Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Corinne Imbert, Patricia Schillinger.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
M. François Patriat ; M. Jean Castex, Premier ministre.
M. Bernard Jomier ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé ; M. Bernard Jomier.
M. Jean-Yves Roux ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
politique du gouvernement en matière de solidarités
Mme Raymonde Poncet Monge ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, Mme Raymonde Poncet Monge.
vaccin contre la grippe et vaccin contre la covid-19
M. Joël Guerriau ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé ; M. Joël Guerriau.
M. Alain Milon ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
attitude de certains médias moyen-orientaux et contre-mesures à prendre
Mme Nathalie Goulet ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur ; Mme Nathalie Goulet.
réforme de l’assurance chômage
M. Pierre Laurent ; Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion ; M. Pierre Laurent.
rôle de la turquie dans les relations internationales
M. Christian Cambon ; M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.
impact de la crise sur l’emploi et l’insertion
Mme Émilienne Poumirol ; Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion ; Mme Émilienne Poumirol.
politique migratoire du gouvernement
M. François-Noël Buffet ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur ; M. François-Noël Buffet.
compatibilité des positions du président turc et de la turquie avec son statut d’allié dans l’otan
M. Philippe Folliot ; Mme Florence Parly, ministre des armées.
accompagnement des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration
Mme Françoise Dumont ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Mme Laurence Rossignol ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Laurence Rossignol.
Mme Sabine Drexler ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
M. Stéphane Sautarel ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
3. Rappel des règles sanitaires
Conclusions de la conférence des présidents
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
6. Candidatures à une commission mixte paritaire
7. Mises au point au sujet de votes
8. Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Mme Laure Darcos, rapporteure de la commission de la culture
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Jean-François Rapin, rapporteur pour avis de la commission des finances
Motion n° 63 de Mme Céline Brulin. – Mme Céline Brulin ; M. Olivier Paccaud ; Mme Laure Darcos, rapporteure ; Mme Frédérique Vidal, ministre ; Mme Sylvie Robert ; Mme Marie-Noëlle Lienemann ; M. Julien Bargeton ; Mme Monique de Marco. – Rejet.
Discussion générale (suite) :
Mme Frédérique Vidal, ministre
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels avant l’article 1er
Amendement n° 118 rectifié bis de M. Vincent Segouin. – Retrait.
Amendement n° 234 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 3 rectifié de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 96 rectifié de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 147 de M. Laurent Lafon. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 115 rectifié de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
M. Jean-François Rapin, rapporteur pour avis de la commission des finances
Mme Frédérique Vidal, ministre
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
Amendement n° 206 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 88 de M. Pierre Ouzoulias. – Adoption.
Amendement n° 142 rectifié de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Jean Hingray. – Adoption.
Amendement n° 165 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Adoption.
Amendement n° 166 rectifié bis de M. Bernard Fialaire. – Adoption.
Amendement n° 153 de M. Jean Hingray. – Adoption.
Amendement n° 21 rectifié bis de M. Arnaud Bazin. – Adoption.
Amendement n° 22 rectifié bis de M. Arnaud Bazin. – Adoption.
Amendement n° 23 rectifié bis de M. Arnaud Bazin. – Retrait.
Amendement n° 152 de M. Jean Hingray. – Adoption.
Amendement n° 25 rectifié bis de M. Arnaud Bazin. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié bis de M. Arnaud Bazin. – Rejet.
Amendement n° 154 de M. Jean Hingray. – Adoption.
Amendement n° 232 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 17 rectifié de Mme Élisabeth Doineau. – Adoption.
Amendement n° 58 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Adoption.
Amendement n° 200 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 155 de M. Jean Hingray. – Adoption.
Amendement n° 64 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.
Adoption de l’ensemble de l’article et du rapport annexé, modifié.
Amendement n° 212 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 143 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 144 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 33 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 59 rectifié terdecies de Mme Jocelyne Guidez. – Retrait.
Amendement n° 145 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 9 de M. Jean Hingray. – Retrait.
Amendement n° 178 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 89 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 2 bis
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture
Amendement n° 123 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Article additionnel avant l’article 3
Amendement n° 1 rectifié quinquies de Mme Sylviane Noël. – Non soutenu.
Amendement n° 38 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 81 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 164 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Rejet.
Amendement n° 34 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié terdecies de Mme Jocelyne Guidez. – Retrait.
Amendement n° 92 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 220 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 183 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 219 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 52 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Adoption.
Amendement n° 184 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié bis de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 93 de M. Pierre Ouzoulias. – Devenu sans objet.
Amendement n° 221 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 139 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.
Amendement n° 53 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Adoption.
Amendement n° 140 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Adoption.
Amendement n° 151 rectifié de M. Jean Hingray. – Devenu sans objet.
Amendement n° 82 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 126 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Adoption.
Suspension et reprise de la séance
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 3
Amendement n° 29 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 36 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 176 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 222 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 185 de Mme Monique de Marco. – Adoption.
Amendement n° 70 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 188 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 39 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 223 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Retrait.
Amendement n° 224 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 71 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 80 rectifié de M. Henri Leroy. – Rectification.
Amendement n° 80 rectifié bis de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 83 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 84 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 42 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Adoption.
Amendement n° 225 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 226 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 5
Amendement n° 85 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 111 rectifié de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° 227 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun de vous se montrera attentif au respect du temps de parole et, plus encore, au respect des uns et des autres.
lutte contre le terrorisme
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, douze jours se sont écoulés depuis l’effroyable attentat terroriste qui a frappé un hussard de la République. Une fois encore, le peuple français a été touché dans sa chair. Nous ne devrons jamais oublier et nous devons réagir. Cette attaque d’une violence inouïe a frappé notre nation en plein cœur, en portant atteinte aux principes d’un universel que beaucoup nous envient, ceux de l’esprit critique et de la liberté d’expression. La laïcité à la française fait partie de ces valeurs républicaines qui ont forgé l’âme de notre nation et l’histoire de notre pays et que, précisément, les ennemis de la liberté veulent abattre.
En tant qu’élus de la République, nous avons partagé, lors de l’hommage rendu à la Sorbonne, un moment d’intense recueillement, comme beaucoup d’autres l’ont fait sur notre territoire. La stupeur et la solidarité ont dépassé les frontières nationales, et nombre de nos partenaires européens et internationaux ont manifesté leur soutien.
Mes chers collègues, la crise terroriste, sanitaire, économique et, plus récemment, diplomatique que nous traversons impose un devoir d’unité. Nous ne pourrons affronter ces quatre périls majeurs si nous continuons d’entretenir des divisions internes, vaines et dérisoires.
Dans ce contexte pesant, le peuple français doit adresser un message clair à ses dirigeants, celui d’une Nation unie, forte et fière de ses valeurs face à l’indescriptible, l’indicible, l’innommable. Nombreux sont ceux qui souhaitent installer le doute et la division dans nos esprits. C’est ensemble que nous ferons face à la menace terroriste. Encore une fois, l’histoire exige de nous que nous soyons à la hauteur de nos responsabilités. Le chef de l’État l’a dit : « Nous ne reculerons pas. »
Monsieur le Premier ministre, la lutte contre le terrorisme doit demeurer une priorité de notre action politique. Pouvez-vous nous préciser comment le Gouvernement entend amplifier son effort pour préserver notre modèle républicain et lutter contre les séparatismes ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Patriat, vous avez parfaitement raison, cet attentat terroriste ne visait pas seulement une personne admirable, le professeur Paty, qui a été lâchement assassiné ; il visait aussi la République et ses valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. On connaît la main de cet acte odieux : c’est l’islamisme politique, l’islamisme radical, qui n’en est pas à son premier forfait.
Vous avez encore raison quand vous dites que l’unité de la Nation tout entière est la première des réponses à apporter. En effet, les ennemis de la République ont pour principal objectif de nous diviser, de faire prospérer tous les amalgames, de déchaîner la haine pour embrigader, asservir et finalement assassiner.
On connaît leurs méthodes : faire le procès de la France, faire le procès de son histoire, comme si elle avait à en rougir, et de ses principes fondateurs, qui sont à l’opposé des leurs. Voilà pourquoi nous sommes leur cible. Il faut que ce soit dit et répété ici et partout dans le monde : en France, on peut publier des caricatures librement !
On connaît aussi leurs leviers et leur mode opératoire : des lieux de culte détournés, des associations paravents et des réseaux sociaux proactifs. Comme les lâches, ils agissent dans l’ombre. Qu’ils sachent qu’ils trouveront toujours la République en travers de leur chemin !
Le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, et les ministres concernés sont à l’action et à la manœuvre. Ils n’ont jamais cessé de l’être. Ils sont dans l’action quotidienne. Encore ce jour, sur la proposition du ministre de l’intérieur, le conseil des ministres a prononcé la dissolution de l’une de ces associations.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Christian Cambon. Qu’elle le reste !
M. Jean Castex, Premier ministre. Depuis 2018, 356 lieux de radicalisation ont également été interdits.
J’ai décidé de renforcer les effectifs de renseignement, en créant cent postes dédiés à la surveillance des réseaux sociaux. Depuis le début du quinquennat, 1 250 postes supplémentaires ont été affectés à la DGSI.
Vendredi dernier, je me suis rendu à Bruxelles afin de défendre auprès de la présidente de la Commission européenne et du commissaire Breton l’importance des deux règlements européens visant à lutter contre l’apologie du terrorisme en ligne et à prohiber les réseaux publiant des contenus haineux. Ces textes devraient aboutir très prochainement.
Enfin, vous le savez, nous travaillons d’arrache-pied au projet de loi de lutte contre le séparatisme, que le Président de la République avait annoncé dès avant que l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine soit commis. Je ne doute pas que le Sénat apportera des compléments très utiles à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
gestion de la crise sanitaire
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Nous faisons face à la seconde vague de l’épidémie, tout comme beaucoup d’autres pays de l’hémisphère nord. Comme au printemps, la qualité de notre réponse déterminera le nombre de vies sauvées et le nombre de vies perdues.
La première vague a révélé les forces et les faiblesses de notre pays. Certains sont allés jusqu’à évoquer une « crise organisationnelle » face aux sérieux problèmes qui ont été mis au jour, et les failles dans les processus de décision ne sont pas moins lourdes. Le constat est partagé même parmi les experts missionnés par le chef de l’État.
Par conséquent, monsieur le ministre, quelles décisions avez-vous prises, quels actes avez-vous posés pour mieux nous préparer à cette seconde vague ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jomier, vous avez raison, la seconde vague frappe l’Europe. Elle frappe indistinctement l’ensemble des pays qui nous entourent, y compris ceux où le redémarrage de l’épidémie a été plus tardif qu’en France. En Italie, le nombre de diagnostics positifs a été multiplié par dix en moins de trois semaines. En Allemagne, la proportion de malades augmente de 100 % chaque semaine. La Suisse, dont on vantait à juste titre les capacités de contact tracing et de tests, est désormais débordée et enregistre des délais analogues à ceux que nous avons pu connaître il y a quelques semaines dans notre pays.
Face à cela, on pourrait être tenté – mais ce n’est pas votre cas, puisque vous êtes aussi médecin – de pointer un dysfonctionnement dans l’appareil d’État. Mieux vaut choisir de réfléchir utilement aux moyens de freiner la diffusion du virus, collectivement, par l’action de tous et en solidarité, avant qu’il ne soit trop tard.
La diffusion du coronavirus se fait selon trois paramètres, dont deux que nous ne maîtrisons pas, à savoir la contagiosité, c’est-à-dire le risque de transmettre le virus, et le nombre de jours pendant lequel on reste contagieux. Le seul critère que nous pouvons maîtriser, vieux comme le monde, c’est le nombre de personnes avec qui l’on est en contact et que l’on pourrait contaminer. Voilà pourquoi nous prônons les gestes barrières, le lavage des mains et la distanciation sociale. C’est aussi pour cela que nous continuerons à prendre des mesures de restriction partout où c’est nécessaire sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est pathétique !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.
M. Bernard Jomier. Monsieur le ministre, je suis tout de même un peu inquiet quand je vous entends dire qu’il n’y a pas de dysfonctionnement de l’État : tous les rapports et tous les travaux menés font apparaître un problème d’organisation et des failles dans les processus de décision. L’existence d’une myriade d’agences sanitaires, qui sont mal coordonnées entre elles, ou la création de nouvelles instances par le chef de l’État, alors même que la crise est en cours, le montre.
Certes, tout le monde est responsable, mais certains le sont plus que d’autres. Il n’est pas digne de renvoyer aux Français la responsabilité de cette seconde vague, car elle relève d’abord de ceux qui n’ont pas su l’analyser et agir à temps. La stratégie « tester, tracer, isoler » est un échec, et les Français n’y sont pour rien.
Nous attendons, ce soir, l’annonce de nouvelles mesures restrictives. Elles seront le marqueur de l’échec de notre politique de santé publique. Ayons le courage de le reconnaître ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
numérique et covid-19
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Yves Roux. Le confinement et la nécessité de respecter les gestes barrières, pour vivre avec le virus, ont accéléré le développement de pratiques dématérialisées, dans tous les aspects essentiels de la vie quotidienne. Le sujet prend d’autant plus d’importance que nous attendons, ce soir, de nouvelles annonces du Président de la République.
Or, dans les faits, les ruraux sont très nombreux, et depuis longtemps, à ne pas avoir accès au plus élémentaire moyen de communication, à savoir le téléphone. Combien de personnes se retrouvent ainsi isolées, hors d’atteinte en cas d’urgence, leur ligne téléphonique définitivement en panne et sans aucun réseau mobile ?
Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il n’y a plus de commercialisation de lignes téléphoniques fixes depuis novembre 2019 et que leur entretien minimal, dont le maintien avait pourtant été promis, a également été arrêté. Nos champions technologiques internationaux et leurs sous-traitants ne font plus que rafistoler des poteaux tombés, en les attachant aux arbres avec de la rubalise, quand ils ne débranchent pas le voisin pour raccorder un autre.
Vous allez me répondre, monsieur le secrétaire d’État, que la fibre ou toute autre possibilité de raccordement numérique sont prévues dans nos territoires d’ici à 2025, ce qui devrait tout résoudre. Mes chers collègues, accepteriez-vous de passer cinq ans dans cette situation, sans téléphone fonctionnel et sans débit suffisant, alors même que sévit une pandémie qui dure ?
En cas d’isolement des personnes positives à la covid, voire d’un reconfinement rapide, comment nos jeunes pourront-ils continuer d’étudier et nos concitoyens avoir recours au télétravail ? Ou bien encore, comment pourrons-nous télécharger l’application TousAntiCovid ?
Dans cette crise majeure que nous traversons, où la communication joue un rôle si important, nous voulons tous être des artisans du plan de relance et non plus « les malgré-nous du plan du silence ». Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, comment garantirez-vous aux Français de la ruralité qu’ils disposeront très rapidement d’un droit à la communication la plus élémentaire ? La 4G+ n’est-elle pas la solution technologique la plus adaptée dans la situation actuelle ? Nous ne pouvons plus attendre, et surtout pas attendre cinq ans. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur, votre question est l’occasion de rappeler que, au-delà des débats sur l’actualité des nouvelles technologies, la réduction de la fracture numérique reste la première priorité du Gouvernement. Quelques chiffres suffisent à rappeler l’ampleur de l’effort que nous avons fourni.
En ce qui concerne la téléphonie mobile, le précédent plan pour la réduction des zones blanches a permis d’allumer six cents pylônes dans ces zones, entre 2003 et 2018 ; grâce au New Deal mobile signé par le Gouvernement, l’Arcep et les opérateurs, deux mille pylônes seront allumés dans les deux années à venir, soit dix à douze mille pylônes en huit ans. Des équipes projets sont présentes dans tous les territoires et sont chargées d’un nombre de pylônes assigné chaque mois.
Mesdames, messieurs les sénateurs, laissez-moi vous rappeler que la prochaine « levée des copies » pour l’année 2021 interviendra dans les mois qui viennent. Par conséquent, je vous invite à nous indiquer les endroits où il est nécessaire d’installer des pylônes dans les deux ans à venir.
Le déploiement de la fibre – vous avez raison, monsieur le sénateur – est trop lent. Cependant, grâce à l’action conjointe des collectivités territoriales, de l’État et des opérateurs, la France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de kilomètres de fibre déployée, soit la moitié de la couverture en Europe.
Pour autant, il faut effectivement continuer à entretenir le réseau téléphonique. Nous faisons pression sur les opérateurs pour qu’ils s’y emploient, notamment sur l’opérateur historique, comme on l’a vu récemment dans le Gard.
Nous souhaitons que la fibre se déploie encore plus rapidement, afin que le droit à la connexion devienne un service universel. Le Premier ministre a annoncé que l’objectif était fixé à l’horizon de 2025.
Quant à la 5G, la France est le seul pays à avoir réservé un quart des pylônes destinés à la recevoir pour les zones rurales.
politique du gouvernement en matière de solidarités
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, la crise sanitaire vous occupe, mais c’est au ministre des solidarités que je souhaite m’adresser.
Un million de personnes sont en train de basculer dans la pauvreté. Elles viendront s’ajouter aux plus de neuf millions de Français vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Plus de huit cent mille de nos concitoyens risquent de perdre leur emploi d’ici à la fin de l’année. Les lois anti-travail successives ont flexibilisé et précarisé les emplois, de sorte que les travailleurs les moins qualifiés sont désormais touchés, ceux qui enchaînent les CDD et les postes intérimaires, ou bien encore les jeunes.
La protection sociale joue moins qu’hier son rôle d’amortisseur social contracyclique. Elle a été affaiblie par les réformes qui ont abaissé les droits, notamment celle de l’assurance chômage, dont nous demandons solennellement l’abrogation. Il est en effet encore plus indécent qu’auparavant de prétendre « qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi. »
Des milliards d’euros sont distribués aux entreprises, sans conditionnalité sociale et écologique, mais seulement quelques millions d’euros aux ménages en situation de pauvreté, alors que des mesures fiscales ont enrichi les 0,1 % des ménages les plus riches. La crise doit inciter le Gouvernement à remettre à son agenda la résorption du mal-logement et le plan de prévention et de lutte contre la pauvreté, dont l’acte II n’est pas satisfaisant.
Pour le groupe écologiste du Sénat, les mesures sanitaires doivent impérativement être accompagnées de mesures sociales à la hauteur de l’urgence de la situation. Quelles mesures sociales d’urgence proposez-vous pour les ménages les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Poncet Monge, la crise a effectivement aggravé les inégalités sociales et elle a aussi alourdi la précarité de beaucoup de nos concitoyens. La situation est la même dans le monde entier. Cependant, je ne partage pas votre constat selon lequel la protection sociale ne jouerait plus son rôle d’amortisseur. En effet, notre pays peut se targuer d’avoir un système de sécurité sociale qui fonctionne de manière efficace. Il n’est qu’à se rappeler la crise bancaire et économique de 2008, qui a causé trois fois moins de nouveaux pauvres en France qu’en Allemagne : la protection sociale a joué son rôle, dans notre pays, même s’il a fallu augmenter les dépenses publiques.
Nous n’hésitons pas à faire de même dans la crise que nous traversons, comme le montrera l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Son montant en matière de dépenses publiques est le plus élevé de toute l’histoire, car il va jusqu’à prendre en compte la rehausse des salaires de personnes qui ne gagnent pas très bien leur vie.
Le Gouvernement a d’ores et déjà engagé non pas quelques millions, mais plus de 3 milliards d’euros en soutien aux plus précaires dans notre pays. Le Premier ministre a annoncé une aide exceptionnelle de solidarité, qui sera versée à plus de quatre millions de foyers en difficulté. Cette mesure s’ajoute à l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, ainsi qu’à une précédente aide exceptionnelle, allant jusqu’à plusieurs centaines d’euros par famille, qui avait été versée au cours des mois de mai et juin derniers pour faire face à la crise.
Le confinement a eu pour effet d’augmenter les dépenses. Il a réduit les sources d’appoint financier qu’étaient, par exemple, les « petits boulots ». La fermeture des cantines a également eu un coût.
Cependant, dans le cadre du plan de relance, que ce soit à l’échelle européenne ou française, nous avons investi massivement, et à des niveaux jamais atteints, pour faciliter l’accès des jeunes à l’emploi et à la formation professionnelle. La France a ainsi fait le choix de lutter contre la première cause de précarité, c’est-à-dire contre le chômage. En effet, comme vous le savez, l’emploi reste la voie essentielle pour sortir de la misère. Par conséquent, bien loin de nous l’idée de donner de l’argent aux entreprises ; quand nous aidons les jeunes à trouver un emploi, nous leur offrons une chance et un espoir d’éviter la pauvreté et la misère. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, je crois que le compte n’y est pas. Permettez-moi de vous faire quelques suggestions au nom du groupe écologiste.
Nous demandons l’augmentation et le versement automatique des minima sociaux pour lutter contre le non-recours ; l’extension du RSA aux jeunes entre 18 et 25 ans, car la paupérisation de la jeunesse oblitère l’avenir ; la réquisition de logements pour les sans-abri ; un appui financier et humain aux associations qui luttent contre la pauvreté. (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous souhaitons aussi le retour des contrats aidés et la mise en place immédiate d’un chèque alimentaire (Nouvelles marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.), conformément aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat que vous avez décidé d’appliquer. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
vaccin contre la grippe et vaccin contre la covid-19
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Joël Guerriau. Ma question porte à la fois sur les vaccins antigrippaux que nous avons et sur les vaccins contre la covid que nous espérons.
Chaque année, la grippe saisonnière touche des millions de Français et entraîne des milliers d’admissions aux urgences. Le vaccin contre la grippe sauve des vies et limite les complications. Les mesures appliquées contre la covid-19 devraient ralentir la propagation de l’épidémie grippale. De façon plus certaine, il s’agit de limiter l’engorgement des hôpitaux et les erreurs de diagnostic liées à des symptômes similaires entre les deux virus. De plus, les risques de double infection semblent réels.
Dans ce contexte, les Français sont très largement invités à se vacciner contre la grippe. Il en résulte une demande globale en forte augmentation. Cette année, plus de quinze millions de personnes sont destinataires de prescriptions de vaccin.
Les commandes du ministère auraient été passées, en mars dernier, sur la base des chiffres de l’année précédente, augmentés de 30 %. Malgré cet effort, au-delà de la campagne de vaccination qui cible les personnes les plus vulnérables, allons-nous réellement pouvoir couvrir l’ensemble des demandes cette année ?
Enfin, à la lumière de cette expérience, comment anticiperez-vous le bon approvisionnement en France des vaccins contre la covid-19 lorsqu’ils seront disponibles sur le marché mondial ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Guerriau, le Gouvernement ne passe pas commande de vaccins antigrippaux ; il revient aux pharmacies d’officine de s’équiper.
Cette année, les pharmaciens sont autorisés à vacciner contre la grippe de manière plus importante que les années précédentes. Les commandes n’ont pas été passées en mars, mais au mois de décembre dernier, avant même l’épidémie. Une chance dans notre malheur, si je puis dire : les pharmaciens ont commandé un peu plus de doses que les années précédentes, car ils estimaient avoir à vacciner en plus large proportion qu’auparavant.
Par ailleurs, au printemps dernier, lorsque l’épidémie a commencé, nous avons fait le choix inédit de nous doter d’un stock d’État complémentaire de vaccins, à mettre à la disposition des officines et des hôpitaux, si jamais la situation l’exigeait.
Or, en cinq jours, l’équivalent d’un mois de doses de vaccin antigrippal a déjà été consommé, car il y a eu une véritable ruée sur les pharmacies. Parmi les acheteurs, on compte 82 % de personnes âgées de 65 ans et plus, et donc parfaitement dans la cible. Dans les 18 % qui restent, les soignants et les prestataires d’aide à domicile sont également dans la cible, tout comme les porteurs de comorbidités et de pathologies qui rendent la vaccination antigrippale nécessaire.
Un certain nombre de pharmaciens font face à des ruptures de stock, pour la plupart temporaires. Cette semaine, 1,3 million de doses supplémentaires ont été livrées pour réapprovisionner les pharmacies, qui devraient aussi recevoir bientôt leur commande habituelle, soit 3 millions de doses supplémentaires. Enfin, l’État se pourvoira en vaccins tout au long du mois de novembre et jusqu’au début du mois de décembre prochain pour pallier d’éventuels manques.
Monsieur le sénateur, il n’y a pas d’urgence (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.), puisque la grippe ne démarre pas avant Noël et que son arrivée a même été retardée dans l’hémisphère Sud. En outre, une vaccination doit être faite au bon moment.
Ma crainte n’est pas que nous manquions de vaccins, mais que ceux qui sont vulnérables ne soient pas assez nombreux à aller se faire vacciner. L’année dernière, parmi les personnes du public cible, 48 % se sont fait vacciner. Or l’OMS recommande un taux de 75 %. Je souhaite ardemment que les publics vulnérables, les fragiles, les médecins, les soignants, les acteurs d’aide à domicile se fassent vacciner. Il y va de la protection des Français. Quant à l’accès aux vaccins, vous pouvez compter sur le réseau des pharmaciens pour l’assurer. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. La difficulté reste d’y voir clair dans les chiffres. J’ai cherché longtemps, mais je n’ai trouvé aucun résultat certain. Il semblerait que treize millions de vaccins aient été commandés, ou peut-être tout au plus dix-sept millions, si l’on considère un taux d’augmentation de 30 %. La population française des plus de 65 ans représente treize millions d’individus. Entre 60 et 65 ans, il faut en ajouter quatre millions, soit 17 millions de personnes de plus de 60 ans, ce qui laisse à craindre un manque de vaccins, ou du moins une forte tension, comme celle que connaissent déjà les pharmacies, dans l’incapacité de répondre aux besoins des personnes qui se présentent.
Ma question portait également sur les leçons à tirer de cette expérience pour un vaccin à venir contre la covid-19. Il me paraît important de pouvoir anticiper une situation qui ne manquera pas d’être compliquée.
gestion de la crise sanitaire
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s’adresse à M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
La situation épidémique de notre pays est inquiétante. L’augmentation de la circulation du virus est désormais exponentielle. Nous sommes dans la deuxième vague, et nous nous apprêtons à vivre, malheureusement, le remake de la précédente.
La première vague a été celle de l’improvisation : ni masque, ni gel hydroalcoolique, ni blouses ; pénurie de médicaments, injonctions à répétition du Gouvernement, dans un sens puis dans l’autre ; d’inutile, le port du masque est devenu obligatoire sous peine de sanctions ; les faux pas et le pilotage à vue des pouvoirs publics se sont succédé. Aux discours contradictoires de l’exécutif, se sont malheureusement ajoutés ceux, tout aussi contradictoires, des scientifiques, éblouis pour certains par les feux de la rampe.
La seconde vague est celle de l’impréparation. Elle avait pourtant été annoncée, dès le mois de juillet, par le Conseil scientifique. Le professeur Jean-François Delfraissy avait plusieurs fois lancé des mises en garde. Il dit lui-même ne pas avoir été écouté.
Par ailleurs, nous apprenons par la presse que le général Lizurey, missionné par le Premier ministre en avril dernier, a proposé vingt et une solutions pour mieux gérer la crise sanitaire. Le minimum aurait été d’en informer le Parlement ou, au moins, la commission d’enquête, ce qui n’a pas été le cas.
Le répit laissé par le virus, cet été, aurait dû être mis à profit pour mieux nous préparer. Il n’en a rien été. On a laissé les Français se faire tester en masse, pour faire du chiffre, sans stratégie, ce qui a embolisé le système avec des résultats qui mettaient parfois plus d’une semaine à arriver. Si l’on a beaucoup parlé des brigades sanitaires, peu les ont vues.
Pourquoi ne pas avoir mis à profit ce mois d’été pour préparer l’ouverture de lits de réanimation supplémentaires ? Vous en avez annoncé 12 000 le 27 août dernier ; il n’y en a que 5 700, dont 5 000 sont opérationnels.
Pourquoi ne pas avoir, cet été, formé…
M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Alain Milon. … des étudiants, des aides-soignants, des infirmiers, des internes pour venir en renfort dans les services de réanimation en tant que de besoin ?
Ma question, monsieur le ministre, est simple : espérez-vous sortir un jour la France de cette crise ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président Milon, pour ce qui concerne, d’abord, l’état de préparation, cet été, plusieurs milliers de soignants ont été formés, non pas par le Gouvernement ni par vous, d’ailleurs (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais par les hôpitaux, les facultés, les régions, dont l’action a été déterminante, augmentant les capacités de formation exprès de plusieurs milliers de soignants pour qu’ils puissent participer aux soins dans les services de réanimation.
Cet été, 15 % de lits de réanimation supplémentaires ont été ouverts de façon pérenne dans notre pays. Vous pouvez considérer que c’est peu, mais, pour les hôpitaux qui ont fait cet effort en trois mois, je peux vous garantir que c’est beaucoup !
Monsieur le sénateur Milon, vos chiffres datent : c’était avant-hier qu’il y avait 5 700 lits. Hier, il y en avait 6 400 lits, et, bientôt, leur nombre va monter à 7 500. Pourquoi cette montée progressive ? Bien évidemment, si nous déprogrammions tous les soins d’un coup, le nombre de lits passerait tout de suite à 10 000 ou 11 000, mais, d’une part, ces lits ne seraient pas utilisés aujourd’hui par des malades de la covid, et, d’autre part, des soins utiles pour les Français seraient retardés. Et vous me demanderiez alors, à raison, pourquoi l’on ne soigne pas les Français alors que des lits sont inoccupés !
Monsieur le sénateur, croyez-moi, nous ne testons pas à vide : 1,9 million de tests sont réalisés chaque semaine dans notre pays, avec un taux de positivité de plus de 17 %. Au reste, je me souviens que l’on m’a demandé ici, lors de précédents débats, pourquoi on ne testait pas la population asymptomatique tous azimuts.
Par ailleurs, 100 000 appels sont passés chaque jour par les agences régionales de santé (ARS) et l’assurance maladie auprès des personnes mises à l’abri en raison de la covid.
Quant à savoir qui avait raison et qui avait tort sur la deuxième vague, je rappelle que, lors de l’une de mes dernières interventions dans cet hémicycle, voilà quelques jours – je laisse les Français qui regardent Public Sénat le vérifier ; M. le rapporteur Bas s’en souvient, parce qu’il était d’accord avec moi –, j’ai demandé aux sénateurs de droite et de gauche de ne pas voter, en responsabilité, un amendement, soutenu par tous les groupes, visant à empêcher le Gouvernement de fermer des établissements recevant du public. L’adoption de cet amendement aurait, de fait, autorisé la réouverture des discothèques à Marseille, des restaurants à Lyon ou encore des bars à Saint-Étienne, à telle enseigne qu’une seconde délibération a été demandée dans l’urgence par les sénateurs, voyant l’erreur qui avait été commise. (Marques d’approbation sur les travées du groupe RDPI.)
Plusieurs sénateurs du groupe SER. C’est faux !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Menteur !
M. Olivier Véran, ministre. Alors, s’il vous plaît, pas de leçons ! (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)
attitude de certains médias moyen-orientaux et contre-mesures à prendre
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, je veux d’abord vous féliciter, vous et l’ensemble du Gouvernement, des mesures de dissolution, prises il y a quelques jours, du collectif Cheikh Yassine et, ce matin, de BarakaCity. Nous les attendions depuis longtemps. C’est désormais chose faite.
Mais, depuis quelques jours, des attaques d’une violence inacceptable contre le Président de la République et contre la France se propagent via des médias des pays arabes et des médias turcs, qui sont autant de vecteurs de haine, pouvant inciter à la violence physique. Tour Eiffel ensanglantée, discours haineux ou gravement antisémites, appels à la violence… La chaîne qatarienne Al-Jazeera en arabe multiplie les attaques, comme la chaîne turque TRT.
On sait que le Qatar et la Turquie soutiennent la mouvance des Frères musulmans, dont j’ai demandé à de multiples reprises l’interdiction en France. Leur leader Youssef Al-Qaradawi, interdit de séjour dans de nombreux pays européens, multiplie les appels à la haine. L’un des derniers en date était un hommage appuyé au travail d’Hitler, dans lequel il précisait que, même en chaise roulante, il irait abattre des juifs !
Nous avons, monsieur le ministre, les outils juridiques : le 4 de l’article 2 de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels, qui a été retranscrite dans la loi du 30 septembre 1986. Les services télévisuels sont soumis au contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), particulièrement vigilant pour réprimer l’incitation à la haine, à la violence ou d’autres manquements. Il y a dix ans, le CSA avait interdit la chaîne du Hamas, Al-Aqsa, et même la chaîne Al-Manar. Or la situation, en 2010, était bien moins grave que celle que nous connaissons aujourd’hui.
Dès lors, ma question est simple, monsieur le ministre : allez-vous engager des procédures pour interdire la chaîne Al-Jazeera et la chaîne TRT des réseaux français ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous remercier des propos d’encouragement que vous avez adressés au Gouvernement de la République pour les décisions difficiles qu’il a à prendre.
Le collectif Cheikh Yassine, créé en 2004, a effectivement été dissous la semaine dernière en Conseil des ministres. L’association BarakaCity, créée en 2010, l’a été ce matin à la demande du Président de la République. D’autres suivront, à la demande de celui-ci. Nous pensons au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), dont la dissolution sera proposée au Premier ministre dans les semaines qui viennent.
Vous évoquez la question des réactions internationales. Le discours dans lequel le Président de la République a déclaré vouloir couper les influences étrangères des affaires intérieures françaises était juste : en France, nous considérons que les Français de confession musulmane ne relèvent d’aucune puissance étrangère. Nous considérons qu’il s’agit d’affaires françaises, dans le respect de la souveraineté française. Nous dénions à tout dirigeant, aussi grand son pays soit-il – la Turquie, par exemple –, la possibilité de se mêler des affaires françaises.
Troisièmement, vous avez évoqué la question des chaînes télévisées. Je veux apporter deux réponses, sous l’autorité du Premier ministre.
Le CSA est une autorité administrative indépendante qui peut prendre des dispositions. Je sais que le Premier ministre, à la demande du Président de la République, avec la ministre chargée de la culture et de la communication, aura l’occasion d’évoquer ce point avec le président du CSA, pour qu’une éventuelle mesure soit prise. L’autorité administrative indépendante y répondra.
Surtout, nous menons actuellement une négociation très importante : celle de la directive que met en place la Commission européenne. La semaine dernière, le Premier ministre et Clément Beaune ont discuté avec la présidente de la commission et le commissaire Thierry Breton pour que la directive Digital Services Act, dite « DSA », qui permet de lutter contre la haine en ligne et contre un certain nombre de vecteurs de communication, pour les encadrer, voire les interdire, soit transposée dans la loi française via le projet de loi dit « séparatisme », que j’aurai l’honneur de défendre devant le Parlement. Je suis sûr que, à ce moment, vous aiderez la France à avoir les moyens de lutter contre ses ennemis de l’extérieur ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je suis un peu déçue. Je ne suis pas d’accord pour que l’on attende le projet de loi « séparatisme » !
Nous subissons des attaques tous les jours. Celles, insupportables, qui ont été lancées contre le Président de la République française ne doivent pas continuer.
La directive donne au CSA les moyens de prendre des mesures de suspension provisoire. Il est extrêmement important que l’on n’attende pas une directive européenne et un texte de loi pour prendre des décisions.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Nathalie Goulet. Vous savez très bien que ces vecteurs de haine peuvent entraîner de la violence physique sur nos concitoyens. Samuel Paty l’a payé. Il faut agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
réforme de l’assurance chômage
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Madame la ministre, le Premier ministre a reçu, lundi, avec la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, les cinq centrales syndicales.
Celles-ci vous ont adressé une demande claire, unanime : le retrait définitif de votre réforme de l’assurance chômage. Cette réforme n’a qu’un but : économiser sur l’indemnisation du chômage. C’était déjà terriblement injuste, mais, devant le drame économique qui se joue, c’est indigne, c’est inhumain et c’est contraire à l’avenir des forces du travail, qu’il faut préserver.
C’est tellement vrai que vous n’osez pas appliquer cette réforme. Vous l’avez reportée de trois mois une première fois, puis maintenant une seconde fois. Mais vous persistez à vouloir l’appliquer plus tard. Pourquoi cet entêtement ? Des centaines de milliers d’emplois vont être détruits, menacés, fragilisés par la crise. On annonce près de 1,2 million de chômeurs supplémentaires l’année prochaine. Appliquer cette réforme aujourd’hui serait un scandale, parce que c’est l’inverse de ce qu’il faut : plus de protection sociale, et non pas moins !
Le plan de relance donne beaucoup d’argent aux entreprises, mais le Medef continue de demander des économies sur le chômage. C’est inacceptable.
Ma question est simple, madame la ministre : pourquoi refusez-vous d’entendre l’évidence ? Qu’attendez-vous pour abandonner cette réforme ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, la réforme de l’assurance chômage a, en effet, été abordée lundi, lors de la conférence du dialogue social organisée par le Premier ministre avec les partenaires sociaux.
Compte tenu de la situation sanitaire, il existe aujourd’hui un consensus pour reporter l’application de cette réforme.
Plusieurs sénateurs socialistes. Il faut l’annuler !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement fait pleinement confiance au dialogue social et aux partenaires sociaux pour trouver de nouveaux équilibres. Il est prêt à adapter des paramètres à la nouvelle situation de l’emploi.
Pour autant, permettez-moi de vous le dire : cette réforme est une bonne réforme. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Elle repose sur deux piliers. Il s’agit, d’une part, d’encourager les entreprises à améliorer la qualité des emplois, et, d’autre part, de s’assurer que ceux qui reprennent une activité sont mieux rémunérés que les demandeurs d’emploi.
Ces principes restent pertinents aujourd’hui, mais il faut évidemment tenir compte du nouveau contexte. C’est pourquoi nous avons annoncé un report de la réforme de trois mois supplémentaires.
L’objectif de ce report est de prendre le temps de discuter des paramètres avec les partenaires sociaux,…
Mme Cécile Cukierman. Les Français veulent de l’emploi !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. … car le Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, est attentif aux difficultés que peuvent rencontrer certains demandeurs d’emploi, notamment les plus précaires.
Mme Éliane Assassi. Retirez la réforme, alors !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Je tiens d’ailleurs à rappeler que nous agissons depuis le début de la crise pour protéger tous les salariés et toutes les compétences. Nous avons mis en place en avril dernier un dispositif d’activité partielle d’une ampleur inédite, lequel a permis de préserver l’emploi de près de 9 millions de Françaises et de Français.
M. Pascal Savoldelli. Vous y croyez ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, la situation exige, dans le moment singulier que nous traversons, que nous sachions nous rassembler. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Facile…
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.
M. Pierre Laurent. Madame la ministre, votre réponse n’est pas sérieuse. Si la réforme est bonne, il faut l’appliquer ; si elle est mauvaise, il faut la retirer ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Je veux citer les chiffres qui ont été communiqués lors de la réunion. Selon les projections officielles qui ont été réalisées, si la réforme est appliquée au 1er janvier 2021, elle impacterait à la baisse les indemnités de 1,2 million de chômeurs. Elle permettrait d’économiser 1,5 milliard d’euros en 2021 et 2,6 milliards d’euros en 2022. On donne 100 milliards d’euros au plan de relance et on n’a qu’une obsession : économiser 2,5 milliards en 2022 sur le dos des chômeurs !
Ajouter de l’injustice à l’injustice est toujours une faute, mais, dans la situation actuelle,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Pierre Laurent. … c’est une faute politique impardonnable. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
rôle de la turquie dans les relations internationales
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Depuis des mois, la Turquie de M. Erdogan multiplie les provocations à l’égard de ses alliés occidentaux : chantage aux flux migratoires, achat d’armes russes pour fragiliser l’OTAN, forages gaziers illégaux dans les eaux grecques et chypriotes, offensives contre nos alliés kurdes en Syrie, ingérence en Libye.
Pis encore, de manière irresponsable, au lieu d’agir en faveur de la paix, la Turquie attise le terrible conflit du Haut-Karabakh en envoyant des avions, des drones suicides et des mercenaires pour soutenir l’offensive de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.
Cela n’est pas encore suffisant. Alors que la France vient de traverser un drame épouvantable, le président turc offense, par ses propos, le Président de la République, insultant par là même notre pays, tout entier. Le comble de l’inacceptable est cet amalgame inadmissible avec la situation des juifs dans les années trente, qui donne la nausée.
Monsieur le ministre, va-t-on une fois de plus et sans réagir supporter longtemps d’être le bouc émissaire de la crise économique et politique qui secoue la Turquie ?
Si la Turquie nous trouve aussi infréquentables, va-t-on, par exemple, continuer à lui prêter chaque année 300 millions d’euros – 3 milliards lui ont été avancés depuis dix ans –, montant que l’Agence française de développement (AFD) s’apprête, cette année, à porter à 400 millions d’euros ? Connaissez-vous, monsieur le ministre, un banquier qui prête de l’argent pour se faire copieusement insulter ?
La France, nous dit-on, a, comme ses voisins, des intérêts économiques en Turquie. Je ne les méconnais pas, mais l’appel au boycott des produits français est déjà une réponse qui devrait nous inciter à beaucoup plus de lucidité sur l’avenir de nos entreprises dans ce pays.
Ma question est bien simple : quelles mesures allez-vous prendre, au niveau national comme au Conseil européen de décembre prochain, où le soutien de nos amis est un peu mou,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Christian Cambon. … pour sanctionner ce dirigeant nationaliste qui veut jouer à l’empereur ottoman, alors qu’il fait offense à son peuple et à l’histoire même de la Turquie ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDPI, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président Cambon, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui est retenu par un deuil familial.
Je rejoins en tout point ce que vous vous dites sur la Turquie et vous remercie de l’unité que vous permettez par votre soutien. Le dernier épisode du président Erdogan, qui repousse chaque jour les frontières de l’inacceptable – cette fois, en insultant le Président de la République – est révélateur, non pas d’un moment de tension passager, mais de la stratégie d’ensemble de la Turquie, qui, comme vous l’avez décrit, consiste à multiplier les provocations tous azimuts. L’objectif est toujours le même : exercer une pression maximale sur ses voisins et singulièrement, bien sûr, sur l’Union européenne.
Nous avons trop longtemps été naïfs. Puisque vous rappelez les propos qui ont été tenus à l’égard du Président de la République, je crois que c’est l’honneur de la France et du chef de l’État que d’avoir, en particulier tout au long des derniers mois, essayé de dessiller les yeux de l’Union européenne sur ce qu’est la réalité du régime turc actuel et de sa politique étrangère. De fait, du Haut-Karabakh à la Libye, en passant par la Méditerranée orientale et les insultes dont vous avez fait état, c’est la même stratégie qui est à l’œuvre.
Je crois que nous avons été le fer de lance de cette prise de conscience européenne, qui, vous avez raison, n’est pas encore suffisante. Cependant, les mots de solidarité qui ont été exprimés sans ambiguïté ces derniers jours par l’ensemble des dirigeants européens sont aussi un fait nouveau, qui marque l’évolution du consensus vers la position de fermeté qu’a défendue la France.
Nous irons plus loin. Nous continuerons cette stratégie de réactions françaises et européennes. Cela peut passer par de nouvelles sanctions. Je rappelle que la France en avait déjà pris l’initiative l’an dernier, après les forages dans les eaux chypriotes. Nous avons un rendez-vous au Conseil européen de décembre : nous pousserons évidemment en faveur de mesures européennes fortes, dont la possibilité de sanctions.
Il faut être précis : cela ne doit pas être le résumé de notre politique étrangère, y compris à l’égard de la Turquie. Le Président de la République n’a pas hésité non plus à réagir par une présence militaire renforcée, par exemple en Méditerranée orientale, cet été.
Sur la question des financements français et européens, l’Agence française de développement est active depuis 2004 en Turquie. Elle est en train de revoir sa politique d’intervention en Turquie, comme elle doit d’évidence le faire.
Je tiens à signaler, pour lever toute ambiguïté, que, d’ores et déjà, aucune subvention n’est versée à la Turquie. Il existe un certain nombre de prêts, qui ne transitent pas par l’État turc…
M. le président. Il faut conclure.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. … et qui soutiennent un certain nombre d’actions de la société civile. Nous reverrons aussi cette politique française et européenne de prêts à la Turquie, parmi d’autres instruments de réponse, dans les prochains mois.
En tout état de cause, je vous remercie de votre soutien, monsieur le président Cambon. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
impact de la crise sur l’emploi et l’insertion
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Nous le savons depuis plusieurs mois, la crise sanitaire qui s’est abattue sur notre pays est aussi une crise économique et sociale. La deuxième vague et les mesures qui vont être prises dans les prochaines heures vont encore prolonger les terribles effets de ces restrictions pour beaucoup de Français.
Ainsi, 1 million de Français sous le seuil de pauvreté ont rejoint les plus de 9 millions qui y étaient déjà, chiffre en augmentation depuis 2018. Face à cette situation dramatique, il aurait fallu réagir plus en amont, plus rapidement et plus efficacement.
Vos annonces de samedi dernier ne répondent pas à ces trois impératifs. Vous pratiquez un saupoudrage qui ne prend pas en compte l’ampleur de ce qui est déjà là et encore moins de ce qui attend notre pays. Votre plan est centré sur l’insertion par l’activité : cela est certes nécessaire, mais insuffisant, en particulier compte tenu des perspectives de créations d’emplois qui sont celles d’aujourd’hui.
Les jeunes les plus précaires, les nouveaux précaires sont sortis de vos radars. À ceux-là, vous proposez des aides exceptionnelles et ponctuelles, quand la deuxième vague nous confirme qu’un grand nombre de Français risquent de s’installer dans une précarité sur un temps long. Il faut donc ouvrir le revenu minimum aux jeunes pour les empêcher de sombrer, revenir sur votre réforme des aides personnalisées au logement, revaloriser les minima sociaux, augmenter la part du plan de relance pour soutenir les plus précaires, notamment en ce qui concerne l’aide alimentaire.
Les associations caritatives nous ont dit que cette demande explosait depuis six mois. Elle a parfois été multipliée par deux, voire par trois. Ne nous répondez pas qu’il ne faut pas laisser les populations stagner dans les minima sociaux : la question n’est plus là. La seule qui doit se poser est la suivante : allez-vous enfin adapter votre politique de lutte contre la pauvreté à la situation actuelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les conséquences de la crise sur l’emploi et l’insertion.
Vous l’avez rappelé, le Premier ministre a annoncé samedi plusieurs mesures pour lutter contre la pauvreté et la précarité. Ces mesures s’ajoutent à celles qui avaient déjà été prises précédemment.
Nous nous battons et nous nous battrons pour ne laisser personne sur le bord de la route. C’est pourquoi nous augmentons de nouveau le nombre de places en insertion par l’activité économique (IAE) : aux 100 000 places prévues s’ajouteront 30 000 places supplémentaires, comme l’a annoncé le Premier ministre. Le budget pour 2021 prévoyait déjà 1,2 milliard d’euros pour l’IAE, soit 204 millions de plus qu’en 2020.
Samedi, le Premier ministre a annoncé 150 millions d’euros supplémentaires pour l’IAE. C’est inédit et essentiel. L’insertion par l’activité économique sera l’une des clés pour lutter contre le chômage, donc pour lutter contre la précarité.
Madame la sénatrice, nous entendons l’urgence sociale et économique. C’est pourquoi nous avons reporté la réforme de l’assurance chômage de trois mois. Je répète que cette réforme est une bonne réforme, mais elle doit être adaptée à la situation. Le Gouvernement s’est donc donné trois mois supplémentaires pour dialoguer avec les partenaires sociaux. Certains paramètres vont être adaptés.
Plus précisément, le contexte sanitaire et économique a mis en lumière les difficultés pour les personnes en contrat court. Un nombre important de salariés précaires qui parvenaient, avant la crise, à enchaîner suffisamment de contrats courts pour maintenir un certain niveau de revenus ne le peuvent plus. Il s’agit des saisonniers, des extras de l’hôtellerie et de la restauration ou de l’événementiel, mais pas seulement. Nous sommes très attentifs à leur situation et cherchons actuellement des solutions.
Madame la sénatrice, vous le comprenez, nous ne laisserons personne sur le bord du chemin.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, votre réponse est pour le moins très évasive ! Elle montre que vous n’êtes pas très sensible à l’urgence sociale qui se fait jour aujourd’hui.
J’aurais aimé une réponse à la fois précise et concrète pour tous les gens qui viennent frapper à la porte de nos centres communaux d’action sociale ou des associations, voire qui n’osent même plus y entrer, parce qu’ils sont dans des états de détresse absolue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
politique migratoire du gouvernement
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Le 18 octobre dernier, le conseil de défense a annoncé que 231 personnes étrangères en situation irrégulière et soupçonnées de radicalisation seraient reconduites dans leur pays d’origine.
Au-delà de leur cas particulier se pose la question de l’efficacité de notre système en matière de retour dans les pays d’origine des personnes étrangères en situation irrégulière sur notre territoire.
En 2019, plus de 122 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été prononcées, mais moins de 15 000 ont été exécutées. En 2018, le Sénat a voté, dans cet hémicycle, une disposition assez simple pour obtenir des laissez-passer consulaires des pays sources, consistant à conditionner l’obtention de visas au fait que les pays acceptent de recevoir sur leur territoire leurs ressortissants étrangers dès lors qu’ils sont en situation irrégulière en France.
M. Stéphane Piednoir. Absolument !
M. François-Noël Buffet. Compte tenu des circonstances, mais aussi au-delà, pourriez-vous, monsieur le ministre, reprendre à votre compte cette proposition du Sénat, qui, malheureusement, avait fait l’objet, à l’époque, d’un refus du Gouvernement et d’un désaccord de l’Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. David Assouline. La droite reste la droite…
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les étrangers en situation irrégulière qui, après décision de justice et épuisement des voies de recours, ce qui est normal dans un État de droit, sont définitivement soumis à une obligation de quitter le territoire français doivent retourner dans leur pays. C’est une évidence. Nous devons appliquer le droit.
Indépendamment de la situation liée à la covid, qui entraîne un certain nombre de difficultés pour l’administration, notamment en raison de la fermeture, pendant plusieurs mois, de l’espace aérien, se pose la question des laissez-passer consulaires et de la reconnaissance que les étrangers présents sur le territoire national viennent bien des pays concernés. Je suis prêt à étudier toutes les dispositions conformes au droit qui permettent le retour dans de bonnes conditions de ces étrangers en situation irrégulière.
Cependant, je n’aimerais pas que vous cherchiez à démontrer que ce gouvernement serait laxiste et que vous auriez été courageux quand vous étiez en responsabilité, puisque, en moyenne, entre 2007 et 2012, il y a eu 12 000 reconduites à la frontière par an, quand ce chiffre atteint 18 000 aujourd’hui, y compris avec la crise de la covid.
Je ne voudrais pas non plus que l’on fasse un lien entre étrangers et personnes radicalisées. Ce qu’il faut, monsieur le président, c’est être fermes sur nos principes, sur la liberté d’expression. J’ai entendu, ce matin sur RTL, le président de votre groupe, M. Retailleau, qui donne des leçons de fermeté à tout bout de champ (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), dire « oui à la caricature, mais avec une forme respect ». Non, monsieur le président Retailleau, la liberté d’expression est totale, même quand elle gêne ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bruno Retailleau. C’est ce que j’ai dit !
M. Gérald Darmanin, ministre. Elle concerne toutes les religions. M. Ciotti et M. Abad vous ont d’ailleurs corrigé. Oui, je crois que vous devriez retirer vos propos, monsieur Retailleau. Ils ne sont pas de nature à encourager le Président de la République et le Gouvernement à être fermes comme ils le sont depuis ce matin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le ministre, je n’ignore pas que des difficultés particulières peuvent se poser en 2020, compte tenu de la situation sanitaire. Je ne le conteste pas. D’ailleurs, les chiffres que j’ai cités datent de 2019.
Au-delà de ce contexte, je trouve qu’il serait utile, une fois les voies de droit épuisées et la situation irrégulière de l’étranger devenue définitive, que l’on puisse travailler sur ce sujet, car, si nous n’obtenons pas de laissez-passer consulaires dans de bonnes conditions de la part des pays sources, nous n’y arriverons malheureusement jamais.
Conditionner les visas à l’obtention de ce laissez-passer peut-être un moyen de discuter. Le Sénat s’était engagé dans cette voie. Je souhaite que nous puissions avancer sur celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
compatibilité des positions du président turc et de la turquie avec son statut d’allié dans l’otan
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Folliot. Madame la ministre de la défense, depuis quelques mois, la multiplication de comportements inamicaux, voire agressifs de la Turquie envers ses alliés de l’OTAN en général et de la France en particulier pose un grave problème.
L’incident avec la frégate Courbet, au mépris des règles de l’Alliance, les explorations sauvages en Méditerranée orientale, au mépris du droit de la mer, la livraison d’armes à la Libye, au mépris de l’embargo décidé par l’ONU, l’intervention au Haut-Karabakh, au mépris des équilibres régionaux, et, pour finir, les insultes contre le président Macron, au mépris des usages diplomatiques les plus élémentaires : tout cela fait beaucoup, tout cela est trop !
Le peuple turc ne saurait être assimilé aux outrances d’un président confronté à une contestation populaire majeure, les lourdes défaites électorales récentes agitant, avec l’énergie du désespoir, un islamisme conservateur et agressif.
Un des symboles en est le sabordage de l’héritage du moderniste et visionnaire Mustafa Kemal, dit « Atatürk », notamment au travers de la transformation de Sainte-Sophie de musée en mosquée.
Nous avons régulièrement abordé ces questions et ces différends au sein de l’assemblée parlementaire de l’OTAN, en relevant notamment que le président turc ne se comportait pas comme un allié respectueux de nombre de principes démocratiques et ignorait les articles fondateurs 4 et 5 du traité de l’Alliance.
Quelle réponse apportez-vous au décalage entre les actes du président populiste Erdogan et les obligations qui lui incombent en tant qu’allié de la France au sein de l’OTAN ? Madame la ministre, selon vous, la Turquie peut-elle et doit-elle rester dans l’OTAN ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, la Turquie a adhéré à l’OTAN en 1952 et a apporté, pendant de nombreuses années, sa contribution à la sécurité euro-atlantique.
Nous avons pu avoir des différends avec d’autres alliés par le passé, mais aucun n’a jamais porté atteinte à la cohésion de l’Alliance. Et le fait même que la Grèce et la Turquie appartiennent à la même alliance a pu contribuer à apaiser certaines tensions entre ces deux pays.
Mais, depuis quelques mois, nous assistons à une situation tout à fait inédite où la Turquie pratique la politique du fait accompli et adopte une attitude décomplexée au mépris, comme vous l’avez souligné, de bon nombre des intérêts de sécurité de ses alliés et au risque de l’escalade.
Je ne reprendrai pas tous les exemples que vous avez cités, mais je pense notamment à la situation en Méditerranée orientale ou à l’envoi de mercenaires dans le Haut-Karabakh.
Par ailleurs, cette attitude se double des outrances verbales parfaitement inadmissibles des dirigeants turcs qui ont conduit le ministre de l’Europe et des affaires étrangères à rappeler l’ambassadeur de France en Turquie pour consultation.
Le constat que je dresse est celui d’un allié qui ne se comporte pas en allié. Face à cette situation, il n’est qu’une seule attitude possible : rappeler à la Turquie les obligations qui s’imposent à elle en tant qu’alliée.
C’est ce que j’ai fait en juin dernier, lors des incidents avec notre frégate Courbet. C’est ce que j’ai refait la semaine dernière, devant mes collègues de l’OTAN, lors d’une réunion des ministres de la défense, en rappelant que la France serait intraitable face à toute violation du droit international ou à toute remise en cause de la solidarité européenne.
Comme l’a souligné M. Clément Beaune, bon nombre de pays – européens ou non, comme les États-Unis, par exemple – ont condamné publiquement les agissements de la Turquie. Mais au-delà de ces dénonciations, il faut agir. C’est ce que nous faisons, notamment dans le cadre de l’opération Irini, où nous adoptons une posture à la fois de vigilance et de fermeté. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
accompagnement des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
La fermeture partielle ou totale des cafés, des débits de boissons, des restaurants ou encore des hôtels, en raison du manque de clients, est une mesure qui concerne de plus en plus de territoires.
L’explosion du nombre de contaminations de ces derniers jours nous permet de douter de l’efficacité de ces mesures. En dépit des protocoles sanitaires, la question du reconfinement refait surface.
Lors de la première vague, le Gouvernement s’est montré assez réactif sur la prise de mesures compensatoires à l’arrêt d’activité des établissements recevant du public, tels les hôtels ou encore les bars et restaurants.
Toutefois, le défi est aujourd’hui tout autre : alors que nous entrons dans une seconde vague, sans doute plus violente et plus longue, les professionnels du tourisme ne peuvent se satisfaire de mesures compensatoires et doivent se voir proposer un véritable horizon.
Le Gouvernement a présenté un plan France Relance qui prétend « faire la France de demain ». Or, faire la France de demain, c’est s’appuyer sur ses forces, et notamment sur ses territoires. Le tourisme est une de ces forces : les professionnels de ce secteur offrent des emplois durables, non délocalisables. Ce sont également des savoir-faire que le monde entier nous envie.
Il faut penser à demain. Un jour nous vaincrons ce virus ; en attendant, nous devons préserver la filière du tourisme et de l’hôtellerie-restauration.
Aussi, et avant les nouvelles annonces de ce soir, pourriez-vous nous préciser ce que le Gouvernement prévoit pour permettre à ces métiers, qui mettent en valeur nos territoires, de s’adapter concrètement aux mesures imposées par la situation sanitaire ?
Comme vous le savez, dès avant la crise sanitaire, la filière hôtellerie-restauration peinait à recruter. Pourquoi ne pas faire de cette période troublée une opportunité pour favoriser la formation de nos jeunes à ces nombreux métiers, par des dispositifs innovants de formation à distance ou en présentiel, dans les établissements hôteliers et de restauration désormais fermés au public ?
Monsieur le ministre, nous nous devons d’anticiper l’avenir pour préserver cette filière particulièrement touchée par la crise sanitaire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Bruno Le Maire, retenu par les dernières consultations préalables aux annonces que fera le Président de la République ce soir et qui concerneront précisément les secteurs que vous évoquez.
Lundi dernier, à l’Assemblée nationale, Bruno Le Maire a eu l’occasion de rappeler quel était notre objectif : conjuguer la lutte contre l’épidémie avec le maintien de l’activité et assurer la protection économique dans une situation sanitaire extrêmement inquiétante, comme l’ont encore souligné à l’instant M. le Premier ministre et Olivier Véran.
Notre première responsabilité est de freiner le plus efficacement possible la propagation du virus, tout en permettant à notre économie de produire. C’est la raison pour laquelle l’ensemble du ministère de l’économie, des finances et de la relance est mobilisé pour soutenir les secteurs les plus fragilisés, notamment celui des cafés, hôtels et restaurants (CHR) et ceux qui en dépendent.
Mme Éliane Assassi. C’est un peu tard !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Permettez-moi de rappeler ce qui a déjà été fait. Le fonds de solidarité a été simplifié, renforcé et élargi pour bénéficier à toutes les entreprises sans exception. Toutes les entreprises de moins de cinquante salariés installées dans les zones de couvre-feu et subissant une perte de 50 % de leur chiffre d’affaires peuvent profiter d’une aide mensuelle allant jusqu’à 1 500 euros. Par ailleurs, les entreprises de moins cinquante salariés de ce secteur des CHR peuvent désormais bénéficier de l’aide de 10 000 euros si elles ont perdu 50 % de chiffre d’affaires, sans condition de plafonnement de ce même chiffre d’affaires.
Je rappelle aussi que les exonérations de charges ont été massivement renforcées et que l’indemnisation à 100 % du chômage partiel pour ce secteur a été prolongée jusqu’à la fin de l’année.
Je veux vous assurer, madame la sénatrice, mesdames, messieurs les sénateurs, que les mesures d’urgence seront adaptées au dispositif qu’annoncera ce soir le Président de la République.
M. François Bonhomme. Nous voilà rassurés !
M. Cédric O, secrétaire d’État. À cet effet, M. le Premier ministre détaillera devant la chambre haute, demain à quatorze heures trente, les mesures prises pour lutter contre la propagation de la covid-19.
Dans cette période, je crois que nous devons collectivement prendre nos responsabilités pour assurer une protection à la fois sanitaire et économique. Je veux vous réitérer notre engagement : nous ne laisserons aucune entreprise sur le bord de la route vers la reprise.
gestion de la crise sanitaire
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, depuis le 27 février dernier, nous vous interrogeons sur l’adéquation des moyens de santé publique à la maîtrise et à la prise en charge de l’épidémie. Depuis cette date, qu’il s’agisse des questions au Gouvernement, des travaux de la commission des affaires sociales ou de ceux de notre commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, vous nous répondez : « Nous sommes prêts ! »
Le 14 juillet, le Président de la République disait : « Nous serons prêts pour une deuxième vague ».
Vous nous permettrez aujourd’hui, en attendant les annonces de ce soir et en soulignant la précipitation, la mise en scène et la dramaturgie qui les entourent dans la presse, de douter de cette affirmation du 14 juillet.
Monsieur le ministre, les Français sont aujourd’hui très inquiets. Leur inquiétude tient non seulement à l’épidémie, mais aussi à la manière dont le Gouvernement leur parle.
Vous êtes habile, monsieur Véran, vous maîtrisez le verbe, vous nous parlez avec énergie… On a même souvent un peu d’empathie pour vous, car vous faites un job qui n’est pas facile. Mais cette habileté est aussi faite de beaucoup de semi-vérités : semi-vérité sur les tests, semi-vérité sur la stratégie d’isolement, semi-vérité sur les lits de réanimation – vous en annonciez 14 000, je pense que nous serons plus proches des 7 500… -, semi-vérité sur les vaccins contre la grippe – vous avez répondu voilà quelques instants à une question sur ce sujet, mais, une nouvelle fois, nous n’avons pas bien vu quelle était votre stratégie.
Monsieur le ministre, les Français sont un peuple éclairé, responsable et mature. Quand allez-vous sortir de la posture politique, voire politicienne, pour leur parler à la hauteur de ce qu’ils sont ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame Rossignol, c’est vous qui avez parlé de politique politicienne, et je vais donc me permettre de vous répondre, pour une fois, en termes de politique politicienne. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Madame la sénatrice, comme j’aurais aimé que surgissent de votre question une idée, une proposition ou même une orientation générale à laquelle ni la France, ni l’Europe, ni les États-Unis n’auraient songé pour lutter contre la pandémie la plus meurtrière de notre histoire contemporaine ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Gisèle Jourda. Tracez, dépistez, isolez !
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice, comme j’aurais aimé entendre un mot pour les Français, solidaires et forts contre vents et marées, qui attendent de leur classe politique qu’elle fasse preuve, dans cette lutte contre la pandémie, de sa capacité à parvenir, dans un grand moment, à un minimum d’unité nationale et non qu’elle s’en serve comme je ne sais quel marchepied vers je ne sais quelle élection à venir. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Madame la sénatrice, comme j’aurais aimé que vous ayez l’honnêteté de rappeler que j’étais présent dans cet hémicycle, semaine après semaine, pour rappeler à la représentation nationale que l’épidémie n’était pas finie, que nous n’avions pas terrassé le virus et que nous devions rester armés tout au long de l’année pour pouvoir lutter.
Mais non ! À travers votre question, vous vous livrez à une nouvelle attaque en piqué.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En fait, vous n’avez rien à dire !
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice, on ne sauve pas des vies avec des attaques politiques ; on ne soutient pas les soignants avec des attaques politiques ; on n’encourage pas les Français à tenir bon dans cette période difficile avec des attaques politiques.
Mme Gisèle Jourda. Répondez à la question !
M. Olivier Véran, ministre. Avec de telles attaques, madame la sénatrice, comme avec la polémique permanente que certains essaient d’instaurer à un moment où nous avons besoin de solidarité et d’unité nationale, je ne crois pas que vous aidiez votre pays à lutter contre l’épidémie ni à soutenir les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, le Sénat et, au sein du Sénat, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, comme d’autres groupes politiques, vous feront des propositions ; et nous vous en avons déjà fait de nombreuses. Et la manière dont vous les traitez, qu’il s’agisse de l’examen des projets de loi, de nos discussions plus techniques sur la mise en œuvre de la politique sanitaire, ne nous y fera pas renoncer.
Mais permettez-nous de dire aux Français que vous voyagez seuls, que vous pilotez seuls et que vous n’écoutez jamais ni le Parlement ni la société civile. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.)
lutte contre la covid-19
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sabine Drexler. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, tire depuis lundi la sonnette d’alarme : l’épidémie de la covid-19 est incontrôlée et la situation dans nos hôpitaux devient très périlleuse. Certains services de réanimation sont d’ores et déjà saturés. L’épidémie flambe et des Français meurent.
Votre devoir, monsieur le ministre, est non seulement de protéger à tout prix les Français, mais aussi et avant tout d’anticiper. Le Conseil scientifique avait prévu dès juillet dernier une deuxième vague. Aujourd’hui, cette vague déferle, incontrôlée, et les Français ont le sentiment que rien n’a été anticipé depuis la fin du confinement, que rien n’a changé à l’hôpital par rapport au printemps dernier.
Il est vrai que l’organisation hospitalière aurait mérité qu’un plan d’anticipation soit élaboré pendant l’été afin de pouvoir augmenter rapidement le nombre de soignants et permettre l’ouverture d’un plus grand nombre de lits de réanimation.
Monsieur le ministre, plutôt que de dévaloriser certaines professions paramédicales en accordant des autorisations temporaires d’exercice à des personnes qui n’ont pas d’expérience, pourquoi ne pas s’autoriser à surclasser, via un temps de formation, et pour quelques tâches limitées, les aides-soignants et les infirmiers, comme l’a suggéré le professeur Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou à Paris ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Pour le coup, madame la sénatrice Drexler, vous avez parfaitement raison : il faut anticiper et être capable de former davantage de personnels soignants.
Je note que vous n’avez pas suggéré, comme j’ai pu l’entendre çà et là, que nous aurions pu former davantage d’anesthésistes pendant l’été. C’est sans doute que chacun sait ici qu’il faut dix ans pour former un anesthésiste…
Je considère d’autant plus que vous avez raison, madame la sénatrice, que c’est justement ce que nous avons fait. Par « nous », je ne vise pas le Gouvernement ou vous, les sénateurs, mais les régions, les hôpitaux, les facultés, qui se sont organisés.
M. Jacques Grosperrin. Et les cliniques !
M. Olivier Véran, ministre. Nous avons tout d’abord supprimé le concours d’entrée dans les études d’aide-soignant. Nous l’avions d’ailleurs fait dès avant la crise sanitaire, ce que personne ne regrette. Les régions ont augmenté le nombre de places en formation : plus de 1 000 places pour les infirmiers et plus de 1 000, également, pour les aides-soignants. La formation prend du temps, comme vous l’avez souligné, mais nous sommes justement dans l’anticipation en prévoyant que nous pourrions avoir besoin de milliers de soignants supplémentaires dans un an ou deux.
Oui, madame la sénatrice, dans certains territoires, nous recrutons des personnes faisant fonction d’aide-soignant, des agents de soins ayant des missions moins qualifiées. Ce n’est pas déshonorant, je l’ai fait pendant près de trois ans, quand j’étais jeune étudiant : je suis monté jusqu’au niveau d’aide-soignant dans un Ehpad. J’ai effectué des missions pour lesquelles je n’avais pas la qualification requise et je crois avoir fait mon travail avec soin, conviction et attention au service des personnes dont je m’occupais.
Nous voulons aussi faire revenir à l’hôpital ou en Ehpad des soignants qui les ont quittés. La semaine prochaine, vous serez amenés à voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale : 8 milliards d’euros d’augmentation pour les soignants non médicaux, plus de 200 euros net par mois pour les aides-soignants. Voilà un outil d’attractivité, madame la sénatrice, et je pense que vous en conviendrez.
Nous augmentons toutes les capacités de formation de tous les instituts de formation de France et nous mobilisons partout où nous le pouvons : en Nouvelle-Aquitaine, par exemple, Pôle emploi reçoit actuellement en entretien 300 aides-soignants pour les inciter à rester encore dans leur branche professionnelle. De même, dans le Finistère, un dispositif de recrutement d’aide à domicile pour des personnes licenciées du secteur agroalimentaire a été mis en place.
De telles initiatives nous permettent de renforcer les rangs des soignants de plusieurs milliers de blouses blanches que je souhaite remercier pour leur engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Le sujet que je souhaite aborder aurait été au cœur de l’actualité si les crises sanitaire, sécuritaire, économique et sociale n’occupaient pas, à juste titre, tous les esprits.
Avec un budget de 387 milliards d’euros sur sept ans, la politique agricole commune (PAC) 2021-2022 constitue, ce dont je me réjouis, le premier budget européen, même s’il est en recul.
Le 21 octobre dernier, au matin, un accord a été trouvé, après deux ans de négociation, entre les États membres de l’Union européenne. Quels en sont les enjeux ? Il s’agit d’abord du maintien, voire du renforcement, d’un tissu d’agriculteurs maillant notre pays, vivant de leur production, assurant le socle de notre ruralité et donc de notre pays.
Il s’agit ensuite d’assurer la souveraineté alimentaire de la France et une alimentation saine.
Il s’agit enfin de répondre aux évolutions climatiques et environnementales, à la préservation du vivant.
L’accompagnement des mutations à opérer pour s’engager dans une agriculture plus durable, plus raisonnée, est essentiel. Il ne doit pénaliser ni ceux qui sont déjà engagés sur ce chemin, bien contraire, ni ceux qui amorcent cette transformation qu’il faut encourager et protéger, sans jamais oublier l’objectif premier d’indépendance alimentaire. Je pense en particulier aux zones de montagne, où les efforts déjà accomplis seront, je l’espère, reconnus.
Avec cette nouvelle PAC et les 62 milliards d’euros que la France touchera, nous nous engagerons dans un véritable changement de paradigme avec l’obligation de pratiques agronomiques exigeantes comme socle du futur régime d’aides et l’ajout d’écorégimes nationaux pour ceux qui iront au-delà des minima légaux exigibles.
Il apparaît donc essentiel de poursuivre la recherche d’un double équilibre : celui de la cohérence européenne et celui de la reconnaissance de la diversité et de la richesse agricole de la France au titre du plan stratégique national (PSN).
Monsieur le ministre, quelle garantie avons-nous de ne pas aboutir à vingt-sept politiques agricoles nationales divergentes, mais au contraire d’aller vers une convergence des normes ? Quelle différenciation territoriale intégrera le futur plan stratégique national ? Et quid du cofinancement de l’État, au-delà des aides superficiaires au titre des politiques régionales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, vous évoquez effectivement un sujet ô combien important pour tous nos territoires.
Vous le savez, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur cette question, mon seul objectif pour notre agriculture est celui de la souveraineté : nous devons regagner en souveraineté agroalimentaire. Or l’accord obtenu voilà quelques jours sur la politique agricole commune me satisfait en ce qu’il va justement nous permettre de regagner en souveraineté, ce qui n’était pas une mince affaire.
Comme vous l’avez souligné, et contrairement à ce que certains pourraient imaginer, il n’est pas d’agriculture sans agriculteurs. Dans le beau territoire du Cantal qui est le vôtre, il n’est pas possible de faire de l’élevage sans éleveurs. De fait, se pose la question du revenu. Et grâce notamment à l’implication du Président de la République, le budget de la politique agricole commune a été préservé : nous avons atterri à 386 milliards d’euros, alors que la Commission proposait initialement 365 milliards d’euros, soit 20 milliards de moins.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, comme vous l’avez esquissé, il faut une PAC ambitieuse en termes de mesures environnementales. Mais cette ambition environnementale n’est possible que si elle est obligatoire pour tous les États membres : on ne peut accepter qu’un concombre français côtoie, sur nos étals, un concombre venu d’un autre pays européen qui ne réponde pas aux mêmes normes environnementales.
Pour la première fois, cette politique agricole commune va permettre, au titre des écoschémas, de conditionner 20 % à 30 % du paiement direct à des mesures environnementales, et ce de manière obligatoire pour tous les États membres. Nous avons obtenu là une très grande avancée pour nos agriculteurs.
Enfin, je terminerai en posant une simple question : quel secteur d’activité peut aujourd’hui se targuer de conditionner 20 % à 30 % de son activité à des mesures environnementales en sept ans ? Nul autre que l’agriculture. Soyons-en fiers, disons-le et portons haut les couleurs de cet agriculteur qui forge notre territoire et que vous représentez tous les jours. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI – M. René-Paul Savary applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je salue ceux de nos collègues qui ont accepté d’assister à cette séance depuis les tribunes, preuve que, malgré les restrictions, notre engagement et notre suivi restent intacts.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 4 novembre 2020, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Rappel des règles sanitaires
M. le président. Mes chers collègues, pour le respect des règles sanitaires, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs. Il vous est demandé de laisser un siège vide entre deux sièges occupés. J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.
4
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mercredi 28 octobre 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
À 16 h 30 et le soir
- Projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 52, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission des finances.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
Jeudi 29 octobre 2020
À 10 h 30
- Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 52, 2020-2021)
À 14 h 30 et le soir
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre
• Temps attribué aux orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe : 16 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste, 8 minutes pour les groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Rassemblement Démocratique et Social Européen, communiste républicain citoyen et écologiste, Les Indépendants - République et Territoires et Écologiste - Solidarité et Territoires et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : jeudi 29 octobre à 11 heures
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (texte de la commission n° 79, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 29 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 28 octobre à 18 heures
Vendredi 30 octobre 2020
À 9 h 30
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (texte de la commission n° 79, 2020-2021)
- Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 52, 2020-2021)
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 52, 2020-2021)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 3 novembre 2020
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 83, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 2 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 3 novembre matin et, éventuellement, à 14 heures
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 2 novembre à 15 heures
Mercredi 4 novembre 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 4 novembre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes (texte de la commission n° 88, 2020-2021)
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar et de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (texte de la commission n° 86, 2020-2021)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 2 novembre à 16 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (texte de la commission n° 90, 2020-2021)
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 novembre à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 novembre à 15 heures
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (texte n° 15, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 2 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 4 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 novembre à 15 heures
Jeudi 5 novembre 2020
À 9 h 30
- quarante-cinq questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
• n° 0729 de Mme Nadia Sollogoub transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance
(Coût de mise en œuvre du règlement général de la protection des données pour les collectivités locales)
• n° 0828 de M. Patrick Chaize transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé
(Démographie médicale dans l’Ain)
• n° 0857 de M. Jean-François Longeot transmise à M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne
(Intelligibilité de la loi)
• n° 0971 de Mme Jocelyne Guidez transmise à Mme la ministre de la transition écologique
(Abandon de pneumatiques)
• n° 1163 de Mme Nicole Bonnefoy transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance
(Examen de la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles)
• n° 1227 de M. Hervé Gillé transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance
(Politique d’accessibilité et de médiation en matière numérique)
• n° 1235 de M. Cyril Pellevat transmise à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports
(Fréquentation des centres de vacances par les établissements scolaires pour la saison 2021)
• n° 1249 de M. Jean-Pierre Moga transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé
(Médecine générale de proximité)
• n° 1250 de Mme Françoise Férat transmise à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion
(Bulletin de paie unique pour les contrats courts à cheval sur deux mois)
• n° 1262 de M. Michel Canevet à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
(Indemnisation des préjudices liés aux choucas des tours)
• n° 1266 de M. Jean-Claude Tissot à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie
(Relocalisation de l’industrie textile)
• n° 1269 de M. Olivier Paccaud à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics
(Cristallisation des règles du fonds national de garantie individuelle des ressources)
• n° 1271 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères
(Position de la France dans les négociations sur la protection des civils dans les conflits armés)
• n° 1275 de M. Fabien Gay à M. le ministre de l’intérieur
(Exigence d’égalité républicaine à Sevran en Seine-Saint-Denis)
• n° 1278 de M. Éric Bocquet à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics
(Démantèlement du réseau des finances publiques)
• n° 1280 de M. Max Brisson à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports
(Réouverture du train de nuit la Palombe bleue)
• n° 1281 de Mme Christine Bonfanti-Dossat à M. le ministre de l’intérieur
(Enjeu de la sécurité et des renforcements d’effectifs à Villeneuve-sur-Lot)
• n° 1282 de M. Guillaume Gontard à Mme la ministre de la transition écologique
(Mesures de contrôle et alternatives au nitrate d’ammonium)
• n° 1284 de M. Bruno Sido à Mme la ministre de la transition écologique
(Programme syndièse)
• n° 1289 de M. Pascal Martin à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
(Modalités de vente des logements appartenant à un organisme d’habitations à loyer modéré)
• n° 1290 de Mme Patricia Schillinger à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion
(Modalités d’application du droit du travail sur le site de l’EuroAirport)
• n° 1292 de M. Olivier Cigolotti à M. le ministre des solidarités et de la santé
(Difficultés des établissements de santé privés d’intérêt collectif en Haute-Loire)
• n° 1294 de Mme Marta De Cidrac à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion
(Difficultés liées à l’agence de services et de paiement)
• n° 1297 de M. Patrice Joly à M. le ministre des solidarités et de la santé
(Conditions sanitaires dans la Nièvre)
• n° 1300 de Mme Marie-Pierre Monier à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics
(Réorganisation du réseau des finances publiques dans la Drôme)
• n° 1301 de M. Pierre Ouzoulias à M. le ministre des solidarités et de la santé
(Projet de fermeture du centre hospitalier universitaire Raymond-Poincaré de Garches)
• n° 1307 de M. Christian Redon-Sarrazy à M. le ministre des solidarités et de la santé
(Moyens d’urgence alloués aux territoires victimes de la désertification médicale)
• n° 1308 de Mme Dominique Estrosi Sassone à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
(Suite des intempéries dans les Alpes-Maritimes)
• n° 1309 de M. Yves Détraigne à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance
(Dangers des bornes de distribution de gel hydroalcoolique pour les yeux des enfants)
• n° 1311 de Mme Viviane Artigalas à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
(Report de la caducité des plans d’occupation des sols au 31 décembre 2021)
• n° 1313 de Mme Anne-Catherine Loisier à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
(Nécessité de créer des réserves en eau pour l’agriculture)
• n° 1314 de M. Didier Marie à Mme la ministre de la mer
(Fusion des établissements portuaires de Rouen, du Havre et de Paris au sein d’un même établissement public)
• n° 1316 de M. Guillaume Chevrollier à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
(Accès à la couverture mobile dans le département de la Mayenne)
• n° 1319 de Mme Catherine Dumas à Mme la ministre de la culture
(Utilisation des dons versés pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris)
• n° 1320 de Mme Catherine Belrhiti à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie
(Avenir du site industriel d’Hambach)
• n° 1323 de M. Franck Menonville à M. le garde des sceaux, ministre de la justice
(Regroupement des fonctions de juge d’instruction)
• n° 1324 de M. Bernard Bonne à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics
(Critères de répartition du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle)
• n° 1327 de Mme Nathalie Delattre à M. le ministre de l’intérieur
(Évolution du rôle de la police municipale)
• n° 1330 de Mme Sabine Drexler à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion
(Compte personnel de formation)
• n° 1331 de M. Édouard Courtial à M. le ministre de l’intérieur
(Mineurs étrangers isolés dans l’Oise)
• n° 1332 de Mme Laurence Rossignol à Mme la ministre de la transition écologique
(Chasse à courre)
• n° 1334 de Mme Catherine Procaccia à Mme la ministre de la transition écologique
(Risques radioactifs aux abords du site de l’ancienne usine de radium de Nogent-sur-Marne)
• n° 1335 de Mme Brigitte Micouleau à M. le garde des sceaux, ministre de la justice
(Création d’une neuvième juridiction inter-régionale spécialisée à Toulouse)
• n° 1336 de Mme Annick Billon à Mme la ministre de la transition écologique
(Affichage numérique publicitaire)
• n° 1340 de M. Dominique Théophile à M. le ministre des solidarités et de la santé
(Conditions de création et de gestion des maisons de naissance)
À 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses dispositions de gestion de la crise sanitaire ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 4 novembre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mercredi 4 novembre à 8 h 30
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 5 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 5 novembre à l’issue de la discussion générale
PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Lundi 9 novembre 2020
À 16 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (discussion générale ; texte A.N., n° 3397)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 4 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 6 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 9 novembre en début d’après-midi et à la suspension du soir et mardi 10 novembre matin, en début d’après-midi et à la suspension du soir
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 h 30
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 6 novembre à 15 heures
Le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (discussion des articles ; texte A.N., n° 3397)
Mardi 10 novembre 2020
À 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (texte A.N., n° 3397)
Jeudi 12 novembre 2020
À 10 h 30
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (texte A.N., n° 3397)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 12 novembre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (texte A.N., n° 3397)
Vendredi 13 novembre 2020
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (texte A.N., n° 3397)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Lundi 16 novembre 2020
À 16 heures et le soir
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2020 (demande du gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution)
Ce texte sera envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : jeudi 12 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 13 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 16 novembre début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 13 novembre à 15 heures
Mardi 17 novembre 2020
À 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, explications de vote des groupes puis scrutin public ordinaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (texte A.N., n° 3397)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 16 novembre à 15 heures
À 15 h 45
- Proposition de loi tendant à adapter les règles de passation des marchés publics locaux aux conséquences de la crise sanitaire, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte n° 592, 2019-2020 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 10 novembre à 9 h 30
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 novembre à 9 h 30
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 novembre à 15 heures
- Débat sur l’alimentation durable et locale (demande du groupe RDPI - Report de son ordre du jour réservé du 21 octobre 2020)
• Temps attribué au groupe RDPI : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 16 novembre à 15 heures
Le soir
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (texte A.N., n° 3469 ; demande du gouvernement)
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 10 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 13 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 novembre après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 novembre à 15 heures
Mercredi 18 novembre 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 18 novembre à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Débat portant sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires, un an après sa création
• Temps attribué au groupe RDSE : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 17 novembre à 15 heures
- Débat sur le thème : « La France peut-elle devenir un champion de l’énergie hydrogène ? »
• Temps attribué au groupe RDSE : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 17 novembre à 15 heures
Jeudi 19 novembre 2020
De 9 heures à 13 heures
(Ordre du jour réservé au groupe INDEP)
Cet ordre du jour sera réglé ultérieurement.
PROJET DE LOI DE FINANCES
CALENDRIER D’EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021 ET ORDRE DU JOUR DES SÉANCES DU JEUDI 19 NOVEMBRE AU MARDI 8 DÉCEMBRE
Jeudi 19 novembre 2020 (suite)
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Discussion générale
• Temps attribué au rapporteur général de la commission des finances : 15 minutes
• Temps attribué au président de la commission des finances : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 2 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 18 novembre à 15 heures
=> Examen de l’article liminaire
• Délai limite pour le dépôt des amendements à l’article liminaire et à la première partie : jeudi 19 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire aux amendements à l’article liminaire et à l’article 31 : jeudi 19 novembre à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à l’article liminaire et à l’article 31 : à l’issue de la discussion générale
=> Examen de l’article 31 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne
• Temps attribué au rapporteur spécial de la commission des finances : 5 minutes
• Temps attribué au président de la commission des affaires européennes : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 18 novembre à 15 heures
Vendredi 20 novembre 2020
À 16 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire aux amendements de la première partie (excepté l’article 31) : vendredi 20 novembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à la première partie : vendredi 20 novembre début d’après-midi et, éventuellement, samedi 21 novembre matin
Samedi 21 novembre 2020
À 9 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Éventuellement, dimanche 22 novembre 2020
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Lundi 23 novembre 2020
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Mardi 24 novembre 2020
À 14 h 30 et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020 ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 23 novembre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mardi 24 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Mercredi 25 novembre 2020
À 11 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 25 novembre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la première partie (suite et fin)
=> Explications de vote sur l’ensemble de la première partie
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 5 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 24 novembre à 15 heures
=> Scrutin public ordinaire de droit
Jeudi 26 novembre 2020
À 10 h 30
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 25 novembre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 25 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Plan de relance (+ article 56)
et Plan d’urgence face à la crise sanitaire
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 24 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 25 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 25 novembre à 11 heures
Vendredi 27 novembre 2020
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Écologie, développement et mobilité durables
. Budget annexe : contrôle et exploitation aériens
. Compte spécial : financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 25 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 26 novembre à 11 heures
=> Action extérieure de l’État
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 25 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 26 novembre à 11 heures
=> Aide publique au développement (+ article 53)
. Compte spécial : prêts à des États étrangers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 25 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 26 novembre à 11 heures
Samedi 28 novembre 2020
À 9 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Enseignement scolaire
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
=> Remboursements et dégrèvements
et Engagements financiers de l’État
. Compte spécial : participation de la France au désendettement de la Grèce
. Compte spécial : participations financières de l’État
. Compte spécial : accords monétaires internationaux
. Compte spécial : avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
et Investissements d’avenir (+ article 55)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 5 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
=> Économie
. Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
=> Pouvoirs publics
et Conseil et contrôle de l’État
et Direction de l’action du Gouvernement
. Budget annexe : publications officielles et information administrative
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (6) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
Éventuellement, dimanche 29 novembre 2020
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Lundi 30 novembre 2020
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Recherche et enseignement supérieur
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
=> Santé
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
=> Solidarité, insertion et égalité des chances
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
=> Culture
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
=> Médias, livre et industries culturelles
. Compte spécial : avances à l’audiovisuel public
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (6) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 27 novembre à 11 heures
Mardi 1er décembre 2020
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
. Compte spécial : développement agricole et rural
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 30 novembre à 11 heures
=> Cohésion des territoires
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (5) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 30 novembre à 11 heures
Mercredi 2 décembre 2020
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 57 et 58)
. Compte spécial : avances aux collectivités territoriales
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 1er décembre à 11 heures
Jeudi 3 décembre 2020
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Outre-mer
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 2 décembre à 11 heures
=> Défense
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (8) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 2 décembre à 11 heures
=> Sécurités
. Compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 2 décembre à 11 heures
=> Immigration, asile et intégration
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 2 décembre à 11 heures
=> Administration générale et territoriale de l’État
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 2 décembre à 11 heures
Vendredi 4 décembre 2020
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Travail et emploi
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 3 décembre à 11 heures
=> Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (+ article 54)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 3 décembre à 11 heures
=> Sport, jeunesse et vie associative
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 3 décembre à 11 heures
=> Justice
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 3 décembre à 11 heures
=> Gestion des finances publiques et des ressources humaines
et Crédits non répartis
et Transformation et fonction publiques
. Compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État
et Régimes sociaux et de retraite
. Compte spécial : pensions
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 3 décembre à 11 heures
=> Éventuellement, examen des missions et des articles rattachés reportés
=> Examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
• Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : mercredi 2 décembre à 12 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : jeudi 3 décembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : vendredi 4 décembre à 8 h 30 et, éventuellement, en début d’après-midi
Samedi 5 décembre 2020
À 9 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Éventuellement, examen des missions et des articles rattachés reportés
=> Examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
Éventuellement, dimanche 6 décembre 2020
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
Lundi 7 décembre 2020
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits (suite)
Mardi 8 décembre 2020
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2021 (texte A.N., n° 3360)
=> Éventuellement, suite et fin de l’examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
=> Explications de vote sur l’ensemble du projet de loi de finances
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 7 décembre à 15 heures
=> Scrutin public à la tribune de droit
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir (après le vote du projet de loi de finances pour 2021)
- Proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français, présentée par M. Michel Vaspart et plusieurs de ses collègues (texte n° 723, 2019-2020 ; demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 3 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 8 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 7 décembre à 15 heures
SEMAINE SÉNATORIALE
Mercredi 9 décembre 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 9 décembre à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux, présentée par Mmes Laurence Cohen, Cathy Apourceau-Poly, Michelle Gréaume et plusieurs de leurs collègues (texte n° 677, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 8 décembre à 15 heures
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, concernant l’aménagement numérique des territoires, présentée par Mme Éliane Assassi, M. Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues (texte n° 685, 2019-2020)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 8 décembre à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote
Jeudi 10 décembre 2020
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe GEST)
- Proposition de loi visant à supprimer la possibilité ouverte au dirigeant d’une entreprise de déposer une offre de rachat de l’entreprise après avoir organisé son dépôt de bilan, présentée par Mme Sophie Taillé-Polian (texte n° 714, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 décembre à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (texte n° 321, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 décembre à 15 heures
De 16 heures à 20 heures
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
- Proposition de loi constitutionnelle visant, face à la crise actuelle à construire le monde d’après fondé sur la préservation des biens communs, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (texte n° 419 rect., 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 décembre à 15 heures
- Proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d’une crise sanitaire majeure, présentée par MM. Olivier Jacquin, Claude Raynal, Mme Sophie Taillé-Polian, MM. Thierry Carcenac et Rémi Féraud (n° 477, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 décembre à 15 heures
Prochaine réunion de la conférence des présidents : mercredi 18 novembre 2020 à 14 heures
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
6
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que les candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ont été affichées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. À la suite d’une erreur, je souhaite rectifier le vote de certains de mes collègues sur le scrutin n° 7 sur les amendements identiques nos 2, 7 et 14 rectifié tendant à supprimer l’article 1er du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.
Tous ceux qui ont voté pour, à l’exception de MM. Philippe Bonnecarrère et Bernard Delcros, de Mme Annick Jacquemet, et de M. Jean-François Longeot, voulaient en réalité voter contre. Tous ceux qui ont voté contre souhaitaient voter pour ! (Sourires.)
S’agissant du scrutin n° 8 sur l’ensemble du même projet de loi, M. Yves Détraigne a été considéré comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour, tandis que M. Philippe Bonnecarrère souhaitait s’abstenir, alors qu’il a été considéré comme ayant voté pour.
Tout cela témoigne des limites de l’informatique et de la dématérialisation !
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Bis repetita placent, monsieur le président.
Je souhaite apporter une mise au point concernant le scrutin public n° 8 du même projet de loi.
Mes collègues Viviane Malet et Sylvie Goy-Chavent souhaitaient voter contre, tandis que ma collègue Vivette Lopez souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.
8
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (projet n° 722 [2019-2020], texte de la commission n° 52, rapport no 51, avis nos 32 et 40).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est une grande nation scientifique, nous ne le répéterons jamais assez. Au-delà des formules convenues, nous parlons d’un patrimoine qui nous a été transmis et qui nous permet de nous projeter vers notre avenir commun.
La République a noué un pacte avec ses scientifiques, ses chercheurs, ses enseignants-chercheurs, ainsi qu’avec les institutions qui travaillent chaque jour à repousser les frontières de notre ignorance. Je songe évidemment à nos universités, nos écoles et nos organismes de recherche.
La IIIe République a été la première à reconnaître la liberté académique dans les universités et à donner toute leur place aux professeurs. Elle a jeté les fondements, avec le CNRS, de la création de nos grands organismes de recherche nationaux, qui se sont ensuite développés tout au long des dernières décennies.
C’est toujours dans les moments de grands défis nationaux de reconstruction et face à l’adversité la plus immédiate que se manifeste la relation particulière qui s’est nouée depuis près de deux siècles entre la science et les institutions républicaines. Il n’est pas nécessaire de rappeler la contribution immense de nos scientifiques à la reconstruction de notre pays après la guerre.
L’actualité suffit à le démontrer : nos chercheurs et nos enseignants-chercheurs sont montés en première ligne face à la covid-19. Le rapport du groupe de travail de votre commission de la culture l’a très justement établi.
L’Institut Pasteur a séquencé le génome du virus dès le mois de janvier, le réseau REACTing a soutenu vingt projets de recherche dès le mois de mars, sous la houlette de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et des centaines de laboratoires, au sein de nos grands organismes, de nos centres hospitaliers universitaires (CHU) et de nos universités, se sont mobilisés pour contenir l’épidémie, trouver des traitements, tester des vaccins, évaluer l’impact social de la crise.
Plus récemment encore, l’ensemble du monde scientifique s’est joint, dans le sillage du Président de la République, à l’hommage rendu la semaine dernière à Samuel Paty, à la suite de l’attentat abject de Conflans-Sainte-Honorine.
Au-delà des hommages, chacun dans cet hémicycle mesure à quel point nous aurons besoin de nos universitaires et de nos chercheurs pour mieux comprendre les ressorts et les causes des radicalités, notamment islamistes, qui ont trop souvent frappé notre pays depuis déjà de trop nombreuses années.
Chacun le comprend, nous devrons mobiliser, plus que jamais, toutes nos forces de recherche, particulièrement dans le domaine des sciences humaines et sociales, pour nous donner les leviers de compréhension et d’action face à la menace terroriste.
Notre République s’est nourrie des travaux de ses sociologues, de ses historiens, de ses juristes, bref de tous ceux qui nous permettent de comprendre notre monde, et elle s’en nourrira encore.
Le projet de loi que j’ai l’honneur de défendre devant la Haute Assemblée a été annoncé voilà un peu plus de dix-huit mois, le 1er février 2019, dans le cadre de la célébration des 80 ans du CNRS. Le travail de préparation de ce texte a été long. Il a été nourri d’une large consultation et de près d’un millier de contributions. Il a été scandé par les travaux de plusieurs groupes de travail. Il a surtout été inspiré par des centaines de déplacements et de rencontres que j’ai pu faire, au plus près du terrain, au plus près de nos chercheurs, dans les laboratoires, au cœur des universités et des organismes, et ce partout en France.
Au-delà des postures politiques, ce qui s’est exprimé chaque fois, c’est un besoin manifeste : nos scientifiques nous demandent plus de temps, plus de moyens et plus de visibilité dans leur travail. Ils nous demandent plus de considération et peut-être une meilleure écoute, particulièrement en temps de crise.
Le projet de loi que je vous soumets aujourd’hui vient renouveler et ancrer dans la durée ce pacte entre la Nation et la connaissance, entre la Nation et sa recherche, entre la Nation et ses chercheurs.
Car c’est à eux que cette programmation s’adresse d’abord, et les centaines de visites que j’ai effectuées depuis trois ans pour aller à leur rencontre dans les laboratoires m’ont convaincue que nous avons à leur égard un devoir de vérité.
Il est grand temps de dire certaines réalités sans langue de bois.
Oui, la recherche française décroche progressivement du top 10 mondial, comme en témoigne sa rétrogradation du cinquième au huitième rang en matière de publications scientifiques.
Non, il n’est pas décent qu’à bac+8, après plusieurs années de postdoctorat, un jeune chercheur soit recruté à 34 ans pour un salaire équivalent à 1,4 SMIC.
Non, une grande agence nationale de financements ne peut pas écarter plus de 80 % des projets qui lui sont soumis.
Oui, l’attractivité de la recherche française est en péril, et le parcours de notre dernier prix Nobel de chimie, Emmanuelle Charpentier, qui, après avoir obtenu son doctorat en France, a effectué tout le reste de sa carrière à l’étranger, est emblématique d’une fuite des cerveaux qu’il nous faut impérativement juguler.
Cette page de notre histoire scientifique ne fait ni justice à notre recherche ni honneur à notre pays, et nous devons la tourner pour de bon.
Pour autant, la suivante ne sera pas vierge. Dire la vérité, ce n’est pas seulement regarder le verre à moitié vide, c’est aussi mesurer nos forces. Le prix Nobel d’Emmanuelle Charpentier n’évoque pas seulement notre difficulté à retenir nos talents, il nous parle aussi de l’excellence de notre enseignement supérieur et de nos formations. Et ce n’est pas là notre seul atout ! Je pense à nos UMR, les unités mixtes de recherche, à nos instruments et à nos infrastructures de recherche, et, bien sûr et avant tout, à nos chercheurs, nos enseignants-chercheurs, nos ingénieurs, nos techniciens, nos personnels de soutien, qui sont notre plus grande richesse, parce qu’ils ont des idées plein la tête, parce qu’ils ont de l’or dans les mains, parce qu’ils ont en eux le feu sacré du pionnier, de l’« arpenteur de l’infini », pour reprendre une image chère au mathématicien Alexandre Grothendieck.
L’extraordinaire engagement dont ils font preuve depuis le mois de mars l’illustre magnifiquement.
Grâce à ce terreau d’exception, notre pays est encore capable d’attirer des scientifiques de renommée internationale. L’an dernier, l’Université de Strasbourg a fait venir à l’Institut de sciences et d’ingénierie supramoléculaires le chercheur américain Richard Schrock, prix Nobel de chimie en 2005.
Cette année, ce sont Esther Duflo et Abhijit Banerjee, tous deux prix Nobel d’économie, qui reviennent enseigner en France, à l’École d’économie de Paris et à l’Université Paris Sciences & Lettres. C’est bien la preuve que, lorsque nous nous en donnons les moyens, nous pouvons convaincre les meilleurs de rejoindre nos établissements.
Par conséquent, il est grand temps de capitaliser sur nos forces scientifiques, en nous attaquant à la racine du mal plutôt qu’à l’efflorescence de ses symptômes. Le sous-investissement chronique dans notre recherche est tel que l’on peut parler d’une décennie perdue.
L’objectif de consacrer 3 % de notre PIB à la recherche, affiché voilà vingt ans dans le cadre du traité de Lisbonne, n’a jamais été atteint. Il est devenu le symbole de notre incapacité collective à tenir nos engagements envers la communauté scientifique. C’est là la source du sentiment de malaise, de défiance et parfois de colère qui couve dans nos laboratoires.
Ces années de promesses non tenues, de livres blancs sans lendemain et de réformes de structure sans effet sur un quotidien qui n’a cessé de se dégrader nous obligent à l’égard de la communauté scientifique. Nous leur devons un horizon, une ambition forte et le chemin pour l’atteindre.
La programmation que je vous soumets aujourd’hui est celle qui, pour la première fois depuis des décennies, changera la donne pour nos chercheurs, parce que c’est une programmation du réel, une programmation soutenable, atteignable, ancrée dans notre réalité budgétaire, nationale et européenne. C’est cette vérité-là, cette sincérité-là, que nous leur devons par-dessus tout.
Cette programmation construit, marche après marche, le socle de notre politique de recherche. L’investissement de 25 milliards d’euros qu’elle porte conduira à augmenter de 20 % les moyens de la recherche et sanctuarisera son budget à hauteur de 20 milliards d’euros en 2030.
J’insiste ici sur l’importance d’une programmation construite sur dix ans. Cette durée, que vous avez souhaité réduire à sept ans lors de vos débats en commission, n’est ni aléatoire ni timide. C’est la durée nécessaire à la mise en place progressive des moyens et des outils qui les accompagnent, c’est l’horizon 2030 fixé par les Nations unies en faveur du développement durable. C’est enfin une durée sécurisée par une clause de revoyure, dont la première marche est consacrée par le projet de loi de finances pour 2021, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale ce lundi à une large majorité.
Cette première marche, consacrée par le projet de loi de finances, est raffermie grâce aux financements du plan de relance, qui créent le choc budgétaire de début de période que nombre d’entre vous appellent de leurs vœux.
Mais ce budget cible est un budget plancher : il ne résume pas à lui seul tous les moyens dont bénéficiera la recherche durant les prochaines années. La programmation est en effet le vaisseau amiral d’une entreprise globale de soutien à la recherche française, qui s’alimentera à d’autres sources : le quatrième plan d’investissements d’avenir, la nouvelle génération de contrats de plan État-région (CPER) et le neuvième programme-cadre de recherche et d’innovation européen se présentent dans le même calendrier que ce projet de loi.
Cette synchronisation des horloges n’a rien de fortuit et donne tout son sens à la durée de cette programmation : dix ans, ce n’est pas seulement la temporalité d’un projet de recherche, c’est l’amplitude du programme Horizon Europe, la préparation et le début, toujours important, du programme qui le suivra, c’est la succession de deux vagues de CPER, c’est le temps de la respiration de la recherche elle-même, qui est différent du temps institutionnel et que nous devons prendre en compte en tant que tel.
Grâce à cette synergie de moyens, la prochaine décennie sera celle du renouveau de notre recherche.
Dans les deux prochaines années, plus de 6,5 milliards d’euros seront consacrés, dans le plan de relance, à l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. La place faite à la science dans notre réponse à la crise, c’est la promesse d’une relance durable et ambitieuse, qui ne se contentera pas de reprendre notre économie là où on l’avait laissée ou de reconduire à l’identique l’existant. Elle transformera cette crise, qui deviendra une opportunité de bâtir une société écologique, solidaire et souveraine, grâce à l’intelligence, à l’inspiration, à l’innovation en germe dans nos laboratoires et nos amphithéâtres.
La programmation de la recherche dans le cadre de ce projet de loi permettra ainsi de nous doter, sur le modèle des lois de programmation militaire et de leur réexamen périodique, d’un cadre d’actualisation régulier, qui permettra au Parlement de se prononcer, au moins tous les trois ans, sur les leviers mis à la disposition de notre recherche publique comme privée. Ce que propose ce projet de loi, c’est non pas un panel de réponses définitives pour les dix prochaines années, mais un chemin qui permettra aux gouvernements et aux majorités parlementaires à venir de se prononcer sur leurs ambitions pour notre communauté scientifique. C’est bien l’ambition de construire une programmation sur le temps long.
Cette ambition repose sur quatre convictions, qui forment les quatre axes de la programmation que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
La première de ces convictions, c’est que la recherche forme un seul et même continent, dont tous les territoires doivent être correctement irrigués si nous voulons résoudre les énigmes de notre temps. C’est pourquoi ce projet de loi programme un réinvestissement inédit et massif dans tous les domaines de la connaissance.
La physique de l’atmosphère ne relèvera pas seule le défi du réchauffement climatique ; l’histoire de l’art ne pansera pas seule les blessures de la cathédrale Notre-Dame ; la biologie seule ne suffira pas à enrayer la crise sanitaire. L’une aura besoin de la glaciologie, de la chimie, de la sociologie, de l’économie, l’autre de la physique des matériaux, de l’archéologie et de la musicologie, et, la dernière, de la zoologie, de la psychologie et des sciences informatiques.
Face à l’inconnu, non seulement nous avons besoin de science, mais nous avons besoin de toute la science, qu’elle soit exacte, humaine ou sociale. Car les défis contemporains surgissent précisément au carrefour des disciplines et exigent d’être approchés globalement. C’est pour prendre acte de cette complexité que nous avons fait le choix d’une programmation transversale, non fléchée, dénuée d’a priori sectoriel, mais néanmoins attentive à couvrir les besoins de toutes les disciplines.
Notre agence nationale de recherche est le pivot de cette stratégie. L’augmentation de son budget à hauteur de 1 milliard d’euros répond à une ambition majeure : l’ouverture. Nous devons ouvrir ses financements à toutes les disciplines, à toutes les démarches, qu’elles soient purement exploratoires ou en prise directe avec les priorités du pays, et à tous les laboratoires, ceux des organismes et des grandes universités pluridisciplinaires comme ceux des universités à la signature territoriale affirmée, grâce à un taux de succès de 30 %, contre 16 % aujourd’hui, conforme aux standards internationaux.
Nous devons ouvrir ces financements au-delà même des équipes lauréates, grâce à un préciput à hauteur de 40 %, qui permettra d’alimenter les projets des autres équipes, de leurs laboratoires et de leurs établissements de tutelle, tous partenaires de leur réussite.
En somme, il s’agit de permettre à l’Agence nationale de la recherche (ANR) de renouer avec sa vocation universelle, en faisant voler en éclat les vieux clivages entre les sciences exactes et les sciences humaines et sociales, entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale, entre le financement sur projet et le financement récurrent.
Car, par le biais du préciput, ce ne sont pas moins de 450 millions de crédits de base qui viendront irriguer tous les territoires, scientifiques et géographiques. À ces moyens inédits s’ajoutera, dès 2021, une hausse de 10 % des moyens des laboratoires dès 2021 et, à l’horizon 2023, une hausse de 25 %.
J’aurai l’occasion de vous présenter des amendements non seulement pour apporter des clarifications sur la question du préciput, mais également pour prendre acte, dans la loi, de mon souhait de renforcer les moyens de base des laboratoires.
Notre recherche ne souffre pas d’un excès de financement par appel à projets : notre recherche souffre d’un défaut de financement global, de base et par appel à projets.
L’ambition de ce projet de loi, c’est non pas de favoriser l’un par rapport à l’autre, mais bien de travailler à renforcer l’ensemble des canaux de financement de la recherche. Ainsi, la montée en puissance de l’ANR prend acte de la dimension foncièrement collective de l’entreprise scientifique.
Cette préoccupation est en réalité le fil rouge de l’ensemble du texte. Il affleure tout particulièrement dans le deuxième axe de la programmation : il s’agit de faire émerger une nouvelle génération de scientifiques, en redonnant aux carrières la reconnaissance et l’attractivité qu’elles méritent.
Si le choix d’embrasser une carrière dans la recherche répond en général à une vocation profonde, cela ne doit pas pour autant devenir un sacerdoce. Or, aujourd’hui, force est de le constater, notre pays reconnaît mal ses personnels de recherche : la rémunération, les moyens et les opportunités qui leur sont donnés ne sont pas à la hauteur de leur travail, et bien loin d’attirer les jeunes qui pourraient leur succéder.
La compétition pour les talents est devenue internationale et on ne peut prétendre rivaliser avec des salaires dérisoires et des débuts de carrière laborieux.
Afin de combler ce fossé, la programmation engage un véritable choc d’attractivité des carrières scientifiques, et ce dès le doctorat, car il est grand temps de redonner toutes ses lettres de noblesse à notre troisième cycle. Ainsi, le nombre de contrats doctoraux financés par le ministère sera augmenté de 20 %, avec l’objectif de ne laisser aucun doctorant sans salaire, et en portant une attention particulière aux thèses en sciences humaines et sociales, dont moins de 40 % font actuellement l’objet d’un contrat. Leur financement sera par ailleurs rehaussé de 30 % d’ici à 2023. Pour sécuriser la transition vers un poste pérenne, la programmation prévoit également de créer un contrat postdoctoral public ou privé.
Au-delà des premiers pas dans la recherche, ce sont les prémices de la carrière scientifique qui doivent être soutenues.
Le salaire d’entrée des jeunes chercheurs est devenu le symbole de la dévalorisation de notre recherche et c’est la raison pour laquelle je me suis engagée très tôt à ce qu’aucun maître de conférences ou chargé de recherche ne soit plus recruté au-dessous d’un salaire équivalent à deux SMIC. Cette promesse sera tenue dès 2021.
Bien entendu, afin de ne pas créer d’inversion de carrière, les maîtres de conférences et les chargés de recherche recrutés avant 2021 bénéficieront également de ces nouvelles mesures, grâce à un effort supplémentaire de 26 millions d’euros.
Au-delà, ce qui nous disqualifie bien souvent dans la course internationale aux talents, c’est le peu de moyens qu’on donne à nos jeunes chercheurs pour démarrer leurs travaux. Pour éviter de tuer dans l’œuf leurs premiers élans, ils pourront désormais, grâce à la programmation, compter sur un accompagnement de 10 000 euros en moyenne pour se lancer.
Ce sont bien tous nos personnels de recherche qui feront l’objet du plus grand plan de revalorisation salariale depuis des décennies. Chaque année jusqu’en 2027, 92 millions d’euros supplémentaires y seront consacrés par tranches cumulatives, ce qui représentera un effort global de 2,5 milliards d’euros. Cette enveloppe budgétaire permettra d’harmoniser par le haut les régimes indemnitaires au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche, avant d’engager une convergence interministérielle, afin que nos personnels scientifiques soient traités avec la même considération que les autres agents de l’État à l’horizon 2030.
Ces dispositions ont été construites en concertation étroite avec les syndicats. À cet égard, je rappelle que la présente programmation a été examinée par dix-sept instances consultatives. Aucune n’a émis de vote unanime défavorable. Le présent projet de loi a été adopté par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser). C’est la deuxième fois, après la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, que le parlement de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche adopte un projet de loi. Il a également été adopté par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (Cneserac).
Ce dialogue social riche et fructueux a débouché le 12 octobre dernier sur la signature, en présence du Premier ministre, d’un accord ambitieux et historique sur les rémunérations et les carrières. C’est la première fois qu’un accord syndical majoritaire au sens des accords de Bercy est signé au niveau national dans le monde de la recherche. Ce protocole concerne toutes les fonctions, tous les corps, tous les grades. Par-delà son abord technique, il reconnaît la science comme une œuvre collective à laquelle chacun apporte sa pierre : celui qui publie les résultats d’une expérience comme celui qui a réglé les instruments, celui qui dirige un laboratoire comme celui qui en assure la logistique, celui qui transmet la connaissance en amphi comme celui qui la valorise dans l’innovation.
La reconnaissance du collectif de recherche se traduit par des améliorations très concrètes et très rapides : dès 2021, les maîtres de conférences gagneront près de 1 000 euros de plus, les chargés de recherche près de 1 300 euros.
Trois plans massifs de repyramidage seront mis en œuvre au bénéfice des maîtres de conférences, pour porter de 15 000 à 18 000 le nombre de professeurs des universités et pour ouvrir 1 250 possibilités de promotion de grade pour nos chercheurs. Près de 4 650 agents de la filière ITRF, les ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation, bénéficieront d’opportunités de promotion vers un emploi de catégorie supérieure.
Par ailleurs, ce protocole ouvre davantage l’accès aux postes de professeur des universités, aujourd’hui hors de portée de la majorité de nos maîtres de conférences. Au cours des dix prochaines années, 1 500 maîtres de conférences hors classe et 500 maîtres de conférences de classe normale pourront accéder au corps des professeurs.
Un horizon bouché a pu conduire certains d’entre eux à chercher d’autres opportunités à l’étranger, ce qui représente un risque majeur pour notre système d’enseignement supérieur et de recherche, qui repose en grande partie sur leur dévouement.
C’est dans ce même souci d’attractivité que ce projet de loi crée un nouvel outil : les chaires de professeur junior.
Ce dispositif a fait couler beaucoup d’encre et cristallisé bien des inquiétudes. Aussi me permettrez-vous de revenir sur la réalité de son mécanisme : il s’agit de recruter un scientifique sur contrat, après un examen par une commission indépendante, et de l’intégrer dans le corps des professeurs d’université ou des directeurs de recherche au bout de six ans, si l’évaluation finale est positive. Autrement dit, c’est une voie supplémentaire de recrutement. Ni plus ni moins.
Elle n’a pas vocation à se substituer au parcours académique classique ni à réduire les perspectives des uns pour améliorer celles des autres. En revanche, elle a vocation à ouvrir le champ des possibles pour tous : les établissements trouveront là un levier de plus pour attirer des talents très disputés sur le plan international et aujourd’hui captés par nos voisins sur des dispositifs d’accueil similaires. Les chercheurs désireux de venir ou de revenir en France après un début de carrière à l’étranger trouveront là un moyen de poursuivre leur parcours dans notre pays sans tout reprendre à zéro.
Pour nos maîtres de conférences et nos chargés de recherche, ce sont des opportunités nouvelles pour avancer dans leur propre carrière, car chaque recrutement pour une chaire de professeur junior sera accompagné d’au moins une promotion dans le corps des professeurs des universités ou des directeurs de recherche.
Ce dispositif est donc bien loin d’être un cheval de Troie destiné à mettre à bas le statut, comme certains le prétendent. C’est au contraire un tremplin pour rendre plus accessibles les carrières académiques, au bénéfice de ceux qui en sont évincés ou qui partent très tôt à l’étranger.
Bien au contraire, le niveau de recrutement des enseignants-chercheurs et des chercheurs sera garanti. L’emploi titulaire sera renforcé par la création de 5 200 postes supplémentaires, tout particulièrement dans le champ du soutien à la recherche. C’est tout un pan de l’emploi scientifique que nous avons laissé s’éroder durant la dernière décennie, au point que nos laboratoires souffrent aujourd’hui d’une véritable pénurie d’ingénieurs et de techniciens. Leur savoir-faire est un ingrédient essentiel à la réussite des projets de recherche, que nous n’avons pas su reconnaître ni préserver à sa juste valeur.
C’est pour sortir de ce déni qu’il nous fallait aussi apporter une solution concrète à la situation ubuesque dans laquelle se trouvent aujourd’hui les ingénieurs et techniciens non titulaires. Recrutés spécifiquement pour accompagner un projet de recherche sur financements propres, ils en voient rarement l’aboutissement, car leur laboratoire est bien souvent contraint de se séparer d’eux en cours de route, faute de pouvoir renouveler leur CDD.
Autrement dit, les outils de recrutement dont disposent actuellement nos laboratoires sont déconnectés de la réalité scientifique. La création du CDI de mission scientifique vient résoudre ce hiatus, en permettant à la durée du contrat d’épouser la durée du projet. Derrière cette rationalisation des procédures et cette synchronisation du temps scientifique et du temps administratif, il y a aussi un indéniable progrès social pour des milliers d’agents non titulaires : là où notre système les condamne aujourd’hui à la course incessante aux CDD, ce nouvel outil leur offrira la protection, les garanties et les droits afférents au CDI.
Pour nos laboratoires, c’est autant de temps et d’énergie en plus pour la recherche. En ce sens, la création du CDI de mission scientifique participe du troisième axe de ce projet de loi, à savoir la simplification de la vie des laboratoires. Cet aspect de la programmation est pour moi essentiel. Le quotidien de la recherche constitue en effet l’angle mort des réformes structurelles de ces dernières décennies.
Pendant que l’on démontait et remontait le meccano institutionnel, nous n’avons pas vu que les procédures, les formulaires, les dossiers d’évaluation, les demandes de financement se démultipliaient, envahissant la vie des laboratoires jusqu’à l’asphyxie. À ceux-ci, il est grand temps de redonner du souffle, comme il est grand temps de rendre les chercheurs à la recherche. Mais pour y parvenir, il faut se donner la peine d’enfiler la blouse et de penser à hauteur de paillasse ; c’est pourquoi il était si essentiel d’associer de très près la communauté à l’élaboration de ce texte.
C’est grâce à ce regard de terrain, qui est aussi le mien, que nous proposons aujourd’hui une série de mesures concrètes dont l’abord parfois trivial ne doit pas masquer l’impact majeur sur le quotidien de nos chercheurs. Supprimer l’autorisation administrative préalable au cumul d’activités, référencer l’ensemble des appels à projets sous un portail unique, harmoniser les calendriers et les cahiers des charges sont autant de petites victoires contre la machine administrative et de précieuses heures rendues chaque jour à la science.
D’autres simplifications verront le jour dans le cadre du vaste chantier de simplification ouvert par cette programmation.
De telles respirations doivent être introduites aussi dans la carrière des enseignants-chercheurs, qui voient trop souvent leur charge d’enseignement prendre le pas sur le temps dévolu à leurs travaux de recherche. Afin de les aider à trouver un meilleur équilibre entre leurs deux missions, la programmation élargit l’accès aux congés pour recherches ou conversions thématiques, aux délégations du CNRS ainsi qu’à l’Institut universitaire de France, autant de dispositifs qui offrent aux enseignants-chercheurs la possibilité de se consacrer plus librement à leurs recherches durant une période dédiée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout ce temps, cette visibilité, ces moyens rendus à la recherche par le biais de cette programmation, c’est, en réalité, autant de temps, de visibilité et de moyens rendus à notre pays pour aborder les prochaines décennies avec confiance. Investir dans la recherche, c’est investir dans notre avenir commun.
C’est pourquoi il est si essentiel de remettre la recherche au cœur de la vie économique et culturelle de notre pays. Telle est la clé de voûte du texte que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
J’ai évoqué, au début de cette intervention, le décalage entre l’excellence de nos formations et la fuite de nos cerveaux. En réalité, là n’est pas le seul paradoxe de la science française : nous devons aussi nous interroger sur le hiatus entre l’excellence de notre recherche académique et la faiblesse de ses retombées économiques. À l’heure de la relance, alors que l’ombre de la crise plane sur leur compétitivité, nos start-up, nos PME, nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) et nos grands groupes ont plus que jamais besoin de puiser dans nos laboratoires le surcroît d’innovation qui fera la différence dans la compétition internationale.
Le potentiel est énorme : parmi les 83 start-up qui ont récemment rejoint le programme French Tech 120, qui identifie les pépites les plus susceptibles de devenir des leaders technologiques de rang mondial, 17 sont issues de la recherche publique – et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Pour réaliser toutes les promesses de la recherche académique, il nous faut résolument accélérer le transfert des connaissances entre nos laboratoires et nos entreprises. Or cette programmation, qui prend à bras-le-corps le défi de l’attractivité des carrières scientifiques en France, se saisit avec le même pragmatisme ambitieux des enjeux d’innovation. Tant les hommes que les idées doivent circuler d’un monde à l’autre.
C’est pourquoi la programmation prévoit, d’une part, de favoriser les mobilités public-privé, en autorisant les chercheurs à consacrer plus de temps à la création de leur start-up ou à la vie d’une entreprise, et en facilitant la démarche des doctorants désireux d’effectuer leur thèse dans le privé, grâce à l’augmentation de 50 % du nombre de bourses Cifre, ou convention industrielle de formation par la recherche, et à la définition d’un contrat doctoral de droit privé.
Et c’est pourquoi elle prévoit, d’autre part, de stimuler la recherche partenariale en doublant les financements de l’ANR consacrés aux chaires industrielles, aux laboratoires communs et aux instituts Carnot, et en labellisant les sites universitaires qui auront su rendre leur offre de transfert plus simple, plus lisible et plus rapide.
S’il est un autre dialogue qui doit gagner en intensité et en familiarité, c’est celui de la science et de la société. La crise que nous traversons jette une lumière crue sur leurs relations ambiguës : certains de nos concitoyens s’irritent de la démarche tâtonnante de la science et de ses controverses, d’autres caricaturent ses valeurs en confondant doute méthodique et complotisme ; mais, en définitive, tous attendent d’elle des repères dans le brouillard et scrutent l’horizon de la recherche dans l’espoir de voir poindre un traitement et un vaccin.
Car, en vérité, à l’échelle individuelle comme à l’échelle collective, nous avons besoin de science dans nos vies, pour rendre celles-ci moins opaques et moins incontrôlables, pour les rendre plus dignes d’être vécues, pour les rendre moins solitaires, parce que la démarche scientifique et son esprit de raison nous ouvrent aussi la voie du débat et de l’altérité.
La science a ceci de commun avec l’art qu’elle permet de vivre un ton plus haut, et personne ne peut ni ne doit être privé de cette dimension supérieure.
Cette programmation porte donc l’ambition de ménager une vraie place à la recherche dans les esprits, dans les foyers et dans l’espace public en encourageant les scientifiques à aller au-devant de la société, et la société à revendiquer sa place auprès des scientifiques.
Il s’agit bien d’instaurer un véritable partage de la science, d’une part, en stimulant les recherches participatives, et, d’autre part, en soutenant les chercheurs qui s’impliquent dans la médiation scientifique, auprès du grand public, auprès des jeunes, auprès des médias, notamment au travers d’initiatives comme « Une classe, un chercheur » ou grâce à des lieux innovants permettant des échanges entre journalistes et scientifiques.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le projet que je porte devant vous, c’est la possibilité d’un chemin pour notre recherche. Programmer la recherche, c’est construire dès à présent l’édifice qui résistera aux aléas de l’avenir. Ce n’est pas seulement faire un pari sur la connaissance, c’est faire le choix de la connaissance ; ce n’est pas croire en la science sur un coup de dés en espérant qu’elle nous sauvera, c’est décider que c’est le savoir, plutôt que l’idéologie, plutôt que la peur, plutôt que l’intérêt particulier, plutôt que le matérialisme, plutôt que la croyance, le savoir, donc, qui doit mener le monde.
Bien sûr, voir le monde à travers les yeux du savoir est exigeant ; c’est parfois même inconfortable, car il faut accepter de vivre avec une part d’incertitude et une part d’irrésolution. Telle est pourtant la seule démarche qui nous garantit de faire des choix responsables et engagés, d’agir en hommes et en femmes libres, en cultivant, au sens le plus concret de ce terme, le rêve d’un monde meilleur.
C’est pourquoi la science est la meilleure alliée de la démocratie, de la décision politique, du débat citoyen, et c’est pourquoi je sais pouvoir compter sur tout votre engagement dans les discussions qui s’ouvrent aujourd’hui autour de ce texte majeur pour l’avenir de notre pays.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Laure Darcos, rapporteure de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est pour moi un grand honneur d’ouvrir cette discussion au Sénat sur le projet de loi de programmation de la recherche. Au milieu des tumultes d’une actualité quotidienne peu réjouissante, il est essentiel pour nous tous de continuer à construire, brique par brique, le futur de nos enfants et de notre pays. Dans cette perspective, le sujet de la recherche est structurant.
Nous le savons, en effet : nous sommes entrés, sans y être toujours bien préparés, dans une ère où la puissance d’une nation ne se mesure plus à sa capacité à produire, mais à sa capacité à anticiper, et donc à miser sur les techniques innovantes dans tous les domaines : systèmes numérisés, nanotechnologies, nouvelles énergies, biologie, santé. Programmer le financement et le fonctionnement de la recherche, valoriser le statut de celles et ceux qui s’y consacrent, c’est donc tracer la route de notre destin collectif.
Le projet de loi que nous allons examiner n’est pas un document de plus, perdu dans l’abondante production législative de notre pays. Ce texte devrait servir de ligne d’horizon à la plupart de nos décisions. Il dépasse les enjeux d’opinion et les postures. Nous allons en débattre sans jamais perdre de vue qu’il doit dessiner notre avenir partagé.
La commission, dans des conditions rendues difficiles par la proximité du renouvellement sénatorial, sans même évoquer la modification de l’ordre du jour dont nous avons été informés hier, a mené un travail approfondi et serein. Je veux ici saluer mes collègues de tous les groupes qui ont participé aux très nombreuses auditions que nous avons menées.
Un premier élément nous a, me semble-t-il, tous frappés : c’est l’attente très forte parmi la communauté des chercheurs non seulement de moyens budgétaires – nous allons y revenir –, mais aussi, et surtout, d’une vraie reconnaissance de leur rôle éminent dans notre société fragilisée par l’épidémie de covid-19 et fracturée par les fausses informations.
Nous devons en avoir conscience, mes chers collègues : de très nombreux chercheurs auront aujourd’hui les yeux braqués sur cet hémicycle et attendent un débat à la hauteur des enjeux. Ce débat, nous le leur devons.
Dès lors, posons-nous la question de manière « scientifique » les promesses portées par ce texte sont-elles tenues ?
Je vais hélas ! devoir apporter une réponse mesurée et nuancée, et cela, tout d’abord, parce que les attentes étaient à la hauteur de la situation très difficile dans laquelle doit vivre, parfois survivre, notre recherche.
Je veux rappeler quelques données : avec un niveau de financement de la recherche publique et privée qui stagne autour de 2,2 % du PIB depuis plus de vingt ans, la France a accumulé un retard excessif, abandonnant à d’autres pays européens le leadership en matière de recherche et d’innovation.
Illustration terrible de cette situation pour notre fierté nationale – vous l’avez évoquée, madame la ministre –, Emmanuelle Charpentier, jeune prix Nobel de chimie cette année, a expliqué qu’elle n’aurait jamais pu mener ses recherches pionnières et majeures en France.
Ce cas ne relève pas de la simple anecdote : quand un chercheur de ce niveau fait le choix de poursuivre ses recherches à l’étranger, il emporte avec lui son aura, ses financements, ses compétences ; il ne fera pas bénéficier les jeunes chercheurs français de ses connaissances.
La facture du manque d’engagement de ces dernières années, c’est maintenant que nous la payons. Évitons à nos enfants de vivre, dans vingt ans, dans un pays déclassé, alors même que tout concourt à notre excellence.
Je veux mettre à votre crédit, madame la ministre, votre grande connaissance du milieu de la recherche et de l’enseignement supérieur, dont vous êtes issue, ainsi que votre volontarisme, qui a permis, dans un contexte où tout invite à se concentrer sur l’urgence, d’inscrire à l’ordre du jour un projet de loi préparant justement l’avenir. C’était nécessaire et courageux.
Mais quel est le souffle de ce texte ? Quelle est son ambition ? Si nous devions porter une appréciation sur la copie, nous serions nombreux, me semble-t-il, à écrire : « Peut mieux faire ».
Car le meilleur baromètre de l’attention que porte une nation à sa recherche, ce sont les moyens qui lui sont consacrés.
De ce point de vue, et même si nous aurons un débat technique à l’article 2, convenons que la durée de la programmation, jamais vue sous la Ve République, démontre moins un engagement au long cours qu’une volonté de décaler les échéances budgétaires…
Sur la période de dix ans que vous proposez, l’effort est en réalité bien plus limité que celui qui est affiché, si l’on tient compte de l’inflation.
Certes, on pourrait à raison objecter qu’un engagement de plus de 25 milliards d’euros en cumulé constitue déjà un changement de cap majeur par rapport au sous-investissement chronique que la recherche subit depuis plusieurs décennies.
Cependant – nous le savons –, une loi de programmation de cette durée, c’est hélas ! plus du sable que du marbre.
Je résume : crédits insuffisants pour rattraper notre retard, d’une part, faible garantie sur leur réelle disponibilité, d’autre part. Comment susciter la confiance à grande échelle dont nous avons besoin et que la communauté appelle de ses vœux ?
Je ne doute pas, madame la ministre, de votre mobilisation ; j’imagine que les débats internes au sein d’un gouvernement peinant à établir ses priorités ont dû être intenses et que, peut-être, l’accord obtenu sur la loi de programmation examinée à partir d’aujourd’hui constitue un point d’équilibre… Permettez-nous cependant de trouver cet équilibre encore insatisfaisant.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a cherché à donner un peu plus d’ampleur à votre texte, suivant quatre axes.
Le premier axe, que nous avons proposé conjointement avec les commissions des finances et des affaires économiques, consiste à ramener, à enveloppe constante, la durée de la programmation à sept ans.
Pourquoi sept ans ? Parce que cette durée, plus conforme à celle qui est habituellement choisie pour les lois de programmation, permet de limiter les conséquences des aléas politiques et économiques sur la trajectoire initiale, d’aligner la recherche française sur le calendrier du programme-cadre européen et d’accroître l’intensité de chaque marche budgétaire annuelle, un effort particulier étant consenti les deux premières années.
C’est bien une trajectoire plus crédible, plus rapide et plus efficace que nous proposons pour provoquer le sursaut budgétaire dont notre recherche a besoin.
Deuxième axe : offrir des garanties aux chercheurs et veiller à la place des femmes.
La commission a globalement accueilli avec intérêt les nouveaux dispositifs de recrutement contenus dans le projet de loi. Elle a cependant tenu à apporter des garanties à leurs bénéficiaires, en instaurant une durée minimale pour le contrat de mission scientifique, en veillant à ne pas allonger de manière excessive le contrat postdoctoral, et en prévoyant la possibilité de prolonger les contrats doctoraux et postdoctoraux en cas de congé maternité, de congé paternité, de congé maladie ou de congé pour accident du travail.
Concernant les chaires de professeur junior, qui suscitent des inquiétudes légitimes au sein de la communauté scientifique, la commission a abaissé à 15 % le pourcentage limite de recrutement annuel autorisé afin de mieux traduire le caractère très spécifique de ce dispositif, qui n’a pas vocation à se substituer aux voies de recrutement traditionnelles.
La commission a aussi souhaité valoriser, dans la carrière des chercheurs et enseignants-chercheurs, les actions que ceux-ci mènent en direction des citoyens pour favoriser la diffusion des connaissances.
Elle a par ailleurs soulevé la question des inégalités entre les femmes et les hommes dans l’accès à certaines disciplines, à certaines responsabilités et à certaines formes de financement.
Si la traduction de cette préoccupation en mesures législatives, et non seulement déclaratives, est parfois malaisée, la commission est convaincue que l’égalité entre les femmes et les hommes doit constituer, pour le monde de la recherche, une priorité structurante dans les prochaines années.
Troisième axe, dont nous aurons à débattre dans cet hémicycle : l’affirmation de l’intégrité scientifique et des libertés académiques dans la loi.
Ces deux sujets, distincts mais intimement liés, ont donné lieu à un travail transpartisan qui, je le crois, honore notre assemblée et montre notre capacité à élever nos convictions au niveau des enjeux.
Ne nous y trompons pas : intégrité scientifique et libertés académiques ne sont pas, pour les chercheurs, de vains mots. Elles définissent rigoureusement un espace de liberté, mais également de principes à suivre.
La position à laquelle nous sommes parvenus ne répond pas seulement à l’actualité, même si cette dernière, tragique, est présente à nos esprits. Elle vise bel et bien à bâtir un corpus de droits et de devoirs qui fonde l’exercice professionnel des chercheurs et des enseignants-chercheurs.
Quatrième axe structurant pour notre travail : la nécessaire implication des collectivités territoriales, grandes absentes du texte initial. Pour pallier ce manque regrettable, la commission a ajouté un volet territorial aux contrats de site conclus entre l’État et les établissements partenaires d’un même site universitaire.
Vous l’avez compris : nous avons, sur ce projet de loi, réellement travaillé au plus près des préoccupations très nombreuses dont nous avons été saisis. Ce que nous regrettons, au fond, c’est le défaut d’ampleur de ce texte, qui aurait pu et dû porter des moyens et une vision plus affirmés pour les prochaines années.
De cette ambition limitée et de ce débat que nous avons dans des conditions si étranges, il ressort l’impression d’une forme d’inachevé.
Je vais cependant m’efforcer de demeurer résolument optimiste : comme je le disais dès mes premiers mots, malgré son aspect technique, parfois aride, et en dépit de la diversité des propositions qu’il contient, touchant notamment à la simplification des procédures, ce projet de loi est un New Deal, une ligne de conduite pour notre pays, qui doit rester compétitif dans un secteur qui conditionne tous les autres : celui de la recherche et de l’innovation, lesquelles relèvent toutes deux de la longue durée. Il n’est guère d’autre domaine qui nécessite à ce point une vision programmatique.
J’espère que nos travaux nous aideront à affronter les défis du futur. C’est là l’essentiel. Et c’est ce que la Nation attend de nous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Merci, madame la rapporteure, pour la précision avec laquelle vous avez respecté votre temps de parole, ce qui permettra de laisser du temps au débat.
La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a d’abord regretté que ce projet de loi, et en particulier la trajectoire budgétaire qui y est présentée, soit centré sur la recherche publique rattachée au ministère de la recherche.
En choisissant – je suppose que c’est par facilité – de ne faire porter ce projet de loi que par un seul ministère, le Gouvernement a, me semble-t-il, manqué ici une occasion de lancer un grand chantier pour en finir avec le morcellement des politiques de recherche et développement et d’innovation.
J’en viens directement à ce que contient ce projet de loi.
Je ne rappellerai pas ce que nous savons tous déjà, à savoir que la situation de la recherche française est grave et mérite d’être redressée par le biais de moyens qui soient à la hauteur de nos ambitions.
Pour cette raison, la commission des affaires économiques a voté, avec la commission de la culture et avec la commission des finances, le raccourcissement de la durée de la trajectoire, son échéance étant avancée à 2027, avec deux premières « marches budgétaires » de 1 milliard d’euros les deux prochaines années.
Madame la ministre, puisqu’il s’agit de redonner des moyens aux opérateurs de recherche, je me permets d’insister sur un point que nous avions déjà évoqué lors de votre audition par la commission de la culture : les opérateurs de recherche sont contraints d’appliquer une norme comptable inadaptée, qui les oblige à garder en trésorerie des centaines de millions d’euros ! C’est autant d’argent qui n’est pas fléché vers les laboratoires. Il faut faire évoluer les choses, et il faut, si vous le pouvez, le faire rapidement !
Ce projet de loi traite par ailleurs d’une thématique importante pour la commission des affaires économiques, à savoir le resserrement des liens entre la recherche publique et les entreprises ; c’est opportun.
Concernant la réintroduction du dispositif de congé d’enseignement ou de recherche, dont le principe est assurément bienvenu, notre commission a estimé qu’il fallait laisser plus de place à la négociation collective et éviter de faire peser des charges excessives sur les petites entreprises, compte tenu du contexte.
Sur ce sujet des liens avec les entreprises, je me permettrai une remarque : le Gouvernement envoie deux messages contradictoires. D’un côté, avec ce texte, on souhaite inciter les laboratoires à développer des relations avec les entreprises. De l’autre, avec le projet de loi de finances pour 2021, on ôte le principal outil d’incitation des entreprises à se tourner vers la recherche publique, à savoir le doublement de l’assiette du crédit d’impôt recherche en cas de recours à un laboratoire public.
Cette mesure risque d’anéantir les efforts du Gouvernement en la matière. Je sais que l’on ne peut pas faire autrement, car une plainte, que nous aimerions, d’ailleurs, pouvoir consulter, a été déposée auprès de la Commission européenne. Mais si nous n’avons vraiment pas le choix, il faut, a minima, prévoir des compensations. Madame la ministre, toute la communauté est inquiète à ce sujet !
J’en viens maintenant aux ordonnances portant sur des secteurs relevant des compétences de notre commission, à savoir l’agriculture et le spatial.
Nous avons retenu une ligne de conduite : là où les marges de manœuvre du législateur sont limitées par des textes ou des jurisprudences, et dans la mesure où il s’agit de sujets techniques, nous n’avons rien trouvé à y redire.
En revanche, lorsqu’il s’agit de sujets importants, dont nous estimons qu’ils méritent un vrai débat parlementaire, nous avons proposé la suppression des habilitations à légiférer par ordonnance.
C’est le cas pour deux de ces habilitations, qui donnent de véritables blancs-seings au Gouvernement. Il s’agit des ordonnances relatives, d’une part, à la redéfinition des procédures d’édiction d’avis relatifs aux biotechnologies, et, d’autre part, à la refonte de la loi relative aux opérations spatiales de 2008.
En conclusion, la commission des affaires économiques considère que ce projet de loi va dans le bon sens, mais qu’il mérite d’être musclé, ce qui a été fait par nos trois commissions. Je souhaite d’ailleurs remercier de nouveau Mme la rapporteure de la commission de la culture de son écoute et de la qualité de son travail, ainsi que M. le rapporteur pour avis de la commission des finances de l’éclairage financier qu’il a su donner sur ce texte. Je remercie également l’ensemble des membres des trois commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir repoussé à plusieurs reprises sa présentation, le Gouvernement a finalement déposé le 22 juillet dernier un projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030.
Vous l’avez rappelé, madame la ministre : il s’agit de donner de la visibilité aux acteurs de la recherche, en dessinant une trajectoire à même de porter nos dépenses de recherche à 3 % du PIB à l’horizon 2030.
En effet, notre pays est confronté à un risque bien réel de décrochage par rapport aux autres pays qui sont à la pointe de la recherche. Tandis que nos principaux concurrents consacrent une part croissante de leur richesse nationale à cet effort, nos dépenses publiques de recherche stagnent depuis une dizaine d’années, avec une croissance en volume de l’ordre de 1,3 % entre 2008 et 2018. La dépense de recherche des administrations a même reculé de 2,2 % entre 2015 et 2018…
Faisons-nous encore partie des grands pays de la recherche ? Il me semble que oui. Pourrons-nous en dire de même dans dix ans ? Si nous ne nous décidons pas à inverser la tendance et à investir massivement dès aujourd’hui dans notre recherche, rien n’est moins sûr.
Vous l’avez compris, madame la ministre : un sursaut est nécessaire ; tel est l’objet du présent texte.
J’en partage, dans les grandes lignes, les orientations.
Il s’agit, en premier lieu, de revaloriser les métiers de la recherche, pour attirer les plus grands talents, mais surtout pour retenir nos chercheurs les plus prometteurs. À cet égard, l’exemple récent d’Emmanuelle Charpentier, lauréate française du prix Nobel de chimie 2020 ayant effectué l’intégralité de ses travaux à l’étranger, illustre tristement la fuite des cerveaux à laquelle nous sommes confrontés.
Le projet de loi prévoit également d’augmenter de 1 milliard d’euros les moyens de l’Agence nationale de la recherche, afin de doubler le taux de succès des appels à projets à l’horizon 2027. En tant que rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » au sein de la commission des finances, je plaide depuis trois ans – vous le savez, madame la ministre – pour cette hausse de crédits ; je ne peux donc que m’en féliciter.
Si le renflouement de l’ANR était donc indispensable, il ne doit pas avoir pour corollaire une attrition des moyens récurrents dont disposent les laboratoires. Il doit également s’accompagner d’une simplification des procédures, afin de faciliter le quotidien de nos chercheurs, qui sont trop souvent confrontés à de véritables parcours du combattant quand ils candidatent auprès des différentes agences.
Pour conclure sur les grandes orientations de ce texte, je regrette que certains pans de la politique de recherche soient passés sous silence. Je pense notamment au devenir du crédit d’impôt recherche, à l’articulation avec les échelons infranationaux et supranationaux, ou encore à la participation française aux appels à projets européens.
J’en viens maintenant à la programmation budgétaire. Si je partage les grandes orientations définies par le Gouvernement, je suis en revanche nettement plus dubitatif quant à la traduction budgétaire de ces orientations.
En effet, sur le papier, si j’ose dire, la trajectoire pourrait à première vue paraître satisfaisante. Mais, en réalité, madame la ministre, certains de vos choix programmatiques jettent un doute sérieux sur la crédibilité et la sincérité de cette trajectoire.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait.
M. Jean-François Rapin, rapporteur pour avis. En premier lieu, j’attire votre attention sur le fait que la programmation ne tient pas compte des effets de l’inflation. Vous soutenez que la trajectoire prévue va se traduire par une augmentation de 5 milliards d’euros du budget annuel de la recherche à l’horizon 2030. Mais, en euros constants, c’est-à-dire une fois neutralisés les effets de l’inflation, cette hausse ne représente plus que 1 milliard d’euros, soit cinq fois moins que ce que le Gouvernement annonce !
Je tiens donc à lever toute ambiguïté : en cumulé sur la période 2021-2030, la recherche publique ne bénéficiera pas de 25 milliards d’euros, mais de 7,2 milliards d’euros supplémentaires, c’est-à-dire un quart de l’effort annoncé !
Je suis bien conscient de l’imprévisibilité qui caractérise la conjoncture économique actuelle ; cependant, j’estime que les projections réalisées mettent en lumière le caractère très incertain de la trajectoire que vous nous présentez aujourd’hui.
De toute évidence, madame la ministre, il vous faut admettre que cette trajectoire ne permettra pas de porter les dépenses de recherche des administrations à 1 % du PIB – c’est impossible. En réalité, elle se bornera à stabiliser la part des dépenses de recherche dans le PIB.
Dans ce contexte et à la lumière de ces éléments, le choix d’une programmation sur dix ans me paraît particulièrement inapproprié, car nuisant à la crédibilité de la trajectoire. Qui plus est, ce choix se traduit par des marches annuelles trop faibles pour provoquer le sursaut dont notre pays a besoin.
Par conséquent, notre commission a présenté, conjointement avec les commissions de la culture et des affaires économiques, un amendement visant à ramener la durée de cette trajectoire à sept ans, afin de concentrer l’effort budgétaire sur les deux prochaines années.
Madame la ministre, je suis conscient des contraintes budgétaires actuelles. J’estime néanmoins que les deux premières années de la programmation seront essentielles pour notre recherche, et qu’il faut à tout prix prévoir une accélération considérable de cette trajectoire. Dans ce contexte, je serais favorable à ce qu’une part supplémentaire des crédits dédiés à la relance vienne abonder la loi de programmation.
Je reprendrai à mon compte, pour conclure, une phrase de Marie Curie : « Rien n’est à craindre, tout est à comprendre. » Je ne crains pas votre loi de programmation de la recherche, madame la ministre ; j’aimerais simplement en comprendre les tenants et les aboutissants financiers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Brulin, MM. Ouzoulias, Bacchi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 63.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant sur diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (n° 52, 2020-2021).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour la motion.
Mme Céline Brulin. « Un effort historique » : c’est par ces mots que le Président de la République et vous-même, madame la ministre, avez présenté ce projet de loi pour la recherche. Et il faudrait bien cela – c’est le moins que l’on puisse dire.
Mais on en est loin ! Les montants financiers affichés sont insatisfaisants ; ils frisent même l’insincérité – nos différents rapporteurs viennent de le montrer de manière tout à fait convaincante – puisque, exprimée en euros courants, votre programmation ne prend pas en compte l’inflation. La hausse annuelle ne correspond en définitive qu’à 1 milliard d’euros sur les 5 milliards annoncés au terme de cette programmation, c’est-à-dire en 2030.
Et nombre de nos collègues dénoncent à raison des effets d’annonces dépourvus de toute prise avec la réalité de la recherche et de l’enseignement supérieur.
La chambre haute, réputée pour sa sagesse, préconise d’ailleurs quasi unanimement de ramener la durée d’engagement de dix à sept ans, d’une part, parce que cela serait plus conforme aux autres programmations, d’autre part, parce qu’il y a, là encore, une forme de malhonnêteté intellectuelle à faire supporter par les majorités à venir l’essentiel de l’effort budgétaire, tout particulièrement dans le contexte que nous connaissons actuellement.
Au contraire, parce que les retards pris confinent au décrochage, il est nécessaire d’enclencher dès maintenant une trajectoire volontariste et ambitieuse, un « choc », comme on dit maintenant, pour que les investissements de la France dans sa politique de recherche atteignent 3 % de son PIB.
Car le désengagement a des conséquences bien réelles sur le quotidien de celles et ceux qui font vivre la recherche dans notre pays, mais aussi sur les capacités de notre pays et de notre société à se hisser au niveau des enjeux de notre époque.
Depuis des années, les chercheurs alertent sur les initiatives nationales et internationales auxquelles ils doivent renoncer, malgré l’intérêt et l’apport scientifiques de celles-ci. Ils alertent sur le sous-financement chronique de leurs travaux et l’impossibilité, parfois, de les poursuivre.
Je ne citerai pas de nouveau les mots forts tenus par la nouvelle lauréate du prix Nobel, Emmanuelle Charpentier, Mme la rapporteure l’ayant déjà et très bien fait.
Comment comprendre que David Veesler ait finalement fait le choix de partir pour Washington afin de poursuivre ses travaux sur les maladies infectieuses et les coronavirus ?
Mes chers collègues, les chercheurs l’ont dit durant les auditions, à l’instar de Christophe d’Enfert : ils manquent de moyens et de visibilité, et sont contraints de se disperser dans des procédures longues et peu productives pour obtenir des financements souvent insuffisants.
C’est à cette réalité que ne s’attaque pas cette loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). À cet égard, le projet de loi de finances pour 2021, également examiné en ce moment même, montre la fragilité des promesses financières. Ainsi, les dépenses d’investissement devraient baisser cette année de près de 17 %.
Quant à la désignation du directeur du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), qui s’est déroulée dans les conditions que l’on sait, elle montre que tout est fait à l’envers.
Cela a été dit ici même et en commission, dans ce projet de loi le recours aux ordonnances est beaucoup trop important, et ce pour des sujets pourtant loin d’être anodins, tandis que nul caractère d’urgence ne justifie que le Parlement, et à travers lui la représentation nationale, soit ainsi écarté. Il est en effet question de la recherche sur les OGM, de la recherche spatiale ou encore de l’intégration des licences professionnelles dans Parcoursup, autant de sujets qui suscitent objectivement le débat. Un débat qu’il faut mener démocratiquement et au grand jour.
Dans le contexte sanitaire actuel, à quelques heures de nouvelles annonces qui impacteront profondément la vie sociale de nos concitoyens, l’économie de la France et même notre démocratie, le rôle de la recherche n’aura jamais été aussi crucial.
Je pense bien entendu à la recherche publique, pour laquelle l’État n’assume pas son rôle. Le projet de loi de finances en discussion à l’Assemblée nationale est édifiant de ce point de vue.
En pleine crise sanitaire, alors même que les enjeux de transition écologique sont si forts, la recherche en santé et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) bénéficient d’un investissement plus faible que l’inflation…
Je pourrais aussi citer l’exemple de l’équipe du virologue Bruno Canard. Depuis combien d’années les travaux lancés par cette équipe sur les coronavirus sont-ils bloqués par l’absence d’un cryo-microscope électronique ? Le microscope dont ils disposent actuellement n’est pas adapté à la nature des recherches en cours, faute d’une résolution suffisante.
Oui, la période que nous traversons nécessite un traitement de choc en matière de recherche. C’est également vrai en matière de recherche privée.
Reconquérir une industrie digne de ce nom en France, relocaliser des productions, retrouver notre souveraineté dans des domaines stratégiques, cela implique d’impulser, voire de se contraindre à un plus grand effort aussi en matière de recherche privée.
Comment accepter, par exemple, que telle industrie pétrochimique abandonne une unité de recherche travaillant sur le caoutchouc, laquelle était en mesure d’inventer les matériaux de demain permettant d’alléger le poids des véhicules, quand, parallèlement, la puissance publique décide de pénaliser financièrement les modèles les plus lourds afin de diminuer la pollution ?
Comment se résigner au plan social en cours chez Boiron, que la direction du groupe justifie par le déremboursement progressif de l’homéopathie, alors qu’il y aurait besoin de rapatrier des productions pharmaceutiques dans notre pays ?
Chacun de ces exemples – on pourrait en citer d’autres – montre que les renoncements du secteur privé en matière de recherche sont en cause. Ces renoncements sont d’autant plus importants que la puissance publique délaisse elle-même son propre rôle.
Une nouvelle fois, la question du crédit d’impôt recherche est posée, et vous ne serez pas surpris que nous y revenions.
Sans chercheurs, il n’y a pas de recherche. À ce titre, la baisse constante du nombre de doctorants ne peut que nous inquiéter.
De la même manière, l’appui administratif fait aujourd’hui fortement défaut aux équipes de recherche, notamment dans le cadre des recherches de financement. Là encore, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une baisse des dépenses de personnel de plus de 12 %.
Le Conseil d’État et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ont parfaitement illustré la chose. En multipliant la création des contrats précaires, de chaires de professeur junior en CDI de mission, en passant par le contrat doctoral privé, vous optez pour une recherche de court terme et non pour des programmes ambitieux. Et vous ignorez totalement, au passage, la Cour des comptes, qui pointait la surreprésentation des contractuels au sein de votre ministère.
En matière de personnels, vous avez renvoyé aux universités, et ce à plusieurs reprises, la responsabilité des postes non pourvus, malgré des plafonds d’emplois relevés depuis 2018. C’est oublier un peu vite que, si les universités utilisent allègrement le mécanisme de « fongibilité asymétrique », c’est pour faire face au sous-financement chronique des établissements et compenser, notamment, le renoncement de l’État à financer le glissement vieillesse technicité (GVT).
Et que dire de la rémunération de nos chercheurs, moins payés que chez nos voisins ? Un protocole d’accord sur les rémunérations et les carrières vient d’être signé, mais les crédits qui devraient permettre sa concrétisation ne sont inscrits nulle part…
Je conclurai mon propos sur le fonctionnement de l’Agence nationale de la recherche. Cette dernière, malmenée par des baisses récurrentes de crédits, reste encore largement contre-productive. Malgré votre volonté d’en améliorer le fonctionnement, nous doutons que l’outil soit véritablement pertinent.
En effet, cette agence participe pleinement à l’écosystème de l’enseignement supérieur concurrentiel et tourné vers le classement de Shanghai. Or, comme on le voit avec les initiatives d’excellence (IDEX) et le programme d’investissements d’avenir (PIA), notamment, cette stratégie de pôles d’excellence dévoie le modèle de service public national d’enseignement supérieur.
Je m’inquiète à ce titre de la survie, à moyen terme, des universités de taille plus réduite. On constate d’ores et déjà la concentration des financements d’avenir dans les métropoles et de grandes inégalités de financement entre domaines d’études, au détriment notamment des sciences humaines et sociales.
Pourtant, c’est bien ce modèle concurrentiel que le projet de loi alimente et poursuit. Beaucoup d’entre vous en êtes conscients, mes chers collègues, comme en témoignent les nombreuses réactions sur la nécessité de prendre en compte les enjeux d’aménagement du territoire, eux aussi trop absents de ce projet de loi de programmation.
Ce texte suscite, depuis sa parution, de nombreuses oppositions de la part d’enseignants, de chercheurs, de maîtres de conférences. Vous l’avez sûrement constaté, mes chers collègues, au vu de la vague de méls que vous avez reçus.
Adoption de motions lors d’assemblées générales d’unités de recherche ou du Comité national de la recherche scientifique, 814 directeurs de laboratoire prêts à démissionner de leurs responsabilités administratives, avis plus que réservé du CESE, du Conseil d’État, du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), je n’en jette pas davantage. Écoutons les premiers concernés par ce texte : ils nous disent, unanimement, leur profond désaccord quant à l’avenir proposé pour notre recherche.
Par cette motion, nous vous proposons de suivre l’avis de tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, en indiquant que ce projet de loi est au mieux insuffisant et au pire délétère. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, contre la motion.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans un ouvrage remarquable de concision et de précision paru voilà vingt ans, intitulé Richesse et pauvreté des nations, l’historien anglophone David S. Landes avait remarquablement démontré – il n’était certes pas le premier – l’existence d’un lien quasi automatique entre l’innovation et la prospérité. (M. David Assouline s’exclame.)
Les nations qui ont dominé leur temps et leur monde ont presque toujours été celles qui ont maîtrisé la modernité, la technicité.
« Celui qui voit loin va loin », dit un vieux dicton picard. Aussi, nous le savons tous, la recherche doit être une priorité. Elle l’est souvent dans les discours, elle doit le devenir dans les actes. Ce projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 en donne l’occasion.
Dans sa motion tendant à opposer la question préalable, notre collègue Céline Brulin dénonce une « profonde inadéquation entre les ambitions nécessaires et l’insincérité manifeste du contenu de la loi de programmation ». À juste titre.
Les travaux de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, saisie au fond, ainsi que des deux commissions, celles des affaires économiques et des finances, saisies pour avis, ont effectivement pointé un effort budgétaire insuffisant et une trajectoire peu crédible de ce projet de loi, malgré les effets d’annonce du Gouvernement.
La trajectoire budgétaire prévue initialement s’étendait sur dix ans pour atteindre, à terme, un supplément annuel de 5 milliards d’euros, mais nos rapporteurs ont relevé qu’elle ne tenait pas compte de l’inflation. La commission des finances – je salue la brillante démonstration de mon ami nordiste Jean-François Rapin – a établi qu’en euros constants, c’est-à-dire une fois neutralisés les effets de l’inflation, la hausse prévue à l’horizon 2030 par la loi de programmation serait environ quatre à cinq fois inférieure à ce qui était annoncé. Cela revenait seulement à stabiliser la part des dépenses de recherche dans le PIB.
Par ailleurs, il n’y a jamais eu précédemment de trajectoire fixée sur dix ans. Cette durée inhabituellement longue, comme l’a souligné le Conseil d’État, l’exposait à des aléas aussi bien politiques qu’économiques, et faisait reposer la plus grande part de l’effort budgétaire sur l’après-quinquennat.
Le tour de passe-passe est très grossier ! Céline Brulin a parlé de « malhonnêteté intellectuelle » ; je n’irai pas aussi loin, mais tout de même…
Dans ces conditions, l’effort budgétaire proposé ne pouvait permettre d’atteindre l’objectif de Lisbonne de 1 % du PIB en faveur de la recherche publique, ce qui a été confirmé par les projections des plus grandes instances scientifiques de ce pays.
Notre groupe partage donc le constat figurant dans la motion sur le manque de crédibilité de la programmation proposée par le Gouvernement.
Cependant, ce n’est pas ce texte que nous examinons aujourd’hui.
La commission de la culture, ainsi que les deux commissions saisies pour avis, ont modifié la trajectoire budgétaire prévue. Elles ont limité sa durée à sept ans et concentré l’effort sur les premières années.
Ainsi, elles ont prévu pour 2021 et 2022 des marches successives de 1,1 milliard d’euros à destination des programmes de recherche, soit un abondement de 3,3 milliards d’euros sur deux ans. Le projet initial prévoyait, quant à lui, une hausse moyenne de 450 millions d’euros sur les deux premières années.
Ce coup d’accélérateur est indispensable : nous sommes passés en matière de recherche et développement de la quatrième à la douzième place des pays de l’OCDE entre le début des années 1990 et aujourd’hui. Nous ne saurions en être fiers !
Notre effort public de recherche est passé, dans le même temps, de près de 1 % du PIB à moins de 0,8 %. Or de nombreux pays européens ont déjà atteint l’objectif de Lisbonne. La bataille économique se joue, aujourd’hui plus que jamais, sur le terrain scientifique et technologique. Faire de la recherche l’une des variables d’ajustement budgétaire est un non-sens, et même une faute politique !
Le texte issu des travaux de nos commissions renoue donc avec l’ambition légitime qu’aurait dû avoir ce projet de loi. Tout d’abord sur le plan financier, comme je viens de l’indiquer, mais également par diverses dispositions visant à améliorer notre système de recherche. Car, si ce texte est dépourvu de grandes mesures structurelles, il aborde des questions concernant directement les chercheurs et les enseignants-chercheurs, telles que leur recrutement, le fonctionnement des organismes de recherche ou les relations avec le secteur privé.
Sur chacun de ces thèmes, la commission de la culture, dont la position était très attendue par la communauté scientifique – nous avons en effet tous reçu un nombre impressionnant de méls –, a proposé diverses avancées par rapport au texte initial. Je tiens, à cet égard, à saluer notre rapporteure Laure Darcos de la qualité de son travail, son écoute constante et son enthousiasme souriant.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Olivier Paccaud. La commission s’est attachée à apporter davantage de protection aux doctorants et postdoctorants, afin que les nouveaux contrats créés par le projet de loi soient réellement attractifs – on peut toujours faire mieux, il est vrai…
Elle a amélioré la situation des chercheuses – je fais ici un clin d’œil à mon ami Stéphane Piednoir –, consolidé l’évaluation de la recherche, introduit un volet territorial afin que nos collectivités puissent être associées aux problématiques de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce sont des enjeux importants, et seule la poursuite de l’examen de ce projet de loi permettra leur concrétisation.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de rejeter le texte insuffisant, inabouti, du Gouvernement. Je ne veux surtout pas être trop critique ou cruel envers vous, madame la ministre, car nous connaissons tous votre attachement à la recherche et votre volonté de bien faire. Vous faites de votre mieux dans le cadre imposé par Bercy, et nous le savons. Il s’agit de consolider le texte issu de nos travaux en prévision d’une lecture commune avec les députés.
Ainsi, parce que ce projet de loi fixe une trajectoire budgétaire plus ambitieuse et encadre des initiatives favorables au développement de la recherche, nous voterons contre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Les auteurs de cette motion relèvent à juste titre les faiblesses du projet de loi : un calendrier d’examen accéléré, une présentation budgétaire difficilement lisible, une trajectoire manquant de sincérité. Cependant, le caractère quelque peu exagéré et sans nuance du constat dressé doit aussi être souligné.
L’engagement budgétaire contenu dans ce projet de loi mérite d’être salué, en ce qu’il rompt avec deux décennies de sous-investissement public chronique dans la recherche. Il constitue en cela un changement de cap important.
La commission a toutefois décidé de ramener la durée de la programmation à sept ans, au lieu des dix ans retenus par le Gouvernement, pour construire une trajectoire budgétaire plus crédible et plus efficace. Ce faisant, il s’agit d’envoyer un signal fort à la communauté de la recherche, en attendant une véritable ambition pour ce secteur.
Il y a donc tout lieu d’entamer la discussion de ce projet de loi ainsi modifié par la commission. Si nous adoptions la motion, en revanche, nous pourrions tous rentrer chez nous et nous confiner. (Sourires.)
J’émets donc un avis défavorable sur la motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Notre groupe ne votera pas cette motion tendant à opposer la question préalable, non parce que nous ne partageons pas son contenu – bien au contraire, comme vous le verrez lors de la discussion générale et au travers de nos différents amendements ! Mais sur ce sujet majeur de la recherche, notre commission a beaucoup travaillé, et nous voulons faire évoluer et progresser ce texte. Nous avons besoin d’un débat et il nous faut interroger la ministre afin qu’elle nous éclaire sur les amendements.
Pour ces raisons, je le répète, nous ne voterons pas cette motion, tout en partageant l’essentiel de son contenu.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, nous devrions avoir un débat plein de souffle et d’ambition, qui mobilise la Nation, l’opinion publique et les forces vives du pays. Qu’y a-t-il en effet de plus important aujourd’hui que de préparer l’avenir et de rattraper le niveau d’excellence de la recherche française, qui s’est dégradé depuis des années ? Nous en avons d’autant plus besoin que, dans la période actuelle, le doute scientifique et l’appétence à développer les connaissances et le savoir sont souvent bafoués par celles et ceux qui privilégient l’obscurantisme, ou bien croient que c’est par le retour en arrière que l’on pourra assurer l’avenir de notre société et du monde.
Nous en avons besoin pour le rayonnement de la France : pas simplement pour son rayonnement économique, même si c’est très important, mais aussi pour notre capacité d’innovation. Tous les orateurs ont expliqué que la France avait reculé dans le classement mondial en termes de compétences scientifiques, de publications et d’investissements collectifs dans les domaines de la recherche et de l’innovation.
Nous pourrions nous dire que ce texte représente une petite avancée. Or on ne peut soutenir cette thèse, pour deux raisons.
Premièrement, l’étroitesse du champ de ce projet de loi de programmation nous empêche d’obtenir la bonne articulation, pourtant indispensable, entre la recherche publique et la recherche privée, entre la recherche fondamentale et l’innovation.
Elle empêche aussi, au sein même de la recherche, la bonne articulation avec les universités, le secteur spatial, le secteur agronomique et agricole, avec l’entièreté de ce qui permet une vision à long terme du rôle de la recherche.
Deuxièmement, on pourrait considérer que le texte améliorera au moins la situation des chercheurs… Mais voilà qui est typique de ce gouvernement, et il n’est hélas ! pas le seul : il nous a parlé de l’hôpital, sans tenir compte de l’alerte lancée par les médecins, les personnels hospitaliers, les infirmières, car ils étaient tous « nuls » et les hauts technocrates savaient mieux qu’eux ce qu’il fallait faire… On voit où l’on en est !
Des réformes de l’école ont été faites contre le corps enseignant, lequel était « corporatiste et n’avait rien compris »,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et il nous dit aujourd’hui qu’il faut soutenir le corps enseignant !
De la même manière, vous êtes en train de faire une réforme sur la recherche contre les chercheurs. C’est un drame pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Mon groupe votera évidemment contre cette motion.
Dans sa structure et son ambition, ce projet de loi de programmation est inédit. Il y a déjà eu des lois sur la recherche, mais, pour la première fois, nous avons un texte qui couvre une longue période tout en étant précis sur les financements.
Par ailleurs, du point de vue de son contenu, le projet de loi prévoit des avancées en termes d’amélioration des carrières, d’attractivité de la recherche, de simplification des mesures et de rénovation des outils de financement. Tous ces éléments méritent un débat.
Des questions se posent sur la façon d’articuler la recherche publique avec le secteur privé, sur les choix en termes de carrière. Celles et ceux qui estiment que ce projet de loi va dans le mauvais sens et dessert les chercheurs devraient souhaiter un tel débat.
Ces deux grandes raisons – une loi inédite quant à son ambition et complète dans son contenu – justifient que nous débattions.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires partage le constat qui vient d’être fait par Mme Brulin. Nous préférons toutefois participer au débat, en espérant obtenir des avancées.
Pour cette raison, nous nous abstiendrons.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 101, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin des années 1990, le virologue Hubert Laude, seul spécialiste français des coronavirus, internationalement reconnu, a dû se résoudre à arrêter ses recherches, car son laboratoire du CHU de Caen fermait, faute d’intérêt et de vision prospective quant aux travaux qu’il menait depuis vingt ans.
Outre le caractère amèrement piquant de ce rappel, les conditions des découvertes de l’équipe d’Hubert Laude sont particulièrement instructives. Comme le souligne l’un des membres de son équipe, « tous les résultats ont été obtenus sans financement spécifique, juste avec l’argent de fonctionnement du laboratoire ». Et le virologue de conclure : « La recherche est comme un arbre qui pousse lentement. Il faut du temps. Pendant trois, quatre ans, nous n’avons rien publié. »
Le temps se révèle donc une nécessité, une permanence. Nous le constatons encore aujourd’hui au travers de la recherche d’un vaccin contre la covid-19, et ce malgré les formidables progrès technologiques et les investissements massifs opérés par les États et les laboratoires. Le processus qui conduit à la découverte est bien davantage assimilable au feu qui prend lentement qu’à l’étincelle qui crépite soudainement.
En ce sens, l’exercice de la programmation pluriannuelle sied parfaitement au domaine de la recherche. Les moyen et long termes lui sont constitutifs, et les chercheurs ont besoin de ce temps précieux, de cette visibilité pour avancer sereinement.
Avoir du temps ne signifie en aucun cas avancer lentement. Au contraire, des conditions de recherche apaisées sont un gage de réussite.
C’est sous cet angle que nous aborderons le projet de loi que vous nous soumettez, madame la ministre : offre-t-il des conditions satisfaisantes et ouvre-t-il des perspectives favorables à la recherche de demain ? Disons-le d’emblée, la réponse tend clairement vers la négative. Si nous nous réjouissions d’examiner ce texte tant attendu, étant tout à fait conscients du sous-financement chronique de la recherche depuis des années, nos motifs de satisfaction s’arrêtent ici.
Tout d’abord, un hiatus entre la présentation de l’effort budgétaire qui serait réalisé par l’État sur la période 2021-2030 et la réalité des chiffres est important. Autrement dit, l’écart entre votre communication gouvernementale et les actes concrets pour la recherche est pour le moins étonnant.
Je n’épiloguerai pas, mais cette loi de programmation manque doublement de sincérité et de crédibilité : d’abord, sur les montants déployés, qui ont été présentés avantageusement, mais qui restent – nombre de mes collègues l’ont dit – en deçà des enjeux actuels ; ensuite, sur la période retenue, presque une décennie, durée jugée anormalement longue par le Conseil d’État, mais qui permet de reporter les investissements à plus tard, rendant par là même ceux-ci hypothétiques.
Heureusement, notre commission est revenue, à la quasi-unanimité, à une forme de raison, en raccourcissant la période de programmation, dont le terme est désormais 2027, et en intensifiant l’effort budgétaire sur les premières années afin de répondre aux besoins urgents du monde de la recherche.
Si vous tenez tant à relancer la recherche, comme vous le soutenez, portez réellement cette ambition et acceptez d’endosser maintenant la majeure partie de cet investissement, plutôt que de le renvoyer à un futur incertain ! Au fond, c’est une affaire de crédibilité.
Or cette crédibilité est fortement mise à mal, comme en attestent les pétitions innombrables dont nous avons été destinataires, en provenance de tous les territoires, de toutes les disciplines, de tous les types d’établissements, qu’ils relèvent de l’enseignement supérieur ou de la recherche. La déception et le rejet sont à la mesure de l’attente de la communauté.
À l’image des votes du Cneser – je ne parle pas du vote final –, très majoritairement contre les dispositifs créés par ce projet de loi, des diverses motions votées dans les laboratoires et les universités, la communauté des chercheurs, des enseignants-chercheurs, des vacataires et de l’enseignement supérieur ne vous suit pas.
Votre communauté, madame la ministre, ne vous suit pas dans l’orientation de votre programmation. Avez-vous conscience de l’intensité du rejet que provoque votre texte ?
Ce rejet n’est pas dogmatique ; il est étayé, argumenté. Notre groupe partage deux préoccupations fondamentales largement exprimées par cette communauté : l’accentuation de la précarisation et le déséquilibre de notre modèle de recherche, qui devient trop axé sur la recherche sur projets.
Sur le premier point, nous ne nous opposerons pas, par principe, à tous les contrats nouvellement établis. Le contrat postdoctoral comble un vide juridique et répond à une problématique précise d’inadéquation entre les contrats de travail existants et le recrutement des postdoctorants. Il constitue donc une avancée.
Néanmoins, pour qu’il s’agisse d’une avancée, encore faut-il que cette batterie de contrats soit conforme à votre promesse, qui est aussi la nôtre, de lutter contre la précarité croissante attachée aux contrats des doctorants-chercheurs, et de leur garantir une rémunération à la hauteur du niveau de leur qualification et de leur engagement.
Or c’est précisément à cet endroit que le bât blesse. Pour plusieurs d’entre eux, notamment les contrats doctoraux de droit public et de droit privé, ni durée ni rémunération minimales ne sont garanties ; et s’agissant du CDI de mission scientifique, nous sommes dans un « no man’s land juridique ». Reconnaissez, madame la ministre, qu’en termes de protection des doctorants-chercheurs, nous pouvons faire mieux.
C’est pourquoi, à défaut d’obtenir la suppression de ces contrats attentatoires aux droits des doctorants-chercheurs, nous avions proposé de les encadrer davantage. Mais l’article 40 de la Constitution en a décidé autrement, et nos amendements sur les contrats de droit public – et non de droit privé – ont été jugés irrecevables.
Car l’enjeu est bien celui-ci : comment voulez-vous que notre recherche prospère quand les principaux concernés ont des contrats d’un an et doivent, au bout de six mois, se mettre à chercher un autre poste, une autre mission ? C’est impossible ! La stabilité est une condition sine qua non du succès de notre recherche, pour l’unique et bonne raison invoquée dans mon introduction : le temps en la matière est indispensable. Il s’agit non pas de parti pris, mais simplement de bon sens.
De manière analogue, la précarisation des doctorants chercheurs fait écho à la précarisation de notre modèle de recherche, résultant de la part excessive que représente la recherche sur projets.
Nous ne disons pas qu’il faut mettre fin à la recherche sur projets. Nous estimons simplement qu’il convient de rééquilibrer notre modèle de recherche publique au profit du financement récurrent des laboratoires.
Cette assertion est encore davantage vérifiée par le faible taux de succès des appels à projets de l’ANR ou de ceux qui sont émis aux niveaux européen et international. Au-delà de la perte d’énergie et de sens que représentent des formulaires à remplir, le temps consacré à la recherche diminue mécaniquement. D’ailleurs, rien ne prouve que la mise en concurrence à outrance par le truchement des appels à projets nourrisse véritablement la recherche fondamentale et les innovations de rupture, bien au contraire…
Enfin, j’aimerais aborder un « silence » de ce projet de loi qui, dans une certaine mesure, illustre la vision qui sous-tend cette loi de programmation : il s’agit de l’absence de continuum entre l’enseignement supérieur et la recherche ou, énoncé autrement, de l’absence d’une vision territorialisée de la recherche dans une logique d’aménagement du territoire.
Historiquement, l’enseignement supérieur et la recherche ont fait partie intégrante de la réflexion et du processus d’aménagement des territoires. Or le postulat qui fonde cette loi de programmation, à savoir le déclassement de la recherche et de l’université françaises sur le plan international, accréditerait pour certains la thèse selon laquelle il est impératif d’avoir des établissements de taille critique pour rivaliser au niveau mondial. Dans cette perspective, il s’avérerait pertinent de concentrer l’essentiel des ressources sur quelques établissements.
Cependant, si le fait d’avoir des pôles d’excellence peut être bénéfique, bien sûr, et utile, sûrement, la concentration excessive des moyens sur quelques-uns se révèle pernicieuse à un triple titre.
Premièrement, le rapport entre concentration des moyens dévolus à la recherche et production scientifique n’est pas solidement démontré à ce jour. Il s’agit davantage d’une position théorique que d’un constat ancré.
Deuxièmement, ce modèle tend à effacer les logiques de coopération au seul profit des logiques de compétition, oubliant que la recherche a beaucoup progressé grâce aux activités menées en commun.
Enfin, il ne prend aucunement en considération la problématique de l’organisation spatiale et, partant, celle du développement équilibré et dynamique de nos territoires.
En d’autres termes, ce modèle va à l’encontre du mouvement de décentralisation et d’une attention accrue portée aux territoires. À cet égard, il est révélateur que ce soit notre commission qui ait corrigé cet oubli, en replaçant les collectivités territoriales au cœur du processus.
J’aurais pu me féliciter de l’introduction de la notion d’intégrité scientifique – nous allons en parler – et dénoncer le recours aux ordonnances sur des sujets majeurs. Vous l’aurez compris, madame la ministre, il faudrait un grand miracle pour que nous puissions voter votre loi de programmation. Néanmoins, comme aiment à le raconter certains chercheurs, les découvertes sont parfois le fruit du hasard. Alors, sait-on jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias et Mme Monique de Marco applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « la science n’est pas fille du seul étonnement et du désir de savoir » écrivait Jacques Blamont. Elle dépend aussi de la volonté des autorités et de l’environnement propice des institutions.
Le Gouvernement a pris la mesure du déclin de la France en matière de recherche, et nous saluons cette initiative opportune ; celle-ci arrive après un long silence de près de quinze ans, durant lequel la France n’a bénéficié d’aucune loi de programmation pour la recherche.
La valorisation des rémunérations et la mobilité des carrières sont des facteurs essentiels pour accroître l’attractivité des métiers à l’égard non seulement des talents étrangers, mais également de nos propres talents, de plus en plus tentés de quitter la France pour démarrer leur vie professionnelle dans de meilleures conditions.
Dans de nombreux domaines tels que l’intelligence artificielle, la pénurie de compétences compromet nos perspectives industrielles et représente un handicap compétitif certain face aux champions mondiaux que sont les États-Unis, la Chine ou encore le Royaume-Uni.
La cybersécurité fait aussi face à des pénuries constantes de talents, et nos entreprises, nos collectivités, nos administrations sont touchées de plein fouet par des attaques recrudescentes. Je pourrais également prendre l’exemple de la recherche biologique et médicale, bureaucratisée à l’excès et dévalorisée.
Les meilleurs chercheurs émigrent pour rejoindre Harvard, Princeton ou Dallas, tandis qu’un désert scientifique se dessine peu à peu en France, au gré d’une lente dérive du financement de la recherche.
Nous soutenons le raccourcissement de la durée de la loi de programmation à sept ans, comme l’ont acté conjointement la commission de la culture et la commission des finances. La dernière loi de programmation date de 2006 et n’a jamais été appliquée. La recherche française n’a plus le temps d’attendre.
Nous devons aussi répondre au désarroi de milliers de jeunes chercheurs au déroulement de carrière indigne, privés de reconnaissance. J’aimerais insister sur l’impérieuse nécessité de redonner à la recherche fondamentale des moyens à la hauteur de ses besoins.
Nous devons aussi nous méfier de l’hypercentralisation des infrastructures et des équipes.
Il ne faudrait pas que la réforme du préciput, prévue à l’article 12, renforce les déséquilibres entre les territoires. Dans ce domaine plus que dans tout autre, les logiques de proximité, de mise en réseau et de coopération sont les plus fertiles. Il nous faut reconnaître la valeur des petites équipes, des petites formations, des jeunes chercheurs, qui ont beaucoup à proposer.
La science procède souvent par rupture dogmatique avec les anciens. Elle se nourrit d’audace et d’idées nouvelles. Toute logique de reproduction du cadre dogmatique majoritaire l’étouffe, comme le décrit avec une grande lucidité Alexandre Grothendieck, génie des mathématiques, dans son autobiographie Récoltes et semailles.
Avec une immense générosité, il a soulevé des pans entiers d’une nouvelle connaissance jusque-là invisible, laissant derrière lui une œuvre de 60 000 travaux, aujourd’hui supports d’intenses recherches.
Il suffit parfois d’une personne, d’un regard nouveau posé sur des phénomènes anciens, pour renverser tout ce que nous savons ou croyons savoir. La recherche est avant tout l’art des humbles, de ceux qui n’ont pas peur de l’erreur, pour ne jamais dépendre des anciennes vérités dressées comme des dogmes contre une connaissance sans cesse renouvelée.
François Jacob n’aurait sans doute pas révolutionné la génétique sans l’Institut Pasteur. Un cadre et des moyens sont nécessaires pour permettre aux 300 000 chercheurs de France d’aller au-devant des découvertes, avec toutes les incertitudes, les fulgurances, les reculs, les réveils, la persévérance que demande ce travail de l’ombre.
Nous, sénateurs, députés, ministres, nous ne pouvons que créer les conditions propices à ces découvertes qui feront la France de demain.
M. Julien Bargeton. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce moment de crise sanitaire et climatique nous révèle au grand jour à quel point il est indispensable de donner les moyens nécessaires à la recherche publique. Ce n’est qu’avec des moyens ambitieux que notre pays pourra rester à la pointe de la recherche mondiale et contribuer à répondre à ces enjeux. C’est l’essence même de ce projet de loi qui affiche, du moins en théorie, le souhait de retrouver l’ambition de notre pays pour son système de recherche publique et de mieux accueillir la nouvelle génération de jeunes scientifiques, qui aura vocation à porter l’avenir de la recherche publique française.
La communauté des chercheurs attendait énormément de ce projet de loi. L’enseignement supérieur souffre d’un manque criant d’investissements : l’effort de recherche publique n’a cessé de baisser depuis les années 1990. Alors que le nombre d’étudiants est en constante d’augmentation, de 14 % entre 2010 et 2017, le nombre d’enseignants, lui, est resté constant.
Le personnel de l’enseignement supérieur connaît une forte précarisation : toujours plus de vacataires et de contractuels, toujours moins d’ouvertures de poste de titulaire, toujours moins de perspectives professionnelles pour les jeunes chercheurs. Cette précarisation est également due au manque de revalorisation des salaires des enseignants et des chercheurs, très au-dessous de la moyenne des pays développés.
À cette précarisation s’ajoute l’insécurité permanente des financements, avec une proportion croissante des financements par appels à projets, par rapport aux crédits récurrents, c’est-à-dire les financements pérennes.
Les chercheurs nous alertent en masse sur ce point : les appels à projets sont un bon complément des financements récurrents, mais ne doivent en aucun cas les remplacer.
Aujourd’hui, nous en sommes arrivés au point absurde où nous payons nos meilleurs chercheurs essentiellement pour qu’ils remplissent des demandes de financement et des rapports d’activité.
Aussi, nous aurions espéré un projet ambitieux qui réponde à toutes ces attentes. Malheureusement, le projet de loi, en l’état, ne répond pas aux manques des universités et de la recherche publique française. Mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et moi-même regrettons son manque d’ambition financière, notamment sur les premières années. Malgré l’adoption en commission d’une programmation financière resserrée sur sept ans, le budget reste trop faible. Avec les projections d’inflation, il ne permettra pas d’atteindre l’objectif de la France d’investir un minimum de 3 % de sa richesse nationale dans la recherche. Nous sommes bien loin du minimum vital qui donnerait les moyens d’assurer un fonctionnement digne du service public de l’université.
Pis encore, au lieu de pallier la précarisation que connaissent déjà les personnels de l’enseignement supérieur, ce projet de loi pour la recherche l’accentue avec la création des chaires de professeur junior et des CDI de mission scientifique, mais aussi avec l’absence de revalorisation salariale concrète et d’ouvertures suffisantes de postes.
La philosophie de ce projet de loi est fondamentalement problématique, car il promeut un esprit de compétition entre les universités, notamment en valorisant encore davantage la logique des appels à projets pour l’obtention des financements. Cela a pour conséquence – nous l’avons vu – d’accentuer les inégalités entre structures et entre territoires, de favoriser les grandes universités, de gâcher des talents, de manquer des opportunités, et de plonger les personnels dans l’insécurité et le découragement.
Il n’est donc pas étonnant que ce projet de loi, en complet décalage avec les attentes des acteurs concernés, ait suscité un rejet profond depuis plusieurs mois. Nous soutenons pleinement les revendications portées dans la pétition en faveur d’une autre loi pour la recherche, qui a déjà rassemblé plus de 20 000 signatures.
Ce texte mérite d’être véritablement revu, pour proposer une loi de programmation de la recherche digne de ce nom, qui réponde aux attentes et prévoie des financements à la hauteur des enjeux.
Investir dans la recherche est une décision politique, courageuse, essentielle.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose donc à ce projet de loi en l’état actuel et dénonce son manque d’ambition. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe du RDSE, qui me fait le grand honneur de parler en son nom d’un sujet aussi fondamental que la recherche pour ma première prise de parole dans notre hémicycle.
On peut être le plus vieux groupe parlementaire du Sénat et garder comme priorité l’avenir et les promesses d’amélioration de l’homme et de la société. C’est bien le but ultime de la recherche.
J’en profite pour rendre hommage au sénateur Laffitte qui a présidé notre groupe et que vous avez dû connaître, madame la ministre, à Sophia-Antipolis. Il nous oblige.
La richesse de la France est sa ressource humaine et l’intelligence de ses habitants. L’investissement primordial de notre société doit bien redevenir l’éducation de nos concitoyens et la recherche, qui en est l’aboutissement suprême.
Je découvre que la procédure accélérée a été mise en œuvre pour l’adoption de ce projet de loi, certainement censée appuyer l’urgence qu’il y a à agir pour la recherche et tous ceux qui la font.
Nous mesurons tous le décrochage de la France par rapport aux autres pays de l’OCDE ces dernières années. Plusieurs facteurs en sont responsables : sous-investissement chronique, baisse de l’attractivité des carrières scientifiques, découragement dans les laboratoires, rigidités des outils de gestion des organismes de recherche, insuffisances des passerelles entre le public et le privé.
Les défis sont nombreux et ce projet de loi doit ramener la France parmi les nations leaders en matière d’innovation technologique, et ainsi améliorer sa place dans les classements internationaux.
Pour cela, on nous annonce 25 milliards d’euros de crédits nouveaux sur dix ans, l’objectif étant de parvenir, par effet de levier sur la recherche privée, à la cible de 3 % du PIB à l’horizon 2030, dont 1 % de financement public. Cela passe par une importante mobilisation et de fortes synergies entre public et privé.
Notre groupe salue cette trajectoire ambitieuse, dans un cadre budgétaire contraint. Cette loi donne à la communauté scientifique une perspective sur le long terme, afin d’assurer aux équipes de recherche des niveaux de crédits et de moyens humains sur un temps plus long, qui correspond davantage au temps de la recherche que celui d’un exercice budgétaire.
Cependant, si dix ans peuvent donner une impression, ou une illusion, de pérennité, sept années seulement permettent d’allier besoin de sécurité et réalisme budgétaire.
La visibilité ainsi donnée à nos universités et à nos organismes de recherche doit permettre de lutter contre la fuite des cerveaux. Si la recherche est universelle et les échanges internationaux profitables, trop nombreux sont les départs définitifs de nos plus brillants talents qui s’expatrient aux États-Unis ou en Allemagne – vous avez cité, madame la ministre, le cas d’Emmanuelle Charpentier – après avoir été formés par notre système éducatif, mais qui ne peuvent participer au rayonnement de la France par manque de moyens.
Nous nous inscrivons dans un temps suffisamment long avec des enjeux essentiels. Nous devons réussir plusieurs grandes transitions : celle de l’écologie, celle du numérique.
Le monde de la recherche sera un acteur décisif pour faire face aux enjeux primordiaux dans les domaines des énergies propres ou de l’intelligence artificielle, aux côtés des enjeux sanitaires et alimentaires.
Cette loi doit aussi concilier protection des chercheurs et souplesse en faveur des organismes de recherche.
Enfin, elle procède à une revalorisation salariale des métiers de la recherche en imposant un seuil de deux SMIC pour l’embauche des jeunes chercheurs.
Notre groupe est sensible à l’attention portée à l’attractivité des carrières scientifiques, alors que le nombre de doctorants est à la baisse. Beaucoup reste à faire pour sensibiliser nos plus jeunes, et particulièrement les jeunes filles, aux carrières scientifiques.
Le projet de loi crée deux nouveaux dispositifs – la chaire de professeur junior et le contrat postdoctoral –, qui doivent permettre d’accroître l’attractivité et de favoriser les synergies entre privé et public. Ce peut être un levier important de souplesse des outils de gestion des ressources humaines pour les organismes de recherche, qui pourront mieux s’adapter aux contraintes des projets de recherche.
Ainsi, 1 400 chaires de professeur junior pourront être créées, dans des domaines nouvellement explorés.
L’Assemblée nationale a réduit de 25 % à 20 % la limite des recrutements autorisés pour ces chaires. Je ne pense pas que le Sénat doit se sentir obligé d’aller plus loin en réduisant encore cette limite. Cette innovation nous offre une chance de faire des recrutements atypiques dont la recherche a aussi besoin.
Originaire du Beaujolais, à côté de la maison natale de Claude Bernard, je suis forcément influencé par cet immense savant devenu professeur au Collège de France, malgré son échec au baccalauréat.
Ce texte prévoit enfin de lutter contre la complexité des procédures et de donner un nouveau souffle à la coordination entre universités, organismes de recherche publics et privés, et monde de l’entreprise. Car s’il est un domaine où nous excellons en France et dans lequel il faut cesser toute recherche, c’est bien celui de la complexité administrative, domaine dans lequel nous avons déjà tout trouvé !
J’espère que ce projet de loi permettra à la politique publique de la recherche de se doter d’une orientation claire et ambitieuse en faveur de notre communauté scientifique et d’associer les collectivités territoriales pour favoriser ces espaces de brassage intellectuel indispensables à l’émergence de nouvelles connaissances. Tel est l’esprit qui sous-tend nos contributions pour enrichir ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, il existe un lien étroit et fort entre notre République et la recherche. Souvenons-nous des nombreux savants qui ont participé à la Révolution française, animés par une vision universaliste : l’Assemblée constituante décréta en effet trois jours de deuil national à la mort de Benjamin Franklin, lequel avait des liens particuliers avec notre pays.
Sous la IIIe République, beaucoup d’élus venaient du monde scientifique ou de la recherche, avec in fine la création du CNRS.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, sous la IVe République, ont été lancés de grands programmes de recherche.
Il ne faut pas oublier non plus le général de Gaulle, qui a lancé des programmes de recherche, ce qui a aussi fait la grandeur de la France.
Enfin, il faut citer Jean-Pierre Chevènement, qui fut reconnu comme un grand ministre de la recherche, avant de partir vers d’autres horizons.
Ainsi le lien entre la recherche et la République est-il très étroit. Néanmoins, nous notons tous le décrochage qui existe depuis deux décennies, notamment marqué par la baisse de la part du PIB consacrée à l’effort de recherche – cet indicateur est le plus utilisé, mais on pourrait en trouver d’autres. Nous nous souvenons de cet âge d’or qu’a constitué le début du XXe siècle, lorsque huit des onze prix Nobel décernés entre 1901 et 1920 étaient français.
En contrepoint de ces moments forts de notre histoire, on évoque le cas d’Emmanuelle Charpentier, une illustration de ce paradoxe qui conduit nos talents, malgré l’excellence de leur formation, à accomplir leur carrière à l’étranger – dans son cas, aux États-Unis, en Suède et en Allemagne. Nous devons inverser ce processus et donner des moyens et des équipes aux chercheurs, dont il faut reconnaître le statut social, le rôle dans la société.
Ce décrochage a des conséquences en termes de souveraineté – toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la souveraineté industrielle et économique de la France savent l’importance de la recherche –, mais également en termes d’innovation. Nous l’avons vu malheureusement dans le cadre de la crise de la covid, qui peut nous conduire à penser que nous avons peut-être là raté une occasion. Pour être plus positif ou optimiste, l’investissement dans les batteries incarne bien à la fois la nécessité d’innover et celle de construire une souveraineté économique européenne à partir, notamment, de la souveraineté française.
Ce projet de loi vise à apporter une solution aux sujets que je viens d’évoquer. Il est rare qu’une loi de programmation aussi ambitieuse concerne la recherche – il y en avait eu une précédemment, mais qui portait sur une durée beaucoup plus courte. La rémunération des enseignants-chercheurs en France est inférieure de 37 % à la moyenne de l’OCDE, et les crédits de l’ANR ont baissé de 40 % entre 2010 et 2015 : voilà ce que nous devons réparer ensemble.
Nous aurons des discussions, notamment, sur la durée de la programmation : dix ou sept ans ? Il me semble qu’une décennie correspond – cela a été dit – à la durée de vie d’un projet de recherche, qui est très long à mettre en œuvre entre le lancement, le travail et les retours parfois tardifs.
Nous discuterons aussi de l’inflation. Soyons honnêtes entre nous : tous les projets de programmation, quel que soit le secteur, ne la prennent jamais en compte, car, même en s’appuyant sur les chiffres de Bercy, il est impossible de dire quelle sera l’inflation dans dix ans, en 2030.
Nous aurons un débat sur la précarisation, que nous connaissons actuellement et que ce texte vise à réduire, car certaines situations sont scandaleuses, ainsi que sur la conception de la recherche, sur son modèle, entre appel à projets et soutien à des structures sur un plus long terme. Ces débats sont intéressants.
Je pense aussi à la liberté académique, qu’il faut réaffirmer et porter, dans le respect des principes et des valeurs de la République. Rappelons qu’il faut enseigner, faire de la recherche, à partir de l’état des savoirs et des connaissances, et non pour divulguer telle ou telle idéologie, quelle qu’elle soit.
Enfin, nous aurons un débat sur les territoires – la commission a fait un travail intéressant – ou sur ce qu’est l’excellence à la française.
Notre groupe aborde ces débats dans un esprit d’ouverture et de franchise, et avec l’envie d’avancer par consensus. Si j’ai relevé les points de débat, j’ai tout de même relevé des points d’accord. Peu de remarques ont ainsi été faites sur l’amélioration des carrières et de la gestion des ressources humaines figurant dans l’un des volets du texte, peut-être parce qu’elle recueille l’assentiment, y compris d’ailleurs de la communauté des chercheurs.
On constate également un accord sur l’idée de corriger la carrière postdoctorale – des exemples ont été cités.
Nous avons la possibilité de trouver une base de consensus, même si quelques éléments restent en discussion, notamment en ce qui concerne les apports de la commission.
Notre groupe approuve un certain nombre de ces apports, et en rejette d’autres. Néanmoins, j’espère que la recherche aura, à la fois, le texte – c’est le cas avec les piliers présentés par Mme la ministre –, le débat et l’issue qu’elle mérite, c’est-à-dire l’accord le plus large possible de la représentation nationale sur ce qui est – l’histoire nous l’a montré – un enjeu fort et majeur pour notre République.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 mars dernier, le Président de la République annonçait pour la recherche un effort budgétaire inédit depuis la période de l’après-guerre. Pourtant, le CESE a émis, à l’unanimité, un avis négatif sur la présente loi de programmation.
Avec la même unanimité, les présidentes et présidents des 46 sections et commissions du Comité national de la recherche scientifique et des dix conseils scientifiques des instituts du CNRS ont déploré que « la programmation financière [de cette loi] ne [soit] pas à la hauteur des défis considérables auxquels notre pays doit faire face ».
Madame la ministre, plus de 22 000 chercheurs et enseignants-chercheurs vous demandent « la suspension du processus législatif ».
Enfin, les organisations syndicales nous ont toutes exprimé leur opposition à ce texte, y compris celles qui ont signé avec votre ministère le protocole d’accord sur les revalorisations.
Pourquoi une telle ingratitude alors qu’une manne, d’une générosité quasi biblique, viendrait secourir et revigorer la recherche publique comme jamais depuis la Libération ?
« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens », disait le cardinal de Retz. Les hyperboles amphigouriques passées, il reste la terrible réalité des chiffres. Notre commission des finances, à la suite d’un travail de déconstruction critique exemplaire, nous le montre : selon les projections réalisées, « sur le périmètre de la loi de programmation […], la trajectoire retenue se borne à stabiliser la part des dépenses de recherche dans le PIB ». Son rapporteur, Jean-François Rapin, dont je salue la qualité du travail, ajoute que « la France ne pourra conserver son rang de grande puissance scientifique qu’au prix d’un effort budgétaire sans précédent ».
Non seulement le gouvernement auquel vous appartenez abandonne l’objectif de porter notre effort de recherche à un niveau équivalent à celui de nos homologues européens, mais, de plus, la présente programmation consacre le renoncement à l’ambition ancienne et toujours réaffirmée d’atteindre le ratio mythique des 3 % du PIB pour la recherche.
Le 7 septembre dernier, sur le campus de l’Université Paris-Saclay, le Premier ministre déclarait : « Je vous mets au défi de trouver une période, depuis 1945, où l’État a décidé volontairement de dégager autant de moyens. » La chose est aisée ! Le 14 février 1959, à Toulouse, le général de Gaulle déclare : « L’État […] a le devoir d’entretenir dans la Nation un climat favorable à la Recherche et à l’Enseignement. » Son gouvernement met en œuvre rapidement cet engagement et le budget du CNRS, qui est de 8 milliards de francs en 1958, est porté à plus de 15 milliards en 1960, soit un quasi-doublement en deux ans.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. Cette distorsion terrible entre les annonces gouvernementales, ainsi que la faiblesse du croît budgétaire porté par ce projet de loi, est vécue par la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche comme une humiliation supplémentaire, car elle vit quotidiennement la lente, mais inexorable dégradation de ses conditions de recherche et d’enseignement.
Je pense tout particulièrement à celles et à ceux sans lesquels tout notre système aurait déjà sombré et dont la seule perspective de carrière est d’enchaîner les contrats jusqu’à la retraite. Sans doute près de la moitié du volume des travaux réalisés dans le cadre du service public de la recherche et de l’enseignement est assurée par ces salariés contractuels. En créant de nouveaux régimes dérogatoires, madame la ministre, votre projet va conforter et accélérer cette précarité.
De l’examen de votre projet de loi il ressort le sentiment qu’il a été conçu par et pour une poignée d’établissements dont les premières places au classement de Shanghai constituent l’unique objectif. Vous nous permettrez de ne pas partager ses critères d’évaluations conçus par le parti communiste chinois (Sourires.) et de continuer de défendre l’idéal républicain d’une science au service de la Nation apprenante, de l’émancipation humaine, de l’exercice de la critique et de la recherche perpétuelle de la vérité comme seule vérité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face aux incommensurables défis que notre monde complexe soumet jour après jour à l’esprit humain, face en particulier aux périls qui nous menacent aujourd’hui, sans recherche, point de salut !
Point de salut économique, puisque seule l’innovation peut nous permettre de survivre dans un monde régi par le numérique et les biotechnologies. Point de salut environnemental non plus pour réussir la transition énergétique.
Nous ne pouvons donc que souscrire à l’objectif de la présente loi de programmation. Il faut augmenter l’effort de recherche de la Nation. Les 3 % du PIB, correspondant à l’engagement de Lisbonne, ne sont pas un fétiche ; ils constituent notre balise.
La présente loi de programmation permettra-t-elle d’atteindre cet objectif ?
C’est là que les choses se compliquent, car on ne peut pas vraiment le savoir. Ce texte est trop ciblé pour nous permettre d’en avoir le cœur net. Il ne porte en effet que sur une partie de l’effort public.
La recherche privée est exclue du champ de cette loi de programmation. C’est un vrai problème pour avoir une vue d’ensemble du dispositif, puisque la recherche privée représente les deux tiers de l’effort de recherche du pays.
C’est sur elle que repose principalement l’objectif des 3 % du PIB, puisqu’elle est censée atteindre 2 % de celui-ci d’ici à 2030.
La recherche privée se fonde pour sa plus grande part sur le crédit d’impôt recherche, le CIR, qui n’est malheureusement pas traité dans le présent texte. Techniquement, le CIR étant un dispositif fiscal, il ne peut être réformé que dans le budget.
Mais il nous manque au moins un schéma d’évolution prospective de son impact sur l’effort de recherche privée. La présente loi est en effet basée sur l’idée qu’un euro de dépense publique pour la recherche engendre deux euros dans le privé.
Qu’est-ce qui garantit que la relation soit à l’avenir si mécanique ?
L’effet de levier paraît d’autant plus hypothétique et compromis que, parallèlement à la loi de programmation pour la recherche, le projet de loi de finances pour 2021 réduit la voilure du CIR.
Dans ces conditions, l’objectif des 3 % n’est-il pas d’emblée inatteignable ?
On ne peut pas prétendre relancer l’effort de recherche sans s’interroger sur le CIR, en particulier sur le décalage entre sa générosité et son impact sur le niveau de recherche privée.
En comptant sur l’effet de levier entre le public et le privé, la LPPR se concentre donc sur la dépense publique, ou plutôt sur la seule dépense publique d’État – et encore, pas totalement. À ce chapitre, je ne peux que renvoyer au rapport de notre collègue Jean-Pierre Moga, en le félicitant au passage de son travail.
La LPPR ne porte pas sur les crédits de toute la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances. Seuls les crédits du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sont concernés.
Exeunt donc les crédits des établissements de recherche rattachés aux ministères de l’économie, de la transition écologique et de l’agriculture. La recherche et développement de la défense ne figure pas non plus dans la trajectoire. Un cinquième des crédits publics d’État sont donc hors LPPR.
Par ailleurs, ni les crédits de recherche des collectivités, ni les crédits européens, ni ceux du plan de relance et du programme d’investissement d’avenir ne sont pris en compte. Nous défendrons un amendement pour qu’ils le soient. Car, en l’état actuel des choses, l’ensemble de l’effort public de recherche n’apparaît pas clairement.
Il était par ailleurs compromis par la longueur de la programmation envisagée par le Gouvernement. Sur dix ans, l’inflation conduit à absorber la quasi-totalité de l’augmentation prévisionnelle des crédits.
Nous nous réjouissons donc que notre commission, sous la houlette de notre excellente rapporteure, Laure Darcos, ait réduit la durée de la programmation à sept ans. L’effort est désormais plus tangible.
Il faut cependant se garder de réduire le débat à l’aspect quantitatif des choses. La répartition des crédits sur le territoire compte aussi. Pour éviter d’accentuer la concentration des crédits, le Gouvernement a choisi de les faire passer par l’Agence nationale de la recherche plutôt que de les allouer directement aux pôles universitaires. Nous comprenons bien la stratégie, mais quelle garantie que cela porte ses fruits ?
Comme vous le savez, madame la ministre, nous avons été destinataires de nombre de remontées de terrain faisant état de la crainte inverse, qui ne semble pas infondée.
En effet, pour répondre à un appel d’offres de l’Agence nationale de la recherche, il est évident que les grands pôles universitaires sont mieux équipés. Pour éviter cet écueil, nous défendrons un amendement imposant à l’Agence nationale de la recherche de prendre en compte la dimension territoriale de la répartition de ces crédits.
Ce n’est pas non plus un texte sur l’université et, là encore, c’est bien dommage, parce qu’il est assez artificiel de séparer les laboratoires de l’ensemble de l’écosystème de l’enseignement supérieur.
L’université doit être réformée, madame la ministre. Elle ne l’a pas été depuis la loi Pécresse de 2008. Il faut, par exemple, briser le tabou de la sélection pour l’entrée en licence.
Cette problématique de l’excellence de l’université est directement liée à celle de la recherche, car une université plus performante est aussi une université qui coûtera moins cher et dont les crédits économisés pourront être affectés aux laboratoires de recherche. C’est une question de philosophie générale, qui traduit à nos yeux l’étroitesse du périmètre de la LPPR.
Sous réserve de ces observations, et compte tenu des modifications apportées au texte en commission, vous l’aurez compris, madame la ministre, le groupe centriste aborde cette discussion sans opposition de principe. Nous espérons juste que certains amendements fermes et courageux seront pris en compte dans les débats qui vont suivre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’occasion est en définitive assez rare, pour un exécutif, de porter une loi de programmation budgétaire. Il y a incontestablement un large consensus pour convenir de la dimension stratégique lorsqu’on évoque les missions de notre défense nationale, mais cela semble beaucoup moins évident lorsqu’on fait référence à notre recherche.
Pourtant, s’il ne fallait prendre que ce seul exemple, la violence de la crise sanitaire que nous traversons, avec son lot de questionnements et d’espoirs scientifiques, renforce, si besoin était, la nécessité d’une recherche à la hauteur des enjeux contemporains.
S’inscrivant dans le temps long, les travaux de nos chercheurs portent en effet l’espoir de répondre à des transformations profondes de notre société, comme la transition énergétique ou l’intelligence artificielle. L’opinion publique en a sans doute une perception partielle et diffuse, alors que c’est fondamental pour notre avenir.
Par ailleurs, le temps de gestation particulièrement long de cette loi de programmation de la recherche n’est sans doute pas étranger à l’intensité des attentes qu’elle suscite ni à l’ampleur des manifestations hostiles à son encontre. Très sincèrement, pour avoir participé aux auditions menées par notre rapporteure Laure Darcos, je dois admettre que la synthèse objective des avis enregistrés relève de la gageure.
J’en profite pour saluer le travail de qualité réalisé par ma collègue rapporteure, dans des conditions très défavorables à un examen parlementaire éclairé, puisqu’elle l’a réalisé dans des délais plus que contraints et en plein renouvellement sénatorial. Je remercie également nos administrateurs de la finesse de leur concours et de l’ampleur de leur disponibilité.
Madame la ministre, mes chers collègues, de nombreux indicateurs font état d’un diagnostic sans appel, que nous partageons de manière unanime : la recherche française décroche. Son sous-financement chronique ne lui permet plus d’espérer figurer dans le peloton de tête des nations qui font avancer la science, et nos meilleurs talents comprennent vite qu’il leur faut quitter le territoire national pour mener à bien leurs travaux. L’itinéraire d’Emmanuelle Charpentier, lauréate cette année du prix Nobel de chimie, est éloquent : après un parcours académique exemplaire, c’est outre-Atlantique qu’elle a trouvé les financements nécessaires à l’éclosion de son talent.
Le deuxième constat est celui d’un décalage entre les annonces du processus de Lisbonne en 2000 et la réalité de l’effort budgétaire réellement consenti, loin de l’objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche. Dans le contexte actuel, on peut cyniquement observer que, à dépenses constantes, la baisse brutale de notre PIB cette année a mécaniquement fait monter ce taux d’effort. Mais là n’est évidemment pas l’objectif de cette LPPR.
Consacrer davantage de moyens à la recherche, mieux armer l’Agence nationale pour que davantage de projets soient validés, donner de réelles perspectives sur le temps long : voilà ce qu’attend l’ensemble de la communauté scientifique.
Madame la ministre, je ne doute pas un seul instant que ce soit également votre volonté, mais je dois d’abord vous faire part de ma déception concernant la présentation formelle de ce plan.
J’ai naïvement tendance à croire que, lorsque les mesures sont sincères, il n’est nul besoin de les gonfler par un quelconque artifice de marketing. Hélas ! l’inhabituelle présentation des dépenses sous forme cumulative, largement pointée par le Conseil d’État, génère d’emblée une suspicion de programmation bodybuildée qui dégonflera rapidement.
De plus, la quasi-concomitance de cette présentation avec les mesures du plan de relance et le début de l’examen du projet de loi de finances ne concourt pas à une extraordinaire lisibilité.
Toutefois, le plus grave est ailleurs, avec la durée exceptionnellement longue de cette programmation. Se projeter dans dix ans, c’est vouloir engager la responsabilité des exécutifs des deux prochains quinquennats. Ce n’est pas sérieux !
La nette concentration des efforts sur les cinq dernières années de ce plan ajoute au discrédit et nuit gravement à l’ambition affichée avec force communication, tout en occultant le renoncement à l’objectif de financement à hauteur de 1 % du PIB de la recherche publique.
Fort judicieusement, notre commission a décidé de revenir à un tempo plus cohérent, en inscrivant le texte dans un horizon de sept ans, ce qui correspond à la durée communément appliquée pour une loi de programmation. Je le dis comme je le pense, conserver cet agenda est un gage indispensable, que le Gouvernement doit collectivement accepter.
Il y a un troisième constat, moins consensuel : la complexité et la rigidité de la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, unique au monde. Avec les chaires de professeur junior (CPJ) et les contrats de mission, vous souhaitez, madame la ministre, ouvrir la voie à de nouveaux profils, comme nous avons pu le découvrir ensemble à Angers lors de votre récente visite ministérielle.
Sur ce point, vous avez courageusement décidé de lever les freins, au risque de vous heurter à une large partie des représentants syndicaux, plus attachés à la défense de statuts que soucieux de se mettre en phase avec le monde qui bouge autour d’eux. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) J’interprète l’accord majoritaire obtenu à l’arraché il y a deux semaines comme la timide adhésion à un modèle modernisé auquel je veux bien croire, mais dont il n’a pas été fait la preuve de son absolue nécessité.
Pour garantir que ces CPJ ne seront pas des voies expresses vers une titularisation à moindre exigence, j’ai fait adopter en commission un amendement pour exiger des futurs lauréats une habilitation à diriger des recherches en plus des garde-fous inscrits dans l’article 3.
Enfin, en tant que rapporteur pour avis de la mission « Recherche et enseignement supérieur », permettez-moi de rappeler que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche sont le premier opérateur public de recherche en France. Tutelle indispensable de nombreux projets, ils bénéficieront de davantage de lisibilité grâce à une meilleure définition du préciput. Mais nous devons aussi veiller à conserver leur visibilité auprès de tous les acteurs de la recherche.
Comme vous tous, je suis convaincu que notre société devrait considérer davantage notre jeunesse, nos étudiants, nos docteurs et nos chercheurs. Il est indispensable pour cela d’investir dès maintenant, et de ne pas remettre à plus tard ce que l’état de notre recherche exige de nous aujourd’hui. C’est, je l’espère vivement, ce que permettra cette LPPR dans sa version remaniée par le Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Julien Bargeton. Mention « assez bien » !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne citerai pas de Gaulle ; Pierre Ouzoulias l’a fait, et de quelle manière !
Il est vrai que, dans le contexte exceptionnel que connaît notre pays, la Haute Assemblée va dépasser le temps présent pour regarder loin, et échanger durant cette semaine sur la recherche, c’est-à-dire l’avenir de notre pays, ardente obligation du plan.
Je veux tout d’abord saluer les rapporteurs, en particulier Laure Darcos, qui, par des apports pertinents et équilibrés, a contribué à donner plus de sens à une loi de programmation insuffisamment systémique et structurante, de son propre aveu, même si elle n’est pas exempte d’avancées et de rattrapages bienvenus.
Tout a été exprimé par nos trois excellents rapporteurs, Laure Darcos, Jean-François Rapin et Jean-Pierre Moga sur l’étalement de cette loi de programmation, qui allait dans sa version initiale au-delà de l’horizon des deux quinquennats que peut constitutionnellement exercer l’actuel chef de l’État.
De manière pertinente, notre commission a ramené la projection à une durée habituelle de sept ans. C’est une bonne chose. Il semblerait d’ailleurs que le message du Sénat ait été entendu, au moins partiellement. Les projections du plan de relance pour les deux prochaines années ainsi qu’un amendement du Gouvernement corrigent, sinon la trajectoire initiale de la LPPR, du moins le péché initial qui était le sien.
Vous annoncez, les suivants paieront : voilà finalement ce que nous avons ressenti à la lecture du texte initial. Vous semblez vouloir corriger le tir, sans vraiment l’avouer ni l’assumer. Nous resterons vigilants.
De même, je veux saluer les efforts de revalorisation des régimes indemnitaires des chercheurs et enseignants-chercheurs, en particulier en début de carrière. Ils permettront de réaligner progressivement les grilles indiciaires sur la moyenne des pays de l’OCDE, ce qui est un minimum pour revaloriser le métier d’enseignant-chercheur et, espérons-le, pour renouer avec une attractivité perdue.
Il était également important de trouver des solutions pour retenir les jeunes talents. Tous ne rêvent pas de carrières à l’ancienneté. Tous ne rêvent pas d’emplois à vie. Tous veulent disposer de contrats et de moyens diversifiés pour mener leurs travaux dans des conditions sécurisées. Je souhaite que les chaires de professeur junior répondent à leurs aspirations.
Je sais et comprends l’attachement de la communauté scientifique aux concours statutaires de recrutement. Pour autant, oui, il faut répondre à des besoins spécifiques des établissements. Oui, il faut offrir à nos jeunes talents des solutions plus satisfaisantes que les montages actuels, peu attractifs et pourvoyeurs de précarité.
Madame la ministre, malgré cette avancée, que je salue de nouveau, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a plusieurs rendez-vous manqués, et tout d’abord celui de la confiance et du consensus avec la communauté scientifique sur un horizon et un avenir ambitieux. Les enjeux de l’avenir auraient pu être davantage partagés. Ce n’est pas le cas.
Rendez-vous manqué, ensuite, pour revaloriser le statut des doctorants et la place du plus haut niveau académique dans notre société et dans l’organisation de notre État.
Faibles rémunérations, faible valorisation, le doctorat demeure dans l’ombre des concours et des diplômes des grandes écoles françaises. Sans revenir sur ces concours, qui participent également à construire la méritocratie républicaine, je crois qu’il nous faut réfléchir aux moyens de mieux les valoriser. Plusieurs amendements du Sénat, cher Stéphane Piednoir, vont en ce sens.
Rendez-vous manqué, également, pour s’interroger sur le rôle de l’université en tant qu’institution majeure du territoire en matière de recherche et d’innovation.
L’approche territoriale me semble une fois de plus avoir été ignorée. Permettez-moi de dire mon étonnement qu’un projet de loi de programmation, dont l’objectif est de replacer la recherche dans une relation ouverte avec la société, fasse aussi peu référence à l’ancrage et à la diffusion de la recherche dans les territoires et au partenariat avec les collectivités locales.
L’effet métropolitain, si décrié, n’est-il pas une nouvelle fois à l’œuvre ? Cette LPPR n’impacterait-elle pas négativement les capacités de recherche, d’innovation et d’enseignement supérieur des villes universitaires non métropolitaines ?
La mise en réseau de la recherche nécessite une approche multiscalaire autrement plus fine. Je crains que la dynamique qui innerve cette LPPR ne se fasse au détriment des équilibres régionaux et territoriaux en matière d’aménagement du territoire.
Rendez-vous manqué, enfin, au moins dans le texte initial, pour réaffirmer les libertés académiques, c’est-à-dire la garantie pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs de mener leurs activités pédagogiques et scientifiques en toute indépendance.
Héritées du Moyen Âge, ces libertés ont construit une université libre dans ses recherches et dans sa parole. Elles sont aujourd’hui mises à l’épreuve par la diffusion d’une conception anglo-saxonne de l’université, empreinte de bien-pensance et d’autocensure.
Je crois que vous êtes sensible à ce sujet, madame la ministre, vous qui aviez assisté à la représentation reprogrammée de la pièce d’Eschyle, Les Suppliantes, en Sorbonne, il y a deux ans, et qui avez livré au quotidien L’Opinion, cette semaine, une tribune attendue sur cette question.
Au-delà de ces atteintes insupportables à la liberté d’expression, la préservation intransigeante des libertés académiques est le gage de l’excellence de la recherche française.
Aussi, je souhaite qu’à l’occasion de l’examen de cette LPPR, nous puissions échanger sur ce sujet important dans les travaux quotidiens des chercheurs, des enseignants et des enseignants-chercheurs. Je sais, madame la rapporteure, que c’est aussi votre souhait.
Je me réjouis par avance des débats que nous aurons et des apports du Sénat sur ce sujet qui touche à la liberté d’expression au cœur même de l’université. Elle en est, historiquement, le berceau et la garante, et nous en mesurons en ces temps troublés la précieuse valeur.
Madame la ministre, mes chers collègues, c’est parce qu’il a été profondément remanié par les apports de nos rapporteurs et de notre commission que le groupe Les Républicains votera cette LPPR. Ce n’est pas un texte majeur, encore moins fondateur, mais il permettra un certain nombre de revalorisations et de rattrapages qui s’inscrivent dans la nécessité de redonner confiance aux chercheurs de ce pays.
Le travail reste long, et nous avons ressenti, à travers les nombreux textes que nous avons reçus, combien l’impatience était grande et combien il était dommage que vous n’ayez pas su, à l’occasion de ce projet de loi, nouer le consensus, le dialogue et la confiance que la communauté scientifique était en droit d’attendre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, cette discussion générale montre, une fois de plus, toutes les améliorations que le Sénat est capable d’apporter à un texte de loi. Nous ne serons pas d’accord sur tout, évidemment, mais il est bien normal que nous puissions débattre.
J’entends une forme d’accusation : les moyens ne seraient finalement pas à la hauteur des ambitions. Je rappelle que nous sommes les premiers à prévoir ces moyens sur les trente dernières années. Entre 2012 et 2017, le programme 172 a augmenté de 50 millions d’euros. En 2021, nous investirons donc cinq fois plus que ce qui a été investi en cinq ans entre 2012 et 2017.
L’OCDE estime que le budget de la recherche en France sur ces dix dernières années a oscillé entre 15 et 16 milliards d’euros. Il atteindra 20 milliards d’euros. Je ne sais pas, au regard de l’inflation, de la déflation ou de l’évolution du PIB, à quoi cela correspondra, mais c’est une progression incontestable, qui a le mérite d’exister. Si l’effet de ces financements supplémentaires est d’affaiblir ou d’appauvrir la recherche, alors je ne comprends plus rien…
Il me semble ensuite très important de maintenir et de renforcer l’attractivité du modèle de recherche à la française. Un point essentiel est notre capacité à donner du temps long à nos chercheurs en les recrutant sur des postes et des emplois pérennes. J’entends vos propos, madame Brulin, sur le fait que nos chercheurs seraient attirés par les États-Unis. Pour autant, je ne souhaite pas que notre pays se dote d’un modèle à l’anglo-saxonne, et je ne crois pas non plus que ce soit votre volonté. (M. Joël Labbé applaudit.) Ou alors, là encore, je ne suis pas sûre de tout comprendre…
Quant au nombre très élevé de contractuels en France, qui a été rapporté, soyons clairs, il tient au fait que nos doctorants ont pour une grande majorité des contrats de travail, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays. Vous le savez aussi bien que moi. Enlevez les contrats de travail des doctorants, et vous verrez que le nombre de contractuels dans l’enseignement supérieur et la recherche en France se situe dans la moyenne des autres pays. Nous devons manier les chiffres avec sincérité.
La dépense intérieure de recherche et développement des administrations (Dirda) comprend évidemment tout le financement public, qu’il provienne du budget, du programme d’investissements d’avenir ou des contrats de plan État-région, et donc, de fait, des collectivités territoriales. Le 1 % du PIB pour la Dirda s’entend de l’ensemble des moyens alloués. Je le reconnais, nous sommes dans une situation particulière, mais c’est aussi une chance pour notre recherche. En plus de ce qui est inscrit dans cette loi de programmation, il faut compter les 6,5 milliards d’euros du plan de relance consacrés à la recherche sur les deux prochaines années.
Le choc que vous appelez de vos vœux, et que vous avez voulu traduire en raccourcissant la durée de la programmation et en augmentant les premières marches, a d’ores et déjà été impulsé avec ces investissements de 6,5 milliards d’euros. Pour vous donner un ordre de grandeur, c’est un programme prioritaire de recherche, c’est-à-dire 30 à 50 millions d’euros pour un grand défi scientifique financé par mois sur les deux prochaines années.
Je dirai enfin un dernier mot sur le rapport Dirda-Dirde (dépense intérieure de recherche et développement des entreprises). Dans tous les pays, lorsque l’on augmente le financement de la recherche publique, on observe qu’il y a deux fois plus d’investissements en R&D privée que l’effort de financement consenti pour la recherche publique.
Là encore, les circonstances sont très particulières d’un point de vue économique, et nous en sommes pleinement conscients. C’est pourquoi 300 millions d’euros du plan de relance seront confiés au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et directement dédiés au soutien de la R&D effectuée en partenariat entre des laboratoires publics et des laboratoires privés. Pour préserver ce lien dans cette période de crise, l’État pourra prendre en charge les salaires des ingénieurs à hauteur de 80 % et offrir des contrats doctoraux et postdoctoraux supplémentaires dans les deux années qui viennent.
En outre, 6,8 milliards d’euros du plan de relance seront consacrés, au travers du programme d’investissements d’avenir, au soutien à la recherche privée, hors plans aéronautique et automobile, qui disposent eux aussi d’un volet de soutien à la R&D.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2027 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur
TITRE Ier
ORIENTATIONS STRATÉGIQUES DE LA RECHERCHE ET PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 118 rectifié bis, présenté par MM. Segouin et Calvet, Mmes Chain-Larché et Deromedi, M. Regnard, Mme Paoli-Gagin, MM. Daubresse, Panunzi, Chevrollier, Lefèvre, Bonne et del Picchia, Mmes Gruny, Raimond-Pavero et F. Gerbaud, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Richer, MM. Bonhomme, Anglars et Belin, Mme Thomas et M. P. Martin, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les libertés académiques sont le gage de l’excellence de la recherche française. La liberté d’expression doit être garantie, en toutes circonstances, au bénéfice des enseignants chercheurs.
La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. Les libertés académiques sont le gage de l’excellence de la recherche et de l’enseignement français. Or leur inscription expresse dans la loi fait défaut et leur rattachement constitutionnel souffre quelques exceptions. C’est la raison pour laquelle il est ici demandé de les inscrire enfin expressément dans la loi.
À un moment particulier où nous voyons la liberté d’expression fondamentalement remise en cause dans notre pays, notamment dans l’enseignement, il serait bon d’adopter de manière consensuelle cet amendement pour réaffirmer notre attachement à ce principe pour tous les enseignants-chercheurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Bien évidemment, cet objectif est pleinement partagé. La portée d’une telle disposition serait toutefois beaucoup plus forte si elle était insérée dans le code de l’éducation, ce qui n’est pas le cas.
Je vous demanderais en conséquence de bien vouloir retirer cet amendement au profit du suivant, que je vais présenter au nom de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. En réalité, la liberté académique est déjà prévue à l’article L. 952-2 du code de l’éducation, qui dispose que « les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité ».
Cet amendement m’apparaissant satisfait, je vous demanderais donc de bien vouloir le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Deux sujets étaient complètement absents de ce projet de loi – les libertés académiques et l’intégrité scientifique – et c’est grâce à un important travail mené de façon consensuelle que le Sénat a pu les insérer dans le débat.
En ce qui concerne cet amendement, je veux signaler, dans le contexte très particulier que nous vivons, la signature, récente, de la déclaration de Bonn sur la liberté de la recherche scientifique. Il me semble, madame la ministre, que la France devra prochainement ratifier ce texte tout à fait fondamental. Pouvez-vous nous le confirmer ? (Mme la ministre le confirme.)
Ce texte entend définir la liberté scientifique comme, je cite, « le droit de définir librement les questions de recherche, de choisir et de développer des théories, de rassembler du matériel empirique et d’employer des méthodes de recherche universitaire solides, de remettre en question la sagesse communément admise et de proposer de nouvelles idées ». Voilà le socle proposé par l’Europe aux libertés académiques.
Je crois qu’il serait très intéressant que nous débattions de la meilleure façon d’introduire cette définition dans ce projet de loi. Cela permettrait d’afficher le consensus qui existe dans cet hémicycle sur la question des libertés académiques.
De ce point de vue, je ne suis pas très enthousiaste par rapport à l’amendement n° 234 de la rapporteure, dont nous allons débattre ensuite ; je le trouve restrictif par rapport à la définition des libertés académiques proposée par Vincent Segouin.
M. le président. Monsieur Segouin, l’amendement n° 118 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Vincent Segouin. Non, je le retire, monsieur le président. Pour autant, je reste étonné, surtout après avoir entendu Mme la ministre, que certains agissements n’aient pas été condamnés – je pense notamment à l’intervention que devait faire Sylviane Agacinski sur la gestation pour autrui.
M. le président. L’amendement n° 118 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 234, présenté par Mme L. Darcos, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 952-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République. »
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laure Darcos, rapporteure. Plusieurs orateurs l’ont dit, la commission a souhaité travailler sur la question des libertés académiques et je sais que mon collègue Ouzoulias aurait préféré que l’on parle de « principes » de la République plutôt que de « valeurs », mais je préfère ce dernier terme, parce qu’il fait d’abord référence à la laïcité.
Les libertés académiques caractérisent la liberté professionnelle réservée aux universitaires et aux chercheurs. Elles sont la condition d’existence de leur métier et par là même la condition d’existence du progrès des connaissances. Elles se déclinent principalement en trois volets : la liberté de recherche, la liberté d’enseignement et la liberté d’expression.
Héritées de la tradition universitaire née au Moyen Âge et de l’esprit des Lumières, les libertés académiques ne sont plus en France à l’abri d’atteintes manifestes. Plusieurs exemples récents le prouvent, qu’il s’agisse de menaces proférées à l’encontre d’enseignants ou de chercheurs participant à des débats, d’intimidations visant le contenu de travaux de recherche, de violences verbales ou physiques perpétrées contre des enseignants.
Le terrible drame survenu à Conflans-Sainte-Honorine montre plus que jamais la nécessité de préserver, au sein de la République, la liberté d’enseigner librement et de former les citoyens de demain.
Dans ce contexte, il paraît indispensable de réaffirmer les libertés académiques et de les conforter dans la loi.
L’indépendance et la liberté d’expression des enseignants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs sont déjà reconnues à l’article L. 952-2 du code de l’éducation, issu de l’article 58 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur, dite « loi Savary ». Aux termes de cet article, « les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité ».
Le présent amendement vise à compléter cet article, en précisant que les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République. Il s’agit d’inscrire dans la loi que ces valeurs, au premier rang desquelles la laïcité, constituent le socle sur lequel reposent les libertés académiques et le cadre dans lequel elles s’expriment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. J’ai moi-même déposé un amendement qui va dans ce sens et je sais que Mme la rapporteure me demandera de le retirer au profit du sien que je soutiens naturellement.
Pierre Ouzoulias le disait, il s’est passé des choses graves à l’université ces dernières années. Je citais la pièce Les Suppliantes d’Eschyle qui devait être jouée à la Sorbonne et qui a dû être reportée. Vincent Segouin parlait de la conférence de Sylviane Agacinski à Bordeaux qui a également dû être reportée. On aurait aussi pu parler de la conférence d’un ancien Président de la République à Lille qui a dû être annulée, des comités d’accueil qui parfois troublent les amphithéâtres ou de la présence de forces de l’ordre à l’intérieur des universités pour éviter des affrontements.
Ces exemples illustrent la réalité des atteintes aux libertés académiques, alors même que depuis le Moyen Âge elles constituent l’un des éléments forts des franchises universitaires et de la capacité pour nos chercheurs et universitaires de s’exprimer, de chercher et d’enseigner en toute liberté. C’est un héritage millénaire important, gage de l’excellence de la recherche française, que la République a su reprendre et que nous devons préserver, chérir et réaffirmer.
L’amendement que j’ai déposé visait à inscrire ce principe dans le code de la recherche, tandis que celui qu’a déposé Mme la rapporteure est centré sur les seules libertés académiques, mais l’un et l’autre sont proches. L’intégrité scientifique est un autre sujet et nous en débattrons plus loin dans nos débats. L’essentiel pour moi est d’affirmer solennellement, que ce soit dans le code de la recherche ou dans celui de l’éducation, que les libertés académiques sont le gage de l’excellence de la recherche dans nos universités.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Lorsque le Parlement débattait du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, j’avais été invité sur un campus pour exprimer mon opposition à ce texte et le président de l’université m’en avait interdit l’accès. Je vous le dis en toute bienveillance et sans aucune volonté polémique, madame la ministre, mais j’aurais aimé que les libertés académiques s’appliquassent aussi au parlementaire que j’étais, ce qui m’aurait permis de m’exprimer, certes contre votre texte. Les libertés académiques doivent aussi bénéficier à vos contradicteurs, madame la ministre – c’est important !
La phrase que vous proposez, madame la rapporteure – « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République » –, me gêne, parce qu’à mon sens il faut inverser le rapport de causalité : ce sont les principes de la République qui fondent nos libertés académiques, non pas l’inverse. Cela aurait davantage de force.
Par ailleurs, vous ne définissez pas les libertés académiques, vous dites qu’elles s’exercent, mais on a du mal à comprendre comment les premiers intéressés, c’est-à-dire les enseignants et les enseignants-chercheurs, peuvent en jouir.
Voilà pourquoi cet amendement me pose des difficultés.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. À l’occasion de l’examen de cet amendement, je voudrais attirer l’attention de notre assemblée sur la question du pluralisme dans l’enseignement supérieur. Il existe des courants de pensée, en France comme à l’étranger, qui ne sont pas représentés institutionnellement. Je vais donner un exemple qui va parler à tout le monde, celui de l’école économique dite « hétérodoxe » : cette école n’est représentée ni au sein du Conseil national des universités ni au CNRS.
Ma remarque n’est pas en lien direct avec la notion de libertés académiques, mais elle soulève la question de la liberté de penser et du pluralisme de la pensée dans l’enseignement supérieur et la recherche. C’est un sujet essentiel et nous y reviendrons un peu plus tard dans nos débats. J’ai d’ailleurs déposé un amendement demandant un rapport au Gouvernement sur ce sujet ; je sais que les demandes de rapport ne sont pas à la mode, mais savoir comment favoriser la liberté de penser dans l’enseignement supérieur et la recherche mérite tout de même une étude approfondie.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Franck Montaugé pose une question tout à fait centrale. Non seulement différents courants de pensée, notamment en matière économique, ne sont pas représentés, mais on assiste à un recul du pluralisme dans un certain nombre d’universités au profit du discours néolibéral dominant. Ce mouvement est évidemment négatif pour les libertés, qui reposent notamment sur le pluralisme des points de vue.
Pour revenir à l’amendement de Mme la rapporteure, je crois qu’au fond Pierre Ouzoulias craint qu’il ne soit qu’une déclaration de principes. Une telle déclaration est toujours utile, mais il faut aussi s’attacher à la question de la mise en œuvre. Le débat parlementaire devra approfondir ce point et trouver une solution.
Plusieurs collègues ont donné des exemples tout à fait pertinents, mais chacun a donné lieu à un clash : des réunions étaient programmées et des gens ont protesté, si bien que des intervenants n’ont pas pu parler, ce qui est inacceptable.
Or avec une simple déclaration de principes se développent parfois des mécanismes d’autocensure. Je donne un exemple : un certain nombre d’enseignants ne sont plus programmés dans les universités au motif d’une prétendue islamophobie. Dans ce cas, il n’y a pas de clash, les personnes ne sont tout simplement plus invitées. Et je parle de personnes qui enseignaient auparavant ; par conséquent, aucun problème de compétence universitaire ne se pose.
On le voit, il faut à la fois rappeler les principes et s’interroger sur la manière de les faire vivre. Or cet amendement est silencieux sur le modus operandi qui permettrait au principe qu’il énonce de s’appliquer concrètement.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Je voudrais simplement ajouter qu’un économiste d’obédience libérale peut très bien enseigner Marx – d’ailleurs, je ne sais pas, si Marx était un penseur hétérodoxe… – et un économiste d’obédience marxiste le libéralisme. J’ai connu des situations de ce type durant mon parcours. Les professeurs d’économie ont toujours présenté à la fois les théories d’Hayek et celles de Keynes. D’ailleurs, en règle générale, un professeur enseigne l’état de la science.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas seulement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 97 rectifié bis est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 179 rectifié ter est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 952-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils sont tenus à une obligation d’intégrité scientifique. » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les règles qui encadrent leurs activités d’enseignement et de recherche et les règles qui organisent le fonctionnement des établissements dans lesquels ces activités sont exercées garantissent en toute circonstance cette indépendance, cette liberté d’expression et cette intégrité scientifique. Les statuts particuliers qui régissent les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs assurent notamment leur représentation propre et authentique dans les conseils de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche qui ont à connaître, tant au niveau national que dans chaque établissement, des propositions, décisions et mesures statutaires les concernant.
« La protection fonctionnelle est accordée aux enseignants-chercheurs, aux enseignants et aux chercheurs lorsqu’ils font l’objet d’une action en justice mettant en cause l’exercice, dans le cadre de leurs fonctions, de la liberté d’expression. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 97 rectifié bis.
M. Pierre Ouzoulias. Avec cet amendement, nous passons justement aux travaux pratiques pour donner du sens à la formule que le Sénat vient d’adopter sur les libertés académiques.
Son premier alinéa concerne l’intégrité scientifique – nous en reparlerons plus loin dans nos débats.
Son troisième alinéa concerne la protection fonctionnelle accordée aux enseignants-chercheurs, aux enseignants et aux chercheurs – je précise que cet amendement a été rédigé avant le drame dont a été victime M. Paty et chacun en comprend aujourd’hui tout l’intérêt.
Et son deuxième alinéa porte sur les règles de fonctionnement de la communauté scientifique et la façon dont elle peut se protéger des pressions extérieures.
Je dois à cet instant reconnaître un plagiat, puisque ce paragraphe a été rédigé par M. Gaudemet, éminent juriste qui a longtemps travaillé au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je l’avoue honteusement, j’ai copié cette phrase, mon intégrité scientifique en est naturellement atteinte… (Sourires.) J’en suis désolé !
En tout cas, cette formule est inscrite dans les manuels de droit depuis assez longtemps et l’inscrire dans la loi à l’occasion de ce débat permettrait de donner un contenu réel à la notion de libertés académiques, au service des enseignants-chercheurs et des chercheurs eux-mêmes.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 179 rectifié ter.
Mme Monique de Marco. Pour nous, ce projet de loi de programmation de la recherche doit être l’occasion de renforcer les droits des chercheurs et de réaffirmer les principes de liberté de la recherche et d’indépendance, mais aussi d’intégrité scientifique.
Le monde de la recherche fait face à des dérives préoccupantes – risque accru de « malscience » ou « mauvaise science », course aux publications, conflits d’intérêts, procédures bâillons visant à intimider les chercheurs, etc.
Cet amendement réaffirme l’obligation faite à chaque chercheur, enseignant ou enseignant-chercheur de respecter l’intégrité scientifique, mais il réaffirme aussi leur droit à bénéficier de conditions qui le permettent. Ainsi, les règles des établissements doivent garantir, en toute circonstance, la liberté d’expression, l’indépendance et la recherche de l’intégrité scientifique. En outre, la défense de la liberté d’expression est renforcée par l’application de plein droit aux enseignants-chercheurs de la protection fonctionnelle – cette proposition faisait partie de celles qui ont été formulées dans le rapport de la commission Mazeaud pour lutter contre les procédures bâillons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Même si les notions de libertés académiques et d’intégrité scientifique sont intimement liées, il me semble préférable de les distinguer clairement. C’est d’ailleurs sur cette base que nous avons travaillé ensemble en commission.
Nous venons d’inscrire les libertés académiques dans un article additionnel avant l’article 1er et nous examinerons à l’article 10 l’amendement n° 162 que vous avez déposé, monsieur Ouzoulias, et qui propose une définition robuste de l’intégrité scientifique.
En ce qui concerne la protection fonctionnelle, les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs sont couverts, comme tout fonctionnaire, en application de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983.
Pour ces raisons, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis, monsieur le président.
L’intégrité scientifique est un sujet essentiel, car elle permet le lien de confiance entre la science et la société. Le projet de loi inscrit l’intégrité scientifique dans les missions du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. En outre, plus loin dans l’examen de ce texte, je donnerai un avis favorable à deux de vos amendements, monsieur Ouzoulias, qui visent à renforcer la place de l’intégrité scientifique dans la loi.
Enfin, je ne suis pas à l’aise avec l’approche que proposent ces amendements, parce qu’ils semblent conditionner la liberté académique à l’intégrité scientifique et je ne voudrais pas que nous ayons un faux débat ou un débat mal posé, dans lequel l’intégrité scientifique serait vue comme une restriction à la liberté d’expression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 97 rectifié bis et 179 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Brisson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-1 du code de la recherche, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-…. – Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité.
« Les libertés universitaires et la licence garantie aux enseignants-chercheurs et aux chercheurs de mener leurs activités pédagogiques et scientifiques en toute indépendance et dans le respect de l’intégrité scientifique et de la déontologie sont des conditions de l’exercice et de l’excellence de la recherche et de l’enseignement supérieur de la France. »
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement est avant tout un cri du cœur. J’ajoute que cinquante-quatre collègues s’y sont associés, même s’ils n’ont pas pu formellement le cosigner.
Nous entendons en fait réaffirmer ce qui pouvait être une évidence il y a quelques années et qui a besoin d’être proclamé aujourd’hui. Il s’agit certes d’une déclaration de principes, madame Lienemann, mais celles-ci sont parfois utiles et elles précèdent de toute façon la mise en œuvre.
L’université n’est pas l’école. Elle n’a pas à être mise à l’écart des querelles des hommes, mais chacun doit pouvoir s’exprimer en toute liberté, même s’il exprime une position minoritaire, voire très minoritaire – telle est au fond la signification des franchises. Elle doit être protégée par les pouvoirs publics de toute forme de violence, car la libre expression ne peut s’exprimer que dans le cadre d’un État de droit qui protège de la violence, à l’image des hommes d’armes qui déposaient leur arsenal avant d’entrer en Sorbonne.
Cette liberté ne doit être soumise à aucune pression, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – nous le savons bien et les exemples sont nombreux. Voilà pourquoi j’ai déposé cet amendement.
Toutefois, un amendement déposé par notre rapporteure vient d’être adopté au sujet des libertés académiques et nous examinerons tout à l’heure un amendement de Pierre Ouzoulias sur l’intégrité scientifique qui devrait lui-même, si j’ai bien compris, être adopté. Dans ces conditions, si Mme la rapporteure me demande de retirer mon amendement, je pense que je me laisserai faire…
M. le président. L’amendement n° 96 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 422-2 du code de la recherche, il est inséré un article L. 422-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 422-2-…. – Les chercheurs relevant du présent chapitre bénéficient de l’ensemble des droits, garanties et responsabilités mentionnés à l’article L. 952-2 du code de l’éducation. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est un peu différent. Il s’agit de donner aux chercheurs les mêmes garanties que celles dont disposent par la loi les enseignants-chercheurs et d’assurer ainsi une cohérence légale entre les enseignants-chercheurs et les chercheurs en matière de libertés académiques. C’est une disposition d’harmonisation entre le code de la recherche et celui de l’éducation au profit des chercheurs qui ont été un peu oubliés dans le dispositif.
Madame la ministre, vous nous proposerez dans ce texte de créer des chaires de professeur junior et nous vous donnerons notre avis sur ce dispositif… Or une personne recrutée dans ce cadre par une université bénéficierait des libertés académiques, mais elle en perdrait le bénéfice, si elle était ensuite recrutée comme directeur de recherche au CNRS. La mise en place de chaires de professeur junior vous oblige donc, madame la ministre, à intégrer dès maintenant cet amendement pour permettre une cohérence dans la carrière des chercheurs qui passeraient d’une institution à une autre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je remercie Max Brisson – et tous ceux qui entendaient cosigner cet amendement n° 3 rectifié – d’avoir eux aussi soulevé la question des libertés académiques. Ils ne savaient pas que j’allais déposer un amendement sur ce sujet, nous visons le même objectif et nous sommes totalement en phase. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
Monsieur Ouzoulias, je comprends votre souci de conforter la position des chercheurs dans le code de la recherche, mais ils sont déjà mentionnés de manière très claire dans le code de l’éducation. En effet, l’article L. 952-2 du code de l’éducation dispose que « les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche […] ». C’est pourquoi je demande également le retrait de votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis, monsieur le président. Je vous confirme, monsieur Ouzoulias, que les chercheurs sont bien mentionnés dans l’article L. 952-2 du code de l’éducation. En outre, l’article L. 411-3 du code de la recherche prévoit que l’autonomie de la démarche scientifique et la libre circulation des idées sont aussi des garanties fondamentales.
M. le président. Monsieur Brisson, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 96 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Ouzoulias. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 147, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 431-22 du code pénal, il est inséré un article 431-22-… ainsi rédigé :
« Art. 431-22-…. – Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but d’entraver la tenue d’un débat organisé dans les locaux de celui-ci, est puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Malgré les différences de rédaction, je crois qu’il existe un certain consensus, nous venons de le voir, sur les libertés académiques et sur la liberté d’expression. Ce consensus montre bien que tout cela est intrinsèquement lié à la vision que nous avons de l’université et de l’enseignement supérieur en général.
Cet amendement est très complémentaire des discussions que nous venons d’avoir et de l’amendement présenté par notre rapporteure, puisqu’il vise à faire appliquer cette liberté d’expression, notamment quand il existe une volonté délibérée de s’opposer à un débat non pas de manière contradictoire comme cela est souhaitable, mais à travers la force, la violence et l’obstruction. Vous êtes plusieurs à avoir cité des exemples récents ; leur violence et leur répétition nous inquiètent.
C’est pourquoi je vous propose de prévoir que toute intrusion dans un établissement d’enseignement supérieur ayant pour but d’entraver la tenue d’un débat autorisé et organisé dans ses locaux constitue une infraction. Il s’agit de nous donner les moyens de faire respecter la liberté d’expression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Comme vient de le dire le président de notre commission, les universités doivent rester des lieux de débat contradictoire et de liberté d’expression. L’avis est donc très favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Pour préciser le champ de cet amendement, nous parlons bien de personnes qui entreraient dans un établissement d’enseignement supérieur, sans y être habilitées ou y avoir été autorisées ; il ne concernerait donc évidemment ni les étudiants ni les personnels.
Il est effectivement important de préserver la qualité des débats qui se tiennent dans les enceintes universitaires, mais je rappelle que l’entrave à la liberté d’expression est déjà un délit qui est sanctionné par l’article 431-1 du code pénal. C’est pourquoi je donne un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur Lafon, monsieur le président de la commission, je ne partage pas, en droit, votre point de vue, parce que la rédaction que vous nous proposez reprend exactement celle de l’article 431-22 du code pénal, qui concerne les établissements d’enseignement scolaire.
Vous travaillez donc par analogie, mais les universités et leurs professeurs ont des droits qui sont défendus par la Constitution, ce qui n’est pas le cas d’un établissement d’enseignement scolaire. Dans ces conditions, ramener les universités à un statut juridique équivalent à celui de l’enseignement scolaire constitue en quelque sorte une diminution des libertés académiques, dont nous venons justement de défendre le principe.
C’est pour cette raison que je préférerais que nous nous accordions sur l’amendement qui suit, à savoir le mien… (Sourires.) Je suis désolé, cela aurait pu être celui de quelqu’un d’autre !
Cet amendement tend à réaffirmer le principe constitutionnel des franchises académiques et à donner la totalité du pouvoir au président, pour faire respecter l’ordre dans le campus comme il le souhaite. Cela me semble une meilleure garantie par rapport aux principes constitutionnels.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 711-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 711-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 711-1-…. – Le maintien de l’ordre dans l’enceinte des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel relève de la compétence des présidents, des directeurs et des personnes qui, quel que soit leur titre, exercent la fonction de chef d’établissement. Ceux-ci peuvent faire appel à la force publique en cas de nécessité. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, mes chers collègues, on peut finalement adopter les deux. Je pense que ce ne serait pas gênant… (Nouveaux sourires.)
L’idée – permettez-moi de faire un peu d’histoire –, c’est de reprendre ce qui a été octroyé par Philippe Auguste en 1200 à l’Université de la Sorbonne, qui se trouve juste à côté d’ici. La charte de Philippe Auguste affirme : « Ni le prévôt, ni aucun magistrat n’arrêtera un écolier ni ne l’emprisonnera, à moins que l’énormité du délit n’oblige à une arrestation immédiate. » Cependant, je vous propose l’amendement non pas en ancien français, pour ne pas rendre les choses plus difficiles, mais avec une autre formule plus opérante !
Aujourd’hui les compétences de police du président d’université sont noyées dans l’article L. 712-2 du code de l’éducation. Je crois qu’il serait bon de les retirer de cet article, qui vise toutes sortes de compétences administratives, pour leur conférer une visibilité plus importante, ce qui permettrait de conforter ce principe des franchises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, vous savez que j’aimerais chaque fois vous faire plaisir, mais je pense que les deux amendements ne sont pas complémentaires. Nous parlons ici de deux choses bien différentes. (M. Pierre Ouzoulias acquiesce.)
J’allais justement vous rétorquer que cette disposition figurait déjà à l’article L. 712-2 du code de l’éducation, et qu’un tel ajout était donc superfétatoire.
En commission, j’ai sollicité le retrait de l’amendement. J’attends maintenant l’avis du Gouvernement. Je comprends votre envie de solenniser ce pouvoir en le faisant ressortir à un autre alinéa, mais les codes sont aussi faits pour éviter tout éparpillement d’un sujet dans plusieurs alinéas. Pour l’instant, je maintiens donc l’avis donné en commission : demande de retrait, ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. En fait, l’article L. 712-2 dresse la liste de toutes les compétences des présidents d’université. Il est plus simple de retrouver dans cette disposition tout ce qui autorise un président à faire appel à la force publique en cas de nécessité, plutôt que de créer un autre article, ce qui risquerait de compliquer la recherche de compétences.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 115 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Ouzoulias. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de recherche et les moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2021-2027, avec l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations et des entreprises à au moins 3 % du produit intérieur brut annuel et les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations à au moins 1 % du produit intérieur brut annuel au cours des sept années suivantes, et avec l’objectif d’accroître le rayonnement et de renforcer l’engagement de la France dans l’Europe de la recherche. Ce rapport précise les orientations en matière de transformation et de gestion des ressources humaines du secteur de la recherche publique et les traduit en besoins financiers et ressources budgétaires jusqu’en 2027.
rapport annexé
(Non modifié)
Lancée le 1er février 2019 par le Premier ministre avec l’ambition de donner à la recherche « du temps, de la visibilité et des moyens », l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) a étroitement associé les acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (ESRI).
Constitués à l’initiative du Premier ministre et de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, trois groupes de travail se sont ainsi consacrés au financement de la recherche, à l’attractivité des emplois et des carrières scientifiques et enfin à la recherche partenariale et à l’innovation. Ces groupes ont conduit en 2019 une large concertation faite d’auditions et de contributions écrites, appuyée sur une plateforme en ligne permettant aux acteurs de la recherche d’apporter leur point de vue. Plus de 900 contributions ont ainsi été recueillies et analysées en vue de préparer le projet de loi de programmation pluriannuelle.
Ces travaux ont conduit à établir un diagnostic sans appel : celui d’un besoin critique de cadrage stratégique pluriannuel de la recherche française et de réinvestissement massif dans celle-ci, notamment via une participation accrue aux programmes et outils européens qui y sont dédiés. Cela afin de donner à notre pays la vision et les moyens non seulement de tenir son rang parmi les grandes puissances de la recherche, mais aussi d’affronter les défis sociétaux, scientifiques et technologiques de demain, pour positionner la France parmi les nations les plus puissantes à horizon de dix ans, particulièrement dans un contexte marqué par la pandémie mondiale de la covid-19.
Fort de ce constat, le Président de la République a fixé un cap, qui porterait enfin l’effort de recherche de la Nation à 3 % de notre produit intérieur brut, ce qui nécessite en premier lieu un réinvestissement de l’État en faveur de la recherche publique.
Cet investissement permettra d’engager un choc d’attractivité des carrières scientifiques, fondé sur une revalorisation de l’ensemble des métiers de la recherche qui sera particulièrement attentive aux jeunes scientifiques dont le rôle est essentiel pour porter le nouvel essor de la recherche publique française et son rayonnement dans l’ensemble de la société. Il s’accompagnera d’une consolidation des outils actuels de financement et d’organisation de la recherche, d’un renforcement des dispositifs de diffusion des travaux des chercheurs, tant dans l’économie que dans la société dans son ensemble, et du lancement d’une dynamique forte de simplification touchant les établissements, les laboratoires et les personnels de la recherche.
I. – Une ambition : réinvestir dans la connaissance
Venue à la modernité dans le creuset de l’humanisme et des Lumières, la France a fait du développement et du partage des connaissances un élément central de son identité. La réflexion philosophique et scientifique a nourri une vision singulière de la citoyenneté, qui a participé au rayonnement de notre pays. La France a ainsi incarné, depuis la Révolution française, l’idée d’une émancipation aussi bien politique qu’intellectuelle fondée en raison. Culturellement et scientifiquement, elle a assumé un rôle prééminent.
Ce rayonnement est aujourd’hui remis en cause par la situation objective de notre système public de recherche et d’innovation. Cet affaiblissement de notre capacité collective à répondre aux défis scientifiques contemporains prend place dans un contexte où la science est plus que jamais interpellée pour rendre notre monde intelligible. À tous les niveaux, local, régional, national, européen, global, il nous faut trouver des réponses spécifiques. Nous devons, dans une accélération croissante, apporter des solutions de long terme à des défis inédits dans l’histoire de l’humanité.
La crise sanitaire déclenchée par l’épidémie de covid-19 nous a fait toucher du doigt cette urgence et cette nécessité de ne jamais rompre le fil de la recherche, d’entretenir en continu la production de connaissance afin de nous donner les moyens de répondre rapidement aux enjeux majeurs de nos sociétés tant en matière sanitaire que climatique, énergétique ou numérique.
Ce besoin de science, ressenti avec tant d’acuité partout dans le monde à l’occasion de cette pandémie, est tout aussi impérieux pour faire face aux autres maladies, communes ou rares, émergentes ou réémergentes, pour répondre aux enjeux sanitaires du vieillissement et de la dépendance et pour relever les autres défis du siècle en mobilisant l’ensemble des facettes de la recherche scientifique.
La notion de santé globale illustre cette démarche en étudiant les problématiques de santé à travers l’ensemble du spectre disciplinaire et met également à jour les liens existants entre la santé humaine, animale et environnementale, nous rappelant à quel point les énigmes qui se posent aujourd’hui à l’humanité sont entrelacées.
La crise climatique et écologique nous oblige à lutter contre l’épuisement des ressources, le dangereux déclin de la biodiversité et à faire face aux évolutions des milieux naturels et humains tout en répondant aux besoins d’une population mondiale qui continue à augmenter. Gérer la complexité de ces multiples évolutions vers plus de résilience n’est possible qu’avec les apports de la science.
Le développement des technologies de l’information et de la communication nous a donné de formidables outils de calcul, de communication, d’analyse des données. Nous découvrons encore les possibilités de ceux que nous utilisons, alors même que l’innovation publique et privée ouvre sans cesse de nouvelles perspectives dans ces domaines. Dans le même temps, ces technologies ont ouvert la voie à une manipulation sans précédent de l’information. Elles ont servi de vecteur à une mise en cause du discours scientifique, y compris dans nos démocraties et aux plus hauts niveaux de responsabilité.
Ces changements globaux sont à la fois la source et la conséquence de transformations de nos modes de vie, qui influent à leur tour sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur les conditions de notre vie collective. Ici aussi, les défis à affronter sont considérables : il nous faut penser et maîtriser le mieux possible les évolutions de notre société, rester à l’écoute de ses attentes et trouver les chemins qui permettront de renforcer sa cohésion. Il nous faut également continuer à être des pionniers de la connaissance afin de pouvoir librement faire nos choix de société pour l’avenir plutôt que de devoir marcher dans les pas des nations qui nous auraient pris de vitesse. La recherche est l’éclaireur de notre liberté et de notre souveraineté.
À l’heure du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, alors que les crises sociales et économiques se multiplient, la recherche française doit contribuer à l’émergence d’une société plus durable, plus inclusive et plus résiliente par la recherche de solutions adaptées aux territoires et socialement acceptables aux défis économiques et environnementaux. À ce titre, la présente loi doit s’inscrire dans le cadre des objectifs de développement durable auxquels a souscrit la France. Sa mise en œuvre doit être évaluée grâce aux indicateurs définis par la feuille de route de la France afin de s’assurer que la présente loi respecte les objectifs de développement durable.
Ces défis sont vertigineux et engagent l’avenir de la France et de l’Europe pour les prochaines décennies. C’est par la recherche que nous acquerrons les connaissances nécessaires à des décisions collectives pertinentes et à des innovations susceptibles de changer durablement nos manières de produire, de consommer, de nous déplacer, de vivre ensemble. C’est par la recherche que nous pourrons penser, comprendre et surmonter les défis de notre siècle en France, en Europe et dans le monde. Telle est l’ambition de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.
A. – État des lieux
1. Un risque de décrochage de la France en termes d’investissement
Les grands espoirs que nous plaçons en la recherche et notre volonté de porter une loi ambitieuse s’inscrivent dans un contexte où l’effort de recherche global – public et privé – mesuré par le ratio entre les dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) et le produit intérieur brut (PIB) avoisine 2,2 % en France et régresse légèrement depuis plusieurs années : 2,28 % en 2014, 2,23 % en 2015, 2,22 % en 2016, 2,19 % estimés en 2017. Cette trajectoire éloigne la France de « l’objectif de Lisbonne », fixé à 3 %.
En valeur relative, la DIRD française est supérieure à la moyenne de l’UE28, mais inférieure à la moyenne de l’OCDE (2,37 %).
(En % du PIB en 2017) |
|
DIRD |
|
États-Unis |
2,79 |
Chine |
2,15 |
Japon |
3,21 |
Allemagne |
3,04 |
Corée du Sud |
4,55 |
France |
2,19 |
Pays-Bas |
1,99 |
Italie |
1,35 |
Royaume-Uni |
1,66 |
UE 28 |
1,97 |
OCDE |
2,37 |
Source : Statistiques de l’OCDE de la science et technologie et de la R-D : Principaux indicateurs de la science et de la technologie (https://data.oecd.org/fr/rd/depenses-interieures-brutes-de-r-d.htm) |
L’écart entre la France et les pays les plus ambitieux en matière de recherche et développement (R&D) s’accroît : en Allemagne, l’objectif de 3 % est désormais atteint et le Gouvernement a fixé une nouvelle cible à 3,5 %. Au Japon, le niveau actuel est à 3,2 % et la cible à 4,0 % ; en Corée du Sud la DIRD représente 4,5 % du PIB et la cible est à 5,0 %.
Entre 2014 et 2017, alors que le ratio DIRD sur PIB est passé en France de 2,28 % à 2,19 %, il est passé pour la moyenne UE 28 de 1,94 % à 1,97 % et pour la moyenne OCDE de 2,35 % à 2,37 %. La tendance baissière observée en France s’inscrit donc à rebours de la tendance générale qui voit un investissement croissant dans la R&D. L’écart par rapport à certains de nos voisins est très important : en 2016, la France a investi en R&D 42,6 Md€ de moins que l’Allemagne.
Le retrait par rapport aux pays les plus avancés concerne à la fois la recherche publique et la recherche privée. En 2016, la DIRD représente 2,22 % du PIB, dont 0,78 % pour les dépenses de R&D des administrations (DIRDA) et 1,44 % pour les dépenses de R&D des entreprises (DIRDE).
Entre 2000 et 2016, la DIRDA de la France a été marquée par une faible croissance, de l’ordre de 1,5 % en volume par an. Cette évolution contraste avec celle de nombreux pays où la DIRDA a augmenté beaucoup plus vite, comme en Allemagne (+ 3,0 % par an) ou aux États-Unis (+ 2,8 % par an). Dans l’OCDE et l’UE28, les dépenses de R&D publique ont crû en moyenne de 2,5 % et 2,3 % respectivement.
Entre 2000 et 2016, la Corée du Sud, l’Espagne, la Chine, l’Allemagne, les États-Unis et l’UE-28 ont augmenté la part de la DIRDA dans le PIB plus que la France.
(Le graphique illustrant l’évolution de la part de la DIRDA dans le PIB de différents pays en 2000 et 2016 est visible à la page 6 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-052-rapport-annexe.pdf )
Source : Données OCDE (PIST-2018-1) et MESRI pour la France (hors DIRDA de défense).
L’analyse en valeur montre des écarts encore plus marqués. Entre 2000 et 2016, la Chine, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Allemagne, les États-Unis, l’UE-28 et le Royaume-Uni ont augmenté leur DIRDA significativement plus que la France.
Les difficultés économiques que nous traversons à la suite de la crise sanitaire rendent d’autant plus important un réinvestissement massif dans la recherche pour éviter qu’elles ne se traduisent par une forte baisse des budgets de R&D qui obérerait durablement notre avenir.
(Le graphique illustrant l’évolution de DIRDA pour différents pays en 2000 et 2016 est visible à la page 7 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-052-rapport-annexe.pdf )
Source : Données OCDE (PIST-2018-1) et MESRI pour la France (hors DIRDA de Défense).
Ce constat d’ensemble se fait particulièrement sentir dans le domaine des rémunérations des personnels scientifiques.
Selon les informations citées par le rapport du groupe de travail consacré à l’attractivité des carrières scientifiques, le salaire annuel brut d’entrée moyen des chercheurs en France représentait en 2013, en parité de pouvoir d’achat, 63 % du salaire d’entrée moyen des chercheurs dans les pays de l’OCDE ; le salaire maximum des chercheurs en France représentait 84 % du salaire maximum moyen des pays de l’OCDE. Ce constat a été confirmé par une étude menée par les conseillers scientifiques des ambassades de France dans huit pays clés de la recherche : Allemagne, Australie, États-Unis, Grande-Bretagne, Japon, Pays-Bas, Singapour, Suisse. La situation s’est nettement dégradée depuis 35 ans : en 1985, le salaire brut d’un maître de conférences en début de grille représentait 2,25 SMIC, il n’est plus que de 1,53 SMIC en 2018, primes comprises (1,4 SMIC hors prime de fin d’année).
Cette faiblesse des rémunérations contribue à une perte d’attractivité des carrières scientifiques en France. À titre d’exemple, le nombre de candidats aux concours chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est passé de 8 150 candidats en moyenne au début des années 2010 à moins de 5 800 candidats en 2018 et la part des lauréats étrangers est passée de 32 % à 25 %.
2. Les enjeux du rapport des citoyens à la rationalité scientifique
Le besoin de revaloriser les carrières scientifiques et de réinvestir dans la connaissance est d’autant plus criant que l’on assiste, depuis plusieurs années, à une remise en cause dans les démocraties occidentales de la parole scientifique et des apports de la science. En 2019, dans un sondage portant sur plus de 140 pays, l’Europe de l’Ouest était la zone du monde dans laquelle les bienfaits de la science pour l’économie et leur pays paraissaient les plus douteux, la France occupant la première place sur ce podium du « pessimisme scientifique » au niveau mondial.
Cette perte du crédit de la parole scientifique se fait d’autant plus ressentir que les réseaux sociaux, en particulier, amplifient fortement l’audience de discours contestataires ou complotistes et de fausses informations, notamment sur des sujets comme la vaccination ou le changement climatique. Un article paru dans Nature Communications à l’été 2019 mettait ainsi en évidence la place disproportionnée occupée par quelques grandes voix climato-sceptiques dans les médias anglo-saxons, sans rapport avec les résultats scientifiques de ces pays et la reconnaissance de ces travaux par leurs pairs.
Si des actions vouées à contenir les effets de ces fausses informations peuvent être conduites, à l’instar des lois organique et ordinaire du 22 décembre 2018 relatives à la lutte contre la manipulation de l’information, qui visent à endiguer ce phénomène en période électorale, une politique active en faveur de la parole scientifique doit en parallèle être menée pour lui redonner le crédit qu’elle mérite. Dans un monde où la complexité est bien souvent devenue telle que les problèmes que la science résout sont souvent rendus peu accessibles au grand public, la loi de programmation de la recherche repose sur la conviction que les éléments fondamentaux du raisonnement et de la culture scientifique et technique sont, eux, compréhensibles et transmissibles : la rationalité est l’un des éléments constitutifs de l’unité et de la cohésion nationales.
C’est le cas, d’une part, de la méthode scientifique et de la démarche expérimentale, fondées sur un sens de l’observation, de la preuve, de l’argumentation, dont nous avons collectivement besoin pour construire des repères communs et avancer de concert ; c’est le cas, d’autre part, de la controverse scientifique, dont l’esprit est précisément aux antipodes de formes d’anathèmes sur certains sujets qui émergent parfois dans le débat public. Ces éléments constitutifs de la liberté de la recherche sont au cœur de la loi de programmation, qui entend replacer la science au centre du débat et de la réflexion publique.
Pour y parvenir, il convient d’encourager et de reconnaître pleinement, au même titre que d’autres formes d’engagement des enseignants-chercheurs, des chercheurs et de l’ensemble des personnels, les activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, de recherche citoyenne, de formation ou encore d’expertise qui renforceront le dialogue avec les scientifiques et la place de la science dans la société.
3. Un potentiel d’innovation et de transfert à accroître
Au cours des dix ou vingt dernières années, la recherche française a nettement renforcé son impact économique. Les laboratoires publics français, reconnus dans de nombreux domaines pour leur excellence scientifique, se distinguent également par le nombre de brevets qu’ils déposent. Les mentalités ont évolué et l’intérêt des chercheurs du public pour l’innovation sociale et pour les relations avec les entreprises s’est considérablement accru dans beaucoup de communautés scientifiques. Les équipes d’appui au transfert technologique et aux relations de recherche partenariale avec les entreprises se sont professionnalisées. Une dynamique entrepreneuriale très claire s’est développée et le nombre de créations d’entreprises issues des établissements et des laboratoires de l’ESRI a fortement progressé ; « l’écosystème » qui accompagne cet élan est bien présent, comme le montre par exemple l’essor du capital-risque en France ces dernières années.
Alors que la course internationale à l’innovation ne cesse de s’intensifier et que plusieurs pays progressent plus vite que nous, il est indispensable de poursuivre ces efforts. Les relations entre les laboratoires publics et les entreprises sont encore insuffisantes, qu’il s’agisse du recrutement des docteurs dans les entreprises, du transfert des connaissances et des savoir-faire, des mobilités public-privé ou encore de la recherche partenariale, notamment avec les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il est nécessaire aussi de simplifier les dispositifs d’innovation, insuffisamment efficaces : après une période qui a parfois vu une multiplication des outils, il faut désormais mieux intégrer et articuler les dispositifs existants, en s’appuyant sur ceux qui ont le mieux fait leurs preuves, en donnant toute leur place dans ce chantier aux établissements de l’ESRI.
Il faut aussi continuer à amplifier nos efforts pour aider les acteurs à « transformer l’essai » et leur permettre de porter avec ambition des projets d’ampleur. Mieux « transformer l’essai », au niveau des équipes, signifie qu’il est nécessaire de continuer à favoriser la prise de risques et la culture du transfert et de l’impact : déposer un brevet est une chose qui peut représenter une prouesse scientifique et technologique, le transférer et accompagner le passage de l’invention à une réelle innovation en est une autre. Cette ambition exige également que les activités d’innovation soient pleinement reconnues et récompensées dans les évaluations et les carrières des personnels de la recherche et des personnels hospitalo-universitaires. Elle implique, enfin, de mobiliser et d’accompagner les établissements de l’ESRI pour qu’ils se dotent de politiques d’établissements affirmées en matière d’innovation et bien appuyées sur leurs atouts.
À cet égard, il convient de se déprendre de l’illusion selon laquelle la valorisation de l’actif immatériel de la recherche pourrait constituer une source significative de revenus pour les établissements publics. Il est bien entendu nécessaire, lorsqu’une innovation issue de la sphère publique contribue à créer de la richesse, de veiller à ce qu’un juste retour financier aille aux acteurs qui ont financé la recherche dont l’innovation est issue. Pour autant, ce retour ne peut constituer qu’une ressource complémentaire. Il convient donc également d’assumer, comme y ont invité nombre de rapports récents, que l’objectif principal de la politique de valorisation est de contribuer à la création de richesses et d’emplois sur le territoire national et dans l’espace européen.
B. – Des forces de la recherche française sur lesquelles capitaliser
Cet état des lieux et les retards qu’il souligne ne doivent cependant pas masquer les forces, nombreuses, de la recherche française, dont la qualité ne fait aucun doute. La France est et demeure à l’évidence une grande puissance scientifique, capable de faire avancer l’ensemble du front des connaissances et de faire émerger des ruptures conceptuelles et des innovations qui transformeront le monde de demain.
Les atouts de la France sont nombreux. Elle peut tout d’abord compter sur la qualité de ses formations dans l’enseignement supérieur, très riches et diversifiées, et plus spécifiquement de ses formations à la recherche et par la recherche, appuyées sur un réseau dense de laboratoires et d’écoles doctorales aujourd’hui structurés et organisés autour de pratiques harmonisées. Si le doctorat reste encore insuffisamment reconnu dans notre pays, la qualité et le niveau de nos docteurs sont remarquables et plébiscités à l’étranger. Toutefois, il convient de renforcer le suivi de nos docteurs et de nos post-doctorants, formés en France puis partis à l’étranger, en assurant notamment une veille sur l’état d’avancement de leurs travaux, afin de préserver un lien pérenne susceptible de créer les conditions favorables à un partage d’expérience et de connaissances.
À titre d’exemple, la recherche en sciences du vivant et en santé représente plus du tiers de la production scientifique mondiale et l’innovation en santé est un des moteurs de l’économie mondiale. En France, cette recherche repose à la fois sur une recherche libre, dirigée par les chercheurs eux-mêmes, ainsi que sur une recherche davantage programmée par l’État qui a démontré son efficacité dans certains domaines comme le cancer, les maladies infectieuses et les maladies rares grâce aux plans successifs portés au plus haut niveau. Elle comprend par ailleurs un volet clinique indispensable, au contact des patients et des professionnels de santé, le plus souvent dans un contexte hospitalo-universitaire et qui est essentiel pour développer, valider et intégrer les innovations dans la pratique clinique au bénéfice des patients que ces innovations soient diagnostiques, thérapeutiques, technologiques ou encore organisationnelles.
Les femmes et les hommes qui font vivre notre système de recherche sont notre principal atout. La France attire toujours des scientifiques brillants en leur offrant relativement tôt des postes stables, là où certains de nos voisins comme l’Allemagne ou l’Italie recrutent des titulaires bien plus tard. Alors que la concurrence internationale ne cesse de s’accroître, le CNRS compte ainsi près de 700 chercheurs permanents allemands ou italiens dans son effectif. La liberté académique que nous offrons à nos scientifiques est un facteur essentiel de leur créativité, à condition de leur donner aussi les moyens de fonctionnement et le temps nécessaire à l’expression de celle-ci, ce que la loi de programmation ambitionne précisément de faire.
Si la France a une grande tradition de recherche en sciences humaines et sociales, son internationalisation est aujourd’hui un enjeu majeur. Mieux exporter son originalité notamment à travers le renforcement de réseaux européens, inciter à la mobilité internationale, ou encore construire les conditions d’une plus grande attractivité de talents internationaux constituent autant de leviers que la loi de programmation mettra en place en partenariat avec la diversité des acteurs impliqués.
Le système de recherche français s’appuie aussi sur une richesse insuffisamment soulignée et pourtant essentielle : ses personnels ingénieurs et techniciens et ses personnels administratifs, notamment dans les laboratoires. En particulier, la compétence des ingénieurs et techniciens en fait des piliers et des mémoires du savoir-faire scientifique et technologique de notre recherche : ils constituent des éléments clés de nos forces scientifiques. Leur rôle est particulièrement important dans le développement et le fonctionnement des grands instruments et des grandes infrastructures de recherche.
Ces grandes infrastructures de recherche constituent aussi un atout essentiel de notre pays, en particulier en physique et en sciences de la Terre et de l’Univers où la France est historiquement très investie, souvent avec ses partenaires européens (CERN, observatoires, spatial, etc.). Elles permettent de lever des verrous de connaissance et sont génératrices d’innovations technologiques. Le renforcement des moyens alloués à la recherche doit permettre de développer ces infrastructures et d’en créer aussi dans les autres champs de la connaissance où ces instruments sont également déterminants (sciences du vivant, santé, alimentation, biodiversité, données, etc.) et sont souvent moins présents en France que dans les pays voisins.
L’organisation duale de notre système de recherche est originale, avec les organismes de recherche et les universités et écoles qui partagent des laboratoires mixtes, mais aussi avec d’autres établissements qui participent à la recherche. Il est à noter que les écoles ne sont pas toutes sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. C’est notamment le cas des écoles supérieures d’art, sous tutelle du ministère de la culture et dont les activités de recherche se développent, le plus souvent en collaboration avec des universités. Historiquement, les organismes comme le CNRS ont été l’instrument d’une reconstruction volontariste de notre système de recherche après la Seconde Guerre mondiale. Depuis quelques années, les universités autonomes montent en puissance et s’organisent en ensembles omnidisciplinaires. Ce qui peut apparaître comme une complexité est en réalité aujourd’hui un atout qui permet de combiner des politiques nationales de recherche portées par les organismes avec des stratégies de site, articulées avec la formation et les écosystèmes territoriaux, portées par les universités avec leurs partenaires, dont les organismes et les centres hospitalo-universitaires. Notre système offre ainsi des carrières diversifiées, consacrées à la recherche ou partagées entre formation et recherche, avec des métiers de chercheur ou d’ingénieur, ou encore partagées avec des activités de soins dans le champ de la santé. Avec ses particularités, il a aujourd’hui trouvé un équilibre qui fonctionne.
Enfin, sur le plan international, notre pays dispose d’un réseau d’implantations scientifiques à l’étranger, reconnues à l’échelle mondiale comme des références de premier plan dans leurs domaines destinées à promouvoir la mobilité internationale des chercheurs et des enseignants-chercheurs : Instituts français et unités mixtes de recherche à l’étranger, notamment pour les sciences humaines et sociales, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) pour les sciences du développement durable dans les pays du sud, réseau international des Instituts Pasteur, réseau international de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), notamment au travers de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) pour la recherche en santé face aux fléaux sanitaires, etc. Le réseau diplomatique au service de la recherche et des partenariats scientifiques internationaux, singularité française, est un des leviers essentiels de son influence, comme le rappelle chaque année le classement Softpower 30. Dédié à la coopération scientifique et universitaire, ce réseau est un point d’appui pour promouvoir la science française à l’étranger, pour accompagner les chercheurs et les institutions scientifiques dans la prospection et la finalisation des partenariats internationaux de haut niveau et pour financer des mobilités de chercheurs étrangers vers la France et de chercheurs français à l’étranger.
C. – Des ambitions pour la science française
Pour capitaliser sur ses forces et permettre à son système de recherche d’exprimer tout son potentiel, la France doit réinvestir dans la connaissance et le savoir. C’est à ce prix qu’elle sera au rendez-vous des grands défis scientifiques et qu’elle pourra répondre aux nombreuses attentes de la société. Les grandes découvertes sont impossibles à anticiper et la recherche doit s’attacher à repousser les limites dans tous les domaines de la science, sans a priori. Au demeurant, certains de ces défis sont globaux et leur traitement ne peut se limiter à l’échelle du territoire national ou européen, mais lient dans une communauté de destin les pays du nord et du sud dont les modes de collaboration scientifique doivent évoluer.
Sans prétention à l’exhaustivité, on peut cependant citer, à titre d’illustrations, quelques grands défis scientifiques ou sociétaux très importants auxquels la recherche française aura l’ambition d’apporter des contributions fortes dans les prochaines années, certains à l’impact sociétal immédiat, d’autres plus fondamentaux, mais pas moins transformants à moyen ou long terme pour nos sociétés.
1. Résoudre les grandes questions ouvertes de la science
La recherche avance souvent en répondant à des énigmes restées sans réponse. Un exemple en est le grand théorème de Fermat qui a suscité de nombreuses tentatives de démonstration avant d’être établi de manière définitive plus de trois siècles après avoir été énoncé. Il n’est pas rare que la résolution de ces grandes questions se traduise ensuite par des innovations importantes et inattendues. Par essence, établir une liste de ces grandes questions est un exercice difficile, mais il est intéressant d’en donner quelques exemples issus de domaines très différents.
a) La complexité algorithmique : qu’est-ce qui est accessible au calcul ?
Un exemple de question théorique avec des applications importantes se cache derrière la question absconse : « Est-ce que P = NP ? ». Il s’agit d’une des grandes conjectures mathématiques et informatiques. De manière imagée, la question est la suivante : est-ce que les problèmes pour lesquels on peut vérifier rapidement qu’une solution est correcte (les problèmes NP, « faciles à vérifier ») sont aussi des problèmes dont on peut calculer rapidement une solution (les problèmes P, « faciles à résoudre ») ?
Cette conjecture a de nombreuses implications en cryptographie, en économie, etc. Si P = NP, alors on pourra trouver des solutions économiques à de nombreux problèmes difficiles d’optimisation ; sinon, ils resteront largement inaccessibles, même avec des supercalculateurs.
b) Progresser sur le chemin des origines de la vie et de celles de l’espèce humaine
Identifier les premières molécules qui ont réussi, sur Terre, à s’auto-organiser puis à se répliquer est une question qui fascine la communauté scientifique internationale depuis les expériences fondatrices des années 1950. Comment une « soupe primordiale » constituée de molécules relativement simples s’est progressivement complexifiée ? Comment s’est déterminée l’asymétrie homogène (la chiralité) qui caractérise la plupart des molécules constitutives des organismes vivants actuels ?
La recherche sur l’origine de l’espèce humaine est une autre question ouverte d’intérêt majeur. La rareté des fossiles fait qu’une grande partie de notre histoire demeure mystérieuse, de la séparation entre l’homme et les grands singes il y a environ 7 millions d’années à l’origine de notre espèce, Homo sapiens, vieille de quelques centaines de milliers d’années. La France possède aujourd’hui les plus grands laboratoires de paléogénétique, capables de faire parler l’ADN ancien et de reconstituer notre évolution.
c) D’autres « Terres » dans l’univers ?
La découverte d’exoplanètes par centaines a permis de démontrer la probabilité « d’autres terres » dont les conditions pourraient être favorables à l’émergence de la vie, voire à l’existence de formes de vie extraterrestre. L’astronomie, la physique, la chimie, la géologie et la biologie peuvent contribuer, en avançant ensemble, à produire les réponses expliquant comment les étoiles primordiales et les supernovae ont ensemencé l’univers en atomes, puis en molécules de plus en plus complexes qui se combinent lors de la formation des systèmes planétaires.
2. Répondre aux enjeux de santé des populations
Au-delà des grandes interrogations qui traversent l’histoire des sciences, la recherche a aussi vocation à répondre aux questions qui se posent à nos sociétés contemporaines et à éclairer nos politiques publiques. Un des défis scientifiques majeurs de notre époque est celui de notre santé et de notre adaptation aux modifications environnementales, au réchauffement climatique, à la raréfaction des ressources et à certaines pollutions. Nous devons mieux caractériser notre exposition aux composantes de l’environnement (l’exposome) tout au long de la vie ainsi que ses interactions potentielles sur le génome et l’épigénome des individus. Il s’agit de mieux comprendre les impacts du changement climatique et de nos modes de vie sur les maladies infectieuses émergentes ou réémergentes et sur les maladies chroniques, pour anticiper ces changements et, si possible, les prévenir afin de ne pas les subir. Nous devons ainsi mieux prendre en compte le risque épidémique dans un monde globalisé. Il s’agit également de reconsidérer les relations entre alimentation et santé dans une perspective de transition vers des systèmes alimentaires sains et durables. De même, l’utilisation de plus en plus massive des outils numériques appelle à évaluer les conséquences de ces pratiques sur le développement humain et sur la santé tout au long de la vie.
L’allongement de la durée de vie de la population et la transition démographique nécessitent quant à eux une meilleure compréhension fondamentale des mécanismes du vieillissement. Ces connaissances nouvelles doivent ouvrir la voie à une médecine prédictive, personnalisée et participative. Investir dans le « bien vieillir », la prévention de la perte d’autonomie et l’adaptation de l’environnement au handicap, c’est non seulement renforcer la solidarité et la cohésion sociale, mais c’est aussi se donner les moyens d’une « silver economy » à la française, où l’innovation est accessible à tous et adaptée aux besoins de nos concitoyens.
De même, la période des « 1 000 premiers jours » est primordiale, car elle engendre des répercussions sur la santé tout au long de la vie. Explorer les fondements d’un bon développement physique, socio-émotionnel et cognitif du jeune enfant est aussi un investissement social.
La modélisation et l’analyse des données de santé, combinées aux données relatives à l’alimentation, à l’environnement et au mode de vie ainsi que d’autres facteurs, notamment l’exposition aux perturbateurs endocriniens, doivent nous aider à comprendre et prédire l’évolution des causes de morbidité et de mortalité à dix ou vingt ans. Parmi celles-ci, les maladies cardiovasculaires et neurovasculaires, les maladies mentales, l’antibiorésistance, l’impact des risques environnementaux sur la santé humaine ou encore le risque infectieux de manière générale seront les grands sujets de demain à côté des cancers qui demeureront une cause majeure de morbi-mortalité.
Pour plusieurs de ces sujets, un programme de recherche pourra être mis en place pour comprendre tant les mécanismes que les moyens de les prendre en charge. Un pilotage sera institué via un comité opérationnel de la recherche en santé, présidé par les ministères chargés de la santé et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, au sein d’une recherche en biologie santé davantage intégrée, pour mieux coordonner l’ensemble des acteurs de ce secteur très particulier. Ce pilotage est étroitement lié à une rénovation des modalités de programmation et de gestion des différents appels à projets en recherche biomédicale. Une attention spécifique sera apportée à l’étude du risque épidémiologique, notamment au moyen de l’exploitation scientifique des données de santé par l’intelligence artificielle. De même, une attention spécifique sera apportée à l’étude des questions de santé qui touchent particulièrement les femmes, et qui aujourd’hui ne font pas suffisamment l’objet de recherche. Enfin, une attention spécifique sera également apportée à l’étude des maladies vectorielles à tiques, véritable enjeu de santé publique nécessitant une réelle concertation entre les acteurs de la recherche en santé.
La progression des connaissances scientifiques sur ces enjeux doit s’accompagner d’une meilleure représentativité des femmes dans les échantillonnages scientifiques. Encore trop peu nombreuses dans les tests cliniques, les femmes se voient proposer des médicaments qui ne sont pas toujours adaptés à leur physiologie et sont sous-représentées dans les essais effectués, par exemple pour les maladies cardiovasculaires et dans certains types de cancer. La recherche biologique a connu des avancées majeures démontrant la différenciation sexuelle ; les symptômes et les effets des traitements ne sont pas toujours identiques d’un sexe à l’autre.
Au cœur de nos sociétés, les maladies psychiatriques représentent presque 20 % des dépenses de santé, mais la recherche sur ces pathologies reste le parent pauvre des neurosciences. Il est temps d’étudier les maladies psychiatriques en mobilisant les éclairages des sciences humaines et sociales, mais aussi toutes les approches modernes des neurosciences, notamment les techniques de la génétique, de l’imagerie, de la pharmacologie et les études sur les comportements.
2 bis. Soutenir le développement et renforcer la visibilité en France des alternatives à l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques.
La directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques fixe le principe des « trois R » (réduction, remplacement et raffinement). Par réduction, on entend la diminution du nombre d’animaux utilisés en n’engageant que les expériences indispensables, dont les protocoles ont été préalablement validés, et en évitant leur répétition. Le concept de raffinement s’attache à l’optimisation des conditions expérimentales pour en réduire ou soulager les effets négatifs sur les animaux. Le remplacement vise à substituer dès que possible au recours à un modèle animal des approches in vitro ou des modélisations mathématiques ou informatiques.
La création d’un centre national dédié au principe des « trois R », doté de moyens adaptés, permettra de développer l’offre de formation sur ce thème, de favoriser l’ingénierie de projet conforme à ce principe, d’inciter à l’échange de lignées d’animaux et des résultats négatifs de la recherche pour éviter toute répétition inutile de projets, de favoriser le financement de recherches sur le développement des méthodes alternatives et d’assurer une communication transparente sur l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques. Le centre contribuera, en coordination étroite avec la Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, à la consolidation d’un dialogue national constructif autour de cette préoccupation sociétale de plus en plus forte.
Ce centre devra être doté de moyens adaptés, avec un statut juridique et une organisation précise qui seront arrêtés en concertation avec les établissements, publics et privés, amenés à y contribuer et à y apporter leur expertise.
3. Bâtir une société plus inclusive
Les sciences et la recherche éclairent aussi les évolutions et les questions qui concernent notre pacte social, fondateur de notre démocratie et garant de notre vivre ensemble.
a) Penser les inégalités et les différences pour refaire société
Les pays d’Europe, en particulier la France, ont choisi de s’engager résolument dans la construction d’un État social après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, si les finalités sont partagées, ni les moyens ni les résultats ne sont aujourd’hui totalement consensuels. Des contestations s’élèvent. Des mouvements anti-démocratiques apparaissent. Les inégalités sociales, ethniques, territoriales, entre les sexes ou entre les genres restent prégnantes et s’accroissent ici ou là. Malgré un enrichissement continu des sociétés dans leur ensemble, une part importante de la population se sent marginalisée. Il y a beaucoup à faire pour être collectivement fidèles à la promesse au cœur de notre pacte social.
Dans un contexte où les inégalités sociales sont au cœur des débats politiques, les recherches sur ces questions sont primordiales. La notion d’inclusion elle-même, d’abord utilisée dans les secteurs de la santé, du handicap et de l’école, invite à aborder ensemble des phénomènes très variés. Ceci ouvre des perspectives de recherche sur l’articulation des différences sociales et culturelles, mais aussi des différences de comportements, de préférences et de compétences. Penser en termes d’inclusion conduit à mesurer les inégalités, mais aussi à penser les différences en termes de dispositifs, de processus d’autonomisation et de politiques : des mécanismes de participation peuvent être conçus et expérimentés dans la cité, à l’école, dans le monde du travail, etc.
L’inclusion numérique est également un domaine dans lequel les perspectives de recherche et d’innovations sont importantes, eu égard au réel besoin d’outils innovants permettant de rendre le numérique accessible sur l’ensemble du territoire et à chaque individu ou lui permettant d’être accompagné dans un parcours de montée en compétences numériques. À l’heure de la transition numérique du service public, la recherche, notamment pluridisciplinaire, devra être partie prenante dans ces transformations afin de garantir l’accès et l’appropriation de chaque citoyen.
De nombreuses inégalités se nouent dès l’âge scolaire. L’échec des politiques publiques face au problème persistant des inégalités dans l’éducation appelle une mobilisation de la recherche, en articulation avec les acteurs sociaux, afin de repenser une ou des éducations plus égales, plus justes, contribuant plus efficacement à l’épanouissement des hommes et des femmes et au bon fonctionnement de la société. La recherche française dans ce domaine peut faire appel à de nombreuses disciplines fortes en sciences du langage, en économie, histoire et sociologie de l’éducation, en sciences cognitives et en neurosciences. L’intégration des résultats des différentes disciplines permettra une analyse systématique de l’évaluation et de la réforme de politiques publiques. Les travaux explorant des formes d’éducation plurielle et alternative à l’école et hors de l’école ou portant sur le rôle de l’éducation dans certains contextes socio-professionnels auront des conséquences concrètes. Les débouchés seront matériels et technologiques, mais aussi visibles en termes d’innovations sociales et pédagogiques, y compris hors les murs de l’école, dans les lieux publics et les institutions culturelles.
Enfin, cet objectif d’inclusion a pour vocation première de donner une place aux différences au sein d’un espace public et dans le cadre de pratiques communes qui reconnaissent la diversité et rendent possibles des formes nouvelles de partage de l’universel. À cet égard, l’essor des études sur les aires culturelles sous toutes leurs formes, comme les renouvellements des questionnements de la philosophie, de l’histoire ou de la sociologie, pour ne citer qu’elles, constituent des dynamiques remarquables.
b) S’ouvrir à une compréhension nouvelle des comportements pour mieux accueillir et accompagner chacun
La recherche en sciences du comportement connaît aujourd’hui un essor considérable. Les compétences de la psychologie expérimentale, de la psychologie sociale et cognitive, de la linguistique et la psycholinguistique, des sciences cognitives, des neurosciences les plus intégratives, de l’économie, de la sociologie et de la science politique, de la philosophie et de l’éthique, de l’histoire, de l’informatique, des mathématiques et des sciences du numérique sont aujourd’hui convoquées.
Les mutations actuelles de la science économique sont un exemple frappant de ces évolutions. Des notions traditionnelles comme celles de « préférences » et de « rationalité » font l’objet de nouvelles définitions qui englobent leur dimension individuelle aussi bien que collective. Par exemple, l’articulation des préférences et aspirations individuelles entre générations à l’intérieur de la famille, tout autant que l’émergence des préférences sociales vis-à-vis des générations futures, deviennent des sujets d’étude majeurs. Non moins important est le réexamen de la notion de rationalité, dans son acception strictement individuelle, mais également en termes d’organisation collective des activités de marché et de différentes voies possibles de l’évolution de nos échanges économiques.
Plus généralement, les analyses des politiques publiques et de la prise de décision, les questions de santé publique, les défis du changement climatique, de la sauvegarde de la biodiversité et de la raréfaction des ressources ainsi que les nouvelles préoccupations pour la sécurité humaine, imposent le développement de recherches sur les comportements collectifs, dans leurs mutations comme dans leurs effets. C’est un enjeu considérable, alors que les comportements et les modalités de leurs changements sont transformés par le développement exponentiel du numérique et l’apparition constamment renouvelée des objets connectés, l’émergence des nouveaux usages et des nouveaux modes d’interaction sociale qu’ils suscitent, le déploiement de capteurs comportementaux et physiologiques qui renseignent l’individu en temps réel sur son état et ses performances, etc.
4. Bâtir un monde habitable respectueux du vivant
a) Protéger et valoriser la biodiversité, accompagner la transition de l’agriculture
Au-delà d’un impératif d’étude de nos sociétés et des « rapports des êtres humains entre eux », il faut aussi renouveler nos savoirs sur « l’être humain dans son environnement ». Il est nécessaire que nous puissions mieux appréhender notre environnement et soutenir une recherche systématique sur la diversité des organismes vivants dans tous les milieux, des plus communs aux plus extrêmes. Il s’agit d’abord de comprendre la richesse et l’équilibre des écosystèmes pour les préserver. Mais c’est aussi une opportunité pour identifier des processus biologiques utilisables et améliorables. L’enjeu est de faire évoluer nos sociétés vers une économie plus vertueuse, utilisant des biotechnologies ou des approches systémiques innovantes pour une agriculture sans pesticides, la remédiation des milieux pollués, des alternatives aux plastiques, des ressources renouvelables, etc.
La question de nos rapports à l’environnement et à la biodiversité se pose d’une manière spécifique dans les champs de l’alimentation et de l’agriculture. La pression climatique sur les productions agricoles et sur l’environnement prend deux formes majeures : tendances climatiques de long terme (augmentation de la température) et événements extrêmes plus fréquents et intenses (sécheresses, tempêtes, crues, etc.). Toutes les espèces sont ainsi confrontées à une accélération des changements de leur environnement. La sécurité alimentaire et la santé des populations, l’intégrité de la biosphère (interactions entre le vivant et la planète) dépendent de la compréhension et de la préservation des dynamiques d’évolution du vivant.
Pour adapter les agricultures à ces situations, il est nécessaire de sélectionner des végétaux et des animaux qui puissent résister à ces aléas, mais aussi d’intégrer davantage de diversité dans les systèmes de production agricole. Renforcer la compréhension fine des processus biologiques et écologiques à l’œuvre au sein des écosystèmes agricoles est indispensable pour concevoir et mettre en œuvre des dispositifs et des outils répondant aux principes de l’agroécologie. La recherche en matière de transition agroécologique doit adopter une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé humaine, animale et environnementale telle qu’elle s’exprime à travers le concept « Une seule santé » afin de prendre en compte nos relations d’interdépendance. Il faut par ailleurs développer des technologies nouvelles d’aide à la décision, comme la télédétection, les capteurs et tous les outils d’intégration et d’analyse de l’information, afin d’aller vers une agriculture toujours plus précise et de faciliter le travail quotidien des éleveurs et des cultivateurs.
Une augmentation de la production d’aliments, tout en réduisant les gaspillages, sera nécessaire à l’échelle mondiale pour nourrir 10 milliards de personnes en 2050. Pour y parvenir tout en atténuant leur empreinte environnementale, les systèmes alimentaires devront équilibrer leur bilan carbone, réduire leur utilisation d’intrants fossiles et leurs émissions de gaz à effet de serre, augmenter leur capacité de séquestration du carbone atmosphérique dans les sols et renforcer l’autonomie protéique des territoires.
La réduction des pollutions chimiques liées à l’agriculture passe enfin par des alternatives à l’usage des pesticides, des anti-infectieux, des plastiques et par l’évolution des procédés mis en œuvre tout au long de la chaîne alimentaire depuis la production jusqu’à la consommation, de même que le progrès des techniques de dépollution et de remédiation des sols et des eaux. Il s’agit d’une transformation profonde des systèmes agricoles et alimentaires qui doit être accompagnée par une très forte mobilisation pluridisciplinaire et interdisciplinaire.
b) Affronter le changement climatique, décarboner les activités humaines, gérer les ressources marines et forestières et favoriser l’accès de tous à une eau potable et à l’assainissement.
Limiter l’impact des sociétés humaines sur le réchauffement climatique, lutter contre ce réchauffement climatique, atténuer ses effets et s’y adapter requiert une excellente compréhension de la « machine climatique », mais aussi une évaluation précise des différents impacts climatiques et des incertitudes associées. Les principaux verrous relèvent, d’une part, de l’observation et l’acquisition de données et, d’autre part, de la modélisation, à différentes échelles d’espace et de temps, qui mobilise des volumes gigantesques de données hétérogènes. Le passage des modèles aux petites échelles plus adaptées à l’étude des impacts du changement climatique sur les territoires est un véritable défi. Pour développer des solutions réellement opérationnelles permettant d’instaurer les transitions nécessaires (notamment écologiques, sociales, énergétiques, agroécologiques, etc.), pour produire et stocker efficacement des énergies totalement décarbonées et pour créer des réseaux de distribution intelligents, il sera nécessaire de mobiliser des programmes de recherche transdisciplinaires, allant des sciences du climat à l’écologie et aux sciences sociales et politiques, en passant par les sciences de l’ingénieur.
L’océan est un régulateur des changements et de la variabilité du système climatique dont dépendent l’économie, la nutrition, la santé et le bien-être, l’approvisionnement en eau et l’énergie sur l’ensemble du globe. Il abrite une incroyable biodiversité marine, d’espèces connues et encore inconnues que nous nous devons de préserver. La perte de cette riche biodiversité signifierait également une perte de gènes et de molécules potentiellement précieuses pour la recherche médicale. L’observation et la compréhension de l’océan, qui constitue le plus vaste écosystème de notre planète, est donc un enjeu majeur. La France, deuxième État par sa zone économique marine exclusive (11 millions de km2), est fortement concernée par la connaissance, l’utilisation durable et la conservation des océans. À ce titre, la France participe à la Décennie de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) pour les sciences océaniques. Les sciences océaniques sont au cœur de l’engagement français, à la fois dans les négociations internationales sur le climat dans le prolongement de la COP21 à Paris, mais également la feuille de route de la France pour l’Agenda 2030.
En 2050, 5,7 milliards d’êtres humains pourraient vivre dans des régions où l’eau manque, au moins un mois par an (ONU, 2018). Or l’eau douce ne représente que 2,5 % de l’eau sur notre planète et 70 % de cette eau est stockée dans des glaciers menacés par le changement climatique. Cette menace exige de mettre au point de nouvelles façons de désaliniser l’eau de mer, moins consommatrices d’énergie, de recycler l’eau pour la consommation humaine (ou pour l’irrigation des cultures, qui représente 70 % de l’utilisation de cette eau douce). Loin d’être un continent aride, l’Europe est cependant également touchée par cette problématique. L’indice d’exploitation de l’eau dans des pays européens montre bien combien les pressions exercées sur les ressources en eau douce sont de plus en plus fortes. L’Agence européenne pour l’environnement estime que près d’un tiers du territoire de l’Union européenne est exposé à des conditions de stress hydrique, de manière permanente ou provisoire, touchant plus de cent millions d’individus en Europe. Des progrès considérables en matière de lutte contre la raréfaction d’eau et la sécheresse sont à réaliser. La France peut et doit être au premier plan dans la recherche de solutions.
L’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques ainsi que la préservation des ressources en eau dans un contexte d’intensification des pénuries imposent la construction d’une société et d’une économie résilientes. Il en découle notamment une nécessité de préserver la capacité naturelle de nos territoires à stocker et à épurer la ressource en eau, de même qu’à conserver le carbone séquestré dans les sols. La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité relève, à ce titre, que les zones humides fournissent une quantité disproportionnée de services écosystémiques essentiels, en particulier ceux associés à la filtration et à l’approvisionnement en eau douce et à la protection des littoraux. L’Agence européenne pour l’environnement souligne l’urgence à préserver et restaurer les milieux humides qui jouent également un rôle clé dans la sauvegarde de la biodiversité et permettent une protection contre les risques naturels tout en participant à l’amélioration de la santé, de la sécurité alimentaire ou encore au développement socio-économique. Malgré leur importance, 67 % des zones humides métropolitaines ont disparu depuis le début du XXe siècle, dont la moitié entre 1960 et 1990. Pour préserver les services inestimables rendus par les marais, les roselières, les prairies, les tourbières ou encore les étangs (liste non exhaustive), une connaissance fine de ces milieux s’impose. Bien gérées et restaurées, les zones humides sont des solutions fondées sur la nature permettant de répondre aux plus grands défis de l’humanité. Le développement et le déploiement de ces solutions fondées sur la nature, à l’échelle du territoire national, représentent un enjeu fondamental pour notre pays.
La recherche dédiée aux mondes polaires constitue un enjeu majeur du XXIe siècle, tant scientifique que géostratégique, pour lequel la France possède de nombreux atouts en raison de la qualité et de la visibilité de sa recherche et de son activité diplomatique dans le domaine. Moteurs de la dynamique du climat, réservoirs exceptionnels de biodiversité, récepteurs des pollutions liées à l’activité humaine, territoires de populations humaines autochtones, les pôles concentrent un faisceau d’enjeux et de problématiques qui appellent un renforcement de la stratégie scientifique polaire de la France, notamment au travers d’une augmentation de la capacité océanographique polaire du pays.
La forêt est également un régulateur important des changements climatiques en ce qu’elle se caractérise par des écosystèmes complexes qui sont la source de multiples biens et services indispensables à nos sociétés, dont la fourniture de bois, matériau biosourcé et renouvelable. La France est un grand pays forestier, avec 40 % du territoire national boisé. L’hexagone abrite ainsi la première forêt feuillue d’Europe et les outre-mer des biomes hétérogènes, avec notamment 8 millions d’hectares de forêt équatoriale en Guyane, dans le bassin amazonien, seul grand massif tropical de l’Union européenne. La connaissance et le suivi à long terme des écosystèmes forestiers, la gestion durable des forêts et les utilisations du bois sont des enjeux majeurs pour la France.
5. Construire un monde où la technique est au service de l’homme
La dernière décennie a vu une « mise en données » du monde. Les données sont désormais au centre d’une majorité de processus de décision. Cette révolution dans la place des données et de leur analyse par intelligence artificielle a été permise par des travaux de recherche à la fois sur la gestion des masses de données, sur la modélisation aléatoire pour tenir compte des incertitudes et sur les algorithmes de traitement, d’analyse et de visualisation. Les algorithmes les plus performants aujourd’hui manquent cependant de fondements théoriques, sont difficiles à interpréter et sont vulnérables aux attaques. Leur exploitation dans des processus de décision parfois critiques pose des questions de pertinence, de confiance, d’explicabilité, d’interprétabilité, de stabilité et de robustesse qui sont autant de défis scientifiques majeurs. Ces déploiements de l’intelligence artificielle cristallisent aussi des questions interdisciplinaires autour de l’appropriation des méthodes et outils numériques, de la responsabilité relative aux décisions prises à l’aide d’algorithmes ou à partir de données, de la reproductibilité des expériences, de l’analyse critique de leurs biais éventuels, de leur impact psychosocial, de l’interprétation scientifique et des questions éthiques associées, notamment du respect des fondements de notre démocratie et de la liberté individuelle.
La numérisation appelle à construire les conditions d’une souveraineté et d’une sûreté numériques et donc à accentuer les recherches sur la sécurisation des calculs, des échanges et des données. Ces recherches exigeantes, en particulier en cryptologie et cybersécurité, combinent des approches formelles traditionnelles et les apports de l’intelligence artificielle pour explorer les grands volumes de données de sécurité afin de repérer les schémas suspects et d’orchestrer les contremesures.
La puissance de calcul des ordinateurs classiques, qui a crû de manière exponentielle depuis les années 1960, plafonne aujourd’hui. La « seconde révolution quantique » peut conduire dans les années à venir à des ordinateurs d’un type nouveau, à la puissance inégalée. Cette recherche pluridisciplinaire associe notamment la recherche en physique, en informatique, en mathématiques et en sciences de l’ingénieur. L’ordinateur quantique suscite des efforts de recherche considérables aussi bien dans le milieu académique qu’au sein de grands groupes industriels, avec l’objectif de développer des technologies innovantes en complète rupture avec les progrès attendus des technologies classiques.
Si elle advient, cette technologie quantique sera une rupture au moins aussi importante que ne l’a été l’ordinateur classique, permettant la résolution de problèmes d’optimisation complexes avec des applications à la recherche de nouveaux matériaux, de nouveaux médicaments, etc. Comme cette nouvelle puissance de calcul permettra de casser les codes cryptographiques qui sécurisent aujourd’hui toutes nos communications sensibles, il est nécessaire de travailler dès maintenant à la cryptographie du futur qui résistera à l’ordinateur quantique, et plus largement au développement de nouveaux algorithmes « quantiques ».
La rencontre de la médecine, des mathématiques et de l’informatique prépare une révolution dans le pronostic, le diagnostic et la mise au point de nouveaux traitements médicaux. En combinant intelligence artificielle, modélisation et assimilation de données (cliniques, biologiques, génomiques, imagerie, etc.), nous sommes à l’aube de pouvoir construire des jumeaux numériques d’êtres vivants. Ceux-ci permettront par exemple de personnaliser un traitement contre le cancer ou de tester divers scénarios chirurgicaux. Le jumeau numérique d’un animal de laboratoire permettra aussi de réaliser certains essais par simulation numérique, limitant ainsi le recours à l’expérimentation animale. Ces nouvelles approches vont également renouveler notre manière d’appréhender notre connaissance du vivant et nous aider à mieux interagir avec notre environnement.
Les technologies spatiales jouent également un rôle crucial concernant les données, par leurs capacités de transmission, et parce qu’elles permettent de fournir des données particulièrement précieuses pour les études environnementales, le climat, l’agriculture ou encore les questions de mobilité qui sont autant d’enjeux majeurs pour le futur. Plus largement, la recherche spatiale contribue à l’avancée des connaissances en sciences de la Terre et de l’Univers et permet des découvertes qui nourrissent d’autres domaines comme la médecine, la physique ou la chimie. Les verrous technologiques que le spatial permet de lever trouvent ensuite une application dans de nombreux secteurs de l’industrie.
Pour être en capacité d’explorer l’univers, mais également pour des questions de souveraineté, il est indispensable pour la France et pour l’Europe, confrontées à une compétition internationale croissante, d’être en capacité de se maintenir au meilleur niveau de recherche et d’innovation spatiales. Cela passe entre autres par une amélioration continue de notre programme Ariane, dont la sixième version est en phase de finalisation, un maintien de notre avance technologique dans les domaines des satellites et notre participation à de grands programmes internationaux (ISS, Mars 2020, Chang’e 6…). La recherche scientifique, technologique et l’innovation françaises dans le domaine spatial, soutenues et coordonnées par le Centre national d’études spatiales (CNES), dans le cadre de programmes développés en lien étroit avec les unités de recherche publique et l’industrie, assurent à la France une renommée internationale et une forte visibilité dans ce domaine.
Plus largement, les ambitions de la science française s’inscrivent et contribuent à répondre aux grands enjeux de société des objectifs du développement durable des Nations Unies et à la feuille de route française de l’Agenda 2030, à travers un continuum s’étendant de la formation à la recherche fondamentale et appliquée en passant par des collaborations interdisciplinaires et intersectorielles sur des champs transverses.
Dans les appels à projets de recherche nationaux et régionaux, les objectifs du développement durable des Nations Unies sont systématiquement valorisés par les bailleurs (Agence nationale de la recherche, régions, etc.), en particulier par un marquage approprié signalant la contribution à ces objectifs.
Les établissements publics ayant une mission de recherche rendront régulièrement compte à leurs tutelles des actions qu’ils mènent et contribuent à l’atteinte des objectifs du développement durable des Nations Unies. Ils pourront, pour cela, s’appuyer notamment sur le « référentiel DD&RS », grille d’autoévaluation permettant de déterminer le niveau de performance des actions menées en matière de développement durable et de responsabilité sociétale.
Afin d’accompagner l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs sensibilisés aux enjeux des objectifs du développement durable des Nations Unies, les écoles doctorales seront incitées à intégrer un module spécifique de formation aux objectifs de développement durable.
II. – Une loi pour les femmes et les hommes qui font la recherche
Le domaine de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a connu, depuis les années 2000 de nombreuses réformes de structure, avec notamment la naissance et la montée en puissance, parfois irrégulière, des agences de financement, et avec la mise en œuvre, parfois désordonnée, de regroupements d’établissements. Les personnels de la recherche ont eu souvent, et à juste titre, le sentiment d’une complexité croissante de l’environnement dans lequel ils exercent leurs métiers et d’un alourdissement des tâches administratives qui empiètent sur le temps qu’ils consacrent à leurs missions principales : la recherche, la formation, l’innovation.
La loi de programmation pluriannuelle de la recherche prend en compte ces constats. Cette loi n’engage pas de changements de structures. Tout en consolidant l’organisation existante, elle met l’accent d’abord et avant tout sur les personnels de la recherche, avec le souci de revaloriser leurs rémunérations et de rendre leurs métiers plus attractifs et avec l’objectif de leur redonner du temps pour leurs missions essentielles. Elle porte une attention particulière aux jeunes scientifiques ainsi qu’à la simplification du fonctionnement et de la vie des unités de recherche.
A. – Revaloriser les rémunérations des scientifiques et mieux reconnaître la diversité de leurs compétences
Le constat de la faiblesse des rémunérations dans l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation tient à la configuration particulière de ses corps de fonctionnaires, dont la rémunération, comme pour tous les corps de la fonction publique, est principalement déterminée par trois composantes : la valeur du point d’indice, fixée transversalement à l’échelle de la fonction publique, les grilles, qui déterminent la progression des carrières, et les régimes indemnitaires (primes). C’est sur ce dernier point que les corps de l’ESRI se distinguent : en effet, là où les différents corps de la fonction publique ont globalement fait l’objet d’un travail de réalignement des grilles dans le cadre du « protocole Parcours, carrières et rémunérations » (PPCR), les régimes indemnitaires de l’ESSRI sont restés parmi les plus bas et les moins bien distribués de toute la fonction publique. Sur la progression de carrière, le principe du déroulement d’une carrière complète sur deux grades prévus dans le PPCR doit être respecté au sein des établissements de l’ESRI.
Au sein même de l’ESRI, des différences peu justifiables existent entre les universités et les organismes de recherche, entre les corps scientifiques (professeurs des universités et maîtres de conférences par rapport aux directeurs et chargés de recherche) et entre les corps techniques (ingénieurs, techniciens et administratifs ; ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation) pour des personnels qui travaillent ensemble dans les mêmes laboratoires. Pour faciliter les mobilités entre universités et organismes, l’objectif sera donc de faire converger les montants moyens de primes entre les différents types de personnels afin de remédier à ces disparités historiques, mais peu justifiées aujourd’hui. À cette fin, dès l’année 2021, 92 M€ supplémentaires y seront consacrés ainsi que des montants analogues les années suivantes dans le cadre de la programmation pluriannuelle de la recherche…
Ces revalorisations toucheront ainsi tous les personnels et interviendront de façon différenciée. D’une part, l’ensemble des métiers ont vocation à être revalorisés dans ce cadre, mais le gain sera plus élevé pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs dont le niveau de rémunération est aujourd’hui loin des standards internationaux que pour les personnels ingénieurs, techniciens administratifs et bibliothécaires, dont la situation actuelle est proportionnellement moins défavorable. D’autre part, cette revalorisation a vocation à être plus particulièrement ciblée sur les débuts de carrières, sur lesquels on observe un déficit d’attractivité plus marqué (cf. infra). Cette revalorisation permettra notamment une majoration plus marquée pour les chargés de recherche et les maîtres de conférences. Ces derniers seront admis, dans les conférences internationales tenues en langue anglaise, à faire usage de la dénomination d’associate professor pour désigner leurs fonctions.
Par ailleurs, les conditions d’emploi et de rémunération des chargés d’enseignement vacataires (CEV) et des agents temporaires vacataires (ATV) feront l’objet d’un examen avec les organisations syndicales, les représentants des employeurs et les associations représentant les jeunes chercheurs et les candidats aux métiers de l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, la convergence indemnitaire ainsi engagée permettra de procéder à une refonte des régimes indemnitaires existants, afin de les réorganiser autour d’un régime avec trois composantes :
– une composante de base revalorisée ;
– une composante correspondant à une mission renforcée, au choix, sur laquelle l’agent s’engage pour une durée pluriannuelle (par exemple : innovation, direction d’études, direction de laboratoire ou d’unité, etc.), en vue de mieux reconnaître l’engagement professionnel ;
– une composante individuelle, constituée des primes existantes (prime d’encadrement doctoral et de recherche), à laquelle pourront s’ajouter des dispositifs comparables comme la prime de reconnaissance de l’investissement pédagogique.
Un travail sera également engagé sur les rémunérations des personnels des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) de recherche pour définir de façon adaptée à chaque établissement une trajectoire de revalorisation de ces rémunérations ainsi que les orientations qui y seront liées. Par ailleurs, pour les personnels d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui relèvent d’autres ministères, une revalorisation sera également mise en place dans les mêmes conditions que pour les agents relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Enfin, l’attractivité des carrières et des statuts hospitalo-universitaires doit être renforcée en s’appuyant sur trois axes principaux :
– l’amélioration du début de carrière des personnels hospitalo-universitaires (HU) notamment par le biais de chaires de professeur junior (« tenure track ») en complément des autres voies d’entrée dans la carrière par concours ;
– la refonte des statuts hospitalo-universitaires pour prendre en compte les besoins de souplesse et d’accompagnement des projets de carrière avec des valences (soins, enseignement et recherche) dont les places respectives peuvent évoluer au cours de la carrière ;
– le développement de la recherche dans la formation et l’émergence de nouveaux profils.
B. – Donner de la sécurité, des perspectives et de l’autonomie aux jeunes scientifiques pour favoriser la prise de risque
Si le constat de la baisse d’attractivité de la France en matière scientifique est global, plusieurs indicateurs montrent que cette perte d’intérêt affecte particulièrement les jeunes chercheurs.
Ainsi, l’âge de recrutement des jeunes chercheurs sur des emplois stables n’a-t-il cessé de reculer, atteignant aujourd’hui 33 à 34 ans pour les chargés de recherche et les maîtres de conférences, induisant nécessairement une période longue et souvent difficile entre le doctorat et l’entrée dans un emploi stable, zone de turbulence accentuée par le caractère peu formalisé des contrats de recherche autour de cette période.
Dans le même temps, l’attractivité du doctorat a régressé dans notre pays depuis 2009, les nouvelles entrées en doctorat passant de près de 20 000 à moins de 17 000.
(Le graphique illustrant l’évolution du nombre de doctorants en France de 2009 à 2017 est visible à la page 30 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-052-rapport-annexe.pdf )
En nombre de thèses de doctorat par millions d’habitants, la France se situe loin des niveaux atteints par d’autres pays.
(Le graphique illustrant le nombre de thèses délivrées par an et par millions d’habitants pour différents pays est visible à la page 31 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-052-rapport-annexe.pdf )
En particulier, si la part des doctorants étrangers inscrits en France, avec 42 % du total des doctorants, reste largement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE (environ 25 %) et au niveau des pays les plus attractifs comme la Grande-Bretagne et les États-Unis, ce pourcentage cache de fait une baisse du nombre de doctorants internationaux depuis 2012, de l’ordre de – 8 % par an, tandis que, à l’inverse, le nombre de doctorants inscrits à l’étranger augmente au niveau mondial sur la même période. C’est un sujet de préoccupation important, souligné par le récent rapport de la Cour des comptes sur la mobilité internationale des étudiants (septembre 2019) : il est indispensable de développer une politique ambitieuse d’attractivité à destination des doctorants étrangers.
Ces constats appellent une série de mesures visant à réinvestir sur les jeunes, en leur offrant plus de stabilité professionnelle et de visibilité sur leurs parcours ainsi que des conditions propices à la prise de risque scientifique.
À ce titre, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche permettra en premier lieu d’améliorer et de sécuriser la situation des doctorants, en accroissant de 20 % le nombre de contrats doctoraux financés par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation avec l’objectif, à moyen terme, de financer tous les doctorants en formation initiale – sans réduire bien sûr, par ailleurs, la possibilité de réaliser un doctorat en complément d’une expérience professionnelle, notamment en tant qu’enseignant. Le nombre de conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) sera également augmenté (cf. infra). De plus, la rémunération des nouveaux contrats doctoraux sera progressivement revalorisée de 30 % entre 2021 et 2023. À terme, la politique de la recherche tendra à faire coïncider le nombre des dispositifs individuels de financement et celui des thèses en formation initiale, pour éviter de ne laisser aucun doctorant sans revenu lié à son activité.
En contrepartie, les régulations mises en place dans les écoles doctorales permettront de mettre fin aux configurations parfois rencontrées dans lesquelles les doctorants sont placés dans de mauvaises conditions d’encadrement. Il s’agit plus particulièrement de limiter le nombre de doctorants suivis par leur directeur de thèse afin de leur garantir la qualité de leurs travaux et de leur offrir un meilleur accompagnement vers leur insertion professionnelle après la thèse. Ainsi, les contrats doctoraux supplémentaires seront-ils attribués aux établissements et écoles doctorales au regard de la qualité de la formation doctorale ainsi que de la qualité de l’insertion professionnelle des docteurs et de son suivi. Un contrat doctoral de droit privé similaire à celui du secteur public permettra par ailleurs d’offrir les mêmes garanties à tous les types de thèses et ainsi de renforcer la mobilité et les thèses en entreprise. Les établissements et les unités de recherche accompagneront, dès leur recrutement, les docteurs et post-docs dans le cadre de programmes de jeunes talents favorisant la prise rapide de responsabilité et les évolutions futures de carrière.
Dans le prolongement de l’inscription du doctorat au répertoire national des compétences professionnelles, ces actions seront accompagnées d’une amplification de la politique de reconnaissance du doctorat, notamment en vue d’accroître la présence des docteurs dans toutes les sphères d’activités, publiques et privées. En particulier, la réforme en cours de la haute fonction publique permettra d’y renforcer la place des personnes titulaires d’un doctorat, en poursuivant à cette fin le développement des concours spécifiques.
La sécurisation des débuts de carrière portera également sur les contrats post-doctoraux, qui représentent aujourd’hui à l’échelle internationale une étape standard de l’entrée dans les carrières scientifiques. En particulier, la configuration des organismes de recherche ayant le statut d’EPIC les contraint, pour leurs recrutements post-doctoraux, à recourir à des contrats à durée déterminée d’une durée maximale de dix-huit mois, trop courte par rapport à la durée réelle du projet de recherche. La formalisation d’un contrat de projet post-doctoral de droit privé sécurisera ces situations. Quel que soit leur statut juridique (droit privé ou droit public), les contrats post-doctoraux renforceront l’accompagnement du post-doctorant dans sa transition professionnelle vers des postes pérennes au sein des métiers de la recherche publique ou privée.
Enfin, la rémunération des jeunes chercheurs recrutés comme chargés de recherche ou comme maîtres de conférences sera également améliorée : les règles et les modalités de reclassement dans les grilles indiciaires de ces corps seront adaptées, avec l’objectif qu’aucun chargé de recherche ou maître de conférences ne perçoive une rémunération inférieure au double du salaire minimum de croissance (SMIC). De plus, tous les nouveaux recrutés comme chargés de recherche et maîtres de conférences se verront allouer une dotation de démarrage pour lancer leurs travaux.
C. – Redonner des perspectives d’emploi scientifique pérenne, notamment pour les personnels de soutien et de support
Entre 2012 et 2018, les effectifs sous plafond des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont baissé, notamment dans les organismes de recherche, comme le montre le tableau ci-dessous :
2012 |
2018 |
Variation |
|
EPST (établissements publics à caractère scientifique et technologique) |
47 564 |
43 733 |
-8,1 % |
EPIC sous tutelle du MESRI |
22 349 |
22 163 |
-0,8 % |
Universités et écoles sous tutelle du MESRI |
150 090 |
150 657 |
+0,4 % |
Total |
220 003 |
216 553 |
-3 450 |
Cette baisse des effectifs a essentiellement porté sur les personnels de soutien technique à la recherche : les ingénieurs et techniciens participant aux recherches au sein même des équipes des laboratoires, notamment dans toutes les sciences expérimentales. Cette diminution a été très durement ressentie et a fortement contribué à la dégradation des conditions dans lesquelles les chercheurs exercent leur métier. Une réponse vigoureuse est nécessaire sur ce sujet.
En rupture avec la tendance baissière de ces dernières années, le Gouvernement propose une perspective ambitieuse pour l’évolution des emplois de la recherche publique au cours de la période 2021-2030. La construction de cette perspective s’accompagne d’une grande attention aux déterminants essentiels que sont le maintien du niveau des recrutements dans les corps de fonctionnaires de l’ESRI, la diversité des modes de recrutement et l’équilibre entre les différentes formes d’emplois, le déroulement des carrières et les promotions des personnels titulaires, la sincérité du budget des établissements ainsi que l’équilibre entre femmes et hommes.
S’agissant des ingénieurs, techniciens et administratifs des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), le flux de recrutements sera supérieur au nombre de départs, afin de permettre un renforcement des fonctions de soutien et de support au sein des laboratoires de recherche, et notamment du soutien sur les fonctions scientifiques et techniques. Cette trajectoire prévoit aussi un effort de repyramidage pour les ingénieurs et techniciens des EPSCP, via les recrutements. Cet effort est absolument indispensable, car les universités ont une proportion d’agents de catégorie C souvent supérieure à 40 %, voire 50 %, parmi les ingénieurs et techniciens, agents sur lesquels pèse fréquemment une surqualification particulièrement forte, conduisant à mal reconnaître et mal rémunérer des personnels souvent très diplômés par rapport au niveau théorique de leur recrutement.
Enfin, pour les EPIC de recherche, la trajectoire prévoit au moins un maintien de l’effectif au niveau actuel.
Au global, de nombreuses mesures de la LPPR sont porteuses de créations d’emplois scientifiques : c’est le cas des mesures prises en faveur des doctorants (augmentation du nombre des contrats doctoraux et des conventions CIFRE) et de l’augmentation du budget d’intervention de l’Agence nationale de la recherche (ANR) puisqu’une part importante des financements attribués pour les projets de recherche a vocation à être utilisée pour recruter des personnels (doctorants, post-doctorants, ingénieurs, etc.). C’est le cas aussi des nouvelles voies de recrutement sur les « chaires de professeurs juniors », qui viendront s’ajouter aux autres flux de recrutement déjà existants. Au total, il est ainsi prévu que les effectifs sous plafond des établissements publics sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (EPSCP, EPST et EPIC) évolueront dans les prochaines années selon la trajectoire suivante :
Incidence de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche sur les effectifs sous plafond de l’État et des opérateurs des trois programmes budgétaires P150, P172 et P193 (en équivalents temps plein travaillés, et en écart par rapport à 2020) |
|||||||||
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
+700 |
+1 350 |
+2 000 |
+2 650 |
+3 150 |
+3 600 |
+4 000 |
+4 400 |
+4 800 |
+5 200 |
Outre cette évolution prévue pour les effectifs sous plafond, l’accroissement prévisionnel entre 2020 et 2030 des effectifs contractuels hors plafond des établissements de l’ESRI s’élève à 15 000 environ.
En complément de ces évolutions quantitatives, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation portera une attention particulière au déroulement des carrières des fonctionnaires des corps de l’enseignement supérieur et de la recherche.
En particulier, les flux annuels de recrutements de chargés de recherche en directeurs de recherche, les flux de recrutements de maîtres de conférences en professeurs et les flux de promotions annuels dans les corps de chercheurs et d’enseignants-chercheurs seront augmentés afin que les nouvelles voies de recrutement ouvertes par la présente loi de programmation pluriannuelle de la recherche ne pénalisent pas le déroulement de carrière des maîtres de conférences et des chargés de recherche. Une attention analogue sera portée aux carrières des ingénieurs, techniciens et administratifs.
Afin d’assurer que les évolutions prévues dans ces trajectoires d’emplois de la LPPR seront mises en œuvre par les établissements, un pilotage sera conduit dans le cadre du dialogue de gestion annuel. Il sera ainsi demandé à chaque établissement de construire un plan pluriannuel de recrutement s’inscrivant dans les perspectives fixées dans le cadre de la LPPR et de mener une réflexion sur les procédures suivies. Les moyens supplémentaires liés à la trajectoire d’emplois définie par le Gouvernement feront l’objet d’attributions aux établissements dans le cadre du dialogue de gestion annuel, sur la base des éléments présentés par chacun d’eux et des comptes rendus annuels qu’ils produiront sur les départs et les recrutements. Ces éléments seront vérifiés lors des examens des budgets initiaux et rectificatifs.
De façon transversale, une attention particulière sera portée à l’appropriation de ces orientations et de chacun de ces nouveaux dispositifs afin de s’assurer qu’ils contribuent à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les débuts de carrière, et notamment la période de 30 à 40 ans pendant laquelle se jouent les entrées en carrière scientifique, étant particulièrement critiques en termes de décrochage des carrières féminines par rapport aux carrières masculines, il convient de veiller tout particulièrement à ce que les nouvelles voies de recrutement leur bénéficient, avec une clause de réexamen régulière, dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion entre l’établissement et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, pour vérifier l’atteinte par les établissements d’objectifs en matière d’égalité.
D. – Faire de la recherche française une terre d’accueil pour la diversité des talents
1. Ouvrir de nouvelles voies de recrutement en complément des recrutements statutaires
En complément des voies de recrutement existantes et en plus des postes ouverts pour les chargés de recherche et les maîtres de conférences, une voie d’accès spécifique sera créée pour des postes participant à la stratégie scientifique et d’attractivité des établissements. Cette nouvelle voie de « pré-titularisation conditionnelle » correspond au principal mode de recrutement sur le marché de l’emploi scientifique mondial, connu sous le nom de « tenure track », qui peut se traduire par « parcours de titularisation ». Elle vise à offrir à des jeunes scientifiques, sélectionnés après un appel à candidatures largement ouvert, une entrée en carrière avec un contrat doté d’un environnement financier attribué par l’ANR, permettant d’accéder, à l’issue d’une période maximale de six ans, à une titularisation dans le corps des professeurs des universités ou des directeurs de recherche. Ces recrutements viendront conforter, le plus souvent possible, des orientations scientifiques partagées entre établissements d’enseignement supérieur et organismes dans le cadre des politiques de site. Au terme de la période de programmation, 300 chaires de professeur ou de directeur de recherche junior environ seront ouvertes chaque année en complément des recrutements de chargés de recherche et de maîtres de conférences. Ce dispositif sera également accessible aux personnels hospitalo-universitaires.
Un dispositif analogue permettant de doter d’un environnement financier certains chercheurs nouvellement recrutés après une large publicité internationale sur des postes qui revêtent un caractère stratégique sera également mis en place pour les EPIC de recherche.
En complément, pour les personnels recrutés spécifiquement pour l’accomplissement d’un projet de recherche, un contrat à durée indéterminée de mission scientifique sera créé qui permettra d’allonger les contrats actuels, souvent très courts, pour les faire coïncider avec des projets de recherche qui ont vocation à s’inscrire dans la durée tout en réduisant la précarité des personnels concernés.
Enfin, les initiatives des établissements visant à favoriser l’accueil en France de chercheurs qui souhaitent revenir dans notre pays après une carrière de premier plan à l’international seront soutenues. Les cofinancements de l’État et des collectivités territoriales ou d’autres acteurs seront recherchés afin de proposer à ces scientifiques de renom un cadre stable (CDI) accompagné d’un environnement attractif, dans le cadre des politiques de site.
Ces mêmes dispositifs pourront être mobilisés pour attirer sur notre sol les scientifiques étrangers les plus éminents, dont il importe de repenser l’accueil sous toutes ses facettes.
2. Développer et sécuriser les dispositifs d’accueil des chercheurs internationaux
La capacité de la France à attirer les plus grands talents scientifiques du monde participe naturellement de son rayonnement scientifique et international. Cette attractivité est un des moyens les plus efficaces de participer activement au partage des savoirs à l’échelle mondiale, si nécessaire face aux enjeux globaux qui s’imposent à nous et aux tentations de fermeture et d’obscurantisme.
La concurrence internationale pour attirer des talents scientifiques rend nécessaire la prise en compte de l’ensemble des dimensions du séjour pour les faire venir (accompagnement à prévoir avant le départ, à l’arrivée et pendant le séjour) et, le cas échéant, les retenir.
Ainsi, les bourses du Gouvernement délivrées par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dont un quart du budget est consacré aux doctorants et jeunes chercheurs (plus de 15 M€ par an), ont vu leur budget stabilisé afin de maintenir leur contribution à l’attractivité scientifique.
Des progrès ont été accomplis ces dernières années pour améliorer l’attractivité de nos laboratoires auprès des étudiants et chercheurs étrangers, notamment par la mise en place de titres de séjour pluriannuel et le développement de guichets spécifiques qui accélèrent la délivrance des cartes de séjour et améliorent l’environnement de l’accueil. En particulier, afin d’améliorer encore davantage les conditions de délivrance des titres de séjour relevant des dispositifs d’attractivité de la France (notamment le passeport talent chercheur), une circulaire a été adressée aux préfectures à la fin de 2019 portant des consignes très claires tant en termes de simplification de l’instruction de ces demandes que de conditions d’accueil à mettre en place.
Toutefois, des marges d’amélioration subsistent encore quant aux conditions actuelles d’accueil des chercheurs internationaux dans notre pays.
En premier lieu, depuis plusieurs années, des établissements français de l’ESRI, tous statuts confondus (EPSCP, EPST, EPIC, fondations reconnues d’utilité publique), rencontrent des difficultés pour accueillir des doctorants bénéficiaires d’une bourse attribuée sur critère scientifique, que les bourses soient financées par des institutions ou gouvernements étrangers ou par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). La LPPR vient donc consolider le cadre juridique de ces accueils pour sécuriser ces échanges internationaux indispensables au dynamisme de notre recherche.
Par ailleurs, pour simplifier encore les démarches pratiques, un projet spécifique de dématérialisation porté par le ministère de l’intérieur doit se concrétiser début 2021. Il offrira aux chercheurs la possibilité de faire leur démarche en ligne sans passer par le guichet des préfectures.
E. – Simplifier la vie des laboratoires pour redonner du temps aux scientifiques
La concertation conduite par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation pour la préparation du projet de loi de programmation a fait apparaître à quel point les chercheurs et enseignants-chercheurs voient leurs missions de recherche, de formation et de transfert bridées du fait de tâches administratives envahissantes, de contraintes multiples et de procédures tatillonnes sur des sujets pourtant indispensables à la vie des laboratoires (accueil de chercheurs étrangers, de stagiaires, achats, remboursement des frais de missions, etc.). Alléger les charges administratives qui pèsent sur les laboratoires est l’un des objectifs centraux de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, ce qui implique notamment de clarifier le cadre juridique des unités de recherche et d’engager dans la durée un chantier d’amélioration continue du fonctionnement et de la vie des laboratoires.
1. Clarifier le cadre juridique des unités mixtes de recherche
Simplifier le fonctionnement des unités de recherche constitue un défi majeur du système d’enseignement supérieur et de recherche français, pointé à de multiples occasions par divers rapports. Les unités mixtes de recherche (UMR) représentent plus de la moitié des unités de recherche de l’ESRI, et celles-ci peuvent relever de nombreuses configurations différentes. Ce paysage complexe est décrit dans le tableau suivant, extrait du rapport d’information n° 1213 déposé par la commission des finances de l’Assemblée nationale en juillet 2018, en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’évaluation du financement public de la recherche dans les universités.
Unités de recherche et types d’établissements auxquelles elles sont rattachées * |
||||||
Établissements d’enseignement supérieur sous tutelle MESRI |
Établissements d’enseignement supérieur (autres tutelles) |
CNRS |
Autres organismes nationaux |
Autres établissements |
Associations |
|
Établissements d’enseignement supérieur sous tutelle MESRI |
879 |
93 |
964 |
482 |
48 |
2 |
Établissements d’enseignement supérieur (autres tutelles) |
93 |
65 |
97 |
78 |
6 |
|
CNRS |
964 |
97 |
95 |
271 |
55 |
1 |
Autres organismes nationaux |
482 |
78 |
271 |
544 |
22 |
|
Autres établissements |
48 |
6 |
55 |
22 |
15 |
|
Associations |
2 |
1 |
1 |
|||
* Une même unité peut être comptée plusieurs fois si elle est mixte entre trois types d’établissements ou plus. |
Les dispositions de l’article 11 du projet de loi de programmation posent les bases législatives qui permettront de clarifier et d’unifier la place des unités de recherche dans l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche auxquels elles sont rattachées. Cet article pose les principes d’une déconcentration de la gestion au niveau de l’unité et consolide l’autorité fonctionnelle des dirigeants des établissements publics sur le responsable de l’unité. Ce nouveau cadre juridique permettra d’apporter une réponse concrète à plusieurs des difficultés qui se posent dans la vie quotidienne des laboratoires ; il sera décliné pour toutes les formes d’organisations de la recherche entre les établissements, qu’il s’agisse par exemple des UMR ou des « équipes-projets de recherche ».
2. Donner du temps aux enseignants-chercheurs pour leurs travaux de recherche
Outre la clarification des règles applicables aux laboratoires, il convient d’être attentif au quotidien de ceux qui les font vivre et de reconnaître d’emblée la spécificité des missions d’enseignant-chercheur. Les charges pédagogiques et administratives sont souvent très lourdes dans les universités et elles peuvent accaparer le temps des enseignants-chercheurs, en particulier dans les sciences humaines et sociales. Il est donc essentiel que ces derniers puissent bénéficier plus régulièrement de temps réservés pour se consacrer pleinement à leurs recherches.
Ainsi, à compter de l’année universitaire 2021-2022, les possibilités d’accueil en délégation au CNRS des enseignants-chercheurs du domaine des sciences de l’homme et de la société augmenteront-elles de 50 %, passant ainsi à 300. De même, à compter de l’année universitaire 2022-2023, les capacités d’accueil de l’Institut universitaire de France seront également augmentées afin d’atteindre 200 postes d’ici 2030. Il s’agit d’une première pierre d’une démarche globale visant à donner du temps aux enseignants-chercheurs : le nombre de congés pour recherche ou conversion thématique (CRCT) en sciences humaines et sociales sera également augmenté. Un nouveau dispositif de semestres à l’étranger contribuera à libérer du temps et internationaliser les recherches en sciences humaines et sociales : la mobilité des doctorants et des enseignants-chercheurs dans les meilleurs départements étrangers facilitera la création de réseaux internationaux et les publications en langue anglaise. Ces mesures permettront concrètement d’accroître la disponibilité des enseignants-chercheurs pour réaliser leurs recherches ; elles viendront compléter l’ensemble des démarches engagées depuis deux ans pour reconnaître l’engagement pédagogique des enseignants-chercheurs. L’allègement des tâches administratives des enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales passe non seulement par le renforcement des services administratifs, mais aussi, dans le cadre de la politique de site, par la mutualisation de certaines fonctions support au sein d’unités de service comme les maisons des sciences de l’homme.
3. Harmoniser les pratiques entre les agences de financement
Alors que les agences de financement (ANR, mais aussi Ademe, etc.) ont pris une place croissante dans le financement de la recherche et de l’innovation, leurs pratiques sont insuffisamment harmonisées, ce qui engendre de réelles surcharges pour les scientifiques, les laboratoires et les établissements. Une harmonisation est indispensable, pour rapprocher le mieux possible les formats des dossiers, les modalités de leur traitement, les règles de suivi des projets, voire les calendriers des différents guichets de financement. Un portail unique présentant l’ensemble des appels à projets sera mis en place, à l’instar de ce qui existe dans d’autres pays, et il sera progressivement enrichi de nouveaux outils et services à l’attention des porteurs de projets et des bénéficiaires.
En particulier, dans le domaine de la santé, ce travail sera accompagné d’un rapprochement des modalités de gestion scientifique et financière des projets de recherche financés dans le cadre des agences et programmes nationaux, notamment pour faciliter l’accompagnement de projets alliant recherche translationnelle et recherche clinique.
Le pilotage de ce rapprochement sera réalisé conjointement par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et par le ministère des solidarités et de la santé.
4. Lever en continu les sujets de complexité de la vie des laboratoires et des scientifiques
Certains des sujets de complexité de la vie des enseignants-chercheurs et des chercheurs ont une dimension législative et la loi de programmation s’applique à les lever, qu’il s’agisse des conditions de fonctionnement et de gestion des UMR ou de l’accueil dans les laboratoires des doctorants et chercheurs étrangers. Mais beaucoup de ces sujets ne sont pas législatifs : la mise en œuvre des orientations de cette loi doit permettre de poser les jalons d’un chantier d’amélioration continue de la vie des laboratoires et des scientifiques, en cherchant à lever une à une les difficultés les plus couramment identifiées.
Dans cette optique, un premier groupe de travail « usagers » constitué avec des responsables de laboratoires a permis d’identifier une première liste de sujets de complexité ou de difficultés, qui donneront chacun lieu à une démarche d’allègement et d’amélioration. Un chantier expérimental d’harmonisation des règles de gestion a également été mené à la fin de 2019 et au début de 2020 avec une grande université et les quatre EPST partenaires, avec l’accompagnement du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ces travaux seront poursuivis dans la durée, car la simplification de la vie des laboratoires est une ardente obligation pour les établissements de l’ESRI et pour le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ces travaux feront l’objet d’un suivi régulier, avec un groupe « usagers » : un baromètre de la simplification de la vie des laboratoires sera mis en place et les résultats seront publiés.
En complément de ces travaux sur le fonctionnement et les règles de gestion des unités de recherche, la démarche de travail sur les outils de systèmes d’information et de partage des données sera poursuivie, en y impliquant étroitement les établissements.
III. – Des évolutions indispensables pour notre recherche et notre pays
A. – Accroître significativement les moyens pour la recherche et l’innovation
1. Accroître de 1 Md€ les financements compétitifs de l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour être au niveau des standards internationaux
À travers la LPPR, l’État entend insuffler une dynamique nouvelle à la recherche française. Pour ce faire, en complément des financements « de base » des laboratoires, dont les montants seront augmentés de 10 % d’ici à 2022, le financement par appels à projets est un outil majeur et l’Agence nationale de la recherche (ANR) sera l’opérateur principal sur lequel s’appuyer efficacement pour développer ces financements.
Parce qu’il permet une allocation des moyens selon des critères transparents et rationnels, le financement par appels à projets est un vecteur puissant d’un réinvestissement dans la recherche et l’innovation. Toutefois, ce modèle de financement n’est véritablement efficace que s’il se situe à un niveau suffisant, permettant de financer effectivement les projets de qualité et de soutenir les établissements qui créent les conditions de leur émergence.
Ceci n’est clairement pas le cas aujourd’hui en France. Les comparaisons internationales montrent que les moyens actuels de l’ANR sont très insuffisants. En 2018, l’ANR a consacré 518 M€ aux appels à projets de recherche, soit un peu plus de 0,022 % du PIB. Le standard pour les agences équivalentes est proche de trois à quatre fois ce chiffre : 0,08 % du PIB pour la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) en Allemagne et le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) en Suisse, 0,07 % du PIB pour la Nederlandse Organisatie voor Wetenschappelijk Onderzoek (NWO) aux Pays-Bas. Même en montants absolus, le niveau d’engagement de l’ANR en France est actuellement inférieur à celui de la Suisse ou des Pays-Bas.
Cette insuffisance de financement conduit à une faiblesse des taux de succès aux appels à projets (AAP) qui fragilise la confiance dans ce mode de financement. Vers 2014, lorsque le taux de succès aux appels à projets de l’ANR a été au plus bas (11 %), l’écart perçu entre le temps de préparation d’un projet et l’espoir d’un financement était devenu dissuasif ; de nombreux projets jugés excellents n’étaient pas financés, avec des conséquences sévères sur la mobilisation des communautés scientifiques et l’émergence chez les chercheurs d’un sentiment d’injustice : avec des taux aussi faibles, il n’est pas possible de discriminer de façon sérieuse entre les projets excellents, et la sélection finale est inévitablement peu fondée. Ce taux de succès trop bas conduit également à privilégier des projets consensuels, au détriment de projets plus risqués, potentiellement disruptifs. Malgré une remontée du taux de succès, le niveau actuel à 16 % (2018) ne suffit pas à pleinement rétablir la confiance, ni surtout à financer tous les projets excellents.
La hausse du taux de succès est indispensable pour soutenir la recherche et l’innovation de qualité, en particulier les projets les plus risqués et originaux. Le taux de succès « cible » se situe à 30 %, ce qui nécessite une augmentation substantielle des moyens de l’ANR.
Cette augmentation des moyens de l’ANR doit également se traduire par une meilleure prise en compte de la diversité des besoins des disciplines et des projets de recherche. Il est impératif que ses modes d’intervention permettent de financer effectivement les bons projets, qu’ils s’inscrivent dans des démarches connues ou qu’ils soient disruptifs, dans tous les domaines scientifiques et de façon adaptée aux besoins de chacun, ce qui peut impliquer notamment une variabilité dans les montants alloués aux projets afin de mieux prendre en compte les projets peu coûteux comme ceux qui nécessitent des financements élevés. Une offre de financement adaptée à la demande profitera à l’ensemble des disciplines, particulièrement aux sciences humaines et sociales. Par ailleurs, la durée des projets de l’ANR doit effectivement permettre de se concentrer sur le projet de recherche pendant plusieurs années, afin d’éviter de multiplier les dépôts de projets.
Aujourd’hui, le niveau moyen de financement d’un projet multi-équipes sélectionné par l’ANR est proche de 350 k€ sur trois ans. Ce niveau est insuffisant pour bien soutenir les projets les plus ambitieux et impose aux chercheurs de multiplier les dossiers de demandes, au détriment du temps consacré à la recherche. Un accroissement de la durée des financements, et donc de leurs montants moyens, tout en conservant des formes d’appels à projets adaptées à chaque domaine de recherche, permettra de se rapprocher des standards internationaux et de mieux couvrir les besoins des laboratoires sur la durée.
Dans cette perspective, l’agence continuera à consacrer une part substantielle de ses moyens au soutien de projets de recherche non ciblés et s’adressant à toutes les communautés scientifiques et à tous les acteurs publics ou privés impliqués dans la recherche française, en veillant à adapter ses formes d’intervention aux besoins de tous les domaines de recherche, et à les articuler avec les programmes européens pour favoriser la participation des équipes françaises à ces derniers. Elle poursuivra son soutien spécifique à des projets proposés par des jeunes chercheurs ainsi qu’à des actions de recherche technologique et partenariale. Elle sera un outil central pour contribuer à l’ouverture de la science vers la société, et pour contribuer à accroître l’apport de la recherche à l’ensemble des politiques publiques portées par l’État et les collectivités territoriales. Dans cette optique, l’élaboration de la programmation annuelle des appels à projets de l’ANR fera l’objet d’un travail interministériel renforcé, animé par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et articulé avec les travaux auxquels participent les alliances de recherche.
Dès 2021, l’ANR renforcera sa stratégie globale de réalisation et de diffusion d’études d’impact transverses, à la fois sur l’analyse de son offre de recherche et sur l’étude de l’effet des financements sur la production scientifique nationale (et sur la valeur économique produite). Produire de telles études permettra de mieux étayer ses propositions concernant la programmation, analyser les points forts et les points faibles de la recherche française en vue des décisions interministérielles et viendra enrichir la prospective scientifique.
Des moyens spécifiques seront consacrés à la recherche sur les cancers pédiatriques. Les parlementaires, associés à l’élaboration des actions destinées à mieux comprendre ces cancers et à améliorer les chances de guérison, seront tenus informés des progrès réalisés.
2. Mobiliser indirectement les financements de l’ANR pour soutenir les laboratoires et les établissements
Le préciput, part du financement qui revient non pas au porteur du projet, mais aux établissements qui y participent, représente un complément de financement important pour ces établissements, permettant notamment de couvrir les coûts indirects induits par le projet.
Ce mécanisme est utilisé à l’échelle mondiale comme levier de financement des laboratoires et des établissements : aux États-Unis, les taux de préciput sont fixés au plan fédéral et peuvent atteindre des niveaux très élevés, jusqu’à 90 % dans les universités les plus prestigieuses. En Allemagne, ce taux est de 22 % pour la DFG qui finance les projets au coût complet. En France il est d’environ 19 %, mais il n’est calculé que sur le coût marginal des projets, ce qui correspond au mode de financement par l’ANR (sauf cas particulier) ; ce faible niveau de préciput ne permet pas de couvrir l’ensemble des coûts indirects, avec la conséquence paradoxale que ce sont les établissements les plus performants qui sont pénalisés par ce déficit de financement, car ce sont eux qui gèrent le plus de projets lauréats.
Un niveau de préciput sensiblement plus important est nécessaire pour induire un processus vertueux. Il permettra de couvrir réellement les coûts d’environnement tout en donnant aux laboratoires et aux établissements une capacité supplémentaire pour mettre en œuvre leur politique scientifique et financer des actions dans le cadre de leurs priorités : soutien à l’écosystème local, politique d’attractivité et d’émergence, financement d’équipements scientifiques ou encore de personnels de soutien, etc. Un taux de préciput cible fixé à 40 % répond à ces enjeux et permettra ainsi d’associer le financement sur projet et le financement de base des laboratoires.
3. Investir pour porter les équipements et infrastructures de recherche au meilleur niveau international
L’utilisation d’équipements et d’infrastructures de qualité, régulièrement renouvelés, conformes aux standards internationaux, est devenue dans tous les domaines scientifiques une condition impérative de compétitivité et de rayonnement au niveau international. Ces équipements et infrastructures sont à la base de grandes découvertes scientifiques, et constituent un élément essentiel de l’efficacité et de l’attractivité de la recherche d’un pays. Outre les équipements et infrastructures de pointe indispensables pour l’exploration de la matière dans les domaines de la physique, la chimie, les sciences de la terre et les sciences de la vie, les besoins de plateformes liés à l’essor du numérique, au calcul, à l’utilisation des grandes masses de données et à l’ouverture des données de la recherche concernent tous les domaines scientifiques.
Il est donc indispensable d’investir pour porter et maintenir les équipements et infrastructures de recherche au meilleur niveau international. Les moyens mis en place seront dédiés d’une part au financement des équipements mi-lourds des laboratoires de recherche, d’autre part aux investissements pour les jouvences, les renouvellements et les projets nouveaux concernant les infrastructures de recherche nationales.
Les infrastructures et les données numériques doivent faire l’objet d’une attention particulière et leur soutien sera renforcé pour répondre aux besoins et garantir la place de la France dans le calcul intensif et dans le stockage des données. Cela s’accompagnera d’une politique de formation à l’ouverture et à la qualité des données et à la sécurité des systèmes d’information. La préservation de notre souveraineté, de notre autonomie et la protection de l’ensemble de nos infrastructures scientifiques est en effet un enjeu primordial. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information remettra tous les deux ans au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, par le biais de son observatoire de la résilience de l’internet français, une évaluation des pratiques des établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche.
4. Accélérer l’effort de recherche grâce aux programmes prioritaires de recherche
Créés dans le cadre du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA3), les programmes prioritaires de recherche (PPR) ont permis à l’État de mettre en œuvre un ensemble d’actions de recherche et d’innovation concrétisant des priorités stratégiques, grâce à un pilotage et des outils adaptés à chaque PPR, dont la coordination opérationnelle est confiée à un ou plusieurs organismes de recherche. Il s’agit donc d’un véritable outil stratégique permettant de traduire des priorités nationales en programmation opérationnelle et marquant la volonté de réunir toutes les forces vives de la recherche autour d’un grand objectif, à l’instar des premiers PPR engagés :
– « Make our planet great again » (MOPGA), avec une coordination par le CNRS ;
– Intelligence artificielle, avec une coordination par Inria ;
– Cultiver et protéger autrement, avec une coordination par l’Institut national pour la recherche agronomique (INRA) devenu l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) ;
– Sport de très haute performance, avec une coordination par le CNRS ;
– Antibiorésistance, avec une coordination par l’Inserm ;
– Maladies rares, avec une coordination par l’Inserm.
Ce cadre a permis de mettre en place pour chaque PPR un copilotage effectif d’objets prioritaires de recherche par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ou les autres ministères concernés. En lien avec les stratégies de transition portées par l’État et les priorités définies au sein du Pacte productif, ces actions seront amplifiées dans les prochaines années et un cadre de travail interministériel sera mis en place pour préparer leur programmation.
B. – Amplifier les interactions entre la recherche et l’ensemble de la société
La loi de programmation pluriannuelle de la recherche porte aussi une ambition majeure : rendre possible l’avènement d’une science plus ouverte vers les citoyens pour reconsolider le lien démocratique au plus près des territoires et au service de la société française et européenne, capable d’irriguer l’ensemble des activités de la Nation pour renforcer la compétitivité de notre économie.
Cette ambition doit être concrétisée, à l’échelle nationale comme régionale, par une association étroite de l’ensemble des parties prenantes s’attachant à une cohérence entre les stratégies européenne et française menées en faveur du développement de la recherche et de l’innovation, ainsi que sur leurs résultats.
Les apports de la recherche sont multiples : des nouveaux savoirs indispensables pour former au meilleur niveau les jeunes générations ; des démarches et des connaissances pour comprendre les transformations du monde et pour relever les défis auxquels sont confrontées nos sociétés et notre planète ; des expertises et des innovations sociales utiles pour les politiques publiques de l’État et des collectivités territoriales ; des compétences et des savoir-faire pour affronter les questions nouvelles et imaginer des solutions innovantes dans l’ensemble de nos activités, publiques et privées ; des innovations technologiques qui sont une part essentielle de la compétitivité de nos entreprises et qui feront les champions industriels de demain. La recherche a aussi une contribution unique au rayonnement européen et international de la France, à son attractivité ainsi qu’à nos échanges culturels, intellectuels, scientifiques et économiques avec les pays voisins et dans le monde entier.
Tous ces apports, venant de tous les domaines et toutes les communautés scientifiques, doivent être et seront amplifiés sur la période 2021-2030, et c’est ici que l’investissement majeur réalisé par l’État en faveur de la recherche prend tout son sens.
1. Renforcer la place de la science dans la société
Au-delà de la réponse aux grands défis auxquels nous faisons face, rénover la place de la science dans la société est également un impératif pour l’avenir de notre démocratie. La science est un des socles de notre modèle républicain et cette fonction lui confère les plus grandes responsabilités : elle suppose de porter la plus grande attention à l’exemplarité, l’impartialité et la représentativité de la communauté scientifique ainsi qu’aux questions d’intégrité scientifique et de déontologie, sur lesquelles se noue le pacte de confiance entre la recherche et la société. Elle implique aussi une évolution de la posture des scientifiques dans leur relation avec les citoyens : ils ne peuvent plus se contenter d’affirmer une parole scientifique qui serait reçue comme une vérité « descendante » par des citoyens passifs, ils doivent s’engager dans un véritable dialogue où s’expriment non seulement les savoirs scientifiques, mais aussi les analyses de leurs limites, les doutes ou les questions qu’ils soulèvent. Pour les scientifiques, ce nouveau mode de relation, plus riche et plus interactif, exige de se mettre davantage à l’écoute des attentes et des questions de la société ; pour les citoyens, il suppose d’avoir accès à une information de qualité qui leur permet de comprendre les avancées scientifiques et technologiques, de discuter de leurs enjeux et d’y participer.
Le partage de la culture scientifique, technique et industrielle est donc un enjeu plus fort que jamais. De nombreux publics s’intéressent aujourd’hui à la science grâce aux multiples actions de l’État, des régions, des établissements de recherche et d’enseignement supérieur, des associations ou des médias, mais aussi d’autres lieux de diffusion et de médiation des savoirs comme les musées des sciences notamment. Dans la perspective de réinvestissement dans la recherche portée par la LPPR, des initiatives nouvelles et ambitieuses seront mises en place, avec ces acteurs, en réaffirmant l’importance de l’action de médiation humaine portée notamment par les lieux de diffusion et de médiations des savoirs et par une indispensable diversité d’acteurs associatifs qu’il faudra soutenir. Les actions suivantes seront lancées dans les premières années de la LPPR :
– créer, à l’instar d’autres pays (Allemagne, Australie, Japon, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni), une dynamique d’actions ou un réseau « Science et médias », qui pourrait être territorialisé par un nombre limité d’initiatives organisées autour de l’université locale et de ses partenaires, pour développer les relations et permettre la mise en contact rapide entre journalistes et chercheurs, favoriser l’accès des citoyens à une information scientifique fiable et accroître l’apport d’éclairages scientifiques dans les débats publics sur les grands sujets actuels. Pour accompagner et soutenir les créations de contenus, l’Agence nationale de la recherche renforcera ses partenariats avec les acteurs publics de l’audiovisuel (Radio France, France Médias Monde, France Télévisions, Centre national du cinéma et de l’image animée, Institut national de l’audiovisuel) afin de collaborer sur des actions et appels à projets communs de diffusion dans la société de la culture et des métiers scientifiques, de vulgarisation des connaissances scientifiques et de médiatisation de la controverse scientifique ;
– développer des opérations de proximité du type « un chercheur ou une chercheuse par classe » permettant de sensibiliser les jeunes scolaires aux enjeux et aux apports de la science, via des partenariats mobilisateurs entre les établissements de l’ESRI et l’éducation nationale ou encore l’enseignement agricole, avec une attention particulière aux écoles, collèges et lycées des zones rurales et périurbaines ;
– développer les dispositifs d’interface Sciences-Société, telles que les Boutiques des Sciences ;
– consacrer au moins 1 % du budget d’intervention de l’ANR au partage de la culture scientifique, via des appels à projets dédiés, mais aussi en finançant un volet « recherche participative » ou un volet « culture scientifique » dans le cadre des projets de recherche « volontaires », en partenariat avec les acteurs de la culture scientifique, technique et industrielle, et en soutenant des programmes de médiation scientifique et des initiatives remarquables d’associations de la société civile participant à des projets de recherche financés par l’ANR. L’ANR et le Fonds pour le développement de la vie associative détermineront, au titre d’une expérimentation de soutien aux associations de diffusion, de partage et de médiation de la culture scientifique, une convention partenariale afin de collaborer sur des actions et appels à projets communs ;
– inscrire dans les référentiels l’engagement dans la culture scientifique, technologique et industrielle comme un critère de progression professionnelle pour les enseignants-chercheurs, afin de valoriser leur engagement dans la médiation des sciences pour le grand public ;
– ouvrir de nouvelles capacités d’accueil, notamment dédiées à la médiation scientifique, au sein de l’Institut universitaire de France afin de participer à l’amélioration du dialogue entre la recherche scientifique et technologique et l’ensemble de la société.
Dans le cadre de la présente programmation, le CNRS décernera chaque année une médaille récompensant un chercheur s’étant illustré dans le domaine de la médiation scientifique. Il décernera également un prix annuel récompensant un chercheur dont les travaux sur la médiation scientifique auront été reconnus.
Dans le cadre de la présente programmation, l’INRAE, en lien avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, décernera chaque année un prix pour récompenser les travaux d’un chercheur ou d’une équipe portant sur la recherche participative.
Dans le cadre de la présente programmation, afin d’accompagner l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs et d’enseignants-chercheurs sensibilisés aux enjeux de la médiation scientifique et, plus largement, de toutes les formes de dialogue et de partenariat entre le monde académique et scientifique et la société civile, les écoles doctorales seront incitées à proposer des modules spécifiques de formation pour leurs doctorants afin de les accompagner dans la transmission et la diffusion de leur démarche scientifique et des résultats de leurs recherches. Ces modules pourront ainsi faciliter la présentation de travaux complexes à destination d’un public non spécialiste, contribuer à développer le dialogue et la transmission des connaissances et appuyer plus directement les décideurs publics, les associations et les entreprises. Ils pourront également former à la traduction en application industrielle et au transfert de technologie ainsi qu’à l’entrepreneuriat.
Le Gouvernement proposera, avant le 31 décembre 2022, aux organismes de recherche, aux conférences d’établissements et aux mouvements associatifs une charte d’engagements réciproques afin de dynamiser les coopérations aussi bien à l’échelle nationale que territoriale. Cette charte facilitera ainsi la diffusion des outils et des dispositifs mis en œuvre à travers la présente programmation au service d’un meilleur dialogue entre la science et la société.
À moyen terme, d’autres actions seront également mises en place :
– développer les projets de « sciences participatives » auxquels contribuent des citoyens, parfois de façon massive, et les projets de recherche ou de diffusion de la culture scientifique menés en coopération entre associations et établissements de l’ESRI ;
– développer des projets de science citoyenne co-élaborés par des chercheurs et des publics d’horizons divers du type « Tous Chercheurs » associant des citoyens à la définition de sujets d’investigation et les confronter à la pratique de la recherche en laboratoire, de l’expérimentation jusqu’à la présentation des résultats ;
– créer un concours « Mes recherches en 4 minutes » – sur le modèle de « Ma thèse en 180 secondes » – pour développer les présentations « grand public » des travaux de recherche ;
– développer des recherches sur les relations entre science et société afin de mieux appréhender les évolutions du rapport que les citoyens entretiennent à la science, des usages qui en sont faits et des réceptions des discours scientifiques ;
– mettre en place un débat citoyen périodique sur les orientations prioritaires de la politique de recherche nationale ;
– développer les formations des chercheurs au dialogue avec des non-spécialistes ou des spécialistes d’autres sciences, à la « controverse scientifique », et à l’apport d’expertise auprès de décideurs politiques, en vue notamment de développer ces expertises ;
– développer les relations de l’ESRI avec les lieux de diffusion et de médiation des savoirs, les associations et musées de sciences, les écoles d’art et le monde de l’art et de la culture ainsi que, le cas échéant, avec les collectivités territoriales qui les portent ou qui contribuent à leur financement ;
– développer les relations de l’ESRI avec le Conseil économique, social et environnemental afin de contribuer, par l’expertise scientifique, à l’éclairage des pouvoirs publics et du débat citoyen ;
– conforter le rôle d’Universcience (l’établissement public du palais de la Découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie) comme opérateur de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, en étroite relation avec le monde de la recherche et de la culture, notamment grâce au développement des outils de médiation numérique ;
– permettre à tous les élèves, au cours de leur scolarité, de découvrir au moins un établissement dédié à la culture scientifique, technique et industrielle ;
– lancer une campagne nationale d’information sur les filières et métiers des sciences, technologies, ingénieries et mathématiques (STEM) et leur utilité sociale à destination des filles en priorité, mais aussi leurs familles, et plus largement le grand public, en réfutant les idées fausses couramment admises et en valorisant les parcours atypiques ;
– développer le mentorat, les actions de marrainage et de parrainage, en soutenant notamment les associations qui les mettent en œuvre.
Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, notamment grâce aux rapports annuels remis par les établissements, recense les bonnes pratiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et organise la communication de celles-ci.
De nombreuses autres mesures mentionnées dans le présent rapport contribueront aussi à l’ouverture de la communauté scientifique vers l’ensemble des acteurs de la société, notamment les entreprises et les collectivités publiques. On peut citer notamment les dispositions visant à accroître les financements et la qualité de la formation doctorale et à favoriser l’insertion professionnelle des docteurs, ou celles qui pousseront chaque grand pôle universitaire à intensifier ses relations avec les acteurs économiques de son territoire et à mettre en valeur ses compétences et expertises. De nouveau, il faut souligner que ces mesures concernent toutes les communautés scientifiques, des sciences de l’homme et de la société jusqu’aux sciences exactes.
En coopération avec l’ensemble des acteurs de leurs écosystèmes territoriaux, il appartient notamment aux établissements publics de contribuer à l’effort commun d’innovation au service de la transition sociale, écologique et économique. La multiplication de laboratoires vivants enracinés dans les territoires est un accélérateur pour l’Université comme pour les entreprises, associations et collectivités partenaires.
Sur un autre plan, la politique de science ouverte, qui promeut la diffusion libre des publications et, autant que possible, des données de la recherche, est un des leviers de cette refondation de la place des chercheurs dans la société. Elle saisit toutes les opportunités offertes par le numérique pour libérer le potentiel scientifique, économique, politique et culturel de la recherche et elle permet l’accès de tous – citoyens, étudiants, associations, entreprises, etc. – aux savoirs issus de la recherche. Le plan national de science ouverte porté par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation avec les établissements de l’ESRI, appuyé sur le fonds national de la science ouverte lancé en 2019, a donné une impulsion dont les premiers effets sont déjà bien visibles ; il sera poursuivi, amplifié et complété par une politique de soutien à l’édition, car la vitalité de l’édition scientifique est une des conditions de la vitalité de la recherche. Par ailleurs, des travaux seront engagés pour faciliter l’accès à certaines données détenues par des personnes morales de droit privé qui pourraient être d’intérêt pour l’ensemble de la recherche publique et qui seraient ainsi considérées comme des données d’intérêt général.
2. Densifier les relations de la recherche publique avec les entreprises
Comme tous les pays qui choisissent de renforcer leur investissement dans la recherche publique, la France en attend, en retour, un accroissement de la contribution de la science à la compétitivité des entreprises – petites, moyennes et grandes – et à la création de valeur et d’emplois. Si des progrès sensibles ont été réalisés au cours des dix dernières années, notamment en matière de création de structures innovantes, renforcer l’impact de la recherche et de l’enseignement supérieur publics sur l’innovation, au service de la société et des entreprises, reste une priorité majeure du Gouvernement. Il faut répondre à trois urgences :
– augmenter très significativement l’ampleur et la profondeur des interactions entre la recherche publique et les entreprises ;
– simplifier, fluidifier et accélérer le transfert des savoir-faire et des technologies vers les entreprises afin de révéler tout le potentiel de recherche partenariale et d’innovation de l’ESRI ;
– et favoriser la création de nouveaux leaders industriels fondée sur les découvertes et technologies de rupture issues de la recherche, comme d’autres pays l’ont fait, mieux que nous, depuis deux ou trois décennies.
Dans cette optique, la présence de docteurs dans la sphère privée est décisive pour poser les fondements d’une culture d’innovation plus ambitieuse dans nos entreprises et de relations accrues entre le monde économique et la recherche publique. L’augmentation du recrutement de docteurs au sein des entreprises sera favorisée par la création d’un « contrat doctoral » dans le code du travail – en complément des mesures non législatives prises pour améliorer « l’employabilité » des docteurs formés dans les laboratoires publics.
Par ailleurs, les dispositions de la « loi Allègre » de 1999 sont élargies pour ouvrir le champ des situations où les personnels de la recherche publique peuvent être autorisés à apporter leur concours à une entreprise valorisant des travaux de la recherche publique. Plusieurs autres dispositions facilitent les mobilités public-public et public-privé des personnels de la recherche et ouvrent largement les possibilités de cumul d’activités à temps partiel, par exemple entre un laboratoire public et une entreprise.
Outre ces mesures législatives, une part des moyens nouveaux apportés par la LPPR durant la période 2021-2030 sera dédiée à l’innovation. Ceci inclut en premier lieu toutes les actions de mobilisation focalisées sur un objectif ambitieux : créer cinq cents start-up de haute technologie par an à partir de 2030, à comparer à environ cent soixante-dix aujourd’hui. L’entrepreneuriat étudiant et la création de start-up, notamment les start-up de haute technologie, seront des priorités de chaque établissement de l’ESRI. L’accroissement des moyens dévolus à la maturation et à l’accompagnement des projets permettra d’accompagner cette dynamique.
Un effort résolu est aussi entrepris, avec les organismes et les universités et écoles, pour augmenter l’efficacité et l’agilité du transfert des connaissances et des technologies de la recherche publique vers les entreprises. Dans ce registre, une action emblématique sera la labellisation d’au moins quinze « pôles universitaires d’innovation » (PUI) : ce label, qui tiendra compte des spécificités et contraintes territoriales, consacrera la mise en place, à l’échelle d’un grand site universitaire, sans création de nouvelle structure, d’une organisation à même de rendre plus lisible l’offre de transfert de connaissances et de technologies et de fluidifier les relations et les partenariats public-privé, notamment en réduisant les délais de contractualisation et de transfert. Ces PUI permettront ainsi aux sites universitaires de se doter d’une stratégie consolidée en vue d’organiser de manière opérationnelle les échanges avec le monde économique de leur territoire, en associant étroitement les acteurs du site engagés dans les activités de transfert et de recherche partenariale : universités, organismes, société d’accélération du transfert technologique, incubateur, institut de recherche technologique, etc. Une autre mesure emblématique sera la création, au sein de l’Institut universitaire de France (IUF), d’une voie « Innovation » qui permettra de « donner du temps » à des enseignants-chercheurs qui sont engagés dans un projet d’innovation ou de création d’entreprise ou qui développent des recherches en partenariat avec une ou plusieurs entreprises, ou bien encore dans de nouvelles formes de recherche participatives à intérêt sociétal.
Dans le même temps, les entreprises – et les laboratoires – seront incitées à investir dans des activités de recherche partenariale, via un renforcement des dispositifs qui ont fait la preuve de leur pertinence et de leur efficacité. Le nombre des conventions CIFRE, qui soutiennent les travaux d’un doctorant accueilli dans une entreprise, une collectivité territoriale, une fondation reconnue d’utilité publique ou une association, en lien avec un laboratoire public, sera augmenté de 50 % d’ici à 2027. À ce titre, un effort particulier sera réalisé pour améliorer le recours au dispositif des CIFRE par les associations, les collectivités territoriales, le secteur marchand à but non lucratif comme l’économie sociale et solidaire ou encore pour les groupements professionnels qui ne représentent aujourd’hui que 6 % du total des structures d’accueil. Le nombre des chaires industrielles financées par l’ANR pour soutenir l’investissement en R&D du secteur privé en lien avec le secteur académique, sera également doublé. Il en sera de même pour le programme « Labcom » financé par l’ANR, qui permet de soutenir la création de laboratoires communs entre un laboratoire public et une PME ou une ETI. Le dispositif des instituts Carnot, qui distingue des laboratoires publics pour le haut niveau et le professionnalisme de leurs travaux de recherche contractuelle avec des entreprises, fera l’objet d’un effort similaire : le montant des crédits dédiés au financement incitatif qui leur est attribué sera plus que doublé au cours de la période de la LPPR. Une réflexion sera aussi engagée en vue de renforcer de façon sélective, en lien avec les régions, les plateformes technologiques publiques et de développer leurs liens avec les PME et les ETI. Des indicateurs de suivi de ces dispositifs seront définis. Des outils de simplification seront définis, tels que des cahiers des charges types pour la valorisation ou des modèles de clauses types dans les contrats de partenariat. Des formules de financement à la carte, telles que des coupons, pourront être définies pour soutenir le développement des missions d’expertise de doctorants auprès de petites et moyennes entreprises.
D’autres actions visent à encourager les rencontres et le dialogue entre les laboratoires et les entreprises, pour développer la connaissance mutuelle, les collaborations ainsi que les projets et programmes partagés. Un nouveau dispositif de « convention industrielle de mobilité en entreprise des chercheurs » (CIMEC) sera lancé : jouant en quelque sorte pour les chercheurs le rôle que jouent les conventions CIFRE pour les doctorants, les CIMEC favoriseront la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs désireux de travailler à temps partiel en entreprise dans le cadre d’un partenariat avec un laboratoire public. Sur un autre plan, un représentant de haut niveau du monde académique, missionné conjointement par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ministère de l’économie et des finances (MEF), siège désormais au sein du bureau de chaque comité stratégique de filière du Conseil national de l’industrie, afin de contribuer à développer les relations et coopérations entre chaque filière industrielle et les laboratoires académiques.
Ces actions destinées à développer l’innovation et accroître l’impact économique de la recherche publique devront aussi s’inscrire dans une perspective européenne, voire internationale. La participation des acteurs français, publics et privés, au programme-cadre de recherche et d’innovation Horizon Europe mis en place par la Commission européenne pour la période 2021-2027, qui inclura plusieurs nouveaux instruments dédiés à l’innovation sociétale et à la croissance des entreprises innovantes, constitue à cet égard un enjeu majeur et un rendez-vous à ne pas manquer (voir infra).
Toutes ces actions soutenues dans le cadre de la LPPR permettront donc de renforcer les capacités d’innovation et la compétitivité des entreprises françaises en augmentant leurs interactions avec la recherche publique. Elles amélioreront l’efficacité des dispositifs de transfert, de recherche partenariale, de mobilité des chercheurs et de soutien à la création de start-ups issues de la recherche publique. Leur mise en œuvre sera articulée avec celle des autres programmes et actions mis en place par le gouvernement, notamment avec les stratégies de transition (écologique, énergétique, numérique, etc.), le Pacte productif 2025, les grands défis d’innovation de rupture et les autres actions soutenues dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir (PIA) et les actions d’investissement dans le domaine de l’innovation portées par BpiFrance. La synergie entre toutes ces actions, dans le cadre d’un pilotage interministériel renforcé, doit permettre de mieux appuyer nos stratégies de politique industrielle sur les atouts de notre recherche, de choisir les domaines sur lesquels nous pouvons investir avec ambition pour bâtir à partir de nos forces de recherche scientifiques et technologiques de vrais succès industriels, et de se doter d’outils permettant de financer des projets à forte intensité technologique susceptibles d’apporter des innovations de rupture.
Cette priorité de renforcer les relations de la recherche avec les entreprises vaut également pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire. L’économie sociale et solidaire regorge, en effet, de structures très innovantes dans des secteurs directement reliés à la science et à la recherche, en particulier dans les domaines de la transition énergétique, de la lutte contre le réchauffement climatique et de la protection de la biodiversité.
3. Mieux reconnaître les activités d’innovation et de diffusion de la culture scientifique dans les carrières des personnels
Pour que les personnels de la recherche soient également incités à s’investir davantage dans des activités d’innovation ou dans les relations avec la société, il est indispensable que leur évaluation prenne en compte ces activités et permette de les reconnaître dans leurs carrières.
Plus largement, l’évaluation doit reconnaître l’ensemble des missions de l’ESRI : l’implication dans les recherches fondamentales et l’avancement des connaissances bien sûr, mais aussi dans l’enseignement et la formation ; dans l’interdisciplinarité et les recherches liées aux défis sociétaux ; dans les projets européens ou les partenariats internationaux stratégiques ; dans les projets d’innovation, le développement de technologies et leur transfert, la création de start-ups ou les coopérations avec les entreprises ; dans le dialogue avec la société et la diffusion de l’information et de la culture scientifique et technique, l’expertise en appui aux politiques publiques ; dans la recherche citoyenne et la co-construction de problématiques de recherche avec le grand public ; dans des fonctions collectives ou managériales.
Les derniers contrats quinquennaux signés par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation avec des organismes incluent un engagement de reconnaissance de toutes ces activités dans le cadre de l’évaluation des personnels : cet engagement s’appuie sur un dispositif qui verra chaque candidat à une promotion présenter son « profil » et mettre en avant ses principales contributions au titre des diverses missions de l’ESRI afin que son évaluation en tienne bien compte. Cette politique sera poursuivie et amplifiée.
C. – Accroître notre engagement dans l’Europe de la recherche et de l’innovation
L’Europe est l’espace où s’inscrit l’avenir de la recherche française. Le partage des connaissances et la promesse de progrès et d’émancipation pour tous portée par la science participent du projet européen. Les actions bilatérales ou multilatérales entre les États, les collectivités et les institutions publiques ou privées et, surtout, les programmes de recherche et d’innovation mis en place par la Commission européenne ont en effet considérablement accru les coopérations entre les acteurs du continent dans ces domaines depuis trente ans. De plus, il est évident que, sur de nombreux sujets, c’est uniquement à l’échelle de l’Europe que nous pouvons espérer rivaliser avec les géants de la recherche que sont les États-Unis et la Chine.
La LPPR ne saurait donc revitaliser durablement la recherche française sans lui donner un élan pour accroître son ouverture et son engagement européens. En particulier, notre participation aux programmes que la Commission européenne s’apprête à lancer pour les années 2021-2027 constitue un enjeu stratégique pour la recherche française au cours de cette période. Dans les domaines de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ces programmes portent des initiatives nouvelles de grande ampleur dont plusieurs, comme les Universités européennes ou le Conseil européen de l’innovation, ont été lancées à l’initiative ou avec un soutien fort de la France.
Le programme-cadre de recherche et d’innovation (PCRI) représente une part croissante du financement des équipes de R&D françaises publiques et privées, soit en moyenne près d’un milliard d’euros par an depuis le lancement du programme Horizon 2020 en 2014, ce qui positionne la France au rang de troisième bénéficiaire de ce programme derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne. Cependant, le taux de participation de la France (c’est-à-dire la part des financements obtenus) est de 11 % en moyenne depuis le début d’Horizon 2020, bien en deçà de son potentiel estimé au regard de sa part de la R&D européenne (17 %), de son pourcentage de brevets déposés à l’Office européen des brevets parmi les brevets européens (16 %) ou encore de la part de la contribution française au budget européen (16 %). Or, la France présente un taux de succès de 16 %, le plus élevé des pays de l’Union européenne, mais ce bon taux de succès ne permet pas de compenser la faiblesse relative des dépôts de projets (la France représente seulement 8,5 % des dépôts). Il y a donc un enjeu majeur, pour le prochain programme Horizon Europe, à renforcer les candidatures tout en maintenant un bon taux de succès.
Un plan d’action national d’amélioration de la participation française aux programmes européens de recherche et d’innovation a ainsi été élaboré en 2017-2018 et mis en œuvre depuis 2019 avec un pilotage confié au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il se compose d’un ensemble très complet de mesures réparties sur trois grands axes :
– inciter davantage les acteurs français à participer au PCRI et à coordonner des projets ;
– mieux les accompagner pendant toutes les étapes de préparation, de dépôt et de réalisation des projets,
– et renforcer les capacités d’influence française sur le PCRI et sa mise en œuvre.
La mise en œuvre de ce plan d’action est une des priorités du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, en lien avec le MEF et les autres ministères concernés ; elle implique aussi le renforcement de la collaboration État-Régions sur les enjeux des politiques européennes de R&D. Elle doit permettre d’entraîner tous les établissements du dispositif national de l’ESRI, mais la mobilisation et l’accompagnement des entreprises privées est aussi un enjeu essentiel.
En complément de cet engagement dans les programmes de la Commission européenne, d’autres dynamiques sont à renforcer et plusieurs dispositions prévues dans la LPPR vont avoir des effets positifs importants sur l’intégration des équipes françaises dans l’espace européen de la recherche avec pour objectif de rapprocher le taux de participation française de sa part de R&D européenne (17 %).
Le renforcement des financements et l’alignement des taux de succès de l’ANR avec les autres agences européennes vont faciliter la mise en œuvre d’appels communs ou concertés sur des priorités partagées. Ils vont aussi augmenter les capacités d’investissements dans différentes grandes infrastructures de recherche communes à l’échelle européenne, qui bénéficieront également de l’augmentation des recrutements de personnels ingénieurs de haut niveau pour les développer et les opérer.
Les moyens financiers supplémentaires obtenus par les établissements (universités, organismes, etc.) au travers de l’augmentation du préciput de l’ANR leur donneront des marges de manœuvre pour soutenir des partenariats bilatéraux avec leurs homologues européens : projets partagés, laboratoires communs, universités européennes, etc. Ces efforts pourront aussi être soutenus par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation dans le cadre du dialogue contractuel avec les établissements.
Enfin, le dispositif de chaires de professeurs juniors est particulièrement bien adapté pour favoriser la mobilité européenne et accueillir des collègues provenant de nos voisins européens. Il est particulièrement lisible à l’échelle européenne, car il correspond à une pratique internationale standard.
Globalement, l’ensemble de ces dispositions permettra donc de donner aux acteurs de vraies possibilités nouvelles pour construire des partenariats et des réseaux à l’échelle européenne.
IV. – Des ressources pour mettre en œuvre ces ambitions
A. – Un accroissement sans précédent des ressources de la recherche publique
Les trajectoires budgétaires inscrites à l’article 2 de la LPPR traduisent une augmentation sans précédent des moyens consacrés par l’État au dispositif public de recherche et d’innovation. Ces moyens seront régulièrement actualisés afin de tenir compte de l’évolution du produit intérieur brut annuel et de l’inflation.
Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est le principal bénéficiaire de l’effort budgétaire inscrit dans l’article 2 de la loi de programmation : la forte hausse de ses moyens apparaît sur le graphique suivant.
(Le graphique illustrant l’évolution entre 2014 et 2030 du montant, en M€, du montant du programme 172 est visible à la page 62 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-052-rapport-annexe.pdf )
Cette augmentation des crédits du programme 172 bénéficiera non seulement aux organismes nationaux, dont les subventions pour charges de service public sont intégrées dans ce programme, mais aussi aux universités et aux écoles puisque la hausse des crédits de ce programme inclut notamment le fort accroissement du budget d’intervention de l’ANR et l’augmentation des financements en faveur de l’innovation, qui concernent l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
La programmation budgétaire inscrite à l’article 2 de la LPPR inclut la totalité des crédits inscrits aux programmes 172 et 193, mais elle ne concerne, pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », que les incidences budgétaires des mesures de la présente loi sur ce programme. Il s’agit des crédits qui financeront, dans les établissements d’enseignement supérieur sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation :
– les revalorisations indemnitaires destinées aux personnels des établissements d’enseignement supérieur financés par le programme 150 ;
– les divers dispositifs relatifs à la valorisation ou au recrutement d’enseignants-chercheurs (revalorisation de la rémunération des maîtres de conférences nouvellement recrutés, revalorisation du montant et accroissement du nombre des contrats doctoraux, environnement des « chaires de professeur junior », etc.) ;
– l’attribution de moyens aux établissements d’enseignement supérieur dans le cadre du dialogue contractuel et du dialogue stratégique et de gestion (voir le C du présent IV).
Ceci signifie notamment que les mesures budgétaires inscrites à l’article 2 de la LPPR n’incluent pas les moyens des universités dont les évolutions sont affectées par la démographie étudiante : ces moyens ne sont pas programmés dans le cadre de la LPPR et leur évolution sera examinée chaque année dans le cadre du projet de loi de finances.
(Le graphique illustrant la trajectoire de 2020 à 2030 des crédits LPPR du programme 150 est visible à la page 63 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-052-rapport-annexe.pdf )
Pour le programme 193 « Recherche spatiale », la programmation budgétaire inscrite à l’article 2, en écart à la loi de finances pour 2020, montre l’évolution des crédits du programme déduction faite du remboursement de la dette française auprès de l’Agence spatiale européenne. Ces crédits sont en hausse régulière, comme le montre le graphique suivant :
(Le graphique illustrant l’évolution de 2020 à 2030 des crédits du programme 193 retraité du remboursement de la dette française à l’Agence spatiale européenne est visible à la page 63 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-052-rapport-annexe.pdf )
La France a réalisé un effort particulier et conjoncturel en 2019 et encore plus en 2020, pour rembourser la dette qu’elle avait contractée au cours des années précédentes vis-à-vis de l’Agence spatiale européenne, si bien que le montant budgétaire total des crédits de ce programme, sans retraitement, présente en 2020 un point historiquement haut qui n’est pas réellement significatif. Le graphique suivant montre que, si l’on met à part les années 2019 et 2020, les crédits de ce programme sont en croissance régulière sur la période 2017-2030 ce qui témoigne de l’effort structurel de l’État pour la recherche spatiale dans la durée.
Le programme 193 finance le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT). Concernant ce programme, l’écart de -32 M€ en 2021 par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2020 s’explique de la manière suivante :
– une augmentation des moyens dévolus à la recherche spatiale de 11 M€ ;
– une diminution de 43 M€ des besoins tendanciels du fait du rythme de décaissement des programmes engagés précédemment à la présente loi ;
– la hausse tendancielle de 10 M€ du budget du CNES ;
– la hausse tendancielle du budget d’EUMETSAT, qui conduira à augmenter la cotisation française de 19 M€ ;
– la baisse de la cotisation française à l’ESA de 72 M€ (du fait du rythme de décaissement des programmes ESA) ;
Ainsi, au total, l’écart entre 2021 et 2020 est de -32 M€.
(Le graphique illustrant l’évolution de 2014 à 2030 des crédits du programme 193, sans retraitement, est visible à la page 64 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-052-rapport-annexe.pdf )
L’article 2 fixe aussi la trajectoire budgétaire des moyens d’intervention de l’Agence nationale de la recherche. Le périmètre de cette programmation des autorisations d’engagement de l’ANR inclut toutes ses formes d’intervention en soutien à des projets de recherche, qu’il s’agisse des appels à projets, des programmes spécifiques comme les chaires industrielles ou les « Labcom » (voir le B du III), ou encore des financements de recherches sur le cancer en relation avec l’Institut national du cancer ; ce périmètre intègre également le financement de l’environnement des chaires de professeur junior (voir le D du II). Ne sont exclues de ce périmètre que les interventions de l’ANR dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir (PIA) et du programme de financement des instituts Carnot, qui s’adresse à une cible limitée de bénéficiaires.
Cette programmation traduit un effort budgétaire très important pour porter l’ANR au niveau des standards internationaux. À périmètre constant, les moyens d’intervention de l’agence augmenteront d’un milliard d’euros en autorisation d’engagements à l’horizon 2027 (et d’un milliard d’euros environ à l’horizon 2030 en crédits de paiement), ce qui représente un accroissement de 150 % par rapport à 2020.
Afin d’accélérer la hausse des taux de succès des appels à projets de l’Agence nationale de la recherche et la hausse du préciput permettant d’abonder les politiques scientifiques menées au niveau des établissements et des laboratoires, le Gouvernement a décidé de donner une impulsion très significative dès le début de période en mobilisant le plan de relance à hauteur de 420 millions d’euros sur 2021 et 2022. Grâce à cette mesure, il sera visé une hausse du taux de succès d’au moins 6 points et l’atteinte d’un préciput d’au moins 25 % sur la période.
En complément des moyens budgétaires dont les évolutions sont fixées à l’article 2 de la LPPR, les laboratoires bénéficieront également d’autres accroissements de leurs ressources.
En particulier, les programmes d’investissement d’avenir apporteront un soutien substantiel aux écosystèmes de l’ESRI. Le quatrième programme d’investissement d’avenir (PIA4) annoncé avec le plan de relance mobilisera 20 milliards d’euros soit le double du troisième programme (PIA3). De plus dans le cadre du plan de relance, il est prévu d’engager 11 milliards d’euros dès le début de période sur 2021 et 2022. Le niveau des financements additionnels pour les établissements de l’ESRI au titre du volet structurel du PIA4 a ainsi vocation à augmenter d’environ 40 % sur 2021-2023 par rapport aux financements équivalents obtenus en 2020 au titre des PIA précédents. Le PIA4 comportera également un volet concernant les investissements stratégiques dirigés, au titre duquel les opérateurs publics de recherche bénéficieront de financements par le biais de programmes prioritaires de recherche, d’équipement structurants de recherche ou encore de programmes de maturation, et de projets collaboratifs avec les entreprises. Ces soutiens seront intégrés à des stratégies d’accélération ou d’exploration qui porteront sur les domaines qui seront considérés comme prioritaires par le conseil interministériel de l’innovation pour répondre aux enjeux de transition de notre économie et de notre société. Il peut être ainsi estimé que les acteurs publics de l’ESRI bénéficieront de 5,5 milliards d’euros sur la période 2021-2023.
Les laboratoires publics bénéficieront aussi d’une augmentation sensible des financements européens, notamment dans le cadre du programme Horizon Europe et du fait des efforts de mobilisation accrus de l’ensemble des établissements de l’ESRI pour accroître leur participation.
Enfin, il est attendu que, outre l’accroissement important des financements attribués par l’ANR, les établissements publics de l’ESRI continueront à augmenter leurs autres ressources propres mobilisées pour financer des travaux de recherche, provenant notamment des entreprises, des collectivités territoriales ou de tout autre financeur français ou étranger.
B. – Un effet de levier sur les dépenses intérieures de recherche et développement
Les évolutions des dépenses de recherche et développement des entreprises au cours des prochaines années sont bien sûr moins directement pilotables par l’État. Elles dépendent de très nombreux facteurs : les stratégies des entreprises en matière de recherche et d’innovation, la conjoncture économique, les évolutions des marchés en France, en Europe et à l’international, les évolutions de la structure sectorielle du tissu industriel installé en France et l’attractivité de notre territoire pour des laboratoires de R&D d’entreprises européennes ou issues d’autres régions du monde, la qualité des relations entre les entreprises installées en France et les acteurs académiques, etc.
La LPPR entraînera cependant une hausse de la DIRDE (dépense intérieure de R&D des entreprises), car elle fait du développement de l’innovation et de l’accroissement des relations des laboratoires publics avec les entreprises une priorité majeure et elle porte de nombreuses actions en ce sens. Qu’il s’agisse de celles qui concernent les doctorants – notamment ceux qui préparent leurs thèses dans le cadre d’une entreprise – et leur insertion dans les entreprises ; des mesures en faveur de la création et de la croissance des start-up, notamment les start-up de haute technologie ; de l’amélioration du transfert vers les entreprises des connaissances et des technologies ; du renforcement de la recherche partenariale et de la mobilité entre la recherche publique et la R&D privée ; de la mobilisation des acteurs français, publics et privés, dans les programmes de recherche et d’innovation européens ; ou, sur les moyen et long termes, indirectement, de l’accroissement de l’attractivité et du rayonnement de la recherche publique française : toutes ces actions, articulées avec celles qui seront menées dans le cadre du Pacte productif, des programmes d’investissements d’avenir et par Bpifrance, contribueront à l’accroissement de la DIRDE.
Cet effort est particulièrement bienvenu dans le contexte actuel de sortie progressive de crise sanitaire. En effet, la mauvaise conjoncture économique à venir dans les prochains mois pourrait se traduire par une baisse significative du financement privé de la R&D ce qui fragiliserait pour les prochaines années notre potentiel de croissance économique. Au-delà des mesures déjà citées, le crédit d’impôt recherche (CIR) demeure un outil central de soutien à la DIRDE afin d’accompagner le réinvestissement des entreprises dans la recherche aussi bien que l’emploi des jeunes chercheurs. Par ailleurs, conformément aux engagements de la loi de finances pour 2020, le ministre chargé de la recherche publie chaque année un rapport sur l’impact du CIR, notamment en ce qui concerne le recrutement de personnes titulaires d’un doctorat.
C. – Une évaluation et une organisation administrative adaptées pour mieux accompagner les établissements de l’ESRI
1. Un HCERES aux orientations renouvelées pour une évaluation efficiente et adaptée
L’évaluation fait partie intégrante de la vie scientifique et il n’est quasiment aucune des dimensions de l’activité des enseignants-chercheurs et des chercheurs, ni des établissements, qui ne fasse l’objet d’une ou plusieurs évaluations. Le système français d’enseignement supérieur et de recherche ne souffre donc pas d’un manque d’évaluation, mais d’une forme de décrédibilisation des évaluations liée tout à la fois à la multiplication des procédures d’évaluation et à la faiblesse de leurs suites concrètes.
Il convient donc, comme l’a souhaité le Président de la République, de donner tout leur sens aux procédures d’évaluation, en allégeant au passage la charge qu’elle représente pour la communauté scientifique.
Pour ce faire, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation proposera au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), après concertation avec les acteurs concernés et dans le respect de l’indépendance du Haut conseil, de travailler conjointement à l’atteinte de trois objectifs :
– simplifier les procédures, notamment pour que les documents et dossiers à produire dans le cadre des différents processus d’évaluation soient, dans toute la mesure du possible, identiques ou du moins cohérents entre eux.
Il conviendra de même de veiller à articuler au mieux le rôle des différentes instances (HCERES, organes d’évaluation des organismes, Conseil national des universités (CNU), etc.) ;
– renforcer la crédibilité et la cohérence des évaluations, notamment en ce qui concerne les laboratoires de recherche, en se concentrant sur la science, ses résultats et son impact sur la production de connaissances et la société.
Une réflexion sur l’harmonisation du degré de détail de l’évaluation selon la taille des unités évaluées est nécessaire, avec pour objectif de rendre l’évaluation plus globale et plus stratégique, en demandant aux comités d’avoir davantage un regard transversal. Ceci aurait pour effet de réduire le nombre total de comités, en permettant de les constituer de manière plus homogène et de rendre les évaluations plus comparables entre elles ;
– conforter l’utilité de l’évaluation.
Si elle est reconnue comme ayant un effet constructif pour les équipes évaluées, l’évaluation est actuellement peu suivie d’effets directs parce qu’elle est assez hétérogène et que les établissements ont des difficultés à s’en saisir pour définir une politique scientifique. L’objectif précédent de rendre l’évaluation plus stratégique et plus homogène permettra aux acteurs (équipes, laboratoires, établissements) de dégager des axes stratégiques et d’affecter spécifiquement des moyens pour les soutenir. Dans le cadre du dialogue contractuel, ceci permettra également aux ministères de tutelle d’apprécier la manière dont les établissements s’en emparent pour développer une stratégie scientifique propre.
En outre, l’Observatoire des sciences et techniques (OST), créé en 1990 et devenu depuis 2015 un département du HCERES, fera, dans le cadre d’une concertation associant les principales institutions de recherche publique en sciences humaines et sociales, des recommandations afin de faire évoluer les référentiels bibliométriques pour reconnaître les spécificités de la production scientifique en sciences humaines et sociales.
2. Une relation renouvelée entre l’État et ses opérateurs à travers une contractualisation rénovée et un dialogue stratégique et de gestion annuel
Le renforcement du dialogue de l’État avec les établissements d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation est un enjeu majeur pour la mise en œuvre des transformations dont la loi de programmation fixe le cadre général.
Ce dialogue doit permettre d’accompagner les établissements dans l’affirmation de leur stratégie et dans leur appropriation des nouveaux outils proposés par la présente loi (nouvelles voies de recrutement, développement de la mobilité public-privé, mise en place de « pôles universitaires d’innovation » performants, etc.). Il doit aussi permettre de renforcer l’engagement des établissements dans les orientations et les politiques de l’ESRI, sur de nombreux registres : en matière d’axes prioritaires de recherche, d’implication dans le domaine de l’innovation et de la recherche partenariale, de participation aux programmes européens, d’accroissement des relations avec la société ; et, s’agissant des établissements d’enseignement supérieur, en matière d’orientation et de réussite des étudiants, de nouvelle ingénierie de formation et d’innovation pédagogique. Enfin, ce dialogue doit permettre aussi d’accroître la mobilisation des établissements sur les priorités de la relance de notre pays après la crise sanitaire.
Cet accompagnement renouvelé des établissements passe par un renforcement du dialogue contractuel avec l’État. Cette contractualisation rénovée, dont les fondements ont été posés en 2019, permettra de renforcer les politiques de site. Ainsi, le contrat d’un organisme national affirme-t-il désormais que l’accroissement de sa contribution à l’émergence de grands sites universitaires du meilleur niveau international est un de ses objectifs majeurs, et inclut-il des engagements sur son implication dans ces sites. « Symétriquement », le contrat entre l’État et une grande université de recherche inclut des engagements et objectifs conjoints avec les principaux organismes partenaires, cosignataires du contrat de site, dans le cadre d’une politique de site renforcée, plus intégrée, portée conjointement par les acteurs académiques du site. Ces engagements conjoints portent non seulement sur des objectifs et priorités partagées en matière de recherche, d’innovation, d’implication dans les programmes européens, etc. ; mais aussi sur le « faire ensemble » au sein du site : l’efficience des dispositifs d’innovation, les actions communes pour simplifier la vie des unités mixtes de recherche, les actions conjointes en matière de recrutement et de développement de l’attractivité du site, notamment en matière d’amélioration constante de l’égalité entre les femmes et les hommes, etc. Le déploiement du contrat sera suivi via des indicateurs choisis en nombre limité et associés à des objectifs ambitieux.
Cette implication renforcée des organismes nationaux dans les sites universitaires ne signifie pas pour autant que leur rôle d’organisme national diminue. Ainsi les contrats des organismes ont-ils vocation à renforcer leur mission nationale, en les positionnant comme « bras armés de l’État » au service de politiques publiques auxquelles ils sont, dans le plein respect de la liberté de la recherche, en capacité d’apporter un appui, comme porteurs de plans nationaux et de programmes prioritaires de recherche et d’innovation, de projets structurants et de grandes infrastructures de recherche (parfois en lien avec un ou plusieurs sites universitaires) ; ils rappellent leur responsabilité particulière et leur position privilégiée pour explorer les sujets de recherche émergents ou trop peu présents dans la recherche française.
Le dialogue contractuel encouragera les universités à renforcer leur identité propre, leur « signature », dans les domaines qui sont leurs points forts ou leurs priorités. Cette signature spécifique d’un site, construite avec les organismes partenaires du site, a vocation à être « ancrée dans leur territoire », appuyée sur les relations et les partenariats noués avec des acteurs économiques et institutionnels locaux. À l’occasion de la contractualisation, un dialogue entre chaque site universitaire, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et les collectivités territoriales concernées pourra permettre de renforcer le site par l’identification de priorités partagées et par la mise en place de cofinancements complémentaires pour soutenir ses projets et ses objectifs, en particulier pour renforcer son attractivité dans ses domaines prioritaires. À terme, ces démarches permettront à nombre de sites universitaires de devenir très visibles à l’échelle européenne et internationale dans les domaines correspondant à leur signature.
Le renforcement de ce dialogue contractuel, tous les cinq ans, s’accompagne de la mise en place d’un rendez-vous annuel avec chaque université (le « dialogue stratégique et de gestion ») et chaque organisme. Ce dialogue que l’État a conduit en 2019-2020 avec plus de quatre-vingts universités et écoles sera généralisé. Mobilisant fortement les services déconcentrés et les administrations centrales du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, il permet d’avoir un échange resserré autour d’éléments centraux de la vie des établissements, qu’il s’agisse de la mise en œuvre des actions et engagements du contrat, de leur trajectoire financière et des évolutions de leurs effectifs, de leur stratégie en termes de développement de ressources propres, de leur mode de déploiement des principales réformes portées par le Gouvernement ainsi que de certains de leurs projets stratégiques.
Grâce aux moyens de la programmation pluriannuelle, des « contrats d’objectifs et de moyens » seront proposés aux organismes et établissements, en commençant par les organismes et les principaux sites universitaires qui, dans le cadre de leurs contrats, s’engageront dans des démarches de transformation ambitieuses. Il s’agira, en leur attribuant des crédits non pérennes (dans le cadre des contrats, avec une visibilité pluriannuelle), de les accompagner pour contribuer à la réalisation de leurs projets et favoriser l’atteinte de leurs objectifs.
2 bis. Une mise à jour des relations entre l’État et les établissements d’enseignement supérieur privés.
Cette relation renouvelée entre l’État et les établissements d’enseignement supérieur privés est définie après consultation des organisations représentatives des établissements concernés. Elle passe d’abord par une clarification de la notion de cours et d’établissement d’enseignement supérieur privé. Il s’agit également d’harmoniser dans un but d’unification les modalités et les conditions d’ouverture des établissements d’enseignement supérieur privés sans distinction, qu’ils soient « libres » ou techniques, dans un souci de clarification et de sécurité juridique. Il s’agit aussi de rendre l’exercice du contrôle de l’État lors des déclarations d’ouverture plus efficace, d’offrir la possibilité à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur privés de délivrer des diplômes visés par l’État ou conférant grade universitaire et de redéfinir les modalités d’habilitation des cours et établissements d’enseignement supérieur privés à recevoir des boursiers de l’enseignement supérieur.
3. Une organisation territoriale adaptée pour accompagner les écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation
Cette relation renouvelée entre l’État et les nombreux opérateurs qui participent à la politique publique d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation (148 EPSCP, 6 EPST, mais aussi des EPIC, des EPA telles que les écoles d’architecture et les écoles d’art, des fondations, etc.) passe nécessairement par une évolution du positionnement des administrations centrales, qui ont vocation à se recentrer sur les fonctions de pilotage stratégique et d’arbitrage, et des administrations déconcentrées qui sont en première ligne pour accompagner les établissements dans les territoires : alors que la question de l’équilibre territorial de notre pays a repris une place centrale dans le débat public, renforcer les politiques de site de l’ESRI et l’ancrage de chaque site dans son territoire est essentiel tant pour l’accroissement de ses relations avec le tissu local des entreprises en matière de recherche et d’innovation que pour l’adéquation des formations au bassin d’emplois local et pour la réussite de l’insertion professionnelle des diplômés.
Depuis le 1er janvier 2020, la concrétisation de ces orientations incombe aux recteurs de région académique. Afin de renforcer leurs compétences en la matière, les services des rectorats bénéficieront au 1er juin 2020 du transfert des délégations régionales à la recherche et à la technologie, qui deviendront des délégations régionales académiques à la recherche et à l’innovation (DRARI) placées auprès du recteur de région académique et sur lesquelles le préfet de région conservera une autorité fonctionnelle. De plus, les recteurs de sept grandes régions à forts enjeux en matière d’ESRI bénéficient de l’appui d’un recteur délégué à l’ESRI. Ces équipes porteront les politiques de l’ESRI et accompagneront les établissements en assurant la coordination de la mise en œuvre des outils existants : contrat de plan État-Région, programme d’investissements d’avenir, crédit d’impôts-recherche, etc.
Cette nouvelle organisation territoriale en matière d’ESRI permettra également de mieux intégrer, dans la conception et la mise en œuvre de ces politiques publiques, le rôle clé des collectivités territoriales, au premier rang desquelles les régions, qui ont un rôle central à jouer dans la mise en valeur du potentiel d’innovation et de l’attractivité de leur territoire, mais aussi les métropoles et les autres collectivités lorsqu’elles souhaitent s’impliquer dans le soutien aux politiques de site de l’ESRI et au renforcement de son ancrage territorial.
Dans le domaine de la santé, la recherche organisée par le centre hospitalier universitaire (CHU), l’université et leurs partenaires doit pouvoir dépasser leurs murs et se projeter sur l’ensemble d’un territoire. Elle doit impliquer plus largement les professionnels de santé médicaux et paramédicaux avec le souci de développer une recherche interventionnelle en conditions réelles. Ainsi le comité territorial de la recherche en santé rassemblant tous les acteurs autour du CHU et de l’université (organismes de recherche, établissement de santé du territoire, professionnels de santé médicaux et paramédicaux de ville, collectivités territoriales, agences régionales de santé,…) est mis en place pour coordonner les efforts de recherche et l’ouvrir vers l’ambulatoire et vers la ville, facteur de succès de l’adaptation de notre système de santé aux enjeux de demain.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet article est évidemment essentiel, puisque c’est lui qui va fixer la trajectoire budgétaire de cette loi de programmation.
Nombreux ont été celles et ceux qui ont souligné que le compte n’y était pas, en particulier pour rattraper les retards accumulés ces quinze dernières années.
Ce qui est frappant dans cette affaire, c’est tout de même que la somme de 25 milliards d’euros étalée sur dix ans ne représente pas un montant considérable, si vous la comparez à une série d’autres dépenses, par exemple les dépenses d’allègements de cotisations sociales, dont on nous dit à longueur de journée qu’elles vont donner de l’attractivité à notre pays.
Mes chers collègues, je peux vous dire que, si la France ne redresse pas la barre du côté de la recherche et de l’innovation, son attractivité ne va faire que décliner ! Ce n’est pas une simple aide à la baisse du « coût du travail » qui va nous permettre de relever les défis et de réindustrialiser le pays. On est là au cœur du débat sur la compétitivité.
Par ailleurs, pour ma part, je pense qu’il y a aussi une dimension culturelle dans le rayonnement scientifique.
La stratégie du Gouvernement, c’est de prévoir une durée de dix ans, de sorte qu’il donne l’impression de voir loin. En fait, c’est plutôt « demain, on rase gratis » et, aujourd’hui, « petit braquet », en deçà du minimum minimorum nécessaire pour redresser la barre.
J’entends bien l’argument de Mme la ministre, qui nous dit que le plan de relance va « mettre du beurre dans les épinards ». Très bien, mais le problème, c’est qu’il s’agit de crédits exceptionnels, fléchés, et non pas d’une inscription programmatique budgétaire qui va se cumuler au cours des années.
Pour résumer, il faut tout d’abord raccourcir la durée de dix ans.
Ensuite, il n’est pas vrai que, au XXIe siècle, on dispose d’horizons budgétaires à dix ans. C’est aussi vrai des sept ans adossés à la dimension européenne, qui n’est d’ailleurs pratiquement pas abordée dans ce texte, alors qu’une bonne articulation des deux approches serait nécessaire.
Enfin, nous avons impérativement besoin de décisions immédiates.
Nous souhaitons donc que ce texte, même amendé par le Sénat, ne serve pas de base à notre politique de recherche. Certes, il est meilleur, mais il donne l’impression que l’on a réglé un problème – à tort ! En effet, nous n’atteindrons ni les 3 % du budget, ni les 1 % de PIB en matière de recherche publique.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous ne pouvons donc accepter en l’état le texte qui sort de notre commission, et encore moins les propositions du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Je vais oser un propos un peu décalé, peut-être pas très académique, mais nous sommes au début de l’examen du texte, et j’avais envie de m’exprimer ainsi.
On va beaucoup parler de recherche, de science et, partant, de progrès. Notre société moderne est une société dite « de progrès ». Jamais nous n’aurons connu autant d’avancées, et la recherche scientifique y a apporté une immense contribution, mais il n’aura pas fallu plus d’un demi-siècle à la science pour mettre la planète au bord du gouffre et la vie humaine en péril.
Pourtant, des scientifiques, très tôt, avaient sonné l’alarme, notamment Rachel Carson, que mon collègue Daniel Salmon a citée hier soir, dans Printemps silencieux.
Hier soir, lors des débats sur les néonicotinoïdes, on nous a dit de faire confiance à la science. Toujours la science au singulier !
Madame la ministre, j’ai apprécié de vous entendre parler des sciences, au pluriel, et de leur complexité. Le nouveau progrès pour construire le monde de demain dépendra de la contribution croisée de l’ensemble des sciences, y compris des sciences humaines, que vous avez également évoquées, madame la ministre, parce qu’elles ont justement le grand avantage d’être humaines.
Je crois dans le croisement de l’ensemble des sciences au service d’un véritable progrès, pour en finir avec la science unique, au service d’une pensée unique, pour un modèle unique. En cette période trouble, dans ce monde insensé en quête de sens, au-delà de la science, réhabilitons aussi le rôle de la poésie, pour un progrès où science rime avec conscience et politique avec éthique. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. Merci, monsieur Labbé, de ce moment de poésie. (Sourires.)
La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.
M. Julien Bargeton. Dans ce qui vient d’être dit, il y a des choses que je partage : la poésie n’est pas incompatible avec la science ; d’ailleurs, nous avons connu de grands scientifiques qui étaient aussi des grands poètes.
Je suis aussi d’accord avec ce qu’a déclaré au début de notre discussion Marie-Noëlle Lienemann : bien sûr, la recherche, donc l’innovation, fait partie de la compétitivité. Là où je suis un peu moins d’accord avec elle, c’est que je pense que cela va de pair avec une baisse des cotisations. Il faut plutôt faire les deux si l’on veut renforcer la compétitivité du pays, mais, c’est vrai, il faut également investir massivement dans notre recherche.
Ce que je partage encore moins, c’est le reproche adressé à cette loi de vouloir corriger des errements passés. On peut toujours dire : « Ce n’est pas assez ! », « Il faudrait faire davantage ! », « Le compte n’y est pas ! », autant d’expressions qui sont faciles à prononcer. Mais regardons tout de même d’où nous venons ! On l’a plus ou moins tous dit dans la discussion générale : il y a eu une baisse de 40 % des crédits de l’Agence nationale de la recherche entre 2010 et 2015 ; nous n’avons pas respecté l’objectif de Lisbonne depuis quinze ans.
On ne peut pas reprocher à un texte de mettre massivement des moyens dans la recherche, et cela dès les deux premières années – Mme la ministre a parlé de plus de 6 milliards d’euros. J’ajoute qu’est prévue également une clause de revoyure, donc nous pourrons vérifier que les efforts sont vraiment réalisés.
On sait que l’on pourra financer un grand projet de recherche par mois pendant les années à venir. Ce n’est pas rien ! Évidemment, nous pouvons tous dire que le saut à faire est plus important, mais, tout de même, observons la réalité : ce texte vient corriger une lente dégradation, engagée depuis des années, ce que montre un certain nombre de chiffres. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
C’est un projet qui va dans le bon sens. Nous aurons bien entendu ce débat. Il est aussi ambitieux dans sa dimension budgétaire. Je voulais le rappeler, après avoir entendu des propos qui, à mon avis, correspondent plus au passé qu’à la réalité de ce texte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Rapin, rapporteur pour avis de la commission des finances. M. Bargeton se pose en défenseur du texte. C’est son rôle, et j’entends tout ce qui est dit. D’ailleurs, lors de la discussion générale, je ne pense pas avoir douté de la volonté de Mme la ministre d’aller plus loin.
Néanmoins, nous avons bien analysé la trajectoire budgétaire et constaté qu’elle n’aboutissait pas, à terme, aux progrès escomptés. Nous attendons bien plus !
Certes, on peut toujours demander plus, mais quand vous dites, monsieur Bargeton, qu’aucune loi de programmation ne s’est faite en euros constants, je m’inscris en faux : regardez la loi de programmation militaire 2009-2014. Elle n’a peut-être pas abouti aux résultats espérés, mais elle a été courageusement proposée et appliquée en euros constants.
Nous aurions souhaité, madame la ministre, et n’y voyez aucune injure, une véritable transparence, qui vous aurait fait dire : voilà ce que l’on a au bout du compte. En effet, dix ans, c’est loin ; dix ans, c’est compliqué ; dix ans, ce sont deux mandats présidentiels.
Nous sommes d’accord pour indiquer qu’il y a un effort considérable, mais attention, nous ne sommes pas dans le cadre des règles budgétaires habituelles. C’est notamment ce qu’a souligné le Conseil d’État.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.
M. Éric Kerrouche. Je souhaite tout de même réagir aux propos de M. Bargeton. C’est très pratique : sous le quinquennat précédent, il soutenait la restriction, et, maintenant qu’il a changé de camp, il soutient le développement.
M. Julien Bargeton. Je n’étais pas dans cet hémicycle !
M. Éric Kerrouche. Et moi non plus, mais cela ne nous excuse pas collectivement. Il ne suffit pas de dire « J’y étais » ou « Je n’y étais pas ». Nous avons tous une couleur politique. Certaines couleurs ont évolué. C’est le droit de chacun, mais il ne faut pas oublier l’évolution. (M. Julien Bargeton s’exclame.)
Je ne veux pas exonérer les deux précédents quinquennats, mais je rappelle seulement que, en 2008, il y a une « petite » crise financière et, en 2012, que le déficit public était de 5,3 % du PIB, contre 3,4 % en 2016.
Je le répète, il ne s’agit pas de nous exonérer. Avons-nous investi assez ? La réponse est « non ». Il aurait fallu faire mieux et plus. Toutefois, une fois que l’on a dit cela, on se rappelle que trois années du présent quinquennat ont déjà passé, donc évitez de nous ressortir sans cesse l’argument de l’héritage ! Depuis trois ans, c’est vous qui pilotez.
Vous dites que vous voulez faire une loi exemplaire. Dans ce cas, prouvez-le, et nous vous accompagnerons. Néanmoins, en l’état, le compte n’y est pas. Pis, vous vous plaignez du passé, mais en fait vous reportez la réalisation de vos promesses dans le futur. Ce n’est pas beaucoup mieux !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. Je ne m’aventurerai pas à arbitrer le débat entre anciens et actuels socialistes. (Sourires.) En revanche, je suis d’accord avec Éric Kerrouche lorsqu’il dit que le pays a levé le pied collectivement et qu’il faut aujourd’hui réagir. J’étais heureux, même, de l’entendre soutenir le mandat de Nicolas Sarkozy.
En tout cas, cela renvoie à une absence d’ambition, à un essoufflement, dont il faut aujourd’hui prendre acte. Comme l’a dit Mme la rapporteure, votre volonté est certaine et forte, madame la ministre. Personne ne la remet en cause, mais il y a les incontestables arbitrages de Bercy. La trajectoire choisie pose problème, parce qu’elle ne répond pas aux habituelles règles de la programmation budgétaire dans notre pays, cet étalement renvoyant l’essentiel des dépenses à ceux qui suivront. Cela pose problème.
Le message adressé par le Sénat a bien été entendu, et quelques corrections ont été apportées au plan de relance. Cependant, comme l’a souligné Mme Lienemann, ces dépenses ne sont pas inscrites dans la durée, comme elles doivent l’être dans une loi de programmation.
Au passage, on voit bien que le Sénat sert à quelque chose. Monsieur Bargeton, vous avez pu constater que ce que l’on a posé ici avec force a fini par être entendu. D’ailleurs, madame la ministre, il se pourrait bien que l’on vous ait rendu un service en défendant ainsi la nécessité d’une trajectoire bien plus ramassée. Vous ne l’avouerez peut-être pas, mais nous ne manquerons pas de le faire savoir.
Enfin, il reste les questions du glissement vieillesse technicité, le GVT, et de la retraite, qui ne sont pas réglées, alors qu’elles devront s’inscrire dans cette trajectoire, comme Jean-François Rapin l’a indiqué à la tribune.
Aussi, on peut tout de même dire clairement qu’il y a une volonté de laisser aux autres l’addition des belles promesses et des belles annonces égrenées tout au long de cette loi de programmation.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. J’ai bien entendu tout ce qui a été dit et je souhaite apporter quelques compléments.
Je ne reviendrai pas sur le passé. Je ne vous rappellerai pas le temps et l’énergie que nous avons dépensés à écrire des livres blancs, des stratégies nationales, à nous déplacer, à nous mobiliser pour atteindre la perfection, mais, concrètement, rien n’en est ressorti. Nous souhaitons pour notre part porter des réponses concrètes.
J’ai entendu l’expression « petit braquet ». Tout de même, si consacrer 400 millions d’euros en plus cette année rien que pour la recherche, et 800 millions d’euros l’année prochaine, soit 1,2 milliard d’euros en deux ans, c’est être « petit braquet », j’aurais aimé que tout le monde le soit ! Les 6,5 milliards d’euros du plan de relance, avec un programme prioritaire de recherche lancé chaque mois, cela représente un financement de recherches pour six à huit ans, soit la durée d’un programme. Et cela, c’est « petit braquet » ?
L’articulation avec Horizon Europe est expliquée dans le rapport annexé, donc je ne reviendrai pas sur ce point, mais vous devez savoir qu’elle concerne tous les programmes prioritaires de recherche. Toutes nos équipes sont préparées pour aller gagner sur les programmes européens. Je vous laisse prendre connaissance de l’annexe.
La loi de programmation militaire en euros constants, vous l’avez rappelé, n’a pas abouti. Pour ma part, je préfère dire les choses telles qu’elles sont. Qui est capable de dire si nous connaîtrons l’inflation ou la déflation ? Qui est capable de dire ce que sera le PIB de notre pays ? M. Kerrouche a rappelé la crise financière de 2008. Est-ce que vous pensez vraiment que nous allons échapper à une grave crise ces prochaines années, si tant est que nous n’y soyons pas déjà ?
Porter une loi de programmation pour la recherche avec une ambition budgétaire, confirmée dans le plan de relance, c’est aussi penser à l’avenir dans une période de crise et de pessimisme. C’est être capable de voir un cran plus loin, en soutenant la recherche. C’est extrêmement important à mes yeux.
Comme tout le monde veut soutenir la recherche, je n’ai vraiment aucun doute sur le fait que, à chaque clause de revoyure, tous les trois ans, vous augmenterez ce budget de la loi de programmation… Croyez-moi, j’en serai ravie, où que je sois alors !
Par ailleurs, la Conseil d’État a clairement indiqué que cette loi de programmation était exceptionnellement longue, mais que « sa sincérité n’en était pas affectée » ; je le rappelle à l’intention de ceux qui parlent sans cette d’insincérité.
Enfin, monsieur Labbé, la connaissance n’est ni bien ni mal. Les sciences disent ce que l’on comprend du monde, et c’est le politique qui fait des choix.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
1° Première phrase
a) Remplacer l’année :
2027
par l’année :
2030
b) Remplacer les mots :
des sept années suivantes
par les mots :
de la décennie suivante
2° Seconde phrase
Remplacer l’année :
2027
par l’année :
2030
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Sans surprise, cet amendement vise à remplacer l’année 2027 par l’année 2030, c’est-à-dire à revenir à une programmation sur dix ans. J’ai eu l’occasion d’exprimer dans la discussion générale les raisons qui incitent le Gouvernement à cette préférence.
Il est important que la recherche dispose d’une visibilité sur le temps long. La durée moyenne d’un projet de recherche est de dix ans. Avoir des marches successives, année après année, permet de garantir que, dans les dix prochaines années, de nouveaux projets pourront être financés au sein des laboratoires.
M. le président. L’amendement n° 88, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ce rapport précise les objectifs de l’État pour revaloriser les métiers et les carrières de la recherche et de l’enseignement supérieur et les traduit en besoins financiers et ressources budgétaires jusqu’en 2027.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit, avec l’accord de la commission – je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir émis un avis favorable sur cet amendement –, d’apporter une correction lexicographique, en remplaçant « ressources humaines » par « les métiers et les carrières de la recherche et de l’enseignement supérieur ».
En effet, désigner des chercheurs, qui sont parfois médaille Fields ou prix Nobel, par l’expression « ressources humaines » n’est sans doute pas tout à fait approprié…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Madame la ministre, cela ne vous étonnera pas, la commission a voté pour ramener la durée de la programmation à sept ans. Elle émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 206.
En revanche, elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 88.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 88 ?
M. le président. L’amendement n° 142 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I.- Première phrase
1° Remplacer les mots :
3 % du produit intérieur brut annuel
par les mots :
14 % des dépenses nettes de l’État
2° Remplacer les mots :
1 % du produit intérieur brut annuel
par les mots :
4,6 % des dépenses nettes de l’État
II- Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Un seuil de dépense minimale pour les programmes susmentionnés est instauré en 2027 à 3,305 milliards en euros courant.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit de retravailler l’échéancier budgétaire ; vous l’avez sous les yeux, je ne le détaille donc pas. Je formulerai deux observations sur la discussion budgétaire que nous avons.
Sur la forme, tout d’abord, j’ai vraiment du mal à accepter que nous discutions maintenant de ce projet de loi de programmation de la recherche, notamment de sa première année 2021, alors que, en même temps – selon la formule consacrée ! –, l’Assemblée nationale vient d’adopter le budget pour 2021. (M. Julien Bargeton lève les bras au ciel.)
Monsieur Bargeton, ne levez pas les bras au ciel : celui-ci ne vous sera d’aucun secours ! Même Jupiter s’est éteint ce soir. (Sourires.)
M. Julien Bargeton. C’est vers vous que je les tends ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Même moi, je ne suis plus en phase avec le parti communiste chinois. C’est dire que tout fiche le camp ! (Rires.)
En principe, quand un gouvernement définit une politique pour la recherche, il met la loi de programmation en début de mandat.
Reprenez les différentes lois de programmation : toutes ont été présentées en début de mandat, parce que le Gouvernement prend devant la représentation nationale l’engagement qu’il respectera la programmation. Vous, vous prenez l’engagement pour des gouvernements dont on ignore s’ils respecteront jamais cette loi. C’est là un point fondamental, monsieur Bargeton.
Sur le fond, ensuite, dans les groupes d’études qui ont été promus par le Gouvernement et par Mme la ministre, MM. Villani et Petit et Mme Retailleau ont estimé que, pour essayer de remettre à niveau l’enseignement supérieur et la recherche, il fallait entre 2 milliards d’euros et 3,6 milliards d’euros par an. Or, dans ce texte, vous nous proposez 1 milliard d’euros pour dix ans ! Il faut bien mesurer que ce projet de loi de programmation ne permettra pas de satisfaire les objectifs nécessaires de rattrapage et de remise à niveau.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons un autre échéancier sur cinq ans, avec un volontarisme budgétaire bien plus important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette intention est tout à fait louable, mais l’objectif proposé n’est ni clairement raisonnable ni crédible.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L’évaluation du montant des dépenses intérieures de recherche et développement rapporté au produit intérieur brut prend en compte non seulement les crédits retracés dans la présente loi de programmation, mais également les crédits de paiement de la mission « Plan de relance », les crédits du quatrième programme d’investissements d’avenir, les crédits alloués à la recherche par les collectivités territoriales ainsi que ceux alloués à la recherche intérieure par l’Union européenne.
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Pour plus de sincérité et de transparence, il est proposé de mettre en place un tableau permettant de mieux prendre en compte la totalité des sommes allouées à la recherche par le Gouvernement – plan de relance, programme d’investissements d’avenir et différents crédits alloués à la recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette proposition répond à un souci d’exhaustivité que je trouve intéressant.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’évaluation du montant de la dépense intérieure de recherche et développement des administrations, la Dirda, résulte en réalité d’une enquête auprès des établissements et services publics ayant une activité de recherche et de développement.
Dans le cadre de cette enquête, les établissements déclarent le montant de toutes les dépenses de R&D, qu’elles soient adossées à des crédits budgétaires de l’État, à des crédits des collectivités, à des actions des programmes d’investissements d’avenir, à des actions du plan de relance, à des financements européens et même à des ressources propres liées aux contrats que les laboratoires publics ont avec des entreprises.
Par conséquent, cet amendement est satisfait. C’est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Fialaire, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
M. Bernard Fialaire. Bien sûr, monsieur le président, je le maintiens !
M. le président. L’amendement n° 165 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
climatique,
insérer le mot :
alimentaire,
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Au mois de septembre dernier, M. le ministre de l’agriculture a déclaré vouloir mettre la souveraineté alimentaire au cœur des politiques agricoles européennes.
Mon groupe se réjouit de cette perspective, car il a toujours été attentif à cette question. Je rappelle en particulier la proposition de résolution sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale de notre ancienne collègue Françoise Laborde, que le Sénat a examinée l’année dernière.
M. Joël Labbé. Excellente résolution !
M. Bernard Fialaire. Au-delà de la seule autonomie alimentaire de la France et de son caractère stratégique, nous sommes bien évidemment face à un enjeu d’ordre mondial. On estime à 9 milliards le nombre d’individus qu’il faudra nourrir à l’horizon de 2050. Le monde sera-t-il en capacité de produire les ressources nutritives nécessaires pour répondre à ce défi ?
À la problématique de la dynamique démographique s’ajoute, on le sait, la question du changement climatique et de son impact sur potentiel agricole, notamment sur le continent africain. Les études prospectives montrent que, à technologie inchangée, des tensions pourraient émerger entre les pays, notamment sous la forme de conflits d’usage des terres et de l’eau.
Aussi, la recherche doit s’engager à garantir l’autosuffisance alimentaire pour notre pays et à tous les États qui en auront besoin. Il faudra de nouvelles réponses techniques au défi agricole sous-jacent à la question alimentaire, un défi qui doit en outre répondre aux impératifs de développement durable.
Dans le projet de loi, le rapport annexé mentionne la nécessité d’entretenir en continu la production de connaissances et énumère les enjeux essentiels : sanitaire, climatique, énergétique ou numérique. L’amendement vise à compléter cette énumération par l’enjeu alimentaire, qui, comme je viens de le dire, a grandement besoin de la science et de la recherche pour s’adapter aux évolutions du monde de demain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis très favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’alimentation constitue en effet un enjeu essentiel pouvant être abordé par plusieurs disciplines et approches scientifiques à même de contribuer conjointement à relever ce défi.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je soutiens chaleureusement cet amendement.
Mes chers collègues, je vous invite à vous pencher sur le rapport de l’Institut du développement durable et des relations internationales, l’Iddri, sur les perspectives 2050, publié en 2018, et sur les conclusions de l’enquête « Résilience alimentaire et sécurité nationale », dont s’inspire la proposition de résolution de Françoise Laborde.
Il s’agit donc d’un amendement éminemment intéressant, qui vise à chercher de futures perspectives.
M. le président. L’amendement n° 166 rectifié bis, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Après les mots :
défis économiques
insérer le mot :
, sanitaires
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Dans le contexte sanitaire actuel, est-il utile de rappeler combien la santé est prioritaire ? La recherche de solutions adaptées aux territoires et socialement acceptables doit aussi s’exercer à l’égard du défi sanitaire.
Depuis le début de l’année 2020, la pandémie de covid-19 a placé la santé au cœur des priorités de la recherche, en particulier pour l’élaboration de tests et la découverte d’un vaccin.
C’est également à l’échelon organisationnel que la crise a posé des défis à la recherche, par exemple avec la mise au point d’applications numériques de traçage des malades. Dans les années futures, parce qu’un virus a réussi à arrêter pendant plusieurs semaines la marche du monde, la santé devra être, encore plus qu’elle ne l’est déjà, un sujet de recherche de premier rang tant dans sa dimension curative que dans ses réponses logistique ou organisationnelle.
Au travers de cet amendement, il s’agit d’ajouter le défi sanitaire aux côtés des défis économiques et environnementaux, pour que celui-ci soit également appréhendé par la recherche sous l’angle de la résilience.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 153, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 41
Supprimer les mots :
de recherche citoyenne,
II – Alinéa 278
Remplacer les mots :
dans la recherche citoyenne et la co-construction de problématiques de recherche avec le grand public
par les mots :
dans la co-construction de problématiques de recherche avec le grand public et la recherche participative
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. La notion de « recherche citoyenne » est plutôt mal définie, et nous n’en avons toujours pas compris le sens. C’est pourquoi nous proposons de la remplacer par l’expression « la co-construction de problématiques de recherche avec le grand public et la recherche participative ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La notion de « recherche citoyenne » peut en effet prêter à confusion.
La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Lefèvre, Guerriau et Karoutchi, Mme Deroche, MM. P. Martin et Calvet, Mmes Billon et Deromedi, MM. Bargeton, Belin, D. Laurent, Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Ventalon et Sollogoub, MM. Bizet et Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et M. Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 78
Compléter cet alinéa par les mots :
et éducatives
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Cet amendement, comme les amendements suivants, vise à assurer la promotion des méthodes alternatives à l’expérimentation animale, et ce pour au moins trois raisons.
Tout d’abord, cela représente un gigantesque potentiel d’innovation, car cela suppose un développement économique. À ce titre, cela trouve parfaitement sa place dans ce projet de loi de programmation.
Ensuite, ces tests ont une meilleure valeur prédictive que le modèle animal, qui est très souvent pris en défaut dans les études tant toxicologiques que réglementaires.
Enfin, c’est une question d’humanité : il s’agit de ménager la souffrance des animaux de laboratoire.
L’amendement n° 21 rectifié bis tend à compléter l’alinéa 78 par les mots « et éducatives ». En effet, la directive européenne à laquelle il est fait référence dans cet alinéa couvre les utilisations d’animaux à des fins scientifiques et éducatives. Il convient donc, par cohérence, de rétablir cette précision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, je suis quelque peu gênée. Il me semble que, avec cet amendement et les amendements suivants, vous allez plus loin que la directive européenne mettant en œuvre le principe dit des « trois R ».
Toutefois, ce sujet ne relevant pas directement de sa compétence, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication se rangera à l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 21 rectifié bis, 22 rectifié bis, 23 rectifié bis, 25 rectifié bis et 24 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Vous avez raison, la directive européenne que le rapport annexé mentionne à l’alinéa 78 est intitulée « directive […] relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques ». Or elle précise qu’il faut établir des mesures pour la protection des animaux utilisés « à des fins scientifiques et éducatives ».
En reprenant l’intitulé exact de la directive européenne, la disposition prévue à cet alinéa inclut les fins scientifiques et éducatives. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Madame la ministre, je ne comprends pas du tout votre argumentation !
L’alinéa 78 énonce les précisions nécessaires pour définir où faire des économies d’expérimentations animales, à savoir à la fois dans le domaine des sciences pures et dans le cadre éducatif. Il y a là une cohérence qu’il n’est pas du tout gênant de rappeler.
En revanche, ne pas mentionner les fins éducatives ferait vraiment défaut et nuirait à la communication de ces textes vis-à-vis du public.
Par conséquent, je maintiens cet amendement et souhaite qu’il soit adopté.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Lefèvre, Guerriau et Karoutchi, Mme Deroche, MM. P. Martin et Calvet, Mme Deromedi, MM. Bargeton, Belin, D. Laurent, Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Boulay-Espéronnier, Ventalon et Sollogoub, MM. Bizet et Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et M. Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 79, deuxième à dernière phrase
Rédiger ainsi ces phrases :
Le remplacement vise à substituer au recours à un modèle animal des approches et méthodes ne faisant pas appel au modèle animal, comme des approches in vitro ou des modélisations mathématiques ou informatiques. Par réduction, on entend la diminution du nombre d’animaux utilisés notamment par l’application de méthodes statistiques et par le partage de données et de résultats susceptibles d’éviter la répétition des expériences. Le concept de raffinement s’attache à l’optimisation des conditions d’hébergement et des conditions expérimentales pour en réduire les effets négatifs sur les animaux.
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Cet amendement vise à réécrire l’alinéa 79, non pour remettre en cause son contenu, mais pour préciser un certain nombre de notions.
La directive européenne ne fixe pas le principe des « trois R », concept qui existe depuis 1959, mais cherche à en renforcer la mise en œuvre. Conformément aux recommandations de la directive européenne, les « trois R » doivent s’appliquer dans l’ordre suivant : d’abord le remplacement, lorsque cela est possible, ensuite la réduction, si le remplacement n’est pas possible, enfin le raffinement, dans tous les cas où des animaux sont utilisés.
Cette hiérarchisation des méthodes, qui date des origines du concept, est reprise dans l’article 4 et le considérant 11 de la directive européenne.
La définition du remplacement n’a pas à inclure les termes « dès que possible ». Les méthodes de remplacement existantes dont la validité est attestée doivent être utilisées dès lors qu’elles sont susceptibles de permettre d’obtenir un résultat au moins aussi satisfaisant que l’utilisation d’animaux.
Le fait de ne pouvoir engager des projets sur animaux que s’ils sont indispensables figure déjà dans la réglementation. Pour autant, cette obligation n’entre pas dans la définition d’une méthode de réduction.
La mention de « protocoles validés » est également inutile, puisqu’un projet ne peut être autorisé par les autorités compétentes que si les protocoles concernant l’utilisation des animaux ont été validés par le comité local éthique en expérimentation animale.
Le concept de raffinement inclut également l’amélioration des conditions d’hébergement.
M. le président. Je rappelle que, sur cet amendement, la commission se range à l’avis du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Lefèvre, Guerriau et Karoutchi, Mme Deroche, MM. P. Martin et Calvet, Mme Deromedi, MM. Bargeton, Belin, D. Laurent, Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Boulay-Espéronnier, Ventalon et Sollogoub, MM. Bizet et Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et M. Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 80
Rédiger ainsi cet alinéa :
La création d’un centre national dédié au développement et à la promotion des méthodes alternatives à l’utilisation des animaux et à l’application du principe des « trois R », doté de moyens adaptés, permettra de favoriser le financement de recherches pour le développement de méthodes ne recourant pas au modèle animal et de s’assurer de leur mise en œuvre, d’enrichir l’offre de formation initiale et professionnelle en matière de méthodes in vitro et in silico notamment, de contribuer au développement d’écosystèmes indispensables à la valorisation des innovations dans ce domaine, de susciter des partenariats « public-privé », de communiquer sur les méthodes propres à remplacer ou à réduire le nombre d’animaux utilisés, d’inciter à l’échange de lignées d’animaux et au partage des résultats négatifs de la recherche pour éviter toute répétition inutile de projets, et d’assurer une communication transparente sur l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques et éducatives. Le centre contribuera, en coordination étroite avec la Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, à la consolidation d’un dialogue national constructif, incluant toutes les parties prenantes, autour de cette préoccupation sociétale de plus en plus forte.
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. L’alinéa 80 a trait au centre national dédié au développement et à la promotion des méthodes alternatives à l’utilisation des animaux et à l’application du principe des « trois R ».
Cet amendement vise à valoriser la possibilité de réaliser des tests alternatifs à l’expérimentation animale. Dans son rapport d’information de septembre 2019, notre collègue député Typhanie Degois souligne que les méthodes de substitution aux expérimentations animales présentent des avantages en matière de recherche scientifique stricto sensu, d’une part, en apportant la possibilité de tester certaines molécules qui ne fonctionnaient pas sur les modèles animaux classiques, et, d’autre part, en offrant un taux de prédictibilité meilleur que ceux-ci. C’est l’argument que j’avançais tout à l’heure.
Le problème majeur reste le nombre infime de nouveaux tests alternatifs validés. En effet, l’organisme européen chargé de la validation n’en valide guère plus d’un par an. Très peu de laboratoires de recherche se lancent dans le processus de validation réglementaire d’une nouvelle méthode, car c’est long – entre sept et dix ans –, très coûteux – de l’ordre de 100 000 à 200 000 euros – et sans aucune garantie d’un retour sur investissement, puisqu’il n’y a pas de brevet pour ces nouvelles dispositions.
À titre d’information, plus de 500 000 animaux ont été utilisés en France en 2018 à des fins toxicologiques ou réglementaires, soit un peu plus de 27 % du total des animaux utilisés. Cette volonté d’améliorer et d’accélérer les processus de validation des méthodes alternatives au test réglementaire est affichée par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation dans sa réponse à la question écrite de l’une de nos collègues députés.
Il est donc essentiel qu’un organisme national, tel que celui qui est prévu par ce texte, puisse inciter les laboratoires de recherche à demander la validation de nouveaux tests en œuvrant à l’échelon national pour la réduction significative du coût et de la durée de cette démarche et en étant force de proposition à l’égard des instances européennes.
M. le président. L’amendement n° 152, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 80, première phrase
Après les mots :
des « trois R »
insérer les mots :
adossé à la recherche publique et notamment à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, au Centre national de la recherche scientifique et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Il s’agit de préciser que le centre national dédié au principe des « trois R » – réduction remplacement et raffinement –, créé dans la foulée de ce texte pour améliorer la condition animale dans les protocoles de recherche, sera adossé à la recherche publique, notamment à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, au Centre national de la recherche scientifique et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
L’utilisation des animaux à des fins scientifiques concerne les secteurs de la santé, de la biologie, de l’environnement et de l’agronomie. Il paraît donc essentiel que les acteurs majeurs de la recherche publique dans ces domaines participent à la création et aux activités de ce centre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La commission se rangera à l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 23 rectifié bis et émet un avis favorable sur l’amendement n° 152.
Il semble fondamental que les grands organismes de recherche en santé, biologie, environnement et agronomie participent aux activités de ce nouveau centre.
Enfin, je signale que, dans la mesure où il vise à rédiger l’alinéa 80, si l’amendement n° 23 rectifié bis est adopté, l’amendement n° 152 deviendra sans objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. La création d’un centre national dédié à la mise en œuvre des « trois R » figure clairement à l’alinéa 80. Il faudra instruire précisément son périmètre en vue de cette création.
À ce stade, sans anticiper sur le travail à venir, on peut préciser qu’il doit être adossé à la recherche publique, notamment à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, au Centre national de la recherche scientifique et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement préfère la rédaction de l’amendement n° 152 et demande le retrait de l’amendement n° 23 rectifié bis à son profit.
M. le président. Monsieur Bazin, l’amendement n° 23 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Arnaud Bazin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 152.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli et Daubresse, Mme Deroche, MM. Menonville, Mouiller, P. Martin et Calvet, Mme Deromedi, MM. Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes Raimond-Pavero et F. Gerbaud, M. Lagourgue, Mme de Cidrac, M. Bizet, Mmes Di Folco et Sollogoub et M. Laménie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 80
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le centre national dédié au développement des méthodes alternatives – soutenu par les organismes publics de recherche – réunira les moyens et les compétences propres à contribuer à l’amélioration du processus de validation des tests réglementaires n’utilisant pas d’animaux, tant au niveau national qu’européen.
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Il s’agit de préciser la mission du centre national dédié au développement des méthodes alternatives. Comme je l’ai déjà expliqué, très peu de tests sont validés à l’échelon européen – environ un test par an – et les délais sont très longs.
Il est donc souhaitable que l’organisme puisse contribuer à l’amélioration de ce processus de validation.
M. le président. Je rappelle que, sur cet amendement, la commission se range à l’avis du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. La définition prévue pour le centre « trois R » est beaucoup trop précise et conduit le Gouvernement à émettre un avis défavorable sur cet amendement. Il en sera d’ailleurs de même à l’amendement n° 24 rectifié bis.
J’entends vos arguments, monsieur Bazin, mais ces propositions me paraissent prématurées, car elles relèvent du travail préparatoire à la création de l’institut. Il semble difficile de fixer dans la loi la façon dont vont s’organiser les différents organismes de recherche pour mettre en place ce centre de la manière la plus efficace possible.
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Lefèvre, Guerriau et Karoutchi, Mme Deroche, MM. P. Martin et Calvet, Mme Deromedi, MM. Bargeton, Belin, D. Laurent, Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Boulay-Espéronnier, Ventalon et Sollogoub, MM. Bizet et Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et M. Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 81
Rédiger ainsi cet alinéa :
Ce centre sera doté des moyens nécessaires et d’un statut juridique approprié à l’accomplissement de l’ensemble de ses missions. L’organe de gouvernance inclura des compétences pluridisciplinaires notamment en matière de méthodes non animales et présentera toutes les garanties d’impartialité.
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Il s’agit de s’assurer que le centre national peut participer à la promotion des méthodes alternatives à l’expérimentation animale.
Il me paraît nécessaire de le prévoir d’ores et déjà à travers un véritable organe de gouvernance ouvert, mais également de prévoir que le statut juridique soit particulièrement approprié pour l’ensemble de ses missions.
M. le président. Je rappelle que, sur cet amendement, encore, la commission se range à l’avis du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 154, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 191
1° Après les mots :
dans le domaine de la santé,
insérer les mots :
les appels à projets relevant notamment de l’Institut national du cancer, de l’Agence nationale de la recherche sur le sida et les hépatites virales au sein de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, du Programme hospitalier de recherche clinique ont vocation à figurer dans ce portail unique aux côtés des appels à projets de l’Agence nationale de la recherche dans le domaine de la biologie et de la santé.
2° Remplacer le mot :
ce
par le mot :
Ce
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Afin de faciliter la recherche de financements publics par des laboratoires, le Gouvernement entend créer un portail unique présentant l’ensemble des appels à projets, ce qui est une très bonne chose. Cet amendement a pour objet d’inclure le domaine de la santé dans le champ de ce portail.
En effet, la santé dispose de plusieurs agences ou programmes nationaux, ce qui appelle à un regroupement sur un portail unique de ceux-ci et à une action de rapprochement de leurs modalités de gestion scientifiques et financières.
Il en résultera un bénéfice pour les chercheurs, qui auront une vue globale et simplifiée des appels ouverts et après rapprochement des modalités de gestion également simplifiées. Il en résultera également un bénéfice pour l’efficacité de l’action publique, en évitant les doublons entre programmes et en facilitant leur articulation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Ce futur portail unique représentera une avancée importante en termes de simplification, de rationalisation et d’articulation des modalités de gestion scientifiques et financières des appels à projets. Mon cher collègue, vous avez cité des instituts qui nous tiennent à cœur !
La commission émet donc un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, l’objet de cet amendement s’inscrit tout à fait dans la philosophie de ce que nous voulions faire.
Par conséquent, le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 232, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 200, seconde phrase
Remplacer les mots :
de 10 % d’ici à 2022
par les mots :
en moyenne de 10 % en 2021 et de 25 % à partir de 2023
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur la volonté du Gouvernement de soutenir les financements dits « de base », je vous propose d’inscrire dans le rapport annexé une hausse moyenne de 10 % de ces financements dès 2021 et de 25 % à l’horizon de 2023.
Notre volonté est de soutenir autant la recherche sur projets que la recherche de base.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette mention n’a pas réellement de portée normative, mais elle constitue un signal très positif sur le nécessaire rééquilibrage en faveur du financement récurrent des laboratoires.
Mon avis est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, j’ai bien entendu votre engagement.
Pourrons-nous réclamer sa mise en œuvre lors de la discussion budgétaire que nous allons bientôt entamer ? Le rééquilibrage pourra-t-il se faire dans le projet de loi de finances pour 2021 ? C’est un point important.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous évoquons là un sujet essentiel : souhaitons-nous renforcer le financement classique des laboratoires, leur feuille de route permanente, ou préférons-nous mettre le paquet sur les appels à projets, comme le souhaitait initialement le Gouvernement ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je rappelle que la préparation des appels à projets constitue aujourd’hui une perte considérable d’énergie pour nos chercheurs, sachant en outre que le taux de réussite est extrêmement mince. Un taux de réussite de 30 % signifie que 70 % du travail qui a été réalisé n’a servi à rien. Imaginez le nombre d’heure et de personnels que cela représente !
Cela étant, les appels à projets sont bien sûr utiles, mais ce qu’il faut, c’est augmenter les crédits. Madame la ministre, le Comité national de la recherche scientifique estime qu’il faudrait 1 milliard d’euros supplémentaires par an pour l’ANR et 1 milliard d’euros supplémentaires par an pour le fonctionnement classique des laboratoires. Certes, on le voit, les choses ont bougé politiquement sur cette question, et c’est heureux.
Vous avez dit que vous souteniez le modèle à la française. Or celui-ci est un modèle au long cours, pour une partie significative de notre recherche.
Nous considérons que cet amendement constitue une petite avancée et nous en prenons acte. Toutefois, ses dispositions ne règlent pas le problème structurel : nos laboratoires n’ont pas suffisamment les moyens de fonctionner correctement au quotidien – je ne parle pas de flamber les crédits ! » – et de mener des recherches au long cours.
Comme mon collègue Ouzoulias, je me demande si l’engagement que vous avez pris vaudra dès 2021, parce que, s’il faut attendre 2023, les crédits ne seront pas suffisants.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, madame la sénatrice, en réalité, j’ai déjà pris cet engagement.
De ce fait, les 10 % supplémentaires figureront dans le projet de loi de finances pour 2021, sur le programme 172. Comme il me paraissait important de rappeler cet engagement, je le fais figurer dans le rapport annexé. Par ailleurs, je m’engage à augmenter les financements de 25 % pour 2023. Je montre ainsi que nous faisons ce que nous disons !
Madame la sénatrice, les crédits de l’ANR, à la fin de la loi de programmation, représenteront 1,7 milliard d’euros, sur 20 milliards d’euros. On ne peut donc pas dire que toute la recherche française est financée sur appel à projets.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Longeot, Détraigne, Louault, Bonnecarrère et Mizzon, Mmes Sollogoub, Saint-Pé, Férat, Vermeillet, Jacquemet, Perrot, Dindar et Gatel, MM. Canevet, Lafon, Delahaye, Folliot, Moga, Vanlerenberghe, Chauvet, Delcros, Kern et Le Nay et Mmes Billon et Catherine Fournier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 209
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Un nouveau programme prioritaire de recherche sur les zoonoses et les maladies vectorielles à tiques sera également créé afin de consacrer des crédits spécifiques à la lutte contre ces maladies infectieuses en pleine expansion.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Je suis une récidiviste ! La pédagogie est l’art de la répétition…
À l’automne dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances, j’ai défendu un amendement visant à octroyer des fonds supplémentaires à la recherche sur la maladie de Lyme. Il a été adopté au Sénat grâce au soutien de cent cinq sénateurs, toutes tendances politiques confondues, mais le Gouvernement et l’Assemblée nationale s’y sont opposés.
Peu avant le confinement, j’ai adressé un courrier cosigné par cent quarante sénateurs à Mme Kyriakídou, commissaire européenne à la santé et à la politique des consommateurs, afin d’obtenir des financements pour soutenir la recherche, notamment en faveur d’un vaccin contre la maladie de Lyme.
L’incidence de la maladie ne cesse d’augmenter : de 26 000 nouveaux cas en 2014, nous sommes passés à 67 000 en 2018 en France.
La crise sanitaire déclenchée par l’épidémie que nous connaissons actuellement nous impose d’accroître en urgence les travaux de recherche sur les zoonoses et les maladies vectorielles à tiques, ainsi que les moyens qui y sont consacrés. Il existe plus de deux cents types connus de zoonoses.
Elles sont un problème majeur de santé publique dans le monde entier, en raison de notre relation étroite avec les animaux dans différents contextes – l’agriculture, les animaux domestiques et notre environnement naturel. Les zoonoses représentent une forte proportion de l’ensemble des maladies infectieuses nouvellement recensées. Certaines d’entre elles, comme le nouveau coronavirus, ont le potentiel de provoquer des pandémies mondiales, dont les conséquences sanitaires, économiques et sociales sont sans précédent, comme on le voit aujourd’hui.
L’amendement que je défends vise donc à créer un nouveau programme prioritaire de recherche sur les zoonoses et les maladies vectorielles à tiques, afin de consacrer des crédits spécifiques à la lutte contre ces maladies infectieuses en pleine expansion.
Si je dépose continuellement ces amendements, c’est que je suis portée par des milliers de malades en souffrance, qui ne comprennent pas non plus que les médecins ne soient pas tous d’accord pour les prendre en charge.
Mes chers collègues, je vous demande donc, comme à mon habitude, d’être solidaires de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon avis ne vous surprendra pas, ma chère collègue, car je figure chaque fois parmi les premiers cosignataires de votre amendement. Je soutiens vraiment ce combat.
L’étude des maladies vectorielles à tiques a déjà été introduite à l’Assemblée nationale au paragraphe 75 du rapport annexé. Nous aurions préféré compléter ce paragraphe. Néanmoins, compte tenu de l’importance de cette problématique dans le contexte sanitaire actuel, l’avis de la commission est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme l’a dit Mme la rapporteure, l’étude de ces maladies figure déjà dans le rapport annexé, sans qu’il soit néanmoins précisé qu’un programme prioritaire de recherche sera mis en œuvre.
Les programmes prioritaires de recherche sont des actions financées par le programme d’investissements d’avenir, à l’issue d’un processus d’instruction et de validation ad hoc auquel le rapport annexé ne peut pas se substituer.
J’ai néanmoins pris l’engagement à l’Assemblée nationale de mettre en œuvre un tel programme de recherche sur ce sujet – j’y travaille avec le secrétariat général pour l’investissement, le SGPI –, mais je ne souhaite pas que cela apparaisse dans le rapport annexé. Non seulement cela n’aurait aucune portée. En outre, je ne peux pas m’engager pour le SGPI.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 232
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
De façon continue depuis les années 1970, la confiance que les Français placent dans la science est élevée. Les études, ponctuelles ou de long terme, convergent vers le même diagnostic : les Français ont une image positive des chercheurs et de la recherche, et estiment qu’il est prioritaire d’investir en la matière. Le pacte républicain avec la science demeure donc solide.
La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche appelait, pour la première fois, à promouvoir et développer les « interactions sciences-société » sous toutes leurs formes. Elle reconnaissait que ces interactions couvrent un continuum qui va des actions de diffusion de la culture scientifique vers le grand public jusqu’au développement de recherches participatives associant des chercheurs et des non chercheurs dans une démarche partagée. Il s’agira ainsi, sur la période 2021-2030, de structurer et soutenir l’ensemble de ces interactions.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Les Français font confiance à la recherche, dont ils ont une très bonne image.
La loi de 2013 avait déjà commencé à développer et à promouvoir les interactions sciences-société sous toutes leurs formes. Reconnaissez que ces interactions couvrent un continuum qui va de la diffusion de la culture scientifique auprès du grand public jusqu’au développement de recherches participatives, en associant des chercheurs et des non-chercheurs dans une démarche partagée.
Cet amendement vise à structurer l’ensemble de ces interactions pour la période 2021-2030.
Les Français ont confiance dans la science, ils demandent d’ailleurs que l’État investisse prioritairement dans la recherche. Une politique publique de recherche actualisée du XXIe siècle ne peut donc occulter, aujourd’hui, le fait que la société dans son ensemble est une véritable source de collaboration souhaitée et souhaitable. Une politique publique a vocation à encourager et à soutenir ces coopérations et ces interactions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. On ne peut que partager cet objectif, ma chère collègue. Au terme « interaction », j’aurais toutefois préféré celui, plus neutre, de « relation », comme je vous l’ai dit ce matin lors de la réunion de la commission, car il marque mieux selon moi les liens entre la recherche et la société.
J’émets néanmoins un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la sénatrice, je suis quelque peu étonnée que vous considériez que le projet de loi occulte le rapport sciences-société.
Il est en effet évoqué plusieurs fois dans le rapport annexé : aux alinéas 237, 242 et 270, qui traitent de l’innovation, ainsi qu’aux alinéas 39 à 41 et 232 à 260, qui abordent la diffusion de la culture scientifique et technique.
Par ailleurs, les articles 12, 16 quinquies et 26 du projet de loi traitent également explicitement de la culture scientifique et du lien sciences-société. L’engagement est pris de consacrer au moins 1 % du budget de l’ANR au partage de la culture scientifique.
Je tenais à préciser que nous avons évidemment traité cette question essentielle, vous avez raison de le dire, pour la complétude du projet de loi. Le rapport annexé précise, me semble-t-il, suffisamment de choses. Je m’en remettrai donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 200, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 235
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. L’alinéa 235 du rapport annexé prévoit la création d’un réseau « Science et médias », destiné à « permettre la mise en contact rapide entre journalistes et chercheurs » dans un but de diffusion de la culture scientifique.
Nous comprenons les ambitions et les objectifs de cette mesure, qui sont louables : il s’agit d’inventer des moyens pour promouvoir la méthode scientifique, de lutter contre les fake news et les théories du complot et de mieux armer intellectuellement la population pour y faire face. Toutefois, c’est la méthode retenue qui nous pose problème.
En effet, de tels centres existent déjà ailleurs dans le monde. Le premier Science Media Centre a ouvert au Royaume-Uni en 2002 et a fait depuis lors des émules en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada et au Japon.
Le principe est simple : ces centres sont des relais entre la communauté scientifique, d’une part, et les médias et la société civile, d’autre part, pour fournir des éclairages sur certains sujets.
Au Royaume-Uni, ce centre ne fait pas l’unanimité. Un article paru dans Nature en 2013 souligne que de nombreux acteurs considèrent qu’il « favorise une couverture médiatique sans contradiction en fournissant des informations prémâchées aux journalistes », qu’il « promeut la science de manière trop agressive » et qu’il fait souvent « sien les points de vue de l’industrie », au point d’être parfois appelé « l’agence de presse scientifique ».
Mes chers collègues, ce dont la méthode scientifique a besoin dans notre société, c’est du débat et de la coopération, pas de la verticalité.
Ces approches « verticales » de pédagogie forcée et de vulgarisation agressive ne fonctionnent pas avec ceux qui doutent de tout, y compris de la science. Ce n’est pas en apportant la lumière « sacrée » de la vérité de la science, depuis le haut du piédestal d’une énième institution ou d’un mandarin que nous parviendrons à ramener ces personnes dans un débat public raisonnable. C’est d’ailleurs précisément le rejet de tout ce qui provient de l’État, des élites ou des institutions qui conforte ces publics dans leurs positions.
Il nous faut inventer de nouvelles formes de débats scientifiques, et le chemin sera long. Ce dernier passe par l’éducation, par la culture, par la coopération avec nos institutions, par la forme de nos institutions, par la manière dont nous faisons société. Mais il ne passe pas par un Centre de promotion de la science officielle, qui sera plutôt contre-productif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’amélioration de la qualité de l’information scientifique est une condition essentielle à la préservation du lien de confiance entre les citoyens et les chercheurs.
Or elle ne sera possible que par une meilleure connaissance réciproque entre les journalistes et les chercheurs. Tel est bien l’objectif du projet sciences et média, qui repose sur une mise en réseau et non sur un système vertical, contrairement à ce que vous affirmez, mon cher collègue, et contrairement à ce qu’indique l’objet de l’amendement.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je précise que l’objectif est bien d’avoir sur tous les territoires – je pense que c’est important et que le Sénat l’appréciera particulièrement – des ressources au sein des enseignants-chercheurs, auxquels les médias pourraient s’adresser pour nourrir le débat public, pour lutter contre le désordre informationnel et pour permettre à chacun de comprendre le monde qui l’entoure et d’y prendre part.
Participer à ces réseaux pourra faire partie de ce qui permettra aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs de progresser dans leur carrière.
Je rejette complètement le qualificatif de « vertical », puisque cela sera construit avec les chercheurs et les enseignants-chercheurs et les usagers sur le terrain.
J’ajoute que cette initiative ne relève en rien d’une pédagogie d’État. Mon ministère n’est pas le ministère de la propagande, c’est celui des chercheurs, c’est celui qui fait du doute méthodique et de la démarche scientifique leur boussole quotidienne.
Enfin, je suis surprise que vous vous fassiez le porte-voix d’une association qui a refusé d’être auditionnée par l’Assemblée nationale au mois d’août dernier.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais présenter une solution alternative qui devrait être soutenue par votre ministère ; je veux parles du média en ligne The Conversation, que je vous invite à lire comme je le fais tous les matins.
C’est un média totalement libre, gratuit, sans aucune publicité et qui fonctionne grâce aux subventions de soixante établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Sa caractéristique, c’est que ce sont des chercheurs qui écrivent les articles, donc des chercheurs qui deviennent journalistes et qui, chaque matin, vous expliquent l’actualité de leurs recherches avec des mots très simples. Je pense que ce type d’initiative devrait être soutenu par votre ministère.
Ainsi, je regrette que, pour ce média, les subventions publiques ne représentent que 10 % des frais de fonctionnement. Madame la ministre, il faudrait faire quelque chose pour les aider. J’invite mes collègues à aller voir ce média : c’est quelque chose de tout à fait exceptionnel et qui doit être encouragé.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Cher Pierre Ouzoulias, je ne connais pas encore ce média, mais je vais m’y intéresser dès demain matin au plus tard.
Madame la ministre, il ne s’agit pas de vous faire un procès d’intention. Justement, les intentions affichées via la création de ce Science Media Centre paraissent louables en ces temps de crises multiples. La nécessité de penser la médiation scientifique paraît en effet très urgente, alors que nos sociétés sont face à des choix techniques de plus en plus nombreux et complexes.
Toutefois, la solution de centres science et médias, proposée dans le texte de loi, n’est pour nous pas la bonne. On peut malheureusement craindre, avec le dispositif prévu par le texte, une instrumentalisation de la science, car la référence dans le texte de loi aux exemples étrangers est particulièrement malvenue, notamment la référence au Science Media Centre du Royaume-Uni, est éminemment problématique.
Une enquête fouillée retracée dans le livre Les Gardiens de la raison de Stéphane Foucart sur le Science Media Centre du Royaume-Uni montre les processus de désinformation scientifique dont se rend coupable l’agence, au bénéfice, entre autres, de certains de ses donateurs. Ainsi, les experts mis en avant par cette agence avaient pour certains des conflits d’intérêts avérés. De plus, une large partie d’entre eux n’était même pas des scientifiques de profession.
Citer ici cet exemple est-il une maladresse ? On peut l’espérer, mais la rédaction de l’article ne permet pas de lever les doutes.
Le risque est ici la création d’un groupe d’experts garants de la « bonne science », en capacité d’instrumentaliser les discours et l’autorité scientifique dans l’espace public.
Au contraire, les sciences doivent être plurielles, comme on l’a dit, madame la ministre. Plutôt que de créer un réseau d’experts, supposés légitimes, il convient de laisser s’exprimer une diversité de points de vue scientifique, permettant aux citoyens de se faire une opinion éclairée, par le biais de journalistes d’investigation qui sont aussi des professionnels et que l’on doit reconnaître.
On connaît les stratégies des grandes entreprises pour fabriquer du doute dans l’esprit des citoyens sur les sujets comme les OGM, ou le glyphosate.
M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure !
M. Joël Labbé. Je termine, monsieur le président !
Dans ce contexte, le fait que le projet de loi proposé ici n’apporte aucune garantie sur le financement de ce réseau ni sur la gestion des conflits d’intérêts est éminemment problématique.
À l’heure où l’on traite d’« Amish »…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Joël Labbé. … et où l’on taxe d’obscurantistes les opposants à la 5G, nous soutenons avec force la suppression de ce dispositif.
M. le président. L’amendement n° 155, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 247
Supprimer les mots :
du type « Tous chercheurs »
La parole est à M. Jean Hingray.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 270, deuxième à dernière phrase
Supprimer ces phrases.
II. – Alinéa 342, première phrase
Supprimer les mots :
mise en place de « pôles universitaires d’innovation » performants,
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à supprimer la création des pôles universitaires d’innovation. Il s’agit d’un ajout de complexité, certainement pas d’une simplification culturelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Le label « Pôle universitaire d’innovation » doit permettre de fluidifier sur un territoire donné les relations entre les acteurs de la recherche publique et ceux du monde économique, sans création de structure nouvelle.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l’ensemble constitué de l’article 1er et du rapport annexé.
(L’article 1er et le rapport annexé sont adoptés.)
Article 2
I. – Les crédits de paiements des programmes budgétaires « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (programme 172), « Recherche spatiale » (programme 193) et « Formations supérieures et recherche universitaire » (programme 150), hors contribution du titre 2 au compte d’affectation spéciale « Pensions » et déduction faite, pour le programme 193, du remboursement de la dette française à l’Agence spatiale européenne, évolueront comme suit entre 2021 et 2027, à périmètre constant, en écart par rapport aux montants inscrits en loi de finances initiale pour 2020 et indépendamment de l’accélération de la trajectoire prévue dès 2021 au bénéfice de l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du plan de relance :
(En millions d’euros courants) |
|||||||
Programme budgétaire |
Crédits de paiement |
||||||
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Programme 72 |
+ 700 |
+ 1400 |
+ 2000 |
+ 2500 |
+ 2900 |
+ 3300 |
+ 3755 |
Programme 193 |
+ 50 |
+ 100 |
+ 150 |
+ 210 |
+ 280 |
+ 330 |
+ 372 |
Incidence des mesures de la présente loi sur le programme 150 |
+ 350 |
+ 700 |
+ 1050 |
+ 1300 |
+ 1500 |
+ 1650 |
+ 1709 |
II. – Les financements de projets de recherche attribués par l’Agence nationale de la recherche bénéficieront d’un niveau d’engagement évoluant comme suit, en écart par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2020 :
(En millions d’euros courants) |
|||||||
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Autorisations d’engagement de l’Agence nationale de la recherche |
+149 |
+293 |
+435 |
+577 |
+717 |
+859 |
+1 000 |
III. – Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat d’orientation des finances publiques, un rapport sur l’exécution du présent article, en vue, le cas échéant, de l’actualisation de cette programmation.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet article planifie l’augmentation des crédits alloués au financement de la recherche jusqu’en 2027.
Comme toujours dans notre Haute Assemblée, le travail en commission a été intéressant et productif : je me réjouis, comme mes collègues du groupe socialiste, que nous ayons réduit la période de planification à une durée raisonnable, et l’augmentation des budgets prévus par l’article 2 peut être saluée, même si elle pourrait être plus importante, nous y reviendrons tout à l’heure.
Toutefois, avant d’examiner cet article dans le détail, je voulais vous faire part de mon sentiment global et de mon inquiétude.
Ce dont la recherche française a besoin, c’est avant tout de financements pérennes. La part de l’ANR et son augmentation sont importantes : elles annoncent un recours sans cesse plus important au financement par le biais d’appel à projets. En soi, le financement par appel à projets présente parfois des avantages, mais il ne peut pas devenir la règle : c’est un modèle incertain, insécurisant et trop chronophage pour nos chercheurs.
Pour reconstruire un service public fort de la recherche française, il faut sortir nos chercheurs de la quête perpétuelle de financement, en donnant des moyens pour la recherche fondamentale, en créant davantage de postes de titulaires en veillant à l’égalité de traitement entre toutes nos universités, nos laboratoires et nos centres de recherches, où qu’ils soient situés sur le territoire.
Nous avons les moyens de briller dans de nombreux domaines. Notre pays ne manque pas de femmes et d’hommes capables d’être à la pointe de la recherche, que ce soit en sciences physiques, en mathématiques, en biologie, en médecine, en philosophie, en histoire, en littérature, en sociologie ou en économie.
En outre, comment espérer que nos chercheurs puissent trouver des idées nouvelles pour répondre aux enjeux écologiques, économiques et sociaux auxquels nous devons faire face ?
Hier soir, dans cet hémicycle, nous avons eu des échanges animés pour savoir si nous devions ou non réintroduire les néonicotinoïdes dans le secteur de la betterave. Mais nous savons tous que l’une des parties du problème, c’est que nous n’avons pas suffisamment financé la recherche pour trouver des alternatives ! Et ce n’est qu’un exemple.
Le prix à payer pour retrouver le chemin de l’excellence et inventer des solutions nouvelles pour construire notre avenir, c’est de leur donner du temps. Nous savons, dans notre société en perpétuelle accélération, que cela a un coût important, mais le jeu en vaut la chandelle ! Et je crains, malheureusement, que ce texte ne suffise pas à atteindre cet objectif.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans ce débat sur notre trajectoire budgétaire, je crois qu’il est important de souligner la nécessité d’accroître la trajectoire de création d’emplois, et d’emplois statutaires, c’est-à-dire stables.
En réalité, vous prévoyez, madame la ministre, 5 200 emplois sous plafond supplémentaires d’ici à 2030. Vous avez raison, c’est bien créer des emplois. Le seul problème, c’est qu’il y a eu tellement de reculs s’agissant des emplois de la recherche que cela ne compensera pas !
À titre d’exemple, au cours des dix dernières années, le CNRS a perdu à lui seul 3 000 emplois. Et, en sept ans, entre 2010 et 2018, le nombre d’enseignants-chercheurs a stagné, passant d’un peu plus de 50 000 à 50 700. Les effectifs d’étudiants et à l’université ont pendant ce temps-là augmenté de 14 %.
Vous le voyez bien, nous sommes dans une situation où, déjà, globalement, le nombre de chercheurs et d’enseignants-chercheurs a tellement diminué que l’accroissement que vous prévoyez ne nous remet pas à flot, sans compter que s’y ajoute toute une série de contractuels, qui développent une précarité qui ne nous paraît pas de bon augure pour faire de bons chercheurs.
J’entends bien l’argument selon lequel vous faites des efforts, alors que les autres n’en ont pas fait. Je suis d’accord, madame la ministre, mais la question centrale, c’est : « Est-ce qu’on remet la France à flot en capacité de recherche ou est-ce qu’on limite la casse en continuant le déclin ? » Car c’est cela, le risque qui nous menace !
Je ne dis pas que c’est écrit d’avance, mais, ce qui est clair, c’est que sans un sursaut aujourd’hui sur les trajectoires d’emplois et sur les moyens budgétaires, il y a des risques de déclin pour notre nation, alors même que l’on a les moyens d’un sursaut.
J’entends bien les problèmes budgétaires, mais j’observe que, dans certains secteurs, il n’y a pas de problème – j’ai parlé de certains avantages fiscaux ici ou là – et que dans d’autres, ce serait irréaliste, pas raisonnable. Pour ma part, je crois que ce qui serait irréaliste et pas raisonnable, ce serait de ne pas donner le coup de collier qui s’impose, en termes d’emplois et de budget, au profit de la recherche nationale.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.
M. Julien Bargeton. Premièrement, oui, nous assumons de défendre un modèle mixte. Le financement pérenne des structures de laboratoire n’est pas contradictoire avec le modèle de l’appel à projets.
C’est un choix, et Mme la ministre a rappelé les proportions. Nous sommes tout de même très loin d’avoir une proportion énorme d’appels à projets, qui deviendraient soudain majoritaires… En revanche, nous, nous assumons un modèle qui soit mixte, sans approche idéologique de ce sujet.
L’appel à projets, en soi, n’est pas délétère ; le partenariat public-privé, en soi, n’est pas néfaste. Évidemment, il ne doit pas être l’alpha et l’oméga et il faut augmenter les moyens, d’ailleurs, pour les deux, puisque du retard a été accumulé, comme nous ne cessons de le dire.
Deuxièmement, comme vous avez eu d’ailleurs l’honnêteté de le dire, en matière d’emploi, de mauvaises décisions ont été prises, que l’on ne peut pas rattraper rapidement, même si vous voulez aller plus loin.
On est sans cesse dans ce paradoxe de reprocher un état de fait précisément au moment où le Gouvernement cherche à le combler. Certes, peut-être ce rattrapage ne va-t-il pas assez rapidement selon vous. Mais vous avez reconnu qu’il y avait eu des coupes dans les effectifs de la recherche et que, aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produisait.
Ne reprochons pas ce qui s’est produit au moment où l’on veut transformer la trajectoire. C’est un paradoxe qui va être rappelé à plusieurs reprises dans ce débat, et j’en suis désolé, mais je dois tout de même le dire, comme je l’ai dit pour la partie budgétaire, ce n’est pas au moment où l’on veut corriger le tir que l’on doit revenir sur quelque chose qui n’avait pas été dénoncé avec assez de force à ce moment-là.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, sur l’article.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’avantage d’être vieux !
Bernard Larrouturou s’en souviendra, entre 2002 et 2004, j’étais au cabinet du ministre de la recherche, quand il était à l’Inria en tant que directeur général. Ce débat-là, madame Lienemann, c’était déjà le débat à l’époque : est-ce que la France a chuté gravement depuis lors ?
M. Pierre Ouzoulias. Oui !
M. Jérôme Bascher. Non, non, non, cher collègue Pierre Ouzoulias !
Est-ce que la France a fait des progrès avec le modèle mixte ? Guère plus, et je le regrette. Peut-être n’avons-nous pas été assez dirigistes. Peut-être est-ce cela qui a manqué.
Ainsi que cela a été souligné, certains dans l’hémicycle se plaignaient hier soir que l’on n’ait pas fait suffisamment de recherche sur les néonicotinoïdes pour remplacer le glyphosate. Peut-être n’avons-nous pas assez dirigé la recherche, mobilisé de crédits, abondé de postes…
Il faut diriger la recherche. Je suis évidemment attaché à la liberté du chercheur. Mais attention : on ne peut pas regretter de ne pas bénéficier des nouvelles technologies en ayant oublié d’orienter de temps en temps la recherche par des appels à projets et des moyens !
Madame Lienemann, vous êtes effectivement constante dans vos dénonciations. Mais permettez-nous d’explorer toutes les voies de la recherche, y compris en matière d’emploi !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Je souhaite répondre aux assertions fausses de M. Bargeton. Cher collègue, non seulement vous ne corrigez pas la trajectoire, mais vous l’aggravez. (M. Julien Bargeton le conteste.) Mais si !
Dans le projet de loi de finances pour 2021, les emplois sous plafond du CNRS baissent de quarante et une unités – il y aura donc moins d’emplois pérennes –, et il n’y a aucune création d’emploi pour les autres opérateurs. Non seulement vous ne corrigez pas à la hausse, mais vous confortez une baisse aujourd’hui systémique et récurrente.
Ne prétendez pas que vous entrez dans une trajectoire vertueuse. Votre projet de budget pour 2021, que nous examinerons bientôt, démontre exactement le contraire !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Notre collègue Jérôme Bascher a fait la rectification sémantique de lui-même : mieux vaut « orienter » la recherche que la « diriger ». De grâce, préservons une certaine liberté de la recherche.
Madame la ministre, fixez des orientations politiques et mettez en œuvre des moyens pour traduire vos choix dans les faits ! Les néonicotinoïdes ont été évoqués. Voilà deux ans, les crédits dédiés à la recherche sur le bio ne représentaient que 10 % du budget de ce qui s’appelait encore l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA. Pourtant, il y a là un gisement extraordinaire de solutions alternatives !
En revanche, il y a besoin de compléter la recherche. On peut – j’y insiste – l’orienter politiquement, avec force, dans le sens de l’intérêt général.
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 212, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
1° Remplacer le mot :
paiements
par le mot :
paiement
2° Remplacer les mots :
et « Formations supérieures et recherche universitaire » (programme 150), hors contribution du titre II au compte d’affectation spéciale « Pensions » et déduction faite, pour le programme 193, du remboursement de la dette française à l’Agence spatiale européenne
par les mots :
déduction faite du remboursement de la dette française à l’Agence spatiale européenne et « Formations supérieures et recherche universitaire » (programme 150) hors contribution du titre II au compte d’affectation spéciale « Pensions »
3° Remplacer les mots :
et 2027
par les mots :
et 2030
II. – Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En millions d’euros courants) |
||||||||||
|
Crédits de paiement |
|||||||||
Programme budgétaire |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Programme 172 |
+224 |
+559 |
+785 |
+1 109 |
+1 455 |
+1 816 |
+2 193 |
+2 499 |
+2 805 |
+3 110 |
Programme 193 |
–32 |
+4 |
+76 |
+107 |
+138 |
+169 |
+201 |
+232 |
+263 |
+294 |
Incidence des mesures de la présente loi sur le programme 150 |
+165 |
+302 |
+445 |
+589 |
+713 |
+820 |
+911 |
+1 175 |
+1 438 |
+1 701 |
III. – Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
(En millions d’euros courants) |
||||||||||
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
|
Autorisations d’engagement de l’Agence nationale de la recherche |
+403 |
+403 |
+403 |
+509 |
+646 |
+859 |
+1 000 |
+1 000 |
+1 000 |
+1 000 |
Ces montants incluent, pour les années 2021 et 2022, les crédits du plan de relance.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’objectif de cet amendement est double.
D’une part, nous voulons rétablir la trajectoire de l’article 2 sur dix ans.
D’autre part, nous souhaitons faire figurer dans la trajectoire de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, l’apport de 428 millions d’euros prévus dans le cadre du plan de relance, en ajoutant 286 millions d’euros en 2021 et 142 millions d’euros en 2022. Il s’agit donc de faire en sorte que le budget de l’ANR soit majoré de 403 millions d’euros dès l’année prochaine. Cela nous permettra de passer de 16 % à 23 % de taux de succès.
M. le président. L’amendement n° 143, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après les mots :
(programme 150),
insérer les mots :
et « Vie étudiante » (programme 231),
II. – Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En millions d’euros constants) |
|||||
Programme budgétaire |
Crédits de paiement |
||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
|
Programme 172 |
+2100 |
+2700 |
+3200 |
+3600 |
+4055 |
Programme 193 |
+150 |
+280 |
+350 |
+400 |
+442 |
Incidence des mesures de la présente loi sur le programme 150 |
+1050 |
+1750 |
+1950 |
+2100 |
+2159 |
Vie étudiante 231 |
+290 |
+340 |
+ 370 |
+410 |
+445 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Il y a une grande absente dans cette loi : l’université. Or c’est parmi les étudiants d’aujourd’hui que nous trouverons les chercheurs de demain.
Il est totalement paradoxal de ne pas se préoccuper dans ce texte de certains signes catastrophiques. Je pense notamment à la baisse dramatique du nombre de docteurs.
Selon votre bilan de l’emploi scientifique, qui vient de paraître, en 2006, quelque 11 % des étudiants en master continuaient leurs études en doctorat, contre 4 % aujourd’hui ! Nous sommes en train de perdre un vivier de chercheurs. Quelle sera l’utilité de mobiliser des milliards d’euros s’il n’y a plus personne pour aller au bout du cursus ? Cet argent supplémentaire deviendra inutile. Nous aurons perdu quelque chose d’essentiel : le vivier des étudiants.
Une telle baisse tient tout simplement au fait que les conditions d’études sont de plus en plus dures. Je vous le rappelle, mes chers collègues, 40 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté et un étudiant sur deux est obligé de faire un petit boulot à côté pour vivre, sachant qu’il n’a évidemment plus ces ressources en période de covid.
Il est donc absolument nécessaire de renforcer la capacité des universités à former des étudiants par et pour la science, dans le cadre de leur cursus.
Cet amendement vise à ajouter dans votre tableau budgétaire une ligne oubliée – je n’imagine pas qu’un tel oubli puisse être volontaire –, celle de la vie étudiante. Ce n’est pas une utopie. Nous essayons simplement de retrouver le ratio budgétaire par étudiant d’il y a dix ans ; nous sommes aujourd’hui en baisse continue par rapport à cette référence.
M. le président. L’amendement n° 144, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
hors contribution
par les mots :
à l’exclusion des dépenses
et les mots :
au compte d’affectation spéciale « Pensions »
par les mots :
, conformément aux engagements prévus à l’alinéa 159 du rapport annexé en matière d’effectifs sous plafonds de l’État et des opérateurs des trois programmes 150, 172 et 193
II. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les crédits supplémentaires inscrits au tableau constituant le deuxième alinéa sont par ailleurs complétés, sur la durée de la programmation, par un financement complémentaire compensant les surcoûts nets mécaniques en matière de masse salariale, notamment le glissement vieillesse technicité.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement vise le glissement vieillesse technicité, le GVT, c’est-à-dire le surcoût imposé à la masse salariale des emplois, des établissements et des universités. Aujourd’hui, cela représente des montants extrêmement importants.
Dès lors que l’État ne compense plus le GVT, ce sont les universités qui le font, en n’embauchant plus sur certains postes. Il y a donc une perte prodigieuse par rapport aux emplois que nous votons.
Mes chers collègues, il faut bien comprendre une chose : les budgets que nous votons ici avec des emplois sous plafond ne deviennent jamais réalité, car des emplois ne sont jamais créés dans les établissements. Entre 2005 à 2018, cela a représenté 4 161 postes pour l’enseignement supérieur et autour de 4 000 postes pour le CNRS. En d’autres termes, vous avez voté 8 000 postes qui n’ont jamais été créés !
Il faut que cela cesse. Nous ne pouvons pas continuer à voter des budgets qui ne deviennent jamais réalité.
Madame la ministre, nous aimerions avoir des engagements forts de votre part en séance. Il est nécessaire que l’État compense. En effet, le protocole que vous avez signé avec les syndicats augmentera encore le coût lié à la masse salariale, suscitant de nouvelles difficultés.
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
(En millions d’euros courants) |
|||||||
En crédits de paiement |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Programme 172 |
+1215 |
+2201 |
+3600 |
+4842 |
+6077 |
+7543 |
+9008 |
Programme 193 |
+57 |
+122 |
+182 |
+248 |
+318 |
+357 |
+394 |
Incidence des mesures de la présente loi sur le programme 150 |
+360 |
+931 |
+1083 |
+1376 |
+1660 |
+1735 |
+1801 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à augmenter le montant global de la programmation. Nous avons été nombreux à défendre des amendements en ce sens dès l’examen du texte en commission.
Certes, avoir resserré la programmation sur sept ans améliore les hausses de crédits destinés aux trois programmes concernés. Néanmoins, nous souhaitons aller plus loin, pour relever le défi des 3 % du PIB consacrés à la recherche, dont 1 % pour la recherche publique.
Notre proposition se fonde sur le constat que le rapporteur pour avis de la commission des finances a effectué : la programmation ne tient pas compte de l’inflation et, compte tenu des aléas politiques et économiques, la hausse des crédits destinés à la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, la Mires, serait non pas de quelque 26 milliards d’euros, mais de 7 milliards d’euros seulement.
Notre amendement a pour objet de prévoir une programmation digne de ce nom, avec un peu plus de 45 milliards supplémentaires répartis sur sept ans sur les trois programmes.
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié terdecies, présenté par Mme Guidez, MM. Guerriau, Bonhomme, Lefèvre et Wattebled, Mme C. Fournier, MM. Henno et Canevet, Mme Billon, M. Kern, Mmes Loisier, Sollogoub et de Cidrac, M. Regnard, Mme Paoli-Gagin, M. Menonville, Mme Bonfanti-Dossat, MM. P. Martin, Pellevat, del Picchia, Cigolotti, Bouchet, Sautarel et Decool, Mmes Saint-Pé, Thomas et N. Delattre et M. Delcros, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 4
Remplacer le mot :
courants
par les mots :
en valeur 2020
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement vise à conforter la stabilité financière de la programmation en corrigeant l’effet de l’inflation.
Dans son avis du mois de juin 2020, le Conseil économique, social et environnemental souligne : « [Sous] l’effet de l’augmentation mécanique du PIB en lien avec les cycles économiques de moyen terme et de l’inflation à cet horizon de dix ans, cette hausse de la dépense publique ne permettra pas d’atteindre, malgré la récession prévue en 2021, voire 2022, l’objectif de 3 % que la France s’était fixé il y a vingt ans et qui permettrait de redonner le souffle nécessaire à la recherche française. »
La France s’est engagée à investir 1 % de son PIB dans la recherche publique. Selon le collectif des sociétés savantes académiques de France, dans un scénario de 1 % de croissance annuelle moyenne du PIB et de 1 % d’inflation, le PIB de 2030 atteindra 2 900 milliards d’euros courants.
Dans ce scénario réaliste, ce sont donc près de 12 milliards d’euros courants additionnels, et non 5 milliards d’euros, qu’il faudrait ajouter au budget annuel de la recherche publique à l’horizon de 2030.
M. le président. L’amendement n° 145, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après le mot :
attribués
insérer les mots :
, notamment au titre des rescrits de crédit d’impôt recherche,
II. – Alinéa 4, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Crédits de paiement de l’Agence nationale de la recherche |
+6 793 |
+ 6 935 |
+ 7077 |
+7217 |
+7359 |
+7500 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cher collègue Jérôme Bascher, j’apprends vite : j’ai compris que les financements sur projets étaient vertueux et permettaient de mieux contrôler l’argent, de stimuler la recherche, etc. (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
Je vous soumets donc une proposition que vous ne pourrez pas refuser : verser les 6,5 milliards d’euros du crédit impôt recherche, le CIR, à l’ANR, afin qu’elle exerce un contrôle vertueux ! (M. Jérôme Bascher s’exclame.)
On m’a expliqué à plusieurs reprises que l’ANR permettait de contrôler l’argent public. Comme j’estime personnellement que l’argent public est mal contrôlé s’agissant du CIR, je vais largement au-delà des demandes de Mme la ministre, en ajoutant 6,5 milliards d’euros !
J’en parle avec humour, mais comprenez que mes collègues chercheurs ressentent une forme de mépris dans la manière dont on compte systématiquement leur budget de fonctionnement et dont on leur demande d’aller chercher de l’argent ailleurs pour travailler dans le cadre de leur mission de service public, quand, dans le même temps, on accorde 6,5 milliards d’euros au titre du CIR sans la moindre évaluation a priori ou a posteriori. (M. Jérôme Bascher le conteste.)
Monsieur Bascher, pourriez-vous me citer un seul article publié en 2019 grâce au CIR ? Voilà trois ans que je demande à Mme la ministre de m’en citer un. Je n’ai toujours pas obtenu de réponse…
Nous pourrions également évoquer les évaluations. Mes collègues scientifiques sont soumis à des évaluations beaucoup plus sévères. Nous aimerions bien que les critères soient à peu près les mêmes pour le CIR.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’amendement n° 212 tend à revenir sur la position que nos trois commissions ont clairement soutenue : ramener la durée de la programmation à sept ans. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’intention des auteurs de l’amendement n° 143 est louable, mais la trajectoire budgétaire proposée ne me semble ni raisonnable ni crédible. Mon avis est donc défavorable.
Il me paraît également difficile de retenir la présentation budgétaire envisagée à l’amendement n° 144, mais il est vrai que la prise en charge du GVT n’est pas résolue. Nous vous avions interrogée sur ce point lors de votre audition par la commission, madame la ministre. Nous n’avons pas eu le protocole d’accord ; nous ne savons donc pas ce qui y figure. Nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement, mais nous sommes d’accord pour considérer qu’un certain nombre de précisions s’imposent.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 33 rectifié bis. La trajectoire budgétaire du Gouvernement a tout de même le mérite de rompre avec des décennies de sous-investissement chronique dans la recherche. Ce changement de cap va enfin donner à ce secteur des marges budgétaires nouvelles et de la visibilité à moyen terme.
Néanmoins, comme je le pointe également, le niveau de réinvestissement proposé sur dix ans ne permettra pas d’atteindre l’objectif de 3 % de dépenses en faveur de la recherche, dont 1 % de dépenses publiques. Avec mes collègues rapporteurs pour avis, nous avons donc fait le choix de ramener à enveloppe constante la programmation à sept ans, afin de permettre une montée en charge plus rapide des moyens nouveaux, en particulier au cours des deux prochaines années.
Nous aurions évidemment aussi pu proposer d’augmenter le montant de l’enveloppe globale, mais nous tenions à présenter une alternative forte et crédible. Le projet des auteurs de l’amendement est généreusement ambitieux. Mais est-il crédible à l’heure où nous traversons une crise sanitaire et économique sans précédent qui exige d’abonder d’autres secteurs ?
L’amendement n° 59 rectifié terdecies vise à présenter la trajectoire budgétaire en euros constants. Comme l’indiquent à juste titre les auteurs, la présentation de cette programmation en euros courants ne permet pas d’intégrer les effets de l’inflation.
Cependant, c’est une règle de présentation classique pour les lois de programmation. En outre, la rédaction proposée n’est pas très claire : « en euros en valeur 2020 ». Il aurait été préférable d’écrire : « en euros constants de 2020 ». La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 145 suggèrent un procédé budgétaire pour le moins créatif, afin d’alerter sur le manque de transparence entourant les conditions d’utilisation du CIR par les entreprises.
Nous partageons le diagnostic. Nous avons souvent souligné que le CIR souffrait d’une insuffisante transparence sur ses réelles retombées en faveur de la recherche. Mais le dispositif envisagé ne me semble guère solide juridiquement. Mon avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 143. Je le précise, quelque 500 millions d’euros ont été consacrés exclusivement aux universités dans les précédents budgets, afin d’accompagner la montée en puissance du nombre d’étudiants. Au reste, celle-ci était prévisible depuis les années 2000 ; on aurait donc pu s’y préparer un petit peu mieux !
C’est précisément en raison du problème que vous soulevez – nous avons de moins en moins de doctorants – que nous soutenons l’attractivité des contrats doctoraux. La réalité est que les doctorants ne sont pas financés. Notre objectif est que 100 % le soient. Nous voulons augmenter de 30 % le montant des contrats doctoraux.
La vie étudiante est évidemment essentielle. Le Gouvernement y consacrera 134 millions d’euros supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2021, en plus des mesures de soutien diverses et variées à nos étudiants, qui en ont bien besoin. Mon avis est donc également défavorable sur l’amendement n° 144.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 33 rectifié bis, pour de multiples raisons, notamment, comme je l’ai évoqué précédemment, la question de la capacité de financer sur le long terme des projets de recherche. Un tel projet ne durant pas qu’un an, il est important de pouvoir le financer pendant plusieurs années.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 59 rectifié terdecies. Certes, si nous étions certains d’avoir une augmentation systématique du PIB, je signerais volontiers. Mais, compte tenu de la crise que nous vivons, je pense que nous n’en sommes malheureusement pas là.
Monsieur Ouzoulias, je vous confirme que les demandes de CIR sont validées scientifiquement par la direction générale de la recherche et de l’innovation, la DGRI. C’est la première fois que j’entendais votre demande d’une publication issue d’un financement par le CIR. J’en ai trouvé une en quelques minutes ! La société Diableloop, une start-up qui bénéficie du CIR, a publié un papier dans la revue The Lancet Digital Health en 2019.
M. Pierre Ouzoulias. Le CIR, c’est 6,5 milliards d’euros !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout cela pour un seul article ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Vous m’avez demandé de citer un seul article !
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 145.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Mon cher collègue Ouzoulias – je reprends exceptionnellement ma casquette de directeur de recherche –, la réalité est bien pire que ce vous pensez ! Ceux qui sont amenés à diriger des thèses dissuadent d’excellents étudiants d’en faire. En effet, nous savons et nous anticipons qu’il n’y aura pas de poste. C’est cela qui est dramatique. Nous sommes en train de nous priver de l’avenir.
Madame la ministre, par votre amendement n° 212, vous signifiez votre volonté de repartir sur une trajectoire de dix ans. Mais vous faites par ailleurs le choix de passer essentiellement par une augmentation de 400 millions d’euros des crédits de l’ANR, dont le budget était de 533 millions d’euros en 2019.
Comme vous le savez sans doute, depuis sa création en 2005, l’ANR a financé quelque 18 000 projets. Puisque vous parlez d’« ambition », voyez la Deutsche Forschungsgemeinschaft, la DFG, équivalent de notre ANR, qui a distribué 3,3 milliards d’euros à ses chercheurs pour 31 000 projets en 2019 ! Si l’on veut avoir de l’ambition, c’est possible ; il y a des exemples.
En outre, le modèle que vous sélectionnez pose problème. Tout d’abord, les financements par le préciput sont une exception en Europe. Ensuite, la concentration territoriale des préciputs favorise certaines équipes au détriment d’autres. Enfin, le préciput ne finance pas toujours l’intégralité des coûts de fonctionnement, et il est assez complexe.
De manière plus fondamentale, on ne peut pas opposer systématiquement projet, conjoncture et structure. Le choix que vous avez retenu se fait clairement au détriment de l’aspect structurel. Les chercheurs et les apprentis chercheurs ne sont pas des hamsters devant tout le temps pédaler à toute vitesse pour faire des projets de recherche !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Éric Kerrouche. Il eût été préférable de passer par des dotations pérennes.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Pour ma part, je ne suis pas un grand scientifique ; je suis un budgétaire. Mais, comme il s’agit d’une loi de programmation, il est de temps en temps souhaitable de parler d’argent, mais si cela peut parfois paraître un peu sale dans le milieu de la recherche.
Tout d’abord, madame la ministre – le sujet a été longuement débattu –, je trouve tout de même un peu fort qu’un membre du Gouvernement aille contre les propositions budgétaires des autres ministères. Toutes les lois de programmation sont à sept ans. Et vous, c’est dix ans ! Il y a là un problème de cohérence gouvernementale et budgétaire. Certes, dix ans, c’est un horizon lointain ; personne ne sera là pour vérifier ou rendre des comptes…
Cher collègue Ouzoulias, il est vrai que le GVT dans la recherche est un vieil oubli. Pour avoir négocié le GVT dans de nombreux ministères, je puis vous certifier que l’on sait en tenir compte. Mais il y a une erreur : le GVT n’est pas toujours positif ; il peut être négatif. Le fameux « effet de noria » fait partie du GVT. Lorsque, du fait de la pyramide des âges, de vieux directeurs de recherche sont remplacés par de jeunes chargés de recherche, le GVT est négatif.
Ayant toujours défendu le CIR, sur lequel vous m’avez interpellé, je vous réponds avec facilité. C’est la loi qui fixe les conditions du CIR. Laissons la liberté au public comme au privé. Le CIR crée sans doute beaucoup plus de brevets. (M. Pierre Ouzoulias le conteste.) Regardez les dépenses de recherche en France, cher collègue ; c’est dans le privé qu’elles croissent le plus. Certes, il s’agit de recherche appliquée, et non de recherche fondamentale.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est tout de même ennuyeux de débattre de la recherche en segmentant les sujets. Personne ici ne conteste – du moins, j’ose l’espérer – la nécessité d’une bonne collaboration entre recherche publique et recherche privée. En tout cas, ce n’est pas ma conception.
Le coût du CIR est tout de même de 6 milliards d’euros. On explique dans nombre de rapports du Sénat – j’y siège depuis un certain temps maintenant – que le CIR, pour utile qu’il puisse être, n’est pas suffisamment ciblé et qu’il y a beaucoup de pertes en ligne. J’ajoute qu’il n’est pas soumis à conditions.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C’est hors sujet !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai vu beaucoup de laboratoires de Sanofi ou de recherche et développement, ou R&D, recevoir des pelletées de CIR, puis délocaliser hors de France, sans qu’on puisse leur demander de rembourser le moindre euro. C’est logique : comme le crédit d’impôt est automatique, il n’y a aucune conditionnalité ! On pourrait plus facilement revenir sur un crédit d’impôt qui serait adossé à des objectifs, lorsque ceux-ci ne seraient pas atteints.
Cessons de faire croire que la recherche privée est brimée en France ! Notre pays se place au deuxième rang mondial pour le financement de la recherche privée. Celle-ci est financée à hauteur de 30 %, alors qu’elle est déjà faible par rapport à la moyenne des pays développés. Et ce n’est pas parce qu’on la finance plus qu’elle se développe !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Entre parenthèses – je me permets un petit coup de griffe –, je n’entends pas souvent le Medef, c’est-à-dire le Mouvement des entreprises « de France », parler de projets de recherche et, surtout, des besoins de recherche du pays. Il s’intéresse beaucoup aux baisses de cotisations, mais jamais à la recherche !
Nous avons augmenté massivement l’aide à la recherche privée, mais celle-ci ne s’est pas développée à hauteur de ce que l’on a pu observer dans tous les autres pays développés.
Nous sommes les meilleurs pour financer le privé par le public, et parmi les moins bons pour financer la recherche publique par le privé. Les chiffres sont formels. En France, les entreprises financent 5,2 % de la recherche publique, contre 7 % en moyenne au sein de l’Union européenne et 12,5 % en Allemagne !
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cessez de nous faire passer pour des bolcheviks qui ne voudraient que du public ! Nous voulons une complémentarité positive. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ces amendements sont nombreux et intéressants. En complément de l’intervention de notre collègue Jérôme Bascher, je centrerai mon propos sur les masses financières. Dans un projet de loi de programmation de la recherche, nous sommes malheureusement bien obligés de parler de chiffres, d’engagements financiers.
Je suis assez d’accord avec ce que M. Ouzoulias, auteur de l’amendement n° 143, a indiqué sur les universités, les doctorants et les chercheurs.
Je ne suis qu’un modeste sénateur des Ardennes. Je n’ai aucune autorité sur l’intitulé du projet de loi. Certes, parmi la trentaine de missions qui figurent dans le budget de l’État, il y a la mission « Enseignement supérieur et recherche ». En la matière, tout est étroitement lié. La recherche est un sujet très compliqué. Les jeunes sont concernés. Les différents orateurs ont rappelé l’immensité de la tâche.
On peut s’interroger sur une telle programmation, dont la commission souhaite ramener la durée à sept ans. Il est effectivement difficile de programmer financièrement la recherche.
Cela étant, je me rallierai à la position de la commission sur les différents amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je me souviens très bien de la période de création de l’ANR.
M. Jérôme Bascher. En 2005 !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avions alors entendu le Président de la République de l’époque et son gouvernement se livrer à de véritables diatribes contre le CNRS, sa bureaucratie et ses multiples laboratoires dont quelques chercheurs décidaient « quelquefois démocratiquement » de la gouvernance.
Il fallait passer un grand coup de balai ! Tout cela n’allait pas. C’était au pouvoir central souverain de faire des choix politiques en faveur de projets qu’il aurait lui-même sélectionnés selon des critères fixés par lui…
Je dois dire qu’il y a dans le présent texte un héritage qui continue, malheureusement, de poser problème. C’est pourquoi je soutiendrai les amendements, dont celui de Sylvie Robert, qui visent à préconiser le développement de la recherche.
Madame la ministre, je reconnais que vous avez fait un pas, tout à l’heure, lorsque vous avez présenté votre amendement. Vous avez senti qu’il était nécessaire de redonner confiance à tous les chercheurs, dans toutes les institutions où ils travaillent, et qu’il fallait revoir le fonctionnement de l’ANR.
En effet, les projets souffrent trop souvent de la dispersion des moyens et d’une part d’arbitraire dans leur attribution, en dépit des procédures que l’on dit « récurrentes ». Les laboratoires et les équipes ont besoin d’inscrire leurs travaux dans un temps long et la recherche scientifique resterait stérile sans une certaine gratuité.
Mes chers collègues, il était nécessaire de rappeler cette dimension philosophique essentielle, au moment de voter ces amendements. Décider d’orienter la recherche vers des alternatives aux pesticides est sans doute très important d’un point de vue politique,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. … mais il faut préserver un équilibre en vertu de la recherche fondamentale.
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de veiller à la concision de vos propos, afin que nous puissions avancer dans l’examen du texte.
La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je viens de relire les amendements, car le débat s’est envolé, me semble-t-il, très loin de la réalité. Voilà bien longtemps que l’on n’avait pas utilisé le terme de « bolcheviks » dans la Haute Assemblée ! (Sourires.)
Tout d’abord, les dispositions de ces amendements ne font que rappeler que nous tenons à la trajectoire à sept ans.
Ensuite, il est évident, madame la ministre, que vous entendez nos arguments et que vous tentez de vous y rallier, sans le dire, bien entendu, mais en l’admettant parfaitement.
Enfin, malgré les intentions louables qu’a indiquées la rapporteure, il faut tout de même reconnaître les progrès accomplis, sur la durée de la trajectoire, notamment. Les belles déclarations ne doivent pas masquer les vérités.
Les clivages entre la gauche et la droite ont pris toute leur place dans ce débat, ce qui n’est pas pour me déplaire. Cependant, les appels à projets contribuent non seulement à combattre certaines rentes de situation, mais aussi à renouveler et à orienter la recherche.
Je n’irai pas jusqu’à dire « diriger », comme l’a osé Jérôme Bascher, car nous ne sommes plus au temps de « l’ardente obligation » du plan, chère au général de Gaulle – Pierre Ouzoulias finirait presque par le regretter –, et je dirais plutôt « stimuler », « impulser » « orienter », et encore une fois « renouveler » la recherche. En effet, aussi mirifique que soit le tableau dressé par nos collègues, des rentes de situation existent, que les projets contrarient.
M. le président. Madame Guidez, l’amendement n° 59 rectifié terdecies est-il maintenu ?
Mme Jocelyne Guidez. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié terdecies est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 145.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les effectifs sous plafond des établissements publics sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (EPSCP, EPST et EPIC) évolueront selon la trajectoire suivante :
En équivalent temps plein travaillés, et en écart par rapport à 2020
|
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Incidence de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche sur les effectifs sous plafond de l’État et des opérateurs des trois programmes budgétaires P150, P172 et P193 |
+2 757 |
+3 407 |
+4 057 |
+4 707 |
+5 207 |
+5 657 |
+6 057 |
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. L’objet de cet amendement est d’intégrer à la partie normative de la loi de programmation l’évolution planifiée des effectifs en équivalents temps plein travaillé, ou ETP.
En effet, l’une des craintes les plus vives exprimées par le monde de la recherche est que les nouvelles voies de recrutement créées par ce texte, telles que les chaires de professeurs juniors, le contrat doctoral de droit privé ou le CDI de mission, ne viennent purement et simplement se substituer aux emplois traditionnels de la recherche.
Or, dans le rapport annexe, le tableau qui retrace l’évolution des effectifs à la hausse en ETP, tout au long de la période de programmation, fait clairement apparaître une tendance inverse. Cependant, étant donné que ce document a une valeur législative, et non normative, le Gouvernement n’est lié par aucune obligation.
Cet amendement vise donc à intégrer ce tableau dans « le dur de la loi », après l’avoir actualisé pour prendre en compte le raccourcissement de la trajectoire de dix à sept ans. Cela ne devrait pas poser de problème, puisque l’augmentation du nombre d’ETP est fonction de l’évolution des crédits.
Dans la mesure où le tableau consacré à ces crédits est inscrit dans le marbre de l’article 2, on rassurerait l’ensemble de la communauté des chercheurs en y adjoignant celui de l’évolution des ETP.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Même si l’idée d’intégrer l’évolution des effectifs sous plafond dans la partie normative du texte me semble intéressante, la trajectoire proposée ne me paraît guère crédible.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Hingray, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Jean Hingray. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 75 rectifié bis est présenté par Mme Lepage.
L’amendement n° 167 rectifié est présenté par M. Fialaire.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 4
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
II bis. – Les bénéficiaires des financements publics destinés à la recherche et au développement, qu’ils soient des personnes morales de droit public ou de droit privé, mettent à la disposition de l’État le montant détaillé par projet des investissements dont ils ont bénéficié pour le développement des connaissances et inventions développées avec l’aide desdits financements publics, pour que ces derniers soient publiés.
II ter. – Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation met à la disposition du public un répertoire consultable des informations mentionnées au II bis.
Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret.
La parole est à Mme Claudine Lepage, pour présenter l’amendement n° 75 rectifié bis.
Mme Claudine Lepage. Cet amendement a pour objet que les bénéficiaires de fonds publics en recherche et développement aient l’obligation de rendre publics les montants reçus pour la mise en œuvre de ces activités.
En effet, le budget de l’État contribue très largement, par des mécanismes de financement directs ou indirects, à la recherche et au développement des médicaments arrivant sur le marché.
L’État finance un système d’enseignement supérieur d’excellence qui forme les scientifiques et les chercheurs. Il octroie des subventions aux entreprises, telles que le CIR et le CICE. Il investit dans la recherche publique, sans hésiter à privilégier les secteurs les plus risqués, comme celui de la recherche fondamentale appliquée dans sa phase initiale. Enfin, il veille à favoriser le partage de la connaissance sur les découvertes scientifiques.
Depuis le début de la pandémie, des États européens, comme l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège, l’Espagne, la Suède et la Grande-Bretagne ont investi plus de 870 millions d’euros dans la recherche sur les vaccins, traitements et diagnostics contre la covid-19, alors que la France a déjà investi plus de 57,25 millions d’euros à ce titre.
Quant à la recherche sur les vaccins candidats, l’Union européenne a déjà contribué à hauteur de 400 millions d’euros pour le Covid-19 Vaccine Global Access, ou Covax. De même, la France a signé des accords bilatéraux de préachat de doses de vaccins candidats, lesquels sont aujourd’hui indisponibles à la consultation du public.
On ne peut nier un grave problème de redevabilité des bénéficiaires de ces incitations publiques, dans la mesure où ils se sont engagés, d’une part, à assurer le transfert de la technologie de développement et de production des vaccins, en France et dans le monde, et, d’autre part, à ce que ces produits, une fois prêts à être commercialisés, soient disponibles à prix coûtant.
L’objectif de cet amendement est d’améliorer la transparence des marchés relatifs aux médicaments, vaccins et autres produits de santé, et de veiller à ce que les informations soient publiées. L’instauration de la transparence permettra d’apprécier la fixation des prix des médicaments à l’aune des fonds publics perçus.
En effet, il est anormal que le prix des médicaments ne tienne pas compte de tous les investissements publics qui ont pu être faits. La transparence ne saurait être garantie sans la mise à disposition de ces informations au public. La création d’un répertoire qui pourra être consulté par tous y pourvoira.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié.
M. Bernard Fialaire. Il faut que les bénéficiaires de fonds publics en recherche et développement aient l’obligation de rendre publics les montants reçus pour la mise en œuvre de ces activités. Au travers des établissements d’enseignement supérieur et des organismes nationaux de recherche, l’État porte un effort public dont le montant représente actuellement 0 78 % du PIB et qui profite en bout de chaîne aux entreprises et à l’industrie.
Dans le contexte de la crise de la covid-19, une partie de la recherche publique est fortement mobilisée pour la découverte d’un vaccin. La France a déjà investi plus de 50 millions d’euros. Au sein de l’Inserm, une soixantaine de projets sur la covid-19 mobilisent jusqu’à sept cents personnes. À l’Institut Pasteur, près de vingt et un programmes de recherche scientifique sont en cours de réalisation, occupant près de trois cents personnes. Notre pays participe également à des financements européens.
Compte tenu de l’échelle de la pandémie, les enjeux financiers liés à la fabrication d’un vaccin sont considérables. Il règne pourtant, de manière générale, une certaine opacité sur les négociations entre l’État et les laboratoires, notamment sur la fixation du prix d’un médicament.
Pour des raisons éthiques et pour contribuer à la soutenabilité financière de notre système de santé, il serait souhaitable d’introduire davantage de transparence et de mettre en valeur les bénéfices que la recherche publique garantit à ceux qui sont en charge du transfert de technologies.
M. le président. L’amendement n° 178, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
II bis. – Les bénéficiaires des financements publics destinés à la recherche et au développement, qu’ils soient des personnes morales de droit public ou de droit privé, mettent à la disposition de l’État le montant détaillé par projet des investissements dont ils ont bénéficié pour le développement des connaissances et inventions développées avec l’aide desdits financements publics, pour que ces derniers soient publiés.
II ter. – Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation met à la disposition de la société un répertoire consultable des informations mentionnées au II bis.
II quater. – Les conditions d’application des mesures prévues au I et II bis sont fixées par décret.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Le texte que nous examinons affiche l’objectif assez ambitieux de porter progressivement à 1 % du PIB la part du financement du régime public de la recherche.
Nous souhaitons interroger la philosophie d’un tel mode de financement. En effet, une partie non négligeable des subventions publiques est destinée aux entreprises privées. Les principaux outils sont le CIR, qui a pesé sur les finances publiques pour plus de 6 milliards d’euros en 2019, et le CICE, qui a bénéficié à hauteur de 100 milliards d’euros aux entreprises, depuis 2013. De tels montants, issus de l’argent public et distribués à des acteurs dont le but principal est le profit, méritent d’être mieux encadrés.
Dans cet amendement, nous proposons que chaque acteur qui bénéficie de fonds publics en recherche et en développement ait l’obligation de publier les montants reçus, ainsi que la manière dont ils ont été utilisés.
Grâce à cet impératif de transparence et de responsabilisation de tous, nos concitoyens pourront constater par eux-mêmes l’usage qui est fait de leur contribution directe à la recherche, sous la forme de l’impôt. Dans la mesure où ils pourront s’informer sur les projets menés grâce à leur participation financière, ils s’impliqueront davantage dans la manière dont se construit la recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Une telle mesure serait excessive, car il existe déjà plusieurs canaux de contrôle de l’utilisation des fonds publics, qu’il s’agisse de la Cour des comptes ou du Parlement.
J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 75 rectifié bis et 167 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission de la culture.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 9 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 107 |
Contre | 234 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 178.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 bis
La présente programmation fait l’objet d’actualisations, au moins tous les trois ans. Ces actualisations permettent de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés, notamment financiers.
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les critères d’évaluation de l’amélioration des performances de la recherche française sont définis après un débat public qui associe les services du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, le Comité national de la recherche scientifique, les conseils scientifiques des principaux opérateurs de la recherche, le Parlement et notamment en son sein l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement tend à préciser les critères d’évaluation qui seront utilisés pour évaluer la réalisation de cette loi de programmation. Nous souhaitons qu’une réflexion s’engage à ce sujet, car l’étude d’impact indique que la définition de ces critères s’inspirera des grands classements internationaux, dont celui de Shanghai, dont vous savez tous, mes chers collègues, que je ne l’apprécie guère.
De plus, le classement de Thomson-Reuters ne figure pas dans l’étude d’impact, alors qu’il classe quatre organismes de recherche français parmi les vingt-cinq plus innovants du monde : le CEA est en troisième position, le CNRS en huitième, l’Inserm en neuvième et l’Inria en vingt-cinquième position. Ce classement, très élogieux pour nos établissements de recherche, aurait mérité d’être cité.
Lors de son audition, le 21 octobre dernier, M. Coulhon, candidat à la présidence du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, le Hcéres, nous disait : « J’ai plaidé pour une démythification : arrêtons de jouer aux petits chevaux avec le classement de Shanghai ! ».
Je vous propose de suivre cette voie et de voter cet amendement, pour que nous puissions engager une réflexion sur les classements internationaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La démarche est intéressante, mais la question dépasse le cadre d’examen de cette loi. Les acteurs concernés sont en effet très nombreux. De plus, vous remettez en cause l’une des missions du Hcéres, ce qui n’a pas lieu d’être dans ce texte.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 89 est-il maintenu ?
M. Pierre Ouzoulias. Oui, monsieur le président, car la réponse qui m’a été apportée est un peu courte !
L’étude d’impact indique clairement qu’un certain nombre de critères, inspirés des classements internationaux, serviront à évaluer la bonne application de la loi que nous allons voter. Je ne suis donc pas hors sujet, car je conteste la valeur de ces critères.
Sans doute, la liste des organismes qu’il faudrait réunir pour en discuter est-elle, effectivement, trop longue. Cependant, nous pourrions commencer par sortir du fétichisme du classement de Shanghai. J’aurais aimé avoir une réponse de la ministre sur ce point important.
Mes chers collègues, vous vous êtes émus à plusieurs reprises de ce que la loi que nous sommes en train de voter risque de favoriser le recentrage d’un certain nombre de missions de recherche sur des grands pôles. L’enjeu est au cœur de la réflexion sur l’usage des classements internationaux. Le nouveau modèle français que nous souhaitons faire émerger répond à des critères d’aménagement du territoire qui ne correspondent absolument pas à ceux du classement de Shanghai.
Je m’interroge aussi sur la capacité de ce classement à mesurer la liberté d’expression et les libertés académiques que nous avons défendues en préambule.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Le sujet est essentiel. On ne peut pas feindre que ces classements n’entraînent pas d’effets induits, alors qu’ils portent en eux une idéologie et véhiculent une certaine vision du monde.
Le classement de Shanghai, par exemple, était initialement destiné à ce que les universités chinoises puissent se mesurer aux universités américaines. Il a ensuite été complètement dévoyé. Les sciences humaines et sociales, par exemple, n’y sont pas prises en compte. Il répond donc à une certaine vision du monde.
L’accepter sans le remettre en question, c’est se soumettre à une logique universitaire qui n’est pas la nôtre. Loin d’être neutres, ces classements ont un effet de réalité. Si nous adoptons leurs critères, nous renoncerons à notre souveraineté universitaire.
Je voterai donc l’amendement de Pierre Ouzoulias.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 2 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 91 rectifié est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 180 rectifié est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 123-9 du code de l’éducation, après le mot : « moyens », sont insérés les mots : « , y compris budgétaires, ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 91 rectifié.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous souhaitons indiquer dans le code de l’éducation que l’État doit mettre à la disposition des agents du service public les moyens pour travailler.
La précision peut paraître incongrue. Pourtant, il arrive que des chercheurs recrutés à un très haut niveau international se retrouvent sans aucun moyen pour accomplir leur tâche. Pour mettre fin à cette situation absurde, il convient de créer une forme d’obligation des opérateurs et des établissements vis-à-vis de ceux qu’ils recrutent.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié.
M. Thomas Dossus. Les universités et les établissements d’enseignement supérieur doivent assurer les moyens d’exercer les activités d’enseignement et de recherche, dans les conditions d’indépendance et de sérénité indispensables à la réflexion et à la création intellectuelle, comme l’indique l’article L. 123-9 du code de l’éducation, instauré par la loi Faure de 1968.
Depuis que le présent texte est débattu, les messages et les témoignages d’enseignants et de chercheurs affluent, et je tiens à relayer leur voix dans cet hémicycle : « Les logiques managériales et les pénuries budgétaires sont désormais la norme » ; « Notre activité de recherche n’est bien souvent réalisée que pendant les congés universitaires » ; « La logique croissante des appels à projets rend cette activité chronophage et met à mal la liberté scientifique et pédagogique » ; « Les efforts à fournir pour espérer un poste, une promotion ou une reconnaissance deviennent démesurés » ; Les burn-out se multiplient » ; « L’espace de l’enseignement supérieur et de la recherche devient une machine à broyer l’humain ».
Ce ne sont que quelques extraits, mais ils montrent clairement que, si l’on veut offrir les conditions d’indépendance et de sérénité nécessaires au service public de la recherche, il faut y mettre les moyens, y compris budgétaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’intention est louable, et nous ne pouvons que la partager. Cependant, l’article resterait peu opérant, pour ne pas dire déclaratif.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le sénateur Brisson l’a dit : les financements sur appels à projets peuvent aussi permettre une forme d’émancipation des chercheurs par rapport à ceux qui les ont encadrés jusque-là.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 rectifié et 180 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Mes chers collègues, en deux heures nous avons examiné 33 amendements. Il en reste plus de 200, et le calendrier est extrêmement contraint, puisque nous devons cesser l’examen du texte demain, en fin de matinée.
Si nous continuons à ce rythme, demain, en fin de matinée, nous n’aurons pas examiné plus de la moitié des amendements dont nous devons débattre. Nous reprendrons l’examen de la LPPR dès que l’examen du texte autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire sera terminé, soit vendredi matin, soit vendredi après-midi.
Par ailleurs, comme vous le savez, à partir de demain soir, nous serons de nouveau tenus de respecter des mesures de confinement, de sorte qu’un certain nombre de nos collègues devront regagner leur domicile, en province, au plus tard vendredi matin. Il pourrait donc se révéler difficile de terminer l’examen de ce texte dans de bonnes conditions, ce que personne ne le souhaite.
Je mets donc chacun devant ses responsabilités. Je suis conscient que cet appel à la concision n’est pas forcément agréable et peut être frustrant lorsque l’on a travaillé aussi longuement sur un texte. Mais j’y suis obligé, si nous voulons que ce débat se tienne dans les meilleures conditions. (M. Jérôme Bascher proteste.)
TITRE II
AMÉLIORER L’ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS SCIENTIFIQUES
M. le président. L’amendement n° 123, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Reconnaître pour la Nation l’importance des métiers de la science
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président de la commission, ce n’est pas nous qui avons choisi le calendrier d’examen du projet de loi !
Il ne faudrait pas que, en nous l’imposant, le Gouvernement nous fasse perdre notre capacité à amender un texte qui est attendu par la communauté des chercheurs depuis un an et demi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – MM. Jérôme Bascher et Marc Laménie applaudissent également.)
Le Gouvernement a préparé ce texte en début d’année. Depuis sa transmission au Conseil économique, social et environnemental, sa rédaction n’a pas changé. Il aurait donc pu nous être présenté dès ce moment. Le Gouvernement a fait le choix de nous le soumettre maintenant, concurremment avec l’examen de la loi de finances.
Pour ma part, je ne veux pas subir un choix du Gouvernement qui est absolument incohérent et qui ne respecte pas l’indépendance du Sénat.
Cependant, je serai très bref dans la présentation de l’amendement, monsieur le président. Depuis tout à l’heure, nous disons vouloir renforcer « l’attractivité » des métiers de la science. Or je trouve le terme absolument inapproprié, parce que les métiers de la science sont déjà extrêmement attractifs.
L’attractivité se définit dans un rapport entre le nombre de postes disponibles et le nombre de candidats. Or il y a aujourd’hui, dans le domaine de la recherche, une distorsion énorme entre le nombre de candidats et le nombre de postes ouverts, une distorsion tellement importante que les concours de recrutement dans l’enseignement supérieur et au CNRS sont des concours de niveau international. En effet, 30 % des recrutés au CNRS et à l’enseignement supérieur sont des candidats étrangers.
Il existe donc un très haut niveau d’attractivité de l’emploi dans la recherche française. À l’évidence, ce n’est pas l’attractivité qui manque : ce sont des postes ! Le problème est qu’il n’y a pas de postes.
Au reste, l’augmentation du nombre de postes ferait diminuer l’âge des candidats recrutés et augmenterait la part de femmes ; nous y reviendrons tout à l’heure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, nous avons déjà évoqué ce point. Je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais nous n’avons pas d’autre mot qu’« attractivité » pour exprimer notre préoccupation. L’intitulé que vous proposez ne me convainc pas.
En outre, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous : je pense qu’il existe un manque d’attractivité des carrières et des rémunérations, même si cela changera peut-être.
Il me paraît donc encore approprié de laisser le terme « attractivité » dans l’intitulé du titre II.
La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, vous dites qu’il n’y a pas de problème d’attractivité, en prenant l’exemple de ce qui se passe au CNRS… Je vous invite à lire le rapport du groupe de travail qui s’est consacré à ces sujets.
Au CNRS, le nombre de candidats au concours de chargé de recherche est passé de 8 120 en 2011 à 5 445 en 2018, soit un tiers de candidats en moins. Sur la même période, le nombre de candidats ingénieurs et techniciens a baissé de 43 %. La part des lauréats étrangers est passée de 31 % en 2011 à 25 % en 2018. Allons-nous attendre qu’elle soit passée à 15 % pour réagir ?
J’assume de nommer les choses et de dire que nous avons un problème d’attractivité.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 123.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article additionnel avant l’article 3
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié quinquies n’est pas soutenu.
Article 3
I. – Le chapitre II du titre II du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 422-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 422-3. – I. – Afin de répondre à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son attractivité internationale, dans des domaines de recherche pour lesquels il justifie de cette nécessité, un établissement public de recherche ou d’enseignement supérieur peut être autorisé, par arrêté du ministre chargé de la recherche, à recruter en qualité d’agent contractuel de droit public des personnes titulaires d’un doctorat, tel que prévu à l’article L. 612-7 du code de l’éducation, ou d’un diplôme équivalent en vue de leur titularisation dans un corps de directeur de recherche.
« Ces recrutements sont ouverts chaque année et pour chaque corps, sur proposition du président ou directeur général de l’établissement, par l’arrêté mentionné au premier alinéa du présent I, dans la limite de 15 % des recrutements autorisés dans le corps concerné ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps concerné est strictement inférieur à cinq.
« Le recrutement est réalisé, après appel public à candidatures, à l’issue d’une sélection par une commission constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement dans lequel le recrutement est ouvert, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.
« Le contrat a pour objet de permettre à la personne recrutée d’acquérir une qualification en rapport avec les missions du corps dans lequel elle a vocation à être titularisée, définies à l’article L. 411-1. Il est conclu par l’établissement public de recherche au sein duquel l’intéressé a vocation à être titularisé ou par un établissement public d’enseignement supérieur partenaire de celui-ci. Dans le respect des dispositions de l’article L. 411-3, il stipule les engagements des parties concernant les objectifs à atteindre par l’intéressé et les moyens qui lui sont apportés par son employeur pour l’exercice de ses fonctions. Ces engagements incluent les obligations de l’intéressé en matière d’enseignement et de recherche.
« II. – La durée du contrat mentionné au I du présent article ne peut être inférieure à trois ans et ne peut être supérieure à six ans.
« Le contrat peut être prolongé dans la limite de la durée des congés pour maternité ou adoption et des congés de paternité et d’accueil de l’enfant, de maladie et d’accident du travail.
« Le contrat peut être renouvelé, dans la limite d’un an, sans dépasser la durée maximale de six ans prévue au premier alinéa du présent II, lorsque l’intéressé n’a pas pu atteindre les objectifs auxquels il avait initialement souscrit.
« III. – Au terme de son contrat, une commission de titularisation entend le candidat au cours d’une audition et apprécie sa valeur scientifique ainsi que son aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 411-1, afin de vérifier qu’il remplit les conditions pour être titularisé dans un corps de directeur de recherche. L’intéressé est ensuite titularisé par le président ou le directeur général de l’établissement après avis de la commission.
« Cette commission est constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et est composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.
« Elle examine, pour chaque candidat, un rapport sur son activité et les travaux de recherche qu’il a accomplis.
« La titularisation est subordonnée à un engagement de servir.
« III bis. – Le chef d’établissement présente devant l’instance délibérante compétente un bilan annuel de la mise en œuvre au sein de son établissement des dispositions du présent article.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’équivalence de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d’agent contractuel, les modalités de la procédure de sélection, les conditions de renouvellement du contrat, les modalités d’appréciation, avant la titularisation, de la valeur scientifique et de l’aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 411-1, les modalités de nomination des membres des commissions mentionnées au troisième alinéa du I et au premier alinéa du III du présent article, les modalités de la présentation par le chef d’établissement du bilan annuel prévu au III bis et les conditions de l’engagement de servir. »
II. – Après l’article L. 952-6-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 952-6-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 952-6-2. – I. – Afin de répondre à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son attractivité internationale, dans des domaines de recherche pour lesquels il justifie de cette nécessité, un établissement public d’enseignement supérieur ou de recherche peut être autorisé, par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, à recruter en qualité d’agent contractuel de droit public des personnes titulaires d’un doctorat, tel que prévu à l’article L. 612-7, ou d’un diplôme équivalent en vue de leur titularisation dans un corps de professeur relevant du présent titre.
« Ces recrutements sont ouverts chaque année, sur proposition du président ou directeur général de l’établissement, par l’arrêté mentionné au premier alinéa du présent I, dans la limite de 15 % des recrutements autorisés dans le corps concerné. Ils ne peuvent représenter plus de la moitié des recrutements de l’établissement pour l’année concernée ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps concerné est strictement inférieur à cinq.
« Le recrutement est réalisé, après appel public à candidatures, à l’issue d’une sélection par une commission constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement dans lequel le recrutement est ouvert, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.
« Le contrat a pour objet de permettre à la personne recrutée d’acquérir une qualification en rapport avec les fonctions du corps dans lequel elle a vocation à être titularisée, définies à l’article L. 952-3. Il est conclu par l’établissement public d’enseignement supérieur au sein duquel l’intéressé a vocation à être titularisé ou par un établissement public de recherche partenaire de celui-ci. Dans le respect des dispositions de l’article L. 952-2, il stipule les engagements des parties concernant les objectifs à atteindre par l’intéressé et les moyens qui lui sont apportés par son employeur pour l’exercice de ses fonctions. Ces engagements incluent les obligations de l’intéressé en matière d’enseignement et de recherche.
« II. – La durée du contrat mentionné au I du présent article ne peut être inférieure à trois ans et ne peut être supérieure à six ans.
« Le contrat peut être prolongé dans la limite de la durée des congés pour maternité ou adoption et des congés de paternité et d’accueil de l’enfant, de maladie et d’accident du travail.
« Ce contrat peut être renouvelé, dans la limite d’un an, sans dépasser la durée maximale de six ans prévue au premier alinéa du présent II, lorsque l’intéressé n’a pas pu atteindre les objectifs auxquels il avait initialement souscrit.
« III. – Au terme de son contrat, une commission de titularisation entend le candidat au cours d’une audition et apprécie sa valeur scientifique ainsi que son aptitude à exercer les fonctions mentionnées à l’article L. 952-3, afin de vérifier qu’il remplit les conditions pour être titularisé dans un corps de professeur. L’intéressé est ensuite titularisé par le chef d’établissement après avis de la commission.
« Cette commission est constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et est composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. La moitié de ces membres extérieurs appartient au groupe du Conseil national des universités qui correspond à l’emploi à pourvoir. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.
« Elle examine, pour chaque candidat, un rapport sur son activité d’enseignement et les travaux de recherche qu’il a accomplis.
« La titularisation est subordonnée à un engagement de servir et à la possession de l’habilitation à diriger des recherches.
« III bis. – Le chef d’établissement présente devant l’instance délibérante compétente un bilan annuel de la mise en œuvre au sein de son établissement des dispositions du présent article. Ce bilan contient notamment les données relatives à la parité.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’équivalence de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d’agent contractuel, les modalités de la procédure de sélection, les conditions de renouvellement du contrat, les modalités d’appréciation, avant la titularisation, de la valeur scientifique et de l’aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 952-3, les modalités de nomination des membres des commissions mentionnées au troisième alinéa du I et au premier alinéa du III du présent article, les modalités de la présentation par le chef d’établissement du bilan annuel prévu au III bis et les conditions de l’engagement de servir. »
III. – Après l’article L. 952-21 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 952-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 952-21-1. – L’article L. 952-6-2 est applicable aux membres du personnel enseignant et hospitalier, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d’État. »
IV. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre ans à compter de la publication de la présente loi, puis dans un délai de quatre à sept ans à compter de la même date, un rapport évaluant le recours aux modalités de recrutement et de titularisation prévues à l’article L. 422-3 du code de la recherche et à l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation. Ce rapport intègre notamment une étude comparative relative à la prise en compte de la notion de l’égalité entre les femmes et les hommes entre cette nouvelle voie de recrutement et celles préexistantes.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 124 est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 182 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 124.
M. Pierre Ouzoulias. Nous abordons l’article 3 et le dispositif dit « des chaires de professeur junior ». Je n’ai toujours pas compris ce mécanisme. Je souhaiterais donc avoir des explications.
Madame la ministre, vous avez déclaré dans la presse que « l’intérêt des chaires de professeur junior, c’est que l’on passe un seul concours, une fois pour toutes » ou encore que « les tenure tracks, c’est un peu le principe des contrats Atip-Avenir, sauf que, à la fin, il y a un emploi réservé, pérenne. » Je comprends donc qu’il s’agit d’un prérecrutement, que l’on est recruté une fois et que le second jury est un jury de confirmation, dont la décision est liée à celle du premier jury.
J’aimerais en avoir la confirmation, parce que c’est un point extrêmement important dans notre discussion. Si vous considérez que la décision des deux jurys est liée et que l’on peut passer, par le biais des chaires de professeur junior, du CNRS à l’université et inversement, cela veut dire qu’existe, à vos yeux, une forme de gestion unique des corps de chercheurs et d’enseignants-chercheurs.
C’est un changement majeur, structurel. Ce n’est pas une petite voie ouverte à côté des recrutements actuels : c’est beaucoup plus fondamental.
Je souhaite donc, madame la ministre, que vous nous disiez quelle est l’indépendance de choix du second jury. Les avis des deux jurys sont-ils véritablement liés ou sont-ils indépendants ? S’ils sont indépendants, il ne peut pas s’agir d’un prérecrutement. Nous avons vraiment besoin de vos précisions.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 182.
Mme Monique de Marco. Nous nous interrogerons nous aussi sur ce nouveau statut.
Si nous avons bien compris, il s’agit d’une titularisation qui est dérogatoire au droit de la fonction publique, car elle est parallèle au recrutement sur concours.
Comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental dans son analyse du projet de loi, ces contrats à durée déterminée sans concours, accordés sans passer par les emplois de chargé de mission, de chargé de recherche ou de maître ou maîtresse de conférences, seraient intercalés entre les postdoc et le recrutement statutaire, soumis à une simple évaluation, accroissant de la même durée la période d’emploi non permanent des docteurs.
Ces nouveaux contrats reposent sur la même logique que les CDI de mission que nous examinerons à l’article 6 : celle de la mise en concurrence dans la gestion des carrières.
Ces dérogations aux recrutements statutaires verront des statuts différents cohabitant sur les mêmes fonctions, ce qui ne favorise pas la cohésion du corps enseignant dans son ensemble.
Nous souhaitons, au contraire, la stabilité, la cohérence et l’unité des parcours professionnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La commission rappelle que ces chaires ont un objet bien précis : faciliter le recrutement de profils spécifiques, pour lesquels un besoin particulier s’exprime et auxquels les voies de recrutement traditionnelles, en raison de leur structuration disciplinaire, ne sont pas adaptées.
Dans le souci de mieux affirmer le caractère circonscrit et complémentaire de ce dispositif, elle a tenu à abaisser le pourcentage de recrutements annuels autorisés par cette voie à 15 %. Elle a également souhaité mieux l’encadrer, afin de répondre aux inquiétudes exprimées par la communauté des chercheurs et enseignants-chercheurs.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je veux préciser les choses, puisque, apparemment, elles ne sont pas suffisamment claires.
Au départ, il y a un jury de recrutement et un recrutement dans un corps. Le contrat qui amène ensuite devant la commission de titularisation peut être porté par un EPST ou par une université, pour une titularisation dans le corps des directeurs de recherches ou dans celui des professeurs.
Au terme du contrat, le titulaire passe non plus devant un jury de recrutement – de fait, il n’y a plus qu’un candidat –, mais devant une commission de titularisation dans le corps dans lequel le recrutement a été prévu par le contrat. C’est exactement le principe des contrats Atip-Avenir, qui peuvent être ouverts dans des universités ou des organismes de recherche, avec, à la fin, un emploi de titulaire réservé.
J’émets donc, moi aussi, un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Puisqu’on nous l’a demandé, je serai bref.
Madame la ministre, il existe déjà de nombreux fléchages dans les différents postes. Dès lors, ma question est toute simple : à quoi sert ce truc ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je suis désolé, je ne comprends pas davantage, parce que le parcours que vous me décrivez correspond très exactement à celui que j’ai suivi pour entrer dans le corps des chargés de recherche au CNRS. J’ai été recruté, puis titularisé dans mon corps, au bout d’un an, par le même jury.
Ce que vous nous proposez au travers de ce texte, si je le lis bien, est tout à fait différent. On sait très bien que l’objectif – il est clairement décrit dans le document du CNRS – est de recruter des mathématiciens au CNRS, puis de les faire passer à l’université dans le corps des professeurs ; c’est « l’objectif Villani », si je puis dire. Je ne vois pas comment un jury qui recrute au CNRS pourrait ensuite donner un avis sur un recrutement dans un corps de professeurs.
Si l’objectif est autre, je ne vois pas l’intérêt du dispositif, compte tenu de ce qui existe déjà. Vous nous avez expliqué que, pour favoriser « l’attractivité », il fallait clarifier les choses pour les étrangers. Or vous leur donnez exactement les mêmes modes de recrutement que pour les corps habituels.
Ce que vous nous décrivez me pose toujours des difficultés. Il me semble qu’il y a un loup… Je pense qu’il faut prendre le temps, même si l’on est pressé, de nous fournir une explication claire, parce qu’il y a là quelque chose qui ne va pas.
Je comprends maintenant de votre explication qu’il n’y a plus qu’un seul jury de recrutement, qui procède aussi à la titularisation. Ce n’est pas ce que j’avais lu dans le texte.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 124 et 182.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 16
Après le mot :
autorisé,
insérer les mots :
dans le cadre d’une expérimentation visant à créer des chaires de professeurs juniors qui prend fin le 31 décembre 2027,
II. – Alinéa 31
Au début, insérer les mots :
Avant la fin de l’expérimentation prévue au premier alinéa de l’article L. 422-3 du code de la recherche et au premier alinéa de l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation,
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. On voit que beaucoup de questions se posent sur la mise en place des futures chaires de professeur junior.
On sent bien que ce dispositif dérogatoire est peu encadré. D’ailleurs, les spécialistes le comprennent mal – j’en veux pour preuve la réaction de mes collègues qui sont aussi chercheurs.
Un certain nombre de modifications ont été apportées lors de l’examen en commission, notamment la limitation à 15 % du pourcentage de recrutement annuel autorisé dans un même corps et les garanties de prorogation du contrat pendant un congé de maternité ou de maladie.
Les débats montrent qu’il est un peu prématuré d’inscrire dès à présent dans le code de l’éducation et dans le code de la recherche ces nouvelles chaires de professeur junior, qui sont peu encadrées et très loin de faire l’unanimité.
Dès lors, nous proposons, par cet amendement, de transformer le dispositif en une expérimentation valable jusqu’à la fin de l’année 2027. Cette expérimentation ferait l’objet d’une évaluation dans le cadre du rapport que l’Assemblée nationale a décidé de demander au Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Sans me faire la porte-parole du Gouvernement, il me semble que les chaires de professeur junior ne remettent pas en cause les voies classiques de recrutement et qu’une expérimentation sur quatre ou cinq ans ne ferait que retarder les besoins spécifiques de recrutement qui s’expriment dans ce corps.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. La création de chaires de professeur junior ne constitue en rien une obligation : c’est un outil.
Le rapport qui est prévu permettra de voir si cet outil a ou non une pertinence. S’il n’en a pas, il ne sera pas utilisé.
J’émets donc moi aussi un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 81 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre et Daubresse, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et MM. Tabarot et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
l’éducation,
insérer les mots :
et qualifiées par le Conseil national des universités,
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’objectif du dispositif est justement de supprimer l’étape de la qualification, afin d’avancer l’âge de recrutement des jeunes docteurs.
En revanche, la commission a tenu à réintroduire une dimension nationale, en prévoyant la présence de membres du CNU au sein de la commission de titularisation.
Mon avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 164 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 3 et alinéa 17, première phrase
Remplacer le taux :
15 %
par le taux :
20 %
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. J’ai déjà évoqué, lors de la discussion générale, l’intérêt de maintenir à 20 % la part de ces recrutements particuliers. Je n’insiste pas davantage, car l’on m’a déjà répondu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après les mots :
l’établissement
insérer les mots :
et après avis favorable de leur conseil scientifique
II. – Après les alinéas 12 et 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de non-titularisation, la décision de la commission est motivée par des critères précis, publiée de manière ouverte, et opposable juridiquement.
III. – Alinéa 17, première phrase
Après les mots :
l’établissement
insérer les mots :
et après avis favorable de leur conseil académique, ou du conseil qui en tient lieu
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à garantir l’intérêt scientifique des recrutements des chaires de professeur junior par les instances d’évaluation compétentes des établissements concernés.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié terdecies, présenté par Mme Guidez, MM. Guerriau, Bonhomme, Lefèvre, Delahaye et Wattebled, Mme C. Fournier, MM. Henno et Canevet, Mme Billon, M. Kern, Mme Loisier, M. Nachbar, Mmes Sollogoub et de Cidrac, MM. Regnard et Menonville, Mmes Bonfanti-Dossat et Doineau, MM. P. Martin, Pellevat, del Picchia, Cigolotti, Bouchet et Sautarel, Mmes Saint-Pé et Thomas et MM. Decool et Delcros, est ainsi libellé :
Alinéa 3 et alinéa 17, seconde phrase
Remplacer le taux :
25 %
par le taux :
15 %
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement vise à réduire l’utilisation des « chaires d’excellence ».
L’article 3 instaure une nouvelle voie de recrutement pour les titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent avec la mise en place d’un système de prétitularisation conditionnelle.
Ces « chaires d’excellence » permettraient à des contractuels de bénéficier en trois à six ans d’un passage rapide au grade de professeur ou directeur de recherche sans aucune des obligations statutaires imposées aux maîtres de conférences et chargés de recherche pour espérer atteindre le même objectif. Il s’agit d’une rupture complète avec le mode de recrutement national, qui passe principalement par concours de la fonction publique.
Il faut noter que ces embauches, prélevées sur le même budget que les postes de professeurs des universités et directeurs de recherche, diminuent les possibilités d’évolution vers ces grades pour les maîtres de conférences et chargés de recherche.
Il est donc indispensable de faire de cette voie de recrutement une exception. C’est pourquoi cet amendement tend à réduire le pourcentage maximal de recrutements autorisés chaque année dans le corps concerné de 25 % à 15 %.
M. le président. L’amendement n° 92, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 12
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« III. – Au terme de son contrat, le contractuel peut être titularisé dans un corps de directeur de recherche à l’issue d’un concours organisé dans les conditions prévues au 2° de l’article 19 de la loi n° 84-16 du 12 juin 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Ce texte sera peut-être soumis au Conseil constitutionnel, qui aura besoin de comprendre quelle est l’intention du législateur.
J’aimerais donc, madame la ministre, que vous me confirmiez qu’il s’agit d’abord d’un concours de recrutement, puis d’une titularisation, recrutement et titularisation étant réalisés par le même jury et bien évidemment liés – c’est en effet ce que vous avez déclaré.
Vous comprenez que, dans ce contexte, mon amendement peut perdre tout son intérêt et tout son sens.
Nous avons besoin de comprendre si ces deux jurys sont indépendants, ou pas. Dans un premier temps, vous m’avez dit que non, mais, manifestement, votre avis a changé. Nous avons véritablement besoin de cette précision.
Je répète ma question, qui est simple et très précise : ces deux jurys sont-ils indépendants et forment-ils des avis souverains sur les deux propositions qui leur sont soumises, tout d’abord pour le recrutement, puis pour la titularisation ?
M. le président. L’amendement n° 220, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9, seconde phrase
Remplacer les mots :
président ou le directeur général de l’
par les mots :
chef d’
II. – Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce bilan comporte notamment des données relatives aux parts des femmes et des hommes dans ces recrutements.
III. – Alinéas 14 et 28
Supprimer les mots :
, les modalités de la présentation par le chef d’établissement du bilan annuel prévu au III bis
IV. – Alinéa 17
a) Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps est inférieur à cinq
b) Seconde phrase
Après le mot :
établissement
insérer les mots :
dans le corps
et supprimer les mots :
ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps concerné est inférieur à cinq
V. – Alinéa 23, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L’intéressé est ensuite titularisé par décret du Président de la République, sur proposition du chef d’établissement après avis de la commission.
VI. – Alinéa 27, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ce bilan comporte notamment des données relatives aux parts des femmes et des hommes dans ces recrutements.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement rédactionnel et de précision vise à modifier la rédaction relative à la titularisation des enseignants-chercheurs, pour parvenir à un rapprochement avec les dispositifs de droit commun.
M. le président. L’amendement n° 183, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
pour moitié au moins
par les mots :
à strictement plus de 50 %
II. – Alinéa 24, première phrase
Remplacer les mots :
pour moitié au moins
par les mots :
à strictement plus de 50 %
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Des commissions de recrutement et de titularisation des professeurs juniors composées à parité de membres externes et internes à l’établissement risquent de conduire à des situations de blocage.
Nous avons été alertés sur des situations où les établissements cherchaient à éviter à tout prix la titularisation pour différentes raisons, par exemple pour ne pas augmenter leur masse salariale. S’assurer que les commissions sont majoritairement composées de membres externes permettrait d’éviter ce type de dérives.
M. le président. L’amendement n° 219, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Supprimer les mots :
de recherche
II. – Alinéa 25
1° Supprimer les mots :
d’enseignement
2° Supprimer les mots :
de recherche
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement rédactionnel tend à préciser qu’il s’agit d’examiner l’ensemble des activités et des travaux de l’intéressé.
J’en profite pour répondre une nouvelle fois à M. Ouzoulias : c’est d’abord un jury qui se prononce. Il procède à une appréciation comparée des candidats, qui se trouvent placés dans une situation d’égalité. Il s’agit donc bien d’un concours, qui donne lieu à la rédaction d’un contrat.
Au terme de ce contrat, une commission d’aptitude vérifie que la personne a bien réalisé ce qui était prévu dans le contrat et qui atteste de l’aptitude à être titularisé. Il n’y a plus de concurrence. C’est ainsi que le dispositif fonctionne.
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par Mmes Lepage, S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
d’une durée de six ans
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. L’article 3 prévoit une nouvelle voie de titularisation dans un corps de directeur de recherche. Cette titularisation est subordonnée à un engagement de servir sans que la durée de celui-ci ne soit précisée.
Certes, l’article prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixera les conditions de l’engagement à servir. Il est cependant souhaitable que ces conditions soient fixées dans le respect d’un cadre défini par le Parlement lui-même.
S’il est important que la titularisation soit assortie d’un véritable engagement, la mobilité est également importante. L’objet de cet amendement est donc de prévoir une durée de six ans pour cet engagement de servir.
M. le président. L’amendement n° 184, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après les alinéas 12 et 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de non-titularisation, la décision de la commission est motivée par des critères précis, publiée de manière ouverte, et opposable juridiquement.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Si les chaires de professeur junior venaient à être créées, nous souhaiterions que les parcours des personnels concernés soient protégés au mieux.
Ainsi, nous proposons que les commissions chargées de décider de la titularisation du doctorant à l’issue de son contrat aient l’obligation de motiver leur décision en cas de refus, ainsi que de rendre cette dernière publique et opposable juridiquement.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mmes Monier et G. Jourda, M. Redon-Sarrazy, Mmes Lepage et Préville, MM. J. Bigot, Tissot, Vaugrenard, Magner et Cardon, Mme Conway-Mouret et MM. Assouline et Antiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le recrutement est réalisé, après appel public à candidatures, à l’issue d’une sélection par le comité de sélection prévu à l’article L. 952-6-1.
II. – Alinéa 23, première phrase
Remplacer les mots :
une commission de titularisation
par les mots :
le comité de sélection prévu à l’article L. 952-6-1
III. – Alinéa 24
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Par cet amendement, nous voulons que la commission qui décide la titularisation des chaires juniors soit la même que la celle qui organise le recrutement des maîtres de conférences.
Il est important d’harmoniser le processus de recrutement. À cet égard, il est logique que, au sein d’une même université, ce soient les mêmes personnes qui se chargent de l’ensemble des recrutements, de manière à garantir une cohérence dans la politique de recrutement à l’université et une égalité de traitement entre les candidats aux différents postes.
La création de ce nouveau type de contrat, directement inspiré du modèle anglo-saxon des tenure tracks, suscite de nombreuses inquiétudes, que je partage.
Au demeurant, il n’existe aucune garantie que ce dispositif renforce l’attractivité de la France pour les jeunes chercheurs, ni que ce nouveau statut de contractuel sera une vraie chance pour celles et ceux qui en bénéficieront. Il risque de s’accompagner d’une augmentation du recours aux postes de vacataires pour assurer des missions d’enseignement, alors que ceux-ci sont déjà trop nombreux à être confrontés à des situations précaires.
Ce dont nous avons réellement besoin aujourd’hui pour renforcer l’attractivité de la recherche dans les universités françaises, ce sont des créations de postes d’enseignants-chercheurs titulaires et une amélioration de la rémunération en début de carrière.
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 23 à 26
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« III. – Au terme de son contrat, le contractuel peut être titularisé dans un corps de professeur des universités à l’issue d’un concours organisé dans les conditions prévues au 2° de l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 juin 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, il est bientôt minuit, et je crois avoir enfin compris ce que vous nous expliquez : il y a un recrutement, puis une titularisation sur titres, sauf que la titularisation se fait dans un corps supérieur – directeur de recherche quand vous êtes chargé de recherche, professeur quand vous êtes maître de conférences.
Il s’agit d’une nouveauté absolue dans la fonction publique ! Je ne connais pas d’équivalent. Je pense que le Conseil constitutionnel aura des choses à dire sur ce dispositif très original.
M. le président. L’amendement n° 221, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 24, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à supprimer la présence obligatoire du CNU dans les commissions de titularisation.
Tout d’abord, rien n’interdit que la moitié des enseignants-chercheurs extérieurs à l’établissement ou, d’ailleurs, de l’établissement soit choisie parmi les membres du CNU.
Ensuite, l’imposer partout dans tous les cas risque de compliquer la composition des commissions, puisqu’il y aura autant de commissions que de postes ouverts.
Par ailleurs, les membres du CNU n’ont pas nécessairement le meilleur profil pour faire partie de la commission : ils sont habitués à qualifier des candidats d’environ 34 ans, sur la base de publications scientifiques, alors que, dans le cas des chaires de professeur junior, il s’agira de parcours plus atypiques.
Enfin, le CNU s’étant institutionnellement opposé au principe des chaires de professeur junior, imposer, par voie législative, la présence de ses membres au sein des commissions ne serait pas respectueux de leur avis.
M. le président. L’amendement n° 139 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson et Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Supprimer les mots :
à un engagement de servir et
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Vous noterez que je n’interviendrai pas sur la composition des commissions de titularisation !
Mon amendement a pour objet de supprimer du texte l’obligation de subordination à un engagement de servir pour la titularisation des chaires de professeur junior dans le corps des professeurs d’université.
L’engagement de servir est une obligation réglementaire qui concerne, sauf exception, des corps classés dans la catégorie A et constitue la contrepartie d’un investissement consenti par l’administration pour leur formation.
Cet engagement de servir et de rester au service de l’État est une contrepartie de la prise en charge par l’État des frais de formation et de traitements versés pendant cette formation. Ce n’est pas le cas pour les chaires de professeur junior, qui sont rémunérées pour un emploi.
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par Mmes Lepage, S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Après le mot :
servir
insérer les mots :
d’une durée de six ans
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. L’amendement tend à renforcer l’obligation de servir.
La nouvelle voie de titularisation dans un corps de directeur de recherche prévue à l’article 3 est subordonnée à un engagement de servir, sans que la durée de celui-ci soit précisée.
Il est cependant souhaitable que ces conditions soient fixées dans le respect d’un cadre défini par le Parlement, notamment en imposant une durée de cet engagement.
Il est important que la titularisation soit assortie d’un véritable engagement. L’objet cet amendement est donc de prévoir une durée de six ans pour cet engagement de servir, afin d’assurer une certaine stabilité dans le poste, puisque, comme cela a été répété plusieurs fois, les projets de recherche sont des projets de long terme.
Le recrutement d’enseignants ou de directeurs de recherche dans le grade de professeur justifie une durée de service relativement plus longue que ce que l’on a l’habitude de voir, avec parfois des demandes rapides d’exeat ou de mutation qui peuvent porter atteinte à la pérennité d’un projet de recherche.
M. le président. L’amendement n° 140 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Savin et Bonne, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin, Grosperrin et Gremillet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 26
Supprimer les mots :
et à la possession de l’habilitation à diriger des recherches
II. – Alinéa 28
Après la référence :
L. 952-3
insérer les mots :
, les modalités de l’appréciation de l’habilitation à diriger des recherches
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Il s’agit d’un amendement de précision, à la suite de l’adoption, en commission, d’un amendement que j’avais présenté, visant à imposer l’obtention de l’habilitation à diriger des recherches pour la titularisation des titulaires de chaires de professeur junior.
M. le président. L’amendement n° 151 rectifié, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Après la référence :
L. 952-3
insérer les mots :
, les modalités de l’appréciation de l’habilitation à diriger des recherches
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Le Conseil d’État fixera les modalités d’application de la création des chaires de professeur junior.
L’objet de cet amendement est de préciser que le décret déterminera les modalités de l’appréciation de l’habilitation à diriger des recherches des personnes concernées, par parallélisme avec les cursus de recrutement classiques, les candidats à la titularisation dans le corps des professeurs des universités devant être titulaires de cette habilitation.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger notre séance, afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Dans la mesure où nous ne reprenons nos travaux demain qu’à dix heures et demie, nous pourrions poursuivre nos débats de ce soir jusqu’à une heure et demie.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. En ce qui concerne l’amendement n° 34 rectifié, dans la rédaction actuelle, rien n’interdit à l’établissement de demander l’avis du conseil scientifique ou du conseil académique. En pratique, il est d’ailleurs très probable que le chef d’établissement informera, voire consultera, les instances internes avant de recourir aux chaires de professeur junior, eu égard au caractère sensible du dispositif.
Par ailleurs, comme toute décision administrative faisant grief, la non-titularisation doit être motivée, car elle est susceptible de recours. L’amendement est donc satisfait sur ce point.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de l’amendement n° 34 rectifié ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Madame Guidez, la commission a déjà abaissé à 15 % le taux de recrutements annuels autorisés. Elle l’a, en revanche, maintenu à 25 % pour les corps aux effectifs très réduits, comprenant moins de cinq personnes. En effet, l’abaisser à 15 % reviendrait dans ce cas à rendre le dispositif inopérant : pour quatre recrutements, par exemple, cela n’équivaudrait même pas à une personne. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 7 rectifié terdecies.
Les dispositions de l’amendement n° 92 vont à l’encontre de la philosophie du dispositif : j’émets également un avis défavorable.
Sans revenir sur les apports de la commission, l’amendement n° 220 tend à préciser et à compléter utilement l’article 3, en alignant la procédure de titularisation des enseignants-chercheurs sur celle du droit commun, en précisant qu’elle relève d’un décret du Président de la République, en clarifiant la rédaction relative au taux limite de recrutement dans les corps aux faibles effectifs et en enrichissant les modalités du bilan présenté par le chef d’établissement en prévoyant des données relatives à la proportion de femmes et d’hommes recrutés sur des chaires de professeur junior. Pour ces raisons, la commission est favorable à cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 183, la composition des commissions concernées me semble déjà suffisamment encadrée – au moins 50 % de membres extérieurs, dont 25 % de membres du CNU – pour éviter les risques de « localisme ». La commission y est donc défavorable.
L’amendement n° 219 du Gouvernement vise à revenir sur une précision rédactionnelle adoptée en commission, qui, à la réflexion, limite le champ des activités prises en compte pour la phase de titularisation des bénéficiaires d’une chaire de professeur junior : j’émets un avis favorable.
S’agissant de l’amendement n° 52 rectifié, l’idée de fixer une durée d’engagement est intéressante. En effet, l’objectif n’est pas que la personne, une fois titularisée, reparte aussitôt à l’étranger. On attend d’elle un minimum d’investissement dans son corps de recrutement. Cet engagement à servir est d’autant plus important qu’une dotation publique de 200 000 euros est prévue pour chaque chaire créée. La commission est donc favorable à cet amendement.
L’amendement n° 184 est satisfait : comme je l’ai déjà souligné, toute décision administrative faisant grief doit être motivée. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L’amendement n° 4 rectifié bis va à l’encontre de la philosophie même du dispositif : j’émets un avis défavorable.
Dans le même esprit que l’amendement n° 92, des mêmes auteurs, l’amendement n° 93 vise à conditionner la titularisation dans le corps de professeur des universités au passage du concours traditionnel : la commission y est défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 221 qui vise à revenir sur le choix de la commission d’introduire, s’agissant des chaires de professeur junior, la présence de membres du CNU au sein de la commission chargée de la titularisation dans le corps des professeurs des universités.
Monsieur Piednoir, alors qu’une dotation de 200 000 euros sera attribuée pour chaque chaire créée, il n’est pas envisageable que son titulaire ne s’engage pas à servir dans son corps de recrutement. Or les dispositions de votre amendement n° 139 rectifié lui permettraient de repartir à l’étranger une fois sa titularisation acquise. La commission y est donc défavorable.
La commission est favorable à l’amendement n° 53 rectifié bis, qui vise à fixer à six ans la durée de l’engagement à servir des titulaires d’une chaire de professeur junior.
La commission est également favorable à l’amendement n° 140 rectifié de M. Piednoir, qui tend à clarifier la rédaction de la condition d’obtention de l’habilitation à diriger des recherches introduite par la commission pour la titularisation dans le corps de professeur des universités.
Enfin, la commission demande le retrait de l’amendement n° 151 rectifié, au profit de l’amendement n° 140 de M. Piednoir, dont la rédaction est plus complète.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. S’agissant de l’amendement n° 34 rectifié, la politique d’emploi peut être débattue en conseil académique ou en conseil scientifique, mais ces instances n’émettent que des avis simples ; ce sont les chefs d’établissement qui prennent leurs responsabilités.
Par ailleurs, comme toute décision faisant grief, les décisions de non-titularisation doivent impérativement être notifiées.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 34 rectifié.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 7 rectifié terdecies : nous avions proposé 25 %, taux qui a ensuite été abaissé à 20 %. Il est important de conserver un régime particulier pour les corps à faible recrutement, au risque de les priver du bénéfice de ces dispositifs.
Monsieur Ouzoulias, il n’est pas question de deuxième concours ! Un candidat titulaire du contrat a été sélectionné ; la commission vérifie simplement que ses engagements ont été tenus. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement n° 92.
Madame de Marco, ne jouons pas sur les mots : « pour moitié au moins » ou « strictement plus de 50 % », c’est peu ou prou la même idée… De plus, les commissions comportent généralement un nombre impair de membres pour éviter tout problème lors des votes. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement n° 183.
Madame Lepage, je soutiens l’engagement de servir, mais les fonctionnaires étant législativement dans une situation statutaire et réglementaire, cette question relève d’un décret et non de la loi.
Toutefois, je retiendrai le point d’équilibre que vous dessinez comme position d’entrée du Gouvernement lors des concertations que j’aurai sur cette question avec les organisations syndicales.
Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement n° 52 rectifié ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
L’amendement n° 184 est satisfait : comme cela a déjà été souligné, toute décision faisant grief doit impérativement être motivée. Je demande donc le retrait de l’amendement n° 184 ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 4 rectifié bis : le principe est bien celui de dispositifs particuliers pour les chaires de professeur junior.
Mon avis est défavorable également à l’amendement n° 93, pour les mêmes raisons.
Monsieur Piednoir, nous ne souhaitons pas supprimer l’obligation d’une subordination à un engagement de servir. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement n° 139 rectifié.
Madame Lepage, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement n° 53 rectifié bis ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Monsieur Piednoir, il faut effectivement renvoyer les modalités d’appréciation de la HDR à des dispositions réglementaires, c’est-à-dire aux décrets statutaires des corps concernés. J’émettrai donc un avis favorable sur votre amendement n° 140 rectifié.
Enfin, monsieur Hingray, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement n° 151 rectifié au profit de l’amendement n° 140 rectifié, pour des raisons rédactionnelles.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, les dispositions de votre amendement n° 221 me semblent relativement déplacées.
Selon vous, les membres du CNU ne sont pas capables de qualifier les candidats aux chaires de professeur junior parce qu’ils auraient l’habitude de juger des personnes plus âgées, d’environ 34 ans en moyenne.
Je vous rappelle que les membres du CNU ont des expériences d’enseignement, au cours desquelles ils sont amenés à effectuer de multiples sélections. Ils ont l’habitude des profils fortement différenciés. Il me semble assez malvenu de les écarter sous le prétexte qu’ils ne seraient pas capables de sélectionner des candidats. Vous n’êtes pas d’accord et vous voulez les éjecter !
Il est donc urgent de voter l’amendement retenu par la commission.
M. le président. Madame Guidez, l’amendement n° 7 rectifié terdecies est-il maintenu ?
Mme Jocelyne Guidez. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié terdecies est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 92.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 93 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 183.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 139 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 139 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 151 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 82 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre et Daubresse, Mme Billon, M. Regnard, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après la référence :
L. 612-7,
insérer les mots :
et qualifiées par le Conseil national des universités,
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 68 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.
L’amendement n° 174 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 22
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le dossier de renouvellement du candidat est soumis à l’avis du conseil académique et du conseil d’administration réunis en formation restreinte.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié.
M. Jean-Pierre Decool. L’alinéa 22 prévoit le renouvellement du contrat sans en préciser la procédure.
Cet amendement vise donc à indiquer que le conseil académique et le conseil d’administration, réunis en formation restreinte, se prononcent sur le renouvellement.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 174 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il ne semble pas utile de préciser dans la loi les modalités de renouvellement qui relèvent des termes mêmes du contrat.
En outre, il convient de ne pas trop rigidifier la procédure d’information et de consultation des conseils internes aux établissements, par respect du principe d’autonomie.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission et émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 rectifié et 174 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Savin et de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. Grosperrin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 27, première phrase
Remplacer le mot :
annuel
par le mot :
triennal
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. L’alinéa 27 prévoit un bilan annuel de mise en œuvre du processus de recrutement au sein de chaque établissement.
Le recours à la nouvelle voie de recrutement sera exceptionnel et représentera un nombre très limité, voire nul, de personnels dans bon nombre d’établissements.
Prévoir un bilan annuel ne permettrait pas d’avoir un recul suffisant sur la mise en œuvre des dispositions prévues à cet article, raison pour laquelle je vous propose un bilan triennal.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Un bilan annuel ne s’impose pas pour un dispositif qui ne représentera pas un volume de recrutement important : la commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 29 octobre 2020, à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 150, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 952-6, après les mots : « statuts particuliers », sont insérés les mots : «, et sauf lorsque le candidat est maître de conférences titulaire » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 952-6-1, après les mots : « L. 952-6 », sont insérés les mots : « et celles des personnes dispensées de qualification au titre de ce même article » ;
3° Après l’article L. 952-6-1, il est inséré un article L. 952-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 952-6-…. – Une dérogation aux dispositions de l’article L. 952-6-1 peut être accordée à un établissement. Dans ce cas, le comité de sélection peut examiner les candidatures de personnes qui ne disposent pas d’une qualification reconnue par l’instance nationale.
« La dérogation est accordée par décret pris sur proposition du ministre chargé de l’enseignement supérieur pour une durée inférieure ou égale à cinq ans, sur demande du président de l’établissement. Le décret fixe si la dérogation s’applique pour l’ensemble des recrutements de l’établissement ou, le cas échéant, dresse la liste des disciplines pour lesquelles elle s’applique.
« La dérogation peut être renouvelée dans les mêmes conditions, pour une durée de cinq ans. Le renouvellement est précédé d’une évaluation de la qualité des processus de recrutement de l’établissement, reposant notamment sur un bilan, transmis par l’établissement, des recrutements effectués dans le cadre de la dérogation. Cette évaluation est réalisée par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, ou réalisée par d’autres instances selon des procédures validées par le Haut Conseil.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application des dispositions du présent article. »
…° Le premier alinéa de l’article L. 962-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La qualification par l’instance nationale n’est pas requise lorsque le candidat est maître de conférences titulaire. »
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Le présent amendement a pour objet de renforcer l’autonomie des universités en leur donnant les moyens d’une véritable politique scientifique et de ressources humaines, tout particulièrement dans le cadre du recrutement des enseignants-chercheurs.
Concernant les professeurs des universités, cet amendement vise à supprimer l’étape d’inscription des maîtres de conférences sur une liste de qualification établie par le Conseil national des universités.
En effet, une telle qualification ne repose sur aucune justification réelle dans la mesure où, pour accéder au corps des professeurs des universités, les maîtres de conférences doivent avoir franchi de nombreuses et difficiles étapes : obtention du doctorat, inscription sur une liste de qualification, stage et titularisation après un concours, obtention de l’habilitation à diriger des recherches.
Par ailleurs, les universités sont pleinement en mesure de reconnaître la valeur d’enseignant et de chercheur d’un maître de conférences titulaire après plusieurs années d’exercice dans son corps, sans avoir besoin du recours à une liste de qualification du CNU.
S’agissant du recrutement des maîtres de conférences, le présent amendement tend à permettre aux établissements d’enseignement supérieur de déroger à l’obligation de recruter une personne qualifiée par le CNU, et cela dans le cadre d’un décret qui matérialisera une autorisation donnée par le ministère.
L’adoption de cet amendement permettra aux établissements d’enseignement supérieur de renforcer et d’ouvrir leurs recrutements en totale autonomie. Matériellement, les établissements pourront choisir de recourir à la qualification de l’instance nationale pour leurs recrutements ou, dans le cadre de l’autorisation ministérielle, d’engager une procédure autonome de recrutement.
Cette nouvelle procédure permettra de renforcer l’autonomie des universités, qui maîtriseront ainsi l’intégralité du processus de recrutement de leurs personnels. En contrepartie, il sera demandé aux établissements de garantir la transparence et la qualité de leurs procédures de recrutement.
Dans une logique de confiance, ces dérogations seront accordées après examen de la demande des conseils d’administration des universités et feront l’objet d’une évaluation rigoureuse par l’État.
Les dispositions de cet amendement ne suppriment aucune des compétences du CNU, mais permettront à celui-ci de se recentrer sur ses travaux relatifs au suivi des carrières.
M. le président. Le sous-amendement n° 238, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :
Amendement n° 150, alinéas 7 à 9
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 952-6-…. – Par dérogation aux articles L. 952-6 et L. 952-6-1 et à titre expérimental, pour les postes publiés au plus tard le 30 septembre 2024, les établissements publics d’enseignement supérieur peuvent demander, après approbation du conseil d’administration, à être autorisés à déroger pour un ou plusieurs postes à la nécessité d’une qualification des candidats reconnue par l’instance nationale afin d’élargir les viviers des candidats potentiels et de fluidifier l’accès aux corps, cela dans toutes les disciplines à l’exception de la médecine, de l’odontologie, de la pharmacie et de celles permettant l’accès au corps des professeurs des universités par la voie des concours nationaux de l’agrégation. La dérogation est accordée par décret pour la durée de l’expérimentation.
« Dans ce cas, préalablement à l’examen des candidatures, le comité de sélection, ou l’instance équivalente prévue par les statuts de l’établissement, examine les titres et travaux des personnes qui ne disposent pas d’une qualification reconnue par l’instance nationale, sur la base du rapport de deux spécialistes de la discipline concernée de niveau au moins équivalent à celui de l’emploi à pourvoir. En cas d’avis favorable du comité de sélection, il ajoute les dossiers ainsi qualifiés à ceux des candidats disposant d’une qualification reconnue par l’instance nationale et à ceux des personnes dont la qualification reconnue par une instance nationale n’est pas requise. Il procède ensuite à l’examen de l’ensemble de ces candidatures.
« Au plus tard le 1er janvier 2025, un rapport d’évaluation de l’expérimentation établi par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est remis au ministre chargé de l’enseignement supérieur et transmis au Parlement. Cette évaluation porte notamment sur l’incidence de la dispense de qualification reconnue par l’instance nationale sur la qualité et la transparence des procédures de recrutement.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Ce sous-amendement a pour objet de transformer la dérogation ouvrant la voie à une qualification d’établissement pour renforcer l’autonomie des universités en une expérimentation pour les postes publiés, au plus tard, le 30 septembre 2024, ce qui est de nature à renforcer encore l’autonomie des universités.
Cette expérimentation est ciblée sur les disciplines ne disposant pas de dispositifs spécifiques à même de faciliter l’entrée dans le corps des enseignants-chercheurs, ce qui est notamment le cas des disciplines disposant d’une agrégation de l’enseignement supérieur – droit, économie, gestion, sciences politiques – ou des disciplines médicales.
L’évaluation du dispositif expérimental et des procédures de recrutement par le Hcéres sont maintenues, afin de préparer, le cas échéant, la généralisation du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. À titre personnel, j’émettrai un avis de sagesse sur ce sous-amendement, que la commission n’a pu examiner.
J’émettrai également un avis de sagesse sur l’amendement n° 150 de M. Hingray.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Ces propositions sont intéressantes.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement, ainsi sous-amendé : procéder à une expérimentation et conserver une procédure pour les disciplines disposant d’une agrégation me paraît justifié.
Par ailleurs, ce dispositif n’enlève aucune de ses compétences au CNU.
À titre personnel, je pense qu’il est temps de faire confiance aux universités et de croire en leur capacité à être de véritables acteurs de leur politique de recrutement, à condition de garantir la transparence et la qualité de ces procédures.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très surpris que, par le biais d’un amendement et d’un sous-amendement, à minuit et demi, devant un auditoire clairsemé, nous déconstruisions tout le service public de l’enseignement supérieur. (M. Stéphane Piednoir proteste.)
Madame la ministre, vous avez dit très justement voilà quelques instants que le modèle français n’était pas le modèle anglo-saxon. En effet, le modèle français repose sur un service public et sur une gestion nationale des corps. Si vous ôtez au CNU cette gestion nationale, vous faites tomber la totalité du système de l’enseignement supérieur.
Si tel est votre choix, mes chers collègues, dites-le, car il me semble que tel n’était pas le projet politique soutenu par la LPPR, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.
Madame la ministre, vous avez déclaré en préambule qu’il s’agissait d’une loi de programmation budgétaire, sans incidence structurelle.
Or vous vous attaquez ici à un élément fondamental : en vidant le CNU de sa substance, en l’empêchant de gérer nationalement les corps, nous allons vers une juxtaposition d’établissements totalement indépendants et nous n’aurons plus de service national de l’enseignement supérieur. C’est un retour aux facultés de l’ancien temps !
Chers collègues qui défendez vos territoires et les universités qui s’y trouvent, comprenez bien que voter cet amendement, c’est voter la mort programmée de vos universités de région, car les meilleurs profiteront de ce dispositif pour aller dans les pôles des grandes métropoles – Paris, Lyon et Marseille. Dans les autres, vous n’aurez plus rien.
Réfléchissez à ce que vous allez voter. Je le répète, vous êtes en train d’organiser un système à deux vitesses, avec des universités de relégation. Et je pense qu’une telle question mériterait un autre débat que celui-ci, à minuit et demi, devant un auditoire clairsemé. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Article 4
I. – L’article L. 1242-3 du code du travail est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Lorsque l’employeur confie des activités de recherche au salarié et participe à sa formation à la recherche et par la recherche dans les conditions fixées à l’article L. 412-3 du code de la recherche ; ».
II. – Le chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 412-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 412-3. – I. – Par dérogation à l’article L. 1221-2 du code du travail, un contrat de travail de droit privé à durée déterminée, dénommé “contrat doctoral de droit privé”, peut être conclu lorsque l’employeur :
« 1° Confie des activités de recherche à un salarié inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur français en vue d’obtenir la délivrance d’un diplôme de doctorat tel que prévu à l’article L. 612-7 du code de l’éducation ;
« 2° Participe, en application des dispositions de l’article L. 412-1 du présent code, à la formation du salarié doctorant à la recherche et par la recherche ;
« 3° Et garantit que la durée totale des activités complémentaires aux activités de recherche confiées au doctorant dans le cadre de ce contrat n’excède pas un sixième de la durée annuelle de travail effectif.
« Les activités de recherche mentionnées au 1° du présent I sont en adéquation avec le sujet de la thèse de doctorat préparée par le salarié et constituent l’objet principal de son contrat de travail.
« Les conditions particulières d’exécution du contrat mentionné au premier alinéa du présent I, les conditions de rédaction de la thèse, les conditions d’échange et de partage des résultats des recherches ainsi que les modalités selon lesquelles l’employeur participe à la formation du salarié doctorant à la recherche et par la recherche sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« II. – Le terme précis du contrat de travail prévu au I est fixé dès sa conclusion en référence à une durée de contrat ou une date de fin de contrat, dans la limite d’une durée initiale de trois ans.
« Le contrat est renouvelable deux fois, pour une durée maximale d’un an à chaque renouvellement et dans la limite totale de cinq ans. Le contrat peut être prolongé dans la limite de la durée des congés pour maternité ou adoption et des congés de paternité et d’accueil de l’enfant, de maladie et d’accident du travail.
« Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l’objet d’un avenant soumis au salarié doctorant avant le terme initialement prévu.
« III. – Outre les cas de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée prévus à l’article L. 1243-1 du code du travail, l’employeur peut rompre de manière anticipée le contrat de travail prévu au I du présent article lorsque l’inscription du salarié en vue d’obtenir la délivrance d’un diplôme de doctorat n’est pas renouvelée. Dans ce cas et si ce non-renouvellement est le fait du salarié, les dommages et intérêts prévus au premier alinéa de l’article L. 1243-4 du code du travail, ainsi que l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du même code, ne sont pas dus au salarié doctorant.
« À défaut pour le salarié d’être inscrit dans un nouvel établissement d’enseignement supérieur français en vue d’obtenir la délivrance d’un diplôme de doctorat dans un délai fixé par décret, le maintien du salarié dans l’entreprise est subordonné à la conclusion d’un contrat de travail dans les conditions de droit commun.
« IV. – Le fait de méconnaître les dispositions du II du présent article relatives à la durée du contrat de travail à durée déterminée est puni d’une amende de 3 750 €. La récidive est punie d’une amende de 7 500 € et d’un emprisonnement de six mois.
« Le fait de conclure un contrat de travail à durée déterminée ne comportant pas un terme fixé dès sa conclusion en référence à une durée de contrat ou une date de fin de contrat, en méconnaissance des dispositions du même II, est puni d’une amende de 3 750 €. La récidive est punie d’une amende de 7 500 € et d’un emprisonnement de six mois.
« Le fait de renouveler le contrat de travail à durée déterminée en méconnaissance des dispositions dudit II est puni d’une amende de 3 750 €. La récidive est punie d’une amende de 7 500 € et d’un emprisonnement de six mois.
« Ces sanctions s’appliquent sans préjudice de celles prévues à l’article L. 1248-2 du code du travail. »
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Il n’est pas opportun de créer un nouveau type de contrat « doctoral », dans la mesure où il en existe déjà beaucoup.
Par ailleurs, ce nouveau type de CDD de droit privé est beaucoup plus précaire et moins protecteur des salariés doctorants que ceux qui existent actuellement.
En effet, il ne prévoit ni contrôle de l’organisme de formation ou de recherche, ni rémunération minimale garantie, ni durée minimale du contrat, ni versement d’indemnités en cas de non-réinscription.
Les modifications issues du texte de la commission n’améliorent malheureusement pas suffisamment le texte. Elles visent simplement à préciser que les activités de recherche confiées aux doctorants salariés constituent l’objet principal de son contrat de travail et que ce contrat est prorogé en cas de congé de maternité ou de paternité.
Certes, les doctorants ont besoin de ressources pour mener à bien leur projet de thèse, mais on peut craindre que ce nouveau type de contrat constitue pour les entreprises un moyen d’embaucher une main-d’œuvre éventuellement bon marché, à coup sûr sans obligation de retour.
Les intérêts des uns et des autres ne se rejoignent pas toujours. Le doctorant a besoin de protection et d’un cadre stable, scientifiquement valorisant et rémunérateur, pour mener à bien son travail. Je ne suis pas certaine que ce nouveau contrat doctoral à durée déterminée réponde à ces exigences.
Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La commission partage l’objectif de créer un contrat doctoral plus identifiable pour le secteur privé, sur le modèle de ce qui existe pour le secteur public, et juridiquement plus sécurisé.
Elle a néanmoins tenu à apporter des garanties supplémentaires aux doctorants salariés. Elle est donc défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer purement et simplement cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la sénatrice, nous partageons le même objectif de sécuriser les contrats doctoraux.
Ne l’oublions pas, les EPIC sont des établissements de droit privé. À l’heure actuelle, pour leurs doctorants, ils ont recours à un CDD pour complément de formation professionnelle ou à un CDD à objet défini.
En réalité, ces contrats de travail à durée déterminée ne sont pas adaptés au doctorat, faisant peser une forme d’incertitude sur les doctorants.
Les Cifre, les conventions industrielles de formation par la recherche, sont non pas des contrats de travail, mais des conventions tripartites. Les doctorants tireront bénéfice du fait de pouvoir réaliser leur thèse dans le cadre d’un véritable contrat, sur lequel les Cifre auront d’ailleurs vocation à s’appuyer.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je ne comprends pas votre argumentaire. Vous souhaitez par cette loi rapprocher l’université de la recherche privée. C’est un objectif que nous partageons.
Vous l’avez dit, la convention Cifre lie le doctorant à son laboratoire et à l’entreprise dans laquelle il réalisera son doctorat. Or le dispositif dont il est question ici tend à l’éloigner complètement du laboratoire. Au profit d’une transformation de ce contrat, vous éloignez l’entreprise de l’université, ce qui ne constitue pas à mes yeux une bonne solution.
Par ailleurs, je constate avec tristesse que le nombre de conventions Cifre diminue. J’aurais donc préféré que, dans le cadre de ce texte, nous réfléchissions ensemble à cette situation, afin de trouver des solutions et rebâtir un cadre permettant l’amalgame fondamental entre le docteur, l’entreprise et le laboratoire.
Avec cet article, le laboratoire est écarté, ce que je regrette, de la relation entre le doctorant et l’entreprise.
M. le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au 1° de l’article L. 1243-10 du code du travail, après les mots : « l’article L. 1242-2 ou », sont insérés les mots « au titre des 1° ou 2° ».
II. – Alinéa 13, seconde phrase
Supprimer les mots :
, ainsi que l’indemnité de fin de contrat prévue à son article L. 1243-8 du même code,
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à apporter plus de garanties à ce contrat de droit privé auquel nous sommes opposés. Nous savions très bien que notre amendement précédent de suppression de l’article ne serait pas adopté !
Nous souhaitons que le salarié doctorant puisse, dans tous les cas, bénéficier d’indemnités de fin de contrat. Le projet initial du projet de loi prévoyait que, en cas de rupture anticipée du contrat justifiée par le non-renouvellement de l’inscription du salarié dans la formation préparant au doctorat, les dommages et intérêts et l’indemnité de fin de contrat n’étaient pas dus.
L’Assemblée nationale a très légèrement amélioré ce dispositif dérogatoire au droit commun, en prévoyant que seule la rupture du fait du salarié l’empêcherait de percevoir ces dommages et intérêts et indemnités. Les indemnités de rupture ne seront donc dues que si la rupture n’est pas du fait du salarié.
Plusieurs questions se posent : comment jugera-t-on si la rupture est du fait ou non du salarié ? Par ailleurs, ce renversement de la charge de la preuve nous dérange, puisque ce sera au doctorant de prouver qu’il n’est pas à l’origine de la rupture du contrat pour percevoir ses indemnités. On voudrait lui compliquer la tâche à faire valoir ses droits que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
Enfin, je considère qu’un jeune doctorant doit pouvoir bénéficier de son allocation contractuelle, sur laquelle il compte pour vivre et mener son travail de thèse. Par conséquent, si le contrat doit être interrompu, il doit y avoir non pas restriction au versement d’une indemnité, mais compensation à la perte de l’allocation.
Je le précise, en cas de rupture du fait du jeune doctorant, celui-ci ne pourra se prévaloir de dommages et intérêts : cet amendement ne vise pas à remettre en cause ce point.
Pour toutes ces raisons, nous demandons le bénéfice d’indemnités de rupture de contrat sans restriction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. La rédaction actuelle, qui prévoit que le doctorant salarié est privé d’indemnités uniquement si le non-renouvellement de son inscription universitaire est de son fait, me semble équilibrée et suffisamment protectrice.
Dans la mesure où le contrat conclu est de type « doctoral », il est logique que son exécution puisse ne pas être poursuivie en cas de non-renouvellement de l’inscription à l’université.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’inscription du doctorant dans une formation universitaire et au sein d’une école doctorale est évidemment une condition de la signature du CDD doctoral. Si l’école doctorale ne réinscrit pas le doctorant ou si le doctorant décide de ne pas se réinscrire, le motif de recours prévu par la loi n’est pas respecté.
Monsieur Ouzoulias, s’agissant de l’amendement précédent, les contrats Cifre resteront tripartites – rien ne change à cet égard –, mais ils s’appuieront sur un vrai contrat. Il s’agira non pas simplement d’une convention, mais d’un contrat de travail, ce qui constitue une amélioration pour les doctorants. Par ailleurs, le nombre des financements Cifre sera augmenté dès l’année prochaine.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 176 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
des activités
par les mots :
un volume substantiel d’activités
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Le présent amendement vise à préciser que le doctorant recruté par une entreprise doit bien travailler sur des activités de recherche doctorale durant la majeure partie de son temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cet amendement est déjà satisfait, dans la mesure où l’alinéa 7 de l’article garantit que les activités complémentaires confiées au doctorant salarié ne représentent pas plus d’un sixième de son temps de travail.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verrait contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme Maryse Carrère. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 176 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Et garantit que les activités de recherche mentionnées au 1° du présent I sont en adéquation avec le sujet de la thèse de doctorat préparée par le salarié et constituent l’objet principal de son contrat de travail.
II. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à préciser que les activités de recherche confiées au doctorant salarié sont en adéquation avec son sujet de thèse et constituent l’objet principal de son contrat de travail.
Cet amendement vise donc à compléter les dispositions du texte ; le décret d’application prévu apportera des garanties complémentaires aux doctorants.
M. le président. L’amendement n° 185, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les écoles doctorales mentionnées à l’article L. 612-7 du code de l’éducation s’assurent de cette adéquation au moment de l’inscription initiale du doctorant et de ses réinscriptions ultérieures.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Il faut être bien conscient du risque de détournement du contrat doctoral de droit privé, comme cela existe malheureusement parfois avec les thèses en convention Cifre.
Il arrive ainsi que l’entreprise embauche un doctorant officiellement pour mener sa recherche, mais lui confie, dans les faits, d’autres missions ou exige un travail ne lui permettant pas de mener sa thèse. Elle peut, par exemple, lui demander de traiter un sujet trop large, qui ne lui permettra pas d’approfondir suffisamment sa thèse.
C’est la raison pour laquelle nous pensons que les écoles doctorales devraient être les interlocuteurs privilégiés pour informer le doctorant de ses droits, s’assurer qu’il bénéficie des conditions nécessaires pour mener à bien sa thèse et lui fournir un soutien en cas de conflit avec l’employeur.
Il est donc logique que les écoles doctorales se chargent de vérifier l’adéquation du contrat doctoral de droit privé.
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le salarié jouit d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de ses activités de recherche, sous les réserves que lui imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du code de l’éducation, les principes de tolérance et d’objectivité.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’amendement n° 222 du Gouvernement tend à supprimer la garantie introduite par l’une des rapporteurs de l’Assemblée nationale, selon laquelle la durée d’activité complémentaire confiée aux doctorants salariés n’excède pas un sixième de leur temps de travail.
Cette disposition doit, à mon sens, être maintenue, car elle garantit que les cinq sixièmes du temps de travail seront bien consacrés aux activités de recherche.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 185, la précision introduite me semble tout à fait pertinente. Elle permet d’apporter une référence bienvenue aux écoles doctorales. La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 70 rectifié, les doctorants sont déjà couverts par les garanties fondamentales prévues à l’article L. 411-3 du code de la recherche pour l’ensemble des personnels de la recherche. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verrait contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. S’agissant de l’amendement n° 185, les modalités permettant de vérifier l’adéquation entre sujet de thèse et contrat de travail relèvent du décret d’application de l’article. Elles devront être précisées dans ce cadre, comme je l’ai dit en présentant l’amendement n° 222.
Quant à l’amendement n° 70 rectifié, il est satisfait, puisqu’il est d’ores et déjà précisé que les personnels de la recherche bénéficient des dispositions de l’article L. 411-3 du code de la recherche, à savoir autonomie de leur démarche scientifique, participation à l’évaluation des travaux qui leur incombent et droit à la formation permanente.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il se verrait contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié est-il maintenu, monsieur Decool ?
M. Jean-Pierre Decool. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 222.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 188, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les décrets et arrêtés d’application relatifs à ce contrat sont pris de sorte à disposer du même cadre général (durées minimale et de référence, conditions d’embauche et de renouvellement, rémunération minimale à l’embauche) que ceux qui sont pris en application de l’article L. 412-2 du code de la recherche et de l’article L. 612-7 du code de l’éducation, et font référence à l’article L. 5212-13 du code du travail.
II. – Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. - Le contrat de travail prévu au I est conclu pour une durée de trois ans.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Le contrat doctoral de droit privé doit obéir aux mêmes règles que le contrat doctoral public, notamment en matière de rémunération minimale et de durée minimale.
Cet amendement vise donc à clarifier l’alinéa relatif à la durée du contrat. Un contrat doctoral est en principe conclu pour une durée initiale de trois ans : il s’agit de la durée standard d’une thèse financée. Il est difficilement envisageable de rédiger une thèse en moins de trois ans.
Bien entendu, le contrat peut être allongé par renouvellement dans le cas où le doctorant a besoin de temps supplémentaire, mais sa durée initiale ne devrait en aucun cas être inférieure à trois ans.
M. le président. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
dans la limite d’une durée initiale de trois ans
par les mots :
qui ne peut être inférieure à deux ans
II. – Alinéa 11, première phrase
Supprimer les mots :
pour une durée maximale d’un an à chaque renouvellement et
La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Cet amendement de repli vise à encadrer et sécuriser davantage le contrat doctoral de droit privé à durée déterminée.
Dans le texte initial du projet de loi, ce contrat était prévu pour une durée de trois ans maximum, renouvelable deux fois pour une durée d’un an, et d’une durée totale maximale de cinq ans.
En commission, nous avons prévu la prorogation de ce contrat en cas de congé de maternité, de paternité ou de maladie.
Il convient d’aller plus loin. Cet amendement vise ainsi à porter la durée minimale de ce contrat à deux ans, ce qui constitue une durée très courte et peu réaliste pour mener un travail de recherche dans le cadre d’une thèse. Nous souhaitons aussi supprimer la limite d’un an maximum pour chaque renouvellement.
Pourquoi inciter les entreprises à prévoir des conditions d’embauche aussi précaires ? Les jeunes doctorants ont besoin de sources de revenus stables et d’une sécurisation de leurs conditions matérielles pour mener à bien un travail à long terme très exigeant. Ils ont besoin de sécurité, non pas de précarisation. Ils ne peuvent employer le temps qui doit être dédié à leurs travaux à courir à la recherche de nouvelles sources de financement, à postuler à de nouveaux emplois, très souvent précaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Sur le fond, il convient de garder un certain équilibre dans l’encadrement de ce nouveau contrat, si l’on veut que les entreprises embauchent des doctorants.
Sur la forme, la rédaction du I de l’amendement n° 188 n’est juridiquement pas satisfaisante.
La commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je le précise, l’article 4 bis prévoit que le contrat de travail doit avoir une durée initiale de trois ans et de cinq ans maximum. C’est très clair.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 223, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception, lorsque le contrat de travail a été suspendu pour une durée d’au moins trois mois consécutifs pour un motif tenant à la maternité, à la maladie ou à un accident du travail, un avenant peut être conclu pour renouveler le contrat de travail pour une durée égale à la durée de la suspension, dans la limite de neuf mois. Dans ce cas, la durée de la prolongation et le nombre de renouvellements sont ajoutés aux limites maximales fixées à l’alinéa précédent.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Sans modifier la philosophie du texte, cet amendement vise à encadrer la possibilité de prolonger par avenant le contrat doctoral de droit privé, notamment en cas de congé maternité ou maladie.
Il a pour objet que seules les périodes significatives de suspension du contrat, c’est-à-dire celles de trois mois consécutifs minimum, peuvent donner lieu à un renouvellement supplémentaire ou à une durée de contrat supérieure à cinq ans, dans la limite de neuf mois supplémentaires.
Le même dispositif est prévu pour le contrat postdoctoral de droit privé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Madame la ministre, vous transformez une possibilité en exception. C’est la raison pour laquelle la commission, qui a été très fière de porter l’insertion dans le texte d’une telle possibilité, est défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat prévoit une rémunération qui ne peut être inférieure à une fois et demie le montant des allocations de recherche prévues à l’article L. 412-2 du code de la recherche.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Il convient de prévoir une rémunération pour le contrat doctoral de droit privé à la hauteur des compétences du doctorant.
Cet amendement tend donc à fixer une rémunération ne pouvant être inférieure à une fois et demie le montant des allocations de recherche prévues à l’article L. 402 du code de la recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Si je comprends l’intention protectrice de fixer une rémunération minimale pour un contrat de droit privé, dans les faits, les contrats de droit privé prévoient déjà une rémunération minimale, généralement définie par les accords de branche, donc très variable selon les disciplines et les entreprises.
Il n’est pas possible de contraindre ces dernières à fixer un autre salaire que celui qui est prévu par le droit du travail ou les conventions collectives.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verrait contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je le précise, l’amendement n° 223 visait à reprendre les termes du code du travail.
M. le président. Madame Robert, l’amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
L’amendement n° 224, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 13, seconde phrase
Supprimer les mots :
et si ce non-renouvellement est le fait du salarié
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Au travers de cet amendement, il s’agit de supprimer la précision relative au versement de dommages et intérêts et d’une prime de précarité par l’employeur au salarié en cas de non-réinscription en doctorat dans l’établissement d’enseignement supérieur.
En effet, dans une situation où la progression des travaux de recherche est jugée insuffisante au point que le directeur de thèse et l’école doctorale décident de ne pas réinscrire le doctorant en thèse, le contrat doctoral de droit privé devient sans objet et doit être rompu, sans que l’employeur ait à verser des dommages et intérêts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. En vous écoutant, madame la ministre, nous serions presque convaincus !
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dans la mesure où il ne nous paraissait pas opportun de revenir sur la protection introduite par nos collègues députés.
M. le président. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
le maintien du salarié dans l’entreprise est subordonné à la conclusion d’
par les mots :
l’employeur propose au salarié
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Par cet amendement, il s’agit d’apporter une stabilité au salarié, dans le cas où il ne serait pas inscrit dans un nouvel établissement d’enseignement supérieur français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Une telle disposition étant excessivement directive, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre, Daubresse et Regnard, Mmes Paoli-Gagin et Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Bascher, Bouloux, Joyandet, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le rétablissement des mentions pour les thèses de doctorat.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Les mentions sur la qualité du travail doctoral ont disparu. Depuis cette suppression, la seule possibilité offerte à un employeur pour connaître la qualité de la thèse est de lire le rapport de soutenance, qui peut préciser que le jury a adressé ses félicitations au candidat ; en général, ces rapports ne sont pas joints au dossier de recrutement.
Finalement, une telle homogénéisation nuit à la valorisation des doctorants en termes d’insertion professionnelle, sur les plans à la fois national et international.
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis favorable à cet amendement, sous réserve d’introduire un délai non pas de six mois, mais d’un an pour la remise du rapport.
M. le président. Monsieur Decool, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre ?
M. Jean-Pierre Decool. Tout à fait, monsieur le président !
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 80 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre, Daubresse et Regnard, Mmes Paoli-Gagin et Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Bascher, Bouloux, Joyandet, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot, et ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le rétablissement des mentions pour les thèses de doctorat.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Par principe, dans la mesure où il s’agit d’une demande de rapport, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4 bis
(Supprimé)
Article 5
I. – L’article L. 1242-3 du code du travail est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Lorsque l’employeur confie au salarié, dans les conditions fixées à l’article L. 431-5 du même code, des activités de recherche en vue de la réalisation d’un objet défini et qu’il s’engage à fournir au salarié une expérience professionnelle complémentaire au diplôme de doctorat prévu à l’article L. 612-7 du code de l’éducation. »
II. – Le chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 412-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 412-4. – Les établissements publics d’enseignement supérieur, les établissements publics à caractère scientifique et technologique et les autres établissements publics à caractère administratif dont les statuts prévoient une mission de recherche peuvent recruter des chercheurs, titulaires du diplôme de doctorat tel que prévu à l’article L. 612-7 du code de l’éducation, par un contrat de droit public dénommé “contrat post-doctoral”.
« Le contrat post-doctoral a pour objet l’exercice par le chercheur d’une activité de recherche dans le cadre d’un projet retenu au titre d’un appel à projets international ou national ou défini par l’établissement. L’activité proposée doit fournir au chercheur une expérience professionnelle complémentaire au doctorat lui permettant d’approfondir sa pratique de la recherche, de faciliter sa transition professionnelle vers des postes permanents en recherche publique ou privée et de prendre, le cas échéant, des responsabilités scientifiques au sein de l’établissement.
« Le contrat post-doctoral doit être conclu au plus tard trois ans après l’obtention du diplôme de doctorat, pour une durée minimale d’un an et maximale de trois ans. Le contrat est renouvelable une fois dans la limite totale de quatre ans. Le contrat peut être prolongé dans la limite de la durée des congés pour maternité ou adoption et des congés de paternité et d’accueil de l’enfant, de maladie et d’accident du travail. Il précise les engagements de l’établissement concernant l’accompagnement du bénéficiaire du contrat, notamment en matière de formation professionnelle et de périodes d’insertion professionnelle en France comme à l’étranger.
« Les modalités de recrutement, les conditions de l’exercice des fonctions et les mesures d’accompagnement des bénéficiaires de ces contrats sont fixées par décret en Conseil d’État. »
III. – Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 431-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 431-5. – I. – Par dérogation à l’article L. 1221-2 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu dans :
« 1° Les entreprises ayant une activité de recherche et bénéficiant d’un agrément au titre du crédit impôt recherche ;
« 2° Les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial ;
« 3° Les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 du présent code ;
« 4° Les établissements relevant de l’article L. 732-1 du code de l’éducation, dans le cadre de leurs activités de recherche, pour recruter un chercheur, titulaire du diplôme de doctorat prévu à l’article L. 612-7 du même code, en vue de la réalisation d’un objet défini.
« Le contrat doit être conclu au plus tard trois ans après la date d’obtention du diplôme de doctorat par le salarié.
« Un décret fixe la liste des établissements et fondations concernés.
« II. – Le contrat prévu au I est conclu pour réaliser des activités de recherche dans le cadre d’un projet retenu au titre d’un appel à projets international ou national ou défini par l’établissement.
« L’activité de recherche proposée doit fournir au salarié une expérience professionnelle complémentaire au doctorat.
« Les mesures d’accompagnement du salarié, notamment en matière de formation aux emplois et de périodes d’insertion professionnelle en France comme à l’étranger, sont fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – La durée du contrat ne peut être inférieure à un an. La durée totale du contrat ne peut excéder quatre ans, compte tenu, le cas échéant, du ou des renouvellements intervenus dans les conditions prévues au IV. Le contrat peut être prolongé dans la limite de la durée des congés pour maternité ou adoption et des congés de paternité et d’accueil de l’enfant, de maladie et d’accident du travail.
« IV. – Le contrat prévu au I peut ne pas comporter de terme précis. Il est alors conclu pour une durée minimale et a pour terme la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu.
« Lorsque le contrat de travail prévu au même I comporte un terme fixé dès sa conclusion en référence à une durée de contrat ou une date de fin de contrat, il est renouvelable deux fois pour une durée maximale d’un an chacune. La durée du, ou, le cas échéant, des deux renouvellements, ajoutée à celle du contrat initial, ne peut excéder la durée maximale fixée au III.
« Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l’objet d’un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu.
« V. – Outre les mentions figurant à l’article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail prévu au I du présent article comporte également :
« 1° La mention “contrat à objet défini de recherche” ;
« 2° Une clause descriptive du projet et la mention de sa durée prévisible ;
« 3° La définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;
« 4° L’événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle, lorsque le contrat n’a pas de terme précis ;
« 5° Le délai de prévenance de l’arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
« 6° Les mesures d’accompagnement, notamment en matière de formation aux emplois et de périodes d’insertion professionnelle en France comme à l’étranger.
« VI. – Par dérogation au 1° de l’article L. 1243-10 du code du travail, les dispositions relatives à l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du même code sont applicables lorsque le contrat prévu au I du présent article arrive à l’échéance du terme et que les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée.
« VII. – Outre les cas mentionnés à l’article L. 1248-2 du code du travail, est puni d’une amende :
« 1° De 3 750 €, le fait de méconnaître les dispositions du III du présent article relatives à la durée du contrat de travail à durée déterminée. La récidive est punie d’une amende de 7 500 € et d’un emprisonnement de six mois ;
« 2° De 3 750 €, le fait de renouveler le contrat de travail à durée déterminée en méconnaissance du IV du présent article. La récidive est punie d’une amende de 7 500 € et d’un emprisonnement de six mois. »
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre, Daubresse et Regnard, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
l’éducation,
insérer les mots :
et qualifiés par le Conseil national des universités,
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Le CNU, le Conseil national des universités, n’ayant pas vocation à qualifier les contractuels, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Lefèvre, Daubresse et Regnard, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
du même code,
insérer les mots :
et qualifiés par le Conseil national des universités,
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Après le mot :
emplois
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, de périodes d’insertion professionnelle et de poursuite de carrière en France comme à l’étranger, sont fixées par décret en Conseil d’État.
II. – Alinéa 29
Après le mot :
emplois
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, de périodes d’insertion professionnelle et de poursuite de carrière en France comme à l’étranger.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Le nombre de chercheurs qualifiés et titulaires d’expérience postdoctorale et le nombre d’ouvertures de postes par les établissements de recherche ou les universités ne concordent pas, le premier de ces deux chiffres étant très nettement supérieur au second.
Ainsi, le nombre d’années nécessaires avant qu’un jeune chercheur n’obtienne sa titularisation ne cesse de s’allonger. Dans le secteur privé, les embauches de jeunes chercheurs se réduisent également à peau de chagrin.
À défaut de pouvoir porter obligation aux établissements proposant des contrats postdoctoraux d’embaucher à l’achèvement de ceux-ci leurs titulaires, il conviendrait de s’assurer qu’un suivi de leur parcours est réellement organisé.
L’expérience postdoc est donc conçue pour servir de tremplin aux jeunes chercheurs entre leur période d’études et de doctorat et celle de leur entrée dans la vie professionnelle. Les établissements d’accueil devraient pouvoir jouer un véritable rôle de conseil et d’accompagnement dans la poursuite du cursus du jeune chercheur.
Le contrat postdoctoral doit ainsi constituer plus qu’un simple contrat suivant l’obtention du doctorat. Il doit être un instrument de professionnalisation des jeunes chercheurs.
Il revient donc au pouvoir réglementaire de préciser comment les établissements pourront, de façon contractuelle, prévoir non seulement des périodes d’insertion professionnelle, mais, plus concrètement, la poursuite de la carrière, en France ou à l’étranger, du jeune chercheur ayant effectué son postdoc auprès d’eux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Une telle précision étant la bienvenue, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Un décret en Conseil d’État prévoira les mesures d’accompagnement du salarié, notamment celles qui sont relatives aux périodes d’insertion professionnelle en France comme à l’étranger. La poursuite de carrière et l’insertion professionnelle sont deux notions recouvrant le même objet, à savoir l’accompagnement du chercheur vers un emploi pérenne.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il se verrait contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 225, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 19, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception, lorsque le contrat de travail a été suspendu pour une durée d’au moins trois mois consécutifs pour un motif tenant à la maternité, à la maladie ou à un accident du travail, un avenant peut être conclu pour renouveler le contrat de travail pour une durée égale à la durée de la suspension, dans la limite de neuf mois. Dans ce cas, la durée de la prolongation et le nombre de renouvellements sont ajoutés aux limites maximales fixées au IV ainsi qu’à l’alinéa précédent.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement étant similaire à l’amendement n° 223, je le considère comme défendu, monsieur le président. Il vise à reprendre les termes du droit du travail pour ce qui concerne les congés de maternité, de maladie ou liés à un accident du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Par cohérence, la commission s’en tient à l’avis défavorable qu’elle a émis sur l’amendement n° 223.
En effet, dans l’objet de ces amendements, il n’était pas tout à fait clair que les termes introduits étaient cohérents avec ceux du code du travail.
M. le président. L’amendement n° 226, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Compléter cet alinéa par les mots :
avec le même employeur ou un autre employeur public ou privé, ou par un recrutement dans un corps de la fonction publique
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement de précision vise à mieux cibler les situations où une « prime de précarité » doit être versée à la fin du contrat postdoctoral de droit privé créé par l’article 5.
Cette indemnité est due lorsque le contrat postdoctoral arrive à son terme et que l’intéressé ne poursuit pas son activité sur un emploi permanent, soit en contrat à durée indéterminée soit en intégrant un corps de la fonction publique, que ce soit avec le même employeur ou avec un autre employeur public ou privé.
Cette précision permet de souligner l’objectif qui doit être recherché dans le cadre du contrat postdoctoral : l’accompagnement du postdoctorant vise à lui permettre de trouver à l’issue du contrat un emploi permanent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article additionnel après l’article 5
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Longeot, Bonne, Lefèvre et Daubresse, Mme Billon, M. Regnard, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas, M. Tabarot et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 111-7-1 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout candidat à la direction d’un établissement public de recherche est titulaire d’un doctorat. »
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 111 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 412-1 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les titulaires du diplôme national de doctorat peuvent diriger un établissement de recherche et d’enseignement supérieur. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Au travers de cet amendement, il s’agit de rendre obligatoire la détention d’un doctorat pour diriger un établissement de recherche et d’enseignement supérieur. Cela paraît une évidence ; pourtant, tel n’est pas le cas !
J’aurais aimé apporter également une précision concernant les recteurs, qui n’ont désormais plus l’obligation d’avoir un doctorat. Malheureusement, ce point relevant du domaine réglementaire, je n’ai pas pu compléter mon amendement.
Je vous le rappelle, mes chers collègues, dans le protocole signé entre les syndicats et le ministère, une disposition donne aux recteurs la possibilité d’intervenir sur les repyramidage et l’affectation des postes sur les chaires juniors.
Autrement dit, on donnerait aux recteurs, dans les universités, un pouvoir de censure sur les recrutements des universitaires, alors qu’eux-mêmes n’auraient pas le doctorat. Certes, quitte à détruire tous les éléments fondateurs du code de la fonction publique, pourquoi ne pas continuer sur cette lancée ? Je trouve ça, malgré tout, un peu surprenant…
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Savin, Bonne et de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. Segouin, Grosperrin, Gremillet et Chevrollier, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 111-7-1 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout candidat à la direction d’un établissement public de recherche est titulaire d’un doctorat. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2023.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Dans la continuité de ce que vient de dire mon collègue Ouzoulias, il s’agit d’assurer la crédibilité des établissements publics de recherche sur la scène internationale ; à ce titre, il paraît légitime que tout candidat à la présidence d’un établissement public de recherche soit obligatoirement titulaire du grade de docteur. Je me réjouis, d’ailleurs, que cet amendement fasse l’objet d’un large consensus sur les diverses travées de notre hémicycle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je comprends parfaitement l’idée des auteurs de ces amendements, d’autant plus que ce sujet a été longuement évoqué durant les auditions que nous avons menées.
Cependant, je voudrais faire deux remarques. Tout d’abord, je constate que les titulaires de ces postes sont, dans leur écrasante majorité, titulaires du doctorat, à une seule exception près, peut-être, qui ne semble pas, au demeurant, avoir démérité.
Par ailleurs, ces nominations relèvent pour la plupart de l’article 13 de la Constitution, qui ne limite en rien la faculté du Président de la République à désigner qui il le souhaite, pas plus, d’ailleurs, qu’il ne contraint les parlementaires que nous sommes à avaliser ce choix – nous l’avons vu.
Dès lors, je ne peux qu’émettre des réserves sur la constitutionnalité de cet amendement, et des doutes sur son intérêt. Son adoption pourrait, dans les quelques cas où cet obstacle s’avérerait opérationnel, priver la recherche d’autres types de talents. Je crois plus utile – nous y travaillons – d’imaginer une manière de renforcer la place du doctorat dans la haute fonction publique.
Avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Avis défavorable également sur ces trois amendements.
Je pense en effet que les rares dirigeants d’organismes publics de recherche qui ne sont pas docteurs ont remarquablement exercé leurs responsabilités. Il s’agit de personnalités du monde scientifique et technologique, comme l’impose le statut desdits organismes.
J’ajoute, ce qui rassurera peut-être M. Ouzoulias, que les recteurs interviennent lors du dialogue de gestion, en tant que représentants de l’État, dans le travail sur la répartition des chaires et des promotions. Il ne s’agit absolument pas pour eux de recruter qui que ce soit. C’est d’ailleurs une preuve supplémentaire qu’il y aura bien des chaires de professeur junior partout où les établissements voudront se saisir de ce statut.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, il y a un problème de fond avec les docteurs et la haute fonction publique. Nous sommes le pays du monde où le pourcentage de docteurs est le plus faible dans la haute fonction publique. Il y a là un problème éminent, qu’a mis en lumière M. Frédéric Thiriez dans un rapport qui a été enterré immédiatement après publication – dès qu’on touche aux corps de la haute fonction publique, on fait face à un mur.
Pour revaloriser le doctorat et pour envoyer un signal fort aux étudiants en leur indiquant qu’il pourrait y avoir de nouveaux débouchés destinés aux docteurs, nous avons besoin aujourd’hui de prendre des mesures contraignantes permettant l’accroissement du nombre de docteurs dans la haute fonction publique. C’est absolument indispensable.
Par ailleurs, cela ferait beaucoup de bien à la haute fonction publique, comme cela fait beaucoup de bien au Sénat que des titulaires du doctorat deviennent, de temps à autre, sénateurs. (Sourires.)
M. le président. On n’est jamais mieux servi que par soi-même… (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Même à une heure du matin, la tradition bonapartiste continue de régner sur le Sénat. On observe nettement un frottement, ici, entre, d’une part, la tradition des grands corps de l’État, et, d’autre part, le plus haut niveau académique, celui du doctorat.
Je suis assez sensible, de ce point de vue, aux propos de Pierre Ouzoulias comme à l’amendement de Stéphane Piednoir. Il s’agira bel et bien pour notre pays, un jour, de donner aux docteurs et au doctorat la place qu’ils méritent, parce qu’il s’agit du plus haut niveau académique. Ce n’est pas tout à fait, certes, la tradition française : celle-ci privilégie plutôt une tutelle, celle que Bonaparte avait su mettre sur l’université, s’affranchissant d’ailleurs, en la matière, des traditions antérieures et des autres modèles européens.
Je pense en tout cas que ce débat est important. Pierre Ouzoulias, tout à l’heure, râlait au sujet d’un amendement voté à une heure tardive ; mais, après tout, c’est ainsi que la République fut votée, par amendement. Et j’étais en parfait accord avec le sous-amendement de Stéphane Piednoir.
Ici, en revanche, il y a vraiment débat : il y va de la place des docteurs dans notre société et dans notre État. Et, madame la rapporteure, je suis désolé de devoir vous abandonner un peu pendant quelques minutes…
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Il ne s’agit nullement de remettre en cause la légitimité, l’efficacité ou la crédibilité des actuels directeurs d’établissements de recherche. Il s’agit de soutenir une disposition destinée aux futurs candidats, ce qui laisse le temps de mettre les choses en place et ne remet nullement en cause, je le répète, la situation de ceux qui occupent ces postes de direction aujourd’hui – précision utile, me semble-t-il.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je trouve moi aussi ce sujet très important. Sont en jeu à la fois la grande tradition bonapartiste et le poids qu’ont les gens issus de la structure des grandes écoles par rapport aux docteurs. S’agissant de la direction d’unités de recherche, exiger le doctorat me paraît tout à fait légitime, mais, plus fondamentalement, lorsque – souvenez-vous – le Président de la République a dit qu’il fallait supprimer l’École nationale d’administration (ENA), la question posée était, derrière cette idée, celle des formes de recrutement donnant accès aux responsabilités diverses et variées de la République.
Il n’est pas acceptable que les docteurs, tant dans les entreprises que dans la haute fonction publique, soient insuffisamment reconnus. Ce clivage historique entre l’université et les grandes écoles n’est pas positif ; il me paraît fondamental d’envoyer un signe dans le sens d’une exigence de valorisation des docteurs, s’agissant en particulier de promouvoir leur accès à l’ensemble des postes à responsabilité, notamment aux directions d’établissements de recherche.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Chacun, bien sûr, sera maître de son vote ; je tiens à préciser néanmoins que ces trois amendements ne sont pas tout à fait identiques, même si leur philosophie respective est sans doute assez proche : des petites différences de rédaction les distinguent. Il me semble que l’amendement n° 127 rectifié est un peu plus précis que les autres ; l’ajout de la date du 1er janvier 2023, notamment, dont Stéphane Piednoir a fait état dans sa dernière prise de parole, pourrait éviter des malentendus avec certaines personnes…
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
Article 6
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 431-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 431-6. – Dans les établissements publics de recherche, dans les établissements publics d’enseignement supérieur et dans les établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche mentionnés à l’article L. 112-6, un agent peut être recruté, pour contribuer à un projet ou une opération de recherche identifiée, par un contrat de droit public dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération.
« Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée après un appel public à candidatures et selon une procédure de recrutement permettant de garantir l’égal accès à ces emplois.
« Par dérogation aux dispositions de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, le contrat prend fin avec la réalisation du projet ou de l’opération de recherche, après un délai de prévenance fixé par décret en Conseil d’État. Dans ce cas, l’employeur justifie de l’arrêt effectif de l’activité de recherche associée au projet. Cette dernière ne peut être poursuivie par le recours à de nouveaux contrats portant sur des missions similaires. Le contrat peut être également rompu lorsque le projet ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser. Sauf au cours de la période d’essai ou en cas de faute disciplinaire de l’agent, l’employeur ne peut rompre le contrat pendant la première année pour quelque motif que ce soit.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment la nature des projets ou opérations de recherche pouvant bénéficier d’un tel contrat, les modalités de recrutement et de rupture du contrat, les modalités d’accompagnement des salariés dont le contrat s’est achevé ainsi que les modalités de mise en œuvre d’une indemnité de rupture lorsque le projet ou l’opération ne peut pas se réaliser. »
II. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, un rapport évaluant le recours au contrat défini à l’article L. 431-6 du code de la recherche.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Nous nous apprêtons à discuter d’un dispositif assez symptomatique du risque de précarisation des chercheurs. Concrètement, en effet, le CDI de mission scientifique n’a de CDI que le nom…
En réalité – pourquoi pas ? –, il prend fin lorsque le projet ou l’opération est réalisé. Mais il peut être rompu à n’importe quel moment si ledit projet ou ladite opération ne peut être mené à son terme, sans qu’aucune contrepartie soit fixée dans la loi.
À l’alinéa 5 n’est évoqué vaguement qu’un décret en Conseil d’État censé déterminer « les modalités […] de rupture du contrat, les modalités d’accompagnement des salariés dont le contrat s’est achevé ainsi que les modalités de mise en œuvre d’une indemnité de rupture lorsque le projet ou l’opération ne peut se réaliser. »
Il s’avère en outre pertinent de s’interroger, à l’instar du Conseil d’État, sur la nécessité de créer un énième contrat dérogatoire. En l’état du droit existent déjà les contrats de chantier et les contrats de projet qui, dans leur philosophie, peuvent être apparentés au CDI de mission scientifique. Ainsi eût-il été préférable d’élargir le périmètre de ces contrats de chantier, en les ouvrant et en les adaptant par exemple à l’ensemble des établissements publics, ou, mieux, de transformer les contrats de projet en contrats à durée indéterminée, plus protecteurs, quitte à modifier leurs bornes temporelles et à permettre d’aller au-delà des six ans actuellement inscrits dans la loi.
Cette solution, sans même évoquer celle de la titularisation des chercheurs, qui va de soi, aurait eu le mérite d’être adaptée au monde de la recherche, y compris à celui de la recherche publique, tout en permettant d’éviter l’écueil de la précarisation.
D’une manière générale, l’absence patente d’encadrement législatif des contrats créés par ce projet de loi n’est vraiment pas souhaitable ni acceptable. La recherche ne peut progresser selon une logique de contrats courts ; nous l’avons tous dit : elle a besoin de stabilité, de permanence, de visibilité, comme en ont besoin nos chercheurs, nos enseignants et nos doctorants.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 30 rectifié est présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 94 est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 186 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié.
M. Christian Redon-Sarrazy. Nous sommes opposés à la création du contrat de mission scientifique, qui crée un nouveau statut contractuel précaire. Ce contrat n’a la forme d’un CDI qu’en théorie, puisqu’il sera limité à la durée aléatoire d’un projet et pourra être rompu, dans certains cas, sans que l’agent perçoive d’indemnités. Par dérogation au droit commun de la fonction publique, un tel contrat pourra être rompu à la fin de la réalisation du projet ou lorsque celui-ci ne pourra se réaliser. Le délai de prévenance au terme duquel le contrat pourra être rompu pour achèvement du projet n’est même pas fixé par le législateur, mais le sera par le pouvoir réglementaire.
Toutes les instances représentatives du secteur, que ce soit le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), le comité technique des personnels enseignants titulaires et stagiaires de statut universitaire (CTU), le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE) ou la Confédération des jeunes chercheurs (CJC), se sont prononcées contre ce nouveau statut, et le Conseil d’État a émis de fortes réserves face à « la multiplication des possibilités déjà nombreuses » – je citerai les contrats « LRU », ou loi relative aux libertés et responsabilités des universités, les contrats de chantier, les contrats de projet, qui ont déjà été évoqués – « de recruter des agents contractuels sans qu’il soit possible de dégager des critères simples et clairs ».
L’eurocompatibilité de ce CDD déguisé en CDI est également discutable, et ce nouveau statut ne répond pas à l’impératif de stabilité posé pour les emplois de chercheur. Faire reposer un CDI sur la durée d’un projet de recherche, par nature aléatoire – on cherche, mais on ne sait pas quand on trouvera – et dont les financements ne sont pas toujours au rendez-vous, est absolument contre-nature.
Nous sommes donc totalement opposés à ce nouvel instrument de précarisation des chercheurs confirmés, car, en l’espèce, les contrats ne s’adressent pas à des doctorants ou à des postdoctorants, mais bien à des chercheurs qui, après dix ans d’études et de recherche leur ayant permis d’acquérir titres et diplômes et de faire leurs preuves, peuvent légitimement aspirer à un véritable emploi stable, répondant réellement aux critères d’un CDI de droit commun.
Nous souhaitons donc supprimer cet article, qui n’offre aux chercheurs qu’un nouvel outil de précarisation.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 94.
M. Pierre Ouzoulias. Au titre des missions que j’ai conduites pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), j’ai interrogé à plusieurs reprises des collègues américains, biologistes, qui avaient choisi d’être recrutés par le CNRS. S’ils ont fait ce choix, ce n’est pas pour le salaire, qui est bien inférieur à celui qu’ils auraient pu toucher aux États-Unis, ni même pour l’environnement, qui est absolument catastrophique.
Pourquoi donc, leur ai-je demandé, étaient-ils venus en France, et pourquoi avaient-ils postulé aux concours de la fonction publique ? Ils m’ont répondu très simplement : pour la liberté – la liberté de faire sa recherche selon son rythme, la liberté de ne pas être soumis à la logique incessante de la poursuite des contrats. Cette liberté, m’ont-ils dit, c’est ce qui leur permet de prendre des risques scientifiques et de faire aboutir des recherches qui constituent des avancées majeures. Pour arriver à de tels résultats, il faut aussi, de temps en temps, une recherche « inutile », comme le disait le professeur Serge Haroche.
Ce que doit offrir la recherche française, à défaut de rémunérations et d’équipements à la hauteur de ce à quoi pourraient prétendre les chercheurs que nous embauchons – elle n’en a pas les moyens –, c’est cette liberté que donne encore la fonction publique, au contraire du modèle anglo-saxon que vous décriviez, madame la ministre : celle d’un cadre protecteur garantissant une recherche de qualité.
Ce que l’on est en train de créer, c’est une forme de sous-prolétariat de la recherche. C’est à la fois le statut du chercheur et le statut de la science qu’on attaque. Faites attention ! Le jour où le chercheur sera traité comme un employé de votre garagiste, c’est la reconnaissance de la valeur même de la science qui sera compromise.
Par ailleurs, je remarque que cette disposition est contraire à la directive européenne du Conseil du 28 juin 1999, dont la clause 5 demande aux États membres de définir « la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ».
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 186.
Mme Monique de Marco. L’article 6 prévoit la création d’un contrat à durée indéterminée de droit public dit CDI de mission, dont l’échéance est la réalisation d’un projet scientifique. Durée indéterminée, mais avec échéance : l’antinomie de l’intitulé n’aura échappé à personne… Il s’agit bel et bien, en effet, d’un CDD qui ne dit pas son nom, d’une couche de précarité supplémentaire qui rogne un peu plus la règle de la titularisation des personnels œuvrant pour la recherche publique.
Le projet de loi prévoit la création de ces postes pour « renforcer l’attractivité des métiers scientifiques ». Mais quelle attractivité peut-on bien générer dès lors que l’on fragilise les parcours, que l’on précarise les personnels, qu’on leur refuse la tranquillité statutaire de mener leurs travaux dans les meilleures conditions ?
Ce nouveau CDI n’en a que le nom, comme je le disais ; il porte en lui le risque d’enfermer des personnels sous ce statut via la menace permanente de sa rupture. L’employeur peut en effet y mettre un terme dès lors que le projet ou l’opération pour laquelle ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser.
Pour toutes ces raisons, et parce que mon groupe souhaite renforcer et non pas amoindrir la stabilité des parcours professionnels de la recherche, nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Il nous semble quand même que ce nouveau contrat de mission scientifique permettrait aux établissements publics de recherche de recruter des chercheurs pour la durée d’un projet susceptible de se dérouler sur une période supérieure à celle d’un CDD, soit plus de six ans. Plutôt que d’être embauché sur des CDD successifs pour une même activité, le chercheur se verrait ainsi proposer un seul contrat initial qui se poursuivrait jusqu’à l’achèvement du projet de recherche. Ce cadre est plus sécurisant et plus respectueux des compétences que ne l’est le système actuel.
Ce contrat éviterait en outre les complications administratives auxquelles sont confrontés les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) lors des processus habituels de renouvellement des CDD. La commission a tenu à sécuriser le dispositif en introduisant une durée minimale en deçà de laquelle l’employeur ne peut pas mettre fin au contrat.
Avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je vais prendre un petit peu de temps pour réexpliquer l’objectif de ces CDI de mission scientifique.
Que se passe-t-il aujourd’hui lorsqu’une équipe décroche un contrat de recherche européen d’une durée de douze ans – prenons cet exemple ? Les ressources mobilisées sont des ressources propres, puisqu’elles proviennent de l’Europe et non pas de la subvention pour charges de service public. Or on ne peut pas créer d’emploi de titulaire à partir de ressources financières qui ne proviennent pas de ladite subvention. Que peuvent donc faire les établissements ? Actuellement, ils peuvent créer des CDD, qu’ils peuvent faire durer jusqu’à six ans. Au terme de ce laps de temps, s’ils veulent garder la personne, ils peuvent l’embaucher en CDI, ce qui signifie que le poste est désormais financé, en lieu et place d’un emploi de titulaire, sur les crédits afférents à la subvention pour charges de service public.
Actuellement, les établissements sont tentés de garder les personnels concernés jusqu’à la limite des six ans puis, une fois atteinte l’échéance, de ne pas renouveler leur CDD, éventuellement de leur demander de passer six mois ou un an au chômage avant de pouvoir les réembaucher sur un CDD, ce qui fait tomber le droit à « CDIsation ». Nous proposons que les ingénieurs ou les techniciens puissent plutôt être recrutés pour douze ans lorsqu’un contrat de recherche est financé pour douze ans, et qu’ils puissent l’être sur un contrat de travail qui portera le nom de CDI. Par définition, en effet, ce qui n’est pas déterminé est indéterminé, et comme les projets peuvent durer huit, dix, douze, parfois jusqu’à quinze ans, il s’agit forcément de contrats à durée indéterminée.
J’ajoute que les établissements n’ont évidemment aucun intérêt à perdre les compétences de ces techniciens ou de ces ingénieurs qui ont fait leurs preuves sur un projet de recherche, notamment lorsqu’il s’agit d’animer des grandes plateformes ou de construire des bases de données. Si un nouveau projet de recherche exige de maîtriser ces mêmes compétences, la même personne pourra donc évidemment être auditionnée et recrutée dans le cadre de ce contrat particulier que sera le CDI de mission, dont le financement pourra être adossé à des fonds propres.
Les établissements ne peuvent pas recruter en CDI sur subvention pour charges de service public les personnes qu’elles paient sur ressources propres grâce aux contrats européens – c’est l’exemple que j’ai pris ; c’est la même chose pour les contrats public-privé et pour tout un tas d’autres financements sur ressources propres. Ce nouveau contrat, donc, sécurise et « déprécarise » des personnels qui, actuellement, voient leur CDD s’arrêter sans que rien leur soit proposé, parce que les établissements ne veulent pas remplacer les emplois de titulaires par des CDI et parce qu’ils ne veulent pas utiliser leur subvention pour charges de service public pour recruter des personnels à long terme, alors que ces personnels ont été recrutés pour un projet de recherche d’une durée de douze ans, si je poursuis sur l’exemple que j’ai pris.
Il ne s’agit donc en aucun cas de précarisation ; il s’agit au contraire de pallier les manques qui existent actuellement pour ces personnes qui doivent arrêter leur activité à la fin de leur CDD, lequel ne peut jamais excéder six ans, pour les raisons que je viens d’évoquer.
Avis défavorable sur ces trois amendements – mais il me semblait important de décrire la situation actuelle, contre laquelle nous souhaitons lutter.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la ministre, nous avons bien entendu vos arguments. Mais le dispositif que vous êtes en train de promouvoir n’est autre qu’une installation durable des agents dans la précarité. Il ne s’agit peut-être pas de précarisation, puisque ceux-ci sont manifestement, pour une part, déjà précaires ; mais le système que vous proposez pour répondre à cette précarité n’offre pas de garanties dans la durée aux chercheurs.
C’est bien, les programmes de recherche. Mais derrière ces programmes, il y a avant tout des chercheurs ! Or on ne traite pas les chercheurs comme des kleenex qu’on utilise pour un seul projet – c’est aussi cela qui démoralise nos chercheurs. Quand on fait le point sur votre projet de loi, on observe qu’il prévoit 15 000 emplois précaires supplémentaires, c’est-à-dire une augmentation de 10 % de tels emplois ; dans le même temps, du côté des postes sous plafond, qui ne sont d’ailleurs pas toujours statutaires, l’augmentation est bien plus modeste.
On voit bien globalement, donc – c’est, au reste, ce que le monde de la recherche et des chercheurs nous dit –, que ce projet de loi va inscrire dans le marbre, voire accroître, la précarité, ce qui ne peut qu’affaiblir notre recherche et nos chercheurs.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que lorsqu’on demande aux prix Nobel français qui sont issus du CNRS – ce nom n’évoque peut-être à certains que des soupçons de « bureaucratie », mais beaucoup de nos lauréats en sont issus, même si tel n’est pas le cas de la dernière – comment ils ont pu atteindre leurs objectifs, et ce qu’ils doivent au CNRS, ils mettent justement en avant trois critères qui sont pour eux déterminants : la durée et la stabilité de leur emploi ; la liberté dans la conduite de leur recherche ; la possibilité de mener des recherches sur des champs qui, sans avoir été jugés prioritaires au départ, ont fini par s’avérer beaucoup plus féconds que certains autres champs qui, eux, avaient été jugés prioritaires mais n’ont abouti qu’à des résultats modestes.
Il faut plutôt la consolider cette philosophie de la recherche française. Je suis donc pour le recul de la contractualisation et contre ces nouveaux contrats.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’ai compris, au fil des auditions que nous avons menées, qu’il était parfaitement possible que quelqu’un soit recruté vers 35 ou 37 ans et enchaîne ensuite trois contrats de dix ans. C’est ce que les opérateurs nous ont dit : c’est une facilité qu’ils demandent.
Quand vous enchaînez trois contrats de chantier, vous n’avez plus de carrière, plus de droit à la mobilité, plus de droit à la formation, plus de droit à rien, ce qui est quand même une forme de précarité.
Par ailleurs, sur le fond, il y aurait, dans l’enseignement supérieur et la recherche, des formes de rigidité, et il faudrait fluidifier, par les contrats, la capacité des opérateurs à mieux employer des personnes sous contrat, donc non titulaires.
Mais quand on regarde la réalité des chiffres, on constate qu’il y a, dans l’enseignement supérieur et la recherche 50 % de précaires ! C’est bien que, manifestement, il n’y a pas beaucoup de rigidités. Si un salarié sur deux est sous contrat précaire, c’est qu’il est inutile de continuer à fluidifier, c’est que nous sommes arrivés à un niveau qui est déjà inacceptable.
Vous avez repris l’opposition fondamentale, que je crois pertinente, entre le modèle anglo-saxon et le modèle français. Le modèle français est fondé sur le service public, sur la fonction publique : les missions de service public sont d’abord et prioritairement assurées par des fonctionnaires. C’est l’un des grands mérites du Conseil national de la résistance que d’avoir jeté les bases de ce modèle en 1945 – vous me permettrez d’y rester attaché. Cet élément est déterminant : c’est ce qui fait l’indépendance du fonctionnaire et, en l’espèce, du chercheur ; et c’est ce qui fait, surtout, sa capacité à être au service de l’intérêt général.
Ce que vous nous proposez, c’est le modèle anglo-saxon ; c’est celui que nous refusons. C’est précisément pour cette raison que nous voterons contre cette disposition.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 rectifié, 94 et 186.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 227, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Après les mots :
ou en cas
insérer les mots :
d’insuffisance professionnelle, d’inaptitude physique ou
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agit d’un amendement de précision, dont l’objet est d’ajouter à la liste des exceptions à l’impossibilité de rompre le contrat de projet les cas d’insuffisance professionnelle et d’inaptitude physique, comme c’est le cas dans le droit commun applicable aux personnels contractuels.
Un mot pour répondre à ce qui vient d’être dit : oui, bien sûr, nous devons augmenter le nombre de personnes recrutées sous contrat, notre objectif étant que 100 % des doctorants puissent avoir un contrat ; tant qu’à faire, donc, autant le prévoir.
Monsieur Ouzoulias, je suis ravie que nos doctorants aient un contrat de travail. Je pense que c’est bien mieux ainsi et qu’il y a, là aussi, un modèle français que nous devons préserver. Ce contrat de travail des doctorants n’est certes pas un contrat définitif. Vous le qualifiez de « précaire » ? Je le qualifie, moi, de très sécurisant pour les doctorants qui travaillent en France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis favorable.
M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
Nous avons examiné 94 amendements au cours de la journée ; il en reste 125.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 29 octobre 2020 :
À dix heures trente :
Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 52, 2020-2021).
À quatorze heures trente et le soir :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (texte de la commission n° 79, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 29 octobre 2020, à une heure trente.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Sophie Primas, M. Pierre Cuypers, Mme Kristina Pluchet, M. Pierre Louault, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Claude Tissot et Frédéric Marchand.
Suppléants : MM. Bruno Belin, Patrick Chaize, Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga, Franck Montaugé, Henri Cabanel et Fabien Gay.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
chef de publication