un congé ;
« 2° Soit à une période de travail à temps partiel.
« Art. L. 3142-126. – L’article L. 3142-125 s’applique également au salarié qui souhaite se livrer à une activité de recherche et d’innovation dans un établissement public de recherche, une collectivité territoriale, une entreprise publique ou privée, sauf si son employeur établit que l’exercice de ce droit par le salarié compromet directement la politique de recherche, d’innovation et de développement technologique de l’entreprise.
« Art. L. 3142-127. – Dans les entreprises de trois cents salariés et plus, l’employeur peut différer le départ en congé ou le début de la période de travail à temps partiel du salarié lorsque l’exercice de ce droit aurait pour effet de porter le pourcentage de salariés simultanément absents à ce titre à un niveau excessif au regard de l’effectif total de l’entreprise.
« Art. L. 3142-128. – Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, l’employeur peut différer le départ en congé ou le début de la période de travail à temps partiel du salarié lorsque l’exercice de ce droit aurait pour effet de porter le nombre d’heures de congé demandées à un niveau excessif au regard nombre total d’heures travaillées dans l’année.
« Toutefois, le nombre d’heures de congé auquel un salarié a droit peut être, à sa demande, reporté d’une année sur l’autre, sans que le cumul des reports puisse dépasser quatre ans.
« Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, l’employeur peut refuser le congé ou le passage à temps partiel s’il estime, après avis du comité social et économique, que ce congé ou cette activité à temps partiel aura des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise. L’employeur précise le motif de son refus et le porte à la connaissance du salarié. Ce refus peut être contesté par le salarié directement devant le conseil de prud’hommes, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
II. – Alinéas 14 à 21
Remplacer ces alinéas par seize alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3142-129. – Pour mettre en œuvre le droit à congé du salarié mentionné à l’article L. 3142-125, un accord collectif détermine :
« 1° La durée maximale du congé ou de la période de travail à temps partiel ;
« 2° Le nombre de renouvellements possibles de ce congé ou de cette période ;
« 3° La condition d’ancienneté requise pour avoir droit à ce congé ou à cette période ;
« 4° Les délais dans lesquels le salarié informe l’employeur de la date à laquelle il souhaite partir en congé ou, en cas de passage à temps partiel, de la date de début de la période de travail à temps partiel et de l’amplitude de la réduction souhaitée de son temps de travail, ainsi que de la durée envisagée de ce congé ou de cette période ;
« 5° Les conditions et délais de la demande de prolongation de ce congé ou de cette période de travail à temps partiel ;
« 6° Les conditions dans lesquelles le salarié informe l’employeur de son intention de poursuivre ou de rompre son contrat de travail à l’issue de son congé ou de sa période de travail à temps partiel ;
« 7° Les plafonds ou niveaux mentionnés aux articles L. 3142-127 et L. 3142-128 ;
« 8° Les conditions permettant le maintien d’un lien entre l’entreprise et le salarié pendant la durée du congé et, le cas échéant, les modalités d’accompagnement et de réadaptation professionnelle à son retour.
« Sous-section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3142-130. – À défaut de l’accord mentionné à l’article L. 3142-129, les dispositions suivantes sont applicables :
« 1° La durée maximale du congé ou de la période de travail à temps partiel est d’un an. Cette durée peut être prolongée sur demande du salarié par accord entre l’entreprise et l’organisme ou l’entreprise d’accueil ;
« 2° L’ancienneté requise pour ouvrir droit au congé ou à la période de travail à temps partiel est d’un an en cas d’accord de l’employeur et de vingt-quatre mois, consécutifs ou non, dans l’entreprise en cas de désaccord de ce dernier ;
« 3° Les conditions et délais d’information mentionnés aux 4° à 6° de l’article L. 3142-129 sont fixés par décret ;
« 4° Le niveau de salariés absents au titre du congé dans l’entreprise et de jours d’absence prévus au titre de ce congé, pour lequel l’employeur peut différer le départ ou le début de la période de travail à temps partiel, sont fixés par décret. »
IV. – Alinéa 23
Remplacer les mots :
et L. 3142-126
par les mots :
à L. 3142-130
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Notre amendement est assez proche de celui du Gouvernement.
La commission a adopté un dispositif sur le congé pour enseignement ou travaux de recherche dans le double objectif de remettre la négociation collective au centre du dispositif et d’éviter de faire reposer des charges excessives sur les entreprises. Notre amendement vise à le compléter en insérant un volet supplétif applicable en l’absence d’accord collectif. Il présente toutefois trois différences avec celui du Gouvernement.
D’abord, dans les entreprises de moins de 300 salariés, les employeurs auraient la possibilité de s’opposer à une prise de congé qui entraînerait des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise.
Ensuite, la condition d’ancienneté supplétive serait d’un an seulement en cas d’accord de l’employeur. Cela ne change rien par rapport à ce qui se ferait.
Enfin, le seuil distinguant les deux régimes applicables serait maintenu à 300 salariés, afin de coller davantage au régime de congé pour création ou reprise d’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’amendement n° 116 vise à réécrire le dispositif adopté en commission sur le congé pour enseignement ou travaux de recherche pour les salariés du privé en lui adjoignant un volet supplétif, c’est-à-dire applicable à défaut d’accord collectif.
Bien qu’il en soit proche, cet amendement n’est pas identique à celui du Gouvernement. En effet, ce dernier souhaite revenir sur certaines dispositions que nous avons adoptées en commission – sur l’initiative de la commission des affaires économiques – et qui visent à trouver un équilibre entre droits au congé et contraintes imposées aux entreprises dans le contexte actuel. Il propose ainsi de revenir sur la possibilité pour les employeurs d’entreprises de moins de 300 salariés de refuser le congé si celui-ci portait atteinte à la bonne marche de l’entreprise.
Toujours dans le souci de ne pas imposer des charges excessives, les auteurs de l’amendement n° 116 prévoient un délai minimal d’un an d’ancienneté si l’employeur est d’accord et de vingt-quatre mois, consécutifs ou non, en cas de désaccord.
Je propose de maintenir l’équilibre trouvé en commission, sauf à ce que la ministre nous convainque du bien-fondé de son amendement. C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 116 et, par conséquent, un avis défavorable sur l’amendement n° 211.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 14 bis, modifié.
(L’article 14 bis est adopté.)
Article 15
I. – Le chapitre Ier du titre II du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 421-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-4. – Les chefs d’établissement des établissements publics à caractère scientifique et technologique sont responsables de l’attribution des primes aux personnels qui sont affectés dans l’établissement, en application des textes applicables et selon les principes de répartition définis par le conseil d’administration.
« Le conseil d’administration peut créer des dispositifs d’intéressement permettant d’améliorer la rémunération des personnels en tenant compte du principe d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Un dispositif d’intéressement ne peut se substituer aux régimes indemnitaires institués en application d’un texte législatif ou réglementaire. »
II. – L’article L. 954-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le président est responsable de l’attribution des primes aux personnels qui sont affectés dans l’établissement, en application des textes applicables et selon les principes de répartition définis par le conseil d’administration. » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un dispositif d’intéressement ne peut se substituer aux régimes indemnitaires institués en application d’un texte législatif ou réglementaire. »
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. L’article L. 954-2 du code de l’éducation autorise le versement de primes par le président de l’établissement au personnel selon des règles fixées par le conseil d’administration (CA). Son deuxième alinéa prévoit que le CA peut créer des dispositifs d’intéressement pour améliorer la situation des personnels.
Le même article indique également que la prime d’encadrement doctoral et de recherche est accordée après avis du conseil scientifique. Le code de la recherche ne prévoit aucun dispositif de la sorte.
L’article 15 modifie l’article L. 954-2 du code de l’éducation du code de l’éducation et introduit par parallélisme un article L. 421-4 dans le code de la recherche. Dans les deux cas, il reviendra aux présidents des établissements d’attribuer des primes selon des règles définies par les CA, en application des textes réglementaires. Après ce cadrage administratif très général, les CA n’auront plus voix au chapitre.
Une telle réforme pose problème. Le cas spécifique des primes d’encadrement doctoral n’est plus pris en compte. En conséquence, les avis de la commission de la recherche et du conseil académique sont supprimés. Les versements des primes seront donc soumis à la totale discrétion des chefs d’établissement.
On peut aussi s’interroger sur la généralisation d’un tel système de récompenses au mérite. Cela crée un esprit de compétition et d’individualisme au sein du service public faisant fi des considérations d’intérêt général qui doivent guider celui-ci.
C’est pourquoi nous préférons supprimer ce nouveau système discrétionnaire d’attribution de primes. Je le rappelle, celui-ci fait l’objet d’un vote négatif tant du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) que du comité technique ministériel de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. J’aimerais tant pouvoir donner satisfaction à notre collègue. Mais il ne me paraît absolument pas opportun de supprimer l’article 15.
D’abord, cet article élève enfin au rang législatif l’attribution des primes dans les établissements de recherche. Ce n’était pas le cas auparavant.
Ensuite, la répartition des compétences entre le conseil d’administration et le chef d’établissement me paraît pertinente : le conseil arrête les principes et le chef d’établissement est responsable de l’attribution.
Enfin, l’article précise clairement que les primes d’intéressement ne sauraient se substituer au régime indemnitaire. Cela constitue une garantie très attendue dans les établissements.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Segouin et Calvet, Mmes Chain-Larché et Deromedi, MM. Regnard et Chatillon, Mme Paoli-Gagin, MM. Daubresse, Panunzi, Chevrollier, Lefèvre, Bonne et del Picchia, Mmes Gruny, Raimond-Pavero et F. Gerbaud, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Richer, MM. Bonhomme, Anglars, Pointereau et Belin, Mme Thomas et M. P. Martin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le dispositif d’intéressement est destiné à valoriser le mérite et l’investissement personnel du personnel de recherche.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement a pour objet de corréler le dispositif d’intéressement tel qu’il peut être créé par le conseil d’administration aux notions de « mérite » et d’« investissement personnel » du chercheur au regard des recherches qu’il effectue au bénéfice de l’établissement pour lequel il travaille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je tiens à le rappeler, l’intéressement est avant tout un dispositif collectif. Or le dispositif proposé vise plutôt à en faire le prolongement d’une prime individuelle, qu’il est par ailleurs possible d’instituer.
L’accord qui a été récemment signé avec les organisations représentatives prévoit une refonte de la part individuelle des primes des chercheurs, afin de mieux reconnaître leur investissement personnel.
Dès lors, l’amendement me paraît satisfait. J’en sollicite donc le retrait, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Nous sommes justement en train de travailler sur les dispositifs d’intéressement. Le protocole d’accord qui a été signé récemment prévoit la possibilité de mettre en place un intéressement individuel, mais aussi un intéressement collectif. La recherche étant un travail collectif, il faut, me semble-t-il, n’oublier personne. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 120 rectifié est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 120 rectifié est retiré.
L’amendement n° 73 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le conseil d’administration peut créer des dispositifs de rattrapage visant à rétablir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. »
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement a pour objet de substituer aux dispositifs d’intéressement des dispositifs visant à établir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Les auteurs de cet amendement proposent de transformer substantiellement la vocation de la prime, pour en faire un outil au service de l’égalité salariale. Cela n’est pas pertinent.
Le combat pour l’égalité doit reposer non pas sur l’attribution de primes – cela pourrait laisser penser que le régime indemnitaire de base est inégalitaire –, mais plutôt sur les conditions dans lesquelles les chercheuses et les enseignantes peuvent mener leur carrière.
Je rappelle également que l’axe 3 de l’accord du 30 novembre 2018 relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique prévoit déjà de supprimer les situations d’écarts de rémunération et de déroulement de carrière entre les hommes et les femmes.
Cet amendement me semble donc inutile, même si je suis convaincue de la bonne foi de ses auteurs. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 73 rectifié est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 73 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 77 rectifié bis est présenté par Mmes Lepage et S. Robert, MM. Cardon, Lurel et Dagbert, Mmes Meunier et Préville, MM. Vaugrenard, Tissot, Redon-Sarrazy, Leconte et Temal et Mme Monier.
L’amendement n° 170 rectifié est présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre Ier du livre V du code de la recherche est complété par un article L. 514-… ainsi rédigé :
« Art. L. 514-…. – Les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit de santé fournissent au ministre chargé de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation une liste, régulièrement actualisée, des droits de propriété industrielle couvrant ce produit de santé, son procédé d’obtention, ou son utilisation, dont ils disposent ou pour lesquels ils bénéficient d’une licence.
« Le ministre chargé de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation met à la disposition du public un répertoire, régulièrement actualisé, des listes qui lui ont été fournies en application du premier alinéa.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. »
La parole est à Mme Claudine Lepage, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié bis.
Mme Claudine Lepage. Le présent amendement vise à répondre au besoin des acteurs de la santé publique. Ces derniers veulent avoir un accès simplifié à des informations précises concernant le statut des brevets sur les médicaments prioritaires pour les patientes et les patients, leur permettant de prendre des décisions éclairées et stratégiques, lorsque le moment est venu d’acheter et de fournir ces médicaments au système de santé publique français.
Accéder simplement à des informations précises sur le statut de ces brevets est une ressource de grande importance pour que l’État et la société française puissent veiller sur la qualité des brevets délivrés au niveau européen sur les produits thérapeutiques que l’assurance maladie cherche à rendre accessibles aux citoyens français.
En 2017, 27 % des brevets délivrés par l’Office européen des brevets (OEB) ont été révoqués grâce à des oppositions démontrant l’absence d’application de critères rigoureux ; 42 % ont été maintenus, mais amendés, c’est-à-dire qu’ils ont été modifiés pour mieux correspondre aux critères de brevetabilité. Près de 70 % de ces brevets ont donc été accordés, alors qu’ils n’auraient pas dû l’être. Une telle absence de rigueur de la part de l’OEB devient une menace dès lors qu’elle favorise la création de monopoles sur les biens de santé non soumis à l’exercice du contradictoire, potentiellement octroyés aux dépens des systèmes de santé et des personnes malades.
En permettant l’exercice du contradictoire, sous la forme d’un recours aux oppositions aux brevets, notamment par les citoyens et les citoyennes, le répertoire des brevets d’invention en santé prioritaire pour les patientes et les patients sera une importante ressource pour la soutenabilité du régime de l’assurance maladie.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 170 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement présenté par notre collègue Bernard Fialaire a été très bien défendu par Mme Lepage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’objet de ces amendements paraît tout à fait justifié, mais je me demande s’ils sont compatibles avec le secret des affaires, qui est très sensible en matière industrielle. Sur ce sujet, comme sur celui des conflits d’intérêts, je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Les titres de brevets en vigueur sur un médicament sont disponibles et sont suivis, soit par l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, qui dispose d’un service de recherche du même type, soit par l’Office européen des brevets avec Espacenet. Il me semble que la création d’une nouvelle base de suivi serait donc redondante avec les outils déjà existants.
De plus, comme l’a indiqué Mme la rapporteure, la publicité des contrats d’exploitation ne peut être imposée en raison du secret des affaires.
Le Gouvernement émettra donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est désormais l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 rectifié bis et 170 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 76 rectifié bis est présenté par Mme Lepage, MM. Cardon, Lurel et Dagbert, Mmes Meunier et Préville, MM. Vaugrenard, Tissot, Redon-Sarrazy, Leconte et Temal et Mme Monier.
L’amendement n° 169 rectifié est présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la propriété intellectuelle est complété par une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Les droits de brevet sur les inventions réalisées avec l’aide d’un financement public
« Art. L. 613-…. – L’organisme public de financement de la recherche, l’université publique ou l’institution de recherche publique ayant cédé ses droits de propriété intellectuelle ou concédé une licence sur des droits de propriété intellectuelle dans le cadre d’un accord de financement, d’un contrat de recherche, d’un contrat de collaboration, d’un contrat de cession ou d’un contrat de licence établi avec une entreprise commerciale ou une organisation à but non lucratif de droit privé ayant acquis un droit de propriété intellectuelle ou une licence sur un droit de propriété intellectuelle en vertu dudit accord ou contrat demande au contractant, au cessionnaire ou au licencié de ladite invention d’accorder une licence à un ou plusieurs demandeurs qualifiés.
« Dans les hypothèses mentionnées au premier alinéa, et si le contractant, le cessionnaire ou le licencié exclusif refuse une telle requête, l’organisme public de financement de la recherche, l’université publique ou l’institution de recherche publique demande au ministre chargé de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation la mise en œuvre de la licence d’office :
« a) Une action est nécessaire parce que le cessionnaire, le contractant ou le licencié exclusif n’a pas pris, ou n’est pas censé prendre, dans un délai raisonnable des mesures efficaces pour parvenir à une application pratique de l’invention concernée dans ce domaine d’utilisation ;
« b) Une action est nécessaire pour répondre à des besoins en matière de santé ou de sécurité qui ne sont pas raisonnablement satisfaits par le contractant, le cessionnaire ou le licencié exclusif, y compris les conditions établies à l’article L. 613-16 ;
« c) Une action est nécessaire pour répondre aux exigences d’utilisation publique spécifiées par les entités réglementaires et ces exigences ne sont pas satisfaites par le contractant, le cessionnaire ou le licencié exclusif.
« Les conditions relatives à l’exercice de ce droit par l’organisme public de financement de la recherche, l’université ou l’institution de recherche financée par des fonds publics sont fixées par décret. »
La parole est à Mme Claudine Lepage, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié bis.
Mme Claudine Lepage. Le présent amendement s’inspire des March-in Rights existant dans le droit fédéral américain, qui permet à l’État, quand la situation sanitaire l’exige, de lever les exclusivités accordées sur certaines licences de produits issus de la recherche publique.
Les prix élevés des médicaments innovants sont révélateurs du dysfonctionnement de notre système de recherche et de développement. Financés par des fonds publics, les organismes publics de financement de la recherche, les universités et les instituts de recherche publics ont la responsabilité d’agir dans l’intérêt et au service de la société.
C’est d’autant plus vrai lors du transfert de technologies réalisé vers le secteur privé. L’objectif premier de ces institutions doit être de contribuer à la mise en pratique des inventions en santé, tout en respectant le besoin de maximiser l’accessibilité et la faisabilité économique de ces technologies. Il y va de la soutenabilité des systèmes de santé publique.
Or les décisions prises lors de la cession de la recherche publique, source majeure dans la constitution de monopoles pharmaceutiques, ne sont pas rendues publiques, ce qui rend impossible tout contrôle et suivi de la part de l’ensemble des parties prenantes du cycle de recherche et de développement.
Les monopoles sont des obstacles à l’exercice de la démocratie sanitaire et à la production de politiques publiques rationnelles dans le champ de la recherche biomédicale. Ils sont également l’un des principaux obstacles à la facilitation d’un accès abordable aux technologies de la santé issues de la recherche publique en France et dans le monde.
Le présent amendement vise à réduire ces obstacles lorsque la santé de la population est menacée, pour permettre une recherche et un développement soutenables, la délivrance de licences non exclusives étant un moyen dont doit disposer l’État pour atteindre cet objectif.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 169 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Là encore, le débat soulevé est plus large que le cadre de ce texte. Il s’agit d’un sujet majeur, particulièrement en ce moment.
Cependant, ces amendements pourraient, sous cette forme, compte tenu des utilisations qu’ils listent, fragiliser la recherche publique en détournant les industriels d’une collaboration. Je vais de nouveau demander l’avis du Gouvernement.
Je ne le fais pas souvent, mais, sur ces sujets, je trouve que c’est préférable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Les articles L. 613-8 et suivants du code de la propriété intellectuelle prévoient d’ores et déjà plusieurs dispositions permettant de mettre un terme, même temporaire, aux monopoles d’exploitation lorsque l’intérêt général est en jeu. Il me semble qu’il faudrait, préalablement à toute modification de ces régimes dérogatoires, en démontrer les limites ou les insuffisances.
Par ailleurs, quant à la question plus particulière de l’exploitation des droits de la propriété intellectuelle issus de la recherche publique, en vue de répondre à des besoins d’intérêt général, je souhaite réaffirmer l’importance, pour les établissements, de rester copropriétaires des brevets stratégiques pour la Nation. Cela leur permet d’en conserver la maîtrise et de s’assurer de leur exploitation effective. C’est pourquoi, mesdames les sénatrices, le Gouvernement est défavorable à vos amendements.
M. le président. Quel est désormais l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 76 rectifié bis et 169 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 16
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle aux fins de permettre l’octroi de licences collectives ayant un effet étendu, au sens de l’article 12 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE, en vue d’autoriser l’utilisation d’œuvres relevant des arts visuels, à des fins exclusives d’illustration de publications, ou de travaux, diffusés en ligne sans restriction d’accès, dans le cadre d’une activité de recherche et d’enseignement supérieur publics, à l’exclusion de toute activité à but lucratif. Cette autorisation assure des conditions de sécurité juridique pour les utilisateurs, sans préjudice des droits patrimoniaux et moraux attachés à ces œuvres.
II. – L’ordonnance prévue au I est prise dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi.
III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet article dessaisit le Parlement et crée une nouvelle exception dans le domaine de la recherche, en autorisant l’utilisation d’œuvres relevant des arts visuels, à des fins exclusives d’illustration de publications, ou de travaux, diffusés en ligne sans restriction d’accès, dans le cadre d’une activité de recherche et d’enseignement supérieur publics, à l’exclusion de toute activité à but lucratif.
Sur la forme, d’abord, c’est-à-dire sur le principe : comme vous le savez, madame la ministre, nous n’aimons pas beaucoup le recours aux ordonnances.
Sur le fond, ensuite, le sujet appelle plusieurs observations.
Le bien-fondé d’une telle exception se justifie sans problème. Elle est d’ailleurs autorisée par la directive du 17 mai 2019 et devrait se traduire par une modification de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit déjà plusieurs exceptions, notamment à des fins pédagogiques, au droit exclusif d’un auteur d’autoriser l’exploitation de son œuvre : analyses, courtes citations, représentations, reproductions d’extraits d’œuvres, fouilles de textes, etc.
Ces exceptions ne peuvent s’appliquer aux arts visuels. Outre la fouille de textes, qui ne concernent que les œuvres écrites, la reproduction partielle d’une œuvre visuelle constitue une dénaturation de celle-ci et, donc, une violation du droit moral de son auteur.
De nombreuses autres questions se posent : quid des modalités de gestion de l’exception ainsi créée ? Faut-il recourir à une gestion collective obligatoire ou pas ? Comment définir et encadrer cette exception ? Quelle est la juste rémunération des ayants droit ?
Vous le savez, mes chers collègues, et nous le redirons lors de l’examen du projet de loi de finances, les auteurs des arts visuels sont les parents pauvres de la chaîne des droits : pour l’heure, ils n’ont droit à rien. Une licence collective les servirait bien sûr, mais encore faut-il qu’elle soit bien négociée. Or, on le sait, ces auteurs d’arts visuels sont peu organisés, ne sont pas représentés par un organisme de gestion collective (OGC) et sont peu rompus aux négociations.
Surtout, nous disent-ils, ils n’ont pas été consultés avant le dépôt du projet de loi, alors que cet article, qui les concerne, est important pour eux.
Nous ne souhaitons pas du tout refuser la mise en place d’une exception qui servira la recherche, et refuser sa gestion collective en vue de l’attribution d’une juste rémunération au profit des ayants droit, mais il existe un problème de forme : il n’y a aucun débat et il n’y a pas eu de concertation, alors même que l’encadrement de l’exception doit être précisé et aurait dû être négocié.
Nous voulons débattre de cette question : c’est dans cet esprit que nous avons présenté cet amendement et c’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Ma chère collègue, nous avons déjà échangé plusieurs fois à ce sujet. Je suis en désaccord avec vous et vais tenter d’emporter votre conviction. Permettez-moi pour ce faire de prendre un peu plus de temps que d’habitude.
Tout d’abord, l’usage des images pose un problème spécifique qui n’est pas couvert par le droit d’auteur actuel. En effet, il n’est pas possible d’utiliser, par exemple, l’extrait d’un tableau sous peine de violer le droit moral de l’auteur et de perdre en intérêt scientifique dans l’analyse, pas plus qu’il n’est possible de reproduire l’intégralité de l’œuvre, ce cas n’étant pas couvert par les exceptions au droit d’auteur.
L’ordonnance qu’il nous est proposé d’adopter ne crée pas une nouvelle exception aux droits d’auteur, c’est-à-dire un dispositif comme la copie privée, auquel les auteurs ne pourraient pas s’opposer. Cette voie a spécifiquement été écartée au profit de celle de la licence collective étendue, rendue possible par l’article 12 de la directive du 17 avril 2019. Le principe est qu’un ou des organismes de gestion collective jugés représentatifs puissent collecter les revenus et représenter, non seulement leurs affiliés, mais également ceux qui ne sont pas sociétaires.
Ma chère collègue, j’entends ce que vous dites, ces auteurs ne sont pas couverts par des OGC et auraient dû se voir proposer une négociation par le ministère concerné. Mais le considérant 35 de la directive européenne leur apporte une garantie importante et ces auteurs peuvent refuser à tout moment l’autorisation.
Le présent article prévoit d’autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur cette question dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, ce délai étant jugé nécessaire pour mener à bien une concertation approfondie avec les organismes de gestion collective et, donc, avec les auteurs des arts visuels directement, afin de déterminer, en particulier, le montant de la compensation versée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche aux sociétés gestionnaires ou aux auteurs eux-mêmes.
Dès lors, les auteurs recevront une rémunération pour de nouveaux usages de leurs œuvres à la charge du ministère, rémunération négociée – ou pas – par leurs représentants, régime dont ils peuvent choisir de se retirer à tout moment. L’équilibre atteint me paraît satisfaisant et l’ordonnance justifiée par l’absence actuelle de licence collective dans notre droit.
Je suis défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 16.
(L’article 16 est adopté.)
Article 16 bis A
Le dernier alinéa de l’article L. 411-4 du code de la recherche est ainsi rédigé :
« Afin d’encourager l’emploi des titulaires du diplôme national de doctorat dans une activité couverte par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel au sens de l’article L. 2221-2 du code du travail, une commission formée de délégués des parties signataires à la convention ou à l’accord est convoquée par un arrêté conjoint des ministres chargés de la recherche, de l’industrie et du travail, en vue de permettre la discussion des conditions de la reconnaissance du diplôme national de doctorat, dans le cadre des conventions ou des accords, avant le 1er janvier 2022. » – (Adopté.)
Article 16 bis
Le VII de l’article 6 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « confidentiels » est remplacé par le mot : « publics » ;
2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « communiqués à l’auteur de la saisine » sont remplacés par les mots : « rendus publics » ;
3° Le troisième alinéa est supprimé. – (Adopté.)
Article 16 ter
Au début de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 612-7 du code de l’éducation, les mots : « Ce titre » sont remplacés par les mots : « L’obtention du diplôme national de doctorat ». – (Adopté.)
Article 16 quater
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 412-1 du code de la recherche est ainsi rédigé :
« Les titulaires du diplôme national de doctorat peuvent faire usage du titre de docteur dans tout emploi et en toute circonstance. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 16 quater
M. le président. L’amendement n° 112, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 16 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 244 quater B du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’octroi du crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche est conditionné à la publication scientifique des travaux, excepté dans le cas de travaux prévus pour conduire à un dépôt de brevet. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je serai extrêmement bref, car nous avons déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises.
Nous souhaitons soumettre aux mêmes exigences scientifiques que celles qui sont imposées aux chercheurs les travaux financés par le crédit d’impôt recherche (CIR). Je souhaite à tout le moins que l’on mette à notre disposition une liste des articles qui ont bénéficié du CIR. J’ai cru comprendre, madame la ministre, que vous aviez pris un début d’engagement à mon égard, celui de me transmettre cette liste en vue de l’examen du projet de loi de finances pour 2021.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, le crédit d’impôt recherche suscite des débats récurrents, à la fois sur son ampleur, plus de 6 milliards d’euros, et sur la possibilité de mieux le cibler, par exemple en y adjoignant des objectifs environnementaux ou en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans le cas présent, les auteurs sont plus respectueux de sa vocation, mais je ne suis pas persuadée de l’applicabilité de cette mesure.
Tout d’abord, tous les travaux de recherche n’ont pas vocation à donner lieu à publication, surtout quand cette recherche est appliquée. Ensuite, je crois que nous aboutirions à une véritable usine à gaz, qui permettrait à l’administration de réclamer un remboursement du crédit d’impôt recherche. Bref, un cauchemar administratif de plus !
Je vous invite cependant à rouvrir ce riche débat lors de l’examen du projet de loi de finances. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, la recherche privée n’a effectivement pas la publication pour finalité. Vous défendiez d’ailleurs, pas plus tard qu’avant-hier, la possibilité d’évaluer la recherche autrement que par le biais de publications. Le Gouvernement émettra donc un avis défavorable sur votre amendement.
J’ajoute que je n’ai aucun souvenir de m’être engagée à vous fournir une liste exhaustive d’articles. (Rires.) Vous m’avez piquée l’autre jour en me disant que je ne vous en avais cité aucun : je vous en ai cité un. Bien entendu, on pourrait passer des heures à faire de la bibliographie, si c’est vraiment ce que vous voulez… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, vous me confirmez donc qu’il n’y a eu qu’un seul article pour 2019 ! (Exclamations amusées.)
J’ai entendu ce qui a été dit, notamment les propos de la rapporteure. On ne veut évidemment pas fabriquer d’usine à gaz et soumettre les scientifiques à des critères bibliographiques : cela ne sert à rien, j’en suis d’accord. Mais, dans ce cas, faisons de même pour l’Agence nationale de la recherche (ANR) et d’autres usines à gaz du même type.
Ce que je veux dire, c’est qu’il existe un traitement différencié entre les crédits publics, qui doivent être justifiés à l’euro près, parce qu’il s’agit de recherche publique, et le CIR, pour lequel on s’affranchit de façon extrêmement libre de toute contrainte.
M. Max Brisson. C’est dit !
M. le président. L’amendement n° 133 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Savin et Bouloux, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Lavarde et MM. B. Fournier et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 16 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport exhaustif de l’impact économique et sociétal des universités dans les territoires au regard de leurs deux grandes fonctions : consommateur, employeur et localisateur de dépenses, d’une part et agent économique local qui pourvoit à l’amélioration du capital humain, à l’attraction et à la création d’entreprises par l’élévation des niveaux de compétences, d’autre part.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Je connais la position de notre rapporteure et sa tendance à refuser systématiquement les demandes de rapport au Gouvernement. Néanmoins, cet amendement tend à ce que le Gouvernement puisse fournir un rapport sur l’impact des universités dans les territoires, afin de mieux analyser les retombées économiques des investissements des différentes collectivités locales. On dispose en effet de peu d’informations de cette nature.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais peut-être devancer la demande de retrait de notre rapporteur et aller dans son sens (Sourires.). Après tout, nous sommes tous là pour gagner du temps… Cela étant, je considère qu’il s’agit réellement d’une question que nous devrions nous poser collectivement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, merci infiniment de devancer l’avis de la commission, mais ce n’est pas moi, à titre personnel, qui ne veut pas de rapports au Gouvernement, c’est une tradition du Sénat ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, cet article est à mes yeux très important. Il apporte des compléments dans l’énoncé des missions et, surtout, il précise que c’est bien l’ensemble des activités qui contribuent à l’ensemble des missions prises en compte pour l’évaluation et, partant de là, pour la progression des carrières. Je suis très attachée à cet article, et c’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 133 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 133 rectifié est retiré.
Article 16 quinquies (nouveau)
I. – Le code de la recherche est ainsi modifié :
1° L’article L. 411-1 est ainsi modifié :
a) Au quatrième alinéa, les mots : « La diffusion de l’information et de la culture » sont remplacés par les mots : « L’information des citoyens dans le cadre de la politique nationale de science ouverte et la diffusion de la culture » et les mots : « et notamment » sont remplacés par le mot : « notamment » ;
b) Après le cinquième alinéa, il est inséré un d bis ainsi rédigé :
« d bis La construction de l’espace européen de la recherche, et la participation aux coopérations européennes et internationales en matière de recherche et d’innovation ; »
2° Au premier alinéa de l’article L. 411-3, les mots : « leur participation à l’évaluation des travaux qui leur incombent » sont remplacés par les mots : « leur participation à l’évaluation de leurs travaux et la prise en compte dans cette évaluation de l’ensemble de leurs activités contribuant aux missions mentionnées à l’article L. 411-1 ».
II. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 952-3 est ainsi modifié :
a) Au début du quatrième alinéa, les mots : « La diffusion des connaissances et la liaison avec l’environnement économique, social et culturel » sont remplacés par les mots : « Le transfert des connaissances et leur utilisation dans tous les domaines contribuant au progrès économique, social et culturel » ;
b) Après le même quatrième 3° bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° bis L’information des citoyens dans le cadre de la politique nationale de science ouverte, et la diffusion de la culture scientifique et technique dans toute la population, notamment parmi les jeunes ; »
c) Au cinquième alinéa, les mots : « La coopération internationale » sont remplacés par les mots : « La construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche, et la coopération européenne et internationale en matière d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation » ;
d) Au sixième alinéa, après les mots : « l’établissement », sont insérés les mots : « et plus largement du service public de l’enseignement supérieur et du service public de la recherche » ;
2° Au troisième alinéa de l’article L. 952-6, après les mots : « l’ensemble de ses fonctions », sont insérés les mots : « exercées dans les domaines mentionnés à l’article L. 952-3 ».
M. le président. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy et Lozach, Mme Préville, MM. J. Bigot et Assouline, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda et M. P. Joly, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Sur le fond, l’intention des auteurs de l’article est bonne, puisqu’il s’agit de faire en sorte de mieux diffuser les connaissances scientifiques auprès du grand public.
Cependant, je crois qu’il est important de rappeler que les deux premières missions des enseignants-chercheurs sont bien sûr de chercher et d’enseigner. Ils manquent déjà de temps pour les mener à bien sereinement et on leur en ajoute sans cesse, sans compter le temps qu’ils doivent employer à répondre à des appels à projets, dont dépend de plus en plus le financement de leurs recherches.
Même si l’intention est louable, il n’est pas certain qu’il soit raisonnable de demander à ces enseignants-chercheurs de se disperser encore davantage.
L’ajout d’une nouvelle tâche n’est pas réaliste. Nous savons qu’ils ne pourront pas la mener à bien, d’autant plus que le dispositif existe déjà en partie, et qu’ils n’ont déjà pas vraiment de temps à y consacrer dans les faits.
Si vraiment nous voulons leur donner une nouvelle mission, il conviendrait de quantifier cette charge supplémentaire pour pouvoir l’intégrer raisonnablement aux obligations de service.
Je comprends bien que l’introduction de cet article dans le projet de loi a été motivée par l’actualité : la crise sanitaire que nous traversons a entraîné une accélération de la circulation de fausses informations scientifiques, et je salue le fait que cela nous donne l’occasion d’en parler : c’est important.
Mais une autre actualité m’incite à refuser que notre société se décharge d’une mission de plus sur ces enseignants sans se demander s’il est techniquement possible pour eux de la mener à bien. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Madame Monier, je serai d’autant plus défavorable à votre amendement que j’ai reçu, entre le moment où le texte de la commission a été adopté et le début de l’examen du texte en séance, pléthore de méls de chercheurs, qui me reprochent à l’inverse d’avoir accepté et approuvé qu’au moins 1 % du budget de l’ANR soit consacré à des établissements comme Universcience ou le Muséum d’histoire naturelle pour contribuer au partage de la culture scientifique.
Ces chercheurs, qui ne sont pas tous du plateau de Saclay, m’ont envoyé des messages pour me dire qu’il leur revenait aussi de le faire. On a trouvé avec cette rédaction un juste équilibre pour diffuser la culture scientifique entre des établissements plutôt à caractère culturel et des chercheurs qui sont, contrairement à ce que vous imaginez, très fiers de pouvoir la valoriser. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le 9° de l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un bilan de l’activité du réseau Science et médias contre les fausses informations scientifiques. »
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Cet amendement a pour objet d’attribuer au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) un rôle dans la lutte contre les fausses informations scientifiques. En effet, le CSA a déjà un rôle dans la lutte contre les fake news de manière générale ; il a donc une vocation naturelle à intervenir aussi contre les fake news scientifiques.
Pour ce faire, nous proposons que le CSA fasse un bilan de l’activité du réseau « Science et médias » dans son rapport annuel, plutôt que de créer ex nihilo, comme nous en avons trop souvent l’habitude dans notre pays, une nouvelle entité indépendante de toute autre structure. Ainsi, le CSA superviserait le réseau « Science et médias ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, le centre « Science et médias » fait partie des projets dont il est fait mention à l’alinéa 212 du rapport annexé. Il aurait pour mission d’assurer une bonne diffusion de la culture et des informations scientifiques en mettant en relation journalistes et chercheurs.
Le lien avec le CSA n’est en réalité pas évident, car ce dernier ne dispose pas de compétences scientifiques, et ses missions sont concentrées sur l’audiovisuel et le numérique. Enfin, il n’est pas d’usage d’écrire dans la loi le nom d’une association.
C’est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 16 quinquies.
(L’article 16 quinquies est adopté.)
TITRE V
MESURES DE SIMPLIFICATION ET AUTRES MESURES
Article 17
I. – Le livre VII du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Les deux dernières phrases de l’article L. 711-5 sont supprimées ;
2° L’article L. 711-11 est ainsi rétabli :
« Art. L. 711-11. – Dans le cas où le président, le directeur ou la personne qui, quel que soit son titre, exerce la fonction de chef d’établissement d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel cesse ses fonctions, pour quelque cause que ce soit, et jusqu’à la désignation de son successeur, les titulaires d’une délégation donnée par le chef d’établissement restent compétents pour agir dans le cadre de cette délégation. Ces dispositions sont applicables en l’absence de règles particulières prévues par les textes législatifs ou réglementaires régissant l’établissement. » ;
3° L’article L. 712-2 est ainsi modifié :
a) Le 10° est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il présente chaque année au conseil d’administration un rapport sur l’exécution du plan d’action pluriannuel en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Ce rapport est remis, après validation par le conseil d’administration, aux ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu’au Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ; »
a bis) Après le même 10°, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Il présente chaque année au conseil d’administration un rapport sur :
« a) L’évolution de la situation professionnelle et de l’activité de recherche ou de formation des personnes auxquelles l’université a délivré le diplôme national de doctorat dans les cinq années précédentes ;
« b) Les mesures prises par l’université, en direction de celles de ces personnes qui poursuivent une carrière de recherche hors de France, pour promouvoir leur titularisation dans les corps de l’enseignement supérieur et de la recherche.
« Ce rapport est transmis au ministre chargé de l’enseignement supérieur et au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. » ;
b) L’avant-dernier alinéa est supprimé ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le président peut déléguer sa signature à des agents placés sous son autorité. Il peut déléguer une partie de ses pouvoirs aux agents placés sous son autorité désignés pour exercer des fonctions de responsabilité administrative, scientifique ou pédagogique au sein de l’établissement, d’une composante ou d’une unité de recherche. Ces agents peuvent déléguer leur signature à des agents placés sous leur autorité. » ;
d) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président peut suspendre pendant un délai d’un mois la transmission prévue à l’article L. 719-7 des délibérations du conseil d’administration ou des commissions du conseil académique présentant un caractère réglementaire qui lui paraissent entachées d’illégalité de nature à porter gravement atteinte au fonctionnement de l’établissement ou aux modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur. Dans ces cas, le président soumet une nouvelle proposition au conseil ou aux commissions qui délibèrent dans un délai qui ne peut être inférieur à huit jours et supérieur à trente jours. A défaut de nouvelle délibération ou s’il n’a pas été remédié par la nouvelle délibération aux irrégularités ayant motivé la suspension de la transmission, le président en informe l’autorité académique, qui arrête la décision. » ;
4° Le 9° du IV de l’article L. 712-3 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et le plan d’action pluriannuel en matière d’égalité entre les femmes et les hommes mentionné à l’article 6 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » ;
b) À la seconde phrase, après le mot : « schéma », sont insérés les mots : « et de ce plan d’action » ;
4° bis (nouveau) Au treizième alinéa du même IV, après les mots : « et 9° », sont insérés les mots : « du présent IV » ;
5° La deuxième phrase du II de l’article L. 712-6-1 est ainsi rédigée : « Elle est consultée sur les règles de fonctionnement des laboratoires et les conventions conclues avec les organismes de recherche. » ;
5° bis Au troisième alinéa des articles L. 716-1 et L. 718-1 et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 717-1, les mots : « du 4° » sont remplacés par les mots : « des 4° et 11° » ;
6° Le deuxième alinéa de l’article L. 719-1 est complété par les mots : « , sauf si la vacance intervient moins de six mois avant le terme du mandat » ;
7° Le dernier alinéa de l’article L. 719-4 est supprimé ;
8° L’article L. 719-13 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article 19-7 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 précitée, les sommes que chaque membre fondateur, personne publique, s’engage à verser ne sont pas garanties par une caution bancaire. » ;
b) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article 19-3 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 précitée, la fondation peut acquérir ou posséder d’autres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elle se propose. » ;
c) Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les statuts de la fondation peuvent prévoir la possibilité de créer un quatrième collège représentant les donateurs. » ;
9° Le dernier alinéa du III de l’article L. 781-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de vacance d’un siège, un nouveau membre est désigné pour la durée du mandat restant à courir, selon des modalités fixées par décret, sauf si la vacance intervient moins de huit mois avant le terme du mandat. » ;
10° L’article L. 781-2 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il présente chaque année au conseil d’administration un rapport d’exécution du plan d’action pluriannuel en matière d’égalité entre les femmes et les hommes exposant la situation de chaque pôle universitaire régional. » ;
b) Au 10° du II, la première phrase est complétée par les mots : « et le plan d’action pluriannuel en matière d’égalité entre les femmes et les hommes mentionné à l’article 6 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » et, à la seconde phrase, après le mot : « schéma », sont insérés les mots : « et de ce plan d’action » ;
c) La première phrase du treizième alinéa du même II est complétée par les mots : « du présent II » ;
11° Le dernier alinéa du IV de l’article L. 781-3 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « , à des membres élus des conseils mentionnés au I de l’article L. 781-1, ainsi qu’à des agents placés sous son autorité » ;
b) Après la même première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Il peut déléguer une partie de ses pouvoirs au vice-président du pôle pour les affaires intéressant les pôles et aux agents placés sous son autorité désignés pour exercer des fonctions de responsabilité administrative, scientifique ou pédagogique au sein de l’établissement, d’une composante ou d’une unité de recherche. Ces agents peuvent déléguer leur signature à des agents placés sous leur autorité. »
II. – Le code de la recherche est ainsi modifié :
1° À l’article L. 344-14, après le mot : « universités, », sont insérés les mots : « ou son représentant, » ;
2° L’article L. 533-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette convention est approuvée par l’autorité de tutelle dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d’approbation. Le silence gardé par l’autorité de tutelle pendant deux mois vaut décision d’approbation. »
III. – L’ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial s’applique aux établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 du code de la recherche.
M. le président. L’amendement n° 134 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Savin et Bonne, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et MM. B. Fournier et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 711-1, après les mots : « continue tout au long de la vie, », sont insérés les mots : « , en apprentissage ou en alternance, » ;
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Cet amendement s’appuie sur le rapport rendu au Gouvernement – c’est donc qu’il en existe ! (Sourires.) – par François Germinet, président de l’université de Paris-Cergy, en novembre 2015, sur la promotion de la formation professionnelle tout au long de la vie.
Ce rapport soulignait, si besoin était, le potentiel de développement des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche dans le marché de la formation continue. Il préconisait, par exemple, la création de sociétés d’accélération de la formation continue sur le modèle des sociétés d’accélération du transfert de technologies.
Cet amendement de précision vise à permettre aux établissements de déterminer les types de formation tout au long de la vie, hors formation initiale, qu’ils souhaitent valoriser à travers leurs filiales, « en apprentissage ou en alternance ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette précision est la bienvenue : avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Sur le fond, j’aurais également envie d’émettre un avis favorable sur votre amendement, monsieur le sénateur, mais je ne suis pas sûre de la rédaction de l’article in fine. En effet, l’apprentissage relève de la formation initiale et non de la formation continue. Il s’agit d’une formation alternée, certes, mais qui relève de la formation initiale.
En conséquence, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée. Si l’amendement est adopté, il faudra vérifier que les virgules sont au bon endroit : je ne voudrais pas que cette nouvelle rédaction restreigne les prérogatives des établissements.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Hingray, Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le président de l’université est élu par les membres du conseil d’administration parmi les catégories de personnels qui ont vocation à exercer des fonctions d’enseignement ou de recherche au sein de l’université, sans condition de nationalité. Son mandat, d’une durée de cinq ans, expire à l’échéance du mandat des représentants élus des personnels du conseil d’administration. Il est renouvelable une fois. » ;
II. – Après l’alinéa 16
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 712-2, il est inséré un article L. 712-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 712-2-…. – L’élection du président de l’université a lieu au scrutin préférentiel alternatif à un tour.
« Nul n’est élu s’il n’a réuni une majorité des suffrages exprimés. Les suffrages qui se sont portés sur le candidat ayant obtenu le moins de suffrages sont répartis entre les autres candidats selon l’ordre de préférence établi sur chacun des bulletins de vote. Le processus de transfert est répété jusqu’à l’élection d’un candidat.
« En cas d’égalité des suffrages, le candidat le plus jeune est élu. » ;
III. – Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 719-1, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Cet amendement vise à instaurer un nouveau mode de scrutin pour l’élection du président d’université.
L’élection à la majorité absolue des membres du conseil d’administration peut conduire à des situations de blocage. Il est nécessaire d’imposer un mode de scrutin qui permette une élection rapide des présidents d’université. Cette nécessité ne doit pas remettre en cause l’esprit du scrutin, celui de la recherche du consensus au sein des différents corps représentés.
L’élection au scrutin préférentiel alternatif à un tour paraît de ce point de vue la plus adaptée, car elle garantit l’élection rapide d’un président consensuel, avec un soutien large au sein du conseil d’administration.
L’allongement d’un an de la durée du mandat du président d’université permet également de synchroniser ce mandat avec celui des instances dirigeantes des unités de formation et de recherche, les UFR. En conséquence, le mandat des conseils est également prolongé d’un an.
Enfin, les contentieux récents imposent de clarifier les règles d’éligibilité aux fonctions de président d’université. Notre proposition s’inscrit dans la logique des travaux préparatoires de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2017, en permettant une ouverture large du champ des catégories de personnels éligibles à la charge de président d’université.
J’en profite pour vous informer que nous retirons d’ores et déjà les amendements nos 13 14 et 15.
M. le président. Mon cher collègue, j’en prends bonne note et nous y procéderons au moment de leur examen.
Quel est l’avis de la commission sur le présent amendement ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, il s’agit d’une réforme importante, dont l’ampleur et le caractère sensible posent question, alors que les universités sont en pleine gestion des conséquences de la crise sanitaire et en période d’élection de leurs présidents, lesquelles élections ont dû être reportées du fait de la crise.
Dans la mesure où il s’agit d’un sujet à part entière, difficile à traiter en ce moment, la commission vous demandera de bien vouloir retirer votre amendement. Pour autant, elle reconnaît que la proposition d’ouvrir plus largement le champ des catégories de personnels éligibles à la fonction de président d’université pourrait être intéressante.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, il faut que l’on se penche sur votre proposition pour évaluer si le scrutin préférentiel à la majorité relative est effectivement intéressant. Ce type de scrutin, sauf erreur de ma part, a déjà été appliqué par le passé, mais a été supprimé depuis, preuve qu’il n’était peut-être pas aussi pratique que cela.
En revanche, il est vrai que l’idée d’aligner la durée du mandat des présidents sur la durée des mandats des doyens ou des directeurs d’UFR et celle des contrats d’établissement peut être intéressante. Elle nécessite là encore que l’on prenne le temps d’y travailler.
Le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur, faute de quoi il y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Hingray, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Jean Hingray. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 171 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) En collaboration avec le comité territorial de la recherche de son territoire, et les sociétés d’accélération de transfert technologique, l’implantation de la politique de valorisation de la recherche publique responsable, énoncée à l’article L. 6142-13 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l’article 24 de la loi…. du …. de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, explicitant la stratégie d’accès abordable aux technologies de santé issues des laboratoires de recherche de son établissement, ou avec lesquels son établissement a établi un partenariat de recherche, qu’ils soient des personnes morales publiques ou privées.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement présente un lien avec celui que nous avons déposé à l’article 24 et que la commission souhaite, me semble-t-il, supprimer.
Je ne vais cependant pas présager de son sort et le présenter. Nous proposons d’engager, au sein des comités territoriaux de recherche en santé, une politique de valorisation de la recherche publique responsable. À travers celle-ci, il s’agirait de faciliter la transparence et la traçabilité des innovations financées par des fonds publics et de rendre ainsi les médicaments, par exemple, plus accessibles et soutenables en termes de coûts.
Dans cet esprit, nous proposons que le président d’université présente chaque année au conseil d’administration, en collaboration avec les comités territoriaux, un rapport sur la politique de valorisation de la recherche publique responsable. En tant que piliers du système de recherche français, les universités abritent une part importante des activités publiques de recherche. Elles ont donc un rôle à jouer pour faciliter l’accès des innovations en santé, qui ont émergé des fonds publics.
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié bis, présenté par Mme Lepage, MM. Cardon, Lurel et Dagbert, Mmes Meunier et Préville, MM. Vaugrenard, Tissot, Redon-Sarrazy, Leconte et Temal et Mme Monier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Il publie et présente également chaque année, au conseil d’administration, en collaboration avec le comité territorial de la recherche de son territoire, et les sociétés d’accélération de transfert technologique, un rapport d’activités de l’implantation de la politique de valorisation de la recherche publique responsable, énoncée au quatrième alinéa de l’article 24 de la loi n° …. du …. de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, explicitant la stratégie d’accès abordable aux technologies de santé issues des laboratoires de recherche de son établissement, ou avec lesquels son établissement a établi un partenariat de recherche, qu’ils soient des personnes morales publiques ou privées. » ;
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Cet amendement va dans le même sens que celui qui vient d’être défendu. Il impose au président d’université la responsabilité de produire et publier, en collaboration avec les comités territoriaux de la recherche en santé et les sociétés d’accélération du transfert de technologies, des rapports annuels sur la politique de valorisation de la recherche publique responsable.
Les universités hébergent une part non négligeable de la recherche publique biomédicale en France. En tant qu’organismes financés sur des fonds publics, elles ont la responsabilité d’agir dans l’intérêt et au profit du public. Dès lors, toute technologie de santé issue de la recherche financée par des fonds publics et ayant le potentiel de devenir un médicament, un vaccin ou un dispositif médical devrait être transférée selon une stratégie concrète et transparente, visant à permettre un accès équitable et à mettre à la disposition des patients des versions abordables de cette technologie.
Le présent amendement vise donc à ancrer la responsabilité sociale de l’établissement en termes de recherche, et ce au plus haut niveau de gouvernance.
Les modalités de la collaboration entre l’université et la société d’accélération du transfert de technologies dont elle dépend devront être fixées par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il nous paraît vraiment déraisonnable de multiplier les demandes de rapports aux présidents d’université. Je souhaite donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. En réalité, ce que les auteurs de ces amendements demandent, c’est que le président d’université établisse un rapport concernant une politique, la valorisation de la recherche en santé, qui relève d’acteurs extrêmement variés : les centres hospitaliers – lesquels ne sont pas forcément universitaires –, les établissements de santé, les professionnels de santé libéraux, les organismes de recherche, éventuellement d’autres universités.
Si, bien sûr, j’estime que la recherche en santé, comme toutes les actions de recherche, doit faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation, il ne me semble pas souhaitable de faire peser cette responsabilité sur le président d’université.
En conséquence, je demande également le retrait de ces amendements, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 171 rectifié est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Lepage, l’amendement n° 78 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Claudine Lepage. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 44 rectifié est présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 117 est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 15 et 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.
Mme Sylvie Robert. Je ne vais pas m’appesantir sur cet amendement, qui vise à supprimer un nouveau pouvoir octroyé aux présidents d’université. Ce pouvoir leur permet de surseoir aux décisions collégiales des conseils de l’université pour des motifs divers, peu définis surtout, et donc, in fine, sans possibilité de contrôle du juge administratif. Tout est dit !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 117.
M. Pierre Ouzoulias. Nous devons être cohérents avec les dispositions que nous avons adoptées. Nous avons voté plusieurs amendements forts en faveur des libertés académiques, au titre desquelles le président d’une université ne représente pas l’État au sein de cette université. Il faut absolument respecter la séparation des pouvoirs. Si un contrôle de légalité doit être effectué, c’est à l’État de s’en charger, c’est-à-dire au recteur ou au préfet.
Je pense donc, mes chers collègues, qu’un problème de droit se pose à cet endroit du texte : on ne peut pas confier à un président d’université le contrôle de légalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il va tout de même falloir, je crois, que je précise un peu les choses s’agissant de la position de la commission sur ces amendements identiques…
Il n’est question, ici, de rien d’autre que de garantir, dans certaines circonstances très exceptionnelles – je dis bien très exceptionnelles –, la bonne marche de l’université et la qualité des diplômes.
Si, comme vous le savez, les présidents d’université sont les garants, dans la loi, de l’ordre public et de l’organisation matérielle des examens, la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso », a transmis la compétence de fond sur les modalités des examens aux commissions de la formation et de la vie universitaire.
Or, à quelques reprises, ces commissions ont pris des décisions à la légalité douteuse, par exemple l’attribution de la moyenne à l’ensemble des étudiants. Que peut alors faire le président ? Il ne dispose que de recours très limités, ce qui le met évidemment en porte-à-faux. Il doit demander au recteur de saisir le tribunal administratif, ou au ministre d’utiliser, lorsque les circonstances l’exigent, toutes les mesures nécessaires. Ces procédures sont, ou fragiles, ou longues. Dans l’intervalle, c’est l’établissement dans son ensemble qui peut être décrédibilisé.
Tout l’objet de l’amendement adopté en commission est de rééquilibrer la relation entre le président d’université et le conseil académique lorsqu’il y a un problème manifeste, et cela n’a rien à voir avec une question de libertés académiques. À mes yeux, il ne faut pas revenir sur cette disposition utile.
L’avis est défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je suis désolé, madame la rapporteure, mais le texte indique bien que le président peut suspendre des délibérations du conseil d’administration – de son conseil d’administration – quand elles lui paraissent entachées d’illégalité. Il s’agit bien là d’un contrôle de légalité. Encore une fois, je pense que ce dernier est du ressort, non pas du président d’université, mais de l’État, c’est-à-dire du recteur ou du préfet.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 rectifié et 117.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Hingray, Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 713-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat des membres du conseil d’une durée maximale de cinq ans, expire à l’échéance du mandat des représentants élus des personnels du conseil d’administration de l’université. »
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Retiré.
M. le président. L’amendement n° 15 est retiré.
L’amendement n° 14, présenté par MM. Hingray, Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Le cinquième alinéa de l’article L. 719-1 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, le mot : « deux » est remplacé par les mots : « 50 % des » ;
b) À la dernière phrase, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 5 % » ;
c) Sont ajoutés deux phrases ainsi rédigées : « Si plusieurs listes ont le même reste pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d’être proclamés élus. » ;
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Retiré.
M. le président. L’amendement n° 14 est retiré.
L’amendement n° 13, présenté par MM. Hingray, Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le huitième alinéa de l’article L. 719-1 est supprimé ;
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Retiré.
M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.
L’amendement n° 149, présenté par M. Grosperrin, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 30
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Le II de l’article L. 781-1 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’élection du président de l’université et celle des vice-présidents de pôle universitaire régional, mentionnés au premier alinéa du IV de l’article L. 781-3, font l’objet d’un même vote par le conseil d’administration. Chaque candidat aux fonctions de président de l’université présente au conseil d’administration, pour chaque pôle universitaire régional, une personnalité chargée d’assurer les fonctions de vice-président, désignée au titre de chacune des régions dans lesquelles est implantée l’université parmi les représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés mentionnés au premier alinéa du IV de l’article L. 781-3. Une même personnalité peut être présentée, avec son accord, aux fonctions de vice-président d’un pôle universitaire régional par plusieurs candidats aux fonctions de président de l’université. Le mandat de vice-président n’est pas renouvelable.
« Dans le cas où le président cesse ses fonctions, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à une nouvelle élection du président et des vice-présidents de pôle universitaire régional pour la durée du mandat de leurs prédécesseurs restant à courir.
« Dans le cas où un vice-président de pôle universitaire régional cesse ses fonctions, pour quelque cause que ce soit, le président de l’université propose au conseil d’administration la désignation d’une nouvelle personnalité au titre de la même région. Il est procédé à l’élection du vice-président pour la durée du mandat de son prédécesseur restant à courir. » ;
II. – Après l’alinéa 35
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa du IV de l’article L. 781-3 est supprimé ;
III. – Après l’alinéa 38
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le président de l’université des Antilles et les vice-présidents de pôle universitaire régional sont désignés conformément à la présente loi à l’échéance des mandats du président et des vice-présidents en exercice à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Je ne vais pas retracer l’historique de l’ancienne université des Antilles-Guyane et de son éclatement en 2014. De nombreux rapports ont été élaborés sur la question, notamment par Mme Dominique Gillot et M. Michel Magras et par Mme Dominique Gillot et moi-même.
Le 11 mars 2015, dans le cadre d’une CMP, nous avions demandé la mise en place d’un ticket commun pour la présidence d’université, soit un président accompagné de deux vice-présidents, afin que les pôles universitaires régionaux exercent pleinement leur autonomie, dans le respect du projet global de l’université. Nous avons essuyé un refus.
Or l’organisation et la gouvernance de l’université des Antilles ne lui ont pas permis de parvenir à un fonctionnement satisfaisant de ses instances, en dépit d’une structuration décentralisée des établissements en pôles universitaires, autant dans la région de Guadeloupe que dans celle de Martinique.
Cet amendement vise donc à inscrire le principe selon lequel la désignation du président de l’université et de ses deux vice-présidents fera l’objet d’un seul et même vote par le conseil d’administration de l’université, sous la forme d’un « ticket » de trois candidats. Cette disposition doit permettre de garantir une cohérence du projet global d’établissement et des stratégies de pôle, et encourager un travail de concertation et une plus grande confiance mutuelle.
Mais, pour favoriser cette confiance, il faut préserver autant que faire se peut la liberté du scrutin. Je propose donc que plusieurs candidats aux fonctions de président de l’université puissent proposer la même personne, si celle-ci en est d’accord, au poste de vice-président. En effet, une personnalité peut faire l’unanimité au sein du pôle, quel que soit le candidat à la présidence.
Sont en outre précisées les modalités à suivre si le président ou un vice-président souhaite mettre un terme à ses fonctions. Dans le cas du président, on procédera à l’élection d’une nouvelle équipe complète – président et vice-présidents de pôle –, pour la durée du mandat de leurs prédécesseurs restant à courir. Dans le cas d’un vice-président, le président d’université proposera au conseil administration la désignation d’une nouvelle personnalité au titre de la même région, pour la durée du mandat de son prédécesseur restant à courir.
Cet amendement entrerait en vigueur lors de la désignation du prochain président de l’université des Antilles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il est favorable, et j’en profite pour adresser un signe à notre ancien collègue Michel Magras. Cette évolution est cohérente avec le rapport qu’il avait établi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il est également favorable. Je vous remercie, monsieur Grosperrin, de proposer une solution qui permettra, peut-être, que les relations soient nettement plus apaisées à l’avenir entre les deux pôles de l’université des Antilles.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je prends la parole pour soutenir cet amendement et demander au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de le soutenir.
Sachez, mes chers collègues, que celui qui vous parle est le même qui s’est opposé à cet amendement en 2015 !
À l’époque, il fallait absolument éviter une partition. La Guyane étant déjà partie, il fallait tenir le pôle de Martinique et le pôle de Guadeloupe en une seule et même université. Il y avait cette exigence politique – un protocole politique a même été signé entre les départements et les régions pour faire une élection libre des vice-présidents de pôles.
Même si ce choix était absolument nécessaire à l’époque, je dois admettre, aujourd’hui, que le dispositif retenu ne fonctionne pas. Cela ne marche pas ! C’est le père putatif, en quelque sorte, qui le dit : cela ne marche pas ! Chacun se prend pour le président de l’université !
Si l’on veut retrouver de la cohésion, un ticket, une « team » est sans doute préférable. C’est pourquoi je demande à l’ensemble de mes collègues sénateurs de bien vouloir voter cet amendement, qui est bien écrit et me paraît de bon aloi.
M. le président. J’observe que cet amendement a été adopté à l’unanimité. J’en félicite son auteur. (Sourires.)
Les amendements nos 157 rectifié, 158 rectifié, 159 rectifié, 160 rectifié et 161 rectifié ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 17, modifié.
(L’article 17 est adopté.)
Article 17 bis (nouveau)
Après l’article L. 114-3-2 du code de la recherche, il est inséré un article L.114-3-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L.114-3-2-1. – Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur tient compte du rapport qui lui est transmis en application du 11° de l’article L. 712-2 du code de l’éducation pour remplir sa mission d’évaluation des établissements mentionnée au 1° de l’article L. 114-3-1. du présent code. » – (Adopté.)
Article 18
I. – La loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche est ainsi modifiée :
1° Après l’article 37, sont insérés des articles 37-1 et 37-2 ainsi rédigés :
« Art. 37-1. – I. – L’Institut de France, l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et l’Académie des sciences morales et politiques peuvent, après avis conforme du receveur des fondations et par convention écrite, confier à un organisme public ou privé l’encaissement de recettes ou le paiement de dépenses.
« II. – Peuvent être payées par convention de mandat :
« 1° Les dépenses de personnel ;
« 2° Les dépenses de fonctionnement ;
« 3° Les dépenses d’investissement.
« III. – Peuvent être recouvrées par convention de mandat :
« 1° Les recettes propres ;
« 2° Les recettes tirées des prestations fournies ;
« 3° Les redevances.
« IV. – La convention emporte mandat donné à l’organisme d’assurer l’encaissement de recettes ou le paiement de dépenses au nom et pour le compte de l’Institut de France ou de l’académie mandant. Elle prévoit une reddition au moins annuelle des comptes et des pièces correspondantes. Elle peut aussi prévoir le paiement par l’organisme mandataire du remboursement des recettes encaissées à tort et le recouvrement et l’apurement des éventuels indus résultant des paiements.
« V. – Les conditions d’application du présent article sont définies par décret.
« Art. 37-2. – Les titres de perception ou de recette de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques sont des titres exécutoires au sens de l’article L. 252 A du livre des procédures fiscales. » ;
2° Le second alinéa de l’article 38 est ainsi rédigé :
« L’Institut et les académies peuvent recevoir des dons et legs. Un décret en Conseil d’État fixe le montant au-delà duquel les dons et legs avec charges sont autorisés par décret en Conseil d’État. » ;
3° Après le même article 38, il est inséré un article 38-1 ainsi rédigé :
« Art. 38-1. – I. – Lorsque l’Institut de France, l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et l’Académie des sciences morales et politiques agissent en qualité d’entrepreneur de spectacles vivants, les artistes du spectacle vivant qu’ils engagent pour une mission répondant à un besoin permanent sont soumis aux dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de ces institutions.
« II. – Ces artistes sont soumis au code du travail lorsqu’ils sont employés dans les conditions prévues au 3° de l’article L. 1242-2 du même code. »
II. – Au I de l’article 123 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, après le mot : « indépendantes, », sont insérés les mots : « de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques, ».
III. – À l’article L. 135 ZE du livre des procédures fiscales, les mots : « et des autorités publiques indépendantes, » sont remplacés par les mots : « des autorités publiques indépendantes, de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques, ».
IV. – Les conventions de mandat de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques en cours à la date de publication de la présente loi sont rendues conformes aux dispositions de l’article 37-1 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, au plus tard lors de leur renouvellement.
V. – À la fin de l’avant-dernière phrase de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou de la Banque de France » sont remplacés par les mots : « , de la Banque de France, de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts ou de l’Académie des sciences morales et politiques ».
VI. – À l’article L. 131-3-2 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « et à la Banque de France » sont remplacés par les mots : « à la Banque de France, à l’Institut de France, à l’Académie française, à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, à l’Académie des sciences, à l’Académie des beaux-arts et à l’Académie des sciences morales et politiques ».
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mmes Monier, G. Jourda et Conway-Mouret, MM. Cardon et Magner, Mme Préville et MM. Vaugrenard, Tissot, Devinaz, Assouline et Antiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou privé
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. L’article 18 prévoit que l’Institut de France, l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des Sciences, l’Académie des Beaux-Arts, l’Académie des sciences morales et politiques puissent déléguer à un organisme extérieur l’encaissement de leurs recettes et le paiement de leurs dépenses. Cela englobe les dépenses de personnel, de fonctionnement, d’investissement, ainsi que les recettes propres, recettes pour prestation de service et redevances.
L’article prévoit en outre que ces organismes extérieurs puissent être publics ou privés.
Avec cet amendement, nous proposons qu’il ne soit possible de donner mandat qu’à des organismes publics.
Ces six institutions incarnent l’excellence française dans leur domaine respectif ; elles font partie de notre patrimoine intellectuel commun. Il est de notre devoir, nous en sommes convaincus, de nous assurer que leur gestion financière reste dans le domaine public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il appartient à l’Institut et aux académies de fixer les règles qui leur paraissent les plus respectueuses de leurs intérêts et de leur patrimoine. En conséquence, je ne vois pas de raison de s’opposer à un recours au secteur privé, dans le cadre, bien entendu, d’une convention, pour des fonctions qui s’avèrent éloignées du cœur de métier de ces institutions. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il est également défavorable. Cet article 18 ne fait que transposer à l’Institut de France et aux académies le dispositif déjà existant pour l’État, les établissements publics, les groupements d’intérêt public nationaux, les autorités publiques indépendantes, les collectivités locales et leurs établissements publics.
M. le président. Je mets aux voix l’article 18.
(L’article 18 est adopté.)
Article 19
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre IX du code de l’éducation est complété par un article L. 951-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 951-5. – Par dérogation au IV de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, l’exercice d’une activité accessoire par les personnels de l’enseignement supérieur relevant du présent titre fait l’objet d’une déclaration à l’autorité dont ils relèvent lorsque cette activité correspond aux missions mentionnées à l’article L. 123-3 du présent code et qu’elle est exercée auprès d’un établissement d’enseignement supérieur, d’un établissement public de recherche, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public dont les statuts prévoient une mission de recherche ou d’une fondation reconnue d’utilité publique exerçant une ou plusieurs des missions définies au même article L. 123-3. Les conditions d’application de la présente dérogation sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 411-3 du code de la recherche, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au IV de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, l’exercice d’une activité accessoire par ces personnels fait l’objet d’une déclaration à l’autorité dont ils relèvent lorsque cette activité correspond aux missions mentionnées à l’article L. 411-1 du présent code et qu’elle est exercée auprès d’un établissement d’enseignement supérieur, d’un établissement public de recherche, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public dont les statuts prévoient une mission de recherche ou d’une fondation reconnue d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1. Les conditions d’application de la présente dérogation sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L’amendement n° 205 rectifié, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, première phrase
1° Après les mots :
établissement public de recherche
insérer les mots :
relevant du livre III du code de la recherche
2° Supprimer les mots :
d’une collectivité territoriale,
3° Remplacer les mots :
dont les statuts prévoient une mission de recherche ou
par les mots :
relevant du décret mentionné à l’article L. 112-6 du code de la recherche,
4° Compléter cette phrase par les mots :
, du Haut Conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ou d’une administration de l’État ou d’une collectivité territoriale ou d’une organisation internationale intergouvernementale ou d’une institution ou d’un organe de l’Union européenne
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Après l’article L. 411-3 du code de la recherche, il est inséré un article L. 411-3-… ainsi rédigé :
III. – Alinéa 4, première phrase
1° Au début, insérer la référence :
Art. L. 411-3-…. –
2° Après les mots :
établissement public de recherche
insérer les mots :
relevant du livre III du présent code
3° Supprimer les mots :
d’une collectivité territoriale,
4° Remplacer les mots :
dont les statuts prévoient une mission de recherche ou
par les mots :
relevant du décret mentionné à l’article L. 112-6 du code de la recherche,
5° Compléter cette phrase par les mots :
du présent code, du Haut Conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ou d’une administration de l’État ou d’une collectivité territoriale ou d’une organisation internationale intergouvernementale ou d’une institution ou d’un organe de l’Union européenne.
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. L’un des apports de ce projet de loi consiste à simplifier la vie des chercheurs. Je pense, notamment, à une disposition simplifiant le cumul d’une activité avec des activités accessoires : on passe d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration.
Le présent amendement vise à étendre ce régime dérogatoire.
Pour l’instant, en effet, celui-ci ne peut s’appliquer que pour un cumul au sein d’une même entité, par exemple dans le cas d’un enseignant d’une unité mixte de recherche – ou UMR – exerçant une activité accessoire auprès d’une autre direction ou d’un autre organisme appartenant au même pôle.
Nous souhaiterions une extension à d’autres activités, comme une activité auprès du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, auprès d’une collectivité locale ou d’un organisme public extérieur.
Il s’agit donc de simplifier davantage, en étendant le périmètre de ce régime dérogatoire bienvenu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 67 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.
L’amendement n° 136 rectifié est présenté par MM. Piednoir et Le Gleut, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson et Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin, Grosperrin, Gremillet et Chevrollier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’autorité dont relèvent les personnels de l’enseignement supérieur peut toutefois exiger que les agents réduisent ou suspendent l’exercice d’une activité accessoire s’il est incompatible avec le bon exercice de l’activité principale dans leur établissement de rattachement.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 67 rectifié.
Mme Vanina Paoli-Gagin. S’il faut saluer la simplification opérée par l’article 19 de ce projet de loi, il semble aussi nécessaire d’assortir cette liberté accordée aux agents d’une forme de responsabilité et d’introduire des garde-fous permettant aux chefs d’établissement de bien garder autorité sur les personnels d’enseignement et de recherche, de s’assurer que ces agents ne négligent pas leur activité principale au profit des activités autorisées dans le cadre du cumul.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié.
M. Stéphane Piednoir. Cet amendement est identique au précédent, et ma collègue Vanina Paoli-Gagin a parfaitement expliqué les garde-fous qu’il convient d’instaurer s’agissant de l’autorisation de cumul d’activités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cet encadrement pourrait effectivement se révéler utile dans certains cas : il paraît assez légitime, si l’activité annexe se fait au détriment de l’activité principale, que le chef d’établissement puisse y mettre un terme ou la réduire.
Je m’interroge néanmoins sur le niveau juridique de cette mesure, qui aurait peut-être plus sa place dans le décret en Conseil d’État prévu au présent article.
Je souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement sur cette disposition – de bon sens, je le répète – et je suivrai cet avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’article 19 prévoit effectivement que les conditions d’application de la dérogation, qui sont de toute évidence importantes, seront fixées par décret en Conseil d’État, sur le modèle de l’article 25 septies de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, celui-ci renvoyant à un décret en Conseil d’État, notamment pour les conditions d’application des régimes d’autorisation. Je demande donc le retrait de cet amendement – sinon l’avis sera défavorable –, mais je m’engage à fixer ces conditions dans le décret en Conseil d’État.
M. le président. Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 67 rectifié est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 67 rectifié est retiré.
Monsieur Piednoir, l’amendement n° 136 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 136 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Article 20
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 124-1, il est inséré un article L. 124-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 124-1-1. – Par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 124-1 et à l’article L. 124-3, les périodes de césure prévues à l’article L. 611-12 peuvent se dérouler sous forme de stage dans des conditions fixées par décret. » ;
2° À la seconde phrase de l’article L. 124-3, après la première occurrence du mot : « établissement », sont insérés les mots : « ou selon les modalités d’enseignement à distance proposées par l’établissement » ;
3° Le VI de l’article L. 612-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « techniques », sont insérés les mots : « , aux formations préparant à la licence professionnelle » ;
b) Au début du second alinéa, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de l’application des dispositions des articles L. 621-3 et L. 650-1, ».
II. – L’article 40 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté est ainsi modifié :
1° Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2023, un rapport présentant le bilan de l’expérimentation. »
III. – A. – Le sixième alinéa de l’article 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est ainsi rédigé :
« Les candidats doivent remplir les conditions prévues aux articles 5 et 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, au présent chapitre et par le statut particulier du corps auquel ils postulent à la date de la première épreuve ou, s’il s’agit d’une sélection comprenant un examen des titres, à la date de la première réunion du jury ou de l’instance chargée de la sélection des dossiers, sauf indications contraires dans le statut particulier du corps concerné. »
B. – Après le sixième alinéa de l’article 31 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les candidats doivent remplir les conditions prévues aux articles 5 et 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, au présent chapitre et par le statut particulier du corps auquel ils postulent à la date de la clôture des inscriptions, sauf indications contraires dans le statut particulier du corps concerné. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 62 rectifié bis, présenté par Mme Monier, M. Lozach, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy et Assouline, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda et M. P. Joly, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Je ne vois pas pourquoi il faut introduire une possibilité, pour les doctorants, d’effectuer des stages à l’issue de leur diplôme. À mes yeux, il faut plutôt valoriser ce diplôme : ces jeunes femmes et ces jeunes hommes qui viennent d’obtenir un doctorat ont suivi plus de huit années d’études ; ils sont qualifiés, nous le savons, et ils n’ont plus rien à prouver !
À l’obtention du diplôme, il n’est plus temps de leur permettre de trouver un stage. Ce dont ils ont besoin, c’est de trouver un travail, à travers un contrat stable, pour pouvoir s’investir pleinement dans leur nouveau projet de recherche. Nous devons être en mesure d’offrir à nos doctorantes et à nos doctorants de véritables perspectives d’embauche après leur diplôme.
M. le président. L’amendement n° 192, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après la référence :
L. 124-3,
insérer les mots :
et seulement pour les étudiants de premier et de deuxième cycles,
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement rejoint, d’une certaine manière, le précédent. Nous ne souhaitons pas que les stages soient favorisés pour les doctorants du dernier cycle. Il existe déjà des dispositifs permettant à des chercheurs doctorants de mettre leur expérience et leurs compétences à disposition d’une administration ou d’une entreprise : ce sont eux qu’il faut encourager. Il faut élargir les possibilités offertes aux doctorants en dernier cycle, mais les stages à ce niveau d’expertise, ce serait pour eux un retour en arrière, qu’il ne nous semble pas judicieux de favoriser.
M. le président. L’amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Segouin et Calvet, Mmes Chain-Larché et Deromedi, MM. Regnard et Chatillon, Mme Paoli-Gagin, MM. Daubresse, Panunzi, Lefèvre, Bonne et del Picchia, Mmes Gruny, Raimond-Pavero et F. Gerbaud, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Richer, MM. Bonhomme, Anglars, Pointereau et Belin, Mme Thomas et M. P. Martin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces stages sont valorisés au titre de la validation des heures de formation doctorale.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement a pour objet de permettre la valorisation, sous la forme d’une validation d’heures de formation doctorale, les stages effectués par les doctorants, au même titre que d’autres types de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Les amendements nos 62 rectifié bis et 192, au-delà de différences de forme, soulèvent tous deux la question des stages pour les doctorants.
Nous nous situons ici dans le cas où un doctorant, hors de son champ de compétences, souhaiterait effectuer un stage dans un autre univers. Cela ne me paraît en rien incompatible avec une carrière universitaire et cela repose sur le libre choix du doctorant, d’autant plus que la période de stage ne sera pas décomptée de sa période de thèse. L’avis est défavorable.
Par ailleurs, l’amendement n° 121 rectifié m’apparaît un peu trop large, puisqu’il vise l’ensemble des césures effectuées sous forme de stage, y compris celles qui ne sont pas faites par les doctorants. De plus, il ne me paraît pas pertinent de compter, dans la validation de la formation doctorale, des stages qui pourraient n’avoir qu’un lien réduit avec cette formation. Ce serait même dangereux ! L’avis est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 214, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
2° bis L’article L. 611-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Des modalités particulières d’admission destinées à assurer un recrutement diversifié des étudiants sont mises en œuvre par les établissements dispensant une formation d’enseignement supérieur relevant des différents départements ministériels, à l’exception des établissements assurant la formation des agents publics dont la liste est fixée par arrêté du Premier ministre. Ces modalités, qui visent à assurer une mixité sociale et géographique, sont fixées par les autorités compétentes pour déterminer les modalités d’accès aux formations dans des conditions et selon des objectifs fixés par arrêtés des ministres de tutelle des établissements.
« L’établissement rend compte de l’atteinte des objectifs fixés en matière de recrutement diversifié une fois par an. L’État tient compte de ces résultats pour déterminer les engagements, notamment financiers, qu’il prend à l’égard de l’établissement. Lorsque l’établissement conclut avec l’État un contrat qui définit, pour l’ensemble de ses activités, les objectifs de l’établissement et les engagements réciproques des parties, le contrat prévoit l’objectif de recrutement diversifié assigné à l’établissement et dans quelle mesure l’État tient compte des résultats obtenus par l’établissement pour déterminer les engagements, notamment financiers, qu’il prend à l’égard de l’établissement. » ;
2° ter Au début du V de l’article L. 612-3, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 611-1, » ;
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
Sous réserve de l’application des dispositions des articles L. 621-3 et L. 650-1
par les mots :
Sans préjudice des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 611-1 et de l’article L. 621-3
III. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
4° L’article L. 650-1 est abrogé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à donner les moyens législatifs aux autorités compétentes – autorités ministérielles ou établissements – pour mettre en œuvre des dispositifs assurant un recrutement diversifié des étudiants. C’est une promesse de la République que d’offrir à tous ses enfants la possibilité d’accéder à toutes les filières d’enseignement, y compris celles qui sont parfois considérées, par certains, comme les plus prestigieuses.
Il appartiendra donc aux autorités compétentes de fixer, par voie réglementaire pour les administrations ou par les instances de l’établissement lorsque le décret statutaire leur en donne la compétence, les modalités permettant d’atteindre cette diversité parmi les élèves.
Ces dispositions couvrent l’intégralité de l’enseignement supérieur, à l’exception des établissements assurant la formation des agents publics.
Cette disposition étend des articles déjà présents dans le code de l’éducation, les articles L. 612-3 et L. 621-3, et abroge l’article L. 650-1.
Il est prévu, enfin, que l’État suive et tire les conséquences d’une non-atteinte de ces objectifs, fixés conventionnellement, en matière de diversité.
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. L’article 20 du présent projet de loi vient modifier l’article L. 612-3 du code de l’éducation, afin d’autoriser une sélection à l’entrée des formations préparant à la licence professionnelle.
Je rappelle que les licences professionnelles étaient initialement destinées à des élèves pouvant avoir eu un parcours chaotique. L’évolution de ces formations les a rendues de facto sélectives et elles sont sans cesse davantage dévoyées de leur objet premier : rendre les études accessibles à toutes et à tous, notamment aux bacheliers techniques, voire professionnels.
Une brèche avait été ouverte lorsque l’accès des seules licences professionnelles des instituts universitaires de technologie, ou IUT, avait été rendu sélectif. Ce n’était déjà pas acceptable !
Ces IUT, effectivement, ont été conçus pour offrir une formation rapide et des débouchés professionnels à des élèves ne souhaitant pas poursuivre de longues études. Ces cursus seront désormais captés par les élèves titulaires d’un baccalauréat général et seuls ceux qui ont obtenu une bonne mention y sont généralement acceptés. Que reste-t-il pour les élèves issus de baccalauréats techniques et pour les élèves titulaires d’un « bac pro » ?
Nous sommes entrés depuis des années dans une spirale infernale, que nous allons accentuer par la mise en place de cette dernière sélection.
Je termine en soulignant le paradoxe de l’article 40 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, qui vient d’être modifié par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, afin de prolonger de trois années supplémentaires l’expérimentation d’admission de bacheliers professionnels en sections de techniciens supérieurs, ou STS.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je suis très embêtée s’agissant de l’amendement n° 214 du Gouvernement, car la commission a émis un avis défavorable, mais beaucoup plus sur la forme que sur le fond.
Cet amendement porte effectivement sur un sujet essentiel : la diversification des recrutements dans les établissements d’enseignement supérieur. Seulement, il nous est parvenu la veille de la discussion en commission et nous n’avons pas pu l’étudier.
Je suis donc tenue d’en rester à l’avis que j’avais donné en commission, mais, je le répète, c’est plus sur la forme que sur le fond.
J’ai moins d’états d’âme, en revanche, s’agissant de l’amendement n° 48 rectifié.
Pour mémoire, l’arrêté du 6 décembre 2019 portant réforme de la licence professionnelle a transformé ce diplôme, délivré par des composantes des universités, les instituts universitaires de technologie, en formation complète de niveau bac+3. Tel n’était pas le cas avant cette date, où les étudiants de STS ou de brevet de technicien supérieur – BTS – rejoignaient en troisième année la licence professionnelle à l’université ou en IUT.
Avec cet arrêté, la licence professionnelle se trouve dans une situation paradoxale : ou bien elle est préparée dès la première année après le baccalauréat dans un IUT et elle demeure sélective, ou elle est préparée au même stade dans une université et elle ne peut plus l’être, car l’université ne pratique pas, sauf mention spécifique, de sélection à l’entrée.
Les alinéas que les auteurs de l’amendement proposent de supprimer visent donc à clarifier le régime des licences professionnelles préparées à l’université, en les rendant sélectives. Cela ne modifie pas la situation actuelle – cette licence est déjà sélective –, mais met en cohérence le niveau législatif avec l’arrêté réformant cette formation.
Par ailleurs, je crois important de préserver par une sélection à l’entrée cette formation d’excellence. L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Mme le rapporteur est pleinement dans son rôle en relayant l’avis de la commission, dont la réunion s’est tenue mercredi, et en précisant que l’amendement n° 214 avait été présenté la veille ou le matin même, ce qui laissait un délai très court pour l’analyser.
Cela dit, en le relisant – puisque nous sommes deux jours plus tard et avons eu le temps de l’analyser un peu plus –, je lui trouve à titre personnel un intérêt certain. Il répond effectivement à une problématique connue dans notre pays, celle de la difficulté d’accès aux grandes écoles pour les jeunes qui ne sont pas issus d’un milieu favorisé.
L’amendement proposé par le Gouvernement est une tentative d’incitation forte, accompagnée de moyens, à la diversification du profil des étudiants. Cela, me semble-t-il, va dans le sens souhaité par un certain nombre de sénateurs, appartenant à différentes familles politiques de cette assemblée, qui en font la demande depuis plusieurs années.
C’est pourquoi, à titre personnel, je serai assez favorable à l’adoption de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement sera également défavorable à l’amendement n° 48 rectifié. Il est important de mettre en cohérence les licences professionnelles portées dans les IUT, qui viennent compléter les diplômes universitaires de technologie, ou DUT, et les licences professionnelles en général.
Vous savez que le Gouvernement a réalisé un effort significatif, notamment au travers des quotas, pour réserver au maximum l’accès aux BTS et aux IUT – il en ira de même pour les licences professionnelles – aux bacheliers pour lesquels ces formations ont été initialement pensées, sans, bien sûr, exclure les autres.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je le confirme, il s’agit d’un sujet extrêmement important. Vous le savez : malheureusement, aujourd’hui, un certain nombre de grandes écoles ne recrutent plus que parmi quelques lycées parisiens. Ainsi, quand on est en province, il est presque impossible d’accéder à de grandes écoles comme Polytechnique.
On assiste à une hyperconcentration sur quelques pôles en métropole, en particulier à Paris, et cette situation n’est pas acceptable : notre République devrait donner les mêmes droits à chaque lycéen, où qu’il se trouve sur le territoire national.
À mon sens, la rédaction proposée n’est pas satisfaisante. En particulier, la faculté donnée au Premier ministre de définir par arrêté la liste des établissements qui ne seraient pas soumis à ces règles me pose problème. D’autant que le Premier ministre gère directement un certain nombre de grandes écoles – je vous fais grâce de cette liste –, dont l’ENA.
Si l’on est d’accord avec le principe retenu, on doit refuser ces exceptions : il n’y a aucune raison que de grandes écoles comme l’ENA ne participent pas à cette politique, essentielle, de mixité sociale.
Si l’on adopte cet amendement, je souhaite donc que l’on en revoie la rédaction : à mon sens, elle est beaucoup trop limitative. Ce texte devrait avoir une portée absolument générale !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 214, dont on peut dire qu’il a reçu un avis globalement positif de la commission. (Sourires.)
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 48 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 148, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le deuxième alinéa du I de l’article L. 612-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription mentionnée au deuxième alinéa, les établissements dispensant une formation d’enseignement supérieur peuvent tenir compte de la participation des bacheliers aux dispositifs d’accompagnement mis en place entre les établissements d’enseignement pour garantir l’égalité des chances. » ;
…° L’article L. 612-3-1 est abrogé ;
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Cet amendement a pour objet de valoriser l’intéressant dispositif des cordées de la réussite, qui, depuis 2008, connaît un beau succès. L’engagement des élèves concernés est notamment pris en compte lors de l’inscription dans l’enseignement supérieur.
En parallèle, nous proposons d’abroger le dispositif « meilleurs bacheliers », sur la pertinence duquel nous nous étions déjà interrogés lors de l’examen du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je fais également partie de la mission dont il s’agit, et je suis tout à fait favorable à cet amendement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Notre but est bien d’accroître la diversité dans l’enseignement supérieur et je tiens à écarter toute ambiguïté : la suppression du dispositif « meilleurs bacheliers » ne contrevient nullement à cet objectif. Simplement, ce dispositif est devenu inutile depuis la mise en place de Parcoursup.
Pour ces raisons, j’émets un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 215, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
IV. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 683-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 625-1 est applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. » ;
2° L’article L. 684-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 625-1 est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. » ;
3° Les articles L. 773-1 et L. 774-1 sont ainsi modifiés :
a) Au premier alinéa, les références : « L. 713-1 » et « L. 721-1 à L. 721-3 » sont supprimées et les références : « L. 718-1 à L. 718-16 » sont remplacées par les références : « L. 718-1 à L. 718-7, L. 718-9 à L. 718-16 » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 713-1, L. 718-8, L. 721-1 et L. 721-3 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. » ;
4° L’article L. 773-3-1 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « par le recteur » sont remplacés par les mots : « par l’autorité académique » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Pour l’application du sixième alinéa du I de l’article L. 721-3, les mots : « le recteur compétent » sont remplacés par les mots : « le vice-recteur de la Polynésie française ». » ;
5° L’article L. 774-3-1 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « le recteur » sont remplacés par les mots : « l’autorité académique » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Pour l’application du sixième alinéa du I de l’article L. 721-3, les mots : « le recteur compétent » sont remplacés par les mots : « le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie ». » ;
6° Le premier alinéa des articles L. 973-1 et L. 974-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Est également applicable l’article L. 932-3, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance ».
V. – Le directeur d’école supérieure du professorat et de l’éducation de Nouvelle-Calédonie dont le mandat est en cours à la date d’entrée en vigueur du IV du présent article exerce, pour la durée de son mandat restant à courir, la fonction de directeur d’institut national supérieur du professorat et de l’éducation.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement de cohérence tend à transformer, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, en instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, ou Inspé : c’est déjà le nouveau nom de ces établissements dans l’ensemble du pays, exception faite de ces deux territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Favorable !
M. le président. Je mets aux voix l’article 20, modifié.
(L’article 20 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 20
M. le président. L’amendement n° 141 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Savin et Bonne, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation, après les mots : « de master », sont insérés les mots : « malgré plusieurs demandes d’admission ».
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Avant d’en arriver à la saisine du recteur de la région académique, il convient de s’assurer qu’un étudiant titulaire d’un diplôme national de licence postulant à une formation de master est effectivement dans une phase de candidature efficace, dans le cadre du dispositif prévu par la loi du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il s’agit de s’assurer que les étudiants sont bien dans une démarche de candidature active : j’émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à préciser le dispositif de saisine du recteur, lequel est d’ailleurs issu d’une proposition de loi de votre ex-collègue Jean-Léonce Dupont. Il s’agit là d’une clarification importante : ainsi, l’ensemble des diplômés de licence multiplieront leurs chances de succès avant de procéder à ces saisines. J’émets, moi aussi, un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 20.
L’amendement n° 236, présenté par Mme L. Darcos, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la situation d’un candidat le justifie, eu égard à des circonstances exceptionnelles tenant à son état de santé ou à son handicap, l’autorité académique, saisie par ce candidat, peut procéder au réexamen de sa candidature dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. En tenant compte de la situation particulière que l’intéressé fait valoir, de son projet professionnel, de l’établissement dans lequel il a obtenu son diplôme national de licence, ainsi que des caractéristiques des formations, l’autorité académique prononce, avec son accord, son inscription dans une formation du deuxième cycle. »
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mes chers collègues, ces dispositions me tiennent particulièrement à cœur.
À compter de 2021, les étudiants en situation de handicap ayant saisi le recteur de région académique en vertu du dispositif prévu par la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat pourront signaler dans leur dossier de saisine leur situation particulière.
Cet amendement a pour objet d’assurer que le traitement de ces informations fournies par les étudiants suit une seule et même procédure et que chacun des étudiants en situation de handicap dispose du même niveau d’accompagnement.
En outre, le dispositif actuel ne permettant pas de proposer à tous les étudiants qui saisissent le recteur une poursuite d’études en première année de master en tout point conforme à leur projet, cet amendement a pour objet de créer un nouveau droit pour les étudiants en situation de handicap : les intéressés bénéficieront d’un droit de saisine particulier du recteur de la région académique afin de demander le réexamen de leur situation et d’obtenir, par décision dudit recteur, une affectation dans une formation du deuxième cycle compatible avec leurs besoins.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Depuis que la saisine du recteur est possible dans le cadre de Parcoursup, les étudiants en situation de handicap bénéficient, en premier cycle, d’une représentation quasi identique à ce que l’on observe dans une classe d’âge donnée.
Nous devons maintenant accomplir le même travail au titre du second cycle. Ce faisant, nous disposerons d’un vivier supplémentaire dans l’enseignement supérieur et la recherche, domaines où, par définition, le personnel présente un niveau de diplôme élevé.
J’émets un avis extrêmement favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 20.
Article 20 bis
Après l’article L. 611-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 611-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-1-1. – Nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, les autorités compétentes pour la détermination des modalités d’accès aux formations de l’enseignement supérieur dispensées par les établissements relevant des livres IV et VII du présent code ainsi que pour la détermination des modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur, y compris le baccalauréat, peuvent apporter à ces modalités les adaptations nécessaires à leur mise en œuvre, dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences d’une situation d’urgence.
« S’agissant des épreuves des examens ou concours, ces adaptations peuvent porter, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats, sur leur nature, leur nombre, leur contenu, leur coefficient ou leurs conditions d’organisation, qui peut notamment s’effectuer de manière dématérialisée.
« Ces adaptations sont portées à la connaissance des candidats par tout moyen dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines avant le début des épreuves. »
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet article reprend, pour les généraliser sans limitation dans le temps, les dispositions de l’ordonnance du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.
Il permet de déroger aux dispositions légales et réglementaires fixant les modalités d’accès à toutes les formations d’enseignement supérieur dispensées par l’ensemble des établissements scolaires et des établissements d’enseignement supérieur et de délivrance des diplômes ouvrant à toutes les formations d’enseignement supérieur, « y compris le bac », si l’autorité compétente estime qu’une « situation d’urgence » le justifie.
Quant au périmètre des dérogations, il est très large : y figurent la nature, le nombre, le contenu, le coefficient ou les conditions d’organisation des épreuves aux examens et concours, qui pourront notamment s’effectuer de manière dématérialisée.
L’absence de définition de la notion de « conséquences de situation d’urgence », élément potentiellement déclencheur de ces adaptations au droit commun de l’organisation des épreuves et de délivrance des diplômes, est extrêmement préoccupante et n’est pas de nature à nous rassurer.
Cette dérogation très large peut bien sûr se concevoir pour un temps limité et une situation d’état d’urgence national. En revanche, elle n’est pas acceptable sans une limitation dans le temps et sans un encadrement strict.
J’y insiste : on pourrait invoquer la situation d’urgence sans aucun critère précis. Cette décision serait laissée à la seule appréciation des autorités compétentes.
L’introduction de cet article par voie d’amendement, lors de l’examen de ce texte en commission à l’Assemblée nationale, a dispensé le législateur de toutes les consultations préalables – je pense en particulier au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche et à d’autres instances consultatives – et, surtout, de recueillir l’avis du Conseil d’État. Or ce dispositif est potentiellement très dangereux. Il est largement dérogatoire au droit commun, sans contours précis ni limitation dans le temps.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article, qui entame le principe d’égalité de traitement des candidats aux examens et concours. Malgré les affirmations de principe, ce dispositif laisse la place à l’arbitraire. Surtout, il pourrait porter un coup de canif supplémentaire au caractère national des diplômes et des formations !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. En commission, nous avons débattu de l’insuffisante caractérisation de cette urgence et nous nous sommes engagés à travailler à un encadrement plus respectueux des libertés publiques.
Avec l’amendement n° 213 rectifié, le Gouvernement a bien proposé une définition de l’urgence ; mais elle reste insuffisante, faute de préciser l’autorité en mesure d’identifier de manière incontestable la situation d’urgence.
En conséquence, j’émets un avis favorable sur cet amendement de suppression. Certes, le Gouvernement a rectifié son amendement ce matin pour donner à l’autorité académique, autrement dit au rectorat, la faculté de constater la situation d’urgence. Mais la commission n’a pas pu se prononcer sur cette modification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la rapporteure, même s’il nous arrive d’apporter des modifications très tardives, je tiens à préciser que cette rectification a été faite hier ! (Sourires. – Mme la rapporteure acquiesce.)
Nous nous efforçons d’éviter que les établissements ne se retrouvent dans des situations de blocage. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 31 rectifié au profit de l’amendement n° 213 rectifié, lequel vise précisément à indiquer qui définit la situation d’urgence et comment l’on pourra travailler dans ces conditions.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je le confirme, la modification a été apportée hier, et non ce matin ; nous sommes un peu décalés du fait des aléas de l’ordre du jour.
Hier précisément, la présidente de l’université Paris-Saclay m’a appelée : elle était aux abois, ne sachant ni comment les examens pourraient se dérouler ni si les campus pourraient rester ouverts. J’en ai été le témoin : Mme la ministre se bat pour que les partiels soient maintenus malgré le confinement et, plus largement, pour conserver ne serait-ce qu’un semblant de vie universitaire, ce qui n’est pas toujours évident.
Madame la ministre, je n’émets pas un avis favorable sur votre amendement, mais je sais que, face à l’urgence, vous faites tout votre possible pour les étudiants puissent mener une vie normale.
M. le président. En conséquence, l’article 20 bis est supprimé et l’amendement n° 213 rectifié n’a plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 20 bis
M. le président. L’amendement n° 204, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :
Après l’article 20 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l’article L. 123-2 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° À la sensibilisation et à la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable ; ».
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. La jeunesse se mobilise pour l’environnement et la transition écologique. Beaucoup d’initiatives ont été prises en ce sens. Ainsi, plusieurs organisations étudiantes ont signé le pacte du pouvoir de vivre ; les étudiants de grandes écoles ont lancé un manifeste, signé par plus de 30 000 étudiants ; on a également assisté à de fortes mobilisations.
Dans cet esprit, il nous paraît indispensable d’ajouter la sensibilisation et la formation aux enjeux de la transition écologique aux grands objectifs de l’enseignement supérieur détaillés dans le code de l’éducation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je vais m’écarter de l’avis de la rapporteure.
Lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, nous n’avons cessé de formuler cette mise en garde : que le Parlement ne multiplie pas les injonctions aux professeurs. Il y a des programmes pour cela, monsieur Bargeton !
Le développement durable, les problèmes du réchauffement climatique, les questions liées à la transition énergétique et écologique sont déjà au cœur des programmes de géographie et de sciences de la vie et de la terre. Chaque fois que le Parlement se penche sur le code de l’éducation, on y ajoute des injonctions : les professeurs en ont assez ! Il faut aussi laisser le temps nécessaire à la mise en œuvre les programmes.
Je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’approuve totalement M. Brisson ; je voterai, moi aussi, contre cet amendement.
Monsieur Bargeton, le même article contient une demande impérative aux établissements universitaires : le service public de l’enseignement supérieur est censé contribuer à la croissance dans le cadre de la planification et à l’essor économique. À travers votre amendement, vous pourriez faire la synthèse entre la croissance, d’une part, et, de l’autre, la transition écologique et le développement durable. C’est un sujet intéressant : vous avez une demi-heure ! (Sourires.)
M. Julien Bargeton. Nous avons tous deux heures !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit dans les programmes, mais simplement de compléter les missions énoncées à l’article L. 123-3 du code de l’éducation.
Par la diffusion et la valorisation des résultats de la recherche scientifique, l’enseignement supérieur doit soutenir les « politiques publiques menées pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux, économiques et du développement durable ».
M. Max Brisson. C’est long comme un jour sans pain…
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il ne s’agit absolument pas d’une obligation d’inscription dans les programmes. Cette valorisation des résultats, répondant aux besoins économiques, doit être associée au développement durable : tel est, selon moi, le sens de cet amendement.
Mme Sophie Primas. Bref, un petit coup de peinture verte…
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 20 bis.
L’amendement n° 230, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 20 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1221-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa précédent, le promoteur d’une recherche mise œuvre conformément aux dispositions de l’article L. 1121-4 ou du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain peut, au titre des fins scientifiques expressément visées par cette recherche, importer ou exporter du sang, ses composants ou ses produits dérivés. » ;
2° L’article L. 1235-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa précédent, le promoteur d’une recherche mise en œuvre conformément aux dispositions de l’article L. 1121-4 ou du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain peut, au titre des fins scientifiques expressément visées par cette recherche, importer ou exporter des organes. » ;
3° L’article L. 1245-5-1 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa précédent, le promoteur d’une recherche mise en œuvre conformément à l’article L. 1121-4 ou du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain peut, au titre des fins scientifiques expressément visées par cette recherche, procéder aux opérations nécessaires à l’entrée depuis un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou à la sortie vers un de ces États, de tissus, de leurs dérivés ou de cellules issus du corps humain. » ;
b) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa précédent, le promoteur d’une recherche mise en œuvre conformément à l’article L. 1121-4 ou du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain peut, au titre des fins scientifiques expressément visées par cette recherche, importer depuis un État non membre de l’Union européenne ou n’étant pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou exporter vers un de ces États, des tissus, leurs dérivés ou des cellules issus du corps humain. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à accompagner les promoteurs de recherches impliquant la personne humaine, ou RIPH, dans les cas où ces recherches nécessitent des importations ou des exportations d’éléments issus du corps humain à des fins scientifiques.
Actuellement, dans ce cas de figure, les promoteurs de recherches doivent obtenir une autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, ou l’avis favorable d’un comité de protection des personnes (CPP). Ils doivent ensuite adresser une demande d’autorisation d’importation ou d’exportation au ministère. Cette nouvelle autorisation est délivrée après que nous demandons un nouvel avis à l’Agence de la biomédecine, l’ABM.
Or, dans la pratique, le ministère et l’ABM se contentent de constater que l’autorisation a été accordée. En pareil cas, ils n’ont aucune raison objective de refuser l’importation ou l’exportation.
Nous proposons de simplifier ce circuit administratif : lorsque l’autorisation ou l’avis favorable ont été donnés, il doit être possible d’importer ou d’exporter, sans formalité supplémentaire, les échantillons nécessaires à la recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il faut savoir rester humble : sur ce sujet extrêmement technique – d’ailleurs, peut-être ces dispositions auraient-elles dû figurer dans le texte initial –, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 20 bis.
Article 21
I. – L’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche est ratifiée.
II. – L’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 précitée est ainsi modifiée :
1° Au dernier alinéa de l’article 6, les mots : « compétente en premier ressort » sont supprimés ;
2° L’article 11 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « expérimental », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « ainsi qu’à la cohérence de sa stratégie avec celles des établissements-composantes qu’il regroupe, les statuts de ces derniers peuvent déroger aux dispositions des livres VI et VII du même code qui leur sont applicables et prendre en compte les dérogations liées à la mise en œuvre des articles 7 et 8. » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsqu’ils relèvent d’un décret en Conseil d’État, les statuts des établissements-composantes sont modifiés par décret. Dans les autres cas, ils sont modifiés conformément aux dispositions qui leur sont applicables. » ;
3° L’article 16 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « dans le respect des dispositions des trois premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « selon les modalités définies au dernier alinéa » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Des établissements et organismes mentionnés à l’article L. 718-2 du code de l’éducation peuvent, dans le respect des trois premiers alinéas de l’article L. 718-8 du même code, se regrouper au sein d’une communauté d’universités et établissements expérimentale bénéficiant des dérogations prévues au premier alinéa du présent article. » ;
4° L’article 21 est complété par les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2027 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur ».
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Nous sommes opposés à la ratification de l’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
Cette ordonnance permet trois types d’organisation.
Tout d’abord, de nouvelles communautés d’universités et établissements (Comue) expérimentales peuvent voir le jour.
Ensuite, une coordination territoriale peut être assurée par un établissement public expérimental, une Comue expérimentale ou, conjointement, par des établissements liés par une convention ; une convention détermine alors les compétences exercées en commun par les établissements participant au rapprochement, leurs modalités d’exercice et, le cas échéant, en fixe la dénomination.
Enfin, un établissement expérimental – c’est le dispositif le plus intégrateur – peut regrouper ou fusionner des établissements d’enseignement supérieur et de recherche publics et privés concourant aux missions du service public de l’enseignement supérieur ou de la recherche. Les établissements regroupés dans l’établissement public expérimental n’en peuvent pas moins conserver leur personnalité morale. Ils sont dénommés « établissements-composantes » de l’établissement public expérimental. Un établissement-composante ne peut participer qu’à un seul établissement public expérimental.
L’application de cette ordonnance va donc avoir un impact très concret dans les territoires. Elle va entraîner une grande confusion dans le paysage universitaire territorial.
Parmi les acteurs que nous avons rencontrés, beaucoup sont très inquiets. Certains regroupements auraient pour but premier de réduire la dépense publique ; ils associeraient des établissements à vocation internationale et des établissements de proximité, chargés d’assurer les missions de service public.
Il n’est pas certain que de telles démarches fassent progresser les universités françaises dans les classements internationaux. Il s’agissait pourtant du principal but de ces regroupements !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il s’agit là d’une position de principe contre les politiques de regroupement. Mais l’ordonnance en question offre, au contraire, la possibilité aux établissements volontaires de mener de véritables politiques de sites : j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cette ordonnance crée une simple boîte à outils, rien de plus. À ce jour, neuf établissements expérimentaux ont été créés ; une dizaine d’autres demandes sont à l’étude. D’autres établissements encore ne souhaitent pas saisir ces possibilités.
Ces outils doivent permettre aux établissements de mener une politique de sites plus cohérente. J’émets, moi aussi, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 125, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, ces dispositions nous placent de nouveau face à un problème de droit. Il s’agit de l’usage que votre gouvernement fait des ordonnances.
Ces mesures figuraient dans l’ordonnance du 12 décembre 2018, dont le projet de loi de ratification a été déposé sans être jamais soumis au Parlement.
Par l’article 21 du présent texte, vous nous demandez de ratifier l’ordonnance et de la modifier : la pratique des ordonnances ne veut plus rien dire et le Parlement est pour ainsi dire dans l’incapacité d’examiner de telles dispositions.
En outre, au sujet des expérimentations, je vous rappelle l’avis très fort émis par le Conseil d’État sur la loi pour un État au service d’une société de confiance : « S’agissant des expérimentations organisées sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, le Conseil d’État rappelle que la dérogation au principe d’égalité devant la loi n’est possible que pour une expérimentation ayant un objet limité et pour une durée qui, tout en étant suffisante, doit être strictement nécessaire et que l’objet de ces expérimentations ne peut, par suite, consister en la création de dispositifs dérogatoires permanents ou de très longue durée. »
Les dispositions de cet article entrent donc en conflit avec l’avis du Conseil d’État !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. En vertu de l’article 21, la consultation de tous les établissements membres de la Comue ne serait plus nécessaire ; cet assouplissement fait courir le risque d’une mise à l’écart d’un établissement de la décision de transformation de la Comue à laquelle il appartient. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Dans sa rédaction actuelle, l’article 16 de l’ordonnance présente une ambiguïté : elle peut laisser croire que seules les Comue préexistantes peuvent faire évoluer leur statut. C’est cette ambiguïté que j’ai souhaité lever.
En réalité, deux hypothèses se font jour.
La première est celle d’une Comue préexistante souhaitant devenir une Comue expérimentale. Une telle transformation entre bien dans le champ de l’expérimentation et impose une modification des dispositions statutaires, ce qui nécessite, en général, la consultation des établissements membres. Cela n’est possible que si le périmètre de la Comue expérimentale est strictement le même que celui de la Comue préexistante.
La seconde est celle d’une Comue expérimentale créée ab initio. Cette création entre directement dans le champ de l’expérimentation et doit respecter les trois premiers alinéas de l’article : elle doit donc suivre la procédure prévue par la loi de 2013.
De fait, les transformations dont il s’agit sont soumises aux instances des établissements membres : j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, ma contestation porte sur le fond. Des expérimentations sont nécessairement temporaires : on ne saurait les transformer en mesures dérogatoires permanentes par le biais d’ordonnances, comme vous nous le proposez. Le Parlement doit en débattre dans le cadre d’un projet de loi !
M. le président. Je mets aux voix l’article 21.
(L’article 21 est adopté.)
Article 22
I. – Dans les conditions définies à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° Organiser la dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les actifs obtenus par des auteurs de logiciels ou inventeurs accueillis au sein d’une entité réalisant de la recherche et qui ne sont ni des salariés ni des agents publics ;
2° Simplifier, dans le respect de la directive n° 2009/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés, la procédure applicable aux utilisations confinées de risque nul ou négligeable d’organismes génétiquement modifiés ;
3° (Supprimé)
4° Modifier le code de l’environnement, le code rural et de la pêche maritime et le code de la consommation afin de prévoir les modalités de traçabilité et les conditions de l’utilisation des semences des variétés rendues tolérantes aux herbicides et des produits issus ;
5° Assurer la cohérence du code de l’éducation et du code de la recherche avec les lois non codifiées et avec les dispositions de la présente loi, abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet de ces mêmes codes et supprimer les dispositions relatives à la carte des formations supérieures ;
6° Étendre l’application des dispositions de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, le cas échéant avec les adaptations nécessaires.
II et II bis. – (Supprimés)
III. – Les ordonnances prévues au I sont prises dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi. Les ordonnances prévues aux II et II bis sont prises dans un délai de dix-huit mois à compter de cette publication.
IV. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 32 rectifié est présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 193 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.
Mme Sylvie Robert. Une nouvelle fois, on nous demande de nous dessaisir de notre compétence de législateur.
Madame la ministre, vous le savez, nous n’aimons pas les ordonnances. Nous y sommes même opposés, surtout lorsque la demande d’habilitation est si large ! Il est parfaitement inadmissible que le Parlement soit dessaisi de l’examen de textes encadrant des domaines aussi variés et de si grande importance que la simplification des différentes procédures applicables aux utilisations confinées des OGM et de semences tolérantes aux herbicides ou la redéfinition des modalités de rendus d’avis sur les biotechnologies, sans compter de nombreuses modifications du code de l’éducation.
Je me félicite que l’examen du projet de loi en commission ait déjà permis de retirer du champ de l’ordonnance certains de ces sujets, comme l’enseignement supérieur privé, le spatial ou les biotechnologies. Mais d’autres domaines, et non des moindres, y ont malheureusement été maintenus.
Aussi, nous demandons la suppression de cet article.
M. Thomas Dossus. Cet article 22 du projet de loi autorise donc le Gouvernement à légiférer sur de nombreux sujets par ordonnance : le droit de la propriété intellectuelle, l’usage des OGM en environnement confiné, la modification du code de l’environnement pour l’usage de semences tolérantes aux herbicides. Le lien entre l’intitulé du projet de loi et ces ordonnances nous semble bien ténu.
Sur le fond, nous considérons que les sujets concernés par cette habilitation méritent un débat parlementaire de fond, car ils sont sensibles et la représentation nationale doit avoir son mot à dire. Il n’est pas concevable de légiférer sur ces questions dans la discrétion des cabinets ministériels, la Nation et ses représentants doivent s’en saisir ; c’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La commission a déjà procédé à la suppression des trois ordonnances les plus significatives de cet article, sur la question des biotechnologies, de l’enseignement supérieur privé et de la politique spatiale.
Les sujets qui restent à traiter – j’avoue humblement ne pas en être une spécialiste avertie – me paraissent plus mineurs, si j’en crois nos collègues de la commission des affaires économiques qui les ont examinés.
En conséquence, je suis défavorable à cette suppression, tout en souhaitant, bien entendu, que la ministre apporte toutes les garanties et toutes les explications nécessaires sur les habilitations maintenues dans le texte.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’avis du Gouvernement est évidemment défavorable.
Il s’agit de sujets techniques, qui relèvent, en général, de la transposition dans le droit français d’un certain nombre de directives européennes ou dont le caractère d’urgence appelle cette procédure.
Mon ministère n’utilise pas particulièrement les ordonnances et chacune de celles qui sont présentées dans cet article 22 nous paraît totalement justifiée. C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 rectifié et 193.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 194, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Dans la droite ligne de notre amendement précédent, nous vous proposons deux amendements de repli s’attachant aux dispositions les plus sensibles de ces habilitations données au Gouvernement.
Cet amendement concerne l’alinéa 3, qui prévoit de simplifier la procédure applicable aux utilisations confinées de risque nul ou négligeable d’organismes génétiquement modifiés.
Simplifier, mais de quelle manière ? Les manipulations en milieu confiné sont des opérations durant lesquelles les OGM sont cultivés, mis en œuvre, stockés, transportés, détruits, éliminés ou utilisés de manière à limiter leurs contacts avec l’environnement et la population.
Cette dernière condition s’explique par le danger sous- jacent de dissémination des OGM. Il ne s’agit donc pas d’un sujet anodin, technique ou anecdotique, mais d’une question centrale, à l’intersection entre l’écologie, l’éthique et la vision que nous avons de l’avenir et de notre rapport au vivant.
Ces thèmes sont trop importants pour être placés dans les mains du seul Gouvernement ; c’est pourquoi nous proposons la suppression de cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Le sujet traité par cette habilitation est très technique. Je me lance !
La procédure actuelle concernant l’utilisation confinée d’OGM à risque nul ou négligeable est particulièrement complexe et va au-delà des exigences de la directive du 6 mai 2009 relative à l’utilisation confinée des micro-organismes génétiquement modifiés.
En particulier, chaque usage doit faire l’objet d’une déclaration transmise au Haut Conseil des biotechnologies (HCB), ce qui constitue une contrainte administrative très lourde.
Le projet d’ordonnance viserait donc à aligner strictement la procédure française sur les standards européens, avec mise à disposition d’une évaluation des risques.
Il me semble donc que, dans le cadre de la lutte menée par le Sénat contre les surtranspositions, cette ordonnance pourrait être utile.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je confirme que cette ordonnance respectera strictement la directive européenne, de manière à ne pas soumettre nos chercheurs à des contraintes réglementaires plus lourdes que celles qui s’appliquent à leurs collègues européens.
Il s’agit également de permettre aux agents chargés du contrôle des utilisations d’OGM de se concentrer sur les utilisations relevant des classes de confinement de deux à quatre.
Quant au choix de recourir à une ordonnance pour cette mesure, il s’explique par la complexité des dispositions du code de l’environnement qu’il faut amender, qui nous aurait amenés à alourdir inutilement de nombreuses mesures techniques ce projet de loi.
Le sens des évolutions que nous nous proposons d’adopter par voie d’ordonnance, si vous nous y autorisez, est clairement annoncé. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 216, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Redéfinir les modalités selon lesquelles les avis et recommandations relatifs aux biotechnologies sont élaborés, dans une organisation qui s’appuiera notamment, pour les missions d’évaluation des risques et l’analyse socio-économique, sur l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, et qui visera par ailleurs à améliorer les conditions de mise en œuvre du débat public ainsi que la prise en compte des questions éthiques ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à restaurer une habilitation à légiférer par ordonnance supprimée en commission et que le Gouvernement considère comme essentielle. Il propose une clarification de la forme et une explicitation du propos.
Le Haut Conseil des biotechnologies est chargé d’éclairer le Gouvernement sur les questions relatives à l’usage des biotechnologies et d’émettre des avis en matière d’évaluation des risques pour l’environnement et la santé publique que peuvent présenter, par exemple, l’utilisation confinée ou la dissémination d’OGM.
Cette structure a montré des difficultés importantes à fonctionner depuis sa création, et notamment à conduire sereinement les débats entre parties prenantes. Des vagues de démissions ont, à plusieurs reprises, entraîné le blocage de son comité économique, éthique et social et ont fragilisé son comité scientifique.
Pour consolider et pérenniser les fonctions d’évaluation indispensables à l’éclairage de la décision publique sur les biotechnologies, il est nécessaire de s’assurer d’une évaluation des risques rigoureuse, indépendante et de qualité, de confier à des experts une analyse économique des bénéfices sociaux des biotechnologies amenées à être développées, d’aborder avec compétence les questions éthiques et de donner sa place à un vrai débat public dans le cadre duquel toutes les composantes de la société pourraient s’exprimer.
Le Gouvernement envisage donc de transférer les missions actuelles du Haut Conseil des biotechnologies à différentes instances déjà existantes, robustes et reconnues, qui seront capables d’intégrer ces nouvelles missions dans leur fonctionnement.
C’est le cas de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui se verra confier la mission d’évaluation des risques environnementaux liés à la dissémination d’OGM. Cette agence possède une forte expertise dans les domaines environnementaux, sanitaires et agronomiques, et sa pratique de l’évaluation des risques est confirmée et reconnue, puisqu’elle délivre déjà des avis sur les risques sanitaires liés à cette même dissémination d’OGM.
L’Anses se verra également confier la mission d’analyse socio-économique et mettra en place, à ce titre, un nouveau comité d’experts spécialisés dans ce domaine.
De plus, le Gouvernement envisage de transférer au ministère chargé de la recherche la mission d’évaluation des dossiers de demande d’utilisation confinée d’organismes génétiquement modifiés, en plus des missions de délivrance de ces autorisations et de contrôle qu’il exerce déjà.
Enfin, le Gouvernement examine la possibilité de faire du Conseil économique social et environnemental le siège du débat public sur les biotechnologies et de confier au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé l’examen des questions éthiques qui leur sont relatives.
L’objectif de cet amendement est de faciliter cette réorganisation pour assurer la nécessaire continuité de l’expertise sur les biotechnologies ; le recours à une ordonnance est lié à la technicité de ce sujet et à la nécessité de disposer néanmoins d’une expertise scientifique qualifiée et indépendante le plus rapidement possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cet amendement tend à revenir sur un vote clair exprimé en commission sur un amendement de la commission des affaires économiques. Il me paraît important de bien marquer l’opposition du Sénat à la multiplication des ordonnances.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, la rédaction de l’habilitation proposée par le Gouvernement est effectivement plus précise et son objet détaille mieux l’ambition du Gouvernement : l’expertise scientifique reviendrait à l’Anses et au ministère de la recherche et les débats éthiques seraient partagés entre le CESE et le CCNE.
En revanche, cet amendement ne permet pas de savoir comment seront traités les sujets plus précis, comme la recherche sur les médicaments de thérapie génique ou les applications en matière de défense nationale.
Pour autant, c’est un progrès.
Il aura tout de même fallu une suppression de l’habilitation pour que le Gouvernement nous donne officiellement plus d’informations sur son projet et veuille bien préciser le champ de l’habilitation.
Ces explications sont bienvenues, mais notre position de principe reste, sur les sujets qui ne sont pas purement techniques, la suppression.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Notre collègue Pierre Ouzoulias a évoqué de nombreuses fois l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans le cadre duquel nous avons travaillé sur les biotechnologies en produisant plusieurs rapports sur ce sujet et sur le HCB.
À l’occasion du dernier d’entre eux, concernant les biotechnologies et les Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats (CRISPR), il s’est avéré que le HCB connaissait en effet de vrais problèmes de fonctionnement et qu’il était nécessaire de revoir celui-ci.
Pour autant, faut-il le faire par ordonnance, même si ce que vous venez nous dire, madame la ministre, nous donne un peu plus de lisibilité, en répartissant ses missions entre différents organismes, dont l’Anses, qui me paraît déjà surchargée de nombreux dossiers ?
Comme Pierre Ouzoulias, j’aurais aimé que l’on demande l’avis motivé de cet exceptionnel Office parlementaire français, partagé entre l’Assemblée nationale et le Sénat, que nous vous aurions remis.
M. le président. L’amendement n° 195, présenté par Mme de Marco, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Nous proposons la suppression de l’alinéa 5, lequel autorise le Gouvernement à modifier le code de l’environnement, le code rural et de la pêche maritime et le code de la consommation afin de prévoir les modalités de traçabilité et les conditions de l’utilisation des semences de variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) et des produits qui en sont issus.
Ces variétés ont été rendues tolérantes aux herbicides par des techniques conventionnelles, par la sélection traditionnelle ou transgénique. Ces semences posent un certain nombre de problèmes, notamment le développement de résistance des adventices, c’est-à-dire des mauvaises herbes, aux herbicides et l’augmentation de l’utilisation d’herbicides par rapport à des cultures classiques, entraînant, in fine, la contamination des milieux.
Encore une fois, ce débat ne doit pas être pris à la légère. Personne ne s’étonnera de voir des écologistes se saisir de ce dossier, et nous estimons que toute la représentation nationale doit l’examiner, en discuter et se prononcer, en un mot, légiférer.
C’est pourquoi nous proposons de retirer l’autorisation donnée au Gouvernement de décider seul en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Là encore, le sujet est technique, et la ministre pourra certainement compléter mon propos.
L’avis de l’Anses du 26 novembre 2019 juge nécessaire l’instauration d’un suivi des variétés rendues tolérantes aux herbicides. Par un arrêt du 7 février 2020, le Conseil d’État a estimé que ce suivi était nécessaire.
L’ordonnance a pour objet de modifier le code de l’environnement, le code rural et de la pêche maritime et le code de la consommation afin de le rendre possible.
Il me semble donc que cette ordonnance technique peut s’avérer utile, dans la mesure où elle met en conformité la loi avec un avis de l’Anses et un arrêt du Conseil d’État.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. J’ajoute que la représentation nationale est capable d’avoir des discussions politiques sur des sujets techniques : mardi, nous avons discuté des néonicotinoïdes, un sujet éminemment technique, pour aboutir à un avis politique, c’est-à-dire que nous avons tenu un débat politique sur un sujet technique.
Cette façon d’exclure les sujets techniques du débat me semble un peu douteuse.
M. le président. L’amendement n° 217, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Dans les conditions définies à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet de modifier le code de l’éducation afin de :
1° Clarifier les notions de cours et d’établissements d’enseignement supérieur privés, harmoniser les conditions d’ouverture et de contrôle des établissements d’enseignement supérieur privés, au regard du régime résultant de la loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat, notamment en ce qui concerne les conditions exigées des déclarants et personnels d’enseignement et de direction, dans un objectif de lutte contre les fraudes et les atteintes à l’ordre public, et définir les conditions dans lesquelles ces établissements peuvent délivrer un enseignement à distance ;
2° Substituer à la procédure de reconnaissance par l’État des établissements d’enseignement supérieur technique privés la possibilité pour les établissements d’enseignement supérieur privés et les organismes d’enseignement à distance de délivrer des diplômes visés par l’État ou conférant un grade universitaire, sous réserve d’une évaluation périodique par une instance nationale, le cas échéant spécialisée, dans le respect du monopole de l’État sur la collation des titres et des grades universitaires ;
3° Redéfinir les modalités d’habilitation des cours et établissements d’enseignement supérieur privés à recevoir des boursiers de l’enseignement supérieur, afin de subordonner cette habilitation à la qualité de la formation dispensée, périodiquement évaluée.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi concernant l’enseignement supérieur privé.
Il vise à mieux expliciter les finalités de cette habilitation concernant l’ouverture des établissements d’enseignement supérieur et la délivrance des diplômes.
En ce qui concerne le régime d’ouverture, dans un souci de clarification et de simplification, il s’inspirera du régime prévu par la loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et à mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat.
Pour la délivrance des diplômes, dans le respect du monopole de l’État sur la collation des titres et des grades universitaires, l’attention portera sur la formation évaluée périodiquement par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) ou une instance spécialisée, comme la commission des titres d’ingénieur (CTI) ou la commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion, plutôt que sur le type d’établissement, la reconnaissance par l’État des établissements d’enseignement supérieur technique étant supprimée.
Je vous rappelle les dispositions en vigueur : la reconnaissance d’établissements d’enseignement supérieur technique, lesquels, une fois qu’ils sont reconnus, ne demandent plus rien à personne, si je puis dire, ou d’établissements qui restent en lien avec le ministère pour la délivrance de titres ou de grades.
Nous proposons de ramener l’ensemble des établissements concernés dans ce dernier périmètre, de manière à être en mesure de vérifier les titres et travaux des personnes qui enseignent dans ces établissements, mais aussi de garantir la meilleure information possible aux parents, lorsque ceux-ci inscrivent leurs enfants dans des établissements sur lesquels nous n’avons pas de contrôle quant à la qualité des diplômes qu’ils délivrent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Madame la ministre, ce sujet est trop important pour être traité par ordonnance. Nous maintenons donc l’avis défavorable que la commission avait émis.
M. le président. L’amendement n° 233, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
II bis. – Dans les conditions définies à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour moderniser le régime applicable aux opérations et activités spatiales, afin notamment de favoriser la recherche et développement en matière spatiale, de tenir compte des évolutions technologiques, d’adapter les règles de recueil et de diffusion des données d’origine spatiale, de définir les conditions dans lesquelles l’État peut agir en qualité d’opérateur spatial et de garantir les intérêts de la défense nationale.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je tente ma chance pour la troisième fois…
Le présent amendement a pour objet de rétablir l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sollicitée par le Gouvernement en matière spatiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mme Parly a appelé plusieurs d’entre nous, jusqu’au président de la commission, mais ce n’est toujours pas très clair, même si j’ai bien compris que les satellites militaires étaient en question.
En tout état de cause, nous restons sur la position de notre commission concernant la suppression de cette habilitation à légiférer par ordonnance.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je rappelle simplement à Mme la ministre, comme à ses prédécesseurs, que je m’étonne de l’absence du mot « spatial » à côté des mots « enseignement supérieur, recherche et innovation » dans l’intitulé de son ministère, même s’il est vrai que cette disparition remonte à de nombreuses années.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis. Nous avons supprimé cette habilitation en commission et nous avons demandé davantage d’informations ; nous avons obtenu une courte note sur les enjeux de défense. Il s’agirait de permettre au ministère des armées d’opérer des dispositifs spatiaux sans intermédiaire et de revoir le régime de déclaration préalable à l’utilisation de données spatiales afin de rendre crédibles les stratégies spatiales de défense.
Toutefois, en l’état, l’habilitation permet d’aller beaucoup plus loin et de procéder à une refonte globale de la loi sur les opérations spatiales, qui mérite un vrai débat, surtout sur des sujets aussi importants que l’encadrement des mégaconstellations et des activités industrielles dans l’espace.
Un groupe de travail a formulé quarante-sept propositions sur quatorze thématiques, dont nous n’avons pas connaissance en l’état.
Malheureusement, l’objet de l’amendement ne nous éclaire pas plus. Nous ne pouvons donc accorder au Gouvernement un tel blanc-seing au vu des informations que vous nous avez communiquées.
La ministre des armées a, certes, ouvert la voie à un compromis que nous pourrions étudier et qui consisterait à restreindre le champ d’habilitation au seul volet défense. C’est un peu tard, mais si elle nous fait une proposition, sous le contrôle de Mme la rapporteure au fond et avec la commission des affaires économiques, nous pourrions l’étudier.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je confirme en tout point ce que vient de dire notre collègue Jean-Pierre Moga. Cette habilitation est beaucoup trop large ; elle couvre par exemple les champs du domaine du civil, du domaine de la réglementation sur des sujets comme les ports spatiaux, l’emport de nucléaire dans l’espace, les mégaconstellations, autant de sujets qui exigent un débat démocratique et parlementaire important et fouillé autour d’une vraie loi sur les opérations spatiales.
Jean-Pierre Moga l’a dit, la dernière date de 2008 ; depuis lors, le monde spatial a complètement changé. Dans ce domaine, douze ans aujourd’hui, cela correspond à trois siècles il y a quelque temps.
Madame la ministre, nous allons voter contre cette habilitation à légiférer par ordonnances.
La porte est ouverte à Mme Parly, qui nous a très gentiment appelés. Nous comprenons les problématiques de défense liées à cette ordonnance, trouvons une rédaction pour que cette habilitation soit claire et restrictive en vue de la commission mixte paritaire. Je suis certaine que notre rapporteure y parviendra.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Nous attendons en effet une rédaction plus précise de ce recours à l’ordonnance. Le ministère des armées s’est engagé à présenter un texte ; cela n’a pu être fait dans les temps du débat au Sénat, mais nous avons bon espoir – à défaut, cela posera un problème – que cette rédaction sera prête pour la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Je ne me suis pas exprimé jusqu’à présent sur les ordonnances pour ne pas ralentir nos débats ; je souhaite que l’on trouve un équilibre en commission mixte paritaire sur ce sujet, notamment sur le spatial.
C’est pourquoi, comme sur l’amendement précédent, je vais m’abstenir ; il ne s’agit pas d’une attitude de défiance, mais il me semble qu’il faut aboutir dans l’optique de la commission mixte paritaire.
Je ne suis pas opposé aux ordonnances par principe, je sais que n’est pas né le gouvernement qui ne les utilisera pas et qu’il s’agit d’un outil du parlementarisme rationalisé de la Ve République. Pour autant, comme nous sommes d’accord pour avancer dans le cadre de la CMP sur ces sujets, notamment sur le spatial, je vais m’abstenir et j’ai bon espoir que nous aboutissions.
M. le président. L’amendement n° 237, présenté par Mme L. Darcos, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéa 9, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je vais rester cohérente : l’avis est défavorable, car cet amendement tend à supprimer des habilitations que j’ai demandées.
M. le président. Je mets aux voix l’article 22, modifié.
(L’article 22 est adopté.)
Article 22 bis (nouveau)
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 241-6, les mots : « du diplôme d’études » sont remplacés par les mots : « d’un diplôme sanctionnant les études » et les mots : « sanctionnant la formation reçue au cours du deuxième cycle d’études vétérinaires » sont supprimés ;
2° L’article L. 812-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « d’ingénieurs, », sont insérés les mots : « de vétérinaires, » et les mots : « ainsi que celle des vétérinaires » sont supprimés ;
b) Après le quatorzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels des écoles nationales vétérinaires titulaires d’un diplôme, certificat ou titre de vétérinaire, non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique ou de la Confédération suisse, sont autorisés à effectuer des actes de médecine et de chirurgie des animaux dans le cadre exclusif de leurs activités d’enseignement et de recherche. » ;
c) Après le seizième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque école nationale vétérinaire comprend un centre hospitalier universitaire vétérinaire qui est un centre de soins aux animaux dans lequel, dans le respect du bien-être animal, sont organisés des enseignements et de la recherche cliniques. » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 813-10, après les mots : « de responsables d’entreprises », sont insérés les mots : « , de vétérinaires » ;
4° La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre VIII est complétée par un article L. 813-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 813-11. – Les établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif relevant de l’article L. 813-10 du présent code et reconnus d’intérêt général en application de l’article L. 732-1 du code de l’éducation, peuvent être agréés par le ministre de l’agriculture, pour assurer une formation préparant au diplôme d’État de docteur vétérinaire.
« Le directeur de la formation vétérinaire des établissements ainsi agréés justifie des conditions requises pour l’exercice de la profession de vétérinaire.
« Les établissements ainsi agréés sont régulièrement évalués dans les mêmes conditions que les écoles nationales vétérinaires.
« En cas de non-respect du code de déontologie vétérinaire par les vétérinaires employés par l’établissement dans l’exercice de leurs fonctions au sein de l’établissement, le ministre chargé de l’agriculture peut suspendre ou retirer l’agrément.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
IV. – Le deuxième alinéa de l’article L. 731-1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les formations de vétérinaires sont soumises à l’agrément du ministre chargé de l’agriculture dans les conditions prévues à l’article L. 813-11 du code rural et de la pêche maritime. »
V. – Au quatrième alinéa de l’article L. 5143-2 du code de la santé publique, les mots : « chefs des services de pharmacie et toxicologie des écoles nationales vétérinaires » sont remplacés par les mots : « titulaires du diplôme d’État de docteur vétérinaire ou de docteur en pharmacie désignés par le directeur de l’école vétérinaire comme responsable de la pharmacie ».
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet article, inséré en commission au Sénat voilà quinze jours à peu près, permettrait, s’il était adopté, la création d’écoles vétérinaires privées.
Les auteurs de l’amendement qui a conduit à cet ajout l’ont défendu en arguant que nous vivons dans nos territoires ruraux une désertification vétérinaire du même ordre que la désertification médicale – c’est indéniablement le cas – et qu’il est indispensable de se saisir de la formation des vétérinaires et de la recherche dans ce domaine pour améliorer l’accès aux soins vétérinaires sur tout le territoire français et pour soutenir la recherche dans ce domaine, nécessaire si nous souhaitons réussir la transition agroécologique.
Cependant, nous ne croyons pas que le recours à des structures privées soit la réponse appropriée. Nous sommes convaincus que la réponse à ce besoin relève du rôle de l’État et du service public.
C’est le service public qui doit agir sur un sujet aussi important pour l’intérêt général et l’avenir de notre pays que la formation de vétérinaires et l’innovation en matière de soins aux animaux. Nous ne devons pas abandonner cette prérogative au secteur privé.
S’il faut former davantage de vétérinaires, faisons le choix d’ouvrir une nouvelle école publique ou ouvrons de nouvelles places dans les écoles existantes en leur donnant les moyens de le faire.
Autoriser la création d’écoles vétérinaires privées aurait un coût important, dont le financement se ferait sans doute au détriment des établissements publics ; pourquoi ne pas plutôt faire le choix d’utiliser les sommes correspondantes pour aider nos écoles de vétérinaires publiques à augmenter leur capacité ? Peut-être pourrions-nous en discuter le mois prochain, lors de l’examen du projet de loi de finances ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cet article a été introduit en commission par la présidente Sophie Primas et le président François Patriat ; il me semble qu’il a été longuement concerté avec les professionnels concernés et me paraît présenter une solution adaptée aux difficultés rencontrées dans le monde rural pour trouver des vétérinaires.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne peux m’empêcher de répondre à Mme Monier. Ma chère collègue, vous avez fait état de la désertification vétérinaire, un sujet qui nous a occupés récemment, quand nous avons ouvert de nouvelles possibilités pour les collectivités territoriales.
Il ne faut rien empêcher, il ne faut se priver de rien. Je comprends votre bronca contre l’enseignement privé, mais il s’agit ici d’établissements d’enseignement supérieur privés, certes, mais à but non lucratif, reconnus d’intérêt général et agréés par le ministère de l’agriculture.
Ensuite, nos vues divergent peut-être à ce sujet, mais la formation publique n’est pas le monopole de la fonction publique ; seuls 0,7 % des vétérinaires vont dans le public et 43 % d’entre eux aujourd’hui se forment dans des écoles à l’étranger. Ce chiffre a été multiplié par deux et demi depuis cinq ans. Comme vous le voyez, nous ne sommes pas dans une situation d’école publique à la française.
Ce texte ouvre une possibilité générale, mais, plus particulièrement, l’ouverture de cette école ne coûtera pas un centime au Gouvernement et à l’État français, puisqu’elle s’appuiera sur le transfert de coûts entre la formation agricole et la formation vétérinaire. Le Gouvernement ne mettra pas un euro supplémentaire dans sa création.
Enfin, j’ai lu aujourd’hui dans des argumentaires que nous risquions de fermer la formation vétérinaire aux plus modestes ; il me semble pourtant qu’envoyer nos enfants en Roumanie et en Espagne est extrêmement coûteux. J’ai des enfants qui ont suivi des enseignements à l’étranger, c’est très cher.
Il me paraît beaucoup moins onéreux pour les plus modestes de les ramener sur le territoire français, d’autant que ces établissements sont capables d’aller chercher des bourses de formation.
Ces arguments plaident donc en défaveur de votre amendement.
M. le président. La parole est à M. le déontologue Arnaud Bazin, lui-même vétérinaire, pour explication de vote. (Sourires.)
M. Arnaud Bazin. Vous êtes bien taquin, monsieur le président !
Madame la ministre, permettez au vétérinaire présent dans cette assemblée de donner son sentiment.
Notre profession vit un véritable paradoxe : beaucoup de jeunes veulent y entrer, nous avons une filière très sélective, beaucoup vont à l’étranger, comme l’a rappelé Mme Primas, et nous manquons de vétérinaires.
En revanche, je suis un peu gêné que ce texte soit introduit sous le prétexte que l’on manque de vétérinaires dans le monde rural, car on en manque surtout en ville, paradoxalement, à l’inverse de ce que tout le monde croit. Les vétérinaires praticiens libéraux ont beaucoup de mal à recruter des salariés pour faire le travail.
Dans le monde rural, la situation est tout à fait différente : c’est l’équilibre économique qui fait problème. De fait, les clientèles sont de plus en dispersées, en sorte que les confrères passent leur temps dans leur voiture, ce qui ne rapporte pas d’argent.
C’est pourquoi la disposition que nous avons prise cet été pour permettre aux collectivités territoriales de soutenir financièrement ce type d’exercice me paraît beaucoup plus adaptée qu’une éventuelle augmentation du nombre de places au concours – ou d’ailleurs que la création de places dans une école vétérinaire privée à but non lucratif.
Reste que, comme nous manquons énormément de vétérinaires, il est légitime que nous en formions davantage dans notre pays. J’aurais préféré, moi aussi, qu’il s’agisse d’une formation d’État, donc homogène. Malheureusement, l’État est aujourd’hui assez largement impécunieux… Le système proposé peut donc être mis en œuvre.
Ce qui m’embarrasse quelque peu, c’est que, s’il y a eu un dialogue avec certaines instances représentatives de la profession vétérinaire, je crains fort que les praticiens de base et les étudiants actuels n’aient découvert ces dispositions que tout récemment, si seulement ils les ont découvertes. Je regrette qu’un débat de fond plus important n’ait pas été mené avec la base de la profession.
Pour cette raison, je m’abstiendrai sur la disposition introduite en commission, même si je n’en désapprouve pas les motivations.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 201, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Labbé et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 10 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. La création d’une école vétérinaire privée contribuerait à diminuer la capacité de recherche dans ce domaine et à précariser l’offre de formation publique. Les moyens qui seraient transférés à cette école vétérinaire privée doivent rester destinés à l’enseignement vétérinaire public, pour lui permettre d’augmenter ses capacités d’accueil.
Fragiliser une nouvelle fois le service public de recherche et de formation ne paraît pas judicieux, à l’heure où l’on a besoin d’une recherche vétérinaire forte pour adapter l’agriculture aux défis environnementaux et de santé publique, qui sont liés notamment à l’antibiorésistance et à la nécessaire amélioration du bien-être animal en élevage.
En outre, le risque existe d’une sélection par l’argent et non plus par le mérite pour les étudiants amenés à se former dans une structure d’enseignement privé.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme Primas et MM. Moga, Bizet, Bazin et Brisson, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
prévues à l’article L. 241-1 du code rural et de la pêche maritime
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Cet amendement vise à préciser les conditions exigées pour le directeur de la formation vétérinaire, afin d’assurer la qualité de l’enseignement et sa cohérence entre les écoles publiques et privées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 201, pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 49 rectifié.
En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je me suis abstenu sur la possibilité de créer une école vétérinaire privée – je m’en suis expliqué, mais, dans la mesure où l’amendement de Mme Primas vise à améliorer les garanties de bon fonctionnement de cette école, je le voterai, de même que le suivant.
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par Mme Primas et MM. Moga, Bizet, Brisson et Bazin, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer le mot :
cliniques
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Il s’agit encore d’un amendement de précision, qui devrait rassurer notre collègue qui a défendu la suppression des alinéas : les centres hospitaliers universitaires vétérinaires peuvent faire de la recherche clinique, bien sûr, mais aussi de la recherche fondamentale. Ces établissements ont toute leur place dans la recherche !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 22 bis, modifié.
(L’article 22 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 22 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 19 rectifié ter est présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, M. Mandelli, Mme Deroche, MM. Bizet, Pellevat, Mouiller et P. Martin, Mme Doineau, MM. Calvet et Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Bargeton, Belin et D. Laurent, Mmes Chain-Larché et Mélot, MM. Courtial, Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Boulay-Espéronnier et Sollogoub, M. Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et MM. Guerriau, Bonhomme et Laménie.
L’amendement n° 196 rectifié est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre II du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 622-… ainsi rédigé :
« Art. L. 622-…. – Tous les étudiants des filières dédiées aux sciences du vivant et aux sciences biomédicales sont formés aux approches et méthodes de recherche n’incluant pas d’animaux, notamment in vitro et in silico. »
La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié ter.
M. Arnaud Bazin. Sur les 2 millions d’animaux utilisés à des fins d’expérimentation en 2018, plus de 500 000 l’ont été à des fins réglementaires ou toxicologiques.
Nous pouvons partager, je pense, la volonté de diminuer ce recours à l’expérimentation animale, quand on peut l’éviter ; c’est d’ailleurs ce que nous demande l’Europe.
Au reste, des méthodes de substitution existent désormais. Nous avons en France de magnifiques start-up, notamment dans le domaine de la microfluidique, des cultures cellulaires et de la simulation informatique. Encore faut-il que toutes ces techniques soient bien connues par celles et ceux qui ont à travailler dans le milieu de l’expérimentation !
Par ailleurs, la directive européenne 2010-63, relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, représente, selon ses propres termes, « une étape importante vers la réalisation de l’objectif final que constitue le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives, dès que cela sera possible sur un plan scientifique ».
Dans ce cadre, le présent amendement a pour objet de faire connaître toutes les techniques de substitution aux étudiants des filières biomédicales, qui auront, à un moment quelconque, à se mesurer aux questions expérimentales, afin de diminuer le recours aux animaux vivants pour ces expérimentations.
J’ajoute que la fiabilité des nouvelles techniques est considérablement supérieure à celle de l’expérimentation animale : actuellement, sur dix produits ayant passé l’étape des tests sur rongeurs et espèces non rongeurs – en général, le chien –, neuf sont recalés au moment où ils sont expérimentés sur l’homme. Parfois, la fiabilité des tests ne dépasse pas 50 % – autant tirer au sort…
Les méthodes de substitution existent et constituent un gisement de développement économique et de rayonnement scientifique pour la France. Il faut absolument que nous en assurions la promotion ! Cela commence par la sensibilisation des étudiants des filières dédiées aux sciences de la vie pendant leur cursus.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 196 rectifié.
Mme Monique de Marco. M. Bazin a très bien parlé. Mes chers collègues je vous invite à voter pour nos deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Ces amendements identiques sont tout à fait intéressants sur le fond, et nous ne pouvons qu’adhérer à ce que nous avons entendu. Pour autant, je me demande s’ils ne sont pas déjà satisfaits et surtout, s’ils sont compatibles avec la liberté académique.
À cet égard, je reprendrai les propos qu’a tenus M. Brisson il y a quelques instants : le contenu des formations n’a pas vocation à être précisé dans la loi, même si celle-ci peut fixer de grandes orientations. Je le regrette, mais l’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à notre déontologue (Sourires.), pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, il ne faut pas confondre la déontologie parlementaire et l’éthique de l’homme envers l’animal, même si, je vous l’accorde, on peut se préoccuper des deux.
M. Julien Bargeton. Le parlementaire est un animal comme un autre ! (Nouveaux sourires.)
M. Arnaud Bazin. Franchement, je n’ai pas entendu nos éminents collègues universitaires déverser leurs foudres sur cet amendement, comme ils l’ont fait pour d’autres il y a quelques instants, et je les en remercie.
Par ailleurs, les professeurs d’université et les grands responsables universitaires exercent longtemps : ils n’ont peut-être pas toujours autant d’appétence pour le changement qu’ils devraient en avoir…
Il me semble que nous sommes dans notre rôle de législateur en indiquant, au moins, que nous voulons voir ces techniques promues pendant le cursus universitaire et connues des étudiants. À ce stade, cela ne me paraît pas une atteinte extraordinaire aux libertés académiques ! (Mme Monique de Marco applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne vais pas me venger du déontologue, qui, il y a quelques instants, n’a pas voté le principe de l’école privée. (Sourires.) Je voterai son amendement, même si je ne l’ai pas signé.
J’en suis désolée, madame la rapporteure, mais j’ai été convaincue par les explications données sur la fiabilité des techniques de substitution, parfois largement supérieure à celle des méthodes en vigueur.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Cosignataire de cet amendement, je le voterai, en cohérence avec la disposition que j’ai défendue sur la sensibilisation à l’écologie.
Il existe une attente dans ce domaine, et il me semble que les explications de M. Bazin doivent conduire à l’adoption de l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Cette fois, je vais faire plaisir à M. Bargeton… Je voterai cet amendement, que je regrette de ne pas avoir cosigné et dont l’injonction, madame la rapporteure, ne me paraît pas remettre en cause les libertés académiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié ter et 196 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22 bis.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 20 rectifié ter, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Jean-Michel Arnaud et Guerriau, Mme Deroche, MM. Mouiller, Pascal Martin et Calvet, Mme Chain-Larché, MM. Bargeton, Belin et Daniel Laurent, Mme Mélot, MM. Bizet, Bonne et Sautarel, Mmes Raimond-Pavero, Frédérique Gerbaud et Sollogoub, M. Lagourgue, Mmes De Cidrac Et Di Folco et M. Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par deux phrases ainsi rédigées : « L’utilisation des animaux vivants à des fins d’enseignement et de formation n’étant pas strictement nécessaire, elle est progressivement remplacée par d’autres méthodes pédagogiques. Aucun animal vivant n’est plus utilisé à ces fins après le 31 décembre 2023. »
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Cet amendement est un peu plus radical que le précédent, dont les dispositions comportaient une injonction, certes, mais seulement à l’étude.
Je propose de faire cesser l’utilisation d’animaux vivants à des fins, cette fois, d’enseignement et de formation, lorsqu’elle n’est pas strictement nécessaire. L’objectif est qu’elle soit progressivement remplacée par d’autres méthodes pédagogiques. Aucun animal vivant ne serait plus utilisé à ces fins après le 31 décembre 2023.
En 2018, plus de 40 000 animaux ont été utilisés dans notre pays pour des travaux pratiques dans l’enseignement supérieur ou pour la formation de techniciens de laboratoire. Dans le même temps, en Grande-Bretagne, on en utilisait vingt fois moins. Si nos collègues d’outre-Manche étaient beaucoup moins bien formés que les étudiants français, cela se saurait… Nous pouvons donc faire beaucoup mieux !
L’utilisation d’animaux vivants à des fins d’enseignement et de formation ne se justifie d’un point de vue ni éthique ni scientifique. En effet, on peut avoir recours à des méthodes de substitution tout à fait suffisantes, telles que les vidéos en 3D, les mannequins et des outils de simulation, d’ailleurs très appréciés des enseignants et des étudiants.
J’ai quitté l’école vétérinaire voilà maintenant près de quarante ans, mais j’ai gardé le souvenir assez vif de la désapprobation de la plupart de mes collègues étudiants à l’encontre d’un certain nombre de travaux pratiques et d’expériences franchement inutiles, qui entraînaient de la souffrance animale sans valeur démonstrative particulière ni valeur ajoutée par rapport aux méthodes plus traditionnelles d’enseignement de l’époque.
Aujourd’hui, je le répète, nous disposons de méthodes beaucoup plus performantes. Soyons courageux : promouvons-les, pour qu’elles aient totalement remplacé les autres d’ici à 2023 !
M. le président. L’amendement n° 197 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par trois phrases ainsi rédigées : « En particulier, l’utilisation des animaux à des fins d’enseignement et de formation n’est pas strictement nécessaire. Elle est progressivement remplacée par d’autres méthodes pédagogiques. Aucun animal n’est plus utilisé à ces fins après le 31 décembre 2023. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Je rejoins, cette fois encore, M. Bazin.
Aujourd’hui, l’utilisation d’animaux à des fins d’enseignement et de formation ne se justifie d’un point de vue ni éthique ni scientifique. Nous proposons d’empêcher ici leur utilisation après le 31 décembre 2023, ce qui laissera aux acteurs concernés le temps nécessaire pour mettre en place des moyens de substitution et plus respectueux du vivant.
Cette échéance claire peut permettre d’avancer, comme cela s’est produit avec les cosmétiques : depuis 2009, ceux-ci ne peuvent être commercialisés dans l’Union européenne que si ni les composants ni le produit fini n’ont été testés sur des animaux. L’industrie cosmétique était, à l’époque, opposée à cette réglementation…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je me pose les mêmes questions que sur les deux amendements précédents.
De surcroît, je ne suis pas sûre qu’il soit juridiquement possible d’établir que l’utilisation d’animaux vivants peut ne pas être nécessaire. Pour cette raison fondamentale, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je ne puis vraiment émettre qu’un avis défavorable. J’ai moi-même été dans la nécessité absolue, notamment pour travailler sur des maladies génétiques humaines, d’utiliser les animaux. L’application de la mesure proposée serait extrêmement dangereuse.
Heureusement que j’ai été formée à l’utilisation d’animaux, parce que, sinon, à mon arrivée au laboratoire, il m’aurait fallu environ quatre ans pour être en mesure de le faire correctement, avec l’ensemble des précautions et compétences nécessaires…
S’agissant du premier article additionnel qui vient d’être introduit après l’article 22 bis, il faudra probablement le déplacer, pour qu’il vise spécifiquement les étudiants concernés par l’usage de ces méthodes, et non tous les autres.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Madame la ministre, la mesure que je défends ne vous aurait aucunement empêchée de mener vos travaux de recherche. L’interdiction proposée vise la formation et l’enseignement, sûrement pas l’expérimentation ! Là où celle-ci est nécessaire, elle sera toujours autorisée.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22 bis, et l’amendement n° 197 rectifié n’a plus d’objet.
Article 23
I. – L’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France est dissous et mis en liquidation à compter du 1er janvier 2021. La personnalité morale de l’établissement subsiste pour les besoins de sa liquidation et jusqu’à la clôture de celle-ci.
Un arrêté des ministres chargés de l’agriculture, de l’enseignement supérieur et du budget détermine les conditions et les modalités de la liquidation.
II. – La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime est abrogée le 1er janvier 2021.
M. le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. L’article 23 dissout l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, l’IAVFF, une instance encore jeune, puisqu’elle a été créée sous cette forme en 2015, sur l’initiative du ministère de l’agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt.
La création de cet établissement visait à améliorer la coopération entre l’enseignement supérieur et la recherche agronomique, vétérinaire et forestière, afin d’acquérir une meilleure renommée internationale dans ces domaines et d’être en mesure de former les chercheurs et chercheuses qui inventeront de nouvelles solutions pour réussir la transition agroécologique.
En particulier, l’institut devait permettre une meilleure coordination entre les différents établissements, pour qu’ils mènent des stratégies communes et élaborent des projets en commun.
La recherche agronomique, vétérinaire et forestière est indispensable, si nous voulons trouver des solutions durables permettant de réussir la transition écologique sans laisser personne au bord du chemin. Telle est l’ambition qu’incarne l’IAVFF : une ambition vaste, qui a donc besoin de temps pour se concrétiser. C’est pourquoi je m’étonne que l’on ne laisse pas davantage de temps à cet institut pour faire ses preuves : cinq années, c’est bien court…
Madame la ministre, j’ai entendu que les emplois associés à cet organisme seraient conservés, quoi qu’il arrive ; je salue votre vigilance sur ce point. Mais, si j’ai bien compris que, selon vous, cet institut n’a pas fait ses preuves et qu’il faut donc le dissoudre, je n’ai pas bien saisi les raisons qui vous amènent à cette conclusion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Sans revenir, bien sûr, sur les missions assurées par cet institut, il me paraît important de revoir une structure qui ne semble pas avoir fait la preuve de son efficacité.
Le statut d’établissement public issu de la loi du 13 octobre 2014 semble trop lourd, compte tenu des contraintes qui en résultent en matière d’organisation – élections, déplacements, agence comptable –, pour un budget réduit – 1,2 million d’euros – et un peu moins de six ETP.
Le projet de loi retire ce statut à Agreenium, pour le transformer en Alliance Agreenium, structure qui s’appuiera sur une convention de coordination territoriale entre différents établissements d’enseignement supérieur et de recherche agronomique, sous l’égide de l’Inrae. Les emplois seront conservés, voire renforcés au sein de cette alliance, grâce à l’effet de levier lié à l’Inrae.
Je suis défavorable à la suppression de cette mesure, qui me paraît opportune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 218, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – L’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France est dissous à compter du 1er janvier 2021. Les biens, droits et obligations de l’établissement sont transférés à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement à compter de cette même date. Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à versement de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts, ni à perception d’impôts, de droit ou de taxes de quelque nature que ce soit.
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agit d’un amendement de précision sur la création d’Alliance Agreenium et la place de l’IAVFF en son sein.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Article 24
I. – L’article L. 6142-13 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 6142-13. – Un comité territorial de la recherche en santé est créé auprès de chaque centre hospitalier et universitaire.
« Ce comité est chargé de l’animation et de la coordination territoriale de la recherche en santé entre le centre hospitalier et universitaire, les universités, les établissements de santé, les professionnels de santé libéraux, les établissements publics à caractère scientifique et technologique et les autres organismes de recherche ayant passé une convention d’association avec le centre hospitalier et universitaire dans les conditions prévues à l’article L. 6142-5, ainsi que les collectivités territoriales.
« Il coordonne, sous la responsabilité conjointe du centre hospitalier et universitaire et de l’université ayant conclu la convention mentionnée à l’article L. 6142-3, la mise en œuvre de la politique de recherche en santé, notamment dans le cadre des politiques de sites mises en place avec les organismes de recherche.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment la composition du comité territorial de la recherche en santé. »
II (nouveau). – Le seizième alinéa de l’article L. 713-5 du code de l’éducation est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 6142-13. – Un comité territorial de la recherche en santé est créé auprès de chaque centre hospitalier et universitaire.
« Ce comité est chargé de l’animation et de la coordination territoriale de la recherche en santé entre le centre hospitalier et universitaire, les universités, les établissements de santé, les professionnels de santé libéraux, les établissements publics à caractère scientifique et technologique et les autres organismes de recherche ayant passé une convention d’association avec le centre hospitalier et universitaire dans les conditions prévues à l’article L. 6142-5, ainsi que les collectivités territoriales.
« Il coordonne, sous la responsabilité conjointe du centre hospitalier et universitaire et de l’université ayant conclu la convention mentionnée à l’article L. 6142-3, la mise en œuvre de la politique de recherche en santé, notamment dans le cadre des politiques de sites mises en place avec les organismes de recherche.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment la composition du comité territorial de la recherche en santé. »
M. le président. L’amendement n° 177, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. L’article 24 instaure des instances de coordination des organismes de santé auprès des CHU. Si l’objectif est louable, cette mesure pose manifestement un certain nombre de problèmes – depuis quelques semaines, les remontées du terrain le confirment.
Sans doute la concertation préalable n’a-t-elle pas été suffisante. Sans doute aussi les missions de cette instance de coordination n’apparaissent-elles pas suffisamment claires. Au surplus, l’expérience montre que la coopération a fonctionné mieux, jusqu’à présent, dans le cadre d’instances informelles. Enfin, dans certains endroits, cette instance risquerait d’aggraver encore la complexité d’écosystèmes de recherche développés.
Mes chers collègues, si ces arguments ne suffisaient pas à justifier la suppression de l’article 24, j’ajoute que l’adoption de mon amendement en ferait tomber sept autres, ce qui, à cette heure avancée de l’après-midi, sera peut-être décisif pour votre choix… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cet article suscite un fort émoi chez les acteurs de la recherche en santé. Pourtant, il repose sur un diagnostic pertinent : la nécessité d’une meilleure gouvernance, soulignée par notre commission dans un rapport publié pendant le premier confinement.
De fait, la solution proposée n’est pas pertinente, pour les raisons qui sont fort bien exposées dans l’objet de l’amendement.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. En effet, le diagnostic a été fait d’un besoin de coordination ; d’où cette disposition.
Comme le Gouvernement a proposé cet article, il émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. En conséquence, l’article 24 est supprimé, et les amendements nos 137 rectifié et 156 rectifié, les amendements identiques nos 79 rectifié bis, 172 rectifié et 198, ainsi que les amendements nos 173 rectifié et 199 n’ont plus d’objet.
Article 25
Les modifications apportées, postérieurement à la date de publication de la présente loi, aux règles de classement des chargés de recherche et des maîtres de conférences régis respectivement par les dispositions du livre IV du code de la recherche et du titre V du livre IX du code de l’éducation peuvent ouvrir aux agents titularisés dans ces corps avant l’entrée en vigueur de ces modifications et classés dans le premier grade de leur corps le bénéfice d’un reclassement rétroactif selon des modalités fixées par décret. La durée des services accomplis entre la date de leur recrutement et le premier jour du mois suivant celui de l’entrée en vigueur de ces modifications est prise en compte pour ce reclassement dans la limite d’un an. Toutefois, l’ancienneté de service des intéressés dans leur corps continue à être décomptée à partir de la date à laquelle ils y ont accédé. – (Adopté.)
Article 25 bis (nouveau)
Le dispositif de suivi et d’évaluation de cette loi est confié au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) qui remettra au Parlement, tous les deux ans, un rapport sur la mise en œuvre de l’ensemble des mesures qu’elle contient et sur leur incidence en termes d’égalité entre les femmes et les hommes, à partir d’indicateurs définis par décret. Ce rapport sera présenté pour avis au Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE). – (Adopté.)
Article 26
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui dresse un état des lieux exhaustif des politiques menées en faveur de la culture scientifique, technique et industrielle ainsi qu’un premier bilan de la stratégie nationale de culture scientifique, technique et industrielle établie en 2017.
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi
par les mots :
Selon la même temporalité que celle prévue pour la stratégie nationale de la recherche
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 114 est retiré.
Je mets aux voix l’article 26.
(L’article 26 est adopté.)
Article additionnel après l’article 26
M. le président. L’amendement n° 138 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Savin et Bonne, Mme Gruny, MM. de Legge et Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport exhaustif sur l’autonomie des universités et les propositions de nature à la renforcer.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Je sollicite l’indulgence de Mme la rapporteure pour cette demande de rapport au Gouvernement sur l’autonomie des universités – l’ultime amendement à ce texte mérite bien un peu de clémence… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, je regrette de terminer sur une note négative, mais je demande le retrait de cet amendement, au nom de notre position de principe sur les rapports.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Piednoir. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. La communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche attendait beaucoup de ce texte, dont elle espérait qu’il lui rende les moyens d’assurer ses missions de service public. Las ! Les promesses se sont transformées en une reconduction ad nauseam du croît budgétaire famélique que votre ministère connaît depuis 2017.
La correction apportée par le Sénat à cette programmation budgétaire est quelque peu salvatrice. J’incite vivement notre rapporteure à la défendre jusqu’au bout en commission mixte paritaire.
De cette loi de programmation budgétaire sans budget, il restera des dispositions qui poursuivent et amplifient le processus ininterrompu de dislocation du service public. C’est un paradoxe, car j’avais cru comprendre de nos débats vos velléités de refuser le modèle anglo-saxon, dont nous n’avons pas assez dit qu’il est profondément en crise.
Si notre pays accepte l’idée que la connaissance est une marchandise et que la concurrence sans limite doit être son mode de régulation, alors nous sommes perdus ! Car jamais votre ministère ne pourra doter nos établissements de capacités financières suffisantes pour lutter dans cette compétition.
Je reste persuadé que le service public constitue un cadre plus propice à la recherche, car il donne aux chercheurs une stabilité qui favorise la prise de risque et la recherche de longue haleine ; au même moment, il garantit à l’État l’indépendance de ses chercheurs au service de l’intérêt général.
Nos chercheurs attendaient de nous de la confiance : je ne comprends pas comment nous avons pu passer d’une déclaration faisant des libertés académiques les conditions de l’exercice et de l’excellence de la recherche à une formule qu’ils perçoivent comme une atteinte à ces mêmes libertés.
De la même façon, pourquoi affaiblir le Conseil national des universités dans son rôle de garant de la valeur nationale des grades universitaires ?
Il serait opportun de corriger ces deux points en commission mixte paritaire.
Pour conclure, je reprendrai une formule qui convient malheureusement bien à une communauté dans laquelle la moitié des salariés sont précaires : madame la ministre, mes chers collègues, il ne faut pas désespérer l’enseignement supérieur et la recherche !
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Comme ma collègue Monique de Marco l’a expliqué dans la discussion générale, ce projet de loi ne correspond pas à notre vision de la recherche, à nous membres du groupe écologiste.
Dans cet hémicycle, les uns et les autres nous ont expliqué l’urgence d’augmenter les ressources allouées à la recherche, en déplorant son sous-financement chronique depuis des années.
Seulement, ce sous-financement n’est pas le résultat d’une calamité naturelle : ce n’est pas le puceron vert qui a grignoté le budget de la recherche année après année ; c’est bien la logique d’austérité qui a conduit la recherche française dans une situation qui nous oblige aujourd’hui à rattraper les erreurs passées.
Nous voilà enfin devant une programmation pluriannuelle destinée à rattraper ces années de sous-financement volontaire. Malheureusement, ici encore, il est impossible pour ce gouvernement de sortir de son dogmatisme. Résultat : de belles ambitions et de belles paroles, mais les efforts budgétaires, vous les laissez à vos successeurs… Sur les budgets que vous aurez à défendre, madame la ministre, l’effort reste largement insuffisant.
Le courage du verbe, mais l’absence d’actes concrets : pour l’écologie comme pour le reste, c’est encore et toujours pareil !
En revanche, pour précariser ou affaiblir les statuts des chercheurs, on remarque une certaine gourmandise de votre part : vous n’alliez tout de même pas vous priver d’affaiblir une nouvelle fois le CDI ou les statuts de la fonction publique.
Une programmation budgétaire insuffisante, une précarisation des parcours professionnels, l’organisation de la compétition entre universités et des annonces antiécologistes : tous ces éléments sont constitutifs d’un texte au mieux inefficace, au pire dangereux pour le monde de la recherche – un texte qui ne mérite pas l’appellation de programmation.
Votre texte se fait contre la communauté universitaire : les réseaux d’enseignants-chercheurs, la société civile et les associations nous alertent depuis des semaines et ont été atterrés par certains de nos débats au Sénat.
En réduisant la programmation budgétaire de dix à sept ans, le Sénat avait pourtant remis un peu de cohérence entre les ambitions et la réalité. Mais les amendements votés ces derniers jours ont aussi conduit à des reculs supplémentaires qui suscitent de très vives inquiétudes, sur les libertés académiques comme sur le mode de recrutement du corps enseignant, dont le processus a été radicalement changé.
Nous voterons donc contre ce texte, qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu financier et qui prolonge une vision de l’université en compétition permanente, conduisant à son affaiblissement.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Je souhaite féliciter Mme la rapporteure, qui a travaillé dans un appréciable esprit d’équilibre et de grande ouverture, ainsi que le président de la commission, qui, par son impassibilité toute britannique (Sourires.), a permis des débats apaisés.
Je souhaite également vous remercier, madame la ministre, parce que vous avez apporté des réponses calmes et précises en refusant toujours – c’est particulièrement appréciable – la polémique et la posture.
Nous allons voter ce texte, certes modifié par le Sénat. Si nous avons voté pour certains amendements que nous jugeons positifs, nous nous sommes abstenus sur d’autres et, quand nous n’étions pas d’accord, nous nous sommes opposés à certaines modifications.
Pour autant, il nous semble que le texte n’est bouleversé ni dans sa structure ni dans son contenu : la programmation est bien là, ainsi qu’un effort budgétaire que nous estimons important et des dispositions en faveur de la simplification de la vie des chercheurs, de l’ouverture sur la société – le Sénat a enrichi le texte en matière de relations avec les collectivités locales – et de la modernisation des outils de financement.
Les piliers sont donc bien là. Les nouveaux contrats, en particulier, ont été maintenus ; je m’en réjouis. Je me félicite également des avancées sur la liberté académique et l’intégrité scientifique.
Trois points restent toutefois en suspens : la durée de la programmation ramenée à sept ans au lieu de dix ; l’abaissement de la proportion de chaires de professeurs juniors de 20 % à 15 % ; enfin, le périmètre des ordonnances.
Nous espérons vivement que la commission mixte paritaire aboutira à un accord. Dans cet esprit, parce que le Sénat a amélioré et enrichi le texte et parce que les quelques divergences qui subsistent ne justifient pas un vote contre, nous voterons pour le texte, tel qu’il a été modifié par le Sénat.
Enfin, je remercie les services de la commission de leur travail rapide, mais excellent dans un contexte difficile.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je m’associe à l’hommage rendu par M. Bargeton à la rapporteure et au président de la commission. Je les remercie et les félicite de leur travail, qui a permis d’améliorer ce texte.
En ce qui me concerne, je souhaite également rendre hommage à Mme la ministre, qui nous a écoutés et avec qui nous avons eu un échange apaisé ; ce n’est pas toujours le cas en cette Haute Assemblée, et je tiens à l’en saluer.
Nous avons eu des débats sur l’horizon, initialement fixé à 2030, de cette loi de programmation. Alors que les jeunes de ce pays sont confrontés à une situation de crise politique et sanitaire, et parfois à la désespérance, par ce texte nous leur envoyons un message les assurant que nous croyons à la jeunesse de ce pays, à la recherche et à la souveraineté française en matière de recherche.
Nous avons eu sur ce sujet des points de convergence, mais aussi de divergence, en particulier sur la place du privé.
La majorité sénatoriale a salué l’effort de revalorisation et d’attractivité de la recherche qui a été engagé : au fond, elle a salué l’engagement, après des années de désengagement.
Nous avons eu de beaux débats sur les libertés académiques – ceux qui veulent affoler en seront largement pour leurs frais –,…
M. Arnaud Bazin. Tout à fait !
M. Max Brisson. … sur l’intégrité scientifique, sur l’évaluation des établissements, sur la diversification nécessaire des contrats pour permettre à de jeunes talents de trouver leur place. Nous avons eu des débats récurrents sur les crédits d’impôt et leur utilité, cher Pierre Ouzoulias.
Nous avons un point de divergence sur l’intensité de l’effort, car nous jugeons qu’un coup de reins est nécessaire. Après une période de recul et de désengagement, nous saluons la volonté de reprendre la marche en avant. Mais nous estimons que, plus la trajectoire sera resserrée, plus cet effort en faveur de la communauté scientifique sera intense. Nous poursuivrons ce débat dans le cadre des travaux de la commission mixte paritaire.
Les sénatrices et les sénateurs du groupe Les Républicains voteront ce texte amendé et amélioré. Ils sont confiants quant à l’issue des futurs débats de la commission mixte paritaire en vue de parvenir à l’adoption d’un texte favorable à la recherche et à la communauté scientifique de ce pays.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un prix Nobel de chimie attribué à une brillante chercheuse française expatriée en Allemagne, n’est-ce pas là le symbole de ce que nous devons éviter : la perte d’attractivité de la France en tant que grande nation scientifique ?
Pour éviter le décrochage de notre pays dans le domaine de la recherche, le projet de loi fixe un objectif ambitieux en termes de moyens budgétaires. Le groupe du RDSE partage l’avis de la commission, qui a ramené le cap de la programmation à 2027. Il y a urgence à agir, la compétition mondiale étant de plus en plus aiguë.
De nouvelles voies de recrutement sont créées. Elles ont donné lieu à de longs débats. Le travail parlementaire a contribué à mieux cadrer les dispositifs proposés. Mon groupe sera attentif à ce qu’ils soient complémentaires et non concurrents des voies de recrutement traditionnel.
Mes chers collègues, la pandémie de covid-19 nous rappelle hélas dramatiquement combien la recherche est un défi permanent pour le bien de l’humanité. Enfin, d’un point de vue davantage philosophique, la recherche, lorsqu’elle interroge la science, est une façon de mieux connaître le monde. À l’heure où un certain obscurantisme menace tragiquement notre société, notre responsabilité est d’encourager le progrès à tous les niveaux.
Par conséquent, le groupe du RDSE votera pour ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte était très attendu par la communauté scientifique, qui exprime depuis longtemps le besoin d’une véritable revalorisation du financement de la recherche.
Comme toujours, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat s’est efforcée de mener un travail de qualité qui a permis d’améliorer le texte, notamment en ramenant la durée de planification à l’horizon plus raisonnable de 2027.
Toutefois nous regrettons d’avoir été contraints d’examiner ce texte en procédure accélérée et dans l’urgence, au lieu de prendre le temps de construire collectivement un projet à long terme pour l’excellence de la recherche française, car, ce soir, le résultat n’est pas satisfaisant.
Je suis convaincue que le cœur de nos désaccords tient au fait que nous n’avons pas pu prendre le temps. Certes, l’objectif d’une planification jusqu’en 2027 est de permettre aux chercheuses et aux chercheurs de se projeter, mais c’est loin d’être suffisant pour créer les conditions d’une recherche sereine.
Pour leur donner réellement la possibilité de prendre le temps, ce temps si indispensable aux grandes découvertes, la recette est simple : il faut des financements pérennes et des contrats stables et sécurisants.
Le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer ne repose ni sur l’un ni sur l’autre. Plutôt que de privilégier le financement de la recherche fondamentale dans tous les domaines, il fait la part belle aux financements par appel à projets, via l’ANR, alors que nous savons que nos chercheurs et nos chercheuses s’usent dans les procédures chronophages pour constituer des dossiers et vivent dans l’angoisse de la fin de leur financement.
Les articles 3, 4, 5 et 6 de ce texte prévoient également la création d’un certain nombre de contrats, qui vont susciter encore plus de situations précaires, alors que les postes de titulaires manquent cruellement.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avions l’occasion de bâtir un avenir radieux pour la recherche française, et de sortir de cet hémicycle en étant fiers d’être parvenus à renforcer notre service public de la recherche, pour qu’il soit prêt à faire rayonner la France sur la scène scientifique internationale et que nos plus brillants esprits soient ceux qui inventeront le socle d’une transition écologique et sociale heureuse.
Il n’en est rien ! Notre collègue Sylvie Robert nous avait indiqué que nous appelions de nos vœux un miracle. Force est de constater qu’il n’a pas eu lieu. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc contre ce texte, qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour explication de vote.
M. Jean Hingray. Je tiens tout d’abord à me joindre aux commentaires de mes collègues Julien Bargeton et Max Brisson concernant Laure Darcos et Laurent Lafon, qui ont fait preuve de beaucoup de dynamisme tout au long de l’examen de ce projet de loi.
Cher Julien Bargeton, je ne dirais pas que Laurent Lafon est resté impassible, car cela signifierait qu’il ne fait pas preuve d’émotions. Or, par son amendement visant à punir d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende les personnes qui pourraient entraver la tenue d’un débat à l’université, il me semble qu’il a davantage fait preuve de courage que d’« impassibilité ». (Sourires.)
M. Julien Bargeton. Je voulais souligner son flegme !
M. Jean Hingray. Je tiens à saluer l’adoption de nos deux amendements.
Dans un objectif de transparence, le premier tendait à permettre une vision beaucoup plus sincère et exhaustive du financement de la recherche. Le second, opportunément sous-amendé par mon collègue Stéphane Piednoir, afin de transformer la disposition proposée en expérimentation, avait pour objet l’autonomisation des universités dans leurs capacités de recrutement.
Enfin, je félicite Pierre Ouzoulias de son amendement tendant à faire la promotion de la langue française dans la recherche.
Madame la ministre, mes chers collègues qui participeront à la commission mixte paritaire, j’espère que ces avancées courageuses pour le bien de l’université seront conservées. Je ne vous apprendrai rien en indiquant que le groupe Union Centriste votera ce texte de loi des deux mains.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’aimerais avant tout remercier Mme Laure Darcos, rapporteure, ainsi que MM. les rapporteurs pour avis Jean-François Rapin et Jean-Pierre Moga de leur investissement et de la qualité du travail réalisé.
Ce projet de loi de programmation est l’objet de vives critiques d’une partie de la communauté des chercheurs. Nous devons faire la part des choses entre l’expression des craintes de personnes ayant une rente de situation dans notre pays et des revendications tout à fait légitimes, que nous devons écouter.
Il me semble que Sénat a œuvré en ce sens, en réduisant la durée de la programmation et en améliorant le statut et la durée des chaires de professeurs juniors. C’est un travail constructif, qui va dans le sens d’une bonne recherche.
Ce texte qui prévoit d’allouer 25 milliards d’euros supplémentaires sur sept ans au financement de la recherche, replace la science, l’innovation et la volonté de comprendre et d’entreprendre au cœur de notre société. Il favorise le recrutement de jeunes chercheurs hors norme, ces moutons à cinq pattes qui passent souvent entre les mailles des concours habituels et des grilles de lecture classiques du monde de la recherche.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je suis très fière et honorée d’avoir rapporté ce texte – le premier, après trois ans passés dans cette assemblée. (Applaudissements.)
Je souhaite remercier les services de la commission, qui m’ont beaucoup aidée et soutenue dans un contexte quelque peu compliqué, puisque nous avons commencé nos travaux pendant la période électorale de renouvellement du Sénat, donc sans en avoir la légitimité.
Je remercie également mes collègues qui ont été assidus aux auditions – Dieu sait si elles furent nombreuses ! –, comme ceux qui nous ont rejoints dans la dernière ligne droite, après leur élection.
Il y a bien sûr toujours des mécontents, mais je crois sincèrement que nous avons marqué ce texte de l’empreinte du Sénat, que ce soit par la modification de la trajectoire, ramenée à sept ans, par le rééquilibrage entre des nouveaux contrats, dont j’estime qu’ils doivent trouver leur place dans certains systèmes, tout en ménageant un équilibre par rapport aux carrières et aux contrats déjà existants, ou par l’assise définitive de l’égalité femmes-hommes, qui, je l’espère, suscitera des vocations dans les nouvelles générations de jeunes femmes.
Nous avons également introduit les collectivités territoriales, ce que n’avait pas fait l’Assemblée nationale. Nous avons donc apporté des éléments importants.
Cher Pierre Ouzoulias, s’agissant des libertés académiques, je pense que personne ne peut contester que je n’ai voulu ni attaquer ni froisser les chercheurs ; j’ai été blessée que l’on puisse me soupçonner à cet égard. J’estime que l’on peut être pour les libertés académiques tout en respectant les valeurs de la République. Toutefois, si le terme est choquant, nous aurons en effet du temps pour y revenir lors des travaux de la commission mixte paritaire.
Je salue mes collègues présents dans l’hémicycle : votre mobilisation nous a permis d’examiner ce texte un vendredi après-midi sans vote par scrutin public – c’est à marquer d’une pierre blanche ! (Sourires.) Je vous remercie de votre soutien et de vos compliments.
Enfin, je salue votre disponibilité et votre écoute, madame la ministre, d’autant que votre cabinet a dû jongler entre le projet de loi de finances examiné par l’Assemblée nationale et le Sénat. Mais vous avouerez que vous n’avez pas ménagé les services de la séance, que je tiens à féliciter de leur travail, ni notre commission en déposant des amendements au dernier moment… (Sourires.)
Je vous remercie enfin, monsieur le président, d’avoir présidé cette dernière séance de la semaine.
J’espère que cette loi sera positive. Nous recevons toujours de nombreux mails négatifs, mais j’espère que ceux qui ont un avis positif seront également nombreux à se manifester. (MM. Julien Bargeton et Claude Malhuret applaudissent.)
Mme Sophie Primas. C’est un appel ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Je m’exprimerai en français – j’espère que Julien Bargeton ne m’en voudra pas, mais, si je ne le faisais pas, Pierre Ouzoulias me le reprocherait certainement. (Sourires.)
Je me faisais la remarque il y a quelques jours que, en cette période de crise sanitaire, les praticiens hospitaliers et les commentateurs de tout poil interviennent beaucoup dans les médias, alors que nous entendons peu, sinon pas du tout, les chercheurs. Ils sont pourtant les seuls à même de nous donner des perspectives et, surtout, de trouver une issue à la crise que nous connaissons. La vérité est que, en France, la recherche et les chercheurs sont peu ou mal considérés, et que l’on n’en parle pas assez.
Madame la ministre, à l’issue de ces trois jours de séance et, au-delà, des auditions que nous avons menées, vous aurez compris que le Sénat et en particulier la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sont très attachés à la recherche. Ils le sont au moins à deux titres.
Tout d’abord, parce que nous devons avoir de l’estime pour celles et ceux qui consacrent leur vie professionnelle à la recherche. Leur connaissance et leur travail contribuent à améliorer le monde dans lequel nous vivons.
Ensuite, nous leur devons également toute notre attention parce que, au sein de l’économie de l’innovation dans laquelle nous sommes entrés depuis plusieurs années, la recherche joue un rôle clé dans la création de richesses et d’emplois. Dans la période économique que nous vivons, j’estime que ce texte sur la recherche revêt une importance encore plus considérable que s’il était arrivé il y a un an.
Je dois vous faire une confidence, madame la ministre : lorsque j’ai lu le texte du Gouvernement pour la première fois, je me suis fait la réflexion que, les deux premiers articles exceptés, il était peut-être un peu léger. J’ai compris mon erreur à la relecture.
J’ai la conviction que le travail du Sénat, au travers des apports de chacun d’entre nous, a contribué à enrichir ce texte. Je ne reviendrai pas sur les points dont nous avons débattu durant ces trois jours. Nos apports sur la trajectoire budgétaire et, partant, sur l’envergure financière de notre recherche publique, ainsi que sur les notions d’intégrité scientifique et de liberté académique ont sensiblement amélioré le texte.
Permettez-moi de vous remercier à mon tour, mes chers collègues, de votre présence dans l’hémicycle.
Je vous remercie également, madame la ministre, de ce dialogue que vous avez su instaurer avec notre commission depuis que vous exercez vos fonctions. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, et c’est bien normal, mais nous apprécions la qualité du dialogue que nous avons avec vous et avec votre équipe.
Je remercie notre rapporteure, Laure Darcos, qui a travaillé dans des conditions difficiles, car, durant la période de renouvellement du Sénat, il n’était pas évident de mener des auditions, alors même qu’elle n’était pas officiellement rapporteure. Le travail toujours délicat du rapporteur consiste à trouver une voie de passage, un chemin d’équilibre, entre les points de vue des uns et des autres ; je l’ai beaucoup apprécié en l’occurrence, et je ne suis pas le seul.
Je me joins enfin à Laure Darcos pour remercier nos collaborateurs qui, du portage de l’eau à la rédaction d’amendements délicats, auront tout fait lors de l’examen de ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi .
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 12 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 249 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir voté ce texte et, comme l’ont souligné plusieurs orateurs, de l’avoir enrichi.
J’ai beaucoup apprécié la teneur de ces débats. Certes, nous ne sommes pas pleinement d’accord sur tout, mais vous avez porté haut et fort la reconnaissance que nous devons à l’ensemble de nos chercheurs et de nos enseignants-chercheurs.
Si on ne les voit pas beaucoup sur les plateaux de télévision, monsieur le président de la commission, c’est, me semble-t-il, parce que le monde de la recherche cultive le doute, donc une forme d’humilité. Au nom de l’ensemble des personnels de la recherche, je tiens à remercier le Sénat de ce vote.
Je vous remercie, madame la rapporteure, de votre très beau travail – je ne savais pas que c’était le premier texte pour lequel vous remplissiez cette fonction. Nous avons eu de nombreux échanges importants et intéressants.
Je remercie également MM. les rapporteurs pour avis, le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi que l’ensemble des membres de la commission. Depuis dix-huit mois, nous avons eu l’occasion de discuter de ce texte à plusieurs reprises ; je vous remercie de m’avoir toujours accompagnée pour l’améliorer.
Je salue l’ensemble des sénatrices et des sénateurs, les personnels du Sénat, qui ont veillé, dans tous les sens du terme, à ce que l’examen de ce texte se passe bien, ainsi que les collaborateurs des groupes.
Je remercie enfin les présidents de séance : monsieur le président, je vous charge de les saluer tous en mon nom.
Madame la rapporteure, je voudrais pour conclure vous assurer que jamais les libertés académiques ne pourront pâtir du respect des valeurs de la République que sont la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité et le refus de toutes les discriminations. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
4
Communications relatives à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental et sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ne sont pas parvenues à l’adoption d’un texte commun.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 3 novembre 2020 :
À quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 83, 2020-2021).
Personne ne demande plus la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication