M. le président. Merci de conclure, cher collègue !
M. Jean-Jacques Michau. La capacité de résilience de notre agriculture est la clé de sa sauvegarde dans toute sa diversité. C’est dans ce sens que nous devons concentrer nos efforts. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, qui va naturellement respecter son temps de parole, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Bien entendu, monsieur le président ! Vous connaissez la concision de mes propos. (Sourires.)
Je n’ai pas pu assister à tout le débat qui a eu lieu avant la suspension de séance, parce que j’assistais à une visioconférence sur la covid-19 avec M. le préfet de la Haute-Marne. Je dois dire que ce sujet concerne beaucoup plus notre population que les néonicotinoïdes. (M. Guy Benarroche proteste.)
Cela étant, je voudrais poser une question importante à M. le ministre, que j’apprécie d’ailleurs, parce qu’il a très bien défendu son projet – que je soutiens –, celle de l’autorisation de mise sur le marché de ces produits.
Au fond, les néonicotinoïdes ont obtenu une autorisation de mise sur le marché suite à des études qui sont, vous le savez, monsieur le ministre, très lourdes et qui coûtent des fortunes, notamment parce qu’elles nécessitent des expertises et des contre-expertises. Or, quelques années plus tard, on se demande bien pourquoi une telle autorisation a été donnée, alors qu’on estime aujourd’hui qu’il s’agit finalement de pesticides mortels au niveau mondial pour, non seulement les abeilles, mais également les charançons en ce qui concerne les noisettes, par exemple. Il y a un vrai problème de ce point de vue : pourriez-vous nous indiquer pourquoi cette autorisation de mise sur le marché a été mise à l’encan quelques années après ?
On comprend bien aujourd’hui que de vieux produits pesticides, qui ont trente ou quarante ans, aient été interdits après leur mise sur le marché. Ce sont des produits qui fonctionnaient parfaitement bien – et les agriculteurs, dont je fais partie, n’en sont pas morts –, mais pourquoi pas les mettre de côté. En revanche, la question se pose pour les nouveaux produits.
J’ai entendu beaucoup de monde et me suis tu jusqu’ici, mais une seconde question se pose : quelles solutions propose-t-on face à la crise actuelle, pour répondre – c’est une expression qui résonnera ici, je suppose – à ces travailleurs de la terre qui appellent au secours ?
La culture des betteraves, celle des noisettes et de bien d’autres produits sont dans une vraie impasse. On ne peut donc pas écarter le problème d’un revers de la main. Il faut trouver de vraies solutions. M. le ministre en a proposé une pour trois ans ; je l’approuve personnellement, mais, s’il y en a de meilleures, qu’on les présente !
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Bruno Sido. En attendant, il y a des travailleurs de la terre qui attendent.
M. le président. Si tout le monde est aussi concis, on n’est pas couché ! (Rires et applaudissements.)
La parole est à M. Fabien Gay qui va, lui, respecter ses deux minutes trente – et même ne pas utiliser la totalité de son temps de parole, je le sais –, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Pari tenu, monsieur le président ! (Sourires.)
On a échangé, il est vrai, beaucoup d’arguments, notamment au sujet de la souveraineté alimentaire. Je voudrais néanmoins revenir sur la question de la fin des quotas sucriers. J’admets qu’on l’évoque un peu comme un mantra, mais, même si vous n’en êtes pas responsable – comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre –, votre réponse était un peu courte.
Un certain nombre de collègues – je vais citer Henri Cabanel – ont certes indiqué que le problème de la filière betterave était aussi bien structurel que conjoncturel, et que personne ne pouvait affirmer que la cause relevait plutôt de l’un que de l’autre, même s’il y a un faisceau d’indices. Mais la question de la fin des quotas sucriers se pose quand même : elle a mis la filière en difficulté ou, du moins, a accru ces difficultés.
M. Laurent Duplomb. Ça n’a rien à voir !
M. Pierre Cuypers. C’est la libéralisation des marchés !
M. Fabien Gay. Oui, tout à fait, vous avez raison, cher collègue ! Près de 4 millions de tonnes supplémentaires ont été produites après la disparition des quotas sucriers. Qu’est-ce que cela a entraîné ? Des excédents, une surproduction, qui ont permis aux spéculateurs à New York, puisque la main invisible du marché règle tout, de faire chuter les prix. Voilà la réalité !
Les industriels français étaient eux aussi pour la libéralisation et la fin d’un marché régulé. On pourrait citer le nom de grands groupes qui ont investi 1 milliard d’euros sur dix usines, parce qu’ils pensaient créer de très grandes industries. Mais que s’est-il passé ? Vous avez raison de le dire, monsieur le ministre, la rentabilité a chuté : dans une usine, par exemple, on est passé de 113 millions d’euros à 44 millions d’euros.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas vous contenter de dire que cela ne relève pas de votre responsabilité, mais de celle du précédent gouvernement socialiste et que, donc, cela ne vous concerne pas. Je le répète, l’origine du problème est à la fois structurelle et conjoncturelle et, donc, beaucoup de questions se posent. Celle-là en fait partie : on aura de vrais échanges tout à l’heure sur la question du libre-échange lorsque Mme la présidente-rapporteure présentera ses amendements, car tout le débat est là.
Franchement, personne ici n’a le monopole de la défense de l’industrie et des salariés. J’ai eu beau chercher les communiqués de presse du ministère sur la fermeture des quatre sucreries l’an dernier, je n’en ai pas trouvé un seul !
Vous voyez, monsieur le président, j’ai fini avec cinq secondes d’avance.
M. le président. Très bien, mon cher collègue.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.
Mme Florence Blatrix Contat. Ce projet de loi est malheureusement une nouvelle illustration de la priorité claire, sans nuance, donnée à l’économie sur l’environnement. Nous, sénateurs Socialistes, Écologistes et Républicains, ne souhaitons pas opposer ces deux objectifs, car nous pensons que nous pouvons les concilier. Toutefois, le Gouvernement ne paraît pas être sur cette position tant les renoncements semblent se multiplier : hier le glyphosate, aujourd’hui les néonicotinoïdes et, demain, l’amoncellement des vetos sur les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Les exemples de ces renoncements seraient trop nombreux à citer, mais sachez que les parlementaires que nous sommes y sont confrontés au quotidien sur de nombreux textes.
Aujourd’hui, nous parlons des néonicotinoïdes, et je ne peux m’empêcher d’évoquer le tweet du Président de la République du 1er septembre 2018, qui se félicitait de leur interdiction : « Notre engagement pour la biodiversité en action : l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles en vigueur aujourd’hui. » Je pense également à la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, qui doit être bien en peine de justifier les propos qu’elle a tenus en 2016 quand, au moment de l’examen de la loi Biodiversité, elle défendait ardemment cette interdiction, en s’opposant même à l’époque au principe des dérogations.
La France est pourtant le pays précurseur en Europe en matière d’interdiction des néonicotinoïdes. Jusqu’ici, elle avait un rôle moteur. L’étude d’impact du projet de loi elle-même l’indique : depuis l’entrée en vigueur de la loi Biodiversité en 2018, les approbations européennes de substances actives se sont très significativement réduites. Pour nous, c’est la preuve que, lorsqu’un pays prend ses responsabilités, il peut ouvrir la voie à une prise de conscience collective, à des changements en profondeur. La France avait fait un grand pas en avant en 2016 ; aujourd’hui, vous nous demandez d’en faire trois en arrière. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. J’entends deux sortes d’arguments ce soir.
Tout d’abord, il y a ceux qui disent qu’il faut laisser du temps au temps et qu’il faut prendre le temps nécessaire pour la transition. Je voudrais simplement rappeler que, en 1962, l’agronome américaine Rachel Carson publiait un livre intitulé Silent Spring, dans lequel elle mettait en évidence le fait que le DDT avait détruit les insectes et que le printemps était silencieux. C’était il y a près de soixante ans ! J’ai retenu cette date, parce que c’est mon âge. Cela fait donc pratiquement soixante ans – cinquante-huit pour être exact – que, année après année, on augmente le tonnage de pesticides et que, en parallèle, on constate, selon une courbe inverse, un effondrement de la biodiversité et du nombre d’insectes.
Pour ceux qui étaient nés dans les années 1970, je vous demande de vous rappeler que, lorsque vous rouliez quelques kilomètres en voiture de nuit, vous reveniez avec un pare-brise moucheté, rempli d’insectes ; aujourd’hui, vous pouvez faire 300 kilomètres, vous ne trouverez que trois moucherons collés sur votre pare-brise. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous pouvez vous exclamer, mes chers collègues, c’est pourtant la réalité !
Ensuite, j’entends dire ce soir que les écologistes sont des idéologues, qui viennent perturber un système agricole qui fonctionne très bien. Je suis désolé de vous dire que le système agricole actuel ne fonctionne pas si bien que cela. Aujourd’hui, on ferme 500 exploitations chaque mois, les agriculteurs ont un taux de suicide bien supérieur à la moyenne française, parce que le libéralisme leur a mis un genou à terre. Vous ne pouvez que le constater : ce système, qui s’est enferré dans le productivisme et le libéralisme, ne va pas bien. Ce ne sont d’ailleurs pas les agriculteurs, mais les politiques qui l’ont voulu.
On ne peut pas continuer à opposer écologistes et agriculteurs : nous soutenons une agriculture paysanne et familiale. C’est pourquoi il faut poser des actes aujourd’hui et, surtout, ne pas aller de reculade en reculade. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le président, excusez-moi de prendre la parole et de rallonger les débats. Je tâcherai de respecter les deux minutes trente qui me sont imparties, pour que vous n’ayez pas la possibilité de me rappeler à l’ordre. (Sourires.)
Je voudrais revenir sur les propos de Fabien Gay : il est trop facile de dire que les problèmes de la filière betterave découlent de la suppression des quotas. Je l’ai déjà expliqué, on pourrait faire le raisonnement inverse pour une culture que je connais bien. Quand vous dites que le problème, ce sont les quotas, mon cher collègue, cela laisse supposer que le prix n’est plus en adéquation avec la culture et que, par définition, on aurait besoin d’avoir un rendement énorme pour bénéficier d’un prix garanti ou équilibrer coûts et production.
Je vais vous donner un exemple complètement différent. Mon beau-père a arrêté de cultiver des lentilles vertes du Puy il y a trente ans. Leur prix était monté à 500 ou 600 euros la tonne. Il a stoppé, parce qu’il avait besoin de développer son activité de producteur laitier. Par définition, la terre n’étant pas extensible, il a dû basculer de cette culture vers une autre culture lorsqu’il manquait de surface agricole.
Pour ma part, je me suis tenu pendant vingt-cinq ans à cultiver des lentilles vertes du Puy, parce que j’estimais que c’était une valeur pour mon territoire, mais aussi parce qu’il s’agit d’une valeur ajoutée importante pour notre agriculture, pour mon exploitation. Aujourd’hui, le prix de la lentille verte du Puy est de 2 000 euros la tonne ! J’en ai cultivé plus de vingt hectares pendant vingt ans. L’année prochaine, je n’en cultiverai que sept. Mon fils me dit aujourd’hui – à juste titre – que cela ne sert plus à rien de poursuivre la culture d’un produit qu’on est sûr de ne plus pouvoir récolter bientôt, compte tenu de l’impasse technique dans laquelle on est.
Voilà la réalité ! Vous pouvez toujours l’ignorer, vous aveugler, être dans l’incantation, imaginer tout un tas de solutions qui pourraient être mises en place. Je n’ai rien à y redire, vous avez le droit de le faire, mais la réalité concernant la lentille verte du Puy aujourd’hui, c’est que nous avions encore 4 500 hectares en production il y a quelques années et qu’il en restera – je vous le garantis – moins de 2 500 hectares cette année.
Les agriculteurs ne peuvent pas continuer à travailler et à dépenser pour ne rien récolter. De plus, je rappelle que nous travaillons sur un terrain volcanique : je ramasse entre dix et quinze tonnes de pierres pour deux à trois hectares de culture. Croyez-vous que les agriculteurs peuvent continuer ainsi, accepter une évolution de la société qui fait qu’ils se baissent pour ramasser des pierres en sachant que les produits qu’ils cultivent ne leur rapporteront rien ? Voilà la réalité ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 7 et 14 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 7 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l’adoption | 159 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
En conséquence, l’article 1er est supprimé, et les amendements nos 9, 19 rectifié, 10, 11, 15 rectifié, 12, 16 rectifié, 17 rectifié, 20 rectifié, 21 rectifié et 4 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement demande une seconde délibération (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.), pour être sûr que ce vote acquis à une voix près reflète bien la volonté du Sénat et que le remplacement des jarres par des boutons électroniques n’a pas porté à confusion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La seconde délibération est de droit, mais nous devons d’abord terminer l’examen des amendements déposés sur le texte. La seconde délibération interviendra ensuite.
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2020, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la situation de la filière sucre au niveau mondial, européen et national. Ce rapport présente notamment une analyse détaillée des conséquences de l’abandon de la régulation et des quotas sucriers depuis 2017, de la situation économique et sociale des groupes sucriers français, ainsi que des conséquences pour les planteurs de la baisse des prix sur les marchés et de l’interdiction de l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances et des semences traitées avec ces produits.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous demandions un rapport, mais, puisque nous venons de supprimer l’article 1er, je suis un peu embêté…
M. le président. L’amendement est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Oui, mais je ne vais pas être plus long, d’autant que, je le sais, Mme la présidente Primas exècre les rapports. En outre, si l’article 1er demeure supprimé, nous n’aurons plus besoin de ce rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Dans la mesure où il s’agit d’une demande de rapport, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Labbé, Salmon, Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec et Dossus, Mme de Marco, MM. Fernique et Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 1er janvier 2021, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant les liens entre la fin de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et le recours à des fonds de mutualisation écoconditionnés.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. C’est un amendement de repli sur un texte qui ne verra peut-être pas le jour.
Ce projet de loi ne prévoit pas seulement des dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes : l’article 1er réécrit l’ensemble des dispositions votées dans la loi Biodiversité, au motif qu’elles seraient fragiles juridiquement. Certes, le décret du 30 juillet 2018 fixant la liste des substances néonicotinoïdes a été attaqué par la redoutable UIPP, l’Union des industries de la protection des plantes. Cependant, il a fait l’objet d’une décision récente de la Cour de justice de l’Union européenne, en date du 8 octobre 2020, qui, elle, a conforté la solidité juridique de l’interdiction française des néonicotinoïdes au regard de sa procédure de notification.
Ainsi, avec cette information, qui a été connue après la première lecture à l’Assemblée nationale, l’alinéa 3 de l’article 1er du texte, qui avait été proposé par le Gouvernement pour corriger une supposée fragilité juridique de l’interdiction de 2016 à l’égard du droit européen, n’a plus lieu d’être. Je propose donc de revenir à la formulation actuelle de l’alinéa de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, qui pose le principe de l’interdiction des néonicotinoïdes et des substances aux modes d’action identiques, puisque celle-ci est, je le répète, sécurisée juridiquement.
Cette réécriture étant inutile et dangereuse, il convient, j’y insiste, de revenir à la formulation du principe d’interdiction tel que proposé en 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. J’ai le regret de dire à M. Labbé qu’il s’est trompé d’amendement. L’amendement n° 18 rectifié vise à demander un rapport sur l’opportunité de la création d’un fonds de mutualisation écoconditionné. De toute façon, même s’il n’a pas été défendu en tant que tel, l’avis est défavorable par principe, s’agissant d’une demande de rapport. Pour autant, la création d’un fonds de mutualisation nous semble une idée intéressante, qu’il faudra probablement travailler dans le cadre de la gestion des risques des agriculteurs de façon générale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
La section 6 du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 253-8-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 253-8-3. – Les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du II de l’article L. 253-8 ne peuvent autoriser que l’emploi de semences de betteraves sucrières. »
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Tissot, Mme Préville, MM. Kanner, Montaugé et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Merillou, Pla, Redon-Sarrazy, Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui, de l’aveu de tous, présente de forts risques d’inconstitutionnalité pour cause de rupture d’égalité devant la loi. Son introduction à l’Assemblée nationale est purement cosmétique : nous savons bien que, ce que vous permettez aujourd’hui aux betteraviers, vous le permettrez demain à d’autres. Il n’a d’ailleurs pas fallu attendre longtemps pour que d’autres filières demandent à bénéficier de la dérogation. Dès le début du mois d’août, la filière maïs s’est positionnée. Aujourd’hui, celle de la noisette fait de même. Vous avez même eu des demandes directement en séance, il me semble, tout à l’heure.
Nous pensons que l’article 2 n’a quasiment aucune chance de figurer dans la loi qui sera promulguée. Avec cet amendement, nous tenons à mettre tous ceux qui soutiennent ce projet de loi devant leurs responsabilités en mettant fin à ce jeu de dupes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je connais votre volonté de soutenir nos filières agricoles, même si cela se fait au détriment de l’environnement. Aussi, je suis, à titre personnel, très curieuse de voir comment vous opposerez une fin de non-recevoir aux agriculteurs d’autres filières qui viendront vous voir à ce sujet.
Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain estiment que nous sommes non pas face à un projet de loi exceptionnel, qui apporterait une réponse circonscrite à une situation particulière, mais bien devant un texte autorisant de nouveau massivement l’usage des néonicotinoïdes en France. Nous demandons donc à chacun d’en assumer clairement les responsabilités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Nous sommes dans une situation curieuse après avoir supprimé l’article 1er par inadvertance. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) J’ai dit « par inadvertance », car vous savez bien qu’un groupe s’est trompé dans son vote.
J’appelle votre attention sur le fait que, avec la seconde délibération demandée par le Gouvernement, il y a une possibilité que l’article 1er soit rétabli. Or si nous supprimons l’article 2, pour le coup, les dérogations s’appliqueront à l’ensemble des cultures. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis extrêmement défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.
J’aurais pu ajouter, mais je ne le ferai pas, l’argumentaire que j’ai déroulé lors de la discussion générale sur la question du principe d’égalité. Nous avons spécifiquement visé la culture de la betterave, parce qu’il y a un moindre impact sur la pollinisation par rapport à d’autres cultures. Surtout, nous tenons compte de la singularité d’une culture dépendante d’un appareil productif en aval que sont les sucreries.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Moga et Levi, Mme Joseph, M. Janssens, Mme Vermeillet, MM. Guerriau, Panunzi, Kern, Louault, Médevielle et S. Demilly, Mme Belrhiti, MM. Decool, Segouin et Bonhomme, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Chatillon et Duffourg, Mme Dumas et M. Regnard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et de noisettes
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. La décision d’interdire les néonicotinoïdes n’est pas sans conséquence pour la souveraineté alimentaire de notre pays. Ce que la France ne produira plus, elle devra l’importer, c’est-à-dire faire venir des produits qui sont eux-mêmes traités par des produits phytopharmaceutiques que l’on interdit sur notre territoire. Ce constat vaut en particulier pour des productions comme celle de la noisette.
En France, nous consommons 25 000 tonnes de noisettes par an ; nous en produisons 11 000 tonnes. Jusqu’à cette année, les producteurs de noisettes disposaient d’un traitement néonicotinoïdes par dérogation. Sans celui-ci, et en attendant des solutions alternatives plus écologiques, souhaitées par tous, mais qui tardent à venir, les agriculteurs ne disposeront plus de solution satisfaisante pour lutter efficacement contre le balanin, ce petit coléoptère, qui, sans traitement, détruira 70 % à 90 % de la production française.
Cet amendement a donc pour objet d’élargir les dérogations proposées par ce projet de loi pour la betterave sucrière à la culture des noisettes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Je comprends tout à fait cet amendement, qui vient à la rescousse d’une filière qu’on appelle orpheline, et que je connais bien, pour avoir mené avec Joël Labbé, une mission d’information sur le sujet. Nous étions allés voir les producteurs, qui, voilà pratiquement une dizaine d’années, étaient déjà engagés dans une recherche d’alternatives.
Cela pose la question, monsieur le ministre, de toutes ces filières orphelines et de la capacité de la recherche à pouvoir les aider à trouver des alternatives, alors même qu’elles n’ont pas des capacités de recherche extrêmement importantes. Aussi, je vous repose la question de ce que vous prévoyez pour elles.
Néanmoins, mon cher collègue, l’amendement qui nous est présenté ne peut trouver sa place dans ce texte. En effet, ce dernier prévoit que les dérogations ne concernent que les semences enrobées ; or, pour le noisetier, il s’agit de pulvérisation. Je pense que l’adoption de cet amendement ouvrirait un champ trop large, ce qui n’est pas l’objectif de ce texte de loi. Il ne s’agit absolument pas, comme on l’entend souvent, de mettre le pied dans la porte. Il est strictement réservé aux betteraves sucrières. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord saluer votre engagement en faveur de cette filière, qui est structurante pour votre territoire.
Comme l’a dit la présidente-rapporteure, effectivement, il y a un certain nombre de filières qui, aujourd’hui, rencontrent des difficultés. Vous citez la noisette ; on a évoqué précédemment la moutarde ; dans certains territoires, on a également le colza, la poire. Bref, il y a beaucoup de filières qui sont touchées par différentes interdictions, parfois européennes.
Certains d’entre vous s’interrogent sur le fait de savoir si la dérogation que je vous présente aujourd’hui peut avoir vocation à être élargie à d’autres cultures. Je le redis, cette dérogation doit se limiter à la betterave sucrière, en raison des deux spécificités que j’ai évoquées : moindre impact sur les pollinisateurs que d’autres cultures, du fait d’un caractère non mellifère de la plante, c’est-à-dire qu’elle est récoltée avant culture, ce qui n’est pas le cas, par essence, avec le noisetier ; dépendance à l’appareil de production en aval, qui peut fermer en l’espace d’une seule saison.
S’agissant des maladies liées à la noisette, il y a différentes études qui ont été faites, voilà parfois plusieurs années. Aujourd’hui, on cherche des solutions en faisant des tests, mais on n’a pas encore réussi à définitivement trouver la solution.
Aussi, je prends deux engagements devant vous pour compenser mon refus d’étendre cette dérogation : accélérer cette transition sans que les filières orphelines, comme le disait la présidente-rapporteure, soient impactées et travailler avec la filière. Je peux d’ores et déjà vous annoncer qu’une réunion aura lieu à mon ministère le 10 novembre avec les représentants de la filière, pour pouvoir évaluer les solutions alternatives et tracer le chemin à parcourir. Cela ne sera pas simple, mais je vous assure que j’y mettrai autant d’énergie que je peux le faire pour la betterave. Ces filières orphelines sont, à mon sens, extrêmement, importantes.