Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je partage les recommandations du rapporteur.
Monsieur le sénateur Gay, malgré son caractère exceptionnel, la situation actuelle ne permet pas d’envisager une interdiction générale et absolue de toute rupture des contrats de travail. Je connais – comme vous, je suppose – des entrepreneurs qui pleurent lorsqu’ils doivent licencier. Vous évoquez les grands groupes, mais la situation est plus compliquée.
L’activité partielle et les aides que le Gouvernement a activées pendant cette période ont permis de protéger, non pas seulement les entreprises, mais également les salariés. Soyez assuré que le Gouvernement sera vigilant partout sur le territoire à ce qu’aucun abus de ce type ne soit pratiqué dans ces circonstances, ce qui serait déplorable.
Par son caractère trop général, l’interdiction des suspensions de contrat de travail que l’amendement n° 75 rectifié vise à introduire risquerait de porter atteinte aux causes de suspension qui font l’objet d’un régime juridique protecteur.
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 50, 51 et 75 rectifié.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. C’est la quatrième fois que nous avons ce débat.
M. Philippe Bas, rapporteur. On l’avait aussi dans les années 1970 !
M. Fabien Gay. Mais nous allons continuer, madame la ministre, parce que, quand je vous écoute – pas d’interdiction des licenciements, pas de contrôle a posteriori des licenciements, pas de contrôle des aides publiques et même pas d’évaluation de ces aides –, je comprends que, dans cette période, les entreprises ont tous les droits mais pas beaucoup de devoirs.
Il est un peu facile de botter en touche comme vous l’avez fait, monsieur le rapporteur. Je parle bien des grands groupes, et non des PME, des petits artisans et des commerçants, que nous soutenons.
M. Philippe Bas, rapporteur. Non !
M. Fabien Gay. Si ! Nous avons fait beaucoup de propositions pour les aider, et nous en ferons encore dans le PLF.
Il reste que les grands groupes comme General Electric, qui a profité de la crise pour supprimer un millier d’emplois, sachant que cette suppression était déjà prévue avant la crise, McAfee, Airbus ou Renault – la liste est tellement longue que nous pourrions y passer toute la nuit – sont en train de faire payer la crise. Prenons aussi l’exemple de Bridgestone : il faudra bien que nous légiférions pour récupérer l’argent, car nous ne disposons actuellement d’aucun moyen législatif de le faire.
Je souhaite vous poser deux questions extrêmement précises sur le chômage partiel, madame la ministre.
Compte tenu des fraudes constatées, Mme la ministre Borne avait commencé un contrôle sur le chômage partiel. Pendant la crise, la proportion d’entreprises qui ont activé le chômage partiel en continuant à faire travailler leurs salariés était de une sur trois. Les chiffres qui nous ont été communiqués au mois de juillet étaient assez inquiétants. Depuis, nous n’avons plus de nouvelles des contrôles effectués. Où en sommes-nous ?
Par ailleurs, le chômage partiel de longue durée a été activé. C’est une bonne chose, même si, malgré l’accord signé par les salariés et les syndicats, nous continuons de penser que, 84 % du salaire, ce n’est pas assez. Notre groupe continue à pousser pour porter l’indemnisation à 100 %, car ce n’est pas aux salariés de payer la crise. Nous avons toutefois une vraie inquiétude, car nous constatons qu’un certain nombre d’entreprises dont le carnet de commandes est différé mais toujours plein, notamment chez les sous-traitants aéronautiques, préfèrent licencier plutôt que d’activer ce chômage partiel de longue durée.
Mme le président. Merci, cher collègue !
M. Fabien Gay. Il faut que le Gouvernement ait une vraie discussion…
Mme le président. Merci !
M. Fabien Gay. … avec ces entreprises.
Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Ces trois amendements tendent à éviter la fraude au chômage partiel. Permettez-moi de rappeler que nous avions voté ici même, au Sénat, l’interdiction des aides aux entreprises qui avaient des filiales directes ou indirectes dans les paradis fiscaux. Cette disposition ayant sauté lors des travaux de la commission mixte paritaire, elle a fait l’objet d’une circulaire. Vous conviendrez que la valeur juridique d’une circulaire n’est pas tout à fait la même que celle d’une loi.
S’agissant des contrôles a posteriori, madame la ministre, nous avons bien compris qu’il fallait aller vite devant cette situation totalement inédite, mais celle-ci perdure. Quelque 25 000 à 30 000 contrôles ont été effectués, mais, puisque la situation perdure, il faut désormais effectuer des contrôles a priori.
Lors d’une discussion précédente, j’avais moi aussi déposé un amendement visant à rétablir l’autorisation administrative de licenciement. Ce n’était pas une vraie autorisation administrative de licenciement, mais plutôt un contrôle du chômage partiel, dispositif qui va tout de même nous coûter une fortune.
Dans quelques jours, nous examinerons le PLFSS, puis, juste après, le PLF. Nous aurons de nouveau cette discussion, car il n’est pas possible de donner des millions – notre collègue Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », va faire des sauts de carpe compte tenu de ce que nous coûtent les dispositifs…
M. Jérôme Bascher. Pas tant que ça !
Mme Nathalie Goulet. Quoi qu’il en soit, nous avons un endettement extravagant, et il nous faudra bien contrôler ces dépenses.
Ces amendements sont peut-être mal rédigés, ce n’est pas le bon moment, etc., mais le sujet reste entier – nous en avons longuement débattu avec Mme Pannier-Runacher – : il est nécessaire d’établir un contrôle a priori des licenciements et du chômage partiel.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. On comprend les bonnes intentions qui ont présidé au dépôt de ces amendements, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions.
J’observe une très grande différence entre la rédaction de votre amendement, mon cher collègue, et votre exposé oral. Vous évoquez oralement les grands groupes, mais, si nous adoptions votre amendement, la disposition qu’il vise à introduire s’appliquerait à toutes les entreprises, y compris, comme l’ont souligné M. le rapporteur et Mme la ministre, aux toutes petites entreprises. Ce serait quelque chose de très négatif pour l’activité.
Nos entreprises sont dans une situation difficile, et aucun chef d’entreprise, que ce soit le dirigeant d’une petite entreprise ou d’un grand groupe, ne licencie par plaisir. Or, dans tous les pays qui ont introduit des rigidités de cette nature, on a constaté, non seulement que ces mesures étaient inefficaces économiquement, mais qu’elles pouvaient même, à certains égards, être dangereuses socialement.
Nous devons adopter une position de sagesse. Comme l’a indiqué notre collègue Nathalie Goulet, peut-être faudra-t-il contrôler l’utilisation du chômage partiel pour prévenir certains abus qui peuvent être choquants, mais, en tout état de cause, nous ne devons pas opter pour des schémas administrés. Il y aura toujours de bonnes personnes qui, avec de bonnes intentions, voudront pérenniser ces schémas une fois que nous serons sortis de la crise, alors que nous aurons pu constater qu’ils sont économiquement contre-productifs et socialement inefficaces.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Monsieur le rapporteur, je ne partage pas votre conviction que toutes les entreprises souffrent de près ou de loin de la situation actuelle, même s’il est vrai que beaucoup souffrent terriblement et que les conséquences seront dramatiques pour les salariés. Certaines entreprises – Le Monde publie aujourd’hui un article sur ce sujet – vont tirer leur épingle du jeu.
Nous ne sommes pas simplement de doux rêveurs mus par de bonnes intentions ; nous évitons aussi d’être naïfs. J’en veux pour preuve les chiffres, qui sont terribles. J’ai d’ailleurs des exemples dans mon entourage – je suis certaine que, pour la plupart, vous en avez aussi, mes chers collègues – de fraudes au chômage partiel. Les grands groupes ne sont pas les seuls concernés : de petites et moyennes entreprises ont continué à faire travailler du personnel tout en percevant le chômage partiel.
Il ne faut pas jeter l’opprobre sur toutes ces entreprises qui souffrent actuellement. La plupart ne souhaitent pas se séparer de leurs salariés, et, lorsqu’elles y sont conduites, elles le font avec énormément de ressentiment. Pour autant, il ne faut pas être naïf : nous savons que certaines d’entre elles tirent leur épingle du jeu.
Nous sommes dans une situation d’urgence. Les dispositions que nous proposons seront donc effectives pour une période délimitée. Je n’entends pas rétablir l’autorisation administrative de licenciement définitivement – même si cela pourrait se discuter dans certains domaines –, mais pour cette période durant laquelle nous devons protéger, certes les entreprises, mais aussi les salariés.
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Mon collègue Fabien Gay propose aussi une aide pour les finances de l’État, madame la ministre. Dans quelques semaines, nous devrons affronter 210 ou 220 milliards d’euros de déficit de l’État.
M. Jérôme Bascher. Au moins !
M. Pascal Savoldelli. Vous comprendrez que les parlementaires que nous sommes regardent où va l’argent public.
Il arrive que, dans cet hémicycle, l’un d’entre nous, pris de passion, attribue la propriété de telle ou telle question, comme celle des entreprises, à un camp politique. Les difficultés des entreprises n’appartiennent pourtant à aucun groupe politique, pas plus que le constat que beaucoup d’entreprises vont mal.
Les exemples qu’a donnés Fabien Gay se retrouvent dans la situation de la dette privée, madame la ministre. La dette privée atteint – le savez-vous ? – plus de 150 %. Cela traduit certes des choix d’entreprises, mais aussi le hold-up que les marchés financiers opèrent sur nos entreprises.
Dans ce contexte, vous comprendrez que nous soyons amenés à poser la question de la conditionnalité des aides publiques aux entreprises. Vous allez me répondre que c’est difficile. Bien sûr que c’est difficile, mais alors que la dette des entreprises progressait de 2,1 % dans la zone euro, elle progressait de 6,4 % en France !
C’est pourquoi, comme l’a indiqué mon collègue, mon groupe considère qu’il faut davantage taper sur la table pour dénoncer certaines stratégies d’entreprise, mais aussi pour demander des comptes et un retour de l’argent public. Cet argent a été mal utilisé, au bénéfice d’actionnaires trop gourmands. Au Sénat, nous faisons souvent des comparaisons européennes, donc je répète les chiffres : 6,4 % de hausse de la dette privée en France, contre 2,1 % dans l’ensemble de la zone euro.
Mme le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Par dérogation à l’article L. 411-11 du code de la sécurité intérieure, la durée maximale d’affectation des réservistes mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 411-7 du même code est portée, pour l’année 2021 :
1° Pour les retraités des corps actifs de la police nationale, à deux cent dix jours ;
2° Pour les autres réservistes volontaires, à cent cinquante jours ;
3° Pour les réservistes mentionnés au 2° du même article L. 411-7, à deux cent dix jours.
II. - Le contrat d’engagement des réservistes mentionnés aux 2° et 3° du I du présent article peut être modifié, par la voie d’un avenant, pour tenir compte de l’augmentation des durées maximales d’affectation conformément au même I.
Il ne peut être procédé à la modification du contrat d’engagement du réserviste salarié dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II qu’après accord de son employeur.
III. - Les I et II du présent article sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 445-1, L. 446-1 et L. 447-1 du code de la sécurité intérieure.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Cet amendement vise à permettre la prolongation du nombre maximal de vacations pouvant être effectuées en 2021 dans la réserve civile de la police nationale. Il s’agit ainsi de renforcer les capacités opérationnelles des missions de sécurité intérieure de la police nationale pour faire face à l’épidémie de covid-19.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement inspire beaucoup de sympathie à la commission, parce qu’il reprend une disposition que nous avions pris l’initiative d’inscrire dans un texte de loi portant diverses mesures d’urgence dont le rapporteur était Mme Muriel Jourda. Vous proposez de prolonger les effets de cette disposition en 2021. Je m’en réjouis. L’avis est donc favorable.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 quaterdecies.
Article 4
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger ou de rétablir l’application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d’ordonnance et à procéder aux modifications strictement nécessaires à leur prolongation, à leur rétablissement ou à leur adaptation, le cas échéant territorialisée, à l’état de la situation sanitaire, sur le fondement :
1° Du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, à l’exception :
a) (nouveau) Des quatrième à neuvième, onzième et douzième alinéas du b et des c à h du 1° ;
b) (nouveau) Des a à h et des j et l du 2° ;
c) (nouveau) Des 5° et 8° ;
1° bis (nouveau) Du f du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée en ce qui concerne les seuls contrats de la commande publique qui ne relèvent pas du code de la commande publique et les contrats publics emportant occupation du domaine public ;
2° De l’article 1er de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, à l’exception du 3° du I.
Les mesures mentionnées aux 1°, 1° bis et 2° du présent I peuvent entrer en vigueur, si nécessaire, à compter de la date à laquelle les dispositions qu’elles rétablissent ont cessé de s’appliquer et dans la mesure nécessaire à la continuité du bénéfice de droits et prestations ouverts par ces dispositions et relevant des collectivités publiques.
I bis (nouveau). – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à élargir le champ des créances couvertes par l’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 du code du travail.
II. – En outre, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi et permettant, en tant que de besoin, de rétablir ou, lorsque cela est strictement nécessaire, d’adapter à l’état de la situation sanitaire, le cas échéant de manière territorialisée, les dispositions, notamment les périodes d’application ou périodes d’ouverture des droits, résultant :
1° (Supprimé)
2° De l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 ;
3° Des articles 41 et 52 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 précitée.
II bis (nouveau). – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger ou de rétablir l’application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d’ordonnance sur le fondement :
1° Du l du 2° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;
2° De l’article 36 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
III. – (Supprimé)
III bis. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation et afin d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’exercice des compétences des établissements publics de santé et des établissements de santé privés mentionnés aux b et c de l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 31 janvier 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi :
1° Dérogeant aux règles de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements de santé s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes, de leurs exécutifs et de leurs instances représentatives du personnel ;
2° Dérogeant ou adaptant les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que ces établissements de santé sont tenus de déposer ou de publier, notamment celles relatives à l’obligation de certification et aux délais, ainsi que celles relatives à l’affectation du résultat ;
3° Dérogeant ou adaptant les règles d’adoption et d’exécution des budgets ainsi que de communication des informations indispensables et d’analyse de leurs activités prévues par la loi.
IV. – (Supprimé)
V. – (Non modifié) Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai d’un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Mme le président. La parole est à Mme Nadège Havet, sur l’article.
Mme Nadège Havet. Je salue les mesures économiques et sociales contenues dans l’article 4 du projet de loi, y compris dans sa version initiale.
Je pense aux mesures relatives à la prolongation du dispositif d’activité partielle et du fonds de solidarité pour les entreprises en difficulté, à propos desquels le Premier ministre a fait des annonces importantes cet après-midi.
Je pense également aux mesures relatives aux gardes d’enfants et à la continuité de l’accompagnement des personnes en situation de pauvreté. Ces mesures, dans un esprit partagé avec les mesures sanitaires décidées par ailleurs, ont une ambition cardinale : protéger les plus fragiles dans la période que nous vivons.
Je pense enfin aux mesures permettant d’assouplir les modalités de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs organes délibérants ; elles sont de nature à garantir la continuité de l’action publique locale.
Sur le fond, nous ne pouvons que soutenir ces dispositifs. Je pense que nous nous accordons tous sur ce point.
Pour ce qui concerne la méthode, il est essentiel de bien situer le débat. Je le répète, en tant que législateur, il ne nous est pas agréable de consentir à des habilitations. Quoique nous soyons d’accord sur ce point, mes chers collègues, nous ne pouvons nous en tenir à ce constat.
Sur quoi nous prononçons-nous, alors que nous allons prochainement débattre d’un rétablissement de l’article 4 tel qu’adopté par l’Assemblée nationale ? Nous débattons d’habilitations qui portent, à l’exception de deux d’entre elles – l’une a d’ailleurs été confirmée par notre commission –, sur des mesures que nous connaissons déjà : soit parce qu’elles ont été prises par de précédentes ordonnances auxquelles nous avions consenti, soit parce qu’elles ont été adoptées conformes dans la loi du 17 juin 2020.
Les mots de « singulière désinvolture » figurant dans le rapport pour qualifier l’attitude du Gouvernement à l’égard du Parlement ne semblent donc pas adaptés au contenu effectif du texte visé. Le débat sur la méthode doit bien sûr se tenir, mais il est nécessaire de s’accorder sur son objet.
Mme le président. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’objet doit-il prévaloir sur la méthode ou la méthode doit-elle prévaloir sur l’objet ?…
Les auteurs du présent amendement sont opposés à cette méthode qui vise à recourir à l’article 38 de la Constitution. Le Parlement ne peut se laisser ainsi déposséder de ses prérogatives législatives. Il n’est pas acceptable que, dans le cadre de cette pandémie, les représentants de la Nation et des territoires soient exclus de la sphère décisionnelle.
L’exécutif ne s’est que trop livré à un exercice solitaire du pouvoir. Il est grand temps que le législateur retrouve sa pleine part dans le processus d’élaboration de la loi. Nous demandons donc la suppression de cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Vous avez raison : légiférer par ordonnance dans la période actuelle est encore plus choquant que d’habitude. Par conséquent, il faut y regarder de très près.
Précisément, si l’on regarde de très près, on fait un tri, tandis que votre amendement écarte toute possibilité d’accorder au Gouvernement la possibilité de légiférer par ordonnance. Or il y a des dispositions pour lesquelles nous pensons que c’est tout de même utile. C’est le cas pour l’aide aux entreprises, le chômage partiel, l’allongement des délais de paiement ou les règles de financement des hôpitaux, mais aussi pour l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux.
Nous partageons le même souci de faire respecter les droits du Parlement. La demande du Gouvernement, qui portait sur 70 habilitations, était vraiment tout à fait excessive. Nous avons donc pris des mesures pour réduire leur nombre à 30. Pour autant, nous ne pouvons pas supprimer toute habilitation dans la période actuelle. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je rejoins bien sûr l’avis du rapporteur sur certains points.
Le Gouvernement considère indispensable de disposer d’une autorisation pour rétablir ou prolonger certaines mesures d’accompagnement prises au printemps. À défaut, nous n’aurions aucune possibilité de répondre en temps utile à la crise sanitaire et ses multiples conséquences. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme le président. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger ou de rétablir l’application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d’ordonnance et à procéder aux modifications nécessaires à leur prolongation, à leur rétablissement ou à leur adaptation, le cas échéant territorialisée, à l’état de la situation sanitaire, sur le fondement :
1° Du I de l’article 11, à l’exception du h du 1° et des a, b, d, e et h du 2°, et de l’article 16 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;
2° De l’article 1er de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Les mesures mentionnées aux 1° et 2° du présent I peuvent entrer en vigueur, si nécessaire, à compter de la date à laquelle les dispositions qu’elles rétablissent ont cessé de s’appliquer et dans la mesure nécessaire à la continuité du bénéfice de droits et prestations ouverts par ces dispositions et relevant des collectivités publiques.
II. – En outre, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par ordonnances, jusqu’au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi et permettant, en tant que de besoin, de rétablir ou d’adapter à l’état de la situation sanitaire, le cas échéant de manière territorialisée, les dispositions, notamment les périodes d’application ou périodes d’ouverture des droits, résultant :
1° Des articles 10 et 13 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée ;
2° De l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 ;
3° Des articles 5, 6 et 12, des I à III de l’article 32 et des articles 36, 41, 45, 47, 48, 49 et 52 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 précitée.
III. – Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par ordonnances, jusqu’au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant d’adapter le champ de compétence de l’Autorité de régulation des transports aux fins d’homologuer les tarifs des redevances pour services rendus mentionnées à l’article L. 6325-1 du code des transports et leurs modulations et de rendre un avis conforme au ministre chargé de l’aviation civile sur les projets de contrats mentionnés à l’article L. 6325-2 du code des transports.
III bis. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu’au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’exercice des compétences des établissements publics de santé et des établissements de santé privés mentionnés aux b et c de l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale en prenant toute mesure :
1° Dérogeant aux règles de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements de santé s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes, de leurs exécutifs et de leurs instances représentatives du personnel ;
2° Dérogeant ou adaptant les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que ces établissements de santé sont tenus de déposer ou de publier, notamment celles relatives à l’obligation de certification et aux délais, ainsi que celles relatives à l’affectation du résultat ;
3° Dérogeant ou adaptant les règles d’adoption et d’exécution des budgets ainsi que de communication des informations indispensables et d’analyse de leurs activités prévues par la loi.
IV. – Les projets d’ordonnance pris sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire. Le présent IV est applicable aux ordonnances signées jusqu’au 31 décembre 2020.
V. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai d’un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
La parole est à Mme la ministre déléguée.