Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Martine Filleul.
2. Hommage à Christian Poncelet, ancien président du Sénat
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
3. Rappel des règles sanitaires
Conclusions de la conférence des présidents
5. Candidatures à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
6. Candidatures à deux commissions
7. Candidatures à une commission mixte paritaire
8. Inclusion dans l’emploi par l’activité économique. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 41 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 89 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 66 de M. Olivier Paccaud. – Devenu sans objet.
Amendement n° 48 rectifié de Mme Monique Lubin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 95 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 102 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 103 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 92 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 2 bis et 2 ter – Adoption.
Article 3 (suppression maintenue)
Amendement n° 34 rectifié de Mme Raymonde Poncet. – Rejet.
Amendement n° 104 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 43 rectifié de Mme Monique Lubin. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 39 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 105 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 3 ter A
Amendement n° 7 de M. Michel Canevet. – Retrait.
Amendement n° 1 rectifié ter de Mme Catherine Fournier. – Retrait.
Amendement n° 49 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 99 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Michel Canevet. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié ter de Mme Catherine Fournier. – Retrait.
Amendement n° 3 rectifié ter de Mme Catherine Fournier. – Rejet.
Amendement n° 52 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 50 rectifié de Mme Monique Lubin. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 18 rectifié ter de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 29 rectifié de Mme Raymonde Poncet. – Retrait.
Amendement n° 53 rectifié de Mme Monique Lubin. – Adoption.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 12 rectifié de M. Jean-Jacques Panunzi. – Adoption.
Amendement n° 33 rectifié bis de Mme Raymonde Poncet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 51 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 46 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 54 rectifié de Mme Monique Lubin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 55 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 9 de M. Michel Canevet. – Rejet.
Amendement n° 98 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 97 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 47 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
L’article demeure supprimé.
Adoption de l’article.
Amendement n° 38 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 9
Amendement n° 85 rectifié de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 88 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié ter de Mme Catherine Fournier. – Rejet.
Amendement n° 5 rectifié ter de Mme Catherine Fournier. – Retrait.
Amendement n° 6 rectifié ter de Mme Catherine Fournier. – Retrait.
Amendement n° 17 rectifié ter de M. Daniel Chasseing. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 9 ter
Amendement n° 87 rectifié de M. Xavier Iacovelli. – Retrait.
Amendement n° 57 rectifié bis de Mme Monique Lubin. – Retrait.
Amendement n° 75 rectifié ter de M. Olivier Henno. – Retrait.
Amendement n° 101 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 106 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Article 10 (suppression maintenue)
Amendement n° 40 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 36 rectifié bis de M. Dominique Théophile. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Article 11 (suppression maintenue)
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
9. Communication d’un avis sur un projet de nomination
10. Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 39 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 22 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 17 rectifié ter de M. Michel Savin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 20 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 51 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 19 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 2 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article 1er bis (supprimé)
Article additionnel après l’article 1er bis
Amendement n° 27 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 28 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
Nomination de membres de deux commissions
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
Mme Martine Filleul.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 7 octobre 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Hommage à Christian Poncelet, ancien président du Sénat
M. le président. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre délégué, se lèvent.) Monsieur le ministre, mes chers collègues, chers anciens collègues présents en tribunes, c’est avec tristesse et émotion que nous avons appris la disparition, le 11 septembre dernier, de Christian Poncelet, qui fut sénateur des Vosges de 1977 à 2014 et président du Sénat pendant une décennie, de 1998 à 2008.
Avec plusieurs collègues et vous-même, monsieur le ministre, nous étions présents à ses obsèques, le 18 septembre en l’abbatiale Saint-Pierre de Remiremont. Je lui ai rendu, au nom du Sénat, un premier hommage lors de cette émouvante cérémonie d’adieu à laquelle assistaient de très nombreux habitants de Remiremont et des Vosges, ainsi bien sûr que de nombreuses personnalités politiques.
J’ai salué la mémoire d’un homme de devoir qui portait le gaullisme au plus profond de son engagement. Un homme dont le parcours continuera de marquer le Sénat, le département des Vosges et la commune de Remiremont.
Quel destin que celui de Christian Poncelet ! Un destin républicain, car la République ouvre tous les champs du possible à ceux qui, par la puissance de leur travail et la force de leur caractère, se mettent au service de leurs concitoyens.
Son père, qu’il perdit très tôt, était mécanicien agricole, et sa mère dut élever seule cinq garçons, auxquels elle transmit le goût du travail et de l’effort. Son grand-père, ancien combattant de la Grande Guerre, lui inculqua le patriotisme, cet amour de la France qui ne le quitta plus.
Sa vie fut synonyme de volonté et de courage. Christian Poncelet s’inscrivit à des cours du soir pour acquérir sa qualification de contrôleur aux Postes, télégraphes et téléphones. Il devint agent de la fonction publique et fut promu technicien dans un central téléphonique à Paris.
Animé de convictions chrétiennes, Christian Poncelet ressentit très tôt l’envie de mettre son esprit, ses forces et son cœur au service des autres. Il s’engagea au sein de la Confédération française des travailleurs chrétiens, la CFTC, et ce combat lui ouvrit les portes de la politique.
Sa rencontre avec Pierre Mendès France joua un rôle déterminant dans son initiation en politique. Ce fut en effet, ainsi qu’il l’a expliqué plus tard, la personnalité qui le marqua le plus après le général de Gaulle.
Dès 1958, Christian Poncelet milita au sein de l’Union démocratique du travail, l’UDT, aux côtés de René Capitant, d’Yves Guéna, de Léo Hamon. Leur ambition était alors d’associer justice et efficacité, ordre républicain et mouvement social.
Christian Poncelet s’engagea en faveur de l’élection du Président de la République au suffrage universel. Il se présenta à la députation en 1962, il laboura le terrain sans relâche, il sillonna sa circonscription des Vosges, sans cesse à l’écoute des maires.
Âgé de 34 ans, il devint alors l’un des 233 élus de l’UNR à l’Assemblée nationale. Ce fut le début d’une longue carrière politique au cours de laquelle il ne perdit jamais une seule élection.
Les élections cantonales de 1963, puis municipales de 1965, confirmèrent son ancrage territorial dans ce département qu’il aimait tant. Un ancrage qu’il devait à son épouse Yvette, originaire de Saulxures-sur-Moselotte.
À partir de 1972, Christian Poncelet enchaîna les secrétariats d’État. Au sein du gouvernement de Pierre Messmer, il fut secrétaire d’État aux affaires sociales, puis au travail et à l’emploi. Il défendit alors la dimension sociale de l’entreprise, il souhaita faire reculer les accidents du travail, il relança aussi l’idée de la participation. Il devint ensuite secrétaire d’État chargé de la fonction publique.
Après le décès du président Pompidou, il fut appelé au budget auprès de Jean-Pierre Fourcade dans le gouvernement de Jacques Chirac. Il fut le dernier ministre chargé du budget à avoir présenté un budget en équilibre !
En 1976, il devint président du conseil général des Vosges et appela tous les élus à s’associer à lui, sans esprit partisan. Ce département, il ne cessa de l’incarner. Il fut l’un de ses plus brillants et déterminés ambassadeurs.
La diversification de l’économie vosgienne à la suite de la crise de l’industrie textile, l’équipement général du département et de ses communes, ainsi que le désenclavement des Vosges, avec l’arrivée du TGV jusqu’à Remiremont et Saint-Dié et la modernisation du réseau routier transvosgien, portent la marque profonde de son action.
En 1977, il devint secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Mais sa résolution était prise : il souhaitait devenir sénateur des Vosges.
Très largement élu, il intégra la commission des finances. Le gaulliste qu’il était siégea au sein du groupe du Rassemblement pour la République, aux côtés de Maurice Schumann et de Charles Pasqua.
Au cours de ses premières années de mandat sénatorial, il s’illustra comme rapporteur d’une commission d’enquête sur les difficultés de l’industrie textile, puis d’une mission d’information sur la politique de décentralisation. Il paracheva son ancrage territorial dans les Vosges en étant élu maire de Remiremont en 1983.
Trois ans plus tard, il devint président de la commission des finances du Sénat. Il prôna une réduction des déficits, refusa l’augmentation des prélèvements obligatoires et proposa un contre-budget au Gouvernement. Il fut sans cesse à l’écoute de ses collègues de la majorité comme de l’opposition.
Au printemps 1998, Christian Poncelet commença sa campagne en vue de la présidence du Sénat. Il se voulut rassembleur et déclina ainsi son slogan : « une présidence modeste au service d’un Sénat ambitieux ». Il fut élu. Le Sénat s’enorgueillit alors d’avoir à sa tête un homme aux origines modestes, ancré dans cette terre des Vosges.
Dans l’exercice de ses fonctions de président du Sénat, Christian Poncelet ne cessa de défendre le bicamérisme comme condition de la démocratie.
Dès son arrivée, il appela les sénateurs à partir ensemble à la reconquête de l’opinion. Une reconquête qui passait, selon lui, par une attitude responsable lors du vote des lois : « Il faut résister à la tentation du toujours non ou du toujours oui. »
Il plaça la décentralisation, « facteur de libération des initiatives et des énergies locales », au cœur des débats. Il déclarait : « Il faut donner aux collectivités locales les instruments d’une véritable autonomie, leur conférer de nouvelles compétences, leur reconnaître un pouvoir réglementaire et consacrer leur autonomie fiscale. » Ce propos est toujours parfaitement d’actualité !
Sous l’impulsion de Christian Poncelet, la révision constitutionnelle de 2003 permit que les projets de loi « ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales » soient soumis en premier lieu au Sénat.
La Haute Assemblée devint, plus encore, une chambre du contrôle, un véritable contre-pouvoir, une assemblée en prise avec de grands sujets de société qui sont encore d’actualité : les retraites, l’insécurité, la fiscalité ; un Sénat capable de développer ses propres capacités d’expertise, de resserrer ses liens avec les collectivités locales et de s’adapter au projet européen. Christian Poncelet s’attacha à accentuer le suivi sénatorial de la construction européenne en créant notre antenne à Bruxelles et l’association des Sénats d’Europe.
Il avait une prédilection pour la diplomatie parlementaire, qu’il tenait pour « un canal de représentation des peuples au plan international ». Il promut le bicamérisme, notamment grâce à l’organisation d’un Forum des Sénats du monde.
Longtemps président du groupe interparlementaire d’amitié France-Vietnam – pays dont il se disait « passionné depuis toujours » –, il fut un défenseur inlassable du développement des échanges franco-vietnamiens. Il fut également soucieux du rapprochement de la France avec les pays du Caucase.
La présidence de Christian Poncelet fut aussi marquée par des efforts, couronnés de succès, pour mieux faire connaître notre institution. Au-delà d’actions de communication fortes, comme le lancement de la chaîne parlementaire Public Sénat, cette politique d’ouverture s’orienta tout particulièrement vers le monde des entreprises et la mise en place de stages d’immersion en entreprises destinés aux sénateurs. Elle se traduisit également par une politique culturelle, à travers le renouveau du Musée du Luxembourg ou l’organisation d’expositions sur les grilles du jardin.
Christian Poncelet organisa, le 14 juillet 2000, les États généraux des élus locaux, réplique de la Fête de la fédération rassemblant à midi 13 000 maires dans le jardin du Luxembourg : cette journée fut, à mes yeux, un moment de « béatitude républicaine ». Le 7 mars 2005, il réunit les États généraux de la démocratie locale et de la parité, un sujet sur lequel il s’était engagé.
En 2003, Christian Poncelet fut élu à l’Académie des sciences morales et politiques. Les symboles qu’il choisit pour orner son épée d’académicien résument presque à eux seuls ce qui a marqué son existence : le sanglier des Ardennes, manifestant sa passion pour la chasse comme son enracinement dans son département d’origine, la mirabelle de Lorraine et la croix de Lorraine, fidélité gaulliste oblige.
Pour l’évoquer, ses amis parlent d’un homme de consensus, d’un homme de dossiers, d’un homme de cœur, travailleur et exigeant.
Nous garderons de Christian Poncelet le souvenir d’un grand président du Sénat, d’un grand serviteur de l’État, d’un grand parlementaire, d’un élu de proximité profondément attaché à son département des Vosges et à sa commune de Remiremont, et aussi d’un humaniste, d’une personnalité d’une grande simplicité, agréable dans ses relations avec autrui.
En ce moment de recueillement et de mémoire, je souhaite renouveler à ses filles, Laurence et Danielle, à ses petits-enfants, à ses arrière-petits-enfants, ainsi qu’à toutes celles et tous ceux qui l’ont accompagné tout au long de sa vie, les condoléances sincères de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République. J’ai naturellement une pensée pour son épouse, qui nous a quittés il y a plus d’un an.
Christian Poncelet restera présent dans nos mémoires au Sénat.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en Christian Poncelet parlait des Vosges et de Remiremont, dont il a été l’enfant « choisi ».
Il a éperdument aimé une terre qui n’était pas celle de sa naissance, et à laquelle il est désormais lié à tout jamais. Comme si, en s’éteignant, sa vie entière nous disait que son destin avait tout fait pour le conduire là ou son cœur a choisi de rester, sans doute parce qu’il portait en lui les desseins d’un idéal plus haut, un idéal secrètement embrassé à sa naissance et auquel il était demeuré intimement lié jusqu’à sa disparition.
Enfant, Christian Poncelet fut arraché à ses Ardennes natales et à sa mère par la guerre. Valmy, aujourd’hui El Kerma, et l’Algérie française l’accueillirent. Sa famille alsacienne, qui avait fait le choix de la France en 1870 et qui y résidait, l’y recueillit pendant l’Occupation.
Une fois la France libérée par le général de Gaulle, dans les pas duquel il inscrira par la suite son engagement politique, Christian Poncelet effectue son service militaire et aspire à devenir officier de la Légion étrangère : le sens profond de l’autre, le sacrifice, même suprême, inspiraient déjà ses choix, ainsi que l’intuition, confuse encore mais naissante, que les valeurs de la République seront l’étendard de sa vie entière.
Servir toujours, et, dans sa vie, il ne se détourna de cette vocation que brièvement, par amour pour la fille unique d’un menuisier et d’une tisserande, Yvette Miclot, qui deviendra son épouse et à laquelle il ne voulait pas n’offrir qu’une vie d’absences. Il intègre alors l’École nationale supérieure des postes, télégraphes et téléphones, et, même s’il ne s’agissait sans doute pas de son choix de cœur, il était fier de dire, le regard facétieux, qu’il était le produit de l’École des télécommunications, et non celui de l’École nationale d’administration.
Sa carrière d’ingénieur, qu’il qualifiait de « raisonnable », l’était sans doute trop pour que se taise l’aspiration au progrès humain et social qui sommeillait en lui. Elle ne suffit bientôt plus à étancher sa soif de « faire » et sa volonté d’œuvrer à l’amélioration des conditions de travail de celles et ceux avec lesquels il partageait son quotidien.
Christian Poncelet emprunte donc le chemin du syndicalisme et, mû dans son action par ses origines modestes, lui qui était issu d’une famille paysanne porte une attention bienveillante, de chaque instant, aux plus fragiles. En 1953, il fait ses premières armes en animant une grève dure contre le Gouvernement, pour s’opposer à son projet de modification du régime de retraites.
Homme du peuple, il le restera lorsque, dix ans plus tard, élu député, il se dit prêt à démissionner quand le général de Gaulle menace de réquisitionner l’armée pour mettre un terme à la grève des mineurs.
De cette expérience syndicale, il disait enfin qu’elle n’était certainement pas étrangère à l’une des priorités qu’il avait souhaité mettre en œuvre en parvenant à des responsabilités gouvernementales : la création de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.
Car le prolongement de l’engagement syndical de Christian Poncelet par un engagement politique devient vite une évidence, et nul chemin ne semble assez escarpé pour le détourner de ce qui devait être sa voie : servir son pays. Il commence à y songer en 1953, profondément inspiré par sa rencontre avec Pierre Mendès France, qui détermine son entrée en politique.
Celui qui deviendra son ami l’entraîne un jour dans l’Eure, en pleine campagne électorale, au cours de laquelle il ferraille contre les bouilleurs de cru. Il y perdra son siège, ce dont Christian Poncelet saura en toute occasion se souvenir, lui qui, tout en sachant se montrer ferme et parfois impitoyable, pouvait également manier avec virtuosité le tutoiement et savait convaincre les esprits comme les cœurs.
Cette rencontre avec Pierre Mendès France fut également fondatrice de sa volonté farouche d’œuvrer constamment au dépassement des clivages partisans, avec pour seule considération l’intérêt supérieur de la Nation. Il se disait d’ailleurs libre des considérations politiciennes, comme en témoigne son vote pour François Mitterrand en 1981, qu’il assumait pleinement.
C’est dès 1962 que ce jeune homme de 34 ans se lance dans ce qui sera l’une des plus grandes et des plus longues aventures politiques de la Ve République, dans le « pays de sa femme », comme il aimait à le dire.
Les Vosgiennes et les Vosgiens se prirent immédiatement d’affection pour cet homme chaleureux et simple, un jour de novembre, lorsqu’ils le choisirent pour porter leur voix à l’Assemblée nationale. Le lien qu’ils nouèrent alors devint indéfectible. Jamais il ne sera rompu : dix ans député, trente-six ans sénateur, quinze ans conseiller régional, cinquante et un an conseiller général, dont trente et un ans à la présidence, et dix-huit années à la mairie de Remiremont.
« Je vis les Vosges », disait Christian Poncelet, qui en sillonnait toutes les routes. Entre Charmes et Bussang, Lamarche et Senones, il prenait plaisir à aller dans tous les villages, à la rencontre de cette population qu’il aimait tant, au cœur de ces paysages auxquels il se sentait charnellement lié et qu’il évoquait souvent en parlant aussi de sa passion pour la chasse.
Convivial, sans façons, disponible, proche des siens et authentique, si bien qu’il fut bientôt affectueusement surnommé « Ponpon », il était aussi et surtout un homme d’action et de dossiers, qui a profondément transformé sa terre d’élection.
Sa mémoire infaillible, sa fine connaissance du territoire et sa fougue étaient saluées de toutes et tous. Il était à la fois un homme de dialogue et d’autorité, de colères tempétueuses et d’écoute pleine d’égards et d’affection.
Il était d’ailleurs aussi affable en apparence qu’il savait se montrer dur dans le combat politique. Il exécrait la trahison, dont il avait une conception aussi large que l’importance qu’il accordait à la fidélité et à l’amitié. Son appétit politique se nourrissait de combats face aux adversaires qu’il s’était désignés : Lionel Stoléru d’abord, puis Christian Pierret et enfin Philippe Séguin.
De ce caractère singulier, de cette énergie immense, il fit profiter les Vosges en œuvrant au désenclavement du territoire, à travers le « Y » vosgien, l’aménagement des routes départementales partant vers Saint-Dié, Remiremont et La Plaine, ainsi que l’arrêt du train à grande vitesse à Épinal, à Remiremont et à Saint-Dié.
Il fut également l’un des artisans majeurs de la conversion économique d’un territoire dépendant de l’industrie textile, auquel il donna une vitalité nouvelle avec l’implantation de nombreuses entreprises portée et soutenue par le conseil général.
Les Vosges, mais aussi la France, car Christian Poncelet aura également servi avec dévouement et efficacité les gouvernements de Pierre Messmer, de Jacques Chirac et de Raymond Barre. Loyal et compétent, il occupa de hautes fonctions, telles que le secrétariat d’État chargé des affaires sociales, ceux de l’emploi et de la population, de la fonction publique, du budget ou encore des relations avec le Parlement.
Le parcours de cet enfant des Ardennes, qui n’avait pas obtenu le brevet, fut forgé par son immense force de caractère ; une page blanche écrite par un autodidacte ambitieux, généreux et travailleur, à l’encre de la méritocratie, ce qui expliquait sans doute pourquoi Christian Poncelet était si peu sensible aux honneurs et aux faveurs.
S’il n’aimait pas exhiber titres et succès, il a pourtant à son actif de nombreuses réalisations. Il en évoquait une avec une fierté toute particulière : avoir porté le dernier budget présenté, voté et exécuté à l’équilibre, en 1975. C’était il y a quarante-cinq ans !
Il concevait les responsabilités nationales non pas comme la marque d’une promotion personnelle, mais comme une manière différente de servir son territoire. À aucun instant il n’abandonna la politique locale, lui qui considérait qu’un engagement politique sans enracinement n’avait aucun sens, et qu’il aurait alors ressemblé « à un satellite qui avait perdu le contact de la Terre ».
Ce contact avec sa terre des Vosges, Christian Poncelet le consolide et le solidifie, en 1977, avec son élection au Sénat. Il aimait d’ailleurs souligner combien l’élection sénatoriale était singulière, parce qu’elle ne dépendait pas uniquement des étiquettes politiques, mais aussi d’une équation personnelle, d’un lien de confiance et d’estime réciproque entre élu et grands électeurs, d’un attachement profond à un territoire.
En 1986, il devient président de la commission des finances, ce qui le conduit à la présidence du Sénat, qu’il emporte le 2 octobre 1998, un siècle après un autre Vosgien, Jules Ferry. Cette présidence ne lui fut pas offerte. Il dut aller la conquérir avec méthode et ténacité, à force d’attentions pour chacune et chacun, dont le souvenir dans cette chambre est impérissable.
Parce qu’il fut sincèrement meurtri par les mots d’un ancien Premier ministre, qui parla d’une « anomalie constitutionnelle » en évoquant la Haute Assemblée, il décida de placer sa présidence sous le signe de la défense d’une idée noble du bicamérisme, qui était pour lui la pierre angulaire de la démocratie.
Il voulait que le Sénat exerce la plénitude des prérogatives que lui reconnaît la Constitution : il souhaitait qu’il se fasse, au quotidien, la voix des territoires de France et organisa, dans cette perspective, les États généraux des territoires. Christian Poncelet voyait la décentralisation comme la « seule voie qui conduise à l’esprit d’entreprise », comme l’écrivait le général de Gaulle, qu’il citait alors pour défendre une République territoriale, fruit d’une réforme de l’État et de la gouvernance locale pour que les décisions soient prises au plus près des Françaises et des Français.
Il voulait aussi que le Sénat s’ouvre davantage au monde social et économique et aux forces vives de la Nation. Il défendait sans relâche une conception exigeante du rôle du législateur, en prônant un contrôle et une évaluation des politiques publiques toujours plus poussés.
Il aspirait également à mieux faire connaître le Sénat des Françaises et des Français, avec les expositions de photographie, que Paris peut encore apprécier au jardin du Luxembourg, et en participant au lancement, voilà vingt ans, de la chaîne Public Sénat.
Visionnaire sur ce que devait être l’avenir de la décision publique en France, il ouvrit enfin grand les portes du Sénat aux citoyennes et aux citoyens, à travers l’organisation de rendez-vous citoyens, pour que cette maison de la démocratie soit pleinement la leur.
Européen enfin, Christian Poncelet l’était profondément. Lui savait sans doute mieux que quiconque le coût de la guerre, pour avoir dédié sa vie à un territoire lacéré par les conflits.
Député européen, il fut un ardent défenseur de la coopération entre les peuples, et un ami de la Chine, précieux pour les relations privilégiées que la France entretenait avec elle.
Il se définissait d’ailleurs comme un « Européen convaincu », car il savait sans doute mieux que quiconque que la paix, œuvre de cette singulière communauté de destin qu’est l’Europe, n’a pas de prix et qu’elle est au cœur même de ce qui est avant tout une manière de penser le monde.
Christian Poncelet aura vécu cinquante-deux ans de vie politique, durant laquelle il n’aura jamais connu la défaite.
Sa dernière élection au conseil général des Vosges, emportée en 2011 au bénéfice de l’âge, sera son ultime pied de nez à celles ou ceux qui, tout au long de sa vie publique, ont caressé l’espoir de le battre.
Sa terre d’adoption le pleure aujourd’hui comme le plus enraciné de ses enfants. « Aimer et avoir la foi », disait-il avec simplicité en parlant du sens de l’engagement de toute une vie au service de Remiremont, des Vosges et de la France.
La voix de Christian Poncelet, en cet instant et devant sa famille et ses proches, se confond avec la nôtre et avec celle de la République tout entière. Elle résonnera pour toujours dans cet hémicycle : « Aimer et avoir la foi ».
À sa famille, à ses filles, à ses anciens collègues et amis du Sénat, à ses anciens collaborateurs et aux Vosgiens, j’exprime au nom du Gouvernement nos condoléances les plus sincères et le témoignage de notre profonde sympathie.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre délégué, observent une minute de silence.)
Conformément à notre tradition, en signe d’hommage au président Poncelet, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
3
Rappel des règles sanitaires
Mme le président. Mes chers collègues, pour le respect des règles sanitaires, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’ensemble du palais. Il vous est demandé de laisser un siège vide entre deux sièges occupés. L’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection chaque semaine ; les micros sont régulièrement désinfectés.
J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.
Afin de limiter la circulation de documents, vous êtes invités à utiliser vos tablettes et la fonctionnalité « En séance » sur le site internet du Sénat pour prendre connaissance du dérouleur et des amendements.
4
Conférence des présidents
Mme le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie mercredi 7 octobre sont consultables sur le site du Sénat. En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 13 octobre 2020
À 14 h 30
- Hommage solennel à Christian Poncelet, ancien président du Sénat
À 15 h 15
- Désignation des membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures : mardi 13 octobre à 14 heures 30
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » (texte de la commission n° 18, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 13 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 octobre à 15 heures
Le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » (texte de la commission n° 18, 2020-2021)
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire (texte de la commission n° 10, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 13 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 octobre à 15 heures
Mercredi 14 octobre 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 14 octobre à 11 heures
À 16 h 30
- Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire (texte de la commission n° 10, 2020-2021)
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure (texte de la commission n° 12, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 octobre à 15 heures
Le soir
- Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure (texte de la commission n° 12, 2020-2021)
- Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental (texte de la commission n° 14, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 octobre à 15 heures
Jeudi 15 octobre 2020
À 10 h 30 et à 14 h 30
- Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental (texte de la commission n° 14, 2020-2021)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Lundi 19 octobre 2020
À 17 heures et le soir
- Proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues (texte n° 293, 2019-2020 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 19 octobre après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 16 octobre à 15 heures
Mardi 20 octobre 2020
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales, présentée par MM. Philippe Bas et Jean-Marie Bockel et plusieurs de leurs collègues (texte n° 682, 2019-2020) et proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales, présentée par MM. Philippe Bas et Jean-Marie Bockel et plusieurs de leurs collègues (texte n° 683, 2019-2020 ; demande du groupe Les Républicains)
Ces textes ont été envoyés à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission des finances.
Il a été décidé qu’ils feraient l’objet d’une discussion générale commune.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 14 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 20 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 19 octobre à 15 heures
En outre, à 17 heures
Désignation :
- des dix-huit sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
- des trente-six membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
- des trente-six membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation
- des trente-six membres de la délégation sénatoriale à la prospective
- des vingt et un membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer autres que les vingt et un sénateurs d’outre-mer, membres de droit
- et des quarante-deux membres de la délégation sénatoriale aux entreprises.
• Les candidatures présentées par les groupes à ces instances devront être remises à la division de la séance et du droit parlementaire au plus tard le mardi 20 octobre, à 14 heures 30
Mercredi 21 octobre 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 21 octobre à 11 heures
À 16 h 30
- Scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République
• Ce scrutin secret se déroulera dans la Salle des Conférences. Les candidatures devront être remises à la division de la séance et du droit parlementaire au plus tard le mardi 20 octobre, à 14 heures 30
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire (texte n° 543, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 octobre à 15 heures
- Débat sur l’alimentation durable et locale
• Temps attribué au groupe RDPI : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de seize questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 20 octobre à 15 heures
À 22 heures
- Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2020 (demande de la commission des affaires européennes)
• Intervention liminaire du Gouvernement
• 5 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Conclusion par la commission des affaires européennes : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 20 octobre à 15 heures
• Réunion préalable de la commission des affaires européennes ouverte à tous les sénateurs : mercredi 14 octobre à 18 heures
Jeudi 22 octobre 2020
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public, présentée par M. Laurent Lafon (texte n° 629, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 octobre à 15 heures
- Proposition de loi visant à réformer la procédure d’octroi de la dotation d’équipement des territoires ruraux, présentée par M. Hervé Maurey (texte n° 594, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 octobre à 15 heures
À l’issue de l’espace réservé et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou nouvelle lecture (demande du Gouvernement)
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 octobre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mercredi 21 octobre à 8 heures 30
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 22 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 22 octobre après-midi
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 27 octobre 2020
À 14 h 30
- Éloge funèbre de Colette Giudicelli
À 15 h 15 et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 octobre à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 octobre à 15 heures
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (texte n° 7, 2020-2021)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 19 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 27 octobre en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 octobre à 15 heures
Mercredi 28 octobre 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 28 octobre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte n° 722, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 9 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 23 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 28 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 27 octobre à 15 heures
Jeudi 29 octobre 2020
À 10 h 30 et à 14 h 30
- Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte n° 722, 2019-2020)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 3 novembre 2020
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution (procédure accélérée ; texte n° 680, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 2 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 3 novembre matin et, éventuellement, à 14 heures
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 2 novembre à 15 heures
Mercredi 4 novembre 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 4 novembre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes (texte n° 485, 2019-2020)
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar et de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (texte n° 717, 2019-2020)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 2 novembre à 16 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 novembre à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 novembre à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 novembre à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (texte A.N. n° 3221)
Ce texte sera envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 23 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 2 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 4 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 novembre à 15 heures
PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Lundi 9 novembre 2020
À 16 heures
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2021 (discussion générale)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 4 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 6 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 9 novembre en début d’après-midi et à la suspension du soir et mardi 10 novembre matin, en début d’après-midi et à la suspension du soir
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 h 30
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 6 novembre à 15 heures
Le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2021 (discussion des articles)
Mardi 10 novembre 2020
À 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2021
Jeudi 12 novembre 2020
À 10 h 30
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2021
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 12 novembre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2021
Vendredi 13 novembre 2020
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2021
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 17 novembre 2020
À 14 h 30
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, explications de vote des groupes puis scrutin solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 16 novembre à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 17 novembre à 12 heures 30
La suite de l’ordre du jour de cette semaine sera déterminée ultérieurement.
Prochaine réunion de la conférence des présidents :
mercredi 28 octobre 2020 à quatorze heures
5
Candidatures à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
Mme le président. L’ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
Conformément aux articles 8 et 103 bis du règlement, la liste des candidats remise par les bureaux des groupes et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe sera publiée dans quelques instants.
Cette liste sera ratifiée s’il n’y a pas d’opposition dans le délai d’une heure suivant cette publication.
6
Candidatures à deux commissions
Mme le président. Le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe a transmis les noms de sénateurs pour siéger au sein de deux commissions permanentes.
Conformément à l’article 8 du règlement, ces candidatures ont été publiées.
Elles seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure.
7
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
8
Inclusion dans l’emploi par l’activité économique
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (proposition n° 710 [2019-2020], texte de la commission n° 18, rapport n° 17).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui témoigne de la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de l’emploi pour tous.
Pour que la relance de notre économie soit la plus inclusive possible, les solutions d’accès à l’emploi doivent être déployées au cœur des territoires.
Après l’unanimité obtenue à l’Assemblée nationale, c’est désormais à votre assemblée, celle des territoires, de se prononcer. Je salue l’enrichissement du texte par la commission des affaires sociales du Sénat, et tout particulièrement le travail de Mme la rapporteure Frédérique Puissat. J’en profite pour féliciter Mme Catherine Deroche pour sa récente élection comme présidente de la commission des affaires sociales.
La commission a su proposer des outils complémentaires de pilotage des expérimentations, tout en gardant comme boussole l’insertion de nos concitoyens les plus éloignés de l’emploi.
La discussion d’aujourd’hui est symbolique à plus d’un titre.
Premièrement, elle revêt une grande importance à l’heure où les plus vulnérables peuvent être fragilisés par la crise économique.
Cette loi découle directement de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, annoncée en septembre 2018 par le Président de la République. Elle porte la transcription du Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique de 2019, dont elle reprend certaines propositions. Elle prolonge une expérimentation, « territoires zéro chômeur de longue durée », mobilisant les territoires pour proposer des emplois à ceux qui en sont le plus éloignés. Elle s’inscrit dans la philosophie de « France Relance » : tous les leviers doivent être utilisés pour donner un emploi à chacun, aux jeunes, aux seniors, aux moins qualifiés. Elle fait suite à l’annonce d’un dispositif de soutien exceptionnel de 300 millions d’euros en faveur des structures d’insertion par l’activité économique et des entreprises adaptées.
Ces orientations budgétaires sans précédent traduisent l’ambition du Président de la République de parvenir à intégrer 100 000 salariés supplémentaires dans les parcours d’insertion et 40 000 autres dans les entreprises adaptées.
Deuxièmement, le texte que nous nous apprêtons à étudier a fait l’objet d’une large coconstruction.
Dès son élaboration, il a été proposé par des parlementaires et concerté avec les acteurs des structures de l’insertion par l’activité économique et avec l’association Territoires zéro chômeur de longue durée.
Pendant sa discussion à l’Assemblée nationale, un travail constructif a été mené par les députés de tous les groupes, majorité comme opposition, qui a permis d’obtenir l’unanimité. Nous pouvons en être fiers.
Les débats que nous avons eus ont permis de mieux répondre aux problématiques des personnes les plus éloignées de l’emploi, en œuvrant à leur insertion et à leur retour durable vers l’emploi.
Vous le savez, ce texte renforce deux très beaux outils qui permettent d’appliquer des méthodes complémentaires pour insérer les personnes les plus éloignées de l’emploi.
Le titre Ier est consacré au renforcement du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE).
Le titre II est consacré à la prolongation et à l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Le titre III est quant à lui un titre de coordination et de mise à jour.
L’insertion par l’activité économique est un outil puissant de retour à l’emploi, que cette proposition de loi vise à renforcer. Cette solution d’accès à l’emploi permet d’accompagner le retour à l’emploi de personnes qui en sont durablement éloignées, à partir d’une activité salariée, complétée de formations, au sein d’une structure d’insertion conventionnée par l’État.
Pour accompagner et accélérer la consolidation de ce secteur, cette proposition de loi apporte de la simplification pour les structures d’insertion elles-mêmes et de la sécurité pour les personnes en parcours d’insertion.
Tout d’abord, elle prévoit un changement nécessaire : la suppression de l’agrément préalable délivré par Pôle emploi et son remplacement par le Pass IAE.
Via la nouvelle plateforme de l’inclusion, les structures d’insertion par l’activité économique pourront recruter sans avis préalable. Elles partageront l’information relative aux personnes qu’elles recrutent directement, sans passer obligatoirement par un tiers prescripteur. Les prescripteurs pourront proposer aussi directement des candidats au recrutement par le biais de la plateforme de l’inclusion. Ce texte permettra donc une simplification des règles de recrutement pour l’ensemble des structures d’insertion par l’activité économique, leur permettant d’embaucher plus rapidement et d’être plus visibles. Cette mesure est attendue de tous et c’est donc une très bonne nouvelle.
Dans le même temps, il nous semble nécessaire de prendre en compte la diversité des situations au sein des structures d’insertion par l’activité économique. C’est la raison pour laquelle nous saluons le travail d’écoute de Mme la rapporteure, qui a su entendre les préoccupations des acteurs en vue d’aménager le contrat passerelle et d’y ajouter la possibilité d’un cumul de contrats. Le Gouvernement soutient ces avancées issues du travail de la commission.
Dans cette optique, le Gouvernement vous proposera de prolonger une expérimentation en cours dans les entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI), celles-ci constituant la dernière famille des structures de l’IAE.
Ensuite, cette proposition de loi créait initialement le CDI « inclusion des seniors », qui apporte des éléments de sécurisation pour ces personnes jusqu’à leur retraite.
Le Gouvernement proposera de rétablir l’articulation introduite, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, entre le CDI « inclusion des seniors » et le contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI), notre objectif étant de lutter contre la précarité des seniors.
C’est une innovation majeure pour le secteur de l’insertion par l’activité économique, qui, jusque-là, ne proposait que des contrats courts renouvelables jusqu’à concurrence de vingt-quatre mois au maximum. Tout salarié d’une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE) de plus de 57 ans au moment du renouvellement de son parcours pourra se voir proposer un CDI, si sa situation ne lui permet pas de retrouver un emploi dans le secteur de droit commun.
Ce dispositif remplacera ainsi, pour les plus de 57 ans, les CDDI, qu’il est possible de renouveler par dérogation à partir de 50 ans. Sans trahir la philosophie de l’insertion par l’activité économique, celle du « sas », nous poursuivrons ainsi l’objectif de lutter contre la précarité des seniors éloignés de l’emploi, en leur permettant d’accéder à un CDI.
Dans son titre II, cette proposition de loi vise également à prolonger et à étendre l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », qui est un dispositif complémentaire de l’insertion par l’activité économique. Quand l’un est depuis plus de trente ans un outil éprouvé de retour vers l’emploi, l’autre relève d’une solution d’accompagnement personnalisée, inscrite dans un projet de territoire. Elle vise à insérer les personnes dans l’emploi en partant de leurs compétences et des besoins des bassins d’emploi. Elle repose sur des CDI à temps choisi.
Cette expérimentation, née de la loi du 29 février 2016, adoptée à l’unanimité de l’Assemblée nationale et du Sénat, et soutenue par le mouvement associatif, a rencontré un intérêt certain dans les territoires.
Aujourd’hui, treize entreprises à but d’emploi (EBE) existent dans dix départements et emploient 820 personnes, dont 770 personnes privées durablement d’emploi (PPDE), dans le cadre d’un projet collectif utile et complémentaire de l’offre d’emploi préexistante. Ces EBE sont pilotées par des comités locaux pour l’emploi réunissant l’ensemble des acteurs du territoire : les élus, le service public de l’emploi, les associations, mais aussi les entreprises, les SIAE. Le dispositif consiste à recruter en CDI à temps choisi tous les demandeurs d’emploi volontaires du territoire au chômage depuis plus d’un an sur des activités nouvelles, utiles au territoire et correspondant aux souhaits et aux capacités des PPDE.
Je salue le travail et la persévérance de Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée, de Michel de Virville et de Patrick Valentin, vice-présidents, et de Louis Gallois, président du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.
Le Gouvernement soutient cette expérimentation prometteuse et est prêt à augmenter la « taille du laboratoire » pour lui permettre de faire ses preuves.
Au cours des discussions à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a prouvé qu’il savait entendre les préoccupations du terrain et évoluer. Le nombre de territoires pouvant être habilités s’élèverait à soixante, conformément à ce qui a été voté à l’Assemblée nationale. L’engagement du Gouvernement est clair. Ce nombre pourrait être actualisé pour éviter de laisser de côté des territoires qui seraient prêts.
Dans le cadre de la navette, comme je m’y étais engagée, nous souhaitons aboutir à la rédaction offrant le plus de flexibilité possible, pour permettre l’habilitation des projets de territoire. Le recours à un texte réglementaire serait susceptible de nous offrir cette souplesse qui répond à l’attente des différents acteurs. Je poursuivrai le travail avec les rapporteurs des deux chambres d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, pour qu’avec les acteurs concernés nous puissions aboutir à une solution respectueuse des territoires et de la volonté des parlementaires. Je le répète, aucun territoire prêt ne doit être laissé de côté.
Nous voulons également construire un dispositif responsable au regard des finances publiques. Dans ce cadre, nous saluons l’enrichissement permis par le travail de la commission quant aux dispositifs de suivi de l’expérimentation.
À ce stade, la solution issue des travaux de la commission des affaires sociales concernant le financement de l’expérimentation par les départements nous apparaît problématique. Elle fragilise selon nous la position de chef de file des conseils départementaux au titre de leur compétence en matière d’insertion. Cela ne nous semble pas souhaitable. Nous vous proposerons donc de revenir à la rédaction initiale, qui permettait de respecter la compétence du département, mais aussi son expertise et sa connaissance du terrain, en lui laissant le choix de valider ou pas le lancement d’une expérimentation.
Faire confiance aux départements, qui sont les acteurs historiques de l’insertion, nous paraît primordial. Je le redis très clairement : aucun projet d’expérimentation ne se fera contre la volonté des départements. Mais la mobilisation d’un département doit logiquement se traduire par sa contribution au financement de l’expérimentation.
Pas de liberté locale sans responsabilité locale : c’est le principe du « qui décide paie », si cher à la Haute Assemblée.
Enfin, la proposition de loi porte, en son titre III, mise à jour de diverses mesures sociales.
Nous proposerons de rétablir l’article 7, très important selon nous. Il ne s’agit pas de modifier le dispositif de bonus-malus ; la discussion sur ce sujet est en cours avec les partenaires sociaux, mais, dans l’attente de l’aboutissement de celle-ci, il est nécessaire de prendre des mesures permettant l’articulation entre les allégements généraux de charges applicables, depuis 2019, aux cotisations sociales et le mécanisme en discussion. C’est une question d’équité pour les entreprises visées, le III de l’article 7 excluant de son application les structures d’insertion par l’activité économique, ce qui leur permet de jouer leur rôle de sas sans être pénalisées.
Sur le terrain, les deux leviers renforcés par les deux premiers titres de cette proposition de loi démontrent déjà au quotidien leur complémentarité. D’un côté, l’insertion par l’activité économique propose un parcours temporaire de retour vers l’emploi et des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement, afin de construire ou de reconstruire des trajectoires professionnelles. De l’autre, il est proposé, au travers de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », un recrutement en CDI, afin de redynamiser les personnes grâce à ces contrats, tout en participant à un projet de territoire. On retrouve, dans les deux cas, une même conviction : le fait de donner un emploi à tous est un facteur essentiel de dignité pour les personnes et de cohésion pour l’ensemble de notre pays.
Ces expérimentations sont proches, dans l’esprit, de ce que pourrait être le nouveau service public de l’insertion et de l’emploi, au travers de leur inscription dans un projet de territoire, incarné par les comités locaux pour l’emploi. Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l’insertion, sera à mes côtés, dans les semaines qui viennent, pour défendre ce projet de coordination renforcée entre tous les acteurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’un beau texte, utile et nécessaire. Dans cette période d’incertitude et de difficultés accrues pour les plus précaires, son adoption est dans l’intérêt de tous et de tous les territoires. Je n’en doute pas, nous saurons aboutir, dans le respect de nos convictions, à un texte de loi satisfaisant. Vous le savez, la procédure accélérée a été engagée sur ce texte ; nous avons tous à cœur de voir son examen aboutir au plus vite. La commission mixte paritaire aura la responsabilité de travailler à son équilibre définitif.
J’adresse de nouveau mes remerciements à Mme la rapporteure pour son travail d’enrichissement du texte.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui porte fortement la marque du Gouvernement, qui a décidé son inscription à l’ordre du jour et a engagé la procédure accélérée.
Notons-le, le recours à cette procédure, qui écourte le débat, n’est pas une garantie de célérité. Ainsi – je me permets de le souligner, madame la ministre –, nous avons adopté en urgence, l’été dernier, le dispositif de don de chèques-vacances pour le personnel soignant, qui doit arriver à échéance le 31 octobre prochain, mais dont le décret d’application n’est toujours pas paru…
Mme Monique Lubin. Ça promet…
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Si l’on peut espérer que le présent texte aura davantage de suites, je regrette tout de même que la procédure suivie nous prive d’une étude d’impact ou encore d’un avis du Conseil d’État.
Le titre Ier de la proposition de loi vise à mettre en œuvre certaines des propositions du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique. Ces mesures répondent aux difficultés signalées par les acteurs de terrain ; elles me semblent, pour la plupart, bienvenues.
Ainsi, l’article 1er du texte, qui supprime l’agrément obligatoire de Pôle emploi pour les embauches au sein des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) et permet l’autoprescription, par les structures, d’un parcours d’insertion représente un assouplissement nécessaire. Le « Pass IAE », qui s’appuie sur le développement d’une plateforme numérique de l’inclusion – en cours de déploiement –, devrait permettre de fluidifier les recrutements et de supprimer des démarches redondantes.
Ce passage à une logique partenariale fondée sur la confiance suppose un contrôle a posteriori de l’éligibilité des bénéficiaires. Le texte étant muet sur ce point, la commission des affaires sociales a prévu, de manière à répondre aux interrogations des acteurs de terrain, qu’un décret déterminerait les modalités de ce contrôle ainsi que la possibilité, en cas de non-respect de la démarche, de retirer la capacité d’autoprescription à une SIAE. Notre commission a en revanche renvoyé à un arrêté, plutôt qu’à un décret, la liste des prescripteurs habilités.
La création, à l’article 2, d’un contrat à durée indéterminée (CDI) dit « inclusion senior » répond aux besoins d’un public particulier, pour lequel la logique de tremplin qui sous-tend l’IAE est inadaptée.
Le seuil de 57 ans prévu pour bénéficier du dispositif semble pertinent et cohérent avec les autres dispositifs existants, tels que le contrat à durée déterminée (CDD) « senior ».
Toutefois, la commission a rétabli la possibilité de déroger, à titre exceptionnel, pour les salariés seniors rencontrant des difficultés particulières, à la durée maximale de vingt-quatre mois de renouvellement des CDD, au-delà de l’âge de 57 ans, en complément du CDI inclusion senior. En effet, il pourrait être préjudiciable, dans certains cas, que la SIAE n’ait d’autre choix, à l’issue d’un CDD d’insertion de deux ans, que d’embaucher la personne en CDI ou de mettre fin à son parcours.
En outre, pour ce qui concerne les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI), la commission a clarifié l’articulation du CDI inclusion senior avec les dispositions législatives relatives au CDI intérimaire.
La commission a également apporté des ajustements rédactionnels à d’autres mesures relativement consensuelles introduites à l’Assemblée nationale.
En revanche, l’expérimentation d’un « contrat passerelle », permettant à une entreprise d’insertion ou à un atelier ou chantier d’insertion de mettre à disposition, pendant une durée déterminée, sous forme de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, un salarié en fin de parcours d’insertion auprès d’une entreprise de droit commun, n’est pas accueillie favorablement par certains acteurs de l’insertion par l’activité économique.
Il me semble toutefois important de soutenir les efforts visant à faciliter les rapprochements entre l’insertion par l’activité économique et le secteur marchand et à encourager les logiques de parcours. Pour répondre aux inquiétudes des acteurs de terrain, la commission a précisé le cadre de cette expérimentation, en introduisant, pour les bénéficiaires, une condition d’ancienneté de quatre mois dans un parcours d’IAE, en limitant la durée de la mise à disposition à trois mois renouvelables et en dispensant de période d’essai le salarié en cas d’embauche par l’entreprise utilisatrice.
En complément à ce « contrat passerelle », la commission a introduit un dispositif de « temps cumulé », qui vise à permettre une transition progressive entre un contrat d’insertion et un CDI ou un CDD à temps partiel en levant, sous conditions, le seuil de la durée hebdomadaire de travail au sein des SIAE, légalement fixé à vingt heures. De la même manière, il sera possible de déroger, dans le cadre de ce dispositif, au minimum de vingt-quatre heures hebdomadaires en contrat à temps partiel de droit commun.
Dans son deuxième volet, cette proposition de loi vise à prolonger de cinq ans et à étendre de dix à soixante territoires l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette expérimentation consiste à permettre l’embauche de chômeurs de longue durée en contrats à durée indéterminée, pour des tâches non couvertes par l’économie de marché. Les emplois ainsi créés sont presque intégralement financés par les pouvoirs publics, en faisant l’hypothèse que le retour à l’emploi permet à la collectivité d’éviter des dépenses directes et indirectes à hauteur du coût assumé pour les financer.
Cette expérimentation suscite de nombreuses attentes.
J’ai pu mesurer à quel point l’association porte ce dispositif et je me permets de saluer l’engagement de tous les bénévoles et de tous les élus locaux, qui ont à cœur de défendre leur vision. J’ai pu échanger de manière constructive avec eux tout au long de mes travaux.
Comme le précise le rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale des finances (IGF), l’expérimentation menée depuis 2016 n’a pas permis de démontrer la neutralité financière du dispositif, postulée au départ. Ce dispositif a bien un coût, qui pourrait être considérable s’il devait être développé à grande échelle.
Pour autant, le regard que nous porterons sur cette expérimentation ne doit pas s’arrêter à cette réalité ; apporter une vraie réponse à la problématique de l’exclusion nécessite sans doute d’augmenter les moyens que nous consacrons à cette politique. En effet, celle-ci peut être vue comme un investissement social et l’absence de neutralité financière ne doit pas être un obstacle à la poursuite de l’expérimentation.
La question que nous devons nous poser est donc celle de l’efficience du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » par rapport à celle d’autres outils de la politique de lutte contre l’exclusion, notamment les structures d’insertion par l’activité économique.
À cet égard, l’expérimentation menée depuis 2016 permet de tirer de premiers enseignements, dont il convient de tenir compte pour la suite. À ce jour, elle a permis d’embaucher un peu moins de 1 000 personnes, sur les 4 000 personnes privées d’emploi potentiellement éligibles. Cette montée en charge plus lente que prévu s’explique en partie par les difficultés rencontrées par les porteurs de projet, qui soulignent la nécessité d’accompagner chaque projet territorial et, sans doute, de trouver des financements complémentaires, au moins pour la période de démarrage des entreprises à but d’emploi. Je considère donc qu’il s’agit d’un début encourageant.
Les évaluations réalisées montrent que la situation matérielle et morale des personnes embauchées s’est nettement améliorée, ce qui confirme, s’il en était besoin, qu’il est préférable d’occuper un emploi stable que d’être en situation d’exclusion.
Le comité scientifique, qui doit rendre son rapport final dans les semaines à venir, semble conclure que l’on n’observe pas encore d’effets positifs notables pour les territoires eux-mêmes, mais il est sans doute trop tôt pour tirer des conclusions à ce sujet.
À la différence des structures d’insertion par l’activité économique, les entreprises à but d’emploi proposent des contrats à durée indéterminée et ne se donnent pas pour objectif explicite l’insertion dans l’emploi de droit commun. Ce facteur semble décisif pour permettre la stabilisation dans l’emploi des personnes embauchées, en supprimant l’épée de Damoclès que représente la fin prévue du contrat.
Pour autant, l’expérimentation comporte, de ce fait, ce que le comité scientifique appelle un « impensé », qui touche à l’évolution professionnelle des personnes embauchées. Sans doute faudra-t-il remettre en question ce parti pris, qui n’est d’ailleurs pas partagé par tous les porteurs de projet, et mettre davantage l’accent sur la formation de ces personnes, dans une logique de parcours vers l’emploi.
L’expérimentation montre également que la concertation entre les acteurs locaux permet de développer des activités nouvelles, utiles aux territoires. Si le critère de non-concurrence avec le secteur marchand semble globalement respecté, une attention particulière devra être portée à l’articulation avec les acteurs de l’insertion par l’activité économique.
Il faudra aussi se demander si, à moyen terme, l’absence de perspective d’évolution professionnelle et salariale dans les EBE n’est pas de nature à créer des frustrations et s’il n’existe pas un risque d’effet d’éviction par rapport à certains emplois du secteur marchand qui présenteraient un niveau supérieur de contraintes tout en étant rémunérés au même niveau.
Enfin, l’un des éléments les plus intéressants, à mes yeux, de cette expérimentation réside dans la logique de territoire sur laquelle repose le dispositif. Plutôt que d’appliquer des règles administratives parfois inadaptées aux réalités de terrain, on fait confiance, au travers de ce dispositif, à la capacité des acteurs locaux de dépasser les cloisonnements et de travailler ensemble pour chercher des solutions. D’ailleurs, un grand nombre de personnes ont pu trouver un emploi sans être embauchées dans une entreprise à but d’emploi, grâce à la dynamique de mobilisation permise par l’émergence d’un projet de territoire.
Nous le voyons, il est proposé, au travers de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », une démarche novatrice et intéressante. Au-delà de la question du coût, de nombreux points d’amélioration existent et certains éléments amènent à s’interroger sur les présupposés de la démarche.
La poursuite de l’expérimentation permettra d’approfondir ces réflexions. Elle doit donc concerner un nombre limité de territoires et s’accompagner d’une évaluation rigoureuse et continue. La commission des affaires sociales a ainsi confié au fonds d’expérimentation la tâche d’opérer un suivi des embauches au fil de l’eau. Elle a également souhaité préciser les objectifs de l’évaluation finale, qui ne doit pas se limiter à apprécier l’opportunité d’une pérennisation ; il s’agira par exemple de se demander si le modèle des entreprises à but d’emploi peut trouver sa place parmi les autres outils de la politique de l’emploi et s’il convient de le cibler sur certains publics ou sur certains territoires aux caractéristiques spécifiques.
Les évolutions législatives proposées par rapport à la loi de 2016 sont marginales. Les améliorations attendues devront donc être mises en œuvre dans les textes réglementaires d’application, d’une part, et dans la gouvernance du dispositif, d’autre part.
La proposition de loi prévoyait initialement de rendre obligatoire la participation des départements au financement de l’expérimentation. Aujourd’hui, tous les départements comprenant un territoire expérimentateur participent au financement des emplois créés, à un niveau variable mais généralement faible. Toutefois, selon la commission, le principe d’une participation obligatoire pose plusieurs difficultés, du fait notamment que l’on ne connaît pas son montant, les modalités de calcul étant renvoyées à un décret sur lequel nous n’avons, à ce stade, aucune information. Tant que le dispositif demeure expérimental, il représente une ligne marginale du budget de la politique de l’emploi et de l’insertion, et l’on pourrait être tenté de donner satisfaction à toutes les prétentions de ses promoteurs. Les louanges que l’on pourrait ainsi récolter ne me semblent pour autant pas justifier le fait que nous nous abstenions de jouer notre rôle de législateur. La commission des affaires sociales a donc choisi de s’inscrire pleinement dans la démarche expérimentale, en précisant, entre autres choses, les objectifs de l’expérimentation et de son évaluation.
Pour finir, je dirai quelques mots du titre III, qui contient diverses mesures liées de près ou de loin à l’emploi et à l’insertion. Une disposition censurée de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, concernant l’articulation du bonus-malus sur les contrats courts avec les allégements généraux de cotisations sociales, a refait son apparition. La commission l’a supprimée, afin de réaffirmer son opposition au bonus-malus et pour tenir compte de la concertation en cours sur la réforme de l’assurance chômage.
Conformément à la position habituelle du Sénat, elle a également supprimé les demandes de rapport.
En revanche, elle a adopté les articles 8 et 9 bis, qui prévoient la prolongation de deux autres expérimentations, afin de pouvoir disposer du recul nécessaire pour en apprécier la pertinence, ainsi que l’article 9 ter, qui crée une expérimentation du contrat de professionnalisation en portage salarial. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au sein d’une société telle que la nôtre, chacun devrait être en mesure de gagner sa vie dignement ; nul ne devrait vivre enfermé chez soi, installé dans une situation de chômage durable, en marge de la société.
Pourtant, 2 millions de Français sont considérés comme éloignés de l’emploi. Avec la crise sanitaire, ces chiffres sont amenés à s’aggraver. Le creusement des inégalités est de plus en plus préoccupant. Près de 15 % des Français restent sous le seuil de pauvreté. Ces dernières années sont marquées par une stagnation des revenus les plus faibles, avec l’un des plus longs arrêts de la progression du niveau de vie jamais enregistrés depuis la Seconde Guerre mondiale.
Pour contrer ce phénomène, les politiques de redistribution et d’insertion représentent l’un des plus puissants leviers contre la pauvreté. Être sans emploi ne constitue pas un destin, ce n’est pas une fatalité. Toutes les initiatives sont précieuses en matière de politique d’insertion.
C’est pourquoi le groupe Les Indépendants soutient pleinement la proposition de loi que la Haute Assemblée examine à présent. Au-delà de ce soutien, nous avons aussi déposé des amendements visant à l’améliorer, à apporter une pierre supplémentaire à l’édifice, afin que chacun puisse retrouver le chemin du travail dans les meilleures conditions possible.
Le titre Ier porte sur le dispositif d’insertion par l’activité économique.
En 2020, l’État a investi 1 milliard d’euros dans l’insertion par l’activité économique, qui associe mise en situation professionnelle, accompagnement personnel et formation. Si le dispositif est ambitieux, il mérite d’être consolidé.
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes préconise de faciliter l’entrée dans le dispositif, actuellement filtré, de manière exclusive, par Pôle emploi. Nous sommes d’accord avec ce principe et c’est bien l’objet de cette proposition de loi. Il nous semble néanmoins qu’il est important que Pôle emploi garde un certain contrôle sur les renouvellements de contrats, au-delà des vingt-quatre premiers mois ; il s’agit, rappelons-le, de situations exceptionnelles.
L’accès à la formation doit également être amélioré et ne pas être de l’ordre du virtuel.
Enfin, pour les mêmes raisons, nous devons renforcer l’évaluation et le suivi des bénéficiaires dans le temps, pour permettre notamment la comparaison de ce dispositif avec les autres actions qui s’adressent à un public similaire. Le travail de la commission des affaires sociales a permis d’évoluer en ce sens.
Le titre II porte sur le dispositif expérimental « territoires zéro chômeur de longue durée », lancé par ATD Quart Monde. L’idée est intéressante ; au lieu de subventionner l’inactivité, mieux vaut subventionner le travail en créant des entreprises à but d’emploi ouvertes à tous les chômeurs de longue durée, sans sélection.
Il est proposé, dans le texte, d’étendre l’expérimentation, initialement mise en place dans dix territoires, à cinquante territoires supplémentaires.
Le principal débat porte sur le ciblage et le coût du dispositif. Effectivement, l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales préconisent de recentrer le dispositif davantage sur les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et les seniors. Rappelons-le, il s’agit de contrats à durée indéterminée, contrairement aux dispositifs d’insertion par l’activité économique, qui sont des dispositifs de transition. Il paraît opportun de réserver ces créations d’emploi aux personnes les plus éloignées de l’emploi, ce qui ne semble pas être le cas actuellement.
Par ailleurs, la commission des affaires sociales a adopté un amendement, déposé par le groupe Les Indépendants, visant à améliorer la communication des données administratives des salariés des entreprises à but d’emploi au fonds responsable de l’évaluation du dispositif. C’est une avancée importante !
Du point de vue du coût, les entreprises à but d’emploi restent déficitaires. Nous ne pouvons pas encore nous prononcer sur la viabilité financière de l’expérimentation à long terme ; c’est pourquoi des évaluations plus solides sont nécessaires.
Je souhaite à présent vous présenter un amendement tendant à proposer un dispositif d’insertion complémentaire, dont le département de l’Allier est l’initiateur. Il s’agit de permettre aux bénéficiaires du RSA de reprendre une activité partielle dans une entreprise, à hauteur de 15 heures par semaines, tout en continuant à percevoir leur allocation pendant un an. À l’issue de cette durée, les salariés concernés pourraient bénéficier d’un contrat initiative emploi, subventionné par le département. Il s’agit d’une sortie en douceur, incitative mais sécurisée, du dispositif du RSA.
Nous savons que plusieurs départements seraient intéressés par une telle expérimentation. C’est pourquoi, en complément de cet amendement, nous avons également déposé aujourd’hui une proposition de loi visant à lancer cette nouvelle expérimentation, qui n’appartient à aucun parti, si ce n’est à celui du bon sens et du progrès social. Chers collègues, je vous invite à vous associer à cette démarche.
Nous pensons que, au Sénat, il est important de permettre aux collectivités territoriales d’innover, d’expérimenter de nouvelles solutions dans leurs domaines de compétence. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient la proposition de loi et le rapport de Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ce texte contribuera à enrichir les actions des pouvoirs publics en direction des personnes en situation de vulnérabilité économique, bien souvent associée à une vulnérabilité sociale.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet.
Mme Raymonde Poncet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi était attendue, depuis bien longtemps, par les acteurs de l’insertion professionnelle et les élus des territoires.
Le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » est novateur, ambitieux et dynamique. Il répond tant aux besoins des demandeurs d’emploi de longue durée qu’aux besoins non satisfaits de nos territoires, dont certains, dévitalisés, ont vu renaître une économie et une dynamique locales et, a fortiori, se renforcer un lien social qui s’était distendu.
Toutefois, c’est aussi un dispositif qui suscite du scepticisme chez certains. La preuve en est que c’est l’un des dispositifs les plus évalués de France, à la différence d’autres mesures prétendument créatrices d’emplois ; je pense notamment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Cela doit nous amener à nous interroger sur la perception, très française, des fameux « indicateurs de performance ».
À Pierre Cahuc, qui évoque « le coût des emplois créés », à partir d’un calcul qui mériterait un débat, nous opposons non seulement le coût de la privation d’emploi, dont l’ampleur a été confirmée par une étude réalisée par le département d’économie de l’Université libre de Bruxelles, mais également l’utilité écologique et sociale de cette expérimentation.
En effet, nombre des activités supplémentaires créées dans les dix territoires expérimentateurs ont trait à la transition écologique et permettent la sauvegarde de l’environnement. Il convient dès lors d’en tenir compte et de mesurer, par exemple, leur impact sur notre empreinte carbone.
En outre, ces dispositifs ont permis de sortir de l’invisibilité des personnes qui échappaient aux radars de Pôle emploi et constituent les cohortes du non-recours aux prestations sociales.
Ce sont ces activités, qui visent à l’amélioration de « nos patrimoines critiques, à savoir notre patrimoine naturel et la santé sociale », pour reprendre la formule de la sociologue Dominique Méda, que nos fameux indicateurs économiques de performance devraient impérativement prendre en compte, en s’appuyant sur les nouveaux indicateurs de richesse introduits par la loi du 13 avril 2015 issue d’une proposition de loi d’Éva Sas.
Concernant maintenant l’examen du texte, je pense que l’on aurait pu faire l’économie de deux lectures en optant pour un vote conforme.
Même si nous n’approuvons pas l’entièreté des mesures adoptées par l’Assemblée nationale, notamment celles de l’article 3 bis ou de l’article 8, le texte final a été adopté à l’unanimité sur les bancs de cette chambre, aux fins d’aller vite, car la crise sociale nous oblige et un constat devrait s’imposer : nous n’avons pas le temps d’attendre !
Or, plutôt que d’aller dans ce sens, la commission des affaires sociales du Sénat a décidé de modifier sensiblement le dispositif, mettant à mal l’opérationnalité de ses dispositions. C’est, selon mon groupe, regrettable. Le Sénat va donc mettre à mal ce consensus, se faisant, au passage, le porte-voix des détracteurs, minoritaires, de l’expérimentation.
Peut-être le jeu en aurait-il valu la chandelle si le Sénat avait souhaité être plus ambitieux, afin de permettre à un plus grand nombre de territoires qui sont prêts et capables de répondre au cahier des charges de se lancer, mais il n’en est rien. Bien au contraire, le texte que nous examinons cet après-midi prévoit d’imposer une double tutelle et un copilotage : premièrement, une tutelle de Pôle emploi sur le choix des personnes qui pourront être recrutées dans les entreprises à but d’emploi ; deuxièmement, une tutelle des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) sur le choix des activités développées par ces entreprises ; enfin un copilotage des préfets avec les comités locaux.
Ces tutelles vont vider le projet de ses fondamentaux, en faisant reposer celui-ci sur un principe de défiance et en recentralisant la démarche. Or non seulement cette défiance est l’antithèse du droit à l’expérimentation, mais elle va également à l’encontre d’un principe dont le Sénat se fait régulièrement le défenseur : faire confiance à l’intelligence territoriale, faire confiance aux territoires.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires présentera donc des amendements de suppression de ces mesures, afin de revenir au texte de l’Assemblée nationale. C’est seulement s’ils sont adoptés que nous pourrons voter ce texte. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST et SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, intégré à notre bloc de constitutionnalité, énonce, à son cinquième alinéa, que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Le droit à l’emploi constitue donc un droit fondamental, et il incombe au législateur d’en garantir l’effectivité pour nos concitoyens.
Malgré les différentes réformes structurelles mises en place par les gouvernements successifs, 4,2 millions de personnes sont aujourd’hui éloignées de l’emploi, dont 2,7 millions depuis plus d’un an. Nous partageons donc le constat des auteurs de la proposition de loi : nous n’avons pas tout essayé pour lutter contre le chômage. Il appartient au législateur de s’appuyer notamment sur le tissu associatif pour parvenir à des évolutions concrètes en vue de ramener vers l’emploi les personnes qui en sont privées.
La crise sanitaire inédite que nous traversons constitue un choc économique et social de grande ampleur. Un certain nombre de secteurs l’ont subi de plein fouet ; je pense notamment au commerce, à l’hôtellerie et à la construction.
En avril dernier, en plein confinement, nous assistions à une hausse inexorable du taux de chômage, atteignant son plus haut niveau depuis vingt-cinq ans. Le nombre de demandeurs d’emploi a ainsi augmenté de 22,6 %, ce qui représente plus de 840 000 personnes.
Nous le savons, les jeunes sont les premiers touchés par les effets de la crise. Ils sont plus de 700 000 à être arrivés sur le marché du travail et le contexte sanitaire laisse à penser que bon nombre d’entre eux éprouveront des difficultés en matière d’insertion ; je pense en particulier aux jeunes les moins qualifiés, qui seront le plus exposés au chômage et à la précarité.
Devant cette réalité, le Gouvernement a déjà annoncé un certain nombre de mesures, dans le cadre du plan France Relance. Seront débloqués 300 millions d’euros en faveur des structures d’insertion par l’activité économique et des entreprises adaptées, avec un objectif de 100 000 salariés supplémentaires dans les parcours d’insertion. Pour compléter ces dispositifs, l’État doit être aux côtés des acteurs économiques, des collectivités territoriales et des associations.
L’insertion par l’activité économique constitue ainsi une riposte efficace, qui concilie l’économique, le social et le territorial. Le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », promu à l’origine par des acteurs associatifs de terrain et lancé officiellement en 2016, grâce à une proposition de loi de Laurent Grandguillaume, est une réussite ; les premiers chiffres nous le démontrent.
Ainsi, plus de 70 % des quelque 2 000 personnes ayant bénéficié de ce dispositif sur les dix territoires retenus ont retrouvé un emploi. Ce formidable projet s’appuie sur des réalités locales et sur l’expérience d’acteurs associatifs de terrain. Il nous est aujourd’hui proposé de l’étendre et d’en faire bénéficier de nouveaux territoires frappés par le chômage. L’expérimentation sera ainsi prolongée de cinq ans et cinquante territoires de plus seront concernés.
Cette expérimentation, novatrice en ce qu’elle part des territoires et des compétences des personnes privées d’emploi, offre une solution complémentaire des politiques de l’emploi qui existent dans notre pays.
En tout état de cause, nous saluons la vision et les objectifs de cette proposition de loi. Celle-ci met en œuvre un certain nombre de propositions du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique, remis voilà un an au Gouvernement et qui a pour objet de mobiliser, aux côtés de l’État, l’ensemble des acteurs de l’inclusion, les collectivités et les entreprises, dans un esprit de coconstruction.
Supprimer la procédure obligatoire d’agrément de Pôle emploi préalablement à toute embauche dans le cadre d’un parcours d’insertion apparaît nécessaire pour faciliter l’entrée dans un tel parcours. C’est pourquoi nous saluons cette disposition.
Nous défendrons, à cet égard, un amendement visant à prévoir le passage par un prescripteur habilité, afin de prolonger les parcours dans l’insertion par l’activité économique des salariés en insertion, en lieu et place de Pôle emploi uniquement. Il s’agit là d’une mesure de simplification, car cela offrirait au salarié en insertion la possibilité de bénéficier d’un regard tiers sur son parcours et mettrait à sa disposition des solutions complémentaires.
L’expérimentation du contrat de travail renforcé à durée indéterminée, instauré à l’article 3 de la proposition de loi, valorisera une démarche partenariale entre les collectivités territoriales, les entreprises et Pôle emploi, réunis dans un même objectif : l’insertion durable dans l’emploi des bénéficiaires de ce dispositif.
Le groupe RDPI soutiendra un certain nombre d’amendements à ce texte. Nous souhaitons en effet permettre à toutes les SIAE, et pas seulement à celles de moins de 50 salariés, de développer la formation, indispensable à la montée en compétences des personnes en parcours d’insertion.
Nous défendrons également un amendement visant à mettre en œuvre la mesure de revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle prévue dans le cadre du plan France Relance.
Je conclurai en reprenant les mots inspirants du président du Conseil de l’inclusion dans l’emploi : « L’inclusion n’est ainsi pas l’affaire des exclus : elle est l’affaire de tous, pour redonner à ceux qui sont devenus des “invisibles” une place à part entière dans la société. »
Il est donc essentiel de favoriser le partenariat et d’associer l’ensemble des acteurs : entreprises, associations, collectivités territoriales. Tel est l’objet de la proposition de loi, et c’est la raison pour laquelle nous la soutiendrons.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, en juillet dernier, le Premier ministre désignait la lutte contre le chômage et la préservation de l’emploi comme la priorité absolue des dix-huit prochains mois. Nous ne pouvons que nous en féliciter dans le contexte actuel.
L’ampleur de la crise sanitaire a, en effet, fortement affecté le marché de l’emploi. Après une baisse en trompe-l’œil pendant le confinement – un grand nombre de personnes sans emploi ayant interrompu leurs recherches –, le taux de chômage devrait grimper à 9,7 % en fin d’année. Avec la reprise de l’épidémie, l’Insee n’exclut pas qu’il atteigne 10 %, alors même que notre pays connaît, depuis près de cinquante ans, un chômage de masse, que les différentes politiques de l’emploi peinent à enrayer.
Dans ces conditions, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui revêt une importance particulière.
Je pense, bien sûr, à son premier volet, qui reprend le pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique et s’inspire de la volonté du Président de la République de faire passer le nombre des bénéficiaires de l’insertion par l’activité économique de 140 000 à 240 000. La suppression de l’agrément préalable par Pôle emploi ou la mise en place d’un CDI inclusion pour les seniors sont des mesures qui vont dans le bon sens.
Je pense surtout à la prolongation de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Je salue ce dispositif, né dans les années 1990 et relancé par ATD Quart Monde il y a près de dix ans pour en finir avec le chômage de longue durée. Il repose en fait sur une idée assez simple : l’embauche en CDI de chômeurs de longue durée payés au SMIC par le développement d’activités locales via un fonds financé par la réaffectation des dépenses liées au traitement du chômage.
Certains, à l’époque, ont qualifié ce projet de farfelu, voire d’utopique. Mais les grandes réalisations ne sont-elles pas d’abord une utopie ?
Le bilan de la première phase est positif : à la fin de l’année 2018, l’expérimentation avait permis à 1 112 personnes de sortir de la privation d’emploi.
Malgré tout, plusieurs voix s’élèvent pour reprocher au projet d’être un gouffre financier. Mme la rapporteure elle-même estime que, si le dispositif « propose une réponse novatrice et intéressante à la problématique de l’exclusion », il « représente un coût pour les finances publiques » qui rendrait, à date, « sa généralisation difficilement soutenable ».
Mais ce dispositif ne doit pas s’apprécier seulement à l’aune de son aspect financier. Comme l’a rappelé le président du Comité scientifique d’évaluation de l’expérimentation, « l’enjeu prioritaire consiste à ramener à l’emploi les personnes qui en ont été durablement privées et d’apprécier l’impact positif du dispositif sur ces personnes, leur entourage, et plus généralement sur les territoires d’expérimentation ».
La première phase expérimentale a, en effet, montré comment des femmes et des hommes qui allaient très mal ont retrouvé un sens à leur vie et une utilité sociale. Le film de Marie-Monique Robin Nouvelle Cordée, qui a suivi pendant plusieurs années les personnes embauchées par l’entreprise à but d’emploi de Mauléon, dans les Deux-Sèvres, témoigne de cette métamorphose.
Nous ne pouvons ignorer les effets délétères de l’absence d’emploi sur la santé. La perte d’un travail et la difficulté à en retrouver un dégradent la santé des chômeurs : stress, perte de sommeil, problèmes cardiovasculaires, addictions, diabète, dépression… Selon une étude de l’Inserm, de 10 000 à 14 000 décès seraient ainsi imputables au chômage chaque année.
C’est pourquoi nous nous réjouissons de l’extension de cette expérimentation, même si les modalités retenues nous paraissent trop restrictives, qu’il s’agisse du nombre de territoires concernés ou de la durée de la prolongation. Certes, les débats à l’Assemblée nationale ont permis de porter à cinquante le nombre de nouveaux territoires, mais cela nous semble encore bien insuffisant. Nous savons que le conseil d’administration de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée a d’ores et déjà validé 122 projets en vue de la deuxième étape. Tous ceux qui remplissent les conditions devraient pouvoir accéder au dispositif. Madame la ministre, vous avez assuré à nos collègues de l’Assemblée nationale qu’il serait possible de rediscuter de ce seuil dans deux ou trois ans. Dont acte !
Par ailleurs, les territoires qui auront besoin de trois ans pour se préparer disposeront de moins de cinq ans pour expérimenter le dispositif, ce qui est dommageable.
Nous regrettons, enfin, certaines orientations prises par notre commission des affaires sociales, s’agissant notamment de la suppression du concours obligatoire des départements au financement des emplois supplémentaires créés, du copilotage du préfet ou de la double tutelle. Ces modifications nous semblent antinomiques de l’esprit de l’initiative, qui repose essentiellement sur la confiance faite aux territoires pour identifier les personnes privées d’emploi et les besoins non satisfaits.
Pour ces raisons, nous serons particulièrement attentifs aux débats et au sort réservé aux amendements déposés, notamment ceux du groupe RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, en 2016, le groupe CRCE avait voté en faveur de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », soutenue par de nombreuses associations, tout en rappelant que seule une politique publique ambitieuse apporterait une solution globale.
Depuis 2016, le contexte a été profondément bouleversé par la crise sanitaire due à la pandémie de la covid-19 et, surtout, par ses conséquences économiques, 800 000 personnes supplémentaires au chômage étant venues s’ajouter aux 2 millions de personnes déjà éloignées de l’emploi avant le déclenchement de la crise.
En cinq ans, sur dix territoires, 420 personnes ont pu bénéficier de l’expérimentation et sortir du chômage de longue durée, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, même si c’est un tout petit pas au regard de l’ampleur du phénomène.
Cependant, les initiatives locales ne peuvent remplacer une politique de l’emploi ambitieuse, permettant à chacune et chacun d’évoluer dans sa vie professionnelle, selon ses aspirations, sans perte de revenu et sans jamais passer par la case « chômage ».
C’est ce que soutient le groupe CRCE au travers de sa proposition de sécurité d’emploi ou de formation. Dans le cadre d’un nouveau service public de l’emploi et de la formation, auquel toute personne ayant achevé sa scolarité serait affiliée de droit, chacune et chacun pourrait alterner périodes de travail salarié et périodes de formation rémunérées, grâce à une réduction générale du temps de travail rendue possible par les gains de productivité qu’apportent les nouvelles technologies.
Ce n’est malheureusement pas la voie empruntée par le Gouvernement, qui, dans son plan de relance de 100 milliards d’euros, n’a prévu que 200 millions d’euros pour le soutien aux personnes précaires. Autrement dit, 0,2 % des crédits du plan de relance sont destinés à assurer la cohésion de la Nation en luttant contre la précarité.
Cette proposition de loi des députés de La République en Marche recycle les dispositions gouvernementales issues de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 et, de notre point de vue, dénature l’objectif premier de l’expérimentation.
Par exemple, la suppression de l’agrément préalable de Pôle emploi favorisera non pas l’accès à l’emploi pour les personnes qui en sont éloignées, mais bien la perte d’une connaissance de l’accompagnement vers le retour en emploi et, surtout, la disparition d’un service public national seul à même de garantir l’égalité d’accès sur l’ensemble du territoire.
Le Gouvernement prétend sortir les personnes de la précarité, objectif que nous soutenons complètement, mais sa majorité propose, au travers de l’article 7, de supprimer l’application du bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage en cas de recours abusif à l’emploi de courte durée. La droite sénatoriale va encore plus loin, en faisant disparaître tout malus pour les contrats courts. Autrement dit, les employeurs sont invités à recruter en contrat précaire, y compris les seniors, pour lesquels est créé un CDI au rabais. Les personnes auront le choix, désormais, entre la précarité en dehors de l’emploi et la précarité dans l’emploi…
Avec ce texte, c’est la nature même du secteur de l’inclusion par l’activité économique et des expérimentations « territoires zéro chômeur de longue durée » qui est remise en cause.
Mes chers collègues, nous savons toutes et tous que la persistance du chômage de longue durée ne relève pas d’abord d’une responsabilité individuelle et qu’elle résulte du système économique et social, ce qui entre forcément en contradiction avec l’article 8, qui prolonge l’expérimentation du renforcement des contrôles sur les chômeurs dans leur recherche d’emploi, et avec l’article 9, qui vise à responsabiliser les salariés via l’utilisation de leur compte personnel de formation avant toute prise en charge financière par les régions ou Pôle emploi.
La droite sénatoriale pense que le cumul des contrats d’insertion et des contrats à temps partiel de moins de 20 heures va permettre de sortir les personnes de la précarité. Ce n’est pas notre avis.
Pour l’ensemble de ces raisons, et malgré notre soutien à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », nous ne pourrons voter en faveur de cette proposition de loi, dont l’esprit initial nous paraît dénaturé. Toutefois, comme nous sommes, par nature, optimistes et opiniâtres, nous allons nous battre pour que nos amendements soient pris en compte : peut-être cela nous amènera-t-il à modifier notre position. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons entraîne inévitablement une crise économique majeure pour notre pays. Ainsi, 715 000 emplois ont été détruits en début d’année. Le 7 octobre dernier, le journal Le Monde titrait : « Un million de nouveaux pauvres d’ici à fin 2020 ». Ce sont désormais plus de 10 millions de Français qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
La rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, Mme Verdier-Jouclas, souhaitait voir dans l’ouverture de la session parlementaire par l’examen de ce texte un « symbole fort adressé à l’ensemble de nos concitoyens touchés par la privation d’emploi ». Je partage son analyse. Au regard de la crise que nous traversons, les choix ont un sens. Que nous examinions en ouverture de session la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » constitue la traduction des préoccupations de nombreux Français, la traduction de nos préoccupations.
Le symbole est d’autant plus fort que le cœur du texte émane directement du terrain, plus précisément de notre riche tissu associatif. Comme vous le savez, mes chers collègues, les membres du groupe Union Centriste sont attachés aux principes de décentralisation et de subsidiarité. Or la présente proposition de loi s’inspire de cet esprit de dialogue entre le terrain et la représentation nationale et de construction des solutions localement et elle bat en brèche la logique bien trop souvent descendante de la production de la loi.
Les symboles ont toutefois leurs limites. Si les attentes peuvent être grandes à l’égard du texte qu’examine aujourd’hui notre assemblée, soulignons d’emblée que celui-ci n’a pas vocation à supprimer le chômage de masse. Il nous faut prendre en compte les limites et les apports de l’expérimentation.
Sur les dix territoires d’expérimentation prévus par la première loi relative aux « territoires zéro chômeur de longue durée » de 2016, 918 personnes ont été embauchées. Étendre le dispositif à cinquante nouveaux territoires ne permettrait que de multiplier approximativement par cinq ce chiffre. C’est donc une goutte d’eau au regard des 2 685 000 chômeurs de longue durée comptabilisés au deuxième trimestre de 2020.
Comme Mme la rapporteure Frédérique Puissat l’a indiqué en commission, il s’agit de proposer « une solution complémentaire aux autres outils existants, qui serait particulièrement pertinente pour certains publics ou pour certains territoires ». L’extension de l’expérimentation ouvre ainsi la possibilité de réaliser un travail sur mesure, au plus près du terrain, tout en posant des jalons nécessaires dans la refondation de la politique de l’emploi.
À l’inverse et de manière complémentaire, le plan de relance présenté à la rentrée vise à agir vite et fort pour l’emploi. À titre d’exemple, 1 milliard d’euros sont consacrés à la formation des salariés en activité partielle et au renforcement des compétences. Pour aider les jeunes arrivant sur le marché du travail, le Gouvernement prévoit aussi une enveloppe de 6,7 milliards d’euros, soit un triplement des moyens alloués à l’emploi des jeunes. Enfin, avec la généralisation de l’accompagnement de l’activité partielle, ce sont 9 millions de salariés qui n’auront pas été privés de leur emploi en 2020. Le plan de relance ajoute 7,6 milliards d’euros en faveur de l’activité partielle de longue durée.
Avant d’entrer dans le détail du contenu des articles, je souhaite féliciter notre rapporteure, Frédérique Puissat, pour son travail méthodique, mené dans un contexte bien particulier : entre la situation sanitaire que nous connaissons et le renouvellement partiel du Sénat, la préparation de ce texte n’a pas été aisée. La majorité de nos collègues n’a pas pu réellement s’imprégner de son contenu, qui ne se limite pas, bien au contraire, à la seule extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Les dispositions qui se rapportent à celle-ci sont d’ailleurs reléguées au sein du titre II de la proposition de loi.
J’en viens au titre Ier. Il contient divers dispositifs visant à mettre en œuvre plusieurs propositions du pacte d’ambition remis au Gouvernement à la rentrée 2019, après concertation avec les acteurs de l’insertion par l’activité économique. Selon la promesse du Président de la République, 100 000 salariés supplémentaires doivent intégrer les parcours d’insertion.
L’article 1er est une mesure d’assouplissement, issue de remontées du terrain. Il vise à supprimer l’agrément obligatoire de Pôle emploi pour les embauches au sein des structures de l’insertion par l’activité économique. Il est essentiel de faire confiance aux acteurs locaux. Cet article y contribue.
La création de nouveaux types de contrats prévue aux articles 2 et 3 bis peut légitimement amener à s’interroger, d’autant que plus de 200 000 contrats aidés ont été supprimés par l’exécutif au début du quinquennat. Certains acteurs de l’IAE ne sont pas favorables à l’expérimentation d’un « contrat passerelle » et demandent avant tout plus de souplesse, plus de confiance en leurs compétences et plus de moyens financiers.
Un CDI « inclusion senior » permettrait néanmoins de mieux répondre aux besoins des personnes en fin de carrière. Les amendements présentés par Mme la rapporteure améliorent sensiblement le texte de ces articles.
Le titre II est consacré à la prolongation et à l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » proprement dite.
Cette expérimentation vise, dans des territoires volontaires, à insérer dans l’emploi des personnes qui en sont privées durablement, en s’appuyant sur des entreprises à but d’emploi. Grâce à un financement de l’État, ces dernières offrent aux personnes éligibles volontaires un emploi correspondant à leurs compétences, dans le cadre d’activités socialement utiles qui n’entrent pas en concurrence avec le tissu économique local.
Sur ce sujet, le texte issu de l’Assemblée nationale a été bonifié. Je salue le passage de quarante à soixante du nombre de territoires ouverts à l’expérimentation, ainsi que la sécurisation des dix premiers territoires et de leur financement. Faut-il accroître davantage le nombre de territoires concernés, alors que 120 territoires seraient déjà candidats ? Je me rangerai à l’avis de Mme la rapporteure : entre le coût du dispositif et les externalités positives attendues, la neutralité financière de l’expérimentation n’est pas encore pleinement démontrée. Aussi élargir davantage l’expérimentation tendrait-il à fragiliser l’ensemble du dispositif, d’autant que nous ne disposons pas de tout le recul nécessaire, puisque le comité scientifique n’a pas encore rendu son rapport final.
Enfin, le titre III accueille plusieurs mesures d’ordre social. Je pense en particulier à l’article 9 bis, qui prolonge une expérimentation, et à l’article 9 ter, qui en crée de nouvelles.
Pour conclure, il est indéniable que le retour en emploi entraîne une amélioration significative de la situation des bénéficiaires, qui retrouvent ainsi une place dans la société et l’estime d’eux-mêmes, tout en voyant un certain nombre de leurs difficultés matérielles se réduire. Il nous faut multiplier les outils émanant du terrain qui répondent à cet objectif.
À cet égard, si le dispositif de cette proposition de loi peut paraître bien faible au regard de l’enjeu actuel, il participe à la régénérescence des politiques sociales. Le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption de ce texte.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, j’ai trouvé revigorants vos propos sur l’insertion par l’activité économique. Je dois dire qu’ils m’ont un peu surprise, parce qu’ils ne correspondent pas vraiment à ce que nous avions entendu jusqu’à maintenant. En effet, je me souviens que, au début du quinquennat, on nous expliquait, pour justifier leur suppression, que les contrats aidés, qui constituent eux aussi une forme d’IAE, ne servaient à rien. J’apprécie donc ce nouveau discours sur l’insertion par l’activité économique.
Nous sommes d’accord avec un certain nombre de dispositions du texte relatives à l’IAE. Nous nous abstiendrons sur d’autres.
J’en viens à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », objet essentiel de cette proposition de loi. Ce dispositif est d’abord le fruit de la rencontre entre une initiative d’une structure particulièrement performante en matière de lutte contre la pauvreté, ATD Quart Monde, et d’une volonté politique, incarnée par deux députés, Laurent Grandguillaume et Dominique Potier. L’objectif était de redonner aux personnes les plus éloignées de l’emploi un travail, en leur confiant des tâches d’intérêt général, ne relevant pas en tout état de cause du secteur marchand et concurrentiel, et, surtout, une dignité et une place dans la société.
Contrairement à notre collègue Laurence Cohen, nous accueillons favorablement cette proposition de loi, car elle réinstaure davantage d’humanité dans l’action publique, au rebours de ce à quoi ce gouvernement nous a habitués depuis trois ans avec son antienne de la « start-up nation » et des « premiers de cordée », bien éloignée des réalités de la vie de millions de Français laissés sur le bord de la route de l’emploi.
Nous pensons pour notre part que l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » s’articule parfaitement avec d’autres composantes de l’insertion par l’activité économique. C’est peut-être là une de nos divergences, madame la rapporteure. Nous pensons même qu’elle peut s’inscrire dans la continuité de ce que font les acteurs de l’IAE, dans la mesure où elle ne vise pas simplement à une insertion de courte durée : elle peut aussi déboucher sur de véritables créations d’emplois à valeur ajoutée – non pas marchande, mais sociale – très importante.
En revanche, nous souhaitons des moyens supplémentaires pour les comités locaux, de manière qu’ils puissent, dès le début de leur action, recruter suffisamment de personnes pour la mener à bien.
Nous souhaitons aussi que le nombre des territoires concernés par l’expérimentation ne soit pas figé. Nous vous avons entendue sur ce point, madame la ministre. Nous écouterons avec beaucoup d’attention ce que vous nous proposerez. Nous savons que plus de 120 territoires sont prêts à rejoindre dès aujourd’hui l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Dès lors, pourquoi les en priver ?
Surtout, nous demandons que l’on fasse confiance aux acteurs de terrain. Laurent Grandguillaume nous a dit que jamais aucun projet n’avait été soumis à autant d’évaluations en si peu de temps. Cela me paraît particulièrement révélateur. Qu’un nouveau dispositif tel que celui-ci fasse l’objet d’évaluations ne me choque pas, mais il est un peu étonnant qu’elles soient beaucoup plus nombreuses que pour certains dispositifs d’allégements fiscaux qui auraient mérité la même attention et qui ne produisent certainement pas les effets attendus.
Nous souhaitons enfin que l’on fasse confiance à la connaissance des territoires qu’ont les acteurs du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». C’est la raison pour laquelle nous n’approuvons pas tous les dispositifs de contrôle en amont ou en aval que vous avez prévus, madame la rapporteure : ils nous semblent disqualifier les acteurs du territoire, en qui, pour notre part, nous avons parfaitement confiance, parce qu’ils connaissent parfaitement leur travail.
En conclusion, nous sommes favorables à l’expérimentation en elle-même, mais nous attendons la suite des débats pour déterminer notre vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, il nous est proposé aujourd’hui de prolonger la durée et le périmètre de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Le chômage est une véritable calamité pour notre pays : endémique depuis des décennies, il a été accentué, ces derniers mois, par un confinement forcé qui n’en finit toujours pas pour certaines professions, notamment pour les restaurateurs et cafetiers des Bouches-du-Rhône.
Les catastrophiques décisions gouvernementales ne vont faire qu’ajouter la crise économique à la crise sanitaire. Quand des millions de Français auront plongé dans la pauvreté, croyez-vous que notre système de santé en sera renforcé ? Allez regarder ce qui se passe dans les pays pauvres ! Allez voir comment la population y est soignée ! Protéger l’économie et les emplois, mesdames les ministres, c’est protéger nos hôpitaux, donc sauver des vies.
Ce sont évidemment les déclassés et les plus fragiles de notre société qui font les frais de la situation actuelle. Un salarié en insertion sur cinq a vu son contrat prendre fin pendant le confinement. Il est donc primordial, en parallèle du plan de relance et des lois de finances pour 2021, de parler d’inclusion et d’honorer le troisième terme de notre devise nationale : la fraternité.
Le dispositif que vous nous proposez n’a de sens que si l’on applique la priorité nationale. La proposition de loi omet volontairement cette dimension de l’accès à l’emploi pour les Français d’abord. Il ne s’agit pourtant que de solidarité nationale, et donc de justice sociale. Occupons-nous des nôtres d’abord ! Nous n’allons pas prendre à notre charge toute la misère du monde quand 10 millions de Français survivent désormais au-dessous du seuil de pauvreté et 6 millions, dans la réalité, sont au chômage.
Je vous le dis, mes chers collègues, pas un seul étranger de plus ne doit être mis à notre charge tant qu’un seul de nos compatriotes sera dans la pauvreté ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Occupons-nous des Français honnêtes et travailleurs, laissés pour compte de la mondialisation sauvage et de la concurrence déloyale !
Ce n’est évidemment pas la direction que prend le Gouvernement, puisque Marlène Schiappa propose d’accorder prioritairement un emploi aux « choufs », c’est-à-dire aux guetteurs des réseaux de trafic de drogue. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Après la préférence donnée aux étrangers pour l’emploi via la discrimination positive, voilà la priorité aux crapules… Il s’agit là sans doute de la nouvelle méritocratie républicaine en marche ! (Exclamations et huées sur les travées des groupes CRCE et SER.)
On ne peut qu’encourager le recours aux dispositifs favorisant le retour à l’emploi, surtout dans les zones désindustrialisées. Néanmoins, votre dispositif paraît, sous certains aspects, tenir plus du maquillage des chiffres du chômage que d’une politique volontariste de retour à l’emploi. La durée des contrats d’insertion passant de vingt-quatre à soixante mois et celle des contrats à durée déterminée d’usage à plus de cinq ans sont deux points qui m’inquiètent. De nombreux travailleurs vont se trouver précarisés. Or, depuis la crise sanitaire, on voit que les intérimaires, les salariés modestes, tous ces travailleurs qui ont souvent été en première ligne pendant le confinement se retrouvent à la limite de la pauvreté.
Il n’y aura plus de chômage de longue durée quand nous aurons recouvré notre souveraineté économique et migratoire pour relocaliser, nous protéger et nous libérer. Vous parlez d’inclusion, mais la mondialisation, c’est la loi du moins cher et du plus fort ; c’est la loi de l’exclusion !
Ces remarques étant faites, je partage évidemment l’impératif de retour à l’emploi des chômeurs de longue durée et voterai en faveur de ce texte, malgré ses imperfections.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le consensus parlementaire sur le dispositif d’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et d’inclusion dans l’emploi par l’activité économique s’explique par un constat partagé : le chômage est une injustice sociale et un fléau national, que la puissance publique doit combattre activement, sans jamais tomber dans le fatalisme, car la priorité des priorités est la politique de l’emploi.
Loin des envolées lyriques ou des caricatures méprisantes qui voudraient qu’il suffise de traverser la rue pour trouver du travail, cette expérimentation destinée à la recherche d’emploi est pragmatique. Elle repense l’action publique au service des chômeurs de longue durée.
Cette approche est fondamentale. Le rapport sénatorial sur les chiffres du chômage l’a démontré : plus il y a de chômeurs de longue durée, plus il est difficile de faire baisser le chômage durablement ; plus une personne reste éloignée du marché du travail, moins elle a de chances de retrouver un emploi.
Entre bénéfice social et équation financière, ce dispositif met en lumière l’échec de la logique de compensation sociale du chômage de longue durée par des aides de toutes sortes, financées par une fiscalité sur le travail toujours plus pesante, sans succès pour l’emploi.
A priori, le dispositif ne devrait pas coûter très cher, puisque l’État économise autant en prestations sociales et en coûts indirects supportés par la solidarité nationale. Il répond surtout à un objectif concret : redonner une chance, une dignité, un élan économique et social à une personne durablement éloignée de l’emploi.
Si jamais un désaccord se fait jour au Parlement, c’est évidemment sur le périmètre, puisque tous les territoires volontaires ne peuvent bénéficier du dispositif. Devant ce numerus clausus, vous avez déclaré, madame la ministre, que, d’ici à deux ou trois ans, il serait possible de rediscuter du seuil. Sachez que, dans mon département, la communauté d’agglomération du pays de Grasse et la métropole Nice-Côte d’Azur sont volontaires. Cette expérimentation serait la bienvenue dans les Alpes-Maritimes, tant pour les élus que pour les entreprises et la population.
Par ailleurs, si l’heure est au contrôle et à l’évaluation, nous ne pouvons pas écarter d’un revers de main les critiques de plusieurs rapports, qui soulignent des carences budgétaires et une réalité éloignée de la théorie. C’est la raison pour laquelle je veux rendre hommage au travail pragmatique de Mme le rapporteur, qui, au travers des auditions qu’elle a menées et des déplacements qu’elle a effectués, a cherché à adapter au mieux ce dispositif sur les territoires.
Dès lors, je pense qu’une évaluation parlementaire via une mission d’information serait opportune, afin de pouvoir rendre le dispositif toujours plus efficient, même si, d’un point de vue budgétaire, après trois lois de finances rectificatives et un plan de relance, le Gouvernement a décidé de faire sauter tous les compteurs, au nom du fameux « quoi qu’il en coûte ».
Plusieurs réformes antérieures ont été lourdement critiquées pour leur coût. Je pense notamment au CICE. Cependant, l’effondrement économique et social est un péril beaucoup plus grave et imminent, pour les Français, que la dette. Au regard de l’ampleur de la crise, il faudra certainement aller plus loin, plus vite, et encourager la généralisation du dispositif à l’échelle nationale.
Le président de la région des Hauts-de-France l’a dit : « nous l’avons expérimenté, et ça marche ». Pourquoi ne pas aller, demain, vers une régionalisation du dispositif, là où il a été expérimenté avec succès ?
Cela signifie que la période de contrôle et d’évaluation devra être resserrée, car, je vous le rappelle, entre l’annonce de l’extension du dispositif, érigée en priorité dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté présenté en septembre 2018 et le vote d’aujourd’hui, il se sera tout de même écoulé plus de deux ans. De nouveaux territoires sont prêts pour l’expérimentation, et les collectivités locales volontaires sont les mieux placées pour raccourcir le chemin vers l’emploi, ajuster les mesures et témoigner des besoins sur le terrain.
Une telle généralisation, qui est une demande fondée, sera la reconnaissance par l’État de l’implication des collectivités locales sur le front de l’emploi. Elle ne devra pas trop tarder, au risque d’éteindre les énergies dans les territoires.
Enfin, alors que l’Assemblée nationale a commencé l’examen des crédits du plan de relance, la discussion de ce texte est aussi l’occasion de rappeler que c’est avant tout par le travail que la France remboursera ses dettes et retrouvera le chemin de la croissance.
Bien évidemment, le groupe Les Républicains suivra les propositions et la position de Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi est porteuse d’espoir et attendue par toutes celles et tous ceux qui œuvrent à faire de l’inclusion une réalité, afin que toute personne en capacité de se rendre utile à la vie de la cité puisse être accueillie et accompagnée dans ses aspirations.
Cette proposition de loi rime avec « enfin ! » pour les territoires engagés sur le chemin de la labellisation. En effet, pour les dix territoires bénéficiaires de l’expérimentation, la première loi a permis de vérifier la robustesse d’un modèle audacieux, viable et à visage humain.
Permettez-moi d’ancrer mon propos dans la réalité de mon territoire. Depuis 2016, la commune de Pontchâteau, en Loire-Atlantique, est engagée dans la démarche. À l’époque, j’avais assisté à l’une des premières réunions du comité local pour l’emploi. Comme vous le savez, ce comité réunit en même temps les porteurs locaux du projet et les futurs bénéficiaires, dans un dialogue constructif et bienveillant. Tous œuvrent avec les mêmes préoccupations, en ayant à l’esprit les particularismes territoriaux, en vue de créer une entreprise à but d’emploi et de l’activité.
De ce comité local se dégage une énergie forte et transpartisane, soutenue par l’envie d’essayer ce qui ne l’a pas encore été. Depuis son lancement, le comité local a travaillé, réfléchi, défini son périmètre de mission. Les femmes et les hommes qui le constituent, que j’ai de nouveau rencontrés voilà quelques semaines, ont gardé cette envie. Aujourd’hui, les énergies sont décuplées par la perspective de l’extension de l’expérimentation.
Pour autant, j’ai aussi entendu exprimer quelques inquiétudes, inspirées légitimement par le travail parlementaire. En première lecture, l’Assemblée nationale a voté un texte fortement empreint de l’esprit de la loi adoptée sous le quinquennat précédent, fixant même le nombre des nouveaux territoires concernés par l’expérimentation à cinquante, en plus des dix déjà engagés, alors que la proposition de loi initiale n’en prévoyait que trente. En revanche, l’examen par la commission des affaires sociales du Sénat a introduit des zones d’ombre. Mme la rapporteure et la droite sénatoriale ont posé des principes qui remettent en cause l’autonomie et la confiance accordées aux territoires candidats ; je le regrette. Ainsi, la mise sous tutelle du service public de l’emploi pour le choix des futurs salariés de l’entreprise n’est pas conforme à l’esprit initial du texte. Le Sénat, représentant des territoires, devra donc, au cours du débat, redonner toute latitude à l’échelon local.
Au travers de cette esquisse en demi-teinte du texte issu des travaux de la commission des affaires sociales, il apparaît que la majorité sénatoriale persiste dans sa vision négative, voire punitive, des demandeurs d’emploi. Là où nous voulons tout essayer, quitte à bousculer les approches, vous préférez, mes chers collègues, surcontrôler, encadrer et, finalement, freiner les énergies des chômeurs et des chômeuses. Avez-vous oublié que, à terme, dans ces entreprises à but d’emploi, il y aura des femmes et des hommes aux parcours de vie marqués, hachés, empêchés par un handicap ou des obstacles indépendants de leur volonté ?
Samedi 17 octobre 2020, journée mondiale du refus de la misère, alors même que la Banque mondiale prévoit que la pauvreté s’intensifiera du fait de la crise sanitaire, le Gouvernement présentera une énième version de sa stratégie de lutte contre la pauvreté, et les spécialistes s’accordent à n’y voir que des ajustements mineurs.
Ne ratons donc pas ce rendez-vous et amendons cette proposition de loi selon son esprit initial. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord adresser mes plus vives félicitations à ma collègue Pascale Gruny, qui assure sa première présidence de séance en sa nouvelle qualité de vice-président du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Fine connaisseuse de notre maison, elle saura faire montre de ses qualités de modératrice pour animer et pondérer les débats dans notre hémicycle. Je lui adresse tous mes vœux de réussite et d’épanouissement dans ses nouvelles fonctions !
Les différentes observations sur la conjoncture économique et la situation actuelle de l’emploi font froid dans le dos. D’après de récentes prévisions de l’Unédic, pas moins de 900 000 emplois sont appelés à être détruits sur l’ensemble de l’année 2020 en France. La pandémie est venue considérablement aggraver le problème du chômage de longue durée, symbolisé par le dépassement, cette année, de la barre des 4 millions de chômeurs relevant de la catégorie A.
Selon une étude réalisée en 2015 par l’association ATD Quart Monde, le chômage coûte à l’État 43 milliards d’euros chaque année, dont 15 milliards d’euros de manque à gagner en impôts et en cotisations sociales. Outre son coût, le chômage agit comme un catalyseur de disparités et un facteur d’aggravation de la fracture sociale et de la pauvreté. Il crée de la frustration et un sentiment d’injustice, tant chez de jeunes demandeurs d’emploi confrontés à un marché du travail saturé que chez des candidats à l’emploi seniors, en situation de handicap ou à faible qualification.
L’Aisne, mon département, souffrait au premier trimestre de 2020 d’un taux de chômage de 11 %, très nettement supérieur à la moyenne nationale. Quatre de ses zones d’emploi figurent parmi les trente le plus durement touchées par le chômage dans notre pays. On y compte 13 000 bénéficiaires du RSA, dont environ la moitié retournent chaque mois à l’emploi.
En tant que président de la maison de l’emploi et de la formation de Laon, je suis sensible à cette problématique particulièrement importante. C’est donc avec joie que j’accueillerai l’extension du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». En effet, quoi de plus volontariste qu’une politique publique ayant fait ses preuves et visant à opérer un transfert des coûts du chômage, qui relèvent des dépenses passives, vers des dépenses actives d’investissement dans le retour à l’emploi ?
La flexibilité introduite dans le dispositif, s’agissant notamment de la suppression de l’agrément obligatoire par Pôle emploi, est bienvenue pour fluidifier les procédures d’embauche dans les entreprises à but d’emploi et responsabiliser les travailleurs. Une action concertée entre les services publics de l’emploi, les entreprises à but d’emploi du secteur de l’économie sociale et solidaire et le département permettra non seulement aux publics les plus précarisés de remettre le pied à l’étrier, mais aussi, dans une perspective plus large, de recréer une dynamique de cohésion et de renforcer le lien entre citoyens et institutions.
Je me dois cependant d’émettre quelques réserves sur certains volets du texte. Par bien des aspects, celui-ci révèle que, en dépit de ses promesses renouvelées de décentralisation, le Gouvernement semble avoir bien du mal à lâcher la bride et à accorder véritablement aux collectivités territoriales la marge de manœuvre qu’elles demandent.
Cela fait trois ans que l’on nous parle d’accélérer la décentralisation, que l’on nous dit que la gouvernance des politiques publiques peut et doit véritablement passer par l’échelon local, afin d’en augmenter l’efficacité et la plus-value pour nos citoyens. Restreindre l’extension de l’expérimentation du dispositif à cinquante nouveaux territoires ne porte d’autre message que celui d’une frilosité au regard de la lettre du projet. Si les résultats des essais effectués dans dix premiers départements ont été concluants, pourquoi ne pas repousser encore la limite afin de permettre au dispositif de faire ses preuves sur l’ensemble des territoires de la République dans les cinq prochaines années ?
Quant à la réintégration annoncée du préfet dans le comité de pilotage, elle s’apparente à un rétropédalage au regard de l’autonomisation des collectivités. Les comités locaux pour l’emploi et l’Assemblée des départements de France l’ont dit : au niveau local, la demande est forte de pouvoir mettre en œuvre en toute liberté des projets locaux pour l’emploi, sans que la main centralisatrice de l’État intervienne systématiquement.
Par ailleurs, il est primordial que nous prêtions aujourd’hui la plus grande attention à ce que le financement du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » ne se solde pas purement et simplement par l’ajout d’une nouvelle charge publique relevant de la seule responsabilité des départements. Sur la base du rapport établi par la commission, seuls 26 % des salariés embauchés dans les entreprises à but d’emploi percevaient antérieurement une allocation du type du RSA. Ainsi, contraindre les départements à financer l’intégralité des emplois créés grâce au dispositif reviendrait, ni plus ni moins, à tirer sur l’ambulance.
Je veux également alerter les défenseurs du projet sur les tensions qui affectent déjà le budget de nombreux départements. Dans l’Aisne, le coût du chômage atteint 114 millions d’euros : plus de 71 % des dépenses de fonctionnement sont dédiées au seul financement des minima sociaux. Eu égard à la diminution des subventions de l’État, solliciter une nouvelle contribution en faveur des politiques de l’emploi semblerait donc peu raisonnable, voire malvenu, et ne ferait que créer une macrocéphalie de ce poste de dépense, au préjudice des autres domaines de l’action publique locale.
Une disposition de sagesse serait de rendre dégressive la participation financière des départements, dans une mesure inverse à leur taux de chômage ou, dans l’absolu, au volume financier qu’ils allouent déjà à l’aide sociale. L’accent mériterait en outre d’être mis sur le rôle et la participation des intercommunalités, dans la mesure où celles-ci assument déjà la compétence emploi et développement économique.
En somme, l’arbitrage que nous devrons rendre pour ce dispositif devra permettre de trouver un juste équilibre entre le risque d’un désengagement public du financement du chômage et l’accumulation des coûts liés à la lutte contre la pauvreté.
Enfin, il faudra veiller tout particulièrement à ce que la mise en œuvre du dispositif n’impose pas une concurrence malvenue aux divers organismes déjà déployés dans les territoires et actifs dans la politique de l’emploi. Ainsi, pour ce qui concerne le contrat passerelle, il semble nécessaire de rappeler qu’un certain nombre de dispositifs existants, tels les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification, les GEIQ, ou les périodes de mise en situation en milieu professionnel, ont déjà fait leurs preuves. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2018, 70 % des contrats conclus dans le cadre des GEIQ avaient conduit à l’obtention d’un emploi et près de 60 % à l’obtention d’un emploi durable. Il est donc nécessaire que la mise en œuvre de ce dispositif aille encore plus loin dans la logique de responsabilisation des demandeurs d’emploi. Élever le niveau et la qualité des formations proposées et en diversifier l’offre seront des moyens renforcés pour maintenir les jeunes dans les territoires, raviver l’attractivité et le dynamisme de ceux-ci et former de la main-d’œuvre spécialisée et qualifiée pour de potentiels futurs bassins d’emploi.
À un contexte économique et socioprofessionnel tendu, il est urgent de répondre par des projets d’action sociale ambitieux. Si le projet « territoires zéro chômeur de longue durée » semble sur la bonne voie, il reste encore à lui accorder les moyens financiers et techniques nécessaires pour lui donner toutes les chances de réussir, afin de pouvoir enfin déployer, à terme, une politique sociale digne de ce nom. À ce titre, je suivrai la position de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je me réjouis du très large soutien apporté, sur vos travées, à la proposition de loi.
Madame Doineau, il ne s’agit pas, effectivement, d’un outil de lutte contre le chômage de masse. Pour autant, la lutte contre le chômage est bien au cœur de l’action du Gouvernement. Avant la crise, je le rappelle, le chômage avait atteint son plus bas niveau depuis dix ans. Depuis le début de la crise, le Gouvernement est mobilisé pour protéger les emplois, les entreprises et les salariés. Tel est le sens des trois projets de loi de finances rectificative, qui ont permis d’engager 470 milliards d’euros, ainsi que du plan de relance de 100 milliards d’euros pour soutenir notre économie et nos emplois, qui est examiné actuellement par l’Assemblée nationale et sur lequel vous serez également amenés à vous prononcer.
Aujourd’hui, au travers de l’élaboration du présent texte, il s’agit d’effectuer un travail de dentelière en vue d’apporter dans les territoires des solutions aux personnes les plus éloignées de l’emploi, afin qu’elles puissent retrouver le chemin de l’emploi et, partant, s’insérer dans notre société.
Je confirme à M. le président Requier que, comme je m’y suis engagée à l’Assemblée nationale, nous veillerons à ce qu’aucun territoire candidat à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » ne reste sur le bord de la route. J’aurais souhaité pouvoir vous présenter l’amendement permettant de tenir cet engagement et de ne pas limiter le bénéfice du dispositif aux soixante territoires prévus à l’heure actuelle. Malheureusement, certaines mises au point techniques sont encore nécessaires. Quoi qu’il en soit, d’ici à la tenue de la commission mixte paritaire, je poursuivrai le travail avec les rapporteurs des deux assemblées afin de faire en sorte qu’aucun territoire prêt à rejoindre le dispositif ne soit laissé sur le bord de la route. Je confirme cet engagement de manière très ferme.
Je regrette que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’entende pas voter cette proposition de loi, pour des raisons que je n’ai pas bien comprises. Je regrette également que le groupe CRCE ait lui aussi annoncé ne pas vouloir la voter. Elle me semble pourtant plus utile que jamais pour permettre aux personnes les plus éloignées de l’emploi de trouver une réponse à leur situation dans le contexte très difficile que nous connaissons.
Je ne peux pas laisser dire que nous ne consacrerions que 200 millions d’euros aux personnes les plus fragiles. Je le rappelle, les 470 milliards d’euros que j’ai mentionnés ont pour objet de soutenir les entreprises et l’emploi. Selon moi, la meilleure réponse à la crise est de permettre aux Français de rester dans l’emploi. À cet égard, 30 milliards d’euros ont été prévus en 2020 pour soutenir l’activité partielle, qui permet d’éviter les destructions d’emplois que nous avons pu connaître après la crise de 2008–2009. Au plus fort de la crise sanitaire, la rémunération de près de 9 millions de salariés a été prise en charge par l’État. Les 22 milliards d’euros d’ores et déjà engagés ont permis aux entreprises de garder des emplois, mais aussi de former des salariés. Les 7,6 milliards d’euros prévus dans le budget pour 2021 en faveur de l’activité partielle et de l’activité partielle de longue durée permettront également aux entreprises de garder leurs salariés et de les former pour maintenir les compétences, malgré la crise. Nos entreprises seront ainsi plus fortes et pourront rebondir au sortir de la crise. Plus de 1 600 entreprises ont déjà signé des accords d’activité partielle de longue durée. Ainsi, plus de 120 000 emplois sont protégés. Je me réjouis de la signature par Airbus, hier, d’un accord permettant d’éviter des licenciements, ce qui n’était pas gagné compte tenu de la situation actuelle du secteur aéronautique.
M. François Bonhomme. Et les sous-traitants ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons également mis en place un plan Jeunes, doté de 6,7 milliards d’euros. Il prévoit 100 000 services civiques supplémentaires, des parcours d’insertion et des contrats aidés, qui ne doivent pas être, madame la sénatrice Lubin, une voie sans issue, mais s’accompagner d’une formation, afin de constituer un tremplin vers des emplois durables.
Madame la sénatrice Laurence Cohen, sans doute ne nous sommes-nous pas bien comprises concernant le bonus-malus. Il s’agit simplement de permettre que les entreprises d’insertion par l’activité économique, qui par nature recourent à des contrats autres que des CDI – sauf exceptions –, ne soient pas pénalisées parce qu’elles font appel à des contrats courts. Il ne s’agit pas d’encourager les entreprises à recourir à des contrats courts, tout au contraire ! Le bonus-malus vise en effet à inciter les entreprises à proposer des emplois de meilleure qualité, mais les structures d’IAE amenées à recourir à des contrats courts doivent être exonérées d’un éventuel malus.
J’espère que les discussions permettront de convaincre tous les groupes de l’importance de voter au plus vite cette proposition de loi très attendue par nos compatriotes.
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
TITRE IER
RENFORCEMENT DE L’INSERTION PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE
Article 1er
I. – Le chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au dernier alinéa de l’article L. 5132-2, le mot : « général » est remplacé par le mot : « départemental » ;
1° L’article L. 5132-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5132-3. – Seules les embauches de personnes éligibles à un parcours d’insertion par l’activité économique ouvrent droit aux aides financières aux entreprises d’insertion, aux entreprises de travail temporaire d’insertion, aux associations intermédiaires ainsi qu’aux ateliers et chantiers d’insertion mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5132-2.
« L’éligibilité des personnes à un parcours d’insertion par l’activité économique est appréciée soit par un prescripteur dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l’emploi, soit par une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment :
« 1° Les modalités de bénéfice des aides de l’État mentionnées au premier alinéa du présent article ;
« 2° Les modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement ;
« 3° Les modalités de collecte, de traitement et d’échange des informations et des données à caractère personnel, parmi lesquelles le numéro d’inscription au répertoire des personnes physiques, nécessaires à la détermination de l’éligibilité d’une personne à un parcours d’insertion par l’activité économique ;
« 4° Les modalités d’appréciation et de contrôle par l’administration de l’éligibilité d’une personne à un parcours d’insertion par l’activité économique ;
« 4° bis (nouveau) Les conditions dans lesquelles peut être retirée à une structure d’insertion par l’activité économique la capacité de prescrire un parcours d’insertion en cas de non-respect des règles prévues au présent article ;
« 5° (Supprimé)
1° bis (nouveau) À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 5132-3-1, le mot : « général » est remplacé par le mot : « départemental » ;
2° À la seconde phrase du sixième alinéa de l’article L. 5132-5, les mots : « l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 » sont remplacés par les mots : « un prescripteur mentionné à l’article L. 5132-3 ou, en cas de recrutement direct, par une entreprise d’insertion, » ;
2° bis Au premier alinéa de l’article L. 5132-8, les mots : « l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 » sont remplacés par les mots : « l’un des prescripteurs mentionnés à l’article L. 5132-3 » ;
2° ter L’article L. 5132-9 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, au début, le mot : « Seules » est supprimé et les mots : « qui ont conclu une convention de coopération avec l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 » sont supprimés ;
b) Après le mot : « disposition », la fin du 1° est ainsi rédigée : « n’est autorisée que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire ; »
2° quater Le sixième alinéa de l’article L. 5132-11-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« À titre exceptionnel, ce contrat de travail peut être prolongé par un prescripteur tel que mentionné à l’article L. 5132-3, au-delà de la durée maximale prévue, après examen de la situation du salarié au regard de l’emploi, de la capacité contributive de l’employeur et des actions d’accompagnement et de formation conduites dans le cadre de la durée initialement prévue du contrat :
« a) Lorsque des salariés âgés de cinquante ans et plus ou des personnes reconnues travailleurs handicapés rencontrent des difficultés particulières qui font obstacle à leur insertion durable dans l’emploi, quel que soit leur statut juridique ;
« b) Lorsque des salariés rencontrent des difficultés particulièrement importantes dont l’absence de prise en charge ferait obstacle à leur insertion professionnelle, par décisions successives d’un an au plus, dans la limite de soixante mois. » ;
2° quinquies (nouveau) Au 2° de l’article L. 5132-13, les mots : « d’un congé individuel de formation » sont remplacés par les mots : « du compte personnel de formation de transition professionnelle » ;
3° Au sixième alinéa de l’article L. 5132-15-1, les mots : « Pôle emploi, » sont remplacés par les mots : « un prescripteur mentionné à l’article L. 5132-3 ou, en cas de recrutement direct, par un atelier et chantier d’insertion » ;
3° bis (nouveau) À l’avant-dernier alinéa du même article L. 5132-15-1, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « neuvième » ;
4° L’article L. 5132-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5132-16. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 5132-17, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent chapitre, notamment les conditions d’exécution, de suivi, de renouvellement et de contrôle des conventions conclues avec l’État ainsi que les modalités de leur suspension ou de leur dénonciation. »
II. – Au IV de l’article 83 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les mots : « agréées par Pôle emploi » sont remplacés par les mots : « éligibles à un parcours d’insertion par le travail indépendant dans les conditions fixées par l’article L. 5132-3 du code du travail ».
III. – Les I et II entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard six mois après la publication de la présente loi.
Mme le président. L’amendement n° 41, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
prescripteur
insérer le mot :
public
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. La proposition de loi dessaisit Pôle emploi de son pouvoir de contrôle des demandeurs d’emploi, au profit d’un prescripteur dont la nature n’est pas précisée.
Selon nous, le contrôle, même a posteriori, doit demeurer un contrôle public, afin d’éviter d’éventuels conflits d’intérêts entre plusieurs structures privées.
Mme la ministre du travail a affirmé à nos collègues députés que, demain, grâce à cette précision inscrite dans le texte, le diagnostic pourra être établi soit par des prescripteurs habilités, dont Pôle emploi, soit par les structures d’insertion par l’activité économique qui ont accompagné le salarié depuis son entrée dans le parcours d’insertion.
Puisque nous partageons les mêmes objectifs, nous vous invitons, madame la ministre, à soutenir cet amendement, qui précise simplement que l’établissement public à caractère administratif Pôle emploi contrôle les demandes d’emploi dans le cadre de sa mission d’accompagnement du retour à l’emploi.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui ne correspond pas à la réalité du terrain.
L’article 1er est attendu par les territoires, qui travaillent déjà avec un certain nombre de prescripteurs, parmi lesquels figurent des associations. Je pense par exemple à Cap emploi, association qui n’est pas qualifiée de prescripteur public.
Par conséquent, si cet amendement était adopté, nous n’aurions pas la possibilité de travailler avec des associations.
M. Michel Savin. Eh oui !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. L’avis du Gouvernement est, comme celui de la commission, défavorable.
En effet, comme vient de l’indiquer Mme la rapporteure, la charge qui pèserait sur Pôle emploi si cet amendement était adopté serait trop importante. Cela constituerait un réel frein au développement du dispositif.
Par ailleurs, il importe de ne pas exclure les acteurs privés, tels les CCAS, les centres communaux d’action sociale.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9 :
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi qu’au suivi de ces parcours et des aides financières afférentes
II. – Alinéa 10
1° Supprimer les mots :
et de contrôle par l’administration
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et de contrôle par l’administration
III. – Alinéa 11
Après les mots :
peut être
insérer les mots :
limitée, suspendue ou
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Cet amendement vise à compléter les finalités du traitement de données à caractère personnel qui sera mis en place dans le cadre de la plateforme de l’inclusion, à des fins de sécurité juridique.
Il prévoit notamment le suivi des parcours dans l’insertion par l’activité économique et des aides pouvant être versées dans ce cadre. Il vise également à étendre la gamme des conséquences éventuelles d’un manquement d’une structure d’insertion par l’activité économique au processus de prescription d’un parcours en IAE, en ajoutant la possibilité de limiter ou de suspendre la capacité de prescrire un parcours d’insertion, et non pas seulement de la retirer.
Mme le président. L’amendement n° 66, présenté par M. Paccaud, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer les mots
modalités d’appréciation et de contrôle par l’administration
par les mots :
informations nécessaires à la détermination
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Madame le rapporteur, vous avez dit que cet article était particulièrement attendu par les associations.
Je suis sénateur d’un département, l’Oise, où se trouve l’un des dix territoires d’expérimentation, dans le Compiégnois pour être précis. J’ai pu m’entretenir avec les responsables de l’association concernée, et il s’avère, à les entendre, que l’article 1er est relativement flou sur certains points.
Cet amendement a donc pour objet de consacrer la possibilité, pour une structure d’insertion par l’activité économique, de recruter directement une personne remplissant les critères d’éligibilité.
À l’alinéa 10 de l’article sont évoquées des modalités d’appréciation et de contrôle par l’administration, ce qui revient à minorer la plus-value territoriale apportée par le comité de pilotage actuellement en place. Cela me semble regrettable, alors que nous sommes nombreux à prôner les vertus de la décentralisation. Nous reviendrons sur cette problématique de la recentralisation à l’occasion de l’examen d’autres articles et d’autres amendements.
Mme le président. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Selon Mme la rapporteure, la suppression de l’agrément par Pôle emploi participe d’une « logique partenariale basée sur la confiance ». Pourtant, l’alinéa 11 de l’article 1er évoque des sanctions à l’égard des structures d’insertion par l’activité économique, qui pourraient se voir retirer la capacité de prescrire un parcours d’insertion en cas de non-respect des règles en matière d’éligibilité des personnes.
Comment une telle structure pourrait-elle ne pas respecter ces règles ? Pour ma part, en tant que présidente, depuis vingt ans, d’une association d’insertion par l’activité économique, je n’ai jamais rencontré une telle situation. Je ne vois pas bien dans quelles circonstances nous pourrions être amenés à déroger aux règles. Nous sommes toujours sous la pression du contrôle de ce qui est conforme ou non, alors que nous connaissons parfaitement le terrain, certainement bien mieux que ceux qui nous « surveillent ».
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’avis est favorable sur l’amendement n° 89, visant à préciser la rédaction de l’article 1er tout en allant dans le sens de la commission, qui souhaite prévoir les modalités de contrôle a posteriori.
Le Gouvernement introduit par ailleurs une modulation de la sanction, qui peut aller de la limitation au retrait ou à la suspension de la capacité de prescrire un parcours d’insertion. Ce crantage paraît intéressant.
Quant à notre collègue Olivier Paccaud, il s’inquiète que l’on n’accorde pas aux SIAE une faculté d’autoprescription des parcours. Or, précisément, l’article 1er va dans ce sens. En la matière, il faut plutôt faire confiance : on ouvre, par le bais de cet article, des possibilités qui aujourd’hui n’existent pas.
Madame Lubin, les structures d’insertion par l’activité économique, dont nous avons rencontré un certain nombre de responsables, n’ont pas peur du contrôle a posteriori. Elles veulent simplement que le contrôle soit un peu encadré, afin de ne pas risquer d’être amenées à devoir rembourser des sommes importantes s’il fait apparaître trop tardivement que des personnes non éligibles ont bénéficié d’un parcours d’insertion.
C’est à leur demande, et parce que le texte ne le précisait pas, que nous avons réintroduit cette disposition dans la proposition de loi. En aucun cas il ne s’agit de marquer une quelconque défiance à l’égard de structures qui font un travail remarquable sur le terrain. Il s’agit donc, avec cet article 1er, de répondre à une attente des territoires. Quant au contrôle, il est nécessaire, et les structures n’en ont pas peur.
L’avis est défavorable sur les amendements nos 66 et 48 rectifié.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 66 et 48 rectifié ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement sur les amendements nos 66 et 48 rectifié est identique à celui de Mme la rapporteure.
Mme le président. En conséquence, les amendements nos 66 et 48 rectifié n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 25 rectifié ter est présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Guerriau, Lagourgue, Malhuret, Médevielle et Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled et Capus.
L’amendement n° 82 rectifié est présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Lévrier, Théophile, Bargeton, Buis, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Yung.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 14 et 24
Supprimer les mots :
ou, en cas de recrutement direct, par une entreprise d’insertion
La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié ter.
Mme Colette Mélot. Cet amendement vise à prévoir le passage par un prescripteur habilité pour prolonger les parcours dans l’insertion par l’activité économique des salariés en insertion au-delà de la durée maximale de vingt-quatre mois. Dans la mesure où la prolongation de ces contrats d’insertion doit rester une exception, le passage par un prescripteur habilité devrait permettre d’offrir au salarié en insertion la possibilité d’étudier, avec l’aide d’un tiers spécialisé, les solutions alternatives ou complémentaires disponibles pour la réussite de son parcours d’insertion. Il s’agit donc d’une mesure de simplification.
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié.
M. Xavier Iacovelli. Il est défendu.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Toutes les structures sont favorables au principe de l’autoprescription, qui permet de ne plus avoir à passer par Pôle emploi pour la conclusion des contrats d’insertion.
S’agissant de la prolongation dérogatoire de ces contrats, dont il est ici question, il est proposé, néanmoins, de réintroduire Pôle emploi dans le dispositif. Nous pensons, pour notre part, qu’il ne faut pas s’arrêter au milieu du gué. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements, considérant qu’il faut, pour la prolongation des contrats d’insertion comme pour l’autoprescription, faire confiance a priori aux structures.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Les prescripteurs habilités sont les mieux placés pour étudier et définir le parcours du salarié à l’issue des vingt-quatre mois du contrat d’insertion.
Par ailleurs, le temps d’échange entre le salarié et le prescripteur habilité à l’issue des vingt-quatre mois nous semble nécessaire et bénéfique.
Les tiers extérieurs ont en outre une vision large des ressources du territoire, précieuse pour le salarié. Leur intervention est un levier supplémentaire en vue de l’insertion.
L’avis du Gouvernement est donc favorable sur ces amendements.
Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la ministre, je ne comprends pas bien votre argumentaire ; vous auriez pu aussi bien l’utiliser, en effet, contre l’article 1er et la suppression de l’agrément de Pôle emploi… La simplification est à l’œuvre pour l’agrément de Pôle emploi, mais j’ai l’impression que vous vous arrêtez au milieu du gué en demandant que Pôle emploi intervienne pour autoriser la prolongation des contrats d’insertion. Je ne me l’explique pas.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Madame la sénatrice, le parcours d’insertion par l’activité économique doit rester un sas, qui prépare au passage à un autre type de contrat ; ce doit être un tremplin permettant de définir la meilleure orientation pour la personne. Cette fonction de sas suppose un début et une fin ; dans une perspective pédagogique, il est important d’avoir des temps d’échange, de bénéficier d’un regard extérieur pour déterminer la solution la plus adaptée à la personne.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je suis un peu surprise de la position du Gouvernement.
Pôle emploi n’est certes pas la seule entité publique à être prescriptrice en matière de prolongation dérogatoire, mais je tiens à rappeler que, lors de son audition, Jean Bassères, son directeur général, nous a indiqué qu’il ne souhaitait pas s’inscrire dans cette logique. J’entends l’argument concernant la prise de recul que permet l’intervention d’un tiers, mais la position du Gouvernement me surprend quelque peu, même s’il s’agit ici de la prolongation à titre exceptionnel des contrats d’insertion au-delà de la durée maximale de vingt-quatre mois, et non de l’entrée dans le parcours classique, qui ne donne plus lieu à agrément.
En tout état de cause, je confirme l’avis défavorable de la commission sur ces deux amendements.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié ter et 82 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Remplacer les mots :
ans et plus
par les mots :
à cinquante-sept ans
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Il s’agit de prévoir l’articulation entre les CDI inclusion senior et le renouvellement de contrats à durée déterminée d’insertion (CDDI) en associations intermédiaires (AI) pour les salariés de plus de 57 ans.
L’adoption de cet amendement permettrait d’encadrer les effets de bord, en évitant la bascule automatique à 57 ans du CDDI au CDI senior ; l’employeur garde la main. Il s’agit aussi de maintenir les deux dispositifs en parallèle et de dissuader certaines SIAE de recourir au CDI senior.
J’ajoute que le CDI senior, contrairement au CDDI, a vocation à lutter contre la précarité des seniors en insertion via l’étude de la situation du salarié – c’est du « sur-mesure ».
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission est défavorable, puisque c’est elle qui a réintroduit ce dispositif.
Je rappelle que nous sommes tout à fait favorables au CDI inclusion : y recourir est bienvenu pour un certain nombre de personnes de 57 ans dont on sait que le parcours dans le milieu professionnel classique va être compliqué.
Néanmoins, sur le terrain, des professionnels m’ont indiqué que, pour un certain nombre de personnes qui atteignaient 57 ans, le basculement vers un CDI inclusion senior ou l’arrêt pur et simple du contrat au bout de vingt-quatre mois pouvait poser des difficultés. Les personnes concernées ne sont pas forcément prêtes, et vingt-quatre mois supplémentaires peuvent être nécessaires avant de passer à un contrat à durée indéterminée. En outre, une équipe peut se trouver déstabilisée.
Il existe donc des situations dans lesquelles une dérogation peut se révéler nécessaire. C’est dans cette perspective que nous avons rétabli cette possibilité de dérogation au-delà de 57 ans, en faisant confiance, bien entendu, aux professionnels de terrain, qui privilégieront –nous pouvons en être certains – le CDI inclusion, sauf dans des cas où la situation ne s’y prête pas.
Mme le président. L’amendement n° 102, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 103, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Remplacer les mots :
le mot : « septième » est remplacé par le mot : « neuvième »
par les mots :
les mots : « septième alinéa » sont remplacés par les mots : « neuvième alinéa du présent article »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
La section 3 du chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° A (Supprimé)
1° La sous-section 2 est complétée par un article L. 5132-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5132-5-1. – Les entreprises d’insertion peuvent conclure des contrats à durée indéterminée avec des personnes âgées d’au moins cinquante-sept ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, selon des modalités définies par décret. » ;
1° bis (nouveau) La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 5132-6 est complétée par les mots : « , à l’exclusion de la section 4 bis » ;
2° La sous-section 3 est complétée par un article L. 5132-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5132-6-1. – Les entreprises de travail temporaire d’insertion peuvent conclure des contrats à durée indéterminée, tels que mentionnés à l’article L. 1251-58-1, avec des personnes âgées d’au moins cinquante-sept ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, selon des modalités définies par décret. Dans ce cadre, par dérogation aux dispositions de l’article L. 5132-6, la durée totale d’une mission ne peut excéder trente-six mois. » ;
3° La sous-section 4 est complétée par un article L. 5132-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5132-14-1. – Les associations intermédiaires peuvent conclure des contrats à durée indéterminée avec des personnes âgées d’au moins cinquante-sept ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, selon des modalités définies par décret. » ;
4° La sous-section 5 est complétée par un article L. 5132-15-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5132-15-1-1. – Les ateliers et chantiers d’insertion peuvent conclure des contrats à durée indéterminée avec des personnes âgées d’au moins cinquante-sept ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, selon des modalités définies par décret. »
Mme le président. L’amendement n° 92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° A dans la rédaction suivante :
1° A. – À la première phrase du sixième alinéa de l’article L. 5132-5 et au a de l’article L. 5132-15-1, les mots : « ans et plus » sont remplacés par les mots : « à cinquante-sept ans ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Il s’agit de la même mesure que celle qui était proposée au travers de l’amendement précédent, appliquée, en l’espèce, aux ateliers et chantiers d’insertion.
Si nous présentons cet amendement, c’est parce que nous souhaitons, au nom de la sécurisation des salariés, privilégier les CDI ; renouveler les CDD ne saurait être une meilleure option.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Avis défavorable, dans la logique de la position que nous avons adoptée à propos des associations intermédiaires. Nous pensons que la dérogation au-delà de 57 ans est intéressante dans un certain nombre de cas, fussent-ils spécifiques et peu nombreux. Nous souhaitons, en tout cas, ouvrir cette possibilité.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 bis
Le premier alinéa de l’article L. 5132-6 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le mot : « temporaire », sont insérés les mots : « d’insertion » ;
2° Les mots : « sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières » sont remplacés par les mots : « éligibles à un parcours d’insertion tel que défini à l’article L. 5132-3 » ;
3° (nouveau) Après le mot : « particulières », sont insérés les mots : « et qui consacrent l’intégralité de leurs moyens humains et matériels à cette fin ». – (Adopté.)
Article 2 ter
La seconde phrase du 2° de l’article L. 5132-9 du code du travail est ainsi rédigée : « Dans des conditions définies par décret, le représentant de l’État dans le département peut autoriser une association intermédiaire à déroger à ce plafond, pour une durée maximale de trois ans renouvelable, en tenant compte des activités exercées par les entreprises de travail temporaire d’insertion installées dans le département et à condition que la qualité des parcours d’insertion soit garantie. » – (Adopté.)
Article 3
(Suppression maintenue)
Article 3 bis
Pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, est mise en place une expérimentation visant à faciliter le recrutement par les entreprises de droit commun de personnes en fin de parcours d’insertion. Cette expérimentation permet à un ou plusieurs salariés engagés dans un parcours d’insertion par l’activité économique depuis au moins quatre mois dans une entreprise d’insertion ou un atelier et chantier d’insertion d’être mis à disposition d’un employeur, autre que ceux mentionnés aux articles L. 5132-4 et L. 5213-13 du code du travail, pour une durée de trois mois renouvelable une fois, dans les conditions prévues à l’article L. 8241-2 du même code, de manière à les dispenser de période d’essai en cas d’embauche par cet employeur. Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, est réalisée une évaluation afin de déterminer notamment les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation.
Un décret précise les modalités de mise en œuvre et d’évaluation de cette expérimentation.
Mme le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Poncet et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet.
Mme Raymonde Poncet. Cet article introduit en séance publique à l’Assemblée nationale via un amendement du Gouvernement prévoit de mettre en place l’expérimentation d’un « contrat passerelle » permettant la mise à disposition d’un salarié en insertion auprès d’une entreprise de droit commun en vue de son éventuelle embauche.
La quasi-totalité des acteurs du secteur de l’insertion est très fermement opposée à ce contrat passerelle. Selon eux, le dispositif proposé ne remplit pas l’objectif de sécurisation des parcours d’insertion permettant de sortir les personnes concernées de la précarité, notamment parce qu’il déstabilise les dispositifs existants pour les associations intermédiaires et pour les entreprises de travail temporaire d’insertion.
C’est pourquoi il est proposé de supprimer cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Avis défavorable.
Vous avez raison, ma chère collègue : les structures d’insertion ne sont pas favorables au contrat passerelle, qui avait été introduit sous l’impulsion du haut-commissaire à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises un peu contre l’avis des structures de terrain.
Néanmoins, toutes les structures sont favorables à ce que l’on ouvre le champ des possibles. C’est pourquoi nous avons, en commission, conservé ce contrat passerelle, en l’encadrant et en lui associant un dispositif de temps cumulé, qui devrait permettre à un certain nombre de personnes de sortir des structures d’insertion.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Avis défavorable également.
Le contrat passerelle répond à un besoin des acteurs de l’IAE. Il y a eu concertation, un pacte a été remis ; cette expérimentation offre un outil juridique souple qui peut devenir un nouveau déclencheur d’embauche, du fait du lien entre SIAE et entreprises ordinaires, et permettra de sécuriser la période de transition professionnelle.
Les modifications apportées en commission par Mme la rapporteure nous semblent pertinentes ; nous soutenons donc l’adoption de cet article dans sa rédaction actuelle.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 104, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Remplacer les mots :
d’un employeur, autre que ceux mentionnés
par les mots :
d’une entreprise utilisatrice, autre que celles mentionnées
2° Supprimer les mots :
, de manière à les dispenser de période d’essai en cas d’embauche par cet employeur
3° Après la deuxième phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le salarié est embauché à l’issue de la période de mise à disposition par l’entreprise utilisatrice, dans un emploi en correspondance avec les activités qui lui avaient été confiées, il est dispensé de toute période d’essai.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, deuxième phrase
Remplacer les mots :
de trois mois renouvelable une fois
par les mots :
maximale de quatre mois
et les mots :
, de manière à les dispenser de période d’essai en cas d’embauche par cet employeur
par trois phrases ainsi rédigées :
La mise à disposition peut comporter une période d’essai d’un mois, par exception à l’article L. 1242-10 du code du travail. Elle s’analyse en une promesse d’embauche qui peut uniquement être rompue à la suite d’une faute sérieuse commise par le travailleur ou si l’entreprise connaît une situation économique exceptionnelle rendant impossible l’embauche de nouveaux salariés. La période d’essai éventuellement prévue dans le contrat de travail est réduite de la durée de la mise à disposition.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. L’expérimentation du contrat passerelle est issue d’une proposition figurant dans le pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique ; elle ne fait pas consensus dans les réseaux de l’insertion. Elle doit permettre aux entreprises d’insertion et aux ateliers et chantiers d’insertion la mise à disposition d’un salarié en insertion auprès d’une entreprise autre qu’une structure d’insertion par l’activité économique.
Cette expérimentation doit avoir pour objet exclusif de faciliter le recrutement de personnes en fin de parcours d’insertion par les entreprises de droit commun. Il ne faudrait pas en effet créer, avec ce contrat passerelle, une nouvelle marche avant l’entrée dans un hypothétique emploi durable.
Afin de répondre aux mêmes objectifs que ceux du contrat passerelle en évitant ses écueils, nous avions proposé, en commission, de prévoir la possibilité d’un cumul entre un contrat d’insertion et un contrat de droit commun à temps partiel, que la rapporteure a elle-même introduite à l’article 3 ter A nouveau.
Puisque Mme la rapporteure a souhaité conserver, en complément de cette nouvelle mesure, le contrat passerelle, celui-ci doit absolument s’accompagner de garanties pour éviter des effets d’aubaine et une utilisation dévoyée du dispositif. Il s’agit ainsi d’éviter que ce nouveau contrat ne soit assorti d’aucune obligation pour l’entreprise utilisatrice et crée de ce fait un effet d’aubaine.
Nous proposons donc, premièrement, que la mise à disposition soit considérée comme une réelle promesse d’embauche et qu’elle soit limitée à quatre mois, et, deuxièmement, que la période de mise à disposition comporte une période d’essai plus longue que celle que prévoit le droit commun, pour permettre à l’utilisateur de vérifier les compétences du travailleur.
Vous l’avez compris, mes chers collègues : nous sommes contre la création du contrat passerelle, mais nous avons parfaitement conscience de la difficulté de réinsérer une personne éloignée de l’emploi depuis très longtemps et d’un âge avancé. Nous considérons néanmoins qu’il faut éviter d’offrir à certaines entreprises la possibilité de recourir à un système qui leur coûterait le moins cher possible. Nous pensons qu’il faut, bien plutôt, protéger ces travailleurs.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Avis défavorable.
Lorsque nous avons spécifié le dispositif du contrat passerelle, nous étions convenus de limiter la durée de mise à disposition à trois mois renouvelables une fois, soit six mois. Vous proposez de la réduire à quatre mois, en précisant que la mise à disposition devra être assortie d’une véritable promesse d’embauche.
Pour ma part, j’ai tendance à dire – cela vaut pour tous les dispositifs – qu’il faut faire confiance au terrain. Les structures d’insertion par l’activité économique travaillent avec un certain nombre d’entreprises sur le territoire ; il arrive souvent que les secondes, lorsqu’elles sont donneuses d’ordre des premières, finissent par embaucher des personnes qui travaillaient au sein de celles-ci.
Je ne pense pas qu’un tel dispositif relève de l’exploitation : ce peut être un investissement, pour un professionnel, d’accompagner des personnes qui sont dans la difficulté. J’ai donc tendance à penser que le contrat passerelle permettra un accompagnement par les structures, ce qui était demandé, et représentera une chance d’embauche pour les personnes concernées.
Exiger une véritable promesse d’embauche est quand même très restrictif et me paraît témoigner d’un défaut de confiance envers le terrain.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Même avis que la commission, pour les mêmes raisons. Les modifications apportées en commission par la rapporteure nous semblent vraiment équilibrées et pertinentes ; nous soutenons l’adoption de cet article en l’état.
Avis défavorable à l’amendement n° 43 rectifié et favorable à l’amendement n° 104.
Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 43 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 3 ter A (nouveau)
La section 3 du chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° La première phrase du septième alinéa de l’article L. 5132-5 et la première phrase du septième alinéa de l’article L. 5132-11-1 sont complétées par les mots : « , sauf en cas de cumul avec un autre contrat de travail à temps partiel, d’une durée fixée par décret, permettant d’atteindre au total, par dérogation à la durée minimale de travail hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3123-7, une durée hebdomadaire de travail au moins égale à vingt-quatre heures » ;
2° La première phrase du neuvième alinéa de l’article L. 5132-15-1 est complétée par les mots : « ou en cas de cumul avec un autre contrat de travail à temps partiel, d’une durée fixée par décret, permettant d’atteindre au total, par dérogation à la durée minimale de travail hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3123-7, une durée hebdomadaire de travail au moins égale à vingt-quatre heures ».
Mme le président. L’amendement n° 39, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. À titre de complément au contrat passerelle introduit par l’article 3 bis, la majorité de la commission des affaires sociales, sous l’impulsion de Mme la rapporteure, a voté un amendement visant à favoriser le cumul d’un CDD d’insertion et d’un autre contrat de travail, CDI ou CDD à temps partiel. Ce contrat mixte est censé permettre à la salariée ou au salarié de continuer à bénéficier de l’accompagnement de la structure d’insertion par l’activité économique tout en accomplissant une transition progressive vers l’emploi de droit commun. Faut-il rappeler ici que les structures d’insertion par l’activité économique ont pour objectif d’offrir aux personnes sans emploi un tremplin vers l’économie classique et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de cumuler plusieurs contrats ?
Nous sommes véritablement en désaccord avec l’idée que la transition du parcours d’insertion par l’activité économique vers le secteur marchand justifierait de déroger au droit commun, en l’espèce au minimum hebdomadaire. Nous ne sommes pas convaincus de la nécessité d’aligner les durées des contrats pour faciliter cette transition, d’autant que les personnes concernées par les contrats à temps partiel sont majoritairement des femmes. En effet, selon une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques de juillet 2020, 31 % des femmes occupent un emploi à temps partiel, et 78 % des 18,4 % de salariés du secteur privé travaillant à temps partiel sont des femmes. Dès lors, ces dérogations auront pour conséquence de renforcer la précarité des salariés, et en particulier des femmes, plutôt que de faciliter la transition vers un contrat de travail classique.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est nécessairement défavorable, puisque c’est la commission qui a introduit cet article.
Nous sommes bien sûr tous sensibles à la problématique de la précarité liée aux contrats courts. Néanmoins, la création de cette possibilité de cumul de contrats répond à une demande des professionnels de terrain. En effet, il arrive très souvent que des personnes qui travaillaient dans une structure d’insertion par l’activité économique trouvent un contrat de vingt-quatre heures hebdomadaires, dont elles ne peuvent vivre. Dès lors, sans que cela soit dit, elles cumulent ce contrat avec des heures effectuées dans une SIAE.
Les structures d’IAE nous ont donc demandé d’autoriser un tel cumul, d’introduire de la souplesse, de façon à ne pas précariser des personnes en transition vers le secteur marchand qui ont un contrat de travail de droit commun de vingt-quatre heures hebdomadaires.
Tel est l’objet de ce dispositif de temps cumulé, qui répond vraiment à une attente des acteurs de terrain, ainsi qu’à votre préoccupation d’éviter la précarisation des personnes concernées.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement. Nous soutenons la possibilité de cumul de contrats introduite par la commission, car un tel dispositif va dans le sens de l’IAE. Il permettra d’offrir un accompagnement de qualité et de ménager une véritable transition professionnelle. Cela répond à une forte demande des acteurs de l’IAE.
Cet outil est complémentaire du contrat passerelle. Les deux dispositifs répondent au même objectif, certes de façon différente ; laissons aux acteurs de l’IAE le soin de choisir l’option adéquate, selon les personnes et les situations.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Si j’ai bien compris, il s’agit de pouvoir articuler un contrat de droit commun avec un contrat d’insertion…
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Oui !
Mme Monique Lubin. Eh bien, je dis non ! Autant je suis favorable à ce que l’on offre une certaine souplesse aux structures d’insertion, autant il me semble qu’ici on ouvre la porte à une vraie dérive.
On est en situation d’intégrer une structure d’insertion par l’activité économique ou on ne l’est pas. Certes, le titulaire d’un contrat de travail de droit commun à mi-temps est précaire, mais il n’est pas privé d’emploi et ne relève donc pas à proprement parler de l’insertion par l’activité économique. En outre, intégrer une structure d’insertion par l’activité économique donne la possibilité de cumuler suffisamment de contrats de mise à disposition auprès de particuliers, d’entreprises ou d’associations pour pouvoir en vivre décemment, se former et, plus tard, trouver un autre type d’emploi. Il ne faut pas tout mélanger.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’irai tout à fait dans le sens de Mme Lubin. Bien sûr, on peut penser a priori que cumuler un contrat de travail de droit commun et un contrat d’insertion permettra à une personne en grande difficulté d’améliorer sa situation. Sur le terrain, on peut être tenté par l’ouverture d’une telle possibilité, mais le problème tient à la logique d’ensemble que cela induit : en définitive, on va voir se multiplier les contrats précaires, très courts, pour des personnes censées être en insertion, et donc s’aggraver la précarité au travail, cela sous couvert d’une meilleure insertion…
Par ailleurs, l’insertion répond tout de même à une logique d’accompagnement global. Comme l’a dit Mme Lubin, on peut travailler pour une entreprise via une structure d’IAE. L’entreprise a alors le temps d’évaluer les capacités d’adaptation de la personne avant d’envisager une éventuelle embauche.
Mais cette espèce de mélange des contrats que l’on nous propose d’autoriser va conduire à une précarisation accrue de la société au motif d’aider les plus fragiles, qui, in fine, ne seront jamais totalement insérés dans le monde du travail classique. J’estime, pour ma part, qu’il serait dommageable pour la société, le monde du travail et l’insertion de mettre le doigt dans un tel engrenage !
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Outre les arguments que j’ai développés pour justifier la suppression de cet article, j’approuve tout à fait les propos qui viennent d’être tenus par mes deux collègues.
J’entends, madame la rapporteure, que tout cela part d’un bon sentiment, mais on ne peut se contenter de bons sentiments pour élaborer la loi. Je serai beaucoup plus sévère en ce qui concerne l’avis du Gouvernement : il s’agit, selon la ministre, de rendre service à des personnes en difficulté, mais, en réalité, dans la vraie vie, la précarité et la flexibilité se trouveront aggravées ! (Mme la ministre déléguée le conteste.) Eh oui, que cela vous plaise ou non ! Nous sommes en désaccord, ce n’est pas un problème dans le débat parlementaire.
Au prétexte d’améliorer la situation de personnes en insertion, vous allez accroître la précarité et la flexibilité en encourageant le cumul de petits contrats, qui pèsera majoritairement sur les femmes, ainsi que le prouvent les différentes études. Il s’agit selon moi d’une très mauvaise idée. Nous ne pouvons pas vous suivre.
Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Cet article vise à introduire une expérimentation voulue par le terrain. Exactement comme pour le titre II de cette proposition de loi, il s’agit de prendre en compte les besoins exprimés par les acteurs de terrain. Ouvrons donc cette possibilité de cumul de contrats ! Je trouve intéressant que des personnes qui retrouveront un emploi dans le secteur marchand puissent continuer à bénéficier de l’expertise des professionnels de l’insertion par l’activité économique.
Par ailleurs, je crois beaucoup à l’intérêt d’une perméabilité entre le secteur de l’insertion et l’entreprise. Comme pour les écoles de la deuxième chance, il s’agit de donner la possibilité à des personnes ayant rencontré des difficultés soit dans leur formation, soit dans la recherche d’un travail, d’apprendre sur le terrain.
Je suis donc très favorable à la proposition de Mme la rapporteure.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ne nous méprenons pas sur l’intention des acteurs de terrain : en aucun cas ils ne souhaitent précariser les personnes en parcours d’insertion. Il s’agit non pas d’accroître la précarisation, mais de prendre en compte l’expérience vécue par des personnes ne parvenant pas à rejoindre le milieu professionnel classique à l’issue d’un parcours d’insertion. Ce dispositif de temps cumulé, ouvert dans la limite de vingt-quatre mois et de certaines conditions, permettra de favoriser cette transition, grâce à une poursuite de l’accompagnement de personnes en difficulté, comme l’a souligné Mme Doineau. Il ne s’agit en aucun cas de le généraliser.
Je l’ai dit, le contrat passerelle posait un certain nombre de difficultés aux yeux des acteurs des structures d’insertion par l’activité économique, qui évoquaient parfois un risque de brouillage. De plus, ce dispositif n’avait pas été discuté en commission. En revanche, celui dont nous débattons ici répond véritablement à une demande des acteurs de terrain.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Il me semble que nous nous accordons sur un point : nous souhaitons tous donner un emploi durable aux personnes concernées. Le maintien du contrat d’insertion permettra de poursuivre l’accompagnement, sachant que ce cumul sera bien entendu temporaire. Cela rassure, dans la vraie vie, les personnes en insertion. Cela rassure également, il faut le souligner, les chefs d’entreprise.
Mme le président. L’amendement n° 105, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I. – Après le cinquième alinéa de l’article L. 3123-7 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Aux contrats de travail à durée indéterminée conclus dans le cadre d’un cumul avec l’un des contrats prévus aux articles L. 5132-5, L. 5132-11-1 ou L. 5132-15-1, afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée à l’article L. 3123-27. »
II. – Alinéa 1
Au début, insérer la référence :
II. –
III. – Alinéas 2 et 3
Remplacer les mots :
d’une durée fixée par décret, permettant d’atteindre au total, par dérogation à la durée minimale de travail hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3123-7, une durée hebdomadaire de travail au moins égale à vingt-quatre heures
par les mots :
afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée à l’article L. 3123-27
IV. – Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 5132-5 et l’article L. 5132-11-1 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret définit les conditions dans lesquelles la dérogation à la durée hebdomadaire de travail minimale prévue au septième alinéa du présent article peut être accordée. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 3 ter A, modifié.
(L’article 3 ter A est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 ter A
Mme le président. L’amendement n° 94 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5135-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le 4°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° bis Le conseil départemental, par l’intermédiaire de son président ;
« 4° ter Les organismes mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 6313-6 ; » ;
2° Au dernier alinéa, après la référence : « 3° », sont insérés les mots : « et au 4° bis ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Il s’agit d’ouvrir la possibilité aux conseils départementaux et aux organismes qui opèrent la prépa apprentissage de prescrire des périodes de mise en situation en milieu professionnel, des PMSMP, à des personnes en parcours d’insertion. C’est une mesure attendue notamment par les conseils départementaux. Elle contribue à rappeler le rôle central des départements en matière d’insertion : ils sont des partenaires essentiels pour l’accès à l’emploi.
La PMSMP est une pratique d’accompagnement très demandée, qui a fait ses preuves. Il faut l’élargir et permettre d’y recourir rapidement en élargissant la liste de ses prescripteurs aux conseils départementaux et aux prépas apprentissage. Cet amendement vise à mettre en place un circuit court. Il s’agit de ne pas renvoyer automatiquement vers un intermédiaire – Pôle emploi en l’occurrence –, de raccourcir les délais de traitement des dossiers et de faciliter le parcours du bénéficiaire. C’est un véritable outil pour l’accès à l’emploi !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, les périodes de mise en situation en milieu professionnel sont très appréciées des acteurs de terrain, notamment des structures d’insertion par l’activité économique. Cet amendement vise à élargir la liste des prescripteurs au président du conseil départemental et aux organismes qui opèrent la prépa apprentissage. Il s’agit d’un amendement de dernière minute que nous n’avons guère eu le temps d’examiner, mais la commission a émis un avis favorable, car la mesure nous semble être de bon aloi.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Une fois de plus, je ne comprends pas. Les départements n’ont pas la compétence emploi. Aujourd’hui, ce rôle de prescription est joué par Pôle emploi, peut-être aussi par Cap emploi et les missions locales, qui ont une réelle compétence en termes d’accompagnement vers l’emploi, contrairement aux conseils départementaux, qui d’ailleurs ne sont pas, me semble-t-il, demandeurs de la compétence emploi…
Je trouve curieux que cet amendement nous arrive soudain, sans que nous ayons eu le temps de l’examiner en commission. Il s’agit tout de même d’une évolution très importante, que l’on ne peut avaliser sans avoir pu en discuter. Il ne me paraît pas opportun de voter au débotté un tel amendement !
Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Pour ma part, je suis au contraire très favorable à cet amendement. Il existe dans beaucoup de départements des commissions RSA, qui comprennent des élus locaux, en particulier des conseillers départementaux. Ceux-ci ont souvent une connaissance approfondie du tissu économique et sont en relation avec les chefs d’entreprise. Ils pourront faire bénéficier des allocataires du RSA dont ils connaissent la complexité de la situation de périodes de mise en situation en milieu professionnel. C’est selon moi une très bonne chose. Introduire cette souplesse est bienvenu.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3 ter A.
Article 3 ter
(Non modifié)
Par dérogation au III de l’article 1er de la présente loi, le I du même article 1er entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard un an après la publication de la présente loi, pour les associations intermédiaires mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5132-9 du code du travail et dont les mises à disposition de salariés ne relèvent pas du 1° du même article L. 5132-9, dans sa rédaction antérieure à la présente loi. Jusqu’à cette date, elles demeurent régies par les dispositions de la sous-section 4 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, à l’exception des dispositions du 3° de l’article 2 et de l’article 2 ter de la présente loi qui leur sont applicables le lendemain de la publication de la présente loi. – (Adopté.)
TITRE II
EXPÉRIMENTATION TERRITORIALE VISANT À SUPPRIMER LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE
Article 4
I. – La loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée est abrogée.
II. – Pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du présent titre, est mise en place, dans au plus soixante territoires, dont les dix territoires habilités dans le cadre de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée dans sa rédaction antérieure à la présente loi, désignés dans les conditions définies à l’article 5 de la présente loi, couvrant chacun tout ou partie de la superficie d’une ou de plusieurs collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales volontaires, une expérimentation visant à mettre un terme à la privation durable d’emploi.
Cette expérimentation permet aux personnes concernées d’être embauchées en contrat à durée indéterminée par des entreprises qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, pour exercer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire.
L’expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État et des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale volontaires mentionnés au premier alinéa du présent II, d’autres collectivités territoriales volontaires et d’organismes publics et privés volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces embauches.
III. – Au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation, le fonds mentionné à l’article 5 dresse le bilan de l’expérimentation dans un rapport.
IV. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique réalise l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les suites qu’il convient de lui donner. Cette évaluation s’attache notamment à identifier le coût du dispositif pour les finances publiques, les externalités positives constatées et ses résultats comparés à ceux des structures d’insertion par l’activité économique. Elle détermine le cas échéant les conditions dans lesquelles l’expérimentation peut être prolongée, élargie ou pérennisée, en identifiant les caractéristiques des territoires et des publics pour lesquels elle est susceptible de constituer une solution adaptée à la privation durable d’emploi.
V. – Les rapports mentionnés aux III et IV sont adressés au Parlement et au ministre chargé de l’emploi et rendus publics.
VI. – Dans le cadre de l’expérimentation, peuvent être embauchées par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II les personnes volontaires privées durablement d’emploi depuis au moins un an malgré l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi et domiciliées depuis au moins six mois dans l’un des territoires participant à l’expérimentation.
VII. – Les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation mettent en place un comité local, au sein duquel sont représentés les acteurs du service public de l’emploi, chargé du pilotage de l’expérimentation. Ce comité local définit un programme d’actions, approuvé par le fonds mentionné à l’article 5, qui :
1° A (nouveau) Identifie les activités économiques susceptibles d’être exercées par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II du présent article ;
1° Apprécie l’éligibilité, au regard des conditions fixées au VI du présent article, des personnes dont l’embauche est envisagée par les entreprises conventionnées ;
2° Détermine les modalités d’information, de mobilisation et d’accompagnement des personnes mentionnées au même VI en lien avec les acteurs du service public de l’emploi ;
3° Promeut le conventionnement d’entreprises existantes ou, le cas échéant, la création d’entreprises conventionnées pour l’embauche des personnes mentionnées audit VI en veillant au caractère supplémentaire des emplois ainsi créés par rapport à ceux existant sur le territoire.
Les modalités de fonctionnement du comité local sont approuvées par le fonds mentionné à l’article 5.
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, je voudrais, à cet instant du débat, témoigner de l’expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » en cours depuis 2017 dans mon département, le Calvados, plus précisément à Colombelles, près de Caen.
L’entreprise à but d’emploi, atypique, a été créée en avril 2017. Depuis, soixante-dix-huit salariés ont été embauchés : des hommes et des femmes recrutés en CDI pour exercer des activités aussi diverses et utiles au territoire que le maraîchage, le recyclage, l’informatique, les services aux entreprises, aux commerçants, aux agriculteurs, aux associations ou aux collectivités, la conciergerie de territoire, ou encore des activités de production.
Il importe de souligner qu’une réelle dynamique s’est créée grâce à ce dispositif. Aujourd’hui, près de cinquante personnes sont inscrites sur les listes d’attente comme volontaires pour l’expérimentation, tandis que près d’une centaine sont sorties du chômage.
Au terme de cette première étape, il apparaît que nul n’est inemployable lorsque l’emploi est adapté aux personnes. Ce n’est pas le travail qui manque, car il y a beaucoup plus de travaux utiles à réaliser dans nos territoires que de personnes disponibles pour les accomplir. Ce n’est pas l’argent non plus qui manque, puisque, chaque année, le chômage de longue durée entraîne de nombreuses dépenses et manques à gagner.
C’est une expérimentation profondément novatrice par son objectif, sa méthode et son financement. Elle améliore la situation des personnes et des territoires, à Colombelles comme ailleurs. C’est pourquoi je suis très favorable non seulement à sa prolongation pour cinq ans, mais aussi à son extension à de nouveaux territoires. J’ai entendu Mme la ministre dire que l’on pourrait aller au-delà de soixante territoires. Ce serait une avancée supplémentaire, car 120 territoires ont des projets en cours de maturation ou ont manifesté leur intérêt. Il existe donc de réels besoins et une réelle attente.
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.
M. Xavier Iacovelli. En supprimant l’obligation de financement par les départements, Mme la rapporteure pensait certainement protéger ces derniers d’un alourdissement de leurs dépenses. En réalité, cela limite le champ de leurs compétences, alors même qu’ils souhaitent assumer davantage de responsabilités.
En l’espèce, il s’agit moins d’imposer aux départements une dépense supplémentaire que de leur donner une preuve de confiance.
Tout d’abord, il s’agit d’une expérimentation sur cinquante territoires, ce qui ne crée pas une dépense supplémentaire pour tous les départements. Un département peut ainsi refuser de financer le dispositif et ne pas mettre en place cette expérimentation sur son territoire.
Ce dispositif illustre donc plutôt la confiance du législateur et du Gouvernement à l’égard du département et de sa capacité de faire des choix. La décision de réaliser ou non l’expérimentation revient au département, eu égard à sa proximité et à sa connaissance des besoins du territoire.
L’insertion est une compétence historique des départements qui doit être préservée afin de les responsabiliser. Le département est le chef de file pour l’insertion : cela rend essentiel son rôle de financeur. S’opposer à l’obligation de financement, c’est limiter les compétences du département.
Le caractère volontaire du financement signifie que, si un département ne souhaite pas utiliser sa compétence, un autre acteur pourra se substituer à lui. Financer, c’est donc, pour le département, avoir le droit de choisir. L’implication du département doit être financière afin d’assurer la protection de ses compétences et de sa capacité à choisir ce qui est le mieux pour son territoire.
Les collectivités territoriales veulent être responsabilisées et demandent davantage de compétences pour pouvoir exercer cette responsabilité. Il serait donc dommageable d’empiéter sur les compétences historiques du département en rendant son financement volontaire. Rendre compte de ses choix est essentiel. C’est ce que l’on souhaite pour le département, et cela implique obligatoirement un financement à cet échelon.
Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.
Mme Colette Mélot. Je soulignerai à mon tour l’importance de maintenir une forte dimension territoriale à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », en permettant aux acteurs locaux de participer pleinement au pilotage du dispositif au sein des comités locaux pour l’emploi.
En effet, les différentes expériences de création de ces comités ont permis d’engager un dialogue constructif avec l’ensemble des acteurs locaux. Ce dialogue vise à préciser les règles de fonctionnement de l’expérimentation en matière de développement des activités et d’embauche, en prenant en compte les spécificités locales. Les entrepreneurs, les chambres consulaires, les centres sociaux, les structures de l’insertion par l’activité économique, les associations, les élus et les habitants doivent rester au cœur du dispositif !
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Chacun le sait, nous vivons une période tout à fait particulière, marquée par une crise majeure. Les gens formés, expérimentés qui ont aujourd’hui un emploi risquent de le perdre, mais ils pourront peut-être en trouver un autre assez facilement. Les précaires risquent de tomber dans la pauvreté, et les pauvres dans l’extrême pauvreté.
L’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », qui ne relève pas d’un traitement de masse du chômage, est donc particulièrement importante. Un certain nombre de territoires sont prêts ou se préparent à intégrer le dispositif.
Un certain nombre d’entre nous ont clairement souligné qu’ils espéraient une ouverture de votre part, madame la ministre. Vous avez laissé entendre que vous pourriez faire une annonce d’ici à la commission mixte paritaire, tout en indiquant que des raisons techniques vous en empêchaient aujourd’hui. Que comptez-vous exactement nous proposer ? De quelles raisons techniques s’agit-il ? Nous avons besoin de comprendre !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Au terme du débat à l’Assemblée nationale, le nombre de nouveaux territoires expérimentant le dispositif est passé de trente à cinquante. On pourrait ne jamais s’arrêter dans cette voie. Nous essayons donc d’établir une rédaction qui, tout en évitant le risque d’incompétence négative du législateur, permette d’ajuster le nombre de territoires concernés pour ne laisser de côté aucun territoire prêt. Un travail est en cours avec les services juridiques du Gouvernement – nous pouvons le partager avec ceux du Sénat ou de l’Assemblée nationale – afin de définir le dispositif adéquat, étant entendu que l’analyse juridique montre que, s’agissant d’une expérimentation, le nombre de territoires concernés doit tout de même être encadré. Nous butons sur un petit obstacle juridique que nous n’avons pas réussi à surmonter pour l’instant, mais je pense que nous pourrons trouver une solution d’ici à la commission mixte paritaire. Quoi qu’il en soit, je réitère l’engagement du Gouvernement de faire en sorte qu’aucun territoire prêt à rejoindre l’expérimentation ne soit laissé de côté.
Mme le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le comité local pour l’emploi s’attache également à identifier et à privilégier les activités qui participent au développement socio-économique du territoire. Il s’appuie sur un faisceau d’indicateurs permettant de mesurer l’ensemble des dynamiques de l’économie et de l’emploi du territoire concerné afin de s’assurer de la complémentarité et de l’efficience du dispositif.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je retire cet amendement, car il est mal positionné.
Mme le président. L’amendement n° 7 est retiré.
L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mmes C. Fournier et Doineau, M. Canevet, Mme Sollogoub, M. Delahaye, Mme Vermeillet, MM. Détraigne et Louault, Mmes Dindar, Billon et Perrot, MM. Levi, Moga et Kern, Mmes Férat et Guidez, MM. Henno et Lafon, Mmes Létard et de La Provôté et MM. P. Martin et Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
économiques
insérer les mots :
complémentaires et
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. L’insertion ne doit pas être concurrente des activités économiques existantes. Il nous semble important d’inscrire dans le texte qu’elle peut leur être complémentaire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir retiré l’amendement n° 7, qui était mal rédigé.
J’ai entendu différents intervenants invoquer une double tutelle de Pôle emploi et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les Direccte. J’invite mes collègues à lire avec attention le texte de la commission : en aucun cas il n’y est fait mention de Pôle emploi et des Direccte.
Je vous appelle donc à davantage de précision dans vos propos, s’agissant d’un texte relativement technique attendu sur le terrain.
L’amendement n° 1 rectifié ter vise à inscrire dans le texte la complémentarité des activités développées par les établissements à but d’emploi avec celles qui existent déjà sur le territoire. Il est plus restrictif que ce qui se pratique sur le terrain, puisque les activités créées par les entreprises à but d’emploi peuvent être tout à fait nouvelles et combler un manque sur le territoire. Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement crée un risque d’insécurité juridique, la notion de complémentarité n’étant pas très claire. J’en demande donc le retrait, à défaut j’émettrai un avis défavorable.
M. Michel Canevet. Je le retire !
Mme le président. L’amendement n° 1 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
de l’État
insérer les mots :
, des départements et collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution concernés
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à repositionner les départements et les collectivités territoriales d’outre-mer dans le financement du dispositif.
En effet, le texte voté à l’Assemblée nationale prévoyait un financement obligatoire du fonds d’expérimentation par les départements concernés par le dispositif. Cette obligation de financement a été supprimée sur l’initiative de la rapporteure de la commission des affaires sociales. De notre point de vue, elle doit être rétablie pour ne pas obérer l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Cet amendement ne tend pas à créer de dépense supplémentaire, puisque ce financement vient se substituer aux prestations déjà versées aux chômeurs de longue durée qui sont amenés à être embauchés dans le cadre de l’expérimentation. Nous proposons de réintroduire dans le texte les départements et les collectivités régis par les articles 73 et 74 de la Constitution, car les outre-mer sont grandement concernés par le dispositif.
Le financement à la carte par les départements ne constitue pas un bon signal pour les personnes concernées par le chômage de longue durée. Il existe déjà beaucoup d’iniquité en matière d’aides et d’action sociales. Pour ne pas aller vers plus encore d’injustice, nous souhaitons que l’on revienne à l’esprit initial de la proposition de loi, en prévoyant un financement obligatoire par le département.
Mme le président. L’amendement n° 99, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après les mots :
État et des
insérer les mots :
départements concernés ainsi que des autres
2° Supprimer les mots :
, d’autres collectivités territoriales volontaires
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Il s’agit de réaffirmer la nécessité du financement de l’expérimentation par l’État et les départements. On l’a souligné, les départements jouent un rôle de chef de file en matière d’insertion et leur implication dans cette expérimentation territoriale est nécessaire. Des initiatives de cette nature doivent s’intégrer à une stratégie territoriale, promue par le département, dont la contribution financière permet aussi de sécuriser l’expérimentation.
Par ailleurs, l’expérimentation repose depuis son origine sur les initiatives locales. La réussite des projets passera par l’implication de tous les acteurs locaux, sans exception. Il apparaît ainsi nécessaire de consacrer le rôle du département dans l’expérimentation, y compris à titre financier, afin de réunir toutes les conditions du bon déroulement de celle-ci.
Mme le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
État et des
insérer les mots :
départements concernés ainsi que des autres
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Il paraîtrait effectivement incompréhensible que les départements, qui ont la responsabilité de l’insertion, ne soient pas associés au financement d’une telle expérimentation. Cela reviendrait à dénier leur compétence en la matière. Voilà pourquoi il est nécessaire de réintroduire le caractère obligatoire de la contribution des départements.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est nécessairement défavorable sur ces trois amendements, qui répondent au même objectif, celui présenté par Mme Meunier tendant en outre à repréciser que les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution sont également concernées.
Aux termes de l’article 5 de la loi de 2016, votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat, qui prévoyait le financement du dispositif, le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est financé « par l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les groupes de collectivités territoriales et les organismes publics ». Il n’est pas fait mention des départements : pour autant, en 2016, personne n’a songé les exclure du dispositif.
Ici, vous proposez de prévoir un financement obligatoire par les départements. Sur ce point, nous avons des divergences d’appréciation avec le Gouvernement et un certain nombre de nos collègues. Je rappelle que ma première audition a été consacrée à l’Assemblée des départements de France, l’ADF, qui a souligné qu’elle n’avait pas été associée à l’élaboration du bilan de l’expérimentation mais que les départements n’envisageaient nullement de ne pas contribuer au financement du dispositif. Cela étant, les départements ont leur propre plan départemental d’insertion par l’activité économique et ils entendent être souverains dans la gouvernance de ces dispositifs. Ils peuvent choisir d’intervenir ou pas à l’échelon des structures d’insertion par l’activité économique : il y va de la libre administration des collectivités territoriales. S’ils le peuvent, ils participeront au financement de l’expérimentation, m’a indiqué l’ADF, tout en rappelant qu’il existait, à l’échelle nationale, entre le RSA versé et sa compensation, un différentiel de 5 milliards d’euros… Elle a également insisté sur les très fortes inquiétudes des départements quant à l’évolution de la fiscalité, notamment dans le projet de loi de finances pour 2021, et sur le risque d’accroissement du nombre de personnes en situation de pauvreté et d’allocataires du RSA. Dans mon département de l’Isère, on constate effectivement une augmentation du nombre de ces derniers.
Les départements sont donc très prudents sur les dépenses qu’ils peuvent engager et ils entendent être souverains dans le pilotage de leur plan départemental d’insertion par l’économie. En aucun cas ils ne se sentent exclus du dispositif. Ils ne refusent nullement de contribuer, mais ils s’opposent à l’inscription d’une obligation de financement dans ce texte. En tout état de cause, cela relève d’un décret et on ne sait pas à quelle hauteur serait fixée une telle obligation de financement pour les départements ni ce que ces derniers financeraient.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 49 rectifié et 8 ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.
Pour ce qui est de l’amendement n° 99 du Gouvernement, je souhaite apporter quelques précisions.
L’insertion, vous le savez tous, est l’une des missions de cœur des départements. C’est une compétence pour laquelle ils sont chefs de file. À l’heure où l’on regrette souvent que les départements soient fragilisés dans l’exercice de leurs missions de proximité, il me semble que cet amendement viendra les renforcer.
Nous ne souhaitons pas exclure les départements de l’expérimentation. Le département est un acteur essentiel de la bataille de l’emploi, et nous voulons, je le répète, conforter sa place.
D’ailleurs, pour ce qui est de l’expérimentation qui a été menée jusqu’à présent, n’ont été retenus que des territoires relevant de départements qui étaient partants. La participation financière sera définie par les textes d’application, en concertation, évidemment, avec les conseils départementaux et l’ADF. Aujourd’hui, pour les territoires expérimentateurs, les conseils départementaux contribuent, en moyenne, à hauteur de 1 500 euros par demandeur d’emploi – avec des écarts importants d’un département à l’autre –, contre environ 20 000 euros pour l’État.
Concernant les charges liées au RSA, je rappelle que l’expérimentation est menée sur la base du volontariat. Nous ne proposons en aucun cas d’instaurer une charge supplémentaire obligatoire. Les personnes concernées par le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » peuvent d’ailleurs être des bénéficiaires du RSA. Dans ce cas, les gains attendus de l’expérimentation doivent être largement supérieurs à la charge induite, le coût lié au RSA pour les départements étant réduit d’autant. C’est en quelque sorte une stratégie d’économie par l’efficacité de l’action publique, un investissement gagnant-gagnant : gagnant pour le citoyen qui retourne vers l’emploi ; gagnant pour la collectivité qui réduit ses dépenses d’allocation.
Pour avoir été présidente de conseil départemental, je sais, comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il faut faire confiance aux territoires, aux élus locaux pour définir la politique la plus pertinente pour atteindre leurs objectifs. Ce texte vise à offrir un outil supplémentaire, efficace et collectif, en laissant à chaque département le libre choix et le dernier mot.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Je vous ai bien entendues, madame la ministre déléguée, madame la rapporteure, mais permettez-moi tout de même d’insister.
Les modifications apportées à ce texte mettent en danger la territorialité de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Notre volonté est de revenir à l’esprit initial de la loi. J’insisterai particulièrement sur la suppression de l’obligation de financement des départements concernés par le dispositif. Cette expérimentation constitue pourtant une vraie réponse face à la crise sociale. Rappelons que l’on attend 300 000 chômeurs supplémentaires d’ici à la fin de l’année.
Les collectivités territoriales, particulièrement les départements, acteurs centraux de l’action sociale, doivent soutenir ces projets. La philosophie de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » implique que les collectivités susceptibles de tirer un bénéfice financier des embauches contribuent effectivement au financement du dispositif. La suppression de l’obligation de financement, ainsi que la volonté de contrôle et de surencadrement qui se manifeste, vont nuire à l’émergence de nouveaux projets et fragiliser la viabilité de l’expérimentation.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Il ne s’agit nullement de nier l’importance du rôle des départements en matière d’insertion ou d’emploi. Mme la rapporteure a été claire, il ne s’agit pas non plus de nier la possibilité, pour les départements, de participer à ce dispositif.
Au fond, la question est plus importante que cela : il y va de la libre administration des collectivités territoriales et du principe de décentralisation. Si, pour chaque politique publique, on oblige les départements ou d’autres collectivités à participer ou on le leur interdit, ces principes se trouvent remis en cause.
Depuis un certain nombre d’années et de textes, nous sommes passés d’une décentralisation de décision, comme elle l’était à l’origine, à une décentralisation d’exécution. C’est la raison pour laquelle nous partageons l’argumentation de Mme la rapporteure.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Les départements étant les têtes de pont de l’insertion, je ne vois pas en quoi il serait gênant de leur demander de participer au financement, dès lors qu’ils accueillent des « territoires zéro chômeur de longue durée ». Si le dispositif est bien conçu, il n’y aura pas de dépense nouvelle, puisqu’il s’agit de transformer une dépense dite passive en dépense active. En additionnant le coût du RSA et de toutes les aides et prestations diverses, y compris non pécuniaires, comme l’accompagnement, je pense que les départements ne doivent pas être perdants. Cette obstination à refuser que les départements contribuent de manière obligatoire, dès lors qu’ils sont concernés, me surprend donc.
En disant ceci, je vais peut-être fâcher quelques-uns de mes collègues, mais nous savons bien que la politique d’insertion a été menée de façon très variable selon les départements. En ce qui concerne le RMI, le revenu minimum était versé dans tous les départements, car la loi l’imposait, mais on ne souciait pas partout de l’insertion…
Aujourd’hui, bien évidemment, les choses ont un peu évolué, mais ne pas prévoir d’obligation de financement créera une distorsion entre les départements qui feront un effort et ceux qui en seront exemptés. J’avoue ne pas très bien comprendre…
Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. J’ai moi aussi été président d’un département et je m’occupe des affaires sociales depuis assez longtemps. Certes, aucun département ne refusera de participer à cette action en faveur des chômeurs, mais c’est le caractère obligatoire d’une telle participation qui gêne. Les départements contribueront de toute façon, compte tenu des économies qu’ils pourront réaliser au titre du RSA. Néanmoins, j’y insiste, ce caractère obligatoire est insupportable. Comment peut-on continuer à dire aux départements qu’ils doivent faire des économies et à les priver de ressources fiscales, tout en les obligeant à assumer de nouvelles dépenses ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je suis très favorable à la participation des départements, mais pas par obligation. Je pense qu’il faut les inciter, tout faire pour qu’ils aient envie de participer, mais non les contraindre. Ce caractère obligatoire va complètement à l’encontre du principe de libre administration des collectivités. N’oublions pas que les départements rencontrent aujourd’hui beaucoup de difficultés dans tous les domaines, notamment en matière sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. J’abonderai dans le même sens.
Il me semble qu’il y a une dissonance entre la notion d’expérimentation, d’initiative, qui, en l’espèce, émane de l’échelon communal, et sa transformation en une contrainte pour les conseils départementaux.
Le conseil départemental accompagne l’insertion au travers d’un plan départemental ad hoc. Si une initiative locale se met en place dans le département sur l’initiative d’une collectivité locale, devra-t-elle obligatoirement être intégrée à ce plan ?
Bien évidemment, le conseil départemental est le chef de file en matière d’insertion ; bien évidemment, il accompagne les bénéficiaires du RSA ; bien évidemment, il aura à cœur d’ajouter cette expérimentation à son arsenal d’insertion, mais on ne peut pas à la fois parler d’expérimentation et transformer le dispositif en obligation – ou alors, c’est à n’y plus rien comprendre ! Le département est compétent en matière d’insertion, mais il n’y a pas de contradiction à ne pas l’obliger à participer à l’expérimentation.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, l’obligation en question procède de l’idée que toutes les collectivités locales, y compris les départements, doivent prendre leur part dans l’exigence d’égalité et de solidarité républicaines. Cela ne peut être à la tête du client : je rappelle que le RSA est versé dans tous les départements. Il s’agit de garantir l’unité, l’égalité et la solidarité républicaines. L’expérimentation ne signifie pas que chacun fait ce qu’il veut chez soi. Elle a vocation à éclairer la manière dont, à terme, nous pourrions élargir notre arsenal pour développer l’emploi et favoriser l’insertion des chômeurs de longue durée. Dans cette logique, chacun doit prendre sa part à l’effort de solidarité ; cela ne doit pas reposer sur le volontariat, l’exigence de solidarité s’impose à tous. On invoque sans cesse la responsabilité des élus et des territoires, mais si tout le monde faisait preuve de responsabilité en matière de solidarité, il n’y aurait pas besoin d’État, et il n’y aurait pas de communes qui n’appliquent pas la loi SRU ! (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
Je le répète, chaque collectivité doit prendre sa part à l’effort national, selon ses spécificités et ses capacités, pour permettre la réussite de cette expérimentation. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et SER – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet. Pour moi, ce débat sur le caractère obligatoire ou non de la participation des départements devait venir plus tard, à l’article 6.
Il n’est pas question, à nos yeux, de contester que la contribution financière des départements à l’ingénierie des projets doive rester facultative. En revanche, le caractère obligatoire de leur participation financière au financement des emplois supplémentaires doit, à notre avis, être préservé.
En effet, la philosophie du projet implique que les collectivités territoriales susceptibles de tirer indirectement ou directement un bénéfice financier des embauches contribuent effectivement au financement de l’expérimentation.
Ce caractère obligatoire de la participation des départements laisse néanmoins libres les départements de contribuer selon des modalités et des montants qu’ils décideront : le principe de la libre administration des collectivités locales demeure.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de mon territoire, Villeurbanne, qui est l’un des dix expérimentateurs actuels. En l’espèce, la métropole de Lyon a choisi de reverser à l’euro près le montant de l’économie qu’elle réalise sur le RSA. D’autres départements ont opté pour une approche forfaitaire.
Les départements sont donc libres de déterminer les modalités et le montant de leur participation, mais ils sont parmi les premiers bénéficiaires du retour à l’emploi des personnes, notamment grâce à l’économie réalisée au titre du RSA, mais aussi, plus largement, grâce aux incidences positives en termes de prise en charge du handicap ou même de protection de l’enfance.
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet. L’activation de ces dépenses passives du département ne peut être qualifiée, à notre avis, d’entorse à la libre administration des collectivités locales, sauf à méconnaître le fait que cette expérimentation est massivement soutenue aujourd’hui par les départements concernés.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il ne s’agit en aucun cas d’imposer une dépense à un département, puisque l’on se situe dans le cadre d’une expérimentation reposant sur le volontariat. Cela étant, il serait tout de même paradoxal qu’une telle expérimentation soit menée dans un territoire sans que le département, chef de file en matière d’insertion, y soit partie prenante. Dès lors, la meilleure façon de signifier l’association du département à la démarche est d’entériner dans le texte le principe de sa participation financière. Alors que tout le monde nous dit qu’il faut clarifier les compétences, il serait paradoxal, je le répète, qu’une telle expérimentation soit menée par un conseil régional et une intercommunalité, par exemple, sans que le département y participe. Je ne suis pas sûre que cela contribuerait à clarifier les rôles des différentes collectivités.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’exemple du Rhône évoqué par Mme Poncet constitue une bonne illustration de la problématique : des départements ont fait des choix différents, en cohérence avec leurs propres plans d’insertion.
Madame la ministre, je tiens à le rappeler, ce sont non pas les départements qui sont volontaires pour mener l’expérimentation, mais les territoires, ce qui est complètement différent, à moins que vous ne nous disiez que les territoires candidats ne seront retenus que si le département participe à l’expérimentation. Mais, pour l’heure, nous ne disposons pas du cahier des charges de l’expérimentation, qui est encore en cours de négociation. Aujourd’hui, ce sont bien les seuls territoires qui font acte de volontariat, sans avoir forcément demandé au préalable au département s’il souhaitait financer ou pas. C’est une petite nuance d’importance !
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mme C. Fournier, M. Canevet, Mmes Sollogoub et Vermeillet, M. Détraigne, Mme Perrot, M. Louault, Mme Létard, M. Levi, Mmes Billon, de La Provôté, Dindar, Férat et Guidez et MM. Henno, Kern, Lafon, Moga, Delcros, P. Martin et Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment en analysant les dossiers non retenus et en formulant des recommandations afin d’accompagner les candidats non éligibles
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Il convient de s’assurer que le bilan de l’expérimentation dressé par le fonds comporte une analyse des dossiers non retenus, afin de pouvoir accompagner les territoires candidats déboutés dans leur démarche.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. À mon vif regret, je dois émettre un avis défavorable ; opposer un refus à Catherine Fournier m’ennuie beaucoup ! (Sourires.)
On peut considérer que, en réalité, le fonds accompagne déjà les territoires non retenus. Le préciser dans la loi serait, à mon avis, un peu superfétatoire.
En outre, il y a un problème de temporalité, puisqu’il s’agit d’un rapport devant être publié dix-huit mois avant la fin de l’expérimentation : cela semble un peu tard pour accompagner les territoires déboutés…
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je crois important que le fonds puisse trouver des voies de sortie pour les territoires qui ne seraient pas retenus. Pour autant, une telle disposition ne me semble pas relever du niveau de la loi. Les textes d’application pourront préciser, le moment venu, comment seront accompagnés les territoires non retenus. Je suggère à Mme Fournier de retirer cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme le président. Madame Fournier, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?
Mme Catherine Fournier. Je fais confiance à Mme la ministre, et plus encore à Mme Puissat. (Sourires.) Je retire l’amendement.
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mmes Poncet et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 60 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 69 rectifié bis est présenté par M. Henno, Mmes Perrot et Létard, MM. Delahaye, Levi, Mizzon, Louault et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Kern et P. Martin, Mme Morin-Desailly, M. Cigolotti, Mme de La Provôté, MM. Chauvet et Moga et Mme Férat.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique réalise l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle pérennisation. Il tient compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.
La parole est à Mme Raymonde Poncet, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
Mme Raymonde Poncet. Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale concernant l’objectif visé au travers de l’évaluation du comité scientifique.
En limitant l’objectif des travaux qui devront être menés par le comité scientifique à la détermination des suites qu’il convient de donner au projet, la commission des affaires sociales du Sénat me semble avoir considérablement dévoyé l’esprit initial du texte.
L’évaluation réalisée par le comité scientifique doit surtout permettre d’analyser les conditions de pérennisation du projet d’expérimentation.
Il est également nécessaire de rétablir la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse pour l’évaluation du projet d’expérimentation. L’impact sur l’empreinte carbone, la contribution à la lutte contre la pauvreté et pour de meilleures conditions de vie : beaucoup de critères et d’indicateurs nécessitent de faire l’objet d’une évaluation à moyen terme pour bien mesurer les incidences positives, qui doivent peser dans la décision publique, laquelle ne saurait être régie par le seul coût financier à court terme ou une comparaison avec d’autres dispositifs, telle l’insertion par l’activité économique.
Cette expérimentation du XXIe siècle ne peut être étudiée avec une loupe des années 1970. Il est indispensable de pouvoir prendre en compte l’ensemble des externalités du projet.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a été très bien défendu par Mme Poncet. Je n’ai rien à ajouter.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Analyser les conditions de pérennisation du projet me paraît plus fort que déterminer les suites qu’il convient de donner à celui-ci…
Mme le président. L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par Mme C. Fournier, M. Canevet, Mme Doineau, MM. Delahaye et Détraigne, Mmes Billon, de La Provôté, Dindar, Férat et Guidez, MM. Henno, Kern et Lafon, Mme Létard, MM. Levi, Louault et Moga, Mmes Perrot et Sollogoub et MM. Delcros, P. Martin et Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
scientifique
insérer les mots :
, notamment composé d’élus locaux,
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Par cet amendement, il est proposé de s’assurer que le comité scientifique chargé de déterminer les conditions appropriées pour l’éventuelle pérennisation de l’expérimentation soit bien composé d’élus locaux. Il est indispensable que les élus locaux puissent participer à l’élaboration des travaux du comité scientifique.
Mme le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Deuxième phrase
Supprimer les mots :
et ses résultats comparés à ceux des structures d’insertion par l’activité économique
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et en tenant compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Au travers de cet amendement, nous souhaitons insister sur le fait que l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » constitue un projet innovant, qui est en train de s’affirmer comme un modèle économique d’utilité sociale. C’est une démarche différente de celle qui sous-tend l’IAE : l’évaluation de l’expérimentation ne peut donc être établie par comparaison avec cette dernière.
En outre, l’innovation porte également sur les externalités positives. Comment toutes les prendre en compte dans l’évaluation du comité scientifique ? Comment établir une évaluation autant qualitative que quantitative ? La prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans les critères de cette évaluation scientifique nous apparaît être une réponse pertinente à ces questions.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les amendements identiques nos 28 rectifié, 60 rectifié bis et 69 rectifié bis ont trait au rôle du conseil scientifique. Ils visent à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui se bornait, si j’ose dire, à prévoir que l’évaluation du dispositif devait « déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle pérennisation ».
Ce principe me semble réducteur, mais loin de moi, pour autant, l’idée de remettre en cause l’expérimentation. Je rappelle que nous validons son extension à cinquante nouveaux territoires, voire davantage. Cependant, il se pourrait que l’évaluation faite par le comité scientifique conduise à conclure qu’il n’est pas pertinent de pérenniser l’expérimentation, par exemple parce que cela ne serait pas soutenable financièrement. Il ne faut pas exclure cette éventualité.
Par ailleurs, ce dispositif pourrait aussi s’avérer moins performant que d’autres. On pourrait aussi en venir à estimer que ce dispositif doit être recentré sur certains territoires ou qu’il correspond davantage à un certain type de public. J’ai le sentiment que les territoires candidats à l’expérimentation attendent aussi d’être orientés en la matière : certains m’ont interrogée à ce sujet.
Cet article vise à ouvrir le champ des possibles quant à l’évaluation par le conseil scientifique. Nous sommes tout à fait disposés à travailler ultérieurement, le cas échéant, sur un autre texte de loi visant soit à prolonger l’expérimentation, soit à pérenniser le dispositif. Ce sera alors notre rôle de législateur de trancher. Pour l’heure, la commission est défavorable aux trois amendements identiques.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié ter, qui vise à intégrer des élus locaux au sein du conseil scientifique. Je rappelle que celui-ci est composé aujourd’hui de techniciens, c’est-à-dire de statisticiens, de chercheurs, d’économistes. Les élus locaux siègent plutôt dans les comités locaux pour l’emploi.
L’amendement n° 52 rectifié est un peu différent des autres. Il vise à écarter une comparaison du dispositif avec les structures d’insertion par l’activité économique. Par ailleurs, ses auteurs souhaitent que l’on tienne compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi de 2015. Il s’agit non pas d’opposer les outils, mais de considérer qu’il peut y avoir des conflits d’usage, des personnes ou des emplois pouvant relever des deux types de structures. Dès lors, il n’est pas inintéressant que le conseil scientifique puisse se pencher sur ce point.
En qui concerne les nouveaux indicateurs de richesse, le texte de la loi de 2015 est assez compliqué. Le champ est tellement large que je ne suis pas persuadée que le conseil scientifique ait les compétences requises pour porter une appréciation sur le dispositif à l’aune de ces indicateurs. L’avis est plutôt défavorable sur l’amendement n° 52 rectifié.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. L’objet de ces différents amendements est, plus ou moins, de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, avec l’avis favorable du Gouvernement. À titre personnel, je ne vois pas bien quelle est la différence, puisque, dans les deux cas, un conseil scientifique est chargé d’évaluer l’expérimentation pour déterminer si elle doit être « pérennisée », selon la rédaction de l’Assemblée nationale, ou « prolongée, élargie ou pérennisée », selon la rédaction de la commission du Sénat. Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’ensemble des amendements en discussion commune, les deux rédactions ne me semblant pas très différentes.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 rectifié, 60 rectifié bis et 69 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans un objectif de développement socio-économique du territoire, s’appuie sur des indicateurs permettant de mesurer l’ensemble des dynamiques de l’économie et de l’emploi du territoire concerné afin de s’assurer de la complémentarité et de l’efficience du dispositif
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Les activités développées dans le cadre de la première phase de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » présentent des spécificités intrinsèques à la philosophie même de ce projet, mais qui ne se retrouvent plus du tout dans la rédaction que nous propose Mme la rapporteure pour les alinéas détaillant les missions du comité local. C’est toute l’originalité de l’expérimentation, son adaptation locale et son impact social qui se trouvent ainsi fragilisés.
Notre amendement vise donc à garantir que les besoins sociaux, l’utilité sociale et donc l’impact social global du dispositif restent bien au cœur de cette démarche. En effet, il s’agit bien de répondre à une demande sociale locale qui n’est pas remplie, parce qu’elle n’est pas assez lucrative pour le secteur marchand : tel est le fondement des EBE.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est vrai que la commission a quelque peu modifié la rédaction de cet article, de manière à recentrer les objectifs du comité local pour l’emploi. Pour autant, nous n’avons nullement voulu déposséder ce comité de certaines de ses prérogatives, bien au contraire.
Votre proposition de rédaction me semble un peu compliquée ; elle n’ajouterait pas grand-chose au rôle du CLE. C’est pourquoi la commission a décidé de ne pas la retenir. Très honnêtement, le CLE joue un rôle effectif sur les territoires et ne pose aucune difficulté. Il est bien intégré dans le texte de la proposition de loi, car, je le répète, nous n’avons pas voulu le déposséder de ses prérogatives, bien au contraire.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Effectivement, le rôle du comité local pour l’emploi est bien maintenu dans le texte issu des travaux de votre commission. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la notion de « complémentarité », qui me semble être source de contentieux. Le type de rédaction proposé dans cet amendement peut donc fragiliser certaines expérimentations : c’est pourquoi je suggère à Mme la sénatrice de le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme le président. Madame Lubin, l’amendement n° 50 rectifié est-il maintenu ?
Mme Monique Lubin. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 50 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 10 rectifié bis est présenté par Mme Perrot, MM. Canevet et Henno et Mmes Létard et C. Fournier.
L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par MM. Bonne, Bazin, Belin, Bonhomme et Boré, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson et Courtial, Mme Deromedi, MM. B. Fournier, Gremillet, Houpert et Lefèvre, Mme Malet et MM. Mandelli, Piednoir, Regnard, Saury, Savary, Sol, Vogel et Bouloux.
L’amendement n° 61 rectifié bis est présenté par M. Requier, Mme N. Delattre, MM. Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dont l’objet est de préciser les moyens financiers mis en œuvre afin d’assurer la bonne conduite de l’expérimentation. Ce rapport évalue notamment le financement d’une partie des moyens nécessaires en ingénierie des comités locaux mentionnés à l’article 4 par le fonds d’expérimentation mentionné à l’article 5.
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié bis.
M. Michel Canevet. L’expérimentation qui a été menée dans les dix territoires zéro chômeur de longue durée a montré la nécessité de préparer ce travail en amont. Pour ce faire, des moyens d’ingénierie sont nécessaires.
Tel est l’objet de cet amendement : comme de tels moyens n’étaient pas prévus dans le texte, nous proposons qu’une étude d’impact soit effectuée. Le Gouvernement produirait un rapport dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, de manière à déterminer dans quelles conditions des moyens d’ingénierie pourraient être alloués aux cinquante territoires susceptibles d’être retenus pour cette expérimentation dans les années à venir.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié bis.
M. Bernard Bonne. Nous exprimons la même demande : il convient de préciser un peu plus les choses.
Les TZCLD sont des projets de territoire animés par un comité local pour l’emploi. Ce comité n’est pas un simple prescripteur qui enverrait à une entreprise à but d’emploi des personnes à embaucher : il endosse un rôle plus large d’animation de la mobilisation territoriale autour du projet, clé essentielle de sa réussite. En plus d’identifier et de préparer les volontaires, il joue un rôle d’arbitre et de garant de la supplémentarité des emplois produits. Sa mission est non pas de contrôler les embauches, mais de permettre à tous les volontaires une sortie de la privation durable d’emploi.
Parmi les enseignements tirés de la première étape expérimentale, il est apparu que, pour assurer les fonctions confiées au CLE, la mobilisation de trois équivalents temps plein en ingénierie était nécessaire, au minimum.
Il est donc indispensable que ces moyens puissent être en partie financés dès le démarrage du travail sur le territoire : tel est l’objet du présent amendement.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 61 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a pour objet la remise d’un rapport par le Gouvernement. Certes, nous ne sommes pas fanatiques des rapports, mais c’est un moyen d’éviter le couperet de l’article 40 de la Constitution quand on veut préciser les moyens financiers nécessaires à cette expérimentation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je voudrais d’abord remercier les auteurs de ces amendements. En effet, le rapport de l’IGAS et de l’IGF précise bien que des coûts extérieurs sont encourus, au-delà des coûts par poste : les coûts d’ingénierie, de démarrage de l’activité, ou encore ceux qui sont liés aux besoins d’une entreprise dans les premiers temps de son activité – outillage ou autre chose – doivent être intégrés à l’expérimentation, ce qui n’avait pas été prévu en 2016. D’ailleurs, des élus que nous avons auditionnés nous ont bien précisé que les personnes accompagnées, à l’origine, venaient avec leurs propres outils ; quand elles n’en avaient pas, les collectivités leur en prêtaient. En somme, on rencontrait un certain nombre de difficultés, dont il faut tenir compte aujourd’hui.
Ces trois amendements identiques visent à obtenir du Gouvernement la remise d’un rapport sur les moyens financiers alloués à l’expérimentation. Par principe, le Sénat n’est pas favorable aux rapports. Pour autant, il pourrait être intéressant, madame la ministre, que vous nous indiquiez vos intentions en la matière. Je sais que des crédits supplémentaires sont prévus pour cette expérimentation dans le projet de loi de finances pour 2021, mais il serait important de préciser comment les mesures d’ingénierie seraient financées, étant entendu que, plus on ajoute des dépenses, plus on s’éloigne de l’objectif de neutralité financière : il faut garder en tête cet objectif initial !
L’avis de la commission sur ces amendements est donc défavorable, dans la mesure où il s’agit de demandes de rapport, mais la question qui est posée par leurs auteurs est une vraie et bonne question.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je voudrais rappeler que l’État finance déjà largement les postes que requièrent ces expérimentations portées par les territoires ; il contribue à hauteur d’environ 20 000 euros par poste. Il finance également une aide au démarrage et au développement des entreprises à but d’emploi. Si le tour de table du partenariat local ne permet pas d’assurer le financement des comités locaux pour l’emploi, cela est quelque peu préoccupant quant à la capacité de ce territoire à se mobiliser pour mener ces expérimentations.
Nous pourrons avoir des échanges avec le Sénat et l’Assemblée nationale pour faire le point sur les expérimentations en cours ; il n’est pas pour autant nécessaire de prévoir dans ce texte la remise d’un rapport que vous êtes toujours fondés à demander au Gouvernement.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié bis, 22 rectifié bis et 61 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Article 5
I. – Il est institué un fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, chargé de financer une fraction du montant de la rémunération des emplois supplémentaires créés par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II de l’article 4 ainsi qu’une fraction du montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement lorsque celui-ci intervient dans les conditions prévues au V de l’article 6. Ce fonds peut financer le démarrage et le développement des entreprises conventionnées mentionnées au même article 6.
Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, conjointement avec le représentant de l’État dans le département, veille au respect par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II de l’article 4 des orientations de l’expérimentation prévue au même article 4. Il apporte à ces entreprises ainsi qu’aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale ou aux groupes de collectivités territoriales volontaires l’appui et l’accompagnement nécessaires.
II. – Sous réserve de satisfaire aux conditions d’habilitation définies dans un cahier des charges fixé par arrêté du ministre chargé de l’emploi, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales volontaires peuvent se porter candidat à l’expérimentation prévue à l’article 4 pendant une durée de trois ans à compter de la date de l’entrée en vigueur du présent titre. Ce cahier des charges prend en compte les spécificités des outre-mer et des territoires insulaires. Sur proposition du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, un arrêté du ministre chargé de l’emploi habilite les territoires retenus pour mener l’expérimentation.
Par dérogation au premier alinéa du présent II, les dix territoires mentionnés au II de l’article 4 sont habilités de droit à mener l’expérimentation. Ils veillent à prendre les mesures éventuellement nécessaires à leur conformité au cahier des charges mentionné au premier alinéa du présent II.
III. – (Supprimé)
IV. – La gestion du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est confiée à une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Elle est administrée par un conseil d’administration dont la composition est définie par décret en Conseil d’État.
Les membres du conseil d’administration siègent à titre bénévole.
Le conseil d’administration peut déléguer certaines de ses compétences à son président et à un bureau constitué en son sein.
Le ministre chargé de l’emploi désigne un commissaire du Gouvernement auprès de cette association. Le commissaire du Gouvernement assiste de droit aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’association. Il est destinataire de toutes les délibérations du conseil d’administration et a communication de tous les documents relatifs à la gestion du fonds, de même que les présidents des organes exécutifs des collectivités territoriales et de leurs groupements engagés dans le dispositif.
Lorsque le commissaire du Gouvernement estime qu’une délibération du conseil d’administration ou qu’une décision prise par une autre instance de l’association gestionnaire du fonds est contraire aux dispositions régissant les missions et la gestion du fonds, il peut s’opposer, par décision motivée, à sa mise en œuvre.
Le fonds publie annuellement un rapport moral et financier retraçant notamment l’ensemble des financements perçus par les entreprises mentionnées au II de l’article 4 de la présente loi ainsi que les sommes ayant concouru à son financement ainsi qu’à celui des comités locaux. Ce rapport présente le nombre de personnes embauchées par ces entreprises ainsi que le montant des prestations diverses dont elles ont bénéficié l’année précédant leur embauche.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. L’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », instaurée par la loi du 29 février 2016, a montré qu’elle constitue un instrument efficace en complément des politiques de l’emploi plus classiques visant à lutter contre le glissement durable dans la privation d’emploi. Mais cette expérimentation s’inscrit dans une autre perspective : celle de l’implication des citoyens et des bénéficiaires eux-mêmes aux côtés des collectivités dans la détermination d’une politique adaptée aux spécificités de leurs territoires.
Les premiers territoires engagés dans cette expérimentation ont aussi montré combien ce dispositif permettait de recréer de l’entraide et de la solidarité, en favorisant une nouvelle dynamique économique et sociale, sans parler du développement de nouvelles activités liées à la transition écologique, l’aide aux personnes, ou encore la médiation sociale.
À ma connaissance, aucun autre dispositif ne propose une forme de démocratie participative plus avancée que celle-là ni ne constitue, parallèlement, un tel approfondissement de la décentralisation.
Notre assemblée promeut depuis des années une plus grande confiance dans les collectivités, défend une décentralisation plus importante, mais aussi plus « sur mesure » en fonction des situations locales.
Aussi, je suis particulièrement surprise que la commission ait introduit dans le texte un assemblage de dispositions qui traduisent une défiance envers les acteurs locaux et réinstaurent une tutelle des services de l’État sur le dispositif.
Plusieurs territoires drômois sont engagés dans les démarches préalables à une intégration prochaine dans cette expérimentation. Je tiens à saluer le volontarisme dont font preuve tous ces territoires, mais je suis inquiète quant au sort qui leur sera réservé : certes, ce texte permettra l’extension du dispositif à cinquante nouveaux territoires, mais nous ne pouvons pas accepter que les autres territoires qui se sont investis sérieusement pour répondre au cahier des charges soient empêchés de mener cette expérimentation.
C’est pourquoi nous souhaitons qu’elle soit enclenchée dans soixante territoires et que tous ceux qui sont prêts à s’y engager puissent y être intégrés au fur et à mesure. Cela permettra aussi de lever toute interrogation sur les critères de choix d’un territoire ou d’un autre.
Mesdames les ministres, nous avons bien entendu votre engagement à ce sujet ; nous resterons donc très attentifs à ce qu’il en soit bien ainsi.
Mme le président. Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié ter, présenté par M. Mouiller, Mmes Deromedi, Estrosi Sassone et Gruny et MM. Burgoa, Boré et Favreau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée veille au respect par les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales volontaires et par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II de l’article 4, des orientations de l’expérimentation et leur apporte l’appui et l’accompagnement nécessaires.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Philippe Mouiller, qui ne peut être présent dans cet hémicycle aujourd’hui ; vous savez combien il a suivi les travaux de la commission des affaires sociales et de Mme le rapporteur sur ce texte, mais aussi combien il est attaché à ce dispositif, qui a été mis en place dans son département.
Dans un souci de simplification administrative et pour respecter l’état d’esprit de l’expérimentation, le copilotage du dispositif par l’État dans le département ne semble pas nécessaire à ce stade.
Mme le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par Mme Lassarade, MM. Brisson, B. Fournier, Vogel, Houpert, Cazabonne, Bonne et D. Laurent, Mme Thomas, M. Regnard, Mmes de Cidrac, M. Mercier et Bonfanti-Dossat, MM. Mandelli, Le Rudulier et Boré, Mmes Dumont et Delmont-Koropoulis et M. Bouchet.
L’amendement n° 62 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 67 est présenté par M. Paccaud.
L’amendement n° 70 rectifié bis est présenté par M. Henno, Mmes Perrot et Létard, MM. Delahaye, Levi, Mizzon, Louault et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Kern et P. Martin, Mme Morin-Desailly, M. Cigolotti, Mmes de La Provôté et Billon et MM. Chauvet et Moga.
L’amendement n° 78 rectifié est présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Théophile, Bargeton, Rambaud, Dennemont, Rohfritsch, Patient, Buis et Yung, Mme Havet, M. Haye, Mme Schillinger et MM. Hassani et Mohamed Soilihi.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
1° Première phrase
a) Supprimer les mots :
, conjointement avec le représentant de l’État dans le département,
b) Après le mot :
respect
insérer les mots :
par les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales volontaires et
c) Compléter cette phrase par les mots :
et leur apporte l’appui et l’accompagnement nécessaires
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié bis.
Mme Florence Lassarade. Ce qui pose problème, c’est bien l’ajout du préfet dans le copilotage de l’expérimentation. Alors que nous sommes en train de débattre d’un dispositif qui, par nature, rend possibles d’autres fonctionnements, on observe de vieux réflexes centralisateurs. Il est indispensable que l’expérimentation puisse continuer à être menée au plus près du terrain, en faisant confiance au territoire.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous demandons la suppression de cette disposition.
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 62 rectifié bis.
M. Henri Cabanel. Notre commission des affaires sociales a souhaité ajouter le préfet dans le copilotage de l’expérimentation. Or il nous semble indispensable que celle-ci puisse continuer à être menée au plus près du terrain, en faisant confiance au territoire.
Aussi, au travers de cet amendement, nous proposons de supprimer cette rédaction adoptée par la commission, qui porte un message de défiance à l’égard des territoires.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour présenter l’amendement n° 67.
M. Olivier Paccaud. Faut-il semer de nouvelles graines de recentralisation ? Je ne le pense pas ! Revenons sur l’exemple du Compiégnois, dans mon département : le comité de pilotage de ce TZCLD comporte un représentant de l’État, qui est non pas le préfet, mais un employé de la sous-préfecture. Autour de lui, ou plutôt au-dessus de lui, il y a le président de ce comité, le maire de Margny-lès-Compiègne ; maire depuis vingt et un ans, il connaît parfaitement son territoire. Il y a aussi dans ce comité des élus locaux, dont une conseillère départementale.
Si ce comité devait être piloté conjointement par la préfète de mon département, que j’aime beaucoup, mais qui n’est en fonctions que depuis un mois, je m’inquiéterais, car je ne suis pas sûr qu’elle réussisse à prendre en considération assez vite toutes les problématiques locales, que tous les élus locaux, pour leur part, connaissent parfaitement.
Alors, qu’il y ait un représentant de l’État dans le comité de pilotage, oui, bien sûr ! Souvent, au sein des sous-préfectures, on trouve des employés qui y travaillent depuis longtemps et qui connaissent les acteurs locaux. Mais s’il s’agissait d’un pilotage conjoint, d’une coprésidence par le préfet, objectivement, honnêtement, on respirerait alors les pires relents de la recentralisation !
Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Beaucoup d’arguments ont déjà été échangés. À vrai dire, actuellement, on met le préfet à toutes les sauces ! Ce n’est pas forcément dans la logique d’une telle expérimentation que d’imposer le préfet dans son pilotage.
Comme je l’ai déjà fait plus tôt, je veux évoquer à mon appui l’esprit des lois de décentralisation de 1982 : le remplacement des préfets par les commissaires de la République exprimait une certaine volonté de mettre entre parenthèses la déconcentration elle-même pour privilégier la décentralisation. Ici, on en est loin !
C’est pourquoi nous défendons ces amendements, qui visent à revenir à une réelle décentralisation des décisions.
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié.
M. Xavier Iacovelli. Ajouter le préfet au copilotage de l’expérimentation exprime une nouvelle fois une défiance à l’égard des départements. Nous sommes en train de débattre d’une expérimentation qui, par nature, doit être innovante et permettre de dépasser les fonctionnements habituels. Il est indispensable que l’expérimentation puisse continuer à être menée au plus près du terrain, en faisant confiance aux territoires et aux acteurs locaux.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette disposition.
Mme le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes Poncet et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
1° Supprimer les mots :
, conjointement avec le représentant de l’État dans le département,
2° Après le mot :
respect
insérer les mots :
par les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales volontaires et
La parole est à Mme Raymonde Poncet.
Mme Raymonde Poncet. À notre sens, le copilotage de l’expérimentation par le préfet dévoie la philosophie de celle-ci, qui reste avant tout un projet de territoire. Cela envoie en outre un mauvais signal aux acteurs de terrain, alors qu’il semble désormais essentiel de faire confiance aux territoires et – cela a été évoqué par le Président de la République – de réussir le passage à l’échelle de nouveaux territoires expérimentateurs.
C’est pourquoi, par le biais de cet amendement, nous proposons de supprimer cette disposition.
Mme le président. L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, conjointement avec le représentant de l’État dans le département,
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement a le même objet que les précédents. J’ajouterai aux arguments déjà exprimés que les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) sont déjà, me semble-t-il, représentées dans les CLE. Si tel est le cas, l’État est déjà représenté par des gens compétents.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je crains d’être seule contre tous ! Plus sérieusement, il faut raison garder : je ne suis ni dans la défiance ni dans la tutelle. Simplement, le copilotage que je défends permettrait un regard du préfet sur cette expérimentation, sachant que chacun d’entre nous a en général confiance dans son préfet.
Je tiens aussi à rappeler que, dans l’article 2 ter de ce même texte, nous avons déjà mis le préfet autour de la table, concernant la dérogation au plafond de 480 heures. Nous n’avons eu aucune difficulté en la matière et j’ai eu l’impression, madame Lassarade, non pas d’obéir en la matière à de vieux réflexes de méfiance envers les collectivités, mais bien de m’inscrire dans le monde actuel, où le préfet est quelqu’un qui a une vision transversale.
Un fonds national est dédié à cette expérimentation ; il va devoir faire face à l’entrée dans le dispositif de nouveaux territoires. Il faudra donc le structurer pour s’assurer que cette expérimentation fonctionnera sur tous les territoires. On demande au fonds de relever ce défi !
Il n’y a qu’un seul fonds, mais les préfets sont nombreux. Il m’a semblé qu’ils étaient plus proches du territoire que les responsables de ce fonds. C’est pourquoi nous avons fait cette proposition.
Cela étant, j’ai bien entendu les arguments des auteurs de ces amendements. L’amendement n° 53 rectifié diffère des autres : Mme Lubin entend simplement supprimer le rôle que la commission avait confié au préfet, sans rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale en ce qui concerne le contrôle sur l’action des collectivités territoriales.
Dès lors, en accord avec la commission, je vous propose, mes chers collègues, le retrait des amendements nos 18 rectifié ter, 13 rectifié bis, 62 rectifié bis, 67, 70 rectifié bis, 78 rectifié et 29 rectifié ; la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 53 rectifié, qui constitue sans doute une solution de compromis.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Vous débattez en ce moment, mesdames, messieurs les sénateurs, du texte issu des travaux de votre commission : je tiens à rappeler que le Gouvernement est complètement innocent ! (Sourires.) Nous n’avons pas demandé l’ajout du représentant de l’État. Je suis donc favorable à ces amendements de suppression de cette disposition ajoutée par la commission.
Mme le président. Madame Estrosi Sassone, l’amendement n° 18 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Dominique Estrosi Sassone. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 18 rectifié ter est retiré.
Madame Lassarade, l’amendement n° 13 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Florence Lassarade. Je ne souhaite pas le retirer, dans la mesure où Mme la ministre vient de nous donner une explication qui nous convient.
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. La commission a décidé ce matin de demander le retrait de ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 53 rectifié, sur lequel elle a émis un avis de sagesse, dont on sait qu’il est plutôt positif : cet amendement a bien pour objet de supprimer la place donnée au préfet dans le pilotage du dispositif.
Mme le président. La parole est à Mme Florence Lassarade.
Mme Florence Lassarade. Je retire donc mon amendement.
Mme le président. L’amendement n° 13 rectifié bis est retiré.
Monsieur Cabanel, l’amendement n° 62 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 62 rectifié bis est retiré.
Monsieur Paccaud, l’amendement n° 67 est-il maintenu ?
M. Olivier Paccaud. Non, je le retire, dans la mesure où l’amendement n° 53 rectifié tend à supprimer les mots « conjointement avec le représentant de l’État dans le département », comme nous le souhaitions.
Mme le président. L’amendement n° 67 est retiré.
Monsieur Henno, l’amendement n° 70 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Henno. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 70 rectifié bis est retiré.
Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 78 rectifié est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 78 rectifié est retiré.
Monsieur Dantec, l’amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire. Pour une fois que l’État ne demande pas à être là, ne faisons pas dans la surenchère ! (Sourires.)
Mme le président. L’amendement n° 29 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et pour une durée d’expérimentation effective de cinq ans
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Lors de l’examen du texte en commission, notre groupe avait déposé un amendement tendant à instaurer une clause de revoyure, afin de permettre l’entrée de nouveaux projets dans l’expérimentation au fur et à mesure de leur maturation. Nous entendions ainsi appeler à la concrétisation de l’engagement d’instaurer une telle clause, engagement pris par Mme la ministre du travail devant l’Assemblée nationale. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Faute de pouvoir faire figurer dans le texte une garantie que tous les projets territoriaux arrivés à maturité puissent intégrer l’expérimentation, nous souhaitons au moins pouvoir assurer à ceux qui auront été retenus une durée d’expérimentation de cinq ans effectifs.
Cet amendement vise donc à prévoir que la durée de cinq ans d’expérimentation sera glissante pour les territoires entrant au fil de l’eau dans le dispositif TZCLD. Ainsi, leur projet pourra se déployer dans de bonnes conditions et sur une durée suffisamment longue pour leur permettre une réelle effectivité et les rendre donc efficaces.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est défavorable, mais nous écouterons ce que Mme la ministre peut nous dire sur ce sujet. En effet, nous souhaitons tous savoir ce qu’il en sera de l’intégralité des territoires candidats à ce dispositif.
Il convient d’aborder dans ce cadre la question de la durabilité de l’expérimentation, mais cet amendement tend à habiliter les territoires pour cinq ans, quelle que soit la date de leur entrée dans le dispositif, alors que l’expérimentation est censée s’arrêter en 2026. Il y aurait donc des habilitations sans que la loi permette le prolongement de leur application, ce qui pose une difficulté.
Cela justifie notre avis défavorable, mais je tiens à saluer un beau contournement de l’article 40 de la Constitution !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement et leur désir de rassurer des territoires qui ne seraient pas encore complètement prêts et n’entreraient donc dans l’expérimentation que plus tard en leur offrant un délai suffisant.
Pour autant, il me semble assez paradoxal de vouloir mener ces expérimentations au-delà du bilan qui en sera fait de manière générale. Je n’ai pas de doutes : il faut rassurer les territoires quant au fait que ceux qui entreraient avec un peu de retard ne seraient pas coupés dans leur envol par un couperet.
Néanmoins, j’estime que cet amendement n’est pas la bonne façon de le faire : ces situations devront être traitées dans la loi qui tirera les conséquences des expérimentations que nous menons.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Panunzi, Grosperrin et Charon, Mme Deromedi, MM. Babary, Bascher et Houpert, Mme Imbert, MM. Bonhomme et Le Gleut, Mme Thomas et MM. Meurant et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer les mots :
des territoires insulaires
par les mots :
de la Collectivité de Corse
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Jean-Jacques Panunzi, qui ne peut être présent aujourd’hui, quoiqu’il ait été réélu avec près de 98 % des suffrages dans son beau département de Corse-du-Sud !
Il s’agit d’un amendement de précision, visant à garantir que la Corse sera éligible aux dispositions du titre II, relatif à l’expérimentation territoriale visant à supprimer le chômage de longue durée et, plus précisément, à celles de cet article 5, qui crée un fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.
Ce dispositif est le fruit d’une réflexion lancée de façon expérimentale en 2016 ; cette expérimentation a suscité en Corse, région au tissu économique fragile, un écho favorable et un intérêt évident. Plusieurs intercommunalités, des élus locaux, ainsi que le président de l’Assemblée de Corse ont engagé un travail de terrain qui mérite d’être pérennisé via l’activation de ce fonds. Ainsi, la Corse pourra disposer de l’appui et de l’accompagnement nécessaires à la lutte contre le chômage de longue durée.
Mme le président. L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mme Poncet, M. Parigi, Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer les mots :
des territoires insulaires
par les mots :
de la Corse
La parole est à Mme Raymonde Poncet.
Mme Raymonde Poncet. Il est vrai que la commission avait déjà ajouté à cet alinéa la mention des territoires insulaires. Dans la mesure où, en dehors des territoires d’outre-mer, il n’est d’autre territoire insulaire que la Corse, je propose dans cet amendement de remplacer les mots « des territoires insulaires » par les mots « de la Corse ».
Il s’agit en effet de prendre en considération, comme pour les territoires d’outre-mer, les spécificités de la collectivité territoriale de la Corse. La géographie et le marché de l’emploi présentent des caractéristiques particulières et la mise en œuvre de la démarche « territoires zéro chômeur longue durée » rencontre des difficultés structurelles.
Il est ainsi proposé de garantir que l’expérimentation puisse s’adapter aux spécificités de la collectivité territoriale de la Corse, de son marché de l’emploi et de sa géographie, et de lui permettre de candidater à l’expérimentation. Elle est dès à présent partante, elle l’a manifesté auprès de nous.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ce n’est pas cette version des amendements que la commission a examinée ce matin, puisqu’elle a demandé que leur rédaction soit corrigée.
Je rappelle que le cahier des charges sera élaboré par le fonds d’expérimentation et soumis au Gouvernement. L’Assemblée nationale a ajouté qu’il fallait prendre en compte les territoires d’outre-mer. Les élus de la Corse, avec lesquels nous avons eu de nombreux échanges, ont souhaité que nous prenions en compte la spécificité de leur territoire.
À titre personnel, j’ai été sensible à l’organisation de la Corse et je considère que l’on peut prendre en compte la particularité de ce territoire, comme c’est le cas pour les outre-mer. Si la commission reste défavorable à ces amendements, comme elle l’était ce matin, j’y suis favorable.
La rédaction initiale des amendements prévoyait de faire figurer dans le texte à la fois les territoires insulaires et la Corse. D’où notre demande de rectification à leurs auteurs, sauf que, dans l’amendement n° 12 rectifié, il est question de « la Collectivité de Corse », alors que, dans l’amendement n° 33 rectifié bis, il est précisé « la Corse ».
Que choisir entre la Collectivité de Corse et la Corse ? J’avoue que c’est un peu compliqué et je ne suis pas une spécialiste de la Corse ; il ne s’agit pas de favoriser une formulation au détriment de l’autre. De toute façon, tout le monde est d’accord : ce sont des Corses qui parlent aux Corses…
M. Jacques Grosperrin. Avec la Collectivité de Corse, on englobe tout !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Par parallélisme des formes, il faudrait écrire « la Corse », car il n’est pas question dans cet article des collectivités d’outre-mer.
C’est une question de rédaction. Sur le fond, nous sommes d’accord et les deux sénateurs de la Corse défendent le même objectif. Quel que soit l’amendement adopté aujourd’hui, s’il est retenu en commission mixte paritaire, les spécificités de la Corse pourront être intégrées au cahier des charges, au même titre que l’outre-mer. Reste que, par parallélisme des formes, je suis plutôt favorable à la rédaction de l’amendement n° 33 rectifié bis.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Une partie du débat m’échappe…
L’article 5, dans la rédaction issue des travaux de la commission, prévoit que sont prises en compte « les spécificités des outre-mer et des territoires insulaires ». La Corse étant un territoire insulaire, ces amendements nous paraissaient satisfaits.
Cela étant, le débat semblant extrêmement sensible, je préfère m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée ! (Sourires.)
Mme le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour explication de vote.
M. Jacques Grosperrin. En adoptant l’expression « la Collectivité de Corse », on englobe tout.
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ce matin, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements dans leur rédaction initiale, mais a indiqué qu’elle pourrait y être favorable, s’ils étaient rectifiés.
La commission n’a pas délibéré sur la nouvelle version proposée, mais, ce qui s’est dégagé ce matin de nos travaux, c’est que la commission serait plutôt favorable à l’amendement n° 12 rectifié, si sa rédaction était revue.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Au regard de la rédaction de ces deux amendements, on ne pourrait retenir que l’amendement n° 33 rectifié bis, sinon la phrase de l’article serait boiteuse : on ne peut pas relier par une conjonction de coordination des territoires et une collectivité.
Par conséquent, je propose que l’amendement n° 12 rectifié soit retiré afin que nous puissions voter de façon unanime l’amendement n° 33 rectifié bis.
Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 33 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. L’expérimentation est fondée sur une logique partenariale de confiance, nous l’avons assez répété. Le fonds d’expérimentation territoriale étant déjà chargé du suivi et de l’évaluation de l’expérimentation, il n’y a pas lieu d’exiger de lui un rapport annuel moral et financier aussi tatillon.
Par ailleurs, le fonds bénéficie de moyens limités, y compris en ressources humaines. Il ne s’agit pas d’une grosse entreprise pouvant dédier facilement des ressources à des bilans d’activités fournis.
Alors que certaines dispositions prises en matière fiscale ont des résultats effectifs sans comparaison avec ceux qui sont escomptés, proposer un tel dispositif pour une procédure qui fait déjà l’objet de nombreux audits, comme j’ai eu l’occasion de le dire en discussion générale, c’est un peu dur !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le rapport moral et financier demandé au fonds d’expérimentation territoriale.
Nous avons établi les éléments que nous souhaitions voir figurer dans ce rapport moral et financier, et ce afin que le fonds soit un acteur de l’expérimentation – essentiellement pour cela, d’ailleurs. Aujourd’hui, l’expérimentation repose sur un pilotage décentralisé et son animation est confiée à un fonds national qui est géré par une association. En acceptant ce principe pour la gestion d’un volume important de crédits publics, il me semble que le législateur marque sa confiance dans les acteurs de terrain. L’idée qu’un rapport moral et financier puisse être publié ne me semble une exigence ni déraisonnable ni tatillonne.
Au demeurant, la démarche expérimentale doit s’accompagner d’une évaluation rigoureuse. Je rappelle qu’un certain nombre de difficultés ont surgi, même si cette expérimentation a coûté cher, et que les rapports de l’IGAS, de l’IGF, de la Dares, du comité scientifique et du fonds ont montré des discordances sur le bilan à tirer de la première expérimentation.
Il me semble donc positif que le fonds puisse être acteur de cette expérimentation, d’autant plus – d’ailleurs cela a été souligné – qu’il a été consenti qu’il disposait d’un certain nombre de données lui permettant de piloter cette expérimentation.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je trouve positif que le fonds soit acteur de l’évaluation. Je suis donc défavorable à la suppression de l’alinéa 11 de l’article 5.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée signe, pour la durée de l’expérimentation mentionnée à l’article 4, des conventions avec les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II du même article 4 afin qu’elles concluent avec des personnes remplissant les conditions mentionnées au VI dudit article 4 des contrats de travail à durée indéterminée au moins rémunérés au moment du recrutement, au niveau du salaire minimum de croissance mentionné à l’article L. 3231-2 du code du travail.
Chaque convention fixe les conditions à respecter pour bénéficier du financement du fonds, notamment les engagements de l’entreprise sur sa trajectoire d’embauche prévue et son plan d’affaires, le contenu des postes proposés, les conditions d’accompagnement et les actions de formation envisagées pour les salariés, conformément aux objectifs du projet. La convention précise également la part de la rémunération prise en charge par le fonds, compte tenu de la durée de travail prévue dans le contrat et en fonction du prévisionnel et de la situation économique de l’entreprise. Elle prévoit en outre la fraction de l’indemnité de licenciement prise en charge par le fonds et due lorsque le licenciement intervient dans les conditions prévues au V du présent article. Elle prévoit enfin les modalités selon lesquelles la prise en charge des rémunérations peut être réduite ou interrompue, notamment lorsque les personnes embauchées par l’entreprise ne remplissaient pas, au moment de leur embauche, les critères mentionnés au VI de l’article 4.
Lorsque le département participe au financement de l’expérimentation, le président du conseil départemental est cosignataire de la convention.
II. – Le contrat de travail conclu dans le cadre de l’expérimentation mentionnée à l’article 4 peut être suspendu à la demande du salarié afin de lui permettre d’accomplir une période d’essai afférente à une offre d’emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois, ou bien un contrat à durée déterminée de moins de six mois.
En cas d’embauche à l’issue de cette période d’essai, le contrat est rompu sans préavis. L’aide attribuée pour cet emploi par le fonds dans le cadre de l’expérimentation n’est pas versée pendant la période de suspension du contrat de travail.
III. – Les conventions antérieurement conclues avec les entreprises à but d’emploi conventionnées dans le cadre de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée sont automatiquement reconduites à l’entrée en vigueur du présent titre.
À compter de la date définie par le décret mentionné au premier alinéa du VII du présent article, et au plus tard à compter du 1er juillet 2021, le fonds mentionné au I de l’article 5 et l’association gestionnaire mentionnée au IV du même article 5 sont substitués au fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée et à l’association gestionnaire prévus par la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée dans leurs droits et obligations de toute nature.
Le cas échéant, les transferts de biens, droits et obligations réalisés dans le cadre des dévolutions, à titre gratuit ou moyennant la seule prise en charge du passif ayant grevé l’acquisition des biens transférés au profit du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée mentionné au I de l’article 5 de la présente loi et de l’association gestionnaire mentionnée au IV du même article 5, ne donnent lieu au paiement d’aucun droit, taxe ou impôt de quelque nature que ce soit. Ils ne donnent pas non plus lieu au paiement de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts.
Les contrats de travail conclus par les entreprises dans les territoires mentionnés au I de l’article 1er de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée se poursuivent dans les conditions prévues par la présente loi.
IV. – Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est financé par l’État ainsi que, de manière volontaire, par les départements concernés, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les groupes de collectivités territoriales, les organismes publics et privés mentionnés au II de l’article 4 de la présente loi et les fondations d’entreprise mentionnées à l’article 19 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat pour assurer son fonctionnement et permettre le versement des aides financières associées aux conventions mentionnées au I du présent article.
Le fonds signe avec chaque collectivité territoriale, établissement public de coopération intercommunale ou groupe de collectivités territoriales volontaire participant à l’expérimentation mentionnée à l’article 4, une convention qui précise leur engagement à respecter le cahier des charges mentionné au II de l’article 5, fixe les conditions de leur participation volontaire, au financement de l’expérimentation et définit l’affectation de cette participation. L’État, Pôle emploi ainsi que, lorsque le département participe au financement de l’expérimentation, le président du conseil départemental sont également cosignataires de ces conventions.
Le fonds signe une convention avec l’État, les collectivités territoriales volontaires et chacun des organismes publics et privés participant à l’expérimentation mentionnée à l’article 4 afin de fixer le montant de leur contribution à son financement et de définir l’affectation de cette contribution.
V. – Si l’expérimentation n’est pas reconduite au terme du délai mentionné à l’article 4 ou si elle est interrompue avant ce terme par une décision du fonds mentionné au I de l’article 5, les entreprises mentionnées au II de l’article 4 reçoivent une notification du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée signifiant la fin de la prise en charge d’une fraction des rémunérations dans le cadre de l’expérimentation. Dans ce cas, ces entreprises peuvent rompre tout ou partie des contrats de travail mentionnés au I du présent article. Ce licenciement, qui repose sur un motif économique et sur une cause réelle et sérieuse, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique. Le fonds verse à l’employeur la fraction du montant de l’indemnité de licenciement fixée par la convention mentionnée au I de l’article 5. Dans tous les autres cas, le licenciement intervient dans les conditions du droit commun.
VI. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application des articles 4 et 5 ainsi que du présent article, notamment la méthodologie de l’évaluation de l’expérimentation, les modalités de transmission au comité scientifique mentionné au IV de l’article 4 ainsi qu’au fonds mentionné au I de l’article 5 des données à caractère personnel, y compris le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, relatives aux personnes mentionnées au VI de l’article 4 et nécessaires à l’évaluation de l’expérimentation, les modalités de fonctionnement et de gestion des comités locaux et du fonds respectivement mentionnés au VII du même article 4 et à l’article 5, les modalités de passation des conventions conclues entre le fonds et les entreprises mentionnées à l’article 4 et celles conclues entre le fonds et les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation mentionnée au même article 4 , les modalités de contrôle a posteriori du respect par les comités locaux et les entreprises mentionnés audit article 4 des dispositions de la présente loi relative aux activités pouvant être exercées par les entreprises et à l’éligibilité des personnes embauchées ainsi que les critères retenus pour fixer le montant de la fraction de la rémunération prise en charge par le fonds mentionné à l’article 5.
VII. – Les dispositions du présent titre entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2021.
VIII à X. – (Supprimés)
Mme le président. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L’amendement n° 11 rectifié bis est présenté par Mme Perrot, MM. Canevet et Henno et Mmes Létard et C. Fournier.
L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par Mme Lassarade, MM. Brisson, Husson, B. Fournier, Vogel, Houpert, Cazabonne, Panunzi et D. Laurent, Mme Thomas, M. Regnard, Mmes de Cidrac, M. Mercier, Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Mandelli, Le Rudulier et Boré, Mmes Dumont, Delmont-Koropoulis et Deromedi et M. Bouchet.
L’amendement n° 23 rectifié bis est présenté par MM. Bonne, Bazin, Belin, Bonhomme et Bouloux, Mme Chauvin, MM. Courtial, Gremillet, Lefèvre et Piednoir, Mme Malet et MM. Saury, Savary et Sol.
L’amendement n° 30 rectifié est présenté par Mmes Poncet et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 63 rectifié bis est présenté par M. Requier, Mme N. Delattre, MM. Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
la durée de l’expérimentation mentionnée
par les mots :
une durée de cinq ans à compter de l’habilitation des territoires mentionnés
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié bis.
M. Michel Canevet. Cet amendement, dont Évelyne Perrot est à l’origine, vise à prévoir que l’expérimentation dure cinq ans. Il est en effet important que celle-ci puisse aller jusqu’à son terme, puisque, sur le terrain, on le voit bien, cela nécessitera beaucoup de temps et d’investissement.
Mme le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié bis.
Mme Florence Lassarade. La première étape expérimentale a montré que les différents délais applicables à la publication des textes réglementaires avaient réduit le temps effectif de l’expérimentation. La durée de l’expérimentation reste fixée à cinq ans. Il s’agit d’assurer aux territoires, à compter de leur habilitation, la possibilité de bénéficier des modalités de financement tout le temps de leur expérimentation.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié bis.
M. Bernard Bonne. Madame la ministre, vous nous avez précédemment donné l’assurance que les territoires concernés devraient normalement bénéficier des cinq années d’expérimentation à partir du moment où l’habilitation leur était délivrée. Pouvez-vous nous confirmer que, même si ce n’est pas acté aujourd’hui dans la proposition de loi, ces territoires auront la possibilité de bénéficier de cette durée, qui leur permettra de construire l’intégralité du programme prévu dans l’habilitation ?
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié.
Mme Raymonde Poncet. Afin de garantir la qualité de l’expérimentation et sans en modifier la durée, laquelle restera, si l’on a bien compris, fixée à cinq ans, il est proposé d’assurer aux territoires, à compter de leur habilitation, la possibilité de bénéficier des modalités de financement tout le temps de leur expérimentation. C’est en effet aussi cela qui est en jeu.
Pour atteindre l’exhaustivité, qui est un objectif, mais aussi un principe, l’expérimentation doit être en capacité de produire des emplois à chaque travailleur référencé. L’exhaustivité n’est possible que sur plusieurs années pour mobiliser l’ensemble des demandeurs d’emploi, développer les emplois et les conditions de travail nécessaires, structurer les activités émergentes et non concurrentes.
Cinq ans effectifs à partir de l’habilitation sont donc bien nécessaires.
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié bis.
M. Henri Cabanel. Il est défendu !
Mme le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
la durée de l’expérimentation mentionnée à l’article 4
par les mots :
une durée de cinq ans à compter de l’habilitation des territoires mentionnés au II de l’article 5
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. J’ai déjà eu l’occasion de formuler une telle demande, mais je me permets d’insister, car une certaine unanimité se dégage, qu’il faudrait trouver le moyen d’entendre.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La question porte sur la prolongation de la validité de la convention qui est conclue entre les entreprises à but d’emploi (EBE) et le fonds d’expérimentation.
Ces amendements visent uniquement à prévoir que la convention financière entre le fonds et chaque EBE serait conclue pour cinq ans, même si l’expérimentation doit prendre fin avant. Par conséquent, dans l’hypothèse où l’expérimentation devrait ne pas être reconduite, des conventions pourraient demeurer valables, alors même qu’il n’y aurait plus ni fonds, ni habilitation, ni même financement à répartir.
L’objectif d’une expérimentation d’une durée de cinq ans ne serait donc pas atteint, ce qui créerait une véritable difficulté. Ces amendements seront peut-être adoptés ; pour autant, l’objectif escompté ne sera pas atteint. Il me semble d’ailleurs que ce sont plutôt des amendements d’appel et cela renvoie, madame la ministre, à la question que vous avez soulevée : comment permettre à des territoires qui sont prêts et qui entreraient dans le dispositif de façon différée de bénéficier d’une expérimentation de cinq ans ? Cela fait référence à un autre débat.
Ces amendements ne répondent pas à l’objectif que leurs auteurs se sont fixé. C’est la raison pour laquelle la commission y est défavorable, même si elle en comprend le sens.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cela rejoint en effet le débat que nous avons eu plus tôt.
Pour les dix premiers territoires concernés par cette expérimentation, la mise en route a pris un certain temps, mais, comme cela a été répété par un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui, les expérimentations sont engagées dans ces dix territoires. Je pense que, même si l’on pourra adapter le cas échéant le cahier des charges – c’est le travail qui est en cours –, le cadre est maintenant bien connu et l’on ne devrait pas avoir pour les cent vingt territoires concernés le retard à l’allumage qu’on a connu pour les dix premiers. Nous espérons tous que des territoires pourront très rapidement s’engager dans l’expérimentation.
Ensuite se pose la question des territoires qui pourraient entrer plus tard dans le dispositif, c’est-à-dire dans deux ou trois ans. Ce que vous proposez ne me semble pas la bonne formule, sauf à considérer que l’on ne tire jamais le bilan de l’expérimentation. Or c’est précisément le sens de la loi qui fera le bilan de l’expérimentation de traiter la situation des territoires qui se sont engagés plus tard. Nous partons tous du principe que ces expérimentations vont réussir et qu’il faudrait plutôt aller vers une pérennisation du dispositif.
Ces inquiétudes seront levées quand on fera le bilan de l’expérimentation. Il me semble peu praticable d’imaginer une expérimentation sans fin dans laquelle on entrerait quand on veut pour cinq ans. Cela ne me paraît pas la bonne réponse pour les territoires. Il faudra tirer profit du bilan des expérimentations précédentes.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme le président. Monsieur Canevet, l’amendement n° 11 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Oui, je le maintiens.
Mme le président. Madame Lassarade, l’amendement n° 14 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Florence Lassarade. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 14 rectifié bis est retiré.
Monsieur Bonne, l’amendement n° 23 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Bernard Bonne. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 23 rectifié bis est retiré.
Madame Poncet, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?
Mme Raymonde Poncet. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 30 rectifié est retiré.
Monsieur Cabanel, l’amendement n° 63 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 63 rectifié bis est retiré.
Madame Lubin, l’amendement n° 46 rectifié est-il maintenu ?
Mme Monique Lubin. Oui, je le maintiens.
Madame la ministre, si l’on ne peut pas laisser la possibilité aux territoires qui entreront dans quelque temps dans l’expérimentation de le faire durant cinq ans, je ne vois pas très bien à quoi servira le texte qui va être voté !
Si la durée de l’expérimentation se traduit par une entrée immédiate dans le dispositif – si j’ai bien compris, pour bénéficier d’une expérimentation d’une durée de cinq ans, des territoires n’ont pas d’autre choix que d’entrer immédiatement dans le dispositif –, cela ne laisse aucune porte ouverte à ceux qui sont en train de se préparer… (Mme la ministre fait un signe de dénégation.)
Madame la rapporteure, ce n’est pas du tout un amendement d’appel : c’est le souhait de Territoires zéro chômeur de longue durée, qui obéit à des contraintes bien particulières. Que peut-on faire en deux ans ? Cinq ans me paraît une durée minimale.
J’entends bien vos réserves, madame la ministre, mais je pense que nous pouvons trouver une rédaction qui permette de régler ces questions.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il me semble qu’il y a un certain paradoxe à nous dire que cent vingt territoires sont dans les starting-blocks et qu’ils mettront pourtant trois ou quatre ans à démarrer. Je me réjouis que cent vingt territoires soient prêts et j’espère qu’ils pourront entrer le plus vite possible dans le dispositif, car la question du chômage de longue durée se pose maintenant et non dans cinq ans. Pour ma part, j’espère que le maximum d’expérimentations pourront démarrer rapidement.
Toutefois, si certains territoires devaient entrer plus tard, on saura, au moment où l’on fera le bilan de l’expérimentation, mettre en œuvre, comme on le fait chaque fois, des dispositions pour permettre à ceux qui sont entrés plus tard de trouver leur place dans le dispositif de pérennisation et de généralisation qui trouvera sa place après l’expérimentation.
Le but n’est tout de même pas d’expérimenter indéfiniment ! C’est d’arriver à un moment donné à tirer le bilan de l’expérimentation et à passer à un dispositif généralisé.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les six premiers sont identiques.
L’amendement n° 15 rectifié bis est présenté par Mme Lassarade, MM. Brisson, B. Fournier, Vogel, Houpert, Cazabonne, Panunzi, Bonhomme, Bonne et D. Laurent, Mme Thomas, M. Regnard, Mmes de Cidrac, M. Mercier et Bonfanti-Dossat, MM. Mandelli, Le Rudulier et Boré, Mmes Dumont, Delmont-Koropoulis et Deromedi et M. Bouchet.
L’amendement n° 19 rectifié ter est présenté par M. Mouiller, Mmes Estrosi Sassone et Gruny et MM. Burgoa et Favreau.
L’amendement n° 31 rectifié est présenté par Mmes Poncet et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 64 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 71 rectifié bis est présenté par M. Henno, Mmes Perrot et Létard, MM. Delahaye, Levi, Mizzon, Louault et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Kern et P. Martin, Mme Morin-Desailly, M. Cigolotti, Mmes de La Provôté et Billon et MM. Chauvet et Moga.
L’amendement n° 80 rectifié est présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Théophile, Bargeton, Rambaud, Dennemont, Rohfritsch, Patient, Buis et Yung, Mme Havet, M. Haye, Mme Schillinger et MM. Hassani et Mohamed Soilihi.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéa 14
Supprimer les mots :
, les modalités de contrôle a posteriori du respect par les comités locaux et les entreprises mentionnés audit article 4 des dispositions de la présente loi relative aux activités pouvant être exercées par les entreprises et à l’éligibilité des personnes embauchées
La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié bis.
Mme Florence Lassarade. Ces dispositions introduites en commission des affaires sociales portent atteinte au projet « territoires zéro chômeur de longue durée ». C’est toute la territorialité du projet et la confiance accordée aux territoires pour mener cette expérimentation qui sont mises en danger.
En effet, ces nouvelles dispositions visent à imposer une double tutelle : d’une part, une tutelle de Pôle emploi, sur le choix des personnes qui pourront être recrutées dans une EBE, alors même que personne ne le demande – ni les acteurs de terrain ni Pôle emploi –, d’autre part, une tutelle des Direccte, sur le choix des activités développées par les EBE en renvoyant au décret les modalités de ce contrôle.
Toute la plus-value territoriale, incarnée par le comité local pour l’emploi, est ainsi niée, alors même que l’ensemble des acteurs saluent cette dynamique territoriale.
L’expérimentation repose sur la confiance accordée aux acteurs locaux. C’est la condition de son succès. Cet amendement vise donc à supprimer ces nouvelles tutelles.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié ter.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement est défendu.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié.
M. Ronan Dantec. Je ne sais pas si, comme tout à l’heure, Mme la ministre va nous dire que le Gouvernement n’a rien demandé et si, grâce à son soutien, on va revenir à la formulation initiale.
Ces amendements identiques ont déjà été défendus sur le fond. Les dispositions qu’ils visent à supprimer ont suscité un certain émoi chez de nombreux élus locaux et directeurs d’EBE qui nous ont alertés.
Quand un même amendement est présenté sept fois, à peu près par tous les groupes, cela signifie que les dispositions en cause ont provoqué une certaine incompréhension. Elles ne reflètent pas du tout l’esprit du dispositif, dont l’idée est de faire véritablement confiance aux territoires. D’ailleurs, c’est le discours que nous prônons collectivement ici, au Sénat. Si nous ne sommes pas d’accord sur tout, on le répète souvent. On répète également souvent qu’il ne faut pas alourdir.
Or ce qu’a proposé la commission des affaires sociales crée une tutelle de l’État, alourdit le dispositif, alors qu’il faut au contraire faire confiance aux territoires, notamment dans cette capacité à bien expliquer comment est perçue la prévention durable d’emploi sur chaque territoire. Tout le monde est déjà autour de la table pour définir cette notion adaptée à la spécificité de chaque territoire. Il ne faut donc surtout pas en rajouter.
Ces amendements de bon sens visent donc à revenir à la rédaction initiale.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Ronan Dantec a dit qu’il ne fallait pas en rajouter. Cela ferait la quatrième fois que l’on dirait la même chose ; je considère donc que cet amendement est défendu ! (Sourires.)
Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Il est intéressant de débattre, car nous sommes attachés à l’esprit originel du dispositif « territoires zéro chômeur » et aux initiatives des territoires.
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié.
M. Xavier Iacovelli. Défendu !
Mme le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Des personnes durablement privées d’emploi, mais ayant pu travailler quelques heures au cours des mois précédant leur embauche par une EBE, n’ont pas été considérées comme des chômeurs de longue durée par le premier bilan tiré de l’expérimentation TZCLD. Doit-on en conséquence réduire ou interrompre le financement de leur rémunération par de l’argent public au motif qu’elles ne répondent pas exactement aux critères d’éligibilité fixés ?
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain estime que ce dispositif introduit par la rapporteure de la commission des affaires sociales constitue une sanction disproportionnée et méconnaît la philosophie de l’expérimentation. Il convient donc de le supprimer.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer la référence à un contrôle du dispositif a posteriori. Je rappelle que, dans le cadre de ce dispositif, 23 millions d’euros de crédits ont été votés – je ne dis pas « consommés » – pour des objectifs qui transitent par les comités locaux pour l’emploi. Il ne me semble donc pas disproportionné que l’État exerce son contrôle. C’est la raison pour laquelle j’ai travaillé cet article à la fois avec les représentants du fonds et avec le président Gallois, lequel m’a soumis un certain nombre d’idées.
Il semble que ce contrôle pose un certain nombre de difficultés, peut-être parce que nous sommes encore dans le cadre d’une expérimentation et qu’à ce stade seuls dix territoires sont concernés. Demain, lorsque soixante territoires déploieront ce dispositif, la question se posera autrement.
Mes chers collègues, lisez le texte ! À aucun moment, il n’a été fait état d’une tutelle de la Direccte et de Pôle emploi. Je le dis d’autant plus que des mails et des tweets ont circulé, alors que c’est faux. Quand on est rapporteur d’un texte, on est soumis à la pression, mais on doit également rappeler qu’il faut s’appuyer sur la vérité du texte. En aucun cas, il n’a été question que les deux administrations que sont Pôle emploi et la Direccte soient susceptibles de mettre sous tutelle le fonds.
Cela étant, après avoir dit tout cela, peut-être qu’il ne faut pas avoir raison trop tôt, peut-être qu’il faut laisser l’expérimentation se faire. C’est la raison pour laquelle – une fois n’est pas coutume ! –, sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune, la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je confirme à M. Dantec que nous n’avons rien demandé ! Nous sommes favorables à l’ensemble de ces amendements.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié bis, 19 rectifié ter, 31 rectifié, 64 rectifié bis, 71 rectifié bis et 80 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 54 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 55 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
Lorsque le département participe au financement de l’expérimentation,
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Il s’agit d’un amendement de cohérence au regard de notre souhait de voir rétablie l’obligation de financement des départements concernés par un TZCLD par substitution aux prestations sociales versées.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Par cohérence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui porte lui aussi sur les enjeux liés à l’obligation de financement du département.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement vise à rétablir la participation des départements aux expérimentations en tant que chefs de file de l’insertion. Le Gouvernement y est favorable.
Mme le président. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 16 rectifié bis est présenté par Mme Lassarade, MM. Brisson, B. Fournier, Vogel, Houpert, Cazabonne, D. Laurent et Regnard, Mmes M. Mercier et Bonfanti-Dossat, MM. Le Rudulier et Boré, Mmes Dumont et Delmont-Koropoulis et M. Bouchet.
L’amendement n° 32 rectifié est présenté par Mmes Poncet et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 65 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 81 rectifié est présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Théophile, Bargeton, Rambaud, Dennemont, Buis, Yung et Haye, Mme Schillinger et MM. Hassani et Mohamed Soilihi.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
ainsi que, de manière volontaire, par les départements concernés,
par les mots :
et les départements concernés ainsi que, de manière volontaire, par
II. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
les collectivités territoriales volontaires
par les mots :
les conseils départementaux
III. – Alinéa 14
Après les mots :
l’évaluation de l’expérimentation,
insérer les mots :
les modalités de financement du fonds par les départements,
La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié bis.
Mme Florence Lassarade. Cet amendement vise à rendre obligatoire la participation financière des départements à la création des emplois supplémentaires. Si la contribution financière des départements à l’ingénierie de projet doit demeurer facultative, leur participation au financement des emplois supplémentaires créés doit en revanche être préservée.
En effet, la philosophie du projet implique que les collectivités susceptibles de tirer un bénéfice financier des embauches doivent contribuer au financement de l’expérimentation.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.
Mme Raymonde Poncet. Pour les raisons déjà exposées, nous sommes favorables au rétablissement de l’obligation de financement des départements.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 65 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Il est défendu.
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié.
M. Xavier Iacovelli. Il est également défendu.
Mme le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
ainsi que, de manière volontaire, par les départements concernés,
par les mots :
et les départements concernés ainsi que, de manière volontaire, par
II. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
les collectivités territoriales volontaires
par les mots :
les conseils départementaux
III. – Alinéa 14
Après les mots :
et à l’article 5,
insérer les mots :
les modalités de financement du fonds par les départements,
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Il est défendu.
Mme le président. L’amendement n° 98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 10
Remplacer les mots :
ainsi que, de manière volontaire, par les départements concernés,
par les mots :
et les départements concernés ainsi que, de manière volontaire,
II.- Alinéa 12
Remplacer les mots :
les collectivités territoriales volontaires
par les mots :
les conseils départementaux
III.- Alinéa 14
Après les mots :
et à l’article 5,
insérer les mots :
les modalités de financement du fonds par les départements,
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Par cet amendement, le Gouvernement réaffirme la nécessité du financement de l’expérimentation par l’État, mais aussi par les départements chefs de file de l’insertion.
Nous avons longuement discuté du rôle majeur que jouent les départements en matière d’insertion. À ce titre, leur implication dans cette expérimentation territoriale et leur participation financière sont nécessaires. Une telle expérimentation sans l’implication du chef de file en matière d’insertion n’est pas concevable. Des initiatives de cette nature doivent faire partie d’une stratégie territoriale portée par le département.
Les conseils départementaux – cela a été dit, mais je le répète – ont le choix de participer ou non à l’expérimentation sur leur territoire. Dès lors qu’ils y participent, ils doivent concourir à son financement.
Je rappelle que, jusqu’à présent, le montant du financement moyen par les départements s’est élevé à 1 500 euros par demandeur d’emploi et par an, soit l’équivalent de trois mois de RSA.
Un territoire ne peut pas expérimenter sans avoir au préalable obtenu l’accord du conseil départemental.
Enfin, je précise que le dispositif ne pourra pas être pérennisé si seul un financement à la carte est prévu.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La position de la commission est connue sur ce sujet ; nous avons déjà discuté du caractère obligatoire de la participation financière des départements.
Madame la ministre, vous avez raison, les départements sont chefs de file en matière d’insertion. En tant que collectivités autonomes, ce sont elles qui décident.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Je demande le retrait de l’ensemble des amendements au profit de celui du Gouvernement.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié bis, 32 rectifié, 65 rectifié bis et 81 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 97 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L’État et Pôle emploi sont cosignataires de ces conventions ; le président du conseil départemental est également cosignataire de ces conventions.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Là aussi, il s’agir de faire confiance aux départements. Cet amendement vise donc à supprimer le caractère facultatif du financement par les départements et à préciser que le président du conseil départemental est cosignataire, avec l’État, de la convention conclue entre le fonds et les territoires porteurs de projet.
Mme le président. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11, seconde phrase
Supprimer les mots :
ainsi que, lorsque le département participe au financement de l’expérimentation
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Il s’agit d’un amendement de coordination visant à prendre en compte le rétablissement du caractère obligatoire du financement par les départements.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Par cohérence encore, dans la même logique, nous émettons un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 47 rectifié ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. J’en demande le retrait au profit de celui du Gouvernement.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
TITRE III
DIVERSES MESURES D’ORDRE SOCIAL
Article 7
(Supprimé)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 56 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 84 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Lévrier, Théophile, Bargeton, Buis, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Yung.
L’amendement n° 90 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – La section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Le cinquième alinéa du III de l’article L. 241-10 est complété par les mots : « , à hauteur d’un taux ne tenant pas compte de l’application des dispositions prévues aux deuxième à dernier alinéas de l’article L. 5422-12 du même code » ;
2° L’article L. 241-13 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– après le mot : « professionnelles », sont insérés les mots : « , à hauteur du taux fixé par l’arrêté mentionné à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 241-5 » ;
– après la seconde occurrence du mot : « travail », sont insérés les mots : « , à hauteur d’un taux ne tenant pas compte de l’application des deuxième à dernier alinéas de l’article L. 5422-12 du même code » ;
b) À la première phrase du troisième alinéa du III, les mots : « dans la limite de la somme des taux des cotisations et des contributions mentionnées au I du présent article, sous réserve de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-5 » sont remplacés par les mots : « , à hauteur des taux des cotisations et contributions incluses dans le périmètre de la réduction, tels qu’ils sont définis au I du présent article » ;
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 5553-11 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’exonération de la contribution d’assurance contre le risque de privation d’emploi prévue au premier alinéa du présent article s’applique sur la base du taux de cette contribution ne tenant pas compte des dispositions prévues aux deuxième à dernier alinéas de l’article L. 5422-12 du code du travail. »
III. – Au 1° de l’article L. 5422-12 du code du travail, après le mot : « démissions », sont insérés les mots : « , des contrats de travail et des contrats de mise à disposition conclus avec une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4 » et les mots : « du même » sont remplacés par les mots : « de l’ ».
IV. – Le présent article est applicable à Saint Pierre et Miquelon.
V. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2021.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 56 rectifié.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à rétablir le bonus-malus – auquel le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est favorable – à l’article 7, afin de sanctionner le recours abusif aux contrats courts, facteur de précarisation des travailleurs.
Madame la rapporteure, vous avez expliqué qu’il fallait avoir une vision en matière d’insertion par l’activité économique.
Bien évidemment, les acteurs de l’insertion par l’activité économique se demandent toujours si ce qu’ils font est bénéfique et ne va pas conduire à détériorer les conditions de travail des salariés et la réglementation en général. Pour ma part, j’essaie de faire attention à cela. Telle est la ligne sur laquelle je me situe.
J’ai bien écouté votre argumentation, mais je crains toujours que l’on n’ouvre une brèche, ce que je ne veux pas.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons le rétablissement de l’article 7.
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 84 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise : d’une part, à rétablir les mesures d’articulation entre le bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage et les exonérations de cotisations patronales ; d’autre part, à prévoir l’exonération du bonus-malus des contrats d’insertion conclus avec les structures d’insertion par l’activité économique.
Il tend à prévoir une application des exonérations de cotisations sans tenir compte de l’effet du bonus-malus, afin de préserver la logique propre à chaque dispositif : effet incitatif du bonus-malus et lisibilité de la réduction du coût du travail résultant des allégements.
Si ces dispositions n’étaient pas adoptées, les entreprises auraient à calculer les exonérations de cotisations sur la base du taux de contribution modulé par le bonus-malus, ce qui neutraliserait les effets des deux dispositifs.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 90.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Nous demandons le rétablissement de l’article 7 relatif au bonus-malus sur les contributions patronales d’assurance chômage, car il exonère les SIAE du bonus-malus. Cela permettrait de rétablir les mesures d’articulation entre le bonus-malus et les exonérations de cotisations patronales.
L’objectif de l’article 7 est de garantir l’effet incitatif du bonus-malus, ainsi qu’une meilleure lisibilité de la réduction du coût du travail apportée par les exonérations.
Exonérer les SIAE du bonus-malus leur permettrait de remplir sereinement leur mission.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements puisque c’est elle qui a supprimé l’article !
Je rappelle que la majorité du Sénat est depuis toujours défavorable au bonus-malus, non par principe, mais parce que le dispositif a déjà été essayé par les partenaires sociaux, avant la convention d’assurance chômage. Certes, il n’était pas tout à fait le même : il prévoyait un bonus pour l’embauche de jeunes de moins de 26 ans et un malus pour les contrats courts.
Les partenaires sociaux sont revenus sur ce dispositif dans la convention de 2015, me semble-t-il, en tout cas avant 2019, car ils ont considéré qu’il ne permettait pas d’apporter une solution au problème des contrats courts, problème que personne ne peut nier et auquel nous sommes tous très sensibles. Si nous avons supprimé l’article 7, c’est parce que nous ne croyons pas à ce dispositif.
Par ailleurs, il est urgent, madame la ministre, de travailler avec les partenaires sociaux, comme vous le faites, sur la fameuse réforme de l’assurance chômage.
Le contexte est aujourd’hui totalement différent de celui qui prévalait au début de la réforme. Malheureusement, les contrats courts, même s’ils posent un certain nombre de difficultés, seront peut-être les bienvenus demain, faute de mieux sur le marché du travail.
Pour l’heure, je pense qu’il faut laisser les partenaires sociaux et le Gouvernement discuter de ce dispositif dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons que soit maintenue la suppression de l’article 7.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 rectifié, 84 rectifié bis et 90.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. En conséquence, l’article 7 demeure supprimé.
Article 8
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article 58 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « quarante-quatre ».
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 35 rectifié est présenté par Mmes Poncet et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 37 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.
Mme Raymonde Poncet. L’article 8 prolonge l’expérimentation du « journal de bord des demandeurs d’emploi » prévue dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Comme c’est souvent le cas, ce dispositif, sous prétexte d’accompagner les demandeurs d’emploi, est de fait un outil de contrôle de l’intensité de leurs recherches. Nous considérons qu’il nourrit la stigmatisation des demandeurs d’emploi, alors même qu’un dispositif de contrôle des abus existe déjà et qu’il fonctionne.
Cette logique nous semble particulièrement inappropriée et inadaptée dans le cadre de cette expérimentation, alors que les personnes référencées sont volontaires. Pourquoi les contrôler ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la fin de cette expérimentation.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 37.
Mme Céline Brulin. L’article 8 vise à prolonger durant de nombreux mois l’expérimentation consistant à demander aux chômeurs de rendre compte de l’avancement de leurs recherches d’emploi.
Si nous débattons aujourd’hui du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », c’est parce qu’il y a un consensus sur le fait que le chômage n’est pas d’abord de la responsabilité des privés d’emploi et qu’il faut faire un effort social pour réduire le chômage de masse.
Pourquoi donc prévoir un tel contrôle des chômeurs ? N’est-ce pas une façon de leur dire que, s’ils cherchaient un peu mieux du travail, ils en trouveraient ?
Pour cette même raison, nous étions déjà opposés au dispositif qui a été introduit dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, le contexte a changé. Il est aujourd’hui délicat de raisonner ainsi et de prévoir ce type de dispositif pour les privés d’emploi, compte tenu du nombre de plans sociaux qui sont annoncés et des difficultés économiques que nous allons rencontrer. Il faut donc le supprimer.
L’idée s’impose désormais dans la société, comme nous le disons, nous, depuis longtemps, qu’il y aurait deux poids, deux mesures : les entreprises qui reçoivent de l’argent public, sous les différentes formes que nous connaissons aujourd’hui, parfois à hauteur de plusieurs milliards d’euros, sont peu contrôlées, contrairement aux personnes privées d’emploi, qui font, elles, l’objet de multiples contrôles. Mettons-nous un peu à la place de ces gens, de tous bords : l’octroi d’argent public doit être contrôlé, et ce dans tous les secteurs de la société. C’est une question de justice. (Très bien ! sur les travées du groupe CRCE.)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Avis défavorable.
Ce journal de bord a été introduit dans la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont Mme Fournier était rapporteur au Sénat, avec M. Forissier, à qui j’adresse un clin d’œil.
Il est vrai que, lorsque cette expérimentation a été proposée, nous nous sommes demandé s’il s’agissait d’une mesure de contrôle ou au contraire d’une mesure facilitatrice.
Le directeur de Pôle emploi, que nous avons reçu, nous a clairement expliqué qu’il s’agissait non pas de contrôler les demandeurs d’emploi, mais plutôt de faciliter leurs recherches. C’est la raison pour laquelle nous avons voté ce dispositif dans le texte de 2018, même si la commission mixte paritaire sur ce texte n’a pas été conclusive.
Aujourd’hui, ce dispositif est expérimenté dans trois territoires : la Bourgogne, la Franche-Comté, le Centre. Je ne sais pas si certains d’entre vous ont eu l’occasion de discuter avec des personnes concernées par cette expérimentation. Pour notre part, nous avons d’ores et déjà demandé au directeur de Pôle emploi s’il avait des retours de la part des personnes utilisant ce journal de bord et si elles en étaient satisfaites. D’après les informations dont nous disposons, les trois quarts des personnes qui l’utilisent en perçoivent l’intérêt et n’ont pas le sentiment d’être contrôlées.
Dès lors, nous nous sommes dit que l’on pouvait poursuivre l’expérimentation, en étant néanmoins très attentifs à ce que certains territoires ne décrochent pas, faute de connexion à internet, l’expérimentation se déroulant dans des territoires urbains, mais aussi dans des territoires ruraux.
Nous verrons ce que cette expérimentation va donner, mais pour l’heure, je le répète, n’ayant pas eu de retours négatifs, nous sommes favorables à la poursuite de l’expérimentation, compte tenu du fait, en outre, que la crise sanitaire l’a beaucoup entravée.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
En fait, ce dispositif vise à permettre de définir un plan d’action pour le demandeur d’emploi et à le suivre, à l’accompagner. Le journal de la recherche d’emploi n’est absolument pas un outil de contrôle, c’est un outil pédagogique d’accompagnement des demandeurs d’emploi. L’intention n’est pas de s’en servir pour les sanctionner. Ce journal est par ailleurs accessible par l’intermédiaire des conseillers chargés d’accompagner les demandeurs d’emploi.
Le confinement ayant retardé le déploiement de cette expérimentation dans les départements concernés, il est nécessaire de la prolonger.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 rectifié et 37.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
(Non modifié)
L’article L. 6323-22 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-22. – Lorsque le demandeur d’emploi accepte une formation achetée par la région, par l’opérateur de compétences mentionné à l’article L. 6332-1, par Pôle emploi ou par l’institution mentionnée à l’article L. 5214-1, ces organismes ou collectivités prennent en charge les frais pédagogiques et les frais liés à la validation des compétences et des connaissances afférents à la formation du demandeur d’emploi. Ils peuvent également prendre en charge des frais annexes hors rémunération. Le compte personnel de formation du demandeur d’emploi peut être débité selon des modalités définies par décret, en fonction notamment de la situation sociale et professionnelle de l’intéressé et dans la limite des droits inscrits sur son compte, après que le demandeur en a été informé. »
Mme le président. L’amendement n° 38, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. L’article 9 reprend une mesure introduite dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, mesure à laquelle nous nous étions opposés. Il prévoit que la mobilisation du compte personnel de formation des demandeurs d’emploi, le CPF, sera automatique dès lors que la formation sera financée par Pôle emploi ou par la région.
Cela signifie que les demandeurs d’emploi seront contraints de puiser dans leurs droits acquis au titre du CPF pour financer une formation dans le cadre de leur retour à l’emploi. Avant la réforme de la formation, un travailleur privé d’emploi pouvait refuser que l’on puise dans son CPF.
Cette disposition entretient donc une confusion dangereuse entre ce qui relève de la responsabilité individuelle et ce qui relève de celle de la puissance publique. Elle marque le désengagement de l’État dans l’accompagnement des personnes privées d’emploi, tout en constituant un détournement du CPF, lequel doit rester, selon nous, un outil de formation individuelle pour le salarié.
Pour cette raison, nous demandons la suppression de l’article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Vous l’avez rappelé, chère collègue, cette mesure a été adoptée dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
L’article qui nous est aujourd’hui soumis permet d’apporter une solution à un problème technique, l’impossibilité pour les régions de communiquer à la Cour des comptes les informations relatives aux coûts des formations afin qu’il soit procédé, comme le prévoit la loi, au débit sur le compte professionnel de formation.
N’étant pas pour notre part défavorables au principe, nous sommes défavorables à votre amendement, qui vise, lui, à supprimer une mesure à laquelle vous et votre groupe êtes défavorables, ce qui est cohérent.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l’article 9, qui permet justement de ne pas débiter de façon systématique le CPF du demandeur d’emploi. Il faut donc maintenir cet article.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 9
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements en discussion commune.
L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Lévrier, Théophile, Bargeton, Buis, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Yung, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre 1er du livre IV du titre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 6341-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- les mots : « inscrites comme demandeurs d’emploi » sont remplacés par les mots : « en recherche d’emploi » ;
- sont ajoutés les mots : « et les travailleurs non-salariés » ;
b) Les deuxième à quatrième alinéas sont supprimés ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « demandeur d’emploi » et les mots : « exercée à temps partiel » sont supprimés ;
e) Il est ajouté par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret précise les conditions d’application du présent article, notamment la durée minimum de formation ouvrant à la rémunération et les conditions dans lesquelles il est tenu compte de la rémunération antérieurement perçue par les personnes qui se sont vues reconnaître la qualité de travailleurs handicapés. » ;
2° L’article L. 6341-8 est abrogé.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Les travaux conduits dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences ont démontré le caractère désincitatif à l’entrée en formation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle.
On constate en effet de fortes disparités des conditions d’accès et des niveaux de rémunération, des démarches administratives lourdes et des pertes financières liées à l’entrée en formation.
En 2018, pour les 40 % de stagiaires demandeurs d’emploi non indemnisés par Pôle emploi, la rémunération était fixée par un barème qui n’avait pas été revalorisé depuis 2002. Compte tenu du fort décrochage de leur rémunération par rapport à l’inflation ou au SMIC, les stagiaires voient leur niveau de vie placé au-dessous du seuil de pauvreté monétaire.
Cet amendement a donc pour objet de mettre en œuvre la mesure de revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle prévue dans le cadre du plan France Relance.
Mme le président. L’amendement n° 88 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre 1er du livre IV du titre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 6341-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « inscrites comme demandeurs d’emploi » sont remplacés par les mots : « en recherche d’emploi et les travailleurs non salariés » ;
b) Les deuxième à quatrième alinéas sont supprimés ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « par le demandeur d’emploi » et les mots : « exercée à temps partiel » sont supprimés ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret précise les conditions d’application du présent article, notamment la durée minimum de formation ouvrant à la rémunération et les conditions dans lesquelles il est tenu compte de la rémunération antérieurement perçue par les personnes qui se sont vues reconnaître la qualité de travailleurs handicapés. » ;
2° L’article L. 6341-8 est abrogé.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Cet amendement a pour objet de simplifier et de revaloriser la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, aucune revalorisation n’ayant été effectuée depuis 2002. Il est la concrétisation d’une orientation du plan de relance. Il tend donc à proposer une mesure de justice sociale et à favoriser l’entrée en formation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements sont très similaires, celui du Gouvernement étant un peu plus précis que celui de M. Iacovelli. Le problème est qu’ils ont été déposés tardivement et qu’il est toujours compliqué de porter une appréciation sur des amendements à la dernière minute sans avoir pu procéder aux auditions nécessaires.
Faut-il revoir le barème ? Très franchement, je ne le sais pas. Une revalorisation serait effectivement intéressante pour les stagiaires, mais serait-elle supportable pour les entreprises ? Je ne le sais pas non plus.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement présenté par M. Iacovelli, qui pose un problème de rédaction. Je m’en remets à la sagesse du Sénat sur celui du Gouvernement, car la commission n’a pas émis d’avis sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 85 rectifié ?
Mme le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est très bientôt vingt heures et il nous reste douze amendements à examiner. Nous pourrions poursuivre la séance jusqu’à vingt heures trente et achever l’examen de ce texte si chacun effectuait un effort de concision.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par Mme C. Fournier, M. Canevet, Mmes Billon, Létard, Guidez, Perrot et Dindar, MM. Lafon, Henno, Kern, Louault, Levi et Moga, Mmes Sollogoub, Férat et de La Provôté et MM. Delcros et P. Martin, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la possibilité d’abaisser l’âge d’éligibilité au dispositif prévu à l’article L. 5132-5-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi … du … relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », à cinquante-cinq ans.
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai également les amendements nos 5 rectifié et 6 rectifié.
Mme le président. L’amendement n° 5 rectifié ter, présenté par Mme C. Fournier, M. Canevet, Mmes Létard et Billon, MM. Lafon et Kern, Mmes de La Provôté, Dindar, Férat et Guidez, MM. Henno, Levi et Louault, Mmes Sollogoub et Perrot et MM. Moga, Delcros, P. Martin et Cadic, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la possibilité de prolonger la durée totale de l’expérimentation prévue à l’article 4 de la présente loi à huit ans.
L’amendement n° 6 rectifié ter, présenté par Mme C. Fournier, M. Canevet, Mme Billon, MM. Delahaye et Détraigne, Mmes de La Provôté, Dindar, Férat et Guidez, MM. Henno, Kern et Lafon, Mme Létard, MM. Levi, Louault et Moga, Mmes Perrot et Sollogoub et MM. Delcros, P. Martin et Cadic, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la possibilité d’étendre l’habilitation prévue à l’article 4 de la présente loi en fonction de la maturité et de la pertinence des projets présentés par les territoires.
Veuillez poursuivre, chère collègue.
Mme Catherine Fournier. L’amendement n° 4 rectifié vise à demander un rapport au Gouvernement évaluant la possibilité d’abaisser le critère d’éligibilité au dispositif de 57 ans à 55 ans. Une personne de 55 ans ayant des difficultés sociales a beaucoup de mal à retrouver un emploi, car elle cumule les problèmes.
Toutes les statistiques sur l’emploi des seniors sont faites en prenant comme référence la tranche d’âge des 55-64 ans. Ne pourrait-on pas, compte tenu des événements graves que nous vivons actuellement, anticiper et abaisser l’âge de référence à 55 ans ?
L’amendement n° 5 rectifié vise à demander un rapport au Gouvernement évaluant la possibilité de porter la durée totale de l’expérimentation de cinq ans à huit ans.
En effet, l’habilitation définie à l’article 5 permet aux collectivités territoriales, aux EPCI ou aux groupes de collectivités territoriales volontaires de candidater à l’expérimentation pendant trois ans à compter de la date de leur habilitation. Si un territoire est habilité au bout de trois ans, l’expérimentation ne durera effectivement que deux ans. Nous souhaitons prolonger cette durée et la porter à cinq ans.
L’amendement n° 6 rectifié ter porte sur les territoires éligibles et vise à favoriser la qualité plutôt que la quantité. Le critère serait non plus un nombre, mais la maturité et la pertinence des projets présentés par les territoires. Il vise à instaurer de la souplesse dans le dispositif.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Par principe, la commission n’est guère favorable aux demandes de rapport. Mais je souhaite répondre sur le fond.
Comme je l’ai indiqué, l’âge retenu, c’est-à-dire 57 ans, nous semble cohérent. L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 4 rectifié ter.
Idem sur l’amendement n° 5 rectifié ter. Un rapport sur la prolongation de l’expérimentation est inutile. Nous légiférerons le moment venu, si besoin est.
Et l’avis est également défavorable sur l’amendement n° 6 rectifié ter, qui vise à la remise dans les six mois, soit avant le début de la nouvelle phase, d’un rapport sur la possibilité d’étendre l’habilitation prévue à l’article 4 de la présente loi en fonction de la maturité et de la pertinence des projets présentés par les territoires.
Cela étant, la question des modalités de sélection des territoires se pose. Nous serons très attentifs au cahier des charges qui sera élaboré par le fonds et soumis au Gouvernement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour explication de vote.
Mme Catherine Fournier. Connaissant les réticences de la commission à l’égard des demandes de rapport, je retire les amendements nos 5 rectifié ter et 6 rectifié ter.
En revanche, je maintiens l’amendement n° 4 rectifié ter. Je souhaite vous alerter. Compte tenu des difficultés économiques, notamment en matière d’emploi, auxquelles nous serons bientôt confrontés, il me semble important d’anticiper en abaissant à 55 ans l’âge d’éligibilité à ce type de contrat de travail.
Mme le président. Les amendements nos 5 rectifié ter et 6 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9 bis
L’article 115 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est ainsi modifié :
1° Aux I, V et VI, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2023 » ;
2° Après le mot : « collective », la fin du VI est ainsi rédigée : « , de l’emploi et de la formation professionnelle, sur les conditions d’application et les résultats de ce dispositif et sur son éventuelle pérennisation à compter du 1er janvier 2024. »
Mme le président. L’amendement n° 17 rectifié ter n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 9 bis.
(L’article 9 bis est adopté.)
Article 9 ter
(Non modifié)
À titre expérimental pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2021, les entreprises de portage salarial peuvent conclure, lorsqu’ils sont à durée déterminée, des contrats de professionnalisation en application de l’article L. 1242-3 du code du travail.
Les dispositions du chapitre IV du titre V du livre II de la première partie du même code sont applicables.
Les dispositions du chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie dudit code sont applicables, à l’exception des articles L. 6325-3, L. 6325-3-1, L. 6325-4-1, L. 6325-6-1, L. 6325-8, L. 6325-9 et L. 6325-11 à L. 6325-14-1.
Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 6325-1, le contrat de professionnalisation a pour objet de permettre d’acquérir une des qualifications prévues aux 1° et 3° de l’article L. 6314-1 et de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle.
L’entreprise de portage salarial s’engage à assurer une formation au salarié porté lui permettant d’acquérir une qualification professionnelle en lien avec l’objet du contrat et le développement de son activité professionnelle. Le salarié porté s’engage à suivre la formation prévue au contrat.
L’entreprise de portage salarial et le salarié porté désignent conjointement sur proposition de l’entreprise de portage salarial un tuteur, chargé d’accompagner le salarié porté. Ce tuteur est choisi parmi les salariés volontaires, qualifiés de l’entreprise de portage salarial. Il ne peut exercer simultanément ses fonctions à l’égard de plus de cinq salariés bénéficiaires de contrats de professionnalisation en portage salarial.
L’action de professionnalisation d’un contrat de professionnalisation à durée déterminée ou qui se situe au début d’un contrat de professionnalisation à durée indéterminée est d’une durée minimale comprise entre six mois et vingt-quatre mois.
Dans le cadre du contrat de professionnalisation à durée déterminée ou d’actions de professionnalisation engagées dans le cadre de contrats à durée indéterminée, les actions de positionnement, d’évaluation et d’accompagnement ainsi que les enseignements généraux, professionnels et technologiques sont mis en œuvre par un organisme de formation ou, lorsqu’elle dispose d’un service de formation, par l’entreprise de portage salarial elle-même.
Ils sont d’une durée minimale comprise entre 15 %, sans être inférieure à soixante heures, et 25 % de la durée totale du contrat.
Au plus tard trois mois avant son terme, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 9 ter
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Lévrier, Théophile, Bargeton, Buis, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Yung, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6331-1 A du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les structures d’insertion listées à l’article L. 5132-4, les personnes en parcours d’insertion mentionnées à l’article L. 5132-3 ne sont pas comptabilisées dans les effectifs. »
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. La place du dialogue social a été évoquée à l’Assemblée nationale. Le sujet est important et consensuel.
L’expérimentation permet d’ouvrir le dialogue social aux salariés en insertion, qui ont, comme tous les salariés, le droit d’être eux aussi représentés et défendus.
Le dialogue social ne s’apprend pas du jour au lendemain ; il doit infuser doucement, pour trouver toute sa légitimité. Il est donc essentiel d’enclencher le processus dans le secteur de l’insertion. Celle-ci passerait ainsi non seulement par l’économique, mais également par la représentativité que le dialogue social permet et par l’apprentissage qu’il offre aux salariés souhaitant y prendre part.
Je laisse mon collègue Xavier Iacovelli présenter plus avant l’objet de l’amendement.
Mme le président. La parole est donc à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Notre amendement vise à ne pas intégrer les salariés en parcours d’insertion dans les effectifs comptabilisés pour pouvoir bénéficier du financement du développement des compétences, et ce afin de permettre à toutes les SIAE de développer de la formation.
La législation actuelle, qui limite aux entreprises de moins de cinquante salariés le financement du développement des compétences des salariés, entrave la capacité des SIAE au-delà de ce seuil à mettre en œuvre de la formation au bénéfice des personnes en parcours d’insertion. Or la formation est essentielle à leur montée en compétences pour favoriser ensuite l’insertion sociale.
Cet amendement tend donc à modifier l’article du code du travail sur le financement du développement des compétences. Nous ne voulons pas modifier par ailleurs les calculs de seuil pour toutes les obligations légales auxquelles les entreprises d’insertion et les entreprises adaptées sont normalement assujetties.
Mme le président. L’amendement n° 57 rectifié bis, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation à l’article L. 6332-1-3 du code du travail, l’opérateur de compétences peut prendre en charge les actions concourant au développement des compétences des structures d’insertion par l’activité économique mentionnées à l’article L. 5132-4 du même code et les entreprises adaptées mentionnées à l’article L. 5213-13 dudit code, quel que soit le nombre de leurs salariés.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Notre amendement est assez proche de celui qui vient d’être présenté. Nous souhaiterions une dérogation pour que les SIAE puissent bénéficier de la prise en charge par les opérateurs de compétences (OPCO). C’est en effet un manque important pour les acteurs de l’insertion par l’économique.
Mme le président. L’amendement n° 75 rectifié ter, présenté par M. Henno, Mme Létard, MM. Delahaye, Levi, Mizzon, Delcros, Louault et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Kern et P. Martin, Mme Morin-Desailly, M. Cigolotti, Mmes de La Provôté et Billon et MM. Chauvet et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
De manière dérogatoire, les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II de l’article 4 de la présente loi peuvent accéder aux fonds mutualisés des opérateurs de compétences y compris lorsque leurs effectifs dépassent cinquante salariés.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. La question de la formation dans le cadre du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » est régulièrement soulevée, notamment par les acteurs de terrain. Notre amendement vise à prendre cette demande en compte.
L’existence du plan d’investissement dans les compétences (PIC) – je ne suis d’ailleurs pas certain que le sigle soit très bien choisi – empêche-t-elle les entreprises de l’insertion par l’activité économique d’utiliser les fonds de formation des OPCO ? La formation est un enjeu essentiel. Les personnes se rendent dans les structures d’insertion non pas pour y rester, mais pour bénéficier d’une main tendue et monter en compétences, afin de pouvoir intégrer ensuite le monde du travail. Cela vaut aussi pour le dispositif TZCLD.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La possibilité pour les personnes en insertion par l’activité économique de se former est, en effet, un vrai sujet.
Je tiens d’ailleurs à saluer l’important travail réalisé par les structures concernées, qui ont obtenu les financements du PIC en dérogeant au fameux seuil de cinquante salariés, la plupart d’entre elles ayant un effectif plus important.
Le PIC me semble tout de même plus approprié que les fonds des OPCO. Il s’adresse, je le rappelle, aux demandeurs d’emploi de niveau bac et infra-bac, quand les fonds OPCO concernent plutôt les salariés des entreprises. Au demeurant, ces fonds ne sont pas extensibles. Or il faudra bien permettre à des salariés, qui risquent malheureusement d’en avoir bien besoin, d’en bénéficier, notamment dans la cadre de la réforme mise en place par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement sollicite le retrait des amendements nos 87 rectifié et 57 rectifié bis, qui sont des amendements d’appel. Leurs auteurs attirent notre attention sur un sujet important. La promotion par alternance (Pro-A), dispositif de formation professionnelle de reconversion, doit effectivement pouvoir être adaptée et assouplie pour intégrer les besoins de l’insertion par l’activité économique (IAE). Il faut aussi qu’elle puisse bénéficier aux salariés en insertion comme en reconversion. Des aménagements pourront être validés d’ici au premier trimestre 2021, en concertation avec les acteurs de l’IAE et de la formation concernée.
Je rejoins Mme la rapporteure sur l’amendement n° 75 rectifié ter. M. Henno a raison de souligner l’importance de l’enjeu de la formation pour les salariés des entreprises à but d’emploi. C’est précisément pour la renforcer que ces dernières sont devenues éligibles à l’accord-cadre national pour la formation des salariés de l’IAE, le PIC IAE, depuis 2020. Des actions de formation à destination des salariés des EBE sont déjà prises en charge, permettant ainsi d’éviter la création de dérogations supplémentaires.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 87 rectifié est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 87 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 57 rectifié bis, madame Lubin ?
Mme Monique Lubin. Je le retire également.
Mme le président. L’amendement n° 57 rectifié bis est retiré.
Quid de l’amendement n° 75 rectifié ter, monsieur Henno ?
M. Olivier Henno. Il est retiré.
Mme le président. L’amendement n° 75 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, M. B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Panunzi, D. Laurent, Brisson et Le Gleut, Mmes Noël et Dumas, MM. Sol et Courtial, Mmes Lassarade et Imbert, MM. Regnard et Husson, Mme Di Folco, MM. Allizard et Vogel, Mme Deromedi, M. Bascher, Mmes Procaccia, Delmont-Koropoulis, Richer et M. Mercier, M. Piednoir, Mme Gruny et MM. Mandelli, Lefèvre, Sido, Gremillet, Bouchet, Pointereau et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du VI de l’article 28 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les mots : « de trois ans » sont remplacés par les mots : « de cinq ans ».
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Cet amendement vise à prolonger de deux ans l’expérimentation du contrat de professionnalisation, afin de permettre aux structures de l’insertion par l’activité économique de s’en saisir. En effet, le décret spécifique les concernant n’est toujours pas paru depuis l’adoption de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Le dispositif est intéressant, mais, pour le moment, les structures d’insertion par l’activité économique ne peuvent pas s’en saisir, puisque le décret n’est toujours pas paru. Il faudrait d’ailleurs qu’il sorte. Certes, il n’est, j’imagine, peut-être pas facile à rédiger.
En attendant, la prolongation proposée permettrait d’apporter un peu d’espoir à la fédération des entreprises d’insertion, qui est demandeuse d’un tel dispositif.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est également favorable. Je profite de l’occasion pour vous livrer une information : le décret, qui attendu depuis un moment, est en cours de finalisation ; il devrait être publié dans les prochaines semaines, d’ici à la fin du mois de novembre.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9 ter.
L’amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’expérimentation relative à l’élargissement des formes d’insertion par l’activité économique au travail indépendant et instituée par l’article 83 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est prolongée pour une durée d’une année.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Par cet amendement, nous vous proposons de prolonger l’expérimentation relative aux entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI). À ce jour, cinq EITI ont été créées. Une telle prolongation est nécessaire pour permettre le bon déroulement de l’évaluation.
L’amendement s’inscrit également dans le cadre du plan de relance, qui comprend un volet sur le travail indépendant.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il nous est un peu difficile de nous prononcer. Nous venons d’être saisis de cet amendement. Nous n’avons pas procédé à des auditions sur le sujet. Nous n’avons donc pu apprécier ni l’intérêt d’une telle expérimentation ni les éventuelles suites à lui apporter.
Par conséquent, pour de simples raisons de forme, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 106, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi et sans préjudice des dispositions de la deuxième partie du code du travail, les structures mentionnées à l’article L. 5132-4 du code du travail et dont les effectifs représentent au moins onze salariés selon les modalités de calcul des effectifs prévues aux articles L. 1111-2 et L. 2301-1 du code du travail peuvent mettre en place une instance de dialogue social spécifique permettant une représentation des salariés en parcours d’insertion au sein de la structure.
Cette instance comprend au moins un représentant de l’employeur et une délégation des représentants des salariés en parcours d’insertion dont le nombre est déterminé par décret compte tenu du nombre de ces salariés. Cette délégation comporte un nombre égal de titulaires et de suppléants.
L’instance contribue à promouvoir les dispositions légales et stipulations conventionnelles applicables aux salariés en parcours d’insertion. Elle débat sur les conditions de travail de ces salariés ainsi que sur la qualité des parcours proposés par la structure en matière d’insertion. Pour exercer leurs missions, les représentants des salariés en parcours d’insertion bénéficient d’informations et de mesures d’accompagnement à la charge de l’employeur au titre de leur accompagnement social et professionnel et détaillés dans le règlement intérieur de l’instance.
L’employeur détermine le mode de désignation des membres de la délégation des représentants des salariés en parcours d’insertion en optant pour l’organisation d’une élection ou d’un tirage au sort parmi les salariés en parcours d’insertion manifestant leur volonté de représenter ces salariés. Il en informe les salariés en parcours d’insertion dans des conditions fixées par décret. Peuvent être désignés les salariés en parcours d’insertion, âgés de seize ans révolus, inscrits dans un parcours d’accompagnement dans la structure et ayant travaillé depuis un mois au moins dans la structure.
Lorsque l’employeur opte pour le mode électif, sont électeurs les salariés en parcours d’insertion, âgés de seize ans révolus, inscrits dans un parcours d’accompagnement dans la structure et ayant travaillé depuis un mois au moins dans la structure.
Un décret précise les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation, notamment la fréquence des réunions de l’instance, la durée des mandats de ces membres, le nombre d’heures de délégation attribuées aux représentants des salariés en parcours d’insertion en fonction du nombre de ces salariés et les modalités d’échange d’information avec les autres instances représentatives du personnel mises en place dans la structure.
L’expérimentation prévue au présent article fait l’objet d’une évaluation chaque année jusqu’à son terme.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Cet amendement vise à introduire une expérimentation en matière de dialogue social pour les salariés en insertion. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser de son dépôt très tardif.
Je sais qu’une telle expérimentation est attendue et tient à cœur à Mme la rapporteure. Elle a été proposée à l’Assemblée nationale. Nous avons effectivement mis du temps pour trouver la bonne rédaction. Nous pouvons nous en remettre à la commission mixte paritaire pour que chacun puisse prendre le temps de se saisir du dispositif envisagé.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission n’a pas pu se prononcer, puisque cet amendement a été déposé après notre réunion. Néanmoins, nous avions évoqué le sujet. Nous savions que l’amendement était très technique. Nous avions même envisagé de le déposer ensemble, mais il a fallu le retravailler jusqu’au dernier moment.
À titre personnel, j’approuve la mesure envisagée. L’adoption de cet amendement aurait par ailleurs pour effet de faire tomber l’amendement n° 40, qui est une demande de rapport sur les possibilités d’adaptation des règles du dialogue social. L’expérimentation proposée nous fait entrer dans le dur. C’est très bien. J’espère que l’amendement est bien calibré techniquement. Nous ferons en sorte que tout se passe pour le mieux.
Si la commission n’a pas pu émettre d’avis sur cet amendement, j’y suis personnellement favorable.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. L’adoption de cet amendement ferait effectivement tomber notre amendement n° 40.
La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé l’article 10 bis, qui avait été introduit dans la proposition de loi à la suite de l’adoption d’un amendement de nos collègues du groupe GDR à l’Assemblée nationale. Il s’agissait justement d’évaluer l’adaptation des règles du dialogue social avec les salariés en parcours d’insertion. L’amendement du Gouvernement, bien que déposé tardivement, témoigne, me semble-t-il, du même souci. Je m’en réjouis évidemment.
Comme le souligne Pascale-Dominique Russo dans son ouvrage Souffrance en milieu engagé, certains salariés de structures ayant un véritable objectif social, comme les structures d’insertion, sont très engagés et sont même prêts à accepter à ce titre des situations de travail dégradées. Cette journaliste décrit avec énormément d’exemples leur souffrance au travail, voire leur asservissement consenti.
Nous saluons donc la mise en place de l’outil proposé, et nous voterons en faveur de cet amendement.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9 ter.
Article 10
(Suppression maintenue)
Article 10 bis
(Supprimé)
Mme le président. L’amendement n° 40, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les possibilités d’adaptation des règles du dialogue social afin de mieux y associer les salariés en parcours d’insertion.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est retiré.
Mme le président. L’amendement n° 40 est retiré, et l’article 10 bis demeure supprimé.
Article 10 ter
(Supprimé)
Article 10 quater
(Supprimé)
Mme le président. L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par MM. Théophile, Rohfritsch, Patient, Dennemont et Hassani, Mme Phinera-Horth et M. Iacovelli, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à étudier les spécificités inhérentes au déploiement de l’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée dans les outre-mer.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement a pour objet la remise d’un rapport relatif aux spécificités inhérentes au déploiement de l’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée dans les outre-mer. Selon vous, madame la rapporteure, le fonds d’indemnisation est mieux à même d’identifier ces particularités.
Il nous paraît essentiel de le rappeler, les outre-mer souffrent d’un retard économique persistant en raison, notamment, des difficultés structurelles liées à leur situation géographique et à l’étroitesse de leur marché. Le taux de chômage des territoires ultramarins est parmi les plus élevés de l’Union européenne. Il est au minimum le double de celui de l’Hexagone, voire le quadruple à Mayotte.
Au regard de la situation économique très particulière des territoires concernés, une telle demande de rapport nous paraît à la fois pertinente et nécessaire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les outre-mer sont pris en compte dans le cahier des charges qui sera élaboré par le fonds et proposé au Gouvernement à la suite de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale.
Vous avez raison sur le fond. Mais vous demandez un rapport sur le déploiement du dispositif en outre-mer. Il devrait normalement y avoir un territoire zéro chômeur de longue durée en outre-mer. Cela sera spécifié dans le cahier des charges, conformément à ce que la loi prévoit. Nous verrons alors comment tout se déroulera. Je ne suis pas certaine de l’utilité d’un rapport. Il y aura un comité scientifique pour évaluer l’efficience du dispositif, dans les outre-mer comme dans les autres territoires.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Je partage évidemment l’exigence que l’expérimentation puisse refléter la diversité des territoires et n’exclue pas les outre-mer.
Précisément, comme nous l’avons vu, l’article 5 de la proposition de loi prévoit la prise en compte des spécificités des territoires d’outre-mer dans le cahier des charges à partir duquel les habilitations seront délivrées.
Un rapport du Gouvernement au Parlement ne me semble pas nécessaire. Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 36 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 36 rectifié bis est retiré, et l’article 10 quater demeure supprimé.
Article 11
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Nous le savons, le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » n’a pas obtenu toutes les garanties souhaitées, notamment sur l’extension de l’expérimentation.
Nous n’approuvons pas toutes les modifications qui ont été apportées. Je pense notamment aux éventuelles modifications du droit du travail spécifique au secteur de l’IAE ; nous ne partageons pas toutes les obligations imposées par Mme la rapporteure. Nous regrettons également que certaines exigences ne soient pas – certes, ce n’est pas de votre fait, madame la rapporteure – appliquées avec autant de rigueur à d’autres domaines qui occasionnent beaucoup plus de dépenses…
Mais nous n’oublions pas la genèse de l’expérimentation. Nous n’oublions pas que son extension est attendue avec impatience. Un certain nombre de secteurs supplémentaires et, par conséquent, de personnes en situation de recherche d’emploi et en demande d’insertion pourront en bénéficier. C’est le plus important à nos yeux.
Mme la ministre a pris des engagements devant nous. Dans l’attente de leur concrétisation, nous opterons pour une abstention constructive.
Mme le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Les débats ont permis d’éclairer davantage sur le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ».
L’expérimentation, riche, depuis cinq ans, montre une volonté de travailler. Les personnes privées d’emploi ne se complaisent pas dans les allocations ; d’ailleurs, moins d’un chômeur sur deux est indemnisé. Cette expérimentation a même permis de rendre visibles des personnes qui avaient totalement disparu des indicateurs du chômage, du fait du fonctionnement même de notre système. Grâce à un dispositif aussi innovant, ces personnes, qui étaient devenues invisibles, ont retrouvé le chemin de l’emploi.
En 2019, une évaluation a été commanditée par le département de la Nièvre, que je représente, afin de mesurer localement les effets du dispositif sur le territoire d’expérimentation. Une amélioration manifeste des parcours de vie est à noter. L’essentiel des salariés rencontrés voient dans leur entrée dans le dispositif une véritable chance, d’un point de vue tant économique qu’humain. Les personnes sont sorties de leur isolement social et se sentent reconnues. L’entrée dans l’entreprise à but d’emploi en CDI leur permet de vivre leur quotidien plus sereinement et de se projeter de nouveau dans l’avenir.
Dès lors, l’élargissement de l’expérimentation était une évidence pour ceux qui, comme moi, l’ont suivie sur le terrain depuis le début et en ont vu les effets économiques, sociaux et, surtout, humains positifs.
Il est dommage que le texte proposé s’éloigne de la philosophie initiale de la démarche. Aussi, comme l’évoquait notre collègue Monique Lubin, nous nous abstiendrons dans un esprit positif, tout en regrettant que cette philosophie initiale n’ait pas été respectée et enrichie.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Lors de la discussion générale, j’avais exprimé notre méfiance et nos doutes. J’associe ma collègue Cathy Apourceau-Poly, qui pilotait l’examen de ce texte pour notre groupe, à mon propos.
La discussion a tout de même permis d’éclairer un certain nombre d’éléments. Surtout, elle a montré que le public dont nous parlons est particulièrement atteint socialement, économiquement et psychologiquement. Ces femmes et ces hommes qui connaissent le chômage de longue durée le vivent extrêmement durement. Nous avons pu en entendre l’écho dans cet hémicycle.
Nous avons également pu constater un certain consensus sur la nécessité de trouver des solutions, en particulier cette expérimentation innovante et la volonté des territoires de participer. Ces éléments sont positifs.
Mais ne faisons pas dire à ce texte plus qu’il ne dit. Par un certain nombre de mesures, il s’éloigne de l’esprit défendu par les associations qui en sont à l’origine. Au sein du groupe CRCE, nous sommes assez inquiets des entorses faites au droit du travail. Ne soyons pas dupes : l’entrée de l’expérimentation dans le droit commun crée un risque de précarisation et de flexibilisation du travail.
Je crois qu’il faut raison garder. Ce sont 420 personnes qui ont pu sortir du chômage de longue durée sur 10 territoires en 5 ans, soit 9 personnes par an et par territoire. Sachons donc rester modestes. Essayons effectivement d’améliorer le dispositif, en faisant en sorte d’avoir le meilleur accompagnement possible des chômeurs de longue durée et en permettant à plus de personnes concernées d’en bénéficier.
Mais, je le répète, ne soyons pas dupes ; le compte n’y est pas. L’État et le Gouvernement doivent prendre des mesures pour l’ensemble des personnes au chômage, en particulier dans le contexte actuel de pandémie.
À la lumière de nos interrogations, nous allons, nous aussi, soutenir ce texte en nous abstenant. Notre abstention n’est pas positive ou négative ; elle découle des doutes que j’ai exprimés. Mais nous ne voulons pas rompre la discussion que nous avons réussi à avoir sur ce texte.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Notre groupe votera évidemment la présente proposition de loi.
Ce texte, nous le savons, n’est pas parfait, mais il permet de prolonger l’expérimentation et d’augmenter le nombre de territoires concernés. Les assurances qui nous ont été apportées quant à l’absence de limitation à ce nombre sont importantes. Des doutes ont également été levés, notamment sur la tutelle du préfet et sur le rôle des départements, qui, s’il est essentiel, ne sera pas obligatoire. Dans ces conditions, nous ne pouvons qu’approuver les propositions qui nous sont soumises.
Il est vrai que le texte a fait l’objet d’un vote unanime à l’Assemblée nationale. Nous l’avons quelque peu modifié en commission. Mais cela n’entraînera pas, me semble-t-il, de vote négatif ; à mes yeux, c’est très important.
Le Sénat montre ainsi la volonté qui est la sienne d’apporter des solutions à des personnes en grande difficulté, au chômage depuis très longtemps. Il pourra appuyer toutes les expérimentations qui seront menées dans les territoires.
Je remercie Mme la présidente de la commission des affaires sociales et Mme la rapporteur d’avoir mené nos travaux dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet. Nous l’avons dit lors de la discussion générale, nous sommes favorables à cette expérimentation et nous aurions souhaité que le Sénat vote un texte conforme afin qu’il puisse s’appliquer le plus rapidement possible.
Nous prenons acte des déclarations, valant engagement, du ministère de l’emploi : aucun projet mature ne sera laissé de côté par l’application stricte du plafond de soixante expérimentations. L’adoption de notre amendement, visant à préciser qu’il s’agissait d’un plancher, et non d’un plafond, aurait toutefois permis de rendre plus solennel l’engagement oral du Gouvernement.
Avant de laisser ce texte aux mains de la commission mixte paritaire, nous souhaitons toutefois insister sur un point : selon nous, les amendements votés par le Sénat portent atteinte à la philosophie du projet, à savoir une démarche de projets s’appuyant sur la confiance accordée aux territoires. Cela nous semble particulièrement inapproprié dans l’enceinte du Sénat, et c’est ce qui justifie notre abstention « constructive » ou « bienveillante » sur cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Nous n’avons pas souvent l’opportunité de parler d’insertion professionnelle dans l’hémicycle. J’avoue que ce débat m’a passionnée, car nous avons chacun notre expérience de l’insertion sur les territoires. Que nous ayons été élus ou non dans un conseil départemental, nous nous posons tous à un moment donné la question : que pouvons-nous offrir aux personnes les plus en difficulté, les plus en marge de l’emploi ? Pour une fois, ce débat a eu lieu ici, et je veux en souligner la qualité.
Je veux aussi remercier Mme la rapporteure. Le moment n’était pas forcément le plus opportun pour préparer cette proposition de loi. Certains de nos collègues viennent d’arriver, et la crise sanitaire ne nous a pas toujours permis de nous déplacer pour assister aux auditions. Nous avons toutefois beaucoup appris lors de nos échanges.
Le groupe Union Centriste votera évidemment ce texte, attendu depuis des mois dans les territoires pour prolonger l’expérimentation en cours.
Je souligne au passage qu’une expérimentation consiste toujours à laisser beaucoup d’élasticité et de capacité aux territoires et aux acteurs locaux pour répondre au mieux à la problématique soulevée. Lorsque nous en discutons au Parlement, nos débats devraient donc surtout avoir pour but de simplifier le dispositif et de le corriger à la marge au besoin.
Je souligne aussi le fort besoin de décentralisation, constamment exprimé sur ces travées et par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Notre débat sur l’implication des départements s’inscrit dans ce prolongement, en gardant également à l’esprit le principe « qui commande paye ». Effectivement, madame la ministre, vous avez raison de le rappeler, les départements sont en première ligne, mais la plupart ont souhaité mettre en place cette expérimentation.
Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Élisabeth Doineau. Généralement, ils vont la financer ou l’ont déjà financée.
Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.
M. Franck Menonville. Nous voterons bien évidemment ce texte, porteur de perspectives d’insertion professionnelle pour un public quelquefois très éloigné de l’emploi. Il propose également une politique en lien avec les territoires, faite de capacité d’expérimentation et de « sur-mesure ».
Je félicite à mon tour la commission, en particulier Mme la rapporteure, pour le travail accompli.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Le groupe RDSE attendait de voir l’accueil réservé à ses amendements pour se prononcer. Nous avons obtenu quelques succès, et nous avions plutôt un a priori favorable sur ce texte.
Nous voterons donc cette proposition de loi, qui n’est certes pas une panacée, mais se révèle un bon signal, notamment pour les territoires.
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie vivement de la qualité des débats conduits dans cette chambre des territoires.
Nous renouvelons, au nom du Gouvernement, nos remerciements à la rapporteure, Mme Frédérique Puissat, pour son travail important d’enrichissement du texte. La commission des affaires sociales du Sénat a su proposer des outils complémentaires de pilotage et des expérimentations, tout en gardant comme boussole l’insertion de nos concitoyens les plus éloignés de l’emploi. Le Sénat a fait son œuvre et ce texte parlementaire est désormais entre les mains de la CMP. La procédure accélérée ayant été engagée, celle-ci aura la responsabilité de travailler à l’équilibre définitif de cette proposition de loi. Nous avons tous à cœur de voir aboutir rapidement ce texte, plus que jamais nécessaire.
Dans la période d’incertitude que nous connaissons, marquée par des difficultés accrues pour les plus fragiles, son adoption est dans l’intérêt de tous, en particulier des territoires.
Ce texte est d’abord un bel objet de lutte en faveur de l’emploi pour tous et de l’égalité des chances. Les deux très beaux outils qu’il renforce appliquent des méthodes complémentaires pour insérer les personnes les plus éloignées de l’emploi. Les SIAE vont voir leurs règles de recrutement simplifiées, leur permettant d’embaucher très rapidement. L’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » sera quant à elle prolongée et étendue à soixante nouveaux territoires.
Cette proposition de loi donne pleinement leur chance à ces deux dispositifs, dans le cadre d’un mécanisme de pilotage responsable à l’égard des finances publiques. Je tiens par ailleurs à souligner l’absence de toute entorse au droit du travail.
Ce texte est en outre le fruit de la démocratie parlementaire, après avoir fait l’objet d’une large coconstruction. Proposé par des parlementaires, il a fait l’objet, dès son élaboration, d’une concertation avec les acteurs des structures de l’insertion par l’activité économique et de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée. Pendant sa discussion, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, un travail constructif a été mené par les députés et les sénateurs de tous les groupes, ce que je tiens à souligner. Les débats ont ainsi permis de mieux répondre aux problématiques des personnes les plus éloignées de l’emploi, en travaillant à leur insertion durable dans l’emploi.
Nous avons ainsi œuvré ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs, en faveur d’une relance plus inclusive et de solutions d’accès à l’emploi déployées au cœur des territoires. Je vous en remercie vivement.
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quarante, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des lois s’est prononcée, lors de sa réunion de ce jour, par 7 voix pour et 7 voix contre, sur le projet de nomination de Mme Dominique Simonnot aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
10
Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire (projet n° 5, texte de la commission n° 10, rapport n° 9).
Rappel au règlement
M. Patrick Kanner. Je souhaite procéder à un rappel au règlement portant sur la place du Parlement en général, et de la Haute Assemblée en particulier, dans le débat qui nous attend sur la prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, le 10 juillet dernier.
Monsieur le ministre, nous allons travailler sur des mesures permettant cette prolongation, mais nous pouvons légitimement nous interroger sur l’existence de facto d’un article 16 à caractère sanitaire – j’avais déjà employé l’expression cet été. Toutes les citoyennes et tous les citoyens de ce pays sont dans l’attente des grandes mesures et décisions qui seront annoncées demain par le Président de la République.
Couvre-feu à partir de vingt, vingt et une ou vingt-deux heures dans ma bonne ville de Lille ainsi qu’à Paris, autres mesures peut-être privatives de libertés publiques et individuelles… La question est simple, madame la présidente : finalement, à quoi servons-nous ? Ne devrions-nous pas arrêter de siéger et laisser le Président de la République prendre les mesures qu’il estime bonnes pour notre pays, amenuisant ainsi le rôle de contrôle du Parlement ?
Quelles que soient les urgences, monsieur le ministre, le respect du Parlement doit être une préoccupation permanente de notre gouvernement et de l’exécutif, en particulier du Président de la République.
L’urgence ne saurait tout justifier en cette période où les Français sont extrêmement inquiets pour leur avenir. Le Parlement et la Haute Assemblée peuvent être de bons protecteurs face à cette anxiété croissante qui se manifeste dans notre pays.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, de part et d’autre de nos territoires, la situation sanitaire nous préoccupe. Ce n’est pas la première fois que je me trouve devant vous pour examiner un texte ayant trait, de près ou de loin, à l’état d’urgence sanitaire. Lorsque nous nous étions vus pour la dernière fois, nous avions débattu de la durée d’application du texte portant dispositions transitoires de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Le Parlement l’avait considérablement enrichi et en avait aussi partiellement modifié la facture, ce qui est tout à fait normal. Conformément aux engagements qui avaient été pris et au respect de l’État de droit, me voici donc de nouveau devant vous ce soir pour vous demander de maintenir un certain nombre de dispositions transitoires permettant de poursuivre la lutte contre l’épidémie.
Monsieur Kanner, dans votre intervention préalable, vous faisiez état des mesures importantes qui seraient annoncées demain par le Président de la République. Je ne suis là ni pour les anticiper ni pour les commenter. En revanche, il ne vous aura pas échappé que la situation sanitaire est extrêmement instable.
À cette heure, nous sommes pourtant sûrs d’une chose : le virus n’est pas mort, et il circule vite. Vous citiez l’exemple de votre belle ville de Lille. Ce soir, l’incidence y est de 480 cas pour 100 000 habitants, et de 382 cas pour 100 000 habitants chez les personnes âgées. Quand on compare ces chiffres avec ceux de la semaine dernière, on mesure la vitesse de circulation du virus dans certaines métropoles, dont Lille, classée pour cette raison en zone d’alerte maximale.
Nous ne pouvons donc pas interrompre aujourd’hui l’ensemble des dispositions que nous sommes amenés à prendre pour protéger la santé de nos concitoyens à Lille, Paris, Lyon, Grenoble, Marseille, Saint-Étienne… La liste est connue.
J’ai suivi vos travaux de commission, mesdames, messieurs les sénateurs. Je vous remercie pour leur qualité et pour les apports que vous avez formalisés. Si je saisis bien le contenu de vos débats, le point principal porte sur la durée d’application de ces dispositions transitoires.
Je peux déjà vous répondre par l’engagement que nous avions pris ici précédemment – sur proposition des sénateurs, si ma mémoire est bonne – de travailler à un texte permettant d’inscrire dans le marbre de la loi, non pas des dispositions transitoires sur lesquelles nous devrions revenir au gré des variations du virus, mais des mesures pérennes.
Je vous confirme qu’un projet de loi sera présenté par le Gouvernement en bonne et due forme dans le courant du mois de janvier. Si l’on veut laisser suffisamment de temps pour un travail parlementaire de qualité, sans oublier les délais inhérents à la promulgation et à la parution des décrets d’application, nous aurons largement dépassé le 31 janvier, date que vous souhaitez retenir comme terme de ce texte.
Si nous adoptions un texte programmé pour prendre fin le 31 janvier 2021, nous serions donc contraints, dans le même mouvement, de vous présenter en urgence un nouveau texte de prolongation des mesures transitoires, alors même que vous seriez en train de travailler à l’inscription de mesures pérennes dans la loi…
Pour ces raisons, j’insisterai au cours des débats sur la nécessité de nous accorder plus de temps.
Par ailleurs, au regard des chiffres que j’ai annoncés, de la dynamique épidémique en France et en Europe, de l’arrivée de l’automne puis de l’hiver, les chances pour que nous n’ayons plus à combattre le virus le 31 janvier sont malheureusement nulles.
Je comprends parfaitement que vous souhaitiez limiter autant que possible dans le temps ces mesures transitoires en raison de leur caractère exceptionnel. Toutefois, si nous voulons être efficaces et faire ce travail de fond, que vous avez souhaité et qui me semble en effet nécessaire, je pense que nous devons prolonger la durée de ces dispositions transitoires. C’est pourquoi le Gouvernement reste sur sa position d’une expiration de ces mesures au 1er avril, de manière à nous laisser du temps.
Vous avez, dans le même mouvement, mesdames, messieurs les sénateurs, débattu de la nécessité de prolonger l’exploitation des données de Contact Covid et du système d’information national de dépistage (Sidep). En effet, au regard du nombre de tests que nous réalisons et de l’importance que revêtent les systèmes d’information et l’enrichissement régulier de Sidep, il me semble nécessaire de prolonger l’exploitation à but de recherche et de lutte contre l’épidémie de ces données informatiques.
Je vous remercie d’avoir accepté l’amendement visant à conférer un statut aux tests antigéniques à venir. Ces derniers apporteront des solutions, notamment dans les aéroports et pour le dépistage des populations asymptomatiques, et ils doivent avoir une traduction légale pour être pleinement efficaces.
J’ai conscience que le Gouvernement a déposé tardivement un certain nombre d’amendements et je m’en excuse. Cela va de pair avec la nécessité de parer à l’urgence en permanence.
Je sais que l’amendement visant à prolonger sans les citer un certain nombre d’ordonnances relatives à la gestion de crise sanitaire prises pendant l’état d’urgence sanitaire attire en particulier votre attention. Je comprends parfaitement vos réserves, et je suis prêt à travailler sur une rédaction permettant d’apporter les garanties que vous exigez légitimement. Toutefois, si ces ordonnances devaient tomber, cela poserait des difficultés majeures, et c’est d’ailleurs des débats et des amendements sénatoriaux qu’est née notre conviction de la nécessité d’un texte de prolongation de ces ordonnances, notamment de celles qui concernent les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux points dont il me semble nécessaire que nous puissions débattre au cours de l’examen de ce texte, sans préjuger des annonces que le Président de la République pourra faire demain, sans préjuger non plus de la nécessité d’adapter notre arsenal juridique face à cette épidémie, qui nous joue bien des tours et qui cause des ravages sanitaires majeurs dans notre pays, mais toujours dans la sérénité qu’offre l’enceinte du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la quatrième fois que nous sommes amenés à légiférer sur les pouvoirs que nous consentons au Gouvernement pour faire face à la crise sanitaire.
Il y a eu successivement deux régimes, l’un d’état d’urgence sanitaire, l’autre qualifié de « sortie » de l’état d’urgence sanitaire. Mais c’est une sortie qui n’en finit pas, puisque le Gouvernement nous demande maintenant de prolonger ladite sortie jusqu’au mois d’avril 2021. Autant dire que ce texte est déjà mal nommé : c’est en réalité un texte de prolongation des pouvoirs exceptionnels que le Gouvernement estime nécessaires pour faire face à cette crise sanitaire, qui rebondit actuellement.
La seule différence entre le régime de l’état d’urgence sanitaire et le régime dit de « sortie » de l’état d’urgence sanitaire, c’est que, dans la deuxième hypothèse, le Gouvernement n’a pas le droit de prononcer le confinement généralisé de la population tel que nous l’avons connu du mois de mars au mois de mai. Encore faut-il se rappeler que la loi de mars dernier sur l’état d’urgence sanitaire reste en vigueur, et que le Gouvernement peut à tout moment par décret déclencher le régime du confinement généralisé. Évidemment, c’est l’instrument de dernier recours, et nous ne blâmons pas le Gouvernement de ne pas s’inscrire dans cette perspective, qui ne pourrait être acceptée que dans une situation de crise tellement grave qu’il faudrait de nouveau interrompre l’activité nationale.
Notre espoir, depuis la fin du confinement, est au contraire de réussir à lutter contre l’épidémie sans avoir à suspendre l’activité économique et sociale de notre pays. C’est sans doute une gageure, mais nous mesurons à quel point le confinement généralisé est la mesure à laquelle il a fallu recourir faute de mieux, et à défaut d’avoir été préparés à affronter une telle épidémie.
Il est vrai que, au mois de mars dernier, nous n’avions pas de masques, pas de gel hydroalcoolique, pas de tests de dépistage accessibles à la population et, surtout, pas de système national d’information permettant de remonter les filières de contamination en neutralisant les personnes exposées à la contamination le temps que l’on vérifie leur statut au regard de l’épidémie.
Au fond, la sortie de l’état d’urgence sanitaire se réduit à un enjeu : faire en sorte que l’on substitue de multiples confinements individualisés et temporaires au confinement généralisé de la population. Depuis la mise en œuvre du nouveau système à partir du mois de mai, il y a eu plus de 650 000 cas de personnes qui ont pu être diagnostiquées comme porteuses du virus grâce au système national d’information mis en place et aux plateformes de l’assurance maladie, qui ont recherché ce qu’il est convenu d’appeler les cas contacts.
La situation actuelle, qui préoccupe tous les Français, et particulièrement nos autorités sanitaires, est une situation de très nette aggravation au cours des derniers jours et des dernières semaines. Si elle n’est pas de même niveau, et c’est heureux, que celle que nous avons connue au mois de mars dernier, elle est cependant suffisamment préoccupante pour qu’il n’y ait pas à débattre de l’opportunité de prolonger les pouvoirs exceptionnels que nous avons accordés au Gouvernement au fil des lois que nous avons débattues ici même.
Nous avons donc admis, à la commission des lois, le principe de la poursuite de cette action qui restreint l’exercice des libertés individuelles et des libertés publiques pour réduire les risques de contamination.
Nous attendons, bien sûr, les nouvelles décisions qui devraient être rendues publiques par le chef de l’État dans la journée de demain, en espérant qu’elles n’auront pas d’incidence sur nos travaux législatifs, lesquels sont déjà bien assez bousculés comme cela.
Monsieur le ministre, en effet, nous ne souhaitons pas vous permettre d’exercer ces pouvoirs exceptionnels qui restreignent l’exercice de nos libertés durant plus de trois mois, c’est-à-dire au-delà du 31 janvier prochain. J’ai bien entendu votre argument, mais je dois vous dire que nous ne souhaitons pas non plus vous laisser mettre en place le système permanent de pouvoirs exceptionnels par la loi que vous voulez nous faire adopter, et dont nous ne savons rien à ce stade.
Il est donc très difficile pour nous de vous donner une sorte de blanc-seing, en vous laissant appliquer ces pouvoirs exceptionnels, non pas pendant deux ou trois mois, comme ce fut le cas avec les précédentes lois, mais pendant une très longue durée, au seul motif que vous avez l’intention de nous faire adopter un régime permanent de pouvoirs exceptionnels pour restreindre les libertés en vue de lutter contre cette épidémie ou de nouvelles à venir.
Nous sommes donc très fermes sur cette exigence du contrôle parlementaire. Il s’agit tout de même de choses essentielles pour la vie des Français, et je crois que notre vocation, en tant que représentants de la Nation, est bien de consentir au Gouvernement les moyens nécessaires à l’efficacité de la lutte contre l’épidémie, mais d’exiger aussi en retour que nous puissions assumer notre responsabilité de contrôle dans sa plénitude.
Je voudrais vous dire par ailleurs, monsieur le ministre, que nous souhaitons apporter notre contribution, comme nous l’avions fait au mois de juillet, à votre volonté de réformer les régimes de lutte contre les épidémies, en mettant à jour ce fameux article L. 3131-1 du code de la santé publique, qui aujourd’hui comporte des dispositions faisant douter de sa constitutionnalité. Il faut que le ministre de la santé puisse prendre des mesures non pas qui soient de tous ordres, mais qui relèvent de la santé.
Si cet article avait été appliqué sans que l’on adopte la loi relative à l’état d’urgence sanitaire, vous auriez eu de très graves difficultés juridiques. C’est bien la preuve qu’il n’est pas adapté à ce genre de situations. Nous voulons donc le modifier.
Enfin, nous avons pris un certain nombre de mesures, qui nous ont été inspirées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), pour ce qui concerne les fichiers utilisés pour lutter contre les risques de contamination ou procéder à des recherches épidémiologiques.
Nous avons également souhaité que des dispositions soient prises pour préparer les scrutins de mars 2021.
La démocratie est une affaire trop sérieuse pour la suspendre au risque sanitaire. Imaginons qu’en 2021 n’aient pas lieu les élections régionales et départementales, qui sont certes importantes, mais qu’ait lieu l’élection présidentielle. Faudrait-il envisager qu’à cause d’une épidémie les Français ne se prononcent pas ?
De la même façon, nos concitoyens devront se prononcer dans toute la mesure du possible en évitant les risques de contamination. Mais comment les éviter, d’une part, si l’on ne modifie pas le régime des procurations, ce que le Gouvernement propose et dont je le remercie, et, d’autre part, si l’on ne remet pas à l’ordre du jour le vote par correspondance, en lui apportant des garanties qui lui ont fait défaut dans le passé – raison pour laquelle il avait été supprimé de notre code électoral ?
La commission des lois, dans une forme d’unanimité, a souhaité que nous versions au débat des propositions dans ce domaine, ce qu’ont fait plusieurs collègues. J’ai présenté à notre commission une synthèse de ces efforts pour que nous puissions nous préparer – nous en avons encore le temps ! –, afin que le scrutin de mars prochain se déroule dans de bonnes conditions, quelle que soit l’intensité de l’épidémie à cette date.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà ce que je tenais à vous dire au moment d’ouvrir ce débat. L’heure est manifestement grave. Le Sénat est au rendez-vous, mais ne consentira pas à accorder des pouvoirs dérogatoires au Gouvernement sans de sérieuses garanties. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 32 683, il s’agit là d’un sinistre nombre, celui des morts du covid-19 en France.
Force est de constater que davantage aurait pu être fait par l’exécutif, non pas au cœur de la crise, quand le Gouvernement s’est finalement résolu à aligner les milliards d’euros, mais bien en amont.
Le sous-investissement dans le système hospitalier français n’est pas nouveau : coups de rabot dans les budgets, privatisation totale ou partielle de certains établissements. Les gouvernements successifs de ces dernières décennies se gardent bien de reconnaître leurs erreurs en matière sanitaire et sociale. Le constat est pourtant implacable : les politiques menées dans ces domaines ont été non seulement des manquements stratégiques, mais aussi des fautes morales.
Rendez-vous compte, 3 400 lits d’hôpitaux ont été fermés l’année passée ! Ne pensez-vous pas que ces places auraient pu être utiles en avril, alors que nos médecins étaient surchargés face aux vagues de contamination ?
Cela fait des années que, dans ma circonscription parisienne, les services de réanimation se trouvent saturés et que des patients se voient réorientés vers Chartres ou Orléans. Pour quelles conséquences ? Des patients moins bien soignés qu’auparavant, ainsi que des médecins qui, découragés par ces conditions de travail iniques, abandonnent l’hôpital pour la recherche ou le privé. C’est tout notre système de santé qui est en déliquescence, et le modeste Ségur de la santé n’est pas de nature à nous rassurer.
En mars, la réponse du Gouvernement à l’épidémie a d’abord été l’état d’urgence sanitaire et le confinement. Bien que contraignant, ce dispositif a sans aucun doute été salutaire et aura permis, un temps, de ralentir la circulation du virus.
En juillet, l’exécutif a pris la décision de sortir progressivement de l’état d’urgence, mais n’a pas jugé souhaitable de retourner immédiatement au droit commun.
La loi du 9 juillet 2020 a prévu un régime transitoire comprenant l’intégralité des mesures appliquées depuis mars, hormis le confinement. Ce sont ces mesures provisoires que la majorité présidentielle souhaite aujourd’hui proroger de quelques mois : fermeture administrative d’établissements recevant du public, régulation de la circulation des citoyens, encadrement de l’accès aux transports publics pour les usagers, limitation du droit à se rassembler et manifester, création de fichiers informatiques comprenant nombre de données personnelles des malades du covid-19 et de leurs cas contacts afin de retracer les chaînes de contamination.
Faisant fi des libertés publiques et individuelles, les droits excessifs confiés au Premier ministre, aux préfets ainsi qu’aux administrations n’ont que trop duré.
Mes chers collègues, entre l’état d’urgence sanitaire et le droit commun, il faut choisir. Des mesures transitoires ne sauraient être pérennisées, comme tente aujourd’hui de le faire le Gouvernement.
Nous saluons évidemment le travail de la commission des lois et du rapporteur, M. Bas, qui a permis de réduire le délai de prorogation de sortie de l’état d’urgence de deux mois. Mais c’est le principe même de cette prolongation que nous rejetons. Si l’exécutif estime que la situation sanitaire est trop grave pour que le droit commun soit efficace, qu’il prenne la responsabilité d’enclencher l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, permettant la mise en application par décret ministériel de l’état d’urgence sanitaire.
L’arbitraire et l’exception ne pouvant devenir la règle, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir le quatrième texte traitant d’un régime dont l’objet est de répondre à la crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés depuis le mois de mars.
Ce quatrième rendez-vous était une nécessité, dès lors que le régime transitoire institué par la loi du 9 juillet 2020 arrive à échéance le 30 octobre. Comme l’ont souligné le conseil scientifique et le Conseil d’État lui-même, le retour au droit commun n’est en effet pas de nature à endiguer la reprise, malheureusement bien réelle, de l’épidémie.
Cet état de fait sanitaire, qui sollicite notre pleine vigilance – je ne vous apprends rien ! –, s’illustre par les 74 départements en situation de vulnérabilité élevée, les 1 500 personnes atteintes par le covid-19 aujourd’hui prises en charge par les services de réanimation, ou encore l’occupation à hauteur de 40 % des lits de réanimation par des patients en Île-de-France, un taux en progression. Cela devrait d’ailleurs nous alerter sur l’effet d’éviction au détriment de personnes requérant des soins lourds qu’il n’est pas possible de différer de nouveau.
Les travaux de contrôle de notre Haute Assemblée ont bien montré la dimension profondément éthique de l’urgence sanitaire. Une fois que l’état de la situation est décrit et que ce constat, par nature partagé, est exprimé, j’ai conscience en tant que législateur de n’avoir pas tout dit. Le constat ne saurait en lui-même permettre de préjuger avec une évidence certaine du choix du régime juridique adéquat. Là est bien le sujet qui a animé les navettes et les débats successifs dans cet hémicycle.
Je salue, à ce titre, la position sur le présent texte de notre rapporteur, qui, suivi par la majorité de la commission des lois, n’a pas remis en cause le principe d’une prorogation du régime transitoire, instituée par la loi du 9 juillet dernier, et qui n’en a pas non plus modifié les contours. Ces derniers avaient d’ailleurs été consolidés par le Sénat lui-même, je veux le rappeler, lors de l’examen en première lecture de la loi du 9 juillet 2020.
Les prérogatives conférées au Premier ministre et aux préfets par ce régime ont accompagné une reprise de l’activité et permis une adaptation territoriale de la gestion des résurgences de l’épidémie, et ce par une agilité indispensable, comme peuvent en témoigner les modifications successives de l’annexe du décret du 10 juillet 2020 listant les zones de circulation active du virus.
L’assise du régime a, en outre, été confortée par la décision de conformité du Conseil constitutionnel, qui a bien précisé que, au terme de nos travaux parlementaires, la faculté d’interdire la circulation des personnes ne pouvait conduire à une interdiction de sortie du domicile.
Notre rapporteur s’est également accordé sur les dispositions introduites à l’Assemblée nationale, tout à fait bienvenues, permettant d’adapter le fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales à la situation sanitaire.
La commission a enfin utilement confirmé le principe d’une prorogation des systèmes d’information mis en œuvre pour lutter contre l’épidémie de covid-19 et, par là même, de la conservation des données pseudonymisées aux seules fins de suivi épidémiologique et de recherche sur le virus. Ces systèmes apparaissent en effet indispensables à la mise en œuvre du triptyque stratégique « tester, tracer, isoler ».
Sur ce point, je salue le travail du rapporteur, qui a apporté des garanties juridiques supplémentaires, en tirant notamment les conséquences d’une censure et d’une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, que le Gouvernement propose de préciser.
Finalement, et notre groupe avait déjà pu le dire pour défendre le régime transitoire sous le précédent projet de loi, ce régime pourrait être comparé à la figure mythologique de Janus, non pour le caractère double de son visage qui traduirait ici un faux-semblant ou un état d’urgence déguisé, comme certains persistent à le penser sur ces travées, mais bien au contraire et parce que cette figure incarne la transition entre deux temps, parce qu’elle est orientée vers l’avenir tout en ne se détournant pas du passé, une approche que nous force à adopter la crise sanitaire.
Ce soir, c’est précisément sur cette question de temporalité, mes chers collègues, que les positions divergent. La commission a en effet ramené au 31 janvier 2021 l’échéance de la prorogation du régime transitoire et des autres dispositions précitées, que le Gouvernement avait fixée au 1er avril 2021 dans le texte initial.
Cette seconde échéance, qui diffère de deux mois de la date de la commission, nous paraît plus opportune et raisonnable en ce qu’elle correspond à l’échéance de l’applicabilité du régime de l’état d’urgence sanitaire, qu’un projet de loi justement présenté en janvier 2021 viendra réviser.
Cet alignement n’est pas une position doctrinale. Comme le souligne l’avis du Conseil d’État lui-même, il s’agit de laisser à la disposition du Gouvernement jusqu’au 21 avril une gamme d’outils de réaction à l’évolution de l’épidémie, et de lui permettre d’apprécier, à la lumière d’une analyse globale, le régime juridique qui pourrait utilement s’appliquer aux situations de crise sanitaire pour mieux fonder son projet de loi. Dans cette même logique, il semble cohérent de réserver la révision nécessaire de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique à cette réforme plus globale.
En conclusion, mes chers collègues, je dirai que des débats importants vont se poursuivre ce soir dans l’hémicycle. Je pense à la durée de prorogation, mais aussi aux mesures visant les adaptations utiles en matière de droit électoral. Je pense enfin aux mesures visant à protéger, s’agissant des loyers, les entreprises faisant l’objet de restrictions dans leur activité professionnelle, ou encore aux mesures visant à adapter les règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants de personnes morales, telles que les fédérations sportives.
Vous l’aurez compris, le groupe RDPI réserve sa position finale à l’issue que connaîtront ces différents points.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui car la situation de notre pays va nous contraindre, une nouvelle fois, à prolonger un état de fait, ce que je regrette profondément.
À la veille de l’allocution du Président de la République, nous pouvons craindre que de nouvelles annonces ne viennent renforcer un état d’urgence qui ne dit pas son nom. La situation que nous connaissons depuis mars est sans commune mesure et nous marquera tous durablement. J’ai, à ce titre, une pensée sincère pour tous nos concitoyens qui sont les premières victimes des mesures, pourtant nécessaires, que nous prenons.
Nombreux sont les Français qui ont souffert et qui souffrent encore, soit du covid-19, soit des mesures de restriction de libertés auxquelles la situation sanitaire nous oblige à consentir. Depuis le mois de mars, ces mesures ont un impact sur tous les secteurs économiques de notre pays, qu’il s’agisse de l’artisanat, du commerce, du tourisme, de l’aéronautique, et de bien d’autres secteurs.
La vie sociale avec nos proches, les pratiques sportives et culturelles, les sorties au théâtre, au concert, au spectacle, les sorties entre amis, les repas au restaurant sont aussi lourdement impactés. Les visites à nos parents âgés qui sont dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ainsi que les fêtes familiales, deviennent impossibles pour raisons sanitaires, ce qui contribue progressivement à un éloignement brutal et subi de ceux qu’on aime.
J’aimerais saluer le courage et la ténacité d’une majorité silencieuse de Français qui respectent les gestes barrières et les règles d’éloignement, bien que ceux-ci suscitent de la frustration et de l’incompréhension.
Cette incompréhension et la perte de confiance qui en découle naissent de trop nombreuses volte-face, de retours en arrière, de mesures incompréhensibles de la part du Gouvernement, et de règles parfois difficilement applicables sur le terrain, tout cela à grand renfort de spots télévisuels anxiogènes et d’une communication frénétique.
L’augmentation à la fin de l’été de la propagation du virus, du nombre de cas confirmés et d’hospitalisations appelle toutefois notre vigilance. Ces indicateurs épidémiologiques ne sont bien entendu pas les mêmes partout. Car, vous le savez, le virus ne circule pas de manière uniforme sur le territoire. Nous ne sommes certes pas dans la même situation qu’en mars, mais la prudence s’impose si l’on souhaite lutter efficacement contre ce qui s’apparente de plus en plus à une deuxième vague.
Pour en revenir au texte, je salue le travail effectué par la commission des lois tout juste renouvelée et par son rapporteur, Philippe Bas. Le raccourcissement à trois mois, au lieu de cinq, de la durée de prorogation du régime de sortie d’état d’urgence sanitaire est une bonne chose, même si lors de nos précédents débats, le groupe RDSE avait regretté que l’on fasse du droit d’exception le droit commun.
Force est de constater que nous ne sommes plus réellement en état d’urgence, du fait de la sortie du confinement généralisé, mais que nous sortons du champ du droit commun au vu des dispositions que nous prorogeons aujourd’hui et qui deviennent de facto de moins en moins exceptionnelles.
Pour ce qui concerne les dispositions prévues aux articles 2 et suivants, les membres de mon groupe et moi-même nous retrouvons dans les mesures ajoutées par la commission, qui apportent certaines garanties en matière d’encadrement de la mise en œuvre des systèmes d’information.
Nous demandions depuis le départ la pseudonymisation de certaines données traitées. Je me félicite de ce qu’elle ait été ajoutée et que la commission se soit rangée à la décision rendue par le Conseil constitutionnel en mai dernier.
Autre apport que je tiens à souligner : la volonté de mettre fin aux retards systématiques du Gouvernement concernant la publication des avis du comité scientifique.
Nous sommes ici, je crois, tous d’accord pour dire que la forme de rétention d’informations à laquelle nous faisons face est une anomalie. D’autant que ces avis sont des outils majeurs pour nous permettre d’exercer notre contrôle parlementaire et de légiférer convenablement.
Sur l’article 2 encore, je dirai un mot de l’application StopCovid, dont l’utilisation est, hélas, plus que limitée. Si près de 2,5 millions de Français seulement l’ont téléchargée, plus de la moitié d’entre eux l’ont d’ores et déjà désinstallée. La faute en revient au manque d’informations, mais surtout à une protection des données jugée trop faible. En effet, les craintes soulevées par de nombreuses associations et parlementaires se sont avérées fondées : la première version de l’application ne respectait manifestement pas les normes du règlement général sur la protection des données (RGPD) jusqu’au 3 septembre dernier.
Enfin, nous validons pleinement les mesures permettant la réunion des organes délibérants des exécutifs locaux. Si la période est difficile, la vie démocratique est un impératif qui doit aussi suivre son cours. Il est logique de conserver l’idée selon laquelle un simple avis du préfet est nécessaire pour modifier le lieu de la réunion de l’organe délibérant.
Que ce soit dans nos agglomérations, nos territoires ruraux ou encore nos collectivités d’outre-mer, les restrictions sont de plus en plus pénibles pour la population. À nous de continuer le travail de pédagogie auprès de nos concitoyens.
En conclusion, je dirai que, vous vous en doutez, mes chers collègues, nous ne votons pas ces mesures de gaieté de cœur, mais l’accélération rapide de la circulation du virus ne nous laisse pas d’autre choix.
Vous l’aurez compris, le groupe RDSE votera cette prorogation de la sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Gouvernement nous demandait initialement de proroger le régime transitoire organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, mis en place par la loi du 9 juillet 2020, jusqu’au 1er avril 2021. Ce délai a été ramené au 31 janvier par notre commission des lois, afin de permettre une intervention plus régulière du Parlement, ce qui à nos yeux est plutôt salutaire, ne serait-ce que d’un point de vue démocratique. Nous convenons toutefois que le virus circule encore et qu’il circule vite, trop vite.
D’autres amendements du rapporteur, Philippe Bas, ont également permis d’améliorer ce texte dans le souci du bon fonctionnement de notre démocratie et de ses instances délibérantes, notamment au niveau local. Cependant, aucune amélioration n’est selon nous suffisante, comparée au nouveau blanc-seing qui nous est demandé pour attribuer de larges pouvoirs au Gouvernement et aux préfets, pendant plusieurs mois.
Comme vous toutes et tous, les membres du groupe CRCE sont plus que préoccupés par cette crise sanitaire, et nous appelons au respect des gestes barrières.
Nous ne doutons en rien du constat dressé et de la nécessité des réponses à apporter. Mais une question se pose : ces dites mesures sanitaires adaptées ne sont-elles pas d’ores et déjà à la portée du Gouvernement dans le cadre de notre droit commun ? La réponse est pour nous claire : elles le sont.
En cas de recrudescence de l’épidémie, plusieurs dispositifs juridiques pourraient être utilisés. Aussi ce texte est-il, selon nous, aussi dangereux qu’inutile.
D’abord, la législation prévoit des dispositions permettant au ministre de la santé de prendre des mesures préventives en cas de danger sanitaire, et la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a spécifiquement prévu le cas de la sortie de l’état d’urgence sanitaire, à l’article L. 3131-1 du code de la santé publique.
Ensuite, en cas de nouveau pic de contamination, rien n’empêcherait le Gouvernement de recourir une nouvelle fois à l’état d’urgence sanitaire, par décret en conseil des ministres sur le rapport du ministre chargé de la santé, comme cela est prévu à l’article L. 3131-13 du code de la santé publique.
J’entends les arguments, notamment de M. le rapporteur, relatifs à ces articles du code de la santé publique. Peut-être faut-il revisiter ces mesures. Mais une chose est avérée aujourd’hui : elles sont inscrites dans le code de la santé publique et le Gouvernement aurait pu les dégainer.
Enfin, les autorités locales de police administrative – maires et préfets – sont habilitées à adopter toutes les dispositions préventives nécessitées par les circonstances sanitaires locales particulières.
En séance, lors de l’examen du projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, en juin dernier, nous alertions déjà sur le risque que certaines mesures dérogatoires soient finalement intégrées au droit commun, comme cela s’est produit avec la banalisation des mesures de l’état d’urgence sanitaire pérennisées par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, dont nous reparlerons demain.
Or, précisément, le Gouvernement nous annonce un projet de loi à venir d’ici à janvier 2021, visant à instituer un dispositif pérenne de gestion de l’urgence sanitaire, afin d’éviter « les rendez-vous intermédiaires de prorogation des mesures transitoires ». Le risque est donc bien avéré.
Cette loi a créé un nouveau régime juridique, un régime de sortie dans lequel le Premier ministre conserve des pouvoirs exorbitants, notamment celui de réglementer la circulation des personnes, les conditions d’ouverture des établissements recevant du public, ou encore les manifestations et rassemblements sur la voie publique, et celui d’exiger des personnes circulant par voie aérienne sur le territoire national qu’elles présentent un certificat de biologie médicale.
Aussi, comme le relève à raison la professeure de droit, Stéphanie Hennette-Vauchez : « [La loi] réduit la voilure de l’état d’urgence sanitaire tel que défini par la loi du 23 mars 2020, mais ce sont bien des pouvoirs exceptionnels de restriction des libertés fondamentales qui demeurent à la main du Gouvernement. »
De même, un groupe d’associations, de syndicats, d’universitaires et d’avocats, membre du Réseau de veille sur l’état d’urgence sanitaire, souligne très justement : « Une sortie d’état d’urgence ne s’organise pas, ne s’aménage pas, ne se décline pas : il se lève dans sa totalité pour mettre fin à l’exception. Ce brouillage inédit des frontières est inacceptable. L’exception doit demeurer l’exception et le droit commun la règle. »
Alors que le Gouvernement reconnaît que les conditions d’un état d’urgence sanitaire ne sont plus réunies, il estime en même temps nécessaire de maintenir des pouvoirs exorbitants aux autorités administratives. Cette contradiction ne résiste à aucune logique. Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, indique ainsi : « L’état d’urgence ne trouve de justification que dans la faculté pour le Gouvernement de réprimer les manifestations, de limiter les libertés de réunion et les libertés de manifestation. »
En effet, à l’heure où les plans sociaux se multiplient, la possibilité accordée au Premier ministre d’interdire les manifestations ne peut que susciter une inquiétude sérieuse. Des pseudo-motifs de santé publique aux véritables raisons politiques, toute la nuance semble se trouver dans ce énième texte d’exception, auquel nous nous opposons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation sanitaire dans notre pays est grave et s’aggrave. Nous sommes réunis pour la quatrième fois en huit mois afin d’étudier un texte d’exception ayant pour but d’adapter le droit existant à la crise sanitaire à laquelle nous devons faire face.
La situation est grave pour notre santé, mais ce type de projet de loi pourrait être également très grave pour nos libertés si nous n’y mettons pas les garde-fous nécessaires… Cela a été dit, le droit d’exception ne doit pas devenir le droit commun.
Peut-être devons-nous voter ce texte pour des raisons sanitaires, mais pas sans débat. Il y a toujours un risque à vivre libre. C’est à la représentation nationale d’en mesurer le prix et de définir l’éventuel périmètre de restriction que nous serions durablement prêts à consentir. Cela ne peut se faire par voie d’ordonnance ou de décret.
Or ce projet de loi permet au Gouvernement, jusqu’au 1er avril 2021, de poursuivre la prise de décret dans de nombreux domaines. Il prolonge également le régime du système d’information de cas contacts covid jusqu’au 1er avril 2021, soit cinq mois, alors que le premier texte, celui de juillet dernier, prévoyait une période transitoire de trois mois et demi. Du fait de sa longueur, cette durée est inappropriée.
Inappropriée en raison de la nature des mesures dérogatoires qui peuvent être prises. Inappropriée parce qu’elle exclut durablement le Parlement d’un débat nécessaire au sein d’une démocratie. C’est pourquoi nous sommes favorables à la proposition de notre rapporteur, votée par la commission, de raccourcir cette durée à trois mois. Ainsi, ce régime d’exception prendra fin en janvier ou, à tout le moins, ne pourra être prolongé sans débat.
De plus, vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, votre souhait de proposer un texte permettant de sortir du droit d’exception. Le plus vite sera le mieux. Une échéance à la fin janvier paraît tout à fait atteignable, voire souhaitable. Dans le pire des cas, nous prorogerons le délai en connaissance de cause et en fonction de l’inscription de ce projet de loi.
À propos de droit commun, je salue l’initiative de notre rapporteur visant à réécrire l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, ce qui permet de préciser le champ d’intervention du ministre de la santé en cas d’état d’urgence sanitaire.
Cette proposition vient consolider juridiquement ce régime de droit commun, qui était à la limite de la constitutionnalité et dont la situation sanitaire actuelle nous a montré l’utilité.
Ce texte comprend néanmoins des points positifs ! Je voudrais particulièrement souligner les apports de nos collègues de l’Assemblée nationale concernant les collectivités locales : la possibilité de réunir le conseil en dehors du lieu habituel, la limitation de l’accès au public, ainsi que les visioconférences, sont autant d’outils utiles pour garantir, à la fois, le respect des gestes barrières et la continuité de la démocratie locale.
En effet, il est préférable pour une collectivité de choisir le meilleur lieu afin de maintenir la tenue de son assemblée, gage de bon fonctionnement démocratique, tout en préservant la santé de ses conseillers.
Des conseils municipaux n’ont pu se tenir dans de bonnes conditions en septembre dernier, en raison du refus des préfectures d’autoriser le déplacement du lieu de réunion de l’organe délibérant. Des décrets permettaient de déroger à tout, mais pas à cela, ce qui semblait pourtant être une mesure de bon sens…
Si l’Assemblée nationale a apporté une touche positive à ce texte, la commission des lois a également permis de clarifier certains points. Par exemple, sur les fichiers de cas contacts de malades de la covid anonymisés, qui sont utiles pour les scientifiques dans la lutte contre l’épidémie, elle a prévu plusieurs garde-fous. Ceux-ci permettent de concilier l’intérêt médical de cet outil et le respect de la vie privée, qui ne doit pas être oublié, même en temps de crise.
Nous avons ainsi voté la « pseudonymisation » des coordonnées électroniques et téléphoniques, comme l’avait préconisé le Conseil constitutionnel le 11 mai dernier, ainsi que l’obligation de préciser, dans les décrets qui tendent à créer ces fichiers, une liste limitative de données pouvant être collectées, comme le recommande la CNIL.
Je voudrais enfin aborder un point qui n’a malheureusement pas pu être traité dans ce texte par voie d’amendement, et qui semble éloigné de notre sujet alors qu’il y est pourtant intimement lié : les plans d’occupation des sols, les POS, et plus largement la question des délais.
Lors de la loi Engagement et proximité, les POS en cours de transformation en plans locaux d’urbanisme intercommunal, ou PLUI, ont été prorogés jusqu’au 31 décembre 2020. Malheureusement, les études en cours ont été interrompues par le confinement, et 520 POS n’auront pas « fait la bascule » dans les temps.
Ce sujet – je viens de le dire – ne pouvant être traité ici et maintenant, je remercie Françoise Gatel de la proposition de loi qu’elle a déposée à ce sujet. J’espère que celle-ci pourra être rapidement adoptée.
Les POS sont une première urgence, mais il est évident que les délais prévus dans diverses dispositions, comme dans la loi Mobilités, doivent être repensés. Je pense aussi aux modalités de vote : comment imaginer ne plus voter parce que la covid a encore cours ? Combien de temps nous priverions-nous de vote ?
En conclusion, le groupe Union Centriste souhaite revenir rapidement à un État de droit sans exception et, dans sa majorité, il valide cet effort de trois mois encore. Nous voterons donc le texte issu de la commission des lois du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, que faisons-nous ici, ce soir ? Nous sommes réunis pour la quatrième fois et l’on nous demande de débattre et de délibérer sur la prorogation de l’organisation de la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Pour autant, nous ne savons plus très bien de quoi il s’agit.
Nous découvrons à l’instant que le Gouvernement a déposé il y a quelques minutes un amendement supplémentaire visant à prolonger des ordonnances prises antérieurement. Le ministre n’a pas fait état de cet amendement dans son intervention liminaire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous continuons donc de subir une forme d’improvisation.
Nous avons pourtant été depuis le début – vous le savez, monsieur le ministre – au rendez-vous de la responsabilité. Nous avons travaillé dans des conditions souvent difficiles. Malgré cela, nous ne savons pas très bien quel rôle vous voulez nous faire jouer.
Demain – le président de mon groupe l’a rappelé –, le Président de la République s’exprimera ; demain, les grandes chaînes de télévision seront mobilisées. Personne ne sait ce qu’il va annoncer.
M. Jérôme Bascher. Lui non plus ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les rumeurs les plus rudes circulent : on parle de couvre-feu, sans savoir d’ailleurs très exactement ce que recouvre réellement ce terme, d’interdiction de circuler, alors qu’un ministre nous dit qu’il faut penser à réserver pour les vacances de la Toussaint et de Noël…
M. Alain Houpert. C’est « bison futé » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le Parlement est très attaché aux libertés publiques et au débat parlementaire. Mais nous débattons d’autre chose que de ce qui aurait dû nous occuper, du sujet dont nous devrions être saisis : les mesures privatives de liberté que le Président de la République entend annoncer et imposer au pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Pourtant, monsieur le ministre – cela vous a été rappelé tant par le rapporteur que par Mme Assassi à l’instant et par d’autres collègues –, ces mesures sont déjà à votre disposition. En effet, le code de la santé publique est extrêmement bien fait : ses articles L. 3131-1 et L. 3131-13 vous donnent déjà toutes les possibilités pour agir.
D’ailleurs – rappelez-vous ! –, quand le confinement était déclaré le 17 mars dernier, la loi du 23 mars n’existait pas, et pour cause ! Le Gouvernement avait déjà en main les moyens d’instaurer un régime très rude.
En réalité, le régime qui nous est présenté aujourd’hui comme une sortie de l’état d’urgence sanitaire maintient toutes les règles permises par cet état d’urgence, à l’exception du confinement général, qui était déjà rendu possible par le code de la santé publique.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, notre désarroi. Ce soir, nous ne parlons ni de couvre-feu ni de StopCovid.
Pourtant, le Sénat a tout de même été le théâtre d’une scène très étrange : lors de son audition par la commission d’enquête, il y a quelques jours, le secrétaire d’État chargé de la transition numérique nous a montré tous les avantages de l’application StopCovid – des avantages qu’un grand nombre de Français ont d’ailleurs mesurés à leur juste valeur.
M. Max Brisson. Pas le Premier ministre…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Or nous apprenons par le Premier ministre trois jours plus tard que cette application allait être modifiée. Il n’est d’ailleurs plus question de l’appel d’offres évoqué par le passé. Une nouvelle version de StopCovid sortira le 22 octobre prochain. En avons-nous débattu ici ? Le secrétaire d’État l’a-t-il évoquée devant la commission d’enquête ? Jamais ! Le Parlement est donc « invisibilisé » par le Gouvernement.
Le débat porte aussi sur la durée de la prolongation que vous demandez, monsieur le ministre. Je vous ai écouté avec attention, mais je ne suis pas sûre d’avoir très bien compris la raison pour laquelle cette prolongation courrait jusqu’au mois d’avril prochain. Je n’imagine pas que cette durée serve, par malice, à « enjamber » les élections à venir…
Une chose est certaine : nous sommes à la fois très attentifs aux libertés publiques et très soucieux du rôle du Parlement, et nous ne voulons pas d’une prolongation aussi longue. C’est la raison pour laquelle les représentants de mon groupe qui sont membres de la commission des lois ont voté la proposition du rapporteur de limiter la prolongation à la fin du mois de janvier prochain.
Deux autres points ont attiré notre attention.
Il s’agit, premièrement, de la fourniture de matériels de protection pour les personnes en situation de détention. Nous le savons – nous sommes tous ici masqués –, le port du masque est obligatoire dans la rue, dans les endroits publics clos, sur les lieux de travail, mais pas en prison.
Un tribunal administratif a relevé que cette situation était étrange et que le centre pénitentiaire devait fournir des masques aux prisonniers. Le Conseil d’État a cependant annulé ce jugement. À l’heure actuelle, le masque n’est donc pas obligatoire en prison. Ironie cruelle, la prison concernée est depuis hier considérée par l’ARS comme un probable cluster, puisque plusieurs détenus et gardiens sont malades. J’interroge donc le représentant du Gouvernement : entend-il mettre un terme à cette situation qui n’a aucun sens ?
Il s’agit, deuxièmement, de la question du vote par correspondance. Le rapporteur, le président Bas, a sans doute voulu préserver la modestie bien connue des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (Sourires.), en omettant de rappeler que c’est sur l’initiative de notre groupe que ces dispositions ont été proposées par amendement pour le texte dont nous discutons ce soir.
Ce fut un grand bonheur, car le fait est rare, que la commission des lois et son rapporteur soient convaincus de l’intérêt de ces dispositions, qui nous permettront, lors des prochaines élections, de ne pas nous retrouver dans les difficultés que nous avons connues au moment des élections municipales. Armée de courage, la commission des lois a donc travaillé et délibéré sur un dispositif – nous nous en réjouissons –, auquel le rapporteur a apporté sa contribution précieuse.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, après l’ensemble de ces observations, le groupe socialiste, qui a toujours largement contribué à répondre aux difficultés nées de la situation sanitaire, reste, comme nous tous, et même davantage encore, attentif aux libertés publiques et au rôle du Parlement.
C’est la raison pour laquelle nous approuvons la limitation de la durée de prolongation et avons proposé un certain nombre de dispositions complémentaires. À ce stade, nous avons décidé de nous abstenir sur l’ensemble de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’état d’urgence voté par le Parlement a entraîné une restriction jamais vue de nos libertés publiques et individuelles. Les Français ont accepté d’être mis en quarantaine, d’être « trackés » par une application gouvernementale, de voir leur entreprise couler, d’être mis au chômage, de porter partout et tout le temps un masque, pour la santé de tous.
L’état d’urgence est un droit d’exception. Votre régime transitoire est un état d’urgence déguisé. Personne n’est dupe ! Aussi, comme j’avais refusé la prolongation des restrictions de libertés jusqu’au 30 octobre, je la refuse encore plus fortement jusqu’au 1er avril prochain. Le coup de force doit cesser !
Pour la part qui m’incombe directement, je le dis solennellement ici : les hôpitaux à Marseille n’ont jamais été saturés. Pourtant, hier, sur vos instructions, monsieur le ministre, la préfecture des Bouches-du-Rhône a décidé de garder les bars fermés deux semaines de plus à Aix-en-Provence et à Marseille.
Depuis mars dernier, le ministre de la santé n’a rien fait pour les hôpitaux ni même pour les soignants. Des lits, des postes, du matériel ? Rien ! Aucun investissement immédiat, qui s’imposait pourtant, n’a été consenti. Aucun enseignement n’a été tiré de la première vague de covid de mars dernier.
Le ministre de « la santé » porte bien mal son nom : il est en réalité le ministre du confinement et de la restriction des libertés, de la fermeture des bars et des restaurants, de la destruction de la restauration et des centaines de milliers d’emplois de cette filière.
Monsieur le ministre, vous avez fait fermer les restaurants marseillais et aixois pour quinze jours, avant de les rouvrir sept jours plus tard. Peut-être que, demain, le Président de la République, davantage en père Fouettard qu’en père de la Nation, annoncera de nouvelles fermetures, de nouveaux interdits et de nouvelles restrictions de nos libertés.
Plus personne n’y comprend rien, plus personne ne croit en vous, ni même en votre capacité à décider. Vous imposez, vous décidez seul, enfermé dans votre tour d’ivoire, sans jamais consulter les élus locaux et les entrepreneurs. Ne vous étonnez pas, monsieur le ministre, que certains se rebellent contre vos décisions iniques !
Nous traversons une période historique, et vous allez marquer l’histoire : vous êtes sans doute le plus incohérent et irresponsable ministre de la santé de la Ve République. Pourtant, vous aviez de sérieux concurrents…
La relance économique passera non pas par les ordonnances et les interdits à tout-va, mais par le retour à l’état de droit et des résolutions garantissant les libertés individuelles et économiques. Pour qu’il y ait relance, il faut qu’il y ait de la confiance. Or, comme des millions de Français, je ne vous fais plus confiance, monsieur le ministre !
Mes chers collègues, puisque nous sommes la Haute Assemblée, soyons à la hauteur ! Nous devons être capables, ce soir, de marquer notre opposition à ce projet de loi. Ne dites pas oui à un gouvernement à la dérive et en pleine dérive autoritaire. Soyons une assemblée non pas bâillonnée, mais courageuse, responsable et garante de la liberté !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
M. Alain Marc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis maintenant de nombreux mois, nous sommes confrontés à une situation inédite et anxiogène, à la fois parce que les informations sont souvent contradictoires et, surtout, parce que des dizaines de milliers de nos concitoyens ont été touchés ou le sont encore, tandis que plus de 32 000 personnes sont décédées.
Malheureusement, le virus est toujours présent, comme en témoignent les indicateurs de suivi épidémiologique, qui ne sont pas bons dans de nombreux territoires. Cette épidémie n’est pas derrière nous. Le virus circule toujours, parfois de manière très active. Entre le début du mois de juillet et la fin du mois d’août, le nombre des hospitalisations liées au coronavirus et le nombre des personnes en réanimation à cause de la covid ont plus que doublé.
La loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire a instauré un régime transitoire, applicable jusqu’au 30 octobre prochain. Ce changement de régime juridique a permis de poursuivre la reprise des activités et le rétablissement du droit commun, tout en conservant la faculté de prescrire des mesures visant à prévenir et, le cas échéant, à maîtriser au mieux une dégradation de la situation sanitaire.
Néanmoins, la reprise généralisée des activités amplifie la recrudescence des cas d’infection au covid-19, et cela risque de se poursuivre dans les prochaines semaines.
Dans ces conditions, une interruption soudaine des mesures sanitaires au 30 octobre ferait courir le risque de laisser se reproduire la catastrophe sanitaire que nous avons connue en mars dernier et qui a contraint à instituer l’état d’urgence sanitaire.
Le Gouvernement estime indispensable de conserver, dans les prochains mois, des facultés d’intervention suffisantes pour assurer la continuité de la gestion de crise et prévenir une dégradation de la situation.
Dans son avis du 12 septembre dernier, et au regard de l’évolution actuelle et prévisible de l’épidémie au cours des prochains mois, le conseil scientifique a également jugé indispensable de proroger le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire pour une période de cinq mois.
À cette fin, le projet de loi initial prévoit de proroger la période de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril 2021. Toutefois, je me félicite de ce que, lors de l’examen en commission, cette date ait été considérée trop lointaine et que la commission ait ramené la durée de prolongation de cinq à trois mois.
En effet, compte tenu tant de la nature et de l’intensité des mesures de restrictions susceptibles d’être prescrites que de l’évolution rapide de la situation sanitaire, l’intervention régulière du législateur s’impose, afin de lui permettre de s’assurer de la nécessité et de la proportionnalité des prérogatives confiées à l’exécutif. Prendre garde à trouver un juste équilibre entre restriction et protection de nos libertés, entre protection de nos concitoyens et protection de nos libertés publiques et de nos valeurs républicaines, apparaît primordial !
Avant de conclure, je voudrais à cette tribune avoir une pensée pour les nombreuses familles qui ont connu un deuil ou qui, en ce moment même, s’inquiètent pour l’un des leurs.
Je pense aussi à tous les soignants et aux personnels de toutes catégories qui sont en première, en deuxième ou en troisième ligne, qui l’ont été, qui le sont de nouveau et qui, hélas, le seront encore si nous ne faisons rien.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, soucieux de concilier la nécessité de faire face à la pandémie qui nous frappe et le respect des libertés individuelles et publiques, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte, modifié et enrichi en commission. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux ce soir par la discussion d’un projet de loi dont l’intitulé comprend des termes devenus éminemment et tristement familiers, y compris pour les nouveaux collègues qui nous ont rejoints il y a peu, et que je salue. En effet, il est question du régime transitoire de sortie de l’urgence sanitaire et, par son biais, de la réponse publique à l’épidémie.
Ce régime transitoire, qui prenait la succession de la période si particulière de l’état d’urgence sanitaire, nous en avions discuté aux mois de juin et de juillet dernier. Nous n’avions à l’époque pas obtenu d’accord avec l’Assemblée nationale, alors que nous ne rejetions pas l’idée même d’un régime transitoire. En effet, il s’agit d’un dispositif dérogatoire du droit commun dans lequel le pouvoir exécutif conserve des prérogatives substantielles de nature à limiter certaines libertés.
Au regard de la situation sanitaire en juin et juillet derniers, alors en nette amélioration, l’ampleur des prérogatives dérogatoires ne nous avait pas semblé de nature à effectuer le bon arbitrage entre les exigences parfois contradictoires que sont l’impératif de protection de la santé publique et la garantie des libertés individuelles.
Cependant, nous avons malheureusement assisté depuis la fin de l’été à une dégradation plus ou moins continue de la situation sanitaire et à un rebond de l’épidémie de coronavirus. Signe de ce regain, 74 départements ont été placés sur la liste des zones de circulation active du virus.
C’est dans ces conditions que le Gouvernement a demandé à la représentation nationale de voter la prorogation jusqu’au 1er avril 2021 du régime transitoire, afin de pouvoir poursuivre la mise en œuvre des mesures et restrictions actuelles. Dans la foulée de cet allongement, l’exécutif a également sollicité une prolongation identique des dispositions créant le fameux système d’information dédié à la lutte contre le covid-19.
Notre commission s’est immédiatement saisie du sujet dès le commencement de ses travaux, et a reconnu les nécessités liées à l’évolution de la situation sanitaire.
Dans ces conditions, le régime transitoire semble plus à même de concilier les exigences de la santé publique et des libertés individuelles. Nous avons donc souscrit au principe de sa prorogation et de celle du système d’information, mais avec quelques ajustements.
Comme le rapporteur a pu le souligner, notre position a été différente sur la durée à donner de cette prorogation. Le Gouvernement suggérait que celle-ci aille jusqu’au 1er avril 2021, soit un allongement de près de cinq mois du dispositif. Cette mesure simplifierait certes la vie de l’exécutif, mais elle serait également de nature à limiter l’intervention régulière du législateur.
Or, quand il est question de libertés publiques, de données médicales et de la politique de la Nation face au péril de cette épidémie, nous considérons que faire l’économie de l’intervention de la représentation nationale n’est pas souhaitable. C’est donc à juste titre que notre rapporteur, le président Bas, a proposé de ramener à trois mois ce prolongement, qui durerait donc jusqu’au 31 janvier prochain. Cette position est d’ailleurs proche de celle exprimée par nos collègues députés du groupe Les Républicains.
En plus de ce choix raisonnable, le texte voté par la commission comprend aussi des aménagements et des améliorations des autres dispositions du projet de loi.
Ainsi, nous ne pouvons que nous montrer sensibles à la volonté de prolonger les dispositifs permettant d’adapter le fonctionnement des collectivités territoriales à cette période difficile.
Nos élus locaux ont montré tout au long de la crise leur réactivité, leur disponibilité et leur inventivité : il faut continuer à leur faire confiance. Faisons donc le pari de la souplesse à leur égard.
D’autres améliorations portent par exemple sur le système d’information, avec la sécurisation juridique de l’action des centres communaux d’action sociale, les CCAS, durant la période de l’épidémie, ou encore la reprise des préconisations de la CNIL concernant la fixation d’une liste limitative des types de données pouvant être collectées à des fins de recherche épidémiologique.
Enfin, le texte de la commission contient aussi un ajout significatif, qui reprend à l’identique une mesure déjà votée par le Sénat durant son examen de la loi du 9 juillet 2020.
Il s’agit de la clarification du régime de droit commun de la réponse aux situations sanitaires graves de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Ces dispositions demeurent trop vagues dans le texte actuel de la loi, ce qui requiert une consolidation, comme l’a d’ailleurs justement identifié le Conseil d’État. Nous espérons que la nouvelle rédaction pourra cette fois prospérer.
Face au rebond de l’épidémie, le texte ainsi amendé offre un équilibre plus satisfaisant, qui, je l’espère, pourra être conservé en commission mixte paritaire. Il est peut-être malheureux que le régime transitoire dure plus longtemps que l’état d’urgence sanitaire proprement dit, mais les outils qu’il offre, ainsi aménagés, semblent appropriés aux exigences de l’heure.
Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera le projet de loi dans sa version modifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pris note de l’ensemble des interventions de la discussion générale. Les débats vont maintenant pouvoir s’ouvrir sur les dispositions du texte.
Si j’ai bien compris, vous êtes partagés entre une majorité qui est prête à voter la prolongation des mesures – je l’en remercie –, tout en cherchant à en réduire la durée, et une minorité opposée au maintien des dispositifs en l’état.
Nous aurons l’occasion d’en discuter amendement par amendement, mais j’insiste sur l’importance de maintenir les dispositifs qui ont actuellement cours et sans lesquels nous serions bien désarmés dans la lutte contre le virus.
Ne pas voter la prorogation de ce texte, ce serait décider de ne pas prolonger des outils numériques indispensables : il n’y aurait plus de contact tracing ni de recherche épidémiologique dans notre pays… De très nombreux dispositifs s’arrêteraient. La prolongation de ces mesures est donc vitale dans la période que nous connaissons.
Madame de La Gontrie, vous m’avez interpellé sur mon intervention en ouverture de la discussion générale : j’ai pourtant anticipé le débat en évoquant l’amendement qui tend à proroger un certain nombre d’ordonnances.
J’ai indiqué qu’il s’agissait de répondre à la demande des sénateurs, qui avaient déposé plusieurs amendements en ce sens en commission. J’ai également annoncé que, après en avoir discuté avec le rapporteur, nous étions prêts à faire évoluer le texte. Je crois donc avoir consacré près de 20 % de mon intervention à cet amendement… Mais maintenant, place au débat sur les articles !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire
Article 1er
I. – Au premier alinéa du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, la date : « 30 octobre 2020 » est remplacée par la date : « 31 janvier 2021 ».
II. – (Non modifié) Les dispositions du I du présent article s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la République.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, sur l’article.
M. Jérôme Bascher. Mes chers collègues, nous voilà face à un véritable dilemme cornélien !
Ce projet de loi est sans aucun doute une mauvaise répétition des textes précédents : on prolonge de trois mois en trois mois des dispositions suffisamment exceptionnelles pour que le Parlement ne vous autorise pas, monsieur le ministre, à disposer de davantage de temps pour prendre ces mesures qu’on peut qualifier de liberticides. Oui, elles sont liberticides, mais, en face, il y a la santé de nos concitoyens ! Nous sommes donc prêts à en payer le prix.
Alors que ces mesures sont exceptionnelles, le Gouvernement, lui, ne l’est pas. Il n’est pas à la hauteur de l’enjeu, alors que, pendant l’été, il avait largement le temps de préparer et d’expliquer de façon claire les mesures qui pourraient être prises en fonction du niveau d’alerte – préconfinements, fermetures, etc.
Nous voilà une fois encore suspendus – nous, parlementaires – aux dires du Président de la République, qui s’exprimera demain. Vous allez nous raconter ce soir une histoire que le Président de la République balaiera peut-être demain par ses annonces. Des élections seront-elles repoussées – après tout, il ne s’agit de rien de moins que de la démocratie… – ou, par fantaisie, Noël sera-t-il reporté à Pâques ? (M. le ministre s’exclame.)
Monsieur le ministre, nous sommes confrontés à un véritable dilemme. Ces mesures sont nécessaires, mais, depuis plusieurs mois, vous n’êtes pas à la hauteur de l’enjeu ! J’ai confiance dans ces mesures – elles ont montré leur efficacité pour ralentir la propagation de ce virus qui nous paralyse tous –, mais je n’ai confiance ni dans le Gouvernement ni dans le Président de la République pour endiguer cette épidémie.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 14 rectifié est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 21 est présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 1.
Mme Éliane Assassi. Je serai rapide, puisque je viens d’intervenir en discussion générale. Par cohérence avec mes propos, que je maintiens évidemment, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 21.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements, pour la simple raison qu’elle souhaite que le régime issu de la loi dite « de sortie de l’état d’urgence » soit prolongé, et ce pour trois mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 14 rectifié et 21.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier 2021
par la date :
1er avril 2021
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. J’insiste sur un point : il serait logique et cohérent de ne pas mettre fin aux dispositifs actuels au 31 janvier prochain, puisque nous serons amenés, dans le même temps, à vous soumettre un texte inscrivant des mesures pérennes dans le dur de la loi, conformément à la demande des sénateurs.
Ainsi, au même moment, s’entrechoqueraient ou se croiseraient deux textes traitant du même sujet de deux manières différentes. Cela ne me semblerait pas être « à la hauteur » des enjeux, pour reprendre les mots agréables du sénateur Bascher, que je remercie de sa confiance ; je crois que nous en avons tous besoin en ce moment… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Les Français ne vous font pas confiance !
M. Olivier Véran, ministre. Par conséquent, je vous propose, au travers de cet amendement, de rétablir la date du 1er avril 2021 comme date de fin d’application de ces mesures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me permets de vous le signaler, monsieur le ministre, nous n’avons jamais demandé au Gouvernement de nous présenter un projet de loi pérennisant ces mesures…
M. Philippe Bas, rapporteur. Mais non ! Je sais tout de même ce que nous avons fait, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Nous avons fait exactement le contraire. La loi du 23 mars dernier visait, dans sa version initiale, à mettre en place un régime d’état d’urgence sanitaire conçu à partir du modèle de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, et, justement, nous nous y sommes opposés ! Nous voulions un système temporaire, et non ajouter un régime d’exception à ce qui existe déjà.
C’est la raison pour laquelle la loi sur l’état d’urgence sanitaire ne dure qu’un an. Par conséquent, nous sommes parfaitement cohérents avec nous-mêmes.
Cela ne signifie d’ailleurs nullement que nous n’examinerons pas avec beaucoup d’attention le texte en question, que vous n’avez pas encore préparé et dont nous ne connaissons pas le contenu ; je suppose du reste que vous ne le connaissez pas non plus, sans quoi vous nous en auriez parlé…
Si vous pensez que présenter un hypothétique projet de loi au mois de janvier prochain vous empêche simultanément de prolonger le régime actuel, c’est parce que, je crois, vous n’avez pas en mémoire tout ce que le Parlement peut faire pour être agréable au Gouvernement, quand il s’agit de l’intérêt national.
Lorsque nous discutons de réformes structurelles, il ne nous est pas interdit d’adopter des mesures conjoncturelles ; nous avons même l’habitude de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, la première occurrence des mots : « ou » et : « interdire » est supprimée.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne sommes pas en état d’urgence, donc la liberté doit être la règle et l’interdiction l’exception !
Par conséquent, nous souhaitons que soit supprimée la possibilité, pour le Premier ministre, d’interdire la circulation des personnes et des véhicules, tout en conservant la possibilité d’une réglementation. C’est bien l’état d’esprit d’une sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous considérons que nous vivons une période qui pourrait justifier des mesures restreignant la liberté de circulation des personnes et allant même jusqu’à certaines interdictions.
Cela ne justifie toutefois pas toute mesure de la part des autorités sanitaires. Si des mesures prises étaient jugées disproportionnées par la juridiction administrative, elles seraient bien évidemment annulées.
Bien sûr, le Gouvernement aura, si cet amendement est rejeté, un certain nombre de pouvoirs exceptionnels, mais il ne pourra les utiliser que conformément à la légalité.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 23, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa du 2° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire est supprimé.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il s’agit là encore de limiter la possibilité, pour le Premier ministre, d’ordonner la fermeture d’un certain nombre de lieux accueillant du public.
Le dépôt de plusieurs amendements à ce sujet montre que le sujet est important. Interdire n’est pas justifié dans l’état dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui – ou alors passons directement à l’état d’urgence sanitaire.
Nous le voyons – ce sera très bien défendu, dans quelques instants, par les collègues auteurs des autres amendements en discussion commune –, nombre de gérants d’établissements souhaitent, et parfois obtiennent dans la difficulté, un accès réglementé, une fréquentation organisée.
Par conséquent, non à la fermeture, mais oui à la réglementation !
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié quater est présenté par M. Babary, Mme Primas, MM. Bouloux, Saury et Daubresse, Mme Noël, MM. de Nicolaÿ, Mouiller, Sol et Paccaud, Mmes Thomas, Chain-Larché et Deromedi, MM. Perrin et Rietmann, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Meurant, Boré, Savary, Piednoir et Mandelli, Mmes Gruny et Dumont, M. Lefèvre, Mme F. Gerbaud, MM. B. Fournier, Bouchet et Duplomb, Mme Belrhiti, MM. Laménie et Segouin, Mme Lherbier, M. Chaize, Mme Micouleau et M. Cuypers.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par M. Brisson, Mmes Chauvin et Borchio Fontimp, MM. Daubresse, Sol et Meurant, Mmes Puissat et Noël, M. Grosperrin, Mme Gruny, M. Le Gleut, Mmes Lassarade et Joseph, MM. J.M. Boyer, Bonnus et Burgoa, Mme Dumont, MM. Lefèvre, Bouchet, D. Laurent, Courtial, Vogel, C. Vial, Bonhomme, Savary et J.B. Blanc, Mme Dumas, MM. Mouiller, Belin et Regnard, Mme Imbert, MM. Husson, Hugonet, de Nicolaÿ et Duplomb et Mme M. Jourda.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements fermés en application de l’alinéa précédent peuvent demander au représentant de l’État dans le département de rouvrir provisoirement suivant les dispositions générales communes et les dispositions particulières d’un établissement d’un autre type, sans que cette réouverture ne modifie leur classement initial. »
La parole est à M. Serge Babary, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié quater.
M. Serge Babary. Je veux évoquer la situation des établissements recevant du public, ou ERP, de type P, salles de danse et salles de jeux, fermés administrativement depuis le 14 mars dernier.
Ces établissements subissent une perte financière sèche exceptionnelle et certains d’entre eux ne seront pas en mesure de rouvrir. Bien qu’ils aient proposé un protocole sanitaire contraignant, ces établissements n’ont pas été autorisés à rouvrir. Il faut aujourd’hui leur permettre de reprendre une activité économique en toute sécurité.
Le présent amendement tend donc à proposer que les ERP faisant toujours l’objet d’une fermeture administrative en raison de leur catégorie, parce que leur activité ne pourrait « garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus », puissent, sur leur demande, y substituer d’autres activités, proposées par des catégories proches d’ERP et dans le respect d’un protocole sanitaire jugé suffisant par l’administration.
Dans une telle hypothèse, les gérants devraient demander au préfet de département l’autorisation de substituer provisoirement à leur activité initiale une activité relevant d’une autre catégorie d’ERP, sans perdre le bénéfice de leur autorisation initiale. Une salle de danse pourrait ainsi envisager de se reconvertir en bar, restaurant, location de salle ou encore salle d’exposition, le temps de sa fermeture administrative.
En l’absence de perspectives de réouverture, il s’agit ainsi d’être aujourd’hui force de proposition, afin de permettre à ces établissements de survivre à la crise sanitaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
M. Max Brisson. En complément de ce que vient de dire le président de la délégation sénatoriale aux entreprises, je souhaite ajouter quelques éléments, bien que mon amendement soit identique.
Je mesure bien que, au moment où l’on évoque un couvre-feu, sans que l’on sache vraiment de quoi il retourne, et alors que nous sommes suspendus à la parole présidentielle à venir, la demande formulée au travers de cet amendement puisse sembler en décalage par rapport au discours ambiant.
Néanmoins, M. Babary l’a dit, je suis convaincu qu’il nous faut apprendre à vivre avec cette situation sanitaire, donc trouver des solutions pour ne pas détruire des entreprises en danger, pour leur permettre de s’adapter. La fermeture administrative, depuis le 14 mars dernier, donc depuis sept mois, des ERP de type P – discothèques, établissements de nuit – a entraîné pour ces établissements de graves difficultés.
Ces entreprises ont proposé, de longue date, un protocole sanitaire contraignant, mais celui-ci n’a jamais été examiné. A contrario, les activités qu’ils proposent habituellement, en leurs murs, avec professionnalisme, s’exercent – on l’a bien vu, en particulier cet été – de manière sauvage, dans la nature, en dehors de tout encadrement professionnel, ce qui participe pleinement à la propagation du virus.
Ces amendements visent donc à proposer que les ERP fermés en raison de leur catégorie, parce que leur activité ne pourrait « garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus » sans protocole sanitaire strict, puissent proposer d’autres types d’activités exercées par des catégories d’ERP proches, dont les garanties semblent suffisamment solides. Cette réouverture ne modifierait pas leur classement initial.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié ter, présenté par MM. Savin, Piednoir, Kern, Paccaud, Daubresse et Le Gleut, Mmes Puissat et Gatel, MM. Laugier et Wattebled, Mme N. Delattre, MM. Regnard, Levi, Brisson et D. Laurent, Mme Joseph, M. Vogel, Mmes Lassarade et de Cidrac, MM. Rietmann, Perrin et Bazin, Mmes Dumont, Lavarde, L. Darcos et M. Mercier, M. Canevet, Mmes Gruny, Berthet, Dumas et Paoli-Gagin, MM. Lefèvre, Sido et Gremillet, Mme Di Folco, M. Détraigne, Mmes F. Gerbaud et Billon et MM. Husson, B. Fournier, Bouchet, Chasseing, C. Vial, Sautarel, Duplomb, Longeot et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements recevant du public fermés en application du présent 2° peuvent demander au représentant de l’État dans le département de rouvrir après examen de leur protocole sanitaire, notamment pour l’accueil d’activités physiques pour les personnes munies d’une prescription médicale. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Je vous propose, au travers de cet amendement, que le préfet puisse autoriser, après examen du protocole sanitaire, la réouverture d’établissements actuellement fermés pour les activités physiques des personnes munies d’une prescription médicale de sport.
En effet, il paraît important que les salles de sport et les équipements sportifs puissent, dans certains cas, rouvrir. Les exploitants de ces salles ont énormément travaillé sur des protocoles sanitaires drastiques, validés par le ministère de la santé, mais il leur est désormais interdit d’ouvrir, sans même que leur situation soit considérée.
Tout le monde s’est félicité, durant le confinement, de l’attrait des activités sportives ; et le Gouvernement a encouragé ces dernières dans ses discours. Or, aujourd’hui, tout un pan de notre vie sociale est mis à l’arrêt.
Par ailleurs, force est de constater que, sur certains territoires, nous arrivons à des situations ubuesques. Par exemple, les salles de sport et autres équipements sportifs de plusieurs métropoles sont fermés, mais de semblables structures, situées à moins de trois kilomètres de ces métropoles, sont ouvertes, ce qui crée un important appel d’air et cause potentiellement le déplacement du virus.
Enfin, des personnes disposant de prescriptions médicales de sport ne sont plus en mesure d’accéder à leurs soins. Cela peut avoir d’importantes répercussions sur la santé de ces patients.
Plusieurs associations se sont élevées contre cette situation. Par conséquent, soumettre une possible réouverture à l’examen approfondi des protocoles sanitaires envisagés me paraît tout à fait souhaitable pour ce public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ce bouquet d’amendements exhale un parfum envoûtant (Sourires.), et il aura fallu beaucoup de courage à la commission pour émettre à leur sujet un avis défavorable (M. Laurent Duplomb s’exclame.), car nous comprenons évidemment ce qui les motive.
M. Serge Babary. Bien sûr !
M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement n° 23, de Mme de La Gontrie et de certains de ses collègues, vise à supprimer complètement la possibilité, pour les autorités sanitaires, de procéder à la fermeture de certaines catégories d’établissements. Il est vrai que, au mois de juillet dernier, nous nous étions opposés à cette disposition, qui figurait dans la loi que nous n’avions pas adoptée.
M. Philippe Bas, rapporteur. Oui, mais nous étions, à cette époque, dans une période où l’épidémie paraissait jugulée ; il nous paraissait donc excessif de vouloir procéder par interdiction. La situation est aujourd’hui tout autre, il faut le reconnaître. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement n° 23.
Les dispositions de l’amendement n° 5 rectifié quater de notre collègue Serge Babary, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, montrent la proximité de celui-ci avec le monde économique.
Néanmoins, il nous semble véritablement que, avec soixante-quatorze départements classés en zone orange, il y aurait tout de même un certain risque à adopter les mesures que vous proposez, cher collègue, et cela pour une raison très simple : les restaurants doivent respecter un certain nombre de réglementations – la sécurité incendie, le renouvellement de l’air, etc. Par conséquent, ne devient pas restaurant, même temporairement, qui veut. Cela présente également des risques. Exercer, parce que l’on a une salle de danse, une activité de restaurateur, dans un contexte où cette activité est d’ailleurs fortement contrainte, n’est pas si simple.
Nous n’avons donc pas souhaité, là encore, vous suivre, et je vous demande de le comprendre. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement identique n° 7 de M. Brisson.
Enfin, je comprends aussi votre préoccupation pour les salles de sport, cher collègue Michel Savin, mais je ne suis pas certain que votre amendement soit de nature à résoudre les problèmes de ces établissements. En revanche, je crains qu’il ne tende à recréer des situations de promiscuité pouvant présenter un risque sanitaire.
Il faut savoir ce que nous préférons ! Le traitement de toutes les difficultés économiques provoquées par les mesures qui restreignent l’exercice de la liberté du commerce et de l’industrie doit se faire au travers des mesures de prêt gratuit ou de suppressions de charges, qui sont absolument indispensables pour passer ce cap. Dans une situation d’aggravation de la crise sanitaire, nous devons être raisonnables.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je ne puis imaginer que le rapporteur n’ait pas lu avec attention les amendements de nos collègues !
Il s’agit de demander au représentant de l’État dans le département de permettre la réouverture provisoire d’un certain nombre de lieux. Il ne s’agit donc absolument pas de l’hypothèse dans laquelle tout pourrait rouvrir et rien ne pourrait être fermé. Cette nuance est importante.
Aussi, pour sa part, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ces amendements. Nous pensons que nous devons faire confiance aux préfets, qui sauront distinguer les modalités selon lesquelles ces lieux peuvent être ouverts.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. J’entends bien les propos de notre rapporteur, mais je veux préciser quelques points.
Tout d’abord, la situation n’est pas la même sur l’ensemble du territoire.
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Michel Savin. Il est donc bon que l’on puisse traiter les situations au cas par cas.
En outre, c’est vrai, au travers de notre amendement, nous demandons au préfet de prendre les dispositions pour contrôler la situation.
Or, je puis vous l’affirmer, les professionnels qui tiennent ces salles de sport et les collectivités qui ont la responsabilité des équipements sportifs, gymnases et piscines ont pris toutes les dispositions nécessaires pour accueillir correctement le public.
Encore une fois, ce n’est pas qu’un problème économique ; c’est aussi un problème de santé publique. Les Français sont encouragés à pratiquer les activités physiques et sportives pour avoir une bonne santé ; on l’a prôné pendant toute la période du confinement.
Or, aujourd’hui, lorsque l’on rencontre des associations proposant de l’activité physique aux patients qui ont été opérés d’un cancer, du cœur ou encore de l’obésité, ces structures nous disent ne plus pouvoir accéder aux équipements et ne pas avoir vu leurs patients depuis trois semaines. La seule réponse que l’on peut leur apporter consiste à dire que tout est fermé, y compris pour ces quelques patients.
Encore une fois, faisons confiance tant aux collectivités qu’aux préfets, qui représentent l’État, mais aussi aux professionnels, qui font les choses très correctement et qui prennent toutes les dispositions nécessaires ; responsabilisons-les un peu. On voit d’ailleurs des lieux qui brassent bien plus de personnes que les salles de sport. (M. Laurent Duplomb applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je souhaite réagir aux propos de notre rapporteur.
Il s’agit de sauver des entreprises qui sont indispensables dans les grandes métropoles, mais aussi dans les stations balnéaires et les communes touristiques, avec des professionnels qui encadrent le monde de la nuit.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la proximité de M. Serge Babary avec les entreprises, mais vous pourriez parler de ma proximité avec le monde de la nuit… (Sourires.)
M. Philippe Bas, rapporteur. J’allais le faire ! (Nouveaux sourires.)
M. Max Brisson. Cela dit, il s’agit de professionnels dont nous avons besoin pour encadrer des jeunes qui ont envie de faire la fête. Or ces entreprises vont disparaître, et les effets de cette disparition pour la vie sociale et l’ordre public se produiront dans la durée.
Par ailleurs, cela a été dit, tant l’amendement de M. Babary que le mien tendent à prévoir une étude au cas par cas. J’en suis désolé, cher monsieur le rapporteur, certaines discothèques et certains établissements de nuit ont parfaitement les capacités et les moyens d’être transformés en restaurants. Seul leur classement les empêche, aujourd’hui, d’exercer une activité qui existe à côté. Par conséquent, comprenez leur incompréhension de voir des concentrations de jeunes dans des restaurants et de ne pas pouvoir faire la même chose.
Aussi, ce qui est demandé ici, c’est que, au cas par cas, le préfet puisse autoriser des activités comparables à d’autres activités de proximité qui semblent pouvoir être tolérées.
Je l’ai bien compris, nous ne sommes pas dans la situation du mois de juillet. Mais un certain nombre de rassemblements qui se sont produits sans être encadrés par des professionnels peuvent aussi contribuer à expliquer la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. Je soutiens tout à fait les présents amendements, monsieur le ministre, parce que l’ouverture tant des discothèques que des salles de sport me paraît indispensable. En effet, lorsque l’on voit, d’un côté, la population massée dans le métro le matin,…
M. Michel Savin. Absolument !
M. Jean-Marc Boyer. … et, de l’autre, les salles de sport et les discothèques qui sont fermées, on se dit qu’il y a tout de même un problème de logique dans la stratégie demandée à l’ensemble de la population française.
J’ignore si vous le savez, mais freiner le contact entre les individus, leur interdire de se serrer la main et de s’embrasser pose problème, car ces relations contribuent à la production d’une hormone, la sérotonine. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Lorsque l’on bloque ce fonctionnement, cela entraîne la frustration des individus et fait naître des situations anxiogènes. De là nécessairement des comportements d’agressivité, qui sont tout à fait négatifs et perturbateurs pour le fonctionnement de la société.
Si l’on ne permet pas le développement et l’extériorisation de ces sentiments, on se dirigera vers des situations bien plus anxiogènes encore, et le remède sera pire que le mal.
Par conséquent, nous devons essayer, je pense, de trouver une solution encadrée par des règles sanitaires, tant dans les discothèques que dans les salles de sport, afin d’éviter aux jeunes de se réunir dans des cercles ou des appartements privés, où il se fait n’importe quoi.
Mes chers collègues, il est important de soutenir ces amendements déposés pour le bien-être de tous.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. C’est avec beaucoup d’amitié que je veux vous lire cette citation, monsieur le rapporteur : « Cet État se veut si bienveillant envers ses citoyens qu’il entend se substituer à eux dans l’organisation de leur propre vie. Ira-t-il jusqu’à les empêcher de vivre pour mieux les protéger d’eux-mêmes ? Le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer lui. » Cette citation n’est pas de moi, elle est de Tocqueville.
M. Philippe Bas, rapporteur. Ah !
M. Laurent Duplomb. Or j’ai véritablement l’impression qu’elle s’applique aujourd’hui comme en 1838.
Ainsi, ces amendements, qui sont pragmatiques et de bon sens, tendent à laisser la possibilité aux préfets, comme l’a dit Mme de La Gontrie, d’avoir une action de terrain au vu de ce qui se passe.
Considérons le territoire dont je suis élu, la Haute-Loire, où il n’y a jamais eu plus de trois cas simultanés de coronavirus en réanimation, dans tous les hôpitaux du département. Est-ce que, dans les départements de ce type, on ne peut pas lâcher la bride, plutôt que de vouloir appliquer, d’une façon totalement technocratique, toutes les mesures partout de la même façon, de manière totalement irréfléchie ?
Comme l’a dit Michel Savin, cela mènera à des privations de liberté qui, à un moment ou à un autre, auront des conséquences.
Par conséquent, revenez sur cet avis, monsieur le rapporteur. Laissez-nous adopter ces amendements ; je pense que le Sénat en sortira grandi. (M. Jean Bacci applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary, pour explication de vote.
M. Serge Babary. On ne peut pas répondre sèchement et définitivement par la négative à des chefs d’entreprise qui veulent simplement exister !
Si l’on ne fait rien, la plupart de ces établissements devront fermer dans les prochains mois. Par conséquent, leur proposer un changement de catégorie d’ERP, les faire migrer de leur activité, qui subit une fermeture administrative, vers une activité qui fonctionne, sur le fondement d’une décision préfectorale, ne devrait pas poser de problème particulier, puisqu’ils resteraient dans le cadre de la réglementation qui s’applique aux autres ERP.
Tel est le sens de mon amendement, auquel il faut répondre plus favorablement qu’en claquant la porte à ces personnes, qui cherchent désespérément à sauver leur entreprise.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er, et les amendements identiques nos 5 rectifié quater et 7 rectifié ainsi que l’amendement n° 17 rectifié ter n’ont plus d’objet.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute prorogation ultérieure du régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire est subordonnée à la présentation par le Gouvernement d’un rapport au Parlement établissant l’impérieuse nécessité d’une telle mesure. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Depuis le début de l’épidémie, en mars dernier, nous n’avons eu de cesse que de dénoncer l’attitude du Gouvernement à l’égard du Parlement.
Légiférant systématiquement selon la procédure accélérée, par décrets et par ordonnances, l’exécutif ne laisse que peu de place au législateur dans la gestion de la crise sanitaire. Souhaitant agir avec célérité, il balaie toute velléité de concertation parlementaire, faisant du débat démocratique une variable d’ajustement. Combien de temps encore écartera-t-on les élus des territoires des décisions prises afin d’endiguer la circulation du virus ?
Alors que les foyers épidémiques apparaissent localement, il est primordial que les représentants de la Nation et des territoires, députés comme sénateurs, soient davantage informés des évolutions de la pandémie et des moyens financiers, juridiques et sociaux mis en œuvre pour la contrer.
Le présent amendement, qui vise à permettre une information accrue du Parlement, tend à demander au Gouvernement de lui présenter un rapport justifiant toute prorogation ultérieure de ce régime d’exception. Une démocratie digne de ce nom commence par un Parlement informé. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Un rapport préalable à un projet de loi s’appelle une étude d’impact et il est prévu pour tout projet de loi… Un tel rapport n’est donc pas nécessaire.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, le Gouvernement prend acte du vote du Sénat qui, s’il était confirmé à l’issue de la navette parlementaire, impliquerait une mesure assez radicale : la réouverture de l’ensemble des ERP, qui ne pourraient plus être fermés que sur décision individuelle du préfet, à la suite de manquements constatés !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pas du tout !
M. Olivier Véran, ministre. Mais si ! Vous êtes tout à fait souverains dans vos votes, je ne le conteste pas, mais je prends acte que, si cette mesure allait au bout du processus, après promulgation de la loi, les discothèques pourraient rouvrir à Paris, à Lille, à Saint-Étienne, à Grenoble, à Marseille, à Aix-en-Provence et dans l’ensemble des zones d’alerte maximale de notre territoire, jusqu’à ce qu’il soit démontré, individuellement, ERP par ERP, discothèque par discothèque, que des foyers identifiés dans ces établissements justifient leur fermeture pour raisons sanitaires.
J’indique cela, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que j’entends souvent que le Gouvernement est irresponsable, qu’il n’est pas « à la hauteur », pas bon dans sa gestion de la lutte virale. Je veux juste signaler que, avec ce vote, s’il était confirmé, je ne suis pas sûr que nous soyons à même de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la protection des Français.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié ter, présenté par MM. Savin, Piednoir, Kern, Paccaud, Daubresse et Le Gleut, Mmes Puissat et Gatel, MM. Laugier et Wattebled, Mme N. Delattre, MM. Regnard, Levi, Brisson et D. Laurent, Mme Joseph, M. Vogel, Mmes Lassarade et de Cidrac, MM. Rietmann, Perrin et Bazin, Mmes Dumont, Lavarde, L. Darcos et M. Mercier, M. Canevet, Mmes Gruny, Berthet, Dumas et Paoli-Gagin, MM. Lefèvre, Sido et Gremillet, Mme Di Folco, M. Détraigne, Mmes F. Gerbaud et Billon, MM. Husson, B. Fournier, Bouchet et Saury, Mme Delmont-Koropoulis et MM. Chasseing, C. Vial, Sautarel, Duplomb, Longeot et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du III de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les mesures prises en application du 2° et 3° du I du présent article sont strictement adaptées à la situation sanitaire locale et prennent en compte les caractéristiques des établissements recevant du public, notamment la capacité d’accueil. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Monsieur le ministre, je veux évoquer la situation que l’on rencontre aujourd’hui dans les stades.
Aujourd’hui, la réglementation permet de limiter le public assistant à certaines compétitions à 1 000 personnes, souvent parquées dans une tribune, le reste du stade restant vide. Il ne me paraîtrait pas incompréhensible que ces équipements puissent être remplis à au moins 20 % ou 30 % de leur capacité. Cela permettrait de répondre à une demande forte des milieux sportifs.
En outre, il convient d’organiser les entrées et les sorties des spectateurs dans chaque équipement.
On a l’impression que le sport est une fois de plus stigmatisé dans les décisions adoptées et qu’il paie aujourd’hui le prix fort aujourd’hui de la pandémie.
L’amendement que je défends avait été adopté par les députés en commission, avant que le Gouvernement ne les invite à faire marche arrière. Soyons ambitieux quant à son devenir !
Là encore, faisons confiance aux acteurs des territoires, aux préfets, représentants de l’État, aux clubs, aux acteurs locaux et aux dirigeants pour organiser la présence des spectateurs dans les stades.
Il y a aussi un enjeu économique pour certains sports qui, contrairement au football, ne bénéficient pas des droits de télévision. De nombreux sports vivent uniquement des recettes. La limitation à 1 000 personnes pose aujourd’hui de véritables problèmes économiques pour ces sports.
Nos stades comptant entre 5 000 et 20 000 places, on peut envisager une jauge à 20 % ou 30 %, en faisant évidemment respecter les règles de sécurité, le port du masque et la distanciation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je pense qu’il ne faut pas examiner cet amendement de manière trop rapide et trop radicale, compte tenu notamment de ce qu’a dit M. le ministre tout à l’heure.
Je rappelle que le Sénat a voté, voilà quelques instants, la possibilité, pour les représentants de l’État dans les départements, d’organiser et de limiter l’accès à un certain nombre de lieux.
Que ces contraintes prennent en compte les caractéristiques des établissements tombe sous le sens. L’argument que cela donnera trop de travail au préfet ne nous paraît vraiment pas acceptable !
Nous savons très bien que les établissements n’ont pas tous la même jauge. Mon cher collègue, cela ne vaut pas que pour les lieux de pratique sportive ! Toute mesure doit être prise en tenant compte de la jauge.
À notre grand étonnement, nous avons vu que des manifestations culturelles de grande qualité ont été autorisées parce que la jauge semblait rendre l’application des règles sanitaires possible. Cela doit donc être possible pour tous, y compris pour les lieux qui sont moins emblématiques ou moins connus, mais qui sont tout aussi importants pour l’épanouissement personnel et l’activité économique.
J’indiquerai, pour terminer, que la période que nous vivons va durer de longs mois. Nous devons pouvoir continuer à vivre, même dans les conditions sanitaires les plus strictes possible. Tel est l’objet de cet amendement, à l’instar des précédents.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je pense que nous sommes là au cœur de notre débat. Certains souhaitent que l’approche soit la plus fine, la plus territoriale, la plus adaptée aux réalités possible, et qu’elle s’appuie, en conséquence, sur le représentant de l’État dans le département pour juger des situations.
Monsieur le ministre, je suis quelque peu surpris de votre réaction, qui était un peu facile, d’autant que, au moment de donner votre avis sur nos amendements, vous n’avez fait que dire que vous suiviez l’avis du rapporteur. Si vos explications avaient précédé notre vote, elles auraient permis d’éclairer la représentation nationale. Au lieu de cela, vous nous faites la leçon a posteriori, en vous appuyant sur les exemples les plus dramatiques.
Il est évident que, dans les lieux où le risque est extrêmement grave, les préfets ne rendront pas d’autorisation. Faisons confiance aux territoires, que le Premier ministre cite si souvent. Or, aujourd’hui, on voit bien que, dans la pratique, vous voulez uniformiser, au risque de rendre un certain nombre de mesures inacceptables pour la population. Comme l’a expliqué Laurent Duplomb, les gens ne comprennent pas qu’elles soient appliquées en Haute-Loire…
Ma grand-mère disait qu’il ne faut pas hurler avec le loup inutilement. C’est un peu ce que vous faites ici ! Nous vous demandons simplement de permettre que les mesures soient appliquées avec discernement, territoire par territoire, en laissant faire le préfet, plutôt que de manière par trop uniforme.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté une disposition qui interdit d’office et d’emblée la fermeture d’un ensemble d’établissements recevant du public par catégorie !
Si elle devait être appliquée, cette disposition empêcherait à tout moment de fermer une catégorie d’établissements, quelles que soient les conditions sanitaires, y compris dans les zones d’alerte maximale. Ne resterait alors que la possibilité pour un préfet de constater qu’un établissement en particulier pose des difficultés au regard de la sécurité sanitaire et donc de le fermer a posteriori.
Je le répète, parce que c’est important et parce que nous sommes ici pour partager nos analyses : tout à l’heure, vous avez, de fait, voté la réouverture des bars et des discothèques dans toutes les villes de France.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Même s’il présente un caractère rétrospectif, cet échange est utile. Je reconnais avec notre collègue Max Brisson que les explications qui nous ont été fournies par le ministre postérieurement au vote auraient mérité de nous être données avant celui-ci.
Sur le plan purement factuel, M. le ministre a raison : la loi du 9 juillet dernier contient une disposition qui permet la fermeture provisoire d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public quand existe un risque de propagation de l’épidémie dans ces établissements.
Or l’amendement n° 23 de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à supprimer la faculté pour les autorités sanitaires de fermer des établissements recevant du public. Est-ce ce que vous avez souhaité en votant cet amendement ? Ou avez-vous pensé que cette disposition allait dans le même sens que les amendements que vous défendiez ? Si vous avez pensé que l’adoption de cet amendement permettait de régler le problème que vous avez soulevé, je crois que vous vous êtes trompés.
Dès lors, mes chers collègues, je me demande si la solution ne passerait pas par une seconde délibération sur l’amendement n° 23, à présent que nous sommes pleinement éclairés. Si cette disposition devait alors être écartée, vos amendements, sur lesquels je me suis prononcé défavorablement, revivraient. Vous auriez alors tout le loisir de les voter si tel est votre souhait.
M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. Philippe Bas, rapporteur. Je sollicite donc une seconde délibération sur l’amendement n° 23, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, je prends acte de votre demande.
Je rappelle néanmoins que la seconde délibération ne peut avoir lieu qu’à l’issue de l’examen des articles, avant le vote sur l’ensemble du texte.
Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation, les Français expatriés rentrés en France entre le 1er octobre 2020 et le 1er avril 2021 et n’exerçant pas d’activité professionnelle sont affiliés à l’assurance maladie et maternité sans que puisse leur être opposé un délai de carence. Les modalités d’application du présent article peuvent être précisées par décret.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Cet amendement vise à supprimer le délai de carence pour bénéficier de la protection universelle maladie, la PUMa, pour les Français rentrant de l’étranger.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite saluer cet amendement, ainsi que la réactivité de Jean-Baptiste Lemoyne, que nous avons interrogé ce matin sur ce sujet, car nous étions inquiets de voir que la disposition votée en juin dernier était devenue caduque le 30 septembre.
Cet amendement a pu être déposé par le Gouvernement dès ce soir. Bien entendu, un parlementaire n’aurait pu le faire : son amendement serait tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution…
Monsieur le ministre, il serait bon également que le Gouvernement accompagne la caisse des Français de l’étranger dans sa capacité à soutenir ses adhérents qui ne peuvent pas payer leurs cotisations actuellement, compte tenu de l’arrêt ou de la réduction de leur activité, donc de leurs revenus.
De nombreux Français vivant à l’étranger ne sont plus en mesure de payer leur assurance maladie en France. La caisse des Français de l’étranger n’est pas en mesure de les accompagner dans les circonstances actuelles. Cette situation conduit parfois les personnes concernées à revenir en France, ce qui les amènera à bénéficier du dispositif de l’amendement. Il est tout de même dommage que nous votions celui-ci sans que nous nous dotions en même temps d’un dispositif d’accompagnement permettant aux Français qui ont besoin de cette assurance maladie, mais qui n’ont plus les moyens de la payer sur place, de le faire.
Le fonds de 50 millions d’euros que nous avons voté permettrait de financer cette mesure, mais la bonne volonté du Gouvernement est indispensable.
Quoi qu’il arrive, il faut voter cet amendement, mais nous avons aussi besoin d’accompagner ceux qui restent à l’étranger et qui ont besoin de pouvoir payer la caisse des Français de l’étranger.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Monsieur le ministre, je m’associe aux propos de mon collègue Jean-Yves Leconte, pour saluer la réactivité de Jean-Baptiste Lemoyne et du Gouvernement sur ce sujet. La demande était forte. Elle a été relayée et satisfaite très rapidement.
Voyez, monsieur le ministre, que nous sommes capables de mettre en valeur et de souligner le bien-fondé de certaines décisions du Gouvernement !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le coût pour l’État que représenterait la gratuité des masques.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Face à la multiplication des clusters sur notre territoire, le port du masque dans l’espace public devient une nécessité afin de ralentir la circulation du covid-19 au sein de notre population.
Le port du masque a d’ailleurs été rendu obligatoire dans certaines municipalités où les contaminations vont crescendo et où les hôpitaux commencent à être submergés.
Afin de faire respecter cette exigence dans les territoires concernés, les pouvoirs publics ont mis en place des mesures coercitives afin de responsabiliser nos concitoyens.
Désormais, ceux qui se refusent à porter le masque dans les lieux où c’est obligatoire sont susceptibles d’écoper d’une amende, dont le montant équivaut à 135 euros.
Le port du masque étant une nécessité de santé publique, nous comprenons parfaitement qu’un dispositif contraignant soit de mise, mais il va sans dire que celui-ci devrait immanquablement être accompagné de mesures sociales, comme la gratuité des masques. Le coût de ces derniers peut en effet devenir un véritable poids financier pour les foyers les plus précaires. À raison de deux masques jetables par jour minimum, la note pour une famille française peut aisément s’élever à plus d’une centaine d’euros par mois.
Comment accepter que, en ces temps de crise, de tels frais doivent être assumés par le contribuable, et non par l’État ? Comment accepter que nos concitoyens au RSA, les familles monoparentales, les travailleurs soumis au chômage partiel en raison de la crise économique aient à payer de leur poche le masque rendu obligatoire par les pouvoirs publics ?
Ainsi souhaitons-nous qu’un rapport soit remis au Parlement, afin d’évaluer le coût pour l’État que représenterait la gratuité des masques. Il est important que cette information soit communiquée aux parlementaires préalablement aux évaluations du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances qui commenceront d’ici à quelques semaines.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Les amendements de ce genre sont, en réalité, un aveu d’impuissance de notre part : c’est parce que nous n’avons pas le droit de créer des dépenses supplémentaires que nous essayons de contourner l’obstacle en obtenant du Gouvernement un rapport mettant l’accent sur un problème que nous voulons voir régler.
C’est un grand classique de nos débats parlementaires, mais il se trouve que ces injonctions au Gouvernement ont un effet nul, d’une part, parce que le Gouvernement n’est jamais obligé de produire les rapports que le législateur exige de lui – la Constitution ne le lui impose pas –, et, d’autre part, parce qu’il ne se prive pas de laisser sans suite toutes ces dispositions quand elles sont adoptées. On se donne bonne conscience à bon compte.
Chère collègue Esther Benbassa, j’émets sur votre amendement un avis défavorable, mais celui-ci a au moins le mérite de poser la question à M. le ministre, qui voudra peut-être bien nous exposer la position du Gouvernement sur la prise en charge des masques…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la participation de l’assurance maladie pour une prise en charge à 100 % des masques et des tests de dépistages, afin de faire face à l’épidémie de covid-19.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement a exactement le même objet que le précédent : il vise à étudier la possibilité d’une prise en charge à 100 % des masques, en cohérence avec notre proposition de résolution déposée le 7 septembre dernier.
Je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la conséquence de la non-gratuité des masques : dans beaucoup de familles, on porte le même masque pendant plusieurs jours. Cela ne me paraît guère compatible avec les mesures prises actuellement pour lutter contre le covid-19 !
Je demande donc que l’on réfléchisse très sérieusement à cette gratuité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Même avis que précédemment : défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis
(Supprimé)
Article additionnel après l’article 1er bis
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 2 de la loi n° 2020 856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, il est inséré un article … ainsi rédigé :
« Art. …. – I. – Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application du 2° ou du 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou du 5° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
« II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées à ce même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement de leurs loyers ou charges locatives afférents à leurs locaux professionnels ou commerciaux.
« Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et aucune mesure conservatoire ne peut être engagée.
« Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
« III. – Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
« IV. – Le II s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.
« Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu’à compter de l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.
« En outre, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu’à la date mentionnée au premier alinéa du même II. »
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. La situation sanitaire justifie de prendre des mesures de police sanitaire, dont certaines affectent directement l’activité de nombreuses entreprises.
Dans ce contexte, le présent amendement vise à prévoir des dispositions protégeant les locataires, tout en préservant les intérêts des bailleurs.
Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après la fin de mesures de police sanitaire restreignant leur activité professionnelle, il est ainsi prévu de faire obstacle aux intérêts et pénalités financières dus pour retard ou non-paiement de loyers ou charges locatives, à la mise en œuvre des sanctions de l’inexécution ou de l’exécution tardive prévues au contrat, à l’engagement par le bailleur de voies d’exécution forcée, à la mise en œuvre des sûretés réelles ou personnelles garantissant le paiement des loyers, à la mise en œuvre de mesures conservatoires.
À l’issue du délai de deux mois précédemment mentionné, les bailleurs pourront de nouveau faire valoir leurs droits.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 46, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 38, alinéa 5
Remplacer les mots :
de leurs loyers ou charges locatives afférents à leurs locaux professionnels ou commerciaux
par les mots :
des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous sommes favorables à l’amendement du Gouvernement, qui vise à protéger les entreprises locataires d’un bailleur quand elles n’ont pas les moyens de payer leur loyer, mais, compte tenu de la charge qu’une telle mesure fait peser sur les comptes du propriétaire, il convient également de prendre en compte les difficultés que pourrait rencontrer le propriétaire du fait du non-paiement du loyer.
Par conséquent, nous souhaitons limiter l’application du dispositif aux seuls loyers et charges locatives concernant les locaux où l’activité de l’entreprise est affectée, et non à d’autres locaux du même locataire.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 47, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 38, alinéa 6
Remplacer les mots :
aucune mesure conservatoire ne peut être engagée
par les mots :
le bailleur ne peut pratiquer de mesures conservatoires qu’avec l’autorisation du juge, par dérogation à l’article L. 511-2 du code des procédures civiles d’exécution
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous considérons également qu’il faut garantir le bailleur contre les risques qu’il courrait en cas de liquidation de l’entreprise locataire.
Autrement dit, il faut permettre une forme de nantissement pour que, en cas de cessation de paiements, le propriétaire devienne un créancier privilégié et puisse entrer ou espérer entrer dans tout ou partie de ces fonds. Tel est l’objet de ce sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux sous-amendements ?
M. Olivier Véran, ministre. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 46, qui vise à limiter le périmètre du dispositif aux loyers et charges locatives des locaux où l’activité des entreprises a été affectée par les mesures de police sanitaire.
En revanche, il est défavorable au sous-amendement n° 47, qui tend à rétablir la faculté pour un bailleur de pratiquer des mesures conservatoires avec l’autorisation du juge.
En effet, l’amendement du Gouvernement a pour objet de garantir que les entreprises qui se retrouveraient en difficulté pendant cette période ne puissent faire l’objet de pénalités financières ou d’actions judiciaires de la part de leurs bailleurs en cas de retard de paiement du loyer. L’adoption du sous-amendement contreviendrait à cet objectif, en introduisant une exception consistant à saisir le juge pour mettre en œuvre des mesures conservatoires.
Je veux souligner trois points : l’amendement vise déjà à prendre en compte les intérêts du bailleur ; l’engagement d’actions judiciaires pendant les mesures de restriction de l’activité professionnelle est de nature à créer une relation conflictuelle entre bailleurs et locataires ; enfin, toutes les entreprises ne seront pas concernées par le dispositif : un certain niveau de pertes de chiffre d’affaires sera exigé.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis.
Article 1er ter A
(Non modifié)
Au premier alinéa du 4° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 précitée, après le mot : « résultat », sont insérés les mots : « d’un test ou ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, del Picchia et Regnard, Mme Billon, MM. Canevet et Delahaye, Mmes Dindar et Gatel, MM. Henno, Janssens, Kern, Laugier et Levi, Mmes Perrot, Sollogoub et Vermeillet, M. Yung et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – Après le premier alinéa du 4° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent 4°, en ce qu’il permet d’imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination du territoire métropolitain ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid-19 avant l’embarquement, ne s’applique pas aux ressortissants français. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. En vertu d’un décret, depuis le 1er août dernier, nos compatriotes résidant dans quatre pays – les États-Unis, Panama, les Émirats arabes unis et Bahreïn – ont l’obligation de présenter un test PCR négatif de moins de 72 heures avant l’embarquement.
Pourquoi les États-Unis et pas le Canada ? Pourquoi le Panama et pas le Mexique ? Pourquoi les Émirats ou Bahreïn et pas le Qatar ou le Koweït ?… Personne ne comprend.
Les témoignages de nombreux conseillers des Français de l’étranger, aux États-Unis, à l’exemple de celui de Stéphanie Kamaruzzaman, élue de Washington, montrent que l’obtention de ce test préalablement à l’embarquement est parfois impossible dans de nombreux États des États-Unis.
Vendredi dernier, l’Assemblée des Français de l’étranger a voté une résolution au nom de l’équité entre ces derniers : elle demande qu’aucune différence ne soit faite entre les Français en provenance des pays listés rouges et que tous puissent passer le test PCR à leur arrivée en France.
Heureusement, l’ordonnance rendue par le Conseil d’État le 18 août dernier à la suite d’un référé-liberté, sur l’initiative d’un compatriote de New York, confirme le droit fondamental général et absolu de tout ressortissant français à retourner sur le territoire français.
Même s’il existe des dérogations, qui peuvent être obtenues auprès du consulat, comme en cas de décès d’un proche, la situation actuelle est discriminatoire et représente une atteinte grave et inconstitutionnelle.
Cette situation, qui a fait l’objet d’une ordonnance du Conseil d’État, doit être rectifiée par la loi. En effet, telles qu’elles sont présentées dans le présent projet de loi, les conditions de mise en place des tests de détection dans le cadre des déplacements par transports publics aériens à destination du territoire métropolitain n’offrent pas toutes les garanties constitutionnelles nécessaires.
Cet amendement vise à corriger cette situation et à faire respecter le droit constitutionnel au retour sur le territoire national des ressortissants français.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le 4° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette exigence ne saurait toutefois interdire le retour sur le territoire national d’un ressortissant français, ou d’une personne étrangère y résidant légalement. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement est inspiré de la même préoccupation, mais il ne vise pas exactement le même dispositif. Il ne s’agit pas de faire une différence entre les Français et les personnes qui ont le droit de résider en France. Il ne s’agit pas non plus de donner un droit absolu à rentrer sans aucune condition sanitaire.
Monsieur le ministre, plusieurs questions se posent.
La situation actuelle est liée à l’adoption de la loi du 9 juillet 2020 et à son décret d’application. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez séparé des pays présentant des risques identiques en deux listes – « 2B » et « 2C » –, le test PCR étant, pour les uns, autorisé à l’arrivée en France, et, pour les autres, exigé au départ, alors qu’aucune raison objective ne permet de faire cette différence ? Nous serions très intéressés d’en connaître la raison !
Par ailleurs, comme l’a rappelé notre collègue Olivier Cadic, le Conseil d’État a rappelé que le droit d’entrée sur le territoire français constituait, pour un ressortissant français, une liberté fondamentale. Celle-ci doit être appliquée dans la transparence. Or, aujourd’hui, la loi et le décret actuellement en vigueur la bafouent. C’est du grand n’importe quoi !
Nous proposons, par cet amendement, d’établir une exception qui vous invitera à corriger le décret d’application de la loi de juillet 2020, de manière à établir en toute transparence les conditions dans lesquelles vous demanderez aux postes diplomatiques et consulaires de délivrer des laissez-passer sanitaires.
Nous ne revenons pas, monsieur le rapporteur, sur l’exigence de sécurité sanitaire, mais nous souhaitons la transparence sur les conditions dans lesquelles les laissez-passer sanitaires seront délivrés.
Aujourd’hui, les postes consulaires sont livrés à eux-mêmes, sans instruction transparente, alors qu’ils sont surchargés. Nous vous demandons la transparence et le respect des libertés fondamentales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ces amendements ont une portée qui dépasse largement celle que leurs auteurs ont décrite.
Tout à l’heure, l’amendement n° 23 a été adopté sans que l’on ait vraiment conscience de toute sa portée.
Je vous le dis clairement, mes chers collègues : si nous adoptons maintenant ces deux amendements, aucune exigence ne pourra être imposée à un citoyen français voulant revenir sur le territoire national, ni à l’embarquement ni au débarquement, pour s’assurer qu’il ne constitue pas un danger de contamination.
Si c’est ce que vous voulez, votez ces amendements ! Si vous pensez, comme moi, que ce serait excessif, il faut, au contraire, les rejeter. S’il existe bien un droit constitutionnel permettant à tout Français de rentrer sur le territoire national, aucun droit, dans aucun domaine, n’est général et absolu. Tous les droits sont subordonnés à des conditions d’exercice.
Il ne s’agit pas d’interdire à un citoyen français de rentrer en France. Il s’agit de faire en sorte qu’il puisse être transporté dans des conditions qui n’entraînent pas la contamination des autres voyageurs et qui lui permettent, le cas échéant, son statut sérologique étant connu, de prendre toutes les dispositions nécessaires pour se soigner.
Il me semble que les dispositions actuelles sont d’une application tout à fait exceptionnelle. M. Cadic a justement rappelé que les restrictions au retour sur le territoire national ne sont applicables que pour quatre pays de provenance : le Bahreïn, les Émirats arabes unis, les États-Unis et le Panama.
Je pense que nous aurions intérêt à nous montrer prudents face à ces amendements. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, tout d’abord, je veux dire que je suis particulièrement choqué de l’attitude de M. le ministre sur les derniers amendements !
Nous soulevons des sujets majeurs, monsieur le ministre. Vous avez le droit de penser ce que vous voulez de la gratuité des masques, mais je pense que ce n’est pas hors sujet compte tenu du nombre de masques qu’a portés chaque Français depuis quelques mois.
On ne vous entend dire que « défavorable »… Il n’est pas logique de faire preuve de tant de désinvolture dans ce débat !
De la même manière, nous vous demandons des explications sur les raisons objectives pour lesquelles vous avez inscrit des pays sur les listes « 2B » et « 2C ». Pourquoi séparez-vous le Brésil des États-Unis ou le Salvador du Panama ? Vous nous répondez « défavorable » ! J’ai une autre idée du débat parlementaire et je trouve votre désinvolture inacceptable compte tenu du nombre de personnes visées ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, mon amendement ne vise pas à supprimer l’exigence en question, qui a été rappelée par le Conseil d’État. Il s’agit simplement de la prendre en compte dans le décret d’application des dispositions de la loi de juillet 2020, afin que les conditions d’exercice de ce droit fondamental à revenir en France, parfois pour se faire soigner, puissent être mises en œuvre de façon ordonnée, transparente et connue.
Demander au personnel des consulats et des ambassades de prendre leurs dispositions ne suffit pas ! En effet, il n’existe aujourd’hui aucune instruction précise sur ce sujet. Dans ce domaine comme dans d’autres, l’improvisation du Gouvernement n’avance pas masquée !
Mme la présidente. La parole est à M. Damien Regnard, pour explication de vote.
M. Damien Regnard. Bien qu’il ne soit pas dans mes habitudes de prendre la parole lorsque mon nom ne figure pas dans le dérouleur, je veux dire que je suis estomaqué par la situation.
Vivant aux États-Unis depuis vingt-cinq ans, j’ai passé tout le mois d’août au téléphone et sur internet avec nos compatriotes bloqués, qui se trouvaient parfois dans des situations de grande détresse. Je pense notamment à des femmes enceintes qui ne pouvaient pas rentrer en France.
Je comprends la mesure, pratiquée par certains pays, instaurant un test 72 heures avant le voyage. Mais le ministre de la santé a pris sa décision contre l’avis de l’ambassade et des onze consulats, qui ont exprimé très clairement l’impossibilité d’effectuer ces tests aux États-Unis en 72 heures ! (M. le ministre le conteste.) Au reste, nous n’avons pas de leçons à donner, dans la mesure où, en France, il faut entre dix et quinze jours pour recevoir le résultat d’un test.
M. Damien Regnard. Monsieur le rapporteur, je suis entièrement d’accord avec vous s’agissant des droits inaliénables.
Toutefois, compte tenu du ridicule de certaines situations, on a accordé des dérogations, qui sont délivrées par les consulats. Cela s’est fait sans aucun fondement, à la tête du client. Ainsi, on a fait voyager, dans un même avion, des gens testés et des gens non testés ; à leur arrivée en France, ces derniers doivent subir un prélèvement et doivent attendre quatre jours pour obtenir les résultats, sans traçage ni isolement.
Ces mesures sont idiotes et inutiles ! Je le sais, les droits fondamentaux ne constituent pas forcément une priorité, tout comme le respect de la Constitution, le conseil de défense ayant remplacé le conseil des ministres… Mais votre manque d’explication et de transparence est totalement incompréhensible. Je le rappelle, il y a au Mexique dix fois plus de cas qu’aux États-Unis !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Monsieur le rapporteur, j’ai bien écouté votre réponse, et je vous remercie d’avoir pris le temps de la formuler.
Permettez-moi de rappeler les dispositions prévues par l’amendement. Il ne s’agit pas d’exiger des ressortissants français un dépistage avant l’embarquement. Nous n’avons pas dit que nous étions contre un test à l’arrivée, comme cela se fait pour les ressortissants canadiens, par exemple.
Permettez-moi de vous dire ce qui se passe aujourd’hui, en prenant l’exemple des membres d’une famille partant du Chili pour Paris, avec une escale à Houston, où on leur a demandé un test PCR de moins de 72 heures, sans lequel ils ne pouvaient monter dans l’avion. Essayez de vous faire faire un test rapidement aux États-Unis, vous verrez que ce n’est pas si facile !
Que font donc les gens ? Ils voyagent avec KLM et passent par Amsterdam, d’où ils se rendent ensuite à Paris sans avoir réalisé de test. Voilà ce qui se passe !
S’agissant des dérogations, le ministre Jean-Baptiste Lemoyne l’a dit, 20 % d’entre elles sont refusées. La solution n’est donc pas là.
Nous attendons une réponse et une explication. J’espère que vous allez nous la donner ce soir, monsieur le ministre, dans la mesure où l’incompréhension est grande.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Nous ne sommes pas obligés, monsieur Leconte, de hausser le ton à minuit et demi.
Si le rapporteur a tout dit, il a tout dit ! En l’occurrence, je suis du même avis que lui. Il a donné toutes les explications de fond et de forme. Il ne vous aura pas échappé que nous n’appartenons pas au même groupe politique, lui et moi. Toutefois, quand il dit les choses avec exactitude et application, je ne vois vraiment pas ce que je pourrais ajouter. Ma réponse lapidaire ne témoignait en aucune façon d’un manque de respect au Sénat, où je m’exprime aussi souvent que nécessaire.
Monsieur Regnard, je comprends votre émotion et les difficultés que vous rencontrez, mais vous avez dit beaucoup de choses inexactes.
Ici même, dans cette enceinte, j’ai été interpellé – les comptes rendus en témoigneront – par des sénateurs, qui siégeaient sur l’ensemble des travées de l’hémicycle. Ils se plaignaient que l’on pouvait entrer en France comme dans un moulin, c’est-à-dire sans faire un test.
M. Damien Regnard. C’est toujours le cas !
M. Olivier Véran, ministre. Il nous était reproché de ne pas avoir mis en place de dispositions protectrices.
Des mesures ont été prises. Nous avons mis en place un dépistage systématique, dont je vous rappelle la philosophie : les frontières sont fermées avec les pays dans lesquels le virus est considéré comme très « circulant ». Seules peuvent donc entrer en France les personnes qui sont résidentes françaises ou de nationalité française ou en situation exceptionnelle. On classe ces pays selon que les tests sont matériellement réalisables sur place ou pas. Dans ce dernier cas, les gens peuvent venir, mais ils sont testés à leur arrivée en France.
Si les tests sont réalisables à l’étranger, et si je reprends la logique qui était la vôtre quand vous m’avez demandé de mettre en place des contrôles aux frontières, il est beaucoup plus intéressant, en termes épidémiques, de s’assurer que les personnes sont négatives avant de prendre l’avion, plutôt que de les tester à leur arrivée, en leur permettant de circuler deux jours dans le pays.
M. Damien Regnard. Dans ce cas, ne faites pas de dérogation !
M. Olivier Véran, ministre. Sans doute pouvons-nous tous tomber d’accord sur ce point. C’est peut-être idiot, comme vous dites, mais c’était votre idée au départ !
J’en viens à la question des gens qui arrivent en France et qui n’ont pas pu être testés dans les délais. Cela ne concerne pas ceux qui viennent des États-Unis ! Ce pays, je le rappelle, a fait des millions et des millions de tests et continue à le faire.
Pour les pays où la situation est réellement plus compliquée, des mesures dérogatoires sont prévues pour les situations exceptionnelles. Ce n’est pas un traitement idiot, c’est un traitement humain.
Ainsi, une famille non testée en situation de détresse sera dans le même avion qu’une famille testée qui était en condition de réaliser ces tests. Sinon, les sénateurs de l’étranger dénonceraient une situation dans laquelle une famille en détresse aurait été empêchée de prendre l’avion ! C’est un peu du « Nimby », Not in my backyard, monsieur le sénateur ! Vous nous dites : « Prévoyez des mesures pour nous protéger, mais si cette protection a un impact sur notre vie, ne le faites pas ! »
Le système mis en place, qui est celui adopté par la plupart des pays qui nous entourent, est puissamment logique.
Au demeurant, cette question sera bientôt résolue par l’arrivée des tests antigéniques. Vous avez accepté en commission, ce dont je vous remercie, de les intégrer à la liste des tests biologiques classiques, afin qu’ils puissent être utilisés dans les situations aéroportuaires, ce qui simplifiera considérablement la donne.
En effet, si l’on avait dit à tous ceux qui viennent de l’étranger, y compris de pays dans lesquels le virus circule beaucoup, qu’ils peuvent venir et être testés à l’aéroport à Paris, ce n’est pas 3 000 tests par jour qu’il aurait fallu faire. C’est carrément un aéroport entier qu’il aurait fallu transformer en barnum !
Certes, pendant une période de près de trois semaines, au moment des retours de vacances et de la rentrée scolaire, il y a eu des difficultés d’accès aux tests, personne ne le nie.
Toutefois, si l’on examine les chiffres récemment publiés, le délai moyen pour obtenir le résultat d’un test PCR dans notre pays est désormais de 1,2 jour. Je tiens à votre disposition les chiffres correspondant à votre territoire. Mais j’ai cru comprendre que vous représentiez les Français de l’étranger, donc cette vérification ne vous concerne pas.
Ainsi, depuis deux semaines, 91 % des tests sont rendus en moins de 48 heures. Le problème est donc derrière nous, sauf exceptions territoriales particulières.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le ministre, je préfère que vous défendiez la position du Gouvernement, plutôt que d’être obligé de le faire. Telle n’est pas en effet ma vocation naturelle ! (Sourires.) Si je le fais, c’est parce que nous avons des points d’accord. Toutefois, il est bon que vous participiez au débat.
Au demeurant, l’adoption de ces amendements nous ferait, me semble-t-il, trop baisser la garde. Il me semble préférable que les tests de dépistage soient réalisés, quand c’est possible, au départ plutôt qu’à l’arrivée. En effet, comme vous l’avez dit, c’est plus protecteur contre les risques de propagation du virus.
Par ailleurs, les tests à l’arrivée sont assortis d’un confinement. Ainsi n’est-il pas plus confortable pour nos compatriotes français de l’étranger de faire le test à l’arrivée plutôt que d’attendre un peu avant de rentrer en France. (M. le ministre acquiesce.)
Ce qui me paraît important dans ce débat, monsieur le ministre, c’est que vous preniez acte d’un certain nombre de faits qui nous sont rapportés par nos collègues sénateurs représentants des Français de l’étranger. Ces faits sont simples : une partie de nos compatriotes, même dans un grand pays comme les États-Unis, n’arrivent pas à obtenir dans un délai suffisamment bref les résultats d’un test. Dès lors, que fait-on pour eux ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Certes, mais avec le laissez-passer sanitaire, nous nous trouvons dans une situation qui n’est pas très satisfaisante.
Considérez-vous vraiment que la situation actuelle ne mérite pas d’être réexaminée par vous-même et vos services, afin d’essayer de trouver une meilleure solution ? En effet, tantôt on exige un test récent, tantôt on se contente d’un laissez-passer consulaire, qui présente les inconvénients soulignés par nos collègues.
Si je partage votre avis défavorable sur ces amendements, qui vont trop loin, j’estime pour autant que l’on ne peut pas nier le problème qui nous est soumis. Il vous appartient d’essayer de le résoudre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, del Picchia et Regnard, Mme Billon, MM. Cigolotti, Canevet et Delahaye, Mmes Dindar et Gatel, MM. Henno, Janssens, Kern, Laugier et Levi, Mmes Perrot, Sollogoub et Vermeillet, MM. Yung et Lafon et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
Un rapport étudie les modalités d’application de l’obligation de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 pour les personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain, tel que prévu par le IV de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie d’urgence de l’état d’urgence sanitaire.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Les personnes arrivant en France en provenance d’un pays énuméré dans l’annexe II du décret du 10 juillet 2020 doivent se soumettre à la réalisation d’un test de dépistage virologique à leur arrivée à l’aéroport, à défaut d’avoir pu réaliser un tel examen biologique dans les 72 heures précédant le départ.
Il semble toutefois que les tests sont réalisés de façon extrêmement aléatoire, même s’agissant de voyageurs provenant de pays où la situation sanitaire est catastrophique.
La question des dépistages lors de l’arrivée en France est soulevée depuis le mois de mars. Monsieur le ministre, je suis le parlementaire qui, le premier, vous a interrogé sur les conditions d’arrivée. Mon groupe, l’Union Centriste, a demandé des contrôles à l’arrivée, et nous nous réjouissons de leur mise en œuvre.
Simplement, les élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, qui sont arrivés voilà deux semaines des quatre coins du monde, ont constaté, pour la majorité d’entre eux, que rien ne leur était demandé, malgré tout ce que vous avez prévu jusqu’à présent.
Le présent amendement a donc pour objet l’information régulière du Parlement, par le biais d’un rapport, sur la mise en œuvre des mesures prévues par le code de la santé publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Pardonnez-moi, mon cher collègue, mais la commission n’a pas changé d’avis concernant les amendements visant à prévoir des rapports du Gouvernement… Elle est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
Nous avons examiné 20 amendements au cours de la journée ; il en reste 26 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 octobre 2020 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire (texte de la commission n° 10, 2020–2021) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure (texte de la commission n° 12, 2020–2021).
Le soir :
Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure (texte de la commission n° 12, 2020–2021) ;
Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental (texte de la commission n° 14, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 octobre 2020, à zéro heure cinquante.)
nomination des membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne (treize membres)
MM. Julien Bargeton, Christian Bilhac, François Bonneau, Emmanuel Capus, Pierre Charon, Vincent Éblé, Guillaume Gontard, Charles Guené, Éric Jeansannetas, Mme Christine Lavarde, MM. Jean-Marie Mizzon, Rémy Pointereau et Pascal Savoldelli.
nomination de membres de deux commissions
La réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe a remis les listes des candidats pour siéger au sein de la commission des affaires étrangères et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, ces candidatures sont ratifiées : Mme Christine Herzog est membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et M. Stéphane Ravier est membre la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission spéciale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Jean-François Longeot, Daniel Gremillet, Yves Bouloux, Mmes Christine Lavarde, Viviane Artigalas, MM. Jean-Pierre Sueur et Didier Rambaud ;
Suppléants : M. Jean-Raymond Hugonet, Mmes Marta de Cidrac, Catherine Di Folco, Sylvie Robert, Catherine Fournier, Maryse Carrère et Cécile Cukierman.
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. François-Noël Buffet, Philippe Bas, Mmes Jacky Deromedi, Dominique Vérien, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Jean-Pierre Sueur et Thani Mohamed Soilihi ;
Suppléants : Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Catherine Di Folco, Marie Mercier, MM. Hervé Marseille, Jean-Yves Leconte, Mmes Éliane Assassi et Maryse Carrère.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication