Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Lévrier, Théophile, Bargeton, Buis, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Yung, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6331-1 A du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les structures d’insertion listées à l’article L. 5132-4, les personnes en parcours d’insertion mentionnées à l’article L. 5132-3 ne sont pas comptabilisées dans les effectifs. »
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. La place du dialogue social a été évoquée à l’Assemblée nationale. Le sujet est important et consensuel.
L’expérimentation permet d’ouvrir le dialogue social aux salariés en insertion, qui ont, comme tous les salariés, le droit d’être eux aussi représentés et défendus.
Le dialogue social ne s’apprend pas du jour au lendemain ; il doit infuser doucement, pour trouver toute sa légitimité. Il est donc essentiel d’enclencher le processus dans le secteur de l’insertion. Celle-ci passerait ainsi non seulement par l’économique, mais également par la représentativité que le dialogue social permet et par l’apprentissage qu’il offre aux salariés souhaitant y prendre part.
Je laisse mon collègue Xavier Iacovelli présenter plus avant l’objet de l’amendement.
Mme le président. La parole est donc à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Notre amendement vise à ne pas intégrer les salariés en parcours d’insertion dans les effectifs comptabilisés pour pouvoir bénéficier du financement du développement des compétences, et ce afin de permettre à toutes les SIAE de développer de la formation.
La législation actuelle, qui limite aux entreprises de moins de cinquante salariés le financement du développement des compétences des salariés, entrave la capacité des SIAE au-delà de ce seuil à mettre en œuvre de la formation au bénéfice des personnes en parcours d’insertion. Or la formation est essentielle à leur montée en compétences pour favoriser ensuite l’insertion sociale.
Cet amendement tend donc à modifier l’article du code du travail sur le financement du développement des compétences. Nous ne voulons pas modifier par ailleurs les calculs de seuil pour toutes les obligations légales auxquelles les entreprises d’insertion et les entreprises adaptées sont normalement assujetties.
Mme le président. L’amendement n° 57 rectifié bis, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation à l’article L. 6332-1-3 du code du travail, l’opérateur de compétences peut prendre en charge les actions concourant au développement des compétences des structures d’insertion par l’activité économique mentionnées à l’article L. 5132-4 du même code et les entreprises adaptées mentionnées à l’article L. 5213-13 dudit code, quel que soit le nombre de leurs salariés.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Notre amendement est assez proche de celui qui vient d’être présenté. Nous souhaiterions une dérogation pour que les SIAE puissent bénéficier de la prise en charge par les opérateurs de compétences (OPCO). C’est en effet un manque important pour les acteurs de l’insertion par l’économique.
Mme le président. L’amendement n° 75 rectifié ter, présenté par M. Henno, Mme Létard, MM. Delahaye, Levi, Mizzon, Delcros, Louault et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Kern et P. Martin, Mme Morin-Desailly, M. Cigolotti, Mmes de La Provôté et Billon et MM. Chauvet et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
De manière dérogatoire, les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II de l’article 4 de la présente loi peuvent accéder aux fonds mutualisés des opérateurs de compétences y compris lorsque leurs effectifs dépassent cinquante salariés.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. La question de la formation dans le cadre du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » est régulièrement soulevée, notamment par les acteurs de terrain. Notre amendement vise à prendre cette demande en compte.
L’existence du plan d’investissement dans les compétences (PIC) – je ne suis d’ailleurs pas certain que le sigle soit très bien choisi – empêche-t-elle les entreprises de l’insertion par l’activité économique d’utiliser les fonds de formation des OPCO ? La formation est un enjeu essentiel. Les personnes se rendent dans les structures d’insertion non pas pour y rester, mais pour bénéficier d’une main tendue et monter en compétences, afin de pouvoir intégrer ensuite le monde du travail. Cela vaut aussi pour le dispositif TZCLD.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La possibilité pour les personnes en insertion par l’activité économique de se former est, en effet, un vrai sujet.
Je tiens d’ailleurs à saluer l’important travail réalisé par les structures concernées, qui ont obtenu les financements du PIC en dérogeant au fameux seuil de cinquante salariés, la plupart d’entre elles ayant un effectif plus important.
Le PIC me semble tout de même plus approprié que les fonds des OPCO. Il s’adresse, je le rappelle, aux demandeurs d’emploi de niveau bac et infra-bac, quand les fonds OPCO concernent plutôt les salariés des entreprises. Au demeurant, ces fonds ne sont pas extensibles. Or il faudra bien permettre à des salariés, qui risquent malheureusement d’en avoir bien besoin, d’en bénéficier, notamment dans la cadre de la réforme mise en place par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement sollicite le retrait des amendements nos 87 rectifié et 57 rectifié bis, qui sont des amendements d’appel. Leurs auteurs attirent notre attention sur un sujet important. La promotion par alternance (Pro-A), dispositif de formation professionnelle de reconversion, doit effectivement pouvoir être adaptée et assouplie pour intégrer les besoins de l’insertion par l’activité économique (IAE). Il faut aussi qu’elle puisse bénéficier aux salariés en insertion comme en reconversion. Des aménagements pourront être validés d’ici au premier trimestre 2021, en concertation avec les acteurs de l’IAE et de la formation concernée.
Je rejoins Mme la rapporteure sur l’amendement n° 75 rectifié ter. M. Henno a raison de souligner l’importance de l’enjeu de la formation pour les salariés des entreprises à but d’emploi. C’est précisément pour la renforcer que ces dernières sont devenues éligibles à l’accord-cadre national pour la formation des salariés de l’IAE, le PIC IAE, depuis 2020. Des actions de formation à destination des salariés des EBE sont déjà prises en charge, permettant ainsi d’éviter la création de dérogations supplémentaires.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 87 rectifié est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 87 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 57 rectifié bis, madame Lubin ?
Mme Monique Lubin. Je le retire également.
Mme le président. L’amendement n° 57 rectifié bis est retiré.
Quid de l’amendement n° 75 rectifié ter, monsieur Henno ?
M. Olivier Henno. Il est retiré.
Mme le président. L’amendement n° 75 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, M. B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Panunzi, D. Laurent, Brisson et Le Gleut, Mmes Noël et Dumas, MM. Sol et Courtial, Mmes Lassarade et Imbert, MM. Regnard et Husson, Mme Di Folco, MM. Allizard et Vogel, Mme Deromedi, M. Bascher, Mmes Procaccia, Delmont-Koropoulis, Richer et M. Mercier, M. Piednoir, Mme Gruny et MM. Mandelli, Lefèvre, Sido, Gremillet, Bouchet, Pointereau et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du VI de l’article 28 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les mots : « de trois ans » sont remplacés par les mots : « de cinq ans ».
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Cet amendement vise à prolonger de deux ans l’expérimentation du contrat de professionnalisation, afin de permettre aux structures de l’insertion par l’activité économique de s’en saisir. En effet, le décret spécifique les concernant n’est toujours pas paru depuis l’adoption de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Le dispositif est intéressant, mais, pour le moment, les structures d’insertion par l’activité économique ne peuvent pas s’en saisir, puisque le décret n’est toujours pas paru. Il faudrait d’ailleurs qu’il sorte. Certes, il n’est, j’imagine, peut-être pas facile à rédiger.
En attendant, la prolongation proposée permettrait d’apporter un peu d’espoir à la fédération des entreprises d’insertion, qui est demandeuse d’un tel dispositif.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est également favorable. Je profite de l’occasion pour vous livrer une information : le décret, qui attendu depuis un moment, est en cours de finalisation ; il devrait être publié dans les prochaines semaines, d’ici à la fin du mois de novembre.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9 ter.
L’amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’expérimentation relative à l’élargissement des formes d’insertion par l’activité économique au travail indépendant et instituée par l’article 83 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est prolongée pour une durée d’une année.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Par cet amendement, nous vous proposons de prolonger l’expérimentation relative aux entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI). À ce jour, cinq EITI ont été créées. Une telle prolongation est nécessaire pour permettre le bon déroulement de l’évaluation.
L’amendement s’inscrit également dans le cadre du plan de relance, qui comprend un volet sur le travail indépendant.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il nous est un peu difficile de nous prononcer. Nous venons d’être saisis de cet amendement. Nous n’avons pas procédé à des auditions sur le sujet. Nous n’avons donc pu apprécier ni l’intérêt d’une telle expérimentation ni les éventuelles suites à lui apporter.
Par conséquent, pour de simples raisons de forme, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 106, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi et sans préjudice des dispositions de la deuxième partie du code du travail, les structures mentionnées à l’article L. 5132-4 du code du travail et dont les effectifs représentent au moins onze salariés selon les modalités de calcul des effectifs prévues aux articles L. 1111-2 et L. 2301-1 du code du travail peuvent mettre en place une instance de dialogue social spécifique permettant une représentation des salariés en parcours d’insertion au sein de la structure.
Cette instance comprend au moins un représentant de l’employeur et une délégation des représentants des salariés en parcours d’insertion dont le nombre est déterminé par décret compte tenu du nombre de ces salariés. Cette délégation comporte un nombre égal de titulaires et de suppléants.
L’instance contribue à promouvoir les dispositions légales et stipulations conventionnelles applicables aux salariés en parcours d’insertion. Elle débat sur les conditions de travail de ces salariés ainsi que sur la qualité des parcours proposés par la structure en matière d’insertion. Pour exercer leurs missions, les représentants des salariés en parcours d’insertion bénéficient d’informations et de mesures d’accompagnement à la charge de l’employeur au titre de leur accompagnement social et professionnel et détaillés dans le règlement intérieur de l’instance.
L’employeur détermine le mode de désignation des membres de la délégation des représentants des salariés en parcours d’insertion en optant pour l’organisation d’une élection ou d’un tirage au sort parmi les salariés en parcours d’insertion manifestant leur volonté de représenter ces salariés. Il en informe les salariés en parcours d’insertion dans des conditions fixées par décret. Peuvent être désignés les salariés en parcours d’insertion, âgés de seize ans révolus, inscrits dans un parcours d’accompagnement dans la structure et ayant travaillé depuis un mois au moins dans la structure.
Lorsque l’employeur opte pour le mode électif, sont électeurs les salariés en parcours d’insertion, âgés de seize ans révolus, inscrits dans un parcours d’accompagnement dans la structure et ayant travaillé depuis un mois au moins dans la structure.
Un décret précise les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation, notamment la fréquence des réunions de l’instance, la durée des mandats de ces membres, le nombre d’heures de délégation attribuées aux représentants des salariés en parcours d’insertion en fonction du nombre de ces salariés et les modalités d’échange d’information avec les autres instances représentatives du personnel mises en place dans la structure.
L’expérimentation prévue au présent article fait l’objet d’une évaluation chaque année jusqu’à son terme.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Cet amendement vise à introduire une expérimentation en matière de dialogue social pour les salariés en insertion. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser de son dépôt très tardif.
Je sais qu’une telle expérimentation est attendue et tient à cœur à Mme la rapporteure. Elle a été proposée à l’Assemblée nationale. Nous avons effectivement mis du temps pour trouver la bonne rédaction. Nous pouvons nous en remettre à la commission mixte paritaire pour que chacun puisse prendre le temps de se saisir du dispositif envisagé.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission n’a pas pu se prononcer, puisque cet amendement a été déposé après notre réunion. Néanmoins, nous avions évoqué le sujet. Nous savions que l’amendement était très technique. Nous avions même envisagé de le déposer ensemble, mais il a fallu le retravailler jusqu’au dernier moment.
À titre personnel, j’approuve la mesure envisagée. L’adoption de cet amendement aurait par ailleurs pour effet de faire tomber l’amendement n° 40, qui est une demande de rapport sur les possibilités d’adaptation des règles du dialogue social. L’expérimentation proposée nous fait entrer dans le dur. C’est très bien. J’espère que l’amendement est bien calibré techniquement. Nous ferons en sorte que tout se passe pour le mieux.
Si la commission n’a pas pu émettre d’avis sur cet amendement, j’y suis personnellement favorable.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. L’adoption de cet amendement ferait effectivement tomber notre amendement n° 40.
La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé l’article 10 bis, qui avait été introduit dans la proposition de loi à la suite de l’adoption d’un amendement de nos collègues du groupe GDR à l’Assemblée nationale. Il s’agissait justement d’évaluer l’adaptation des règles du dialogue social avec les salariés en parcours d’insertion. L’amendement du Gouvernement, bien que déposé tardivement, témoigne, me semble-t-il, du même souci. Je m’en réjouis évidemment.
Comme le souligne Pascale-Dominique Russo dans son ouvrage Souffrance en milieu engagé, certains salariés de structures ayant un véritable objectif social, comme les structures d’insertion, sont très engagés et sont même prêts à accepter à ce titre des situations de travail dégradées. Cette journaliste décrit avec énormément d’exemples leur souffrance au travail, voire leur asservissement consenti.
Nous saluons donc la mise en place de l’outil proposé, et nous voterons en faveur de cet amendement.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9 ter.
Article 10
(Suppression maintenue)
Article 10 bis
(Supprimé)
Mme le président. L’amendement n° 40, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les possibilités d’adaptation des règles du dialogue social afin de mieux y associer les salariés en parcours d’insertion.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est retiré.
Mme le président. L’amendement n° 40 est retiré, et l’article 10 bis demeure supprimé.
Article 10 ter
(Supprimé)
Article 10 quater
(Supprimé)
Mme le président. L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par MM. Théophile, Rohfritsch, Patient, Dennemont et Hassani, Mme Phinera-Horth et M. Iacovelli, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à étudier les spécificités inhérentes au déploiement de l’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée dans les outre-mer.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement a pour objet la remise d’un rapport relatif aux spécificités inhérentes au déploiement de l’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée dans les outre-mer. Selon vous, madame la rapporteure, le fonds d’indemnisation est mieux à même d’identifier ces particularités.
Il nous paraît essentiel de le rappeler, les outre-mer souffrent d’un retard économique persistant en raison, notamment, des difficultés structurelles liées à leur situation géographique et à l’étroitesse de leur marché. Le taux de chômage des territoires ultramarins est parmi les plus élevés de l’Union européenne. Il est au minimum le double de celui de l’Hexagone, voire le quadruple à Mayotte.
Au regard de la situation économique très particulière des territoires concernés, une telle demande de rapport nous paraît à la fois pertinente et nécessaire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les outre-mer sont pris en compte dans le cahier des charges qui sera élaboré par le fonds et proposé au Gouvernement à la suite de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale.
Vous avez raison sur le fond. Mais vous demandez un rapport sur le déploiement du dispositif en outre-mer. Il devrait normalement y avoir un territoire zéro chômeur de longue durée en outre-mer. Cela sera spécifié dans le cahier des charges, conformément à ce que la loi prévoit. Nous verrons alors comment tout se déroulera. Je ne suis pas certaine de l’utilité d’un rapport. Il y aura un comité scientifique pour évaluer l’efficience du dispositif, dans les outre-mer comme dans les autres territoires.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Je partage évidemment l’exigence que l’expérimentation puisse refléter la diversité des territoires et n’exclue pas les outre-mer.
Précisément, comme nous l’avons vu, l’article 5 de la proposition de loi prévoit la prise en compte des spécificités des territoires d’outre-mer dans le cahier des charges à partir duquel les habilitations seront délivrées.
Un rapport du Gouvernement au Parlement ne me semble pas nécessaire. Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 36 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 36 rectifié bis est retiré, et l’article 10 quater demeure supprimé.
Article 11
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Nous le savons, le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » n’a pas obtenu toutes les garanties souhaitées, notamment sur l’extension de l’expérimentation.
Nous n’approuvons pas toutes les modifications qui ont été apportées. Je pense notamment aux éventuelles modifications du droit du travail spécifique au secteur de l’IAE ; nous ne partageons pas toutes les obligations imposées par Mme la rapporteure. Nous regrettons également que certaines exigences ne soient pas – certes, ce n’est pas de votre fait, madame la rapporteure – appliquées avec autant de rigueur à d’autres domaines qui occasionnent beaucoup plus de dépenses…
Mais nous n’oublions pas la genèse de l’expérimentation. Nous n’oublions pas que son extension est attendue avec impatience. Un certain nombre de secteurs supplémentaires et, par conséquent, de personnes en situation de recherche d’emploi et en demande d’insertion pourront en bénéficier. C’est le plus important à nos yeux.
Mme la ministre a pris des engagements devant nous. Dans l’attente de leur concrétisation, nous opterons pour une abstention constructive.
Mme le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Les débats ont permis d’éclairer davantage sur le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ».
L’expérimentation, riche, depuis cinq ans, montre une volonté de travailler. Les personnes privées d’emploi ne se complaisent pas dans les allocations ; d’ailleurs, moins d’un chômeur sur deux est indemnisé. Cette expérimentation a même permis de rendre visibles des personnes qui avaient totalement disparu des indicateurs du chômage, du fait du fonctionnement même de notre système. Grâce à un dispositif aussi innovant, ces personnes, qui étaient devenues invisibles, ont retrouvé le chemin de l’emploi.
En 2019, une évaluation a été commanditée par le département de la Nièvre, que je représente, afin de mesurer localement les effets du dispositif sur le territoire d’expérimentation. Une amélioration manifeste des parcours de vie est à noter. L’essentiel des salariés rencontrés voient dans leur entrée dans le dispositif une véritable chance, d’un point de vue tant économique qu’humain. Les personnes sont sorties de leur isolement social et se sentent reconnues. L’entrée dans l’entreprise à but d’emploi en CDI leur permet de vivre leur quotidien plus sereinement et de se projeter de nouveau dans l’avenir.
Dès lors, l’élargissement de l’expérimentation était une évidence pour ceux qui, comme moi, l’ont suivie sur le terrain depuis le début et en ont vu les effets économiques, sociaux et, surtout, humains positifs.
Il est dommage que le texte proposé s’éloigne de la philosophie initiale de la démarche. Aussi, comme l’évoquait notre collègue Monique Lubin, nous nous abstiendrons dans un esprit positif, tout en regrettant que cette philosophie initiale n’ait pas été respectée et enrichie.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Lors de la discussion générale, j’avais exprimé notre méfiance et nos doutes. J’associe ma collègue Cathy Apourceau-Poly, qui pilotait l’examen de ce texte pour notre groupe, à mon propos.
La discussion a tout de même permis d’éclairer un certain nombre d’éléments. Surtout, elle a montré que le public dont nous parlons est particulièrement atteint socialement, économiquement et psychologiquement. Ces femmes et ces hommes qui connaissent le chômage de longue durée le vivent extrêmement durement. Nous avons pu en entendre l’écho dans cet hémicycle.
Nous avons également pu constater un certain consensus sur la nécessité de trouver des solutions, en particulier cette expérimentation innovante et la volonté des territoires de participer. Ces éléments sont positifs.
Mais ne faisons pas dire à ce texte plus qu’il ne dit. Par un certain nombre de mesures, il s’éloigne de l’esprit défendu par les associations qui en sont à l’origine. Au sein du groupe CRCE, nous sommes assez inquiets des entorses faites au droit du travail. Ne soyons pas dupes : l’entrée de l’expérimentation dans le droit commun crée un risque de précarisation et de flexibilisation du travail.
Je crois qu’il faut raison garder. Ce sont 420 personnes qui ont pu sortir du chômage de longue durée sur 10 territoires en 5 ans, soit 9 personnes par an et par territoire. Sachons donc rester modestes. Essayons effectivement d’améliorer le dispositif, en faisant en sorte d’avoir le meilleur accompagnement possible des chômeurs de longue durée et en permettant à plus de personnes concernées d’en bénéficier.
Mais, je le répète, ne soyons pas dupes ; le compte n’y est pas. L’État et le Gouvernement doivent prendre des mesures pour l’ensemble des personnes au chômage, en particulier dans le contexte actuel de pandémie.
À la lumière de nos interrogations, nous allons, nous aussi, soutenir ce texte en nous abstenant. Notre abstention n’est pas positive ou négative ; elle découle des doutes que j’ai exprimés. Mais nous ne voulons pas rompre la discussion que nous avons réussi à avoir sur ce texte.