Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Il s’agit d’ouvrir la possibilité aux conseils départementaux et aux organismes qui opèrent la prépa apprentissage de prescrire des périodes de mise en situation en milieu professionnel, des PMSMP, à des personnes en parcours d’insertion. C’est une mesure attendue notamment par les conseils départementaux. Elle contribue à rappeler le rôle central des départements en matière d’insertion : ils sont des partenaires essentiels pour l’accès à l’emploi.
La PMSMP est une pratique d’accompagnement très demandée, qui a fait ses preuves. Il faut l’élargir et permettre d’y recourir rapidement en élargissant la liste de ses prescripteurs aux conseils départementaux et aux prépas apprentissage. Cet amendement vise à mettre en place un circuit court. Il s’agit de ne pas renvoyer automatiquement vers un intermédiaire – Pôle emploi en l’occurrence –, de raccourcir les délais de traitement des dossiers et de faciliter le parcours du bénéficiaire. C’est un véritable outil pour l’accès à l’emploi !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, les périodes de mise en situation en milieu professionnel sont très appréciées des acteurs de terrain, notamment des structures d’insertion par l’activité économique. Cet amendement vise à élargir la liste des prescripteurs au président du conseil départemental et aux organismes qui opèrent la prépa apprentissage. Il s’agit d’un amendement de dernière minute que nous n’avons guère eu le temps d’examiner, mais la commission a émis un avis favorable, car la mesure nous semble être de bon aloi.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Une fois de plus, je ne comprends pas. Les départements n’ont pas la compétence emploi. Aujourd’hui, ce rôle de prescription est joué par Pôle emploi, peut-être aussi par Cap emploi et les missions locales, qui ont une réelle compétence en termes d’accompagnement vers l’emploi, contrairement aux conseils départementaux, qui d’ailleurs ne sont pas, me semble-t-il, demandeurs de la compétence emploi…
Je trouve curieux que cet amendement nous arrive soudain, sans que nous ayons eu le temps de l’examiner en commission. Il s’agit tout de même d’une évolution très importante, que l’on ne peut avaliser sans avoir pu en discuter. Il ne me paraît pas opportun de voter au débotté un tel amendement !
Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Pour ma part, je suis au contraire très favorable à cet amendement. Il existe dans beaucoup de départements des commissions RSA, qui comprennent des élus locaux, en particulier des conseillers départementaux. Ceux-ci ont souvent une connaissance approfondie du tissu économique et sont en relation avec les chefs d’entreprise. Ils pourront faire bénéficier des allocataires du RSA dont ils connaissent la complexité de la situation de périodes de mise en situation en milieu professionnel. C’est selon moi une très bonne chose. Introduire cette souplesse est bienvenu.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3 ter A.
Article 3 ter
(Non modifié)
Par dérogation au III de l’article 1er de la présente loi, le I du même article 1er entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard un an après la publication de la présente loi, pour les associations intermédiaires mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5132-9 du code du travail et dont les mises à disposition de salariés ne relèvent pas du 1° du même article L. 5132-9, dans sa rédaction antérieure à la présente loi. Jusqu’à cette date, elles demeurent régies par les dispositions de la sous-section 4 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, à l’exception des dispositions du 3° de l’article 2 et de l’article 2 ter de la présente loi qui leur sont applicables le lendemain de la publication de la présente loi. – (Adopté.)
TITRE II
EXPÉRIMENTATION TERRITORIALE VISANT À SUPPRIMER LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE
Article 4
I. – La loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée est abrogée.
II. – Pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du présent titre, est mise en place, dans au plus soixante territoires, dont les dix territoires habilités dans le cadre de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée dans sa rédaction antérieure à la présente loi, désignés dans les conditions définies à l’article 5 de la présente loi, couvrant chacun tout ou partie de la superficie d’une ou de plusieurs collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales volontaires, une expérimentation visant à mettre un terme à la privation durable d’emploi.
Cette expérimentation permet aux personnes concernées d’être embauchées en contrat à durée indéterminée par des entreprises qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, pour exercer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire.
L’expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État et des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale volontaires mentionnés au premier alinéa du présent II, d’autres collectivités territoriales volontaires et d’organismes publics et privés volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces embauches.
III. – Au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation, le fonds mentionné à l’article 5 dresse le bilan de l’expérimentation dans un rapport.
IV. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique réalise l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les suites qu’il convient de lui donner. Cette évaluation s’attache notamment à identifier le coût du dispositif pour les finances publiques, les externalités positives constatées et ses résultats comparés à ceux des structures d’insertion par l’activité économique. Elle détermine le cas échéant les conditions dans lesquelles l’expérimentation peut être prolongée, élargie ou pérennisée, en identifiant les caractéristiques des territoires et des publics pour lesquels elle est susceptible de constituer une solution adaptée à la privation durable d’emploi.
V. – Les rapports mentionnés aux III et IV sont adressés au Parlement et au ministre chargé de l’emploi et rendus publics.
VI. – Dans le cadre de l’expérimentation, peuvent être embauchées par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II les personnes volontaires privées durablement d’emploi depuis au moins un an malgré l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi et domiciliées depuis au moins six mois dans l’un des territoires participant à l’expérimentation.
VII. – Les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation mettent en place un comité local, au sein duquel sont représentés les acteurs du service public de l’emploi, chargé du pilotage de l’expérimentation. Ce comité local définit un programme d’actions, approuvé par le fonds mentionné à l’article 5, qui :
1° A (nouveau) Identifie les activités économiques susceptibles d’être exercées par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II du présent article ;
1° Apprécie l’éligibilité, au regard des conditions fixées au VI du présent article, des personnes dont l’embauche est envisagée par les entreprises conventionnées ;
2° Détermine les modalités d’information, de mobilisation et d’accompagnement des personnes mentionnées au même VI en lien avec les acteurs du service public de l’emploi ;
3° Promeut le conventionnement d’entreprises existantes ou, le cas échéant, la création d’entreprises conventionnées pour l’embauche des personnes mentionnées audit VI en veillant au caractère supplémentaire des emplois ainsi créés par rapport à ceux existant sur le territoire.
Les modalités de fonctionnement du comité local sont approuvées par le fonds mentionné à l’article 5.
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, je voudrais, à cet instant du débat, témoigner de l’expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » en cours depuis 2017 dans mon département, le Calvados, plus précisément à Colombelles, près de Caen.
L’entreprise à but d’emploi, atypique, a été créée en avril 2017. Depuis, soixante-dix-huit salariés ont été embauchés : des hommes et des femmes recrutés en CDI pour exercer des activités aussi diverses et utiles au territoire que le maraîchage, le recyclage, l’informatique, les services aux entreprises, aux commerçants, aux agriculteurs, aux associations ou aux collectivités, la conciergerie de territoire, ou encore des activités de production.
Il importe de souligner qu’une réelle dynamique s’est créée grâce à ce dispositif. Aujourd’hui, près de cinquante personnes sont inscrites sur les listes d’attente comme volontaires pour l’expérimentation, tandis que près d’une centaine sont sorties du chômage.
Au terme de cette première étape, il apparaît que nul n’est inemployable lorsque l’emploi est adapté aux personnes. Ce n’est pas le travail qui manque, car il y a beaucoup plus de travaux utiles à réaliser dans nos territoires que de personnes disponibles pour les accomplir. Ce n’est pas l’argent non plus qui manque, puisque, chaque année, le chômage de longue durée entraîne de nombreuses dépenses et manques à gagner.
C’est une expérimentation profondément novatrice par son objectif, sa méthode et son financement. Elle améliore la situation des personnes et des territoires, à Colombelles comme ailleurs. C’est pourquoi je suis très favorable non seulement à sa prolongation pour cinq ans, mais aussi à son extension à de nouveaux territoires. J’ai entendu Mme la ministre dire que l’on pourrait aller au-delà de soixante territoires. Ce serait une avancée supplémentaire, car 120 territoires ont des projets en cours de maturation ou ont manifesté leur intérêt. Il existe donc de réels besoins et une réelle attente.
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.
M. Xavier Iacovelli. En supprimant l’obligation de financement par les départements, Mme la rapporteure pensait certainement protéger ces derniers d’un alourdissement de leurs dépenses. En réalité, cela limite le champ de leurs compétences, alors même qu’ils souhaitent assumer davantage de responsabilités.
En l’espèce, il s’agit moins d’imposer aux départements une dépense supplémentaire que de leur donner une preuve de confiance.
Tout d’abord, il s’agit d’une expérimentation sur cinquante territoires, ce qui ne crée pas une dépense supplémentaire pour tous les départements. Un département peut ainsi refuser de financer le dispositif et ne pas mettre en place cette expérimentation sur son territoire.
Ce dispositif illustre donc plutôt la confiance du législateur et du Gouvernement à l’égard du département et de sa capacité de faire des choix. La décision de réaliser ou non l’expérimentation revient au département, eu égard à sa proximité et à sa connaissance des besoins du territoire.
L’insertion est une compétence historique des départements qui doit être préservée afin de les responsabiliser. Le département est le chef de file pour l’insertion : cela rend essentiel son rôle de financeur. S’opposer à l’obligation de financement, c’est limiter les compétences du département.
Le caractère volontaire du financement signifie que, si un département ne souhaite pas utiliser sa compétence, un autre acteur pourra se substituer à lui. Financer, c’est donc, pour le département, avoir le droit de choisir. L’implication du département doit être financière afin d’assurer la protection de ses compétences et de sa capacité à choisir ce qui est le mieux pour son territoire.
Les collectivités territoriales veulent être responsabilisées et demandent davantage de compétences pour pouvoir exercer cette responsabilité. Il serait donc dommageable d’empiéter sur les compétences historiques du département en rendant son financement volontaire. Rendre compte de ses choix est essentiel. C’est ce que l’on souhaite pour le département, et cela implique obligatoirement un financement à cet échelon.
Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.
Mme Colette Mélot. Je soulignerai à mon tour l’importance de maintenir une forte dimension territoriale à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », en permettant aux acteurs locaux de participer pleinement au pilotage du dispositif au sein des comités locaux pour l’emploi.
En effet, les différentes expériences de création de ces comités ont permis d’engager un dialogue constructif avec l’ensemble des acteurs locaux. Ce dialogue vise à préciser les règles de fonctionnement de l’expérimentation en matière de développement des activités et d’embauche, en prenant en compte les spécificités locales. Les entrepreneurs, les chambres consulaires, les centres sociaux, les structures de l’insertion par l’activité économique, les associations, les élus et les habitants doivent rester au cœur du dispositif !
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Chacun le sait, nous vivons une période tout à fait particulière, marquée par une crise majeure. Les gens formés, expérimentés qui ont aujourd’hui un emploi risquent de le perdre, mais ils pourront peut-être en trouver un autre assez facilement. Les précaires risquent de tomber dans la pauvreté, et les pauvres dans l’extrême pauvreté.
L’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », qui ne relève pas d’un traitement de masse du chômage, est donc particulièrement importante. Un certain nombre de territoires sont prêts ou se préparent à intégrer le dispositif.
Un certain nombre d’entre nous ont clairement souligné qu’ils espéraient une ouverture de votre part, madame la ministre. Vous avez laissé entendre que vous pourriez faire une annonce d’ici à la commission mixte paritaire, tout en indiquant que des raisons techniques vous en empêchaient aujourd’hui. Que comptez-vous exactement nous proposer ? De quelles raisons techniques s’agit-il ? Nous avons besoin de comprendre !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Au terme du débat à l’Assemblée nationale, le nombre de nouveaux territoires expérimentant le dispositif est passé de trente à cinquante. On pourrait ne jamais s’arrêter dans cette voie. Nous essayons donc d’établir une rédaction qui, tout en évitant le risque d’incompétence négative du législateur, permette d’ajuster le nombre de territoires concernés pour ne laisser de côté aucun territoire prêt. Un travail est en cours avec les services juridiques du Gouvernement – nous pouvons le partager avec ceux du Sénat ou de l’Assemblée nationale – afin de définir le dispositif adéquat, étant entendu que l’analyse juridique montre que, s’agissant d’une expérimentation, le nombre de territoires concernés doit tout de même être encadré. Nous butons sur un petit obstacle juridique que nous n’avons pas réussi à surmonter pour l’instant, mais je pense que nous pourrons trouver une solution d’ici à la commission mixte paritaire. Quoi qu’il en soit, je réitère l’engagement du Gouvernement de faire en sorte qu’aucun territoire prêt à rejoindre l’expérimentation ne soit laissé de côté.
Mme le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le comité local pour l’emploi s’attache également à identifier et à privilégier les activités qui participent au développement socio-économique du territoire. Il s’appuie sur un faisceau d’indicateurs permettant de mesurer l’ensemble des dynamiques de l’économie et de l’emploi du territoire concerné afin de s’assurer de la complémentarité et de l’efficience du dispositif.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je retire cet amendement, car il est mal positionné.
Mme le président. L’amendement n° 7 est retiré.
L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mmes C. Fournier et Doineau, M. Canevet, Mme Sollogoub, M. Delahaye, Mme Vermeillet, MM. Détraigne et Louault, Mmes Dindar, Billon et Perrot, MM. Levi, Moga et Kern, Mmes Férat et Guidez, MM. Henno et Lafon, Mmes Létard et de La Provôté et MM. P. Martin et Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
économiques
insérer les mots :
complémentaires et
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. L’insertion ne doit pas être concurrente des activités économiques existantes. Il nous semble important d’inscrire dans le texte qu’elle peut leur être complémentaire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir retiré l’amendement n° 7, qui était mal rédigé.
J’ai entendu différents intervenants invoquer une double tutelle de Pôle emploi et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les Direccte. J’invite mes collègues à lire avec attention le texte de la commission : en aucun cas il n’y est fait mention de Pôle emploi et des Direccte.
Je vous appelle donc à davantage de précision dans vos propos, s’agissant d’un texte relativement technique attendu sur le terrain.
L’amendement n° 1 rectifié ter vise à inscrire dans le texte la complémentarité des activités développées par les établissements à but d’emploi avec celles qui existent déjà sur le territoire. Il est plus restrictif que ce qui se pratique sur le terrain, puisque les activités créées par les entreprises à but d’emploi peuvent être tout à fait nouvelles et combler un manque sur le territoire. Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement crée un risque d’insécurité juridique, la notion de complémentarité n’étant pas très claire. J’en demande donc le retrait, à défaut j’émettrai un avis défavorable.
M. Michel Canevet. Je le retire !
Mme le président. L’amendement n° 1 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
de l’État
insérer les mots :
, des départements et collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution concernés
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à repositionner les départements et les collectivités territoriales d’outre-mer dans le financement du dispositif.
En effet, le texte voté à l’Assemblée nationale prévoyait un financement obligatoire du fonds d’expérimentation par les départements concernés par le dispositif. Cette obligation de financement a été supprimée sur l’initiative de la rapporteure de la commission des affaires sociales. De notre point de vue, elle doit être rétablie pour ne pas obérer l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Cet amendement ne tend pas à créer de dépense supplémentaire, puisque ce financement vient se substituer aux prestations déjà versées aux chômeurs de longue durée qui sont amenés à être embauchés dans le cadre de l’expérimentation. Nous proposons de réintroduire dans le texte les départements et les collectivités régis par les articles 73 et 74 de la Constitution, car les outre-mer sont grandement concernés par le dispositif.
Le financement à la carte par les départements ne constitue pas un bon signal pour les personnes concernées par le chômage de longue durée. Il existe déjà beaucoup d’iniquité en matière d’aides et d’action sociales. Pour ne pas aller vers plus encore d’injustice, nous souhaitons que l’on revienne à l’esprit initial de la proposition de loi, en prévoyant un financement obligatoire par le département.
Mme le président. L’amendement n° 99, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après les mots :
État et des
insérer les mots :
départements concernés ainsi que des autres
2° Supprimer les mots :
, d’autres collectivités territoriales volontaires
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Il s’agit de réaffirmer la nécessité du financement de l’expérimentation par l’État et les départements. On l’a souligné, les départements jouent un rôle de chef de file en matière d’insertion et leur implication dans cette expérimentation territoriale est nécessaire. Des initiatives de cette nature doivent s’intégrer à une stratégie territoriale, promue par le département, dont la contribution financière permet aussi de sécuriser l’expérimentation.
Par ailleurs, l’expérimentation repose depuis son origine sur les initiatives locales. La réussite des projets passera par l’implication de tous les acteurs locaux, sans exception. Il apparaît ainsi nécessaire de consacrer le rôle du département dans l’expérimentation, y compris à titre financier, afin de réunir toutes les conditions du bon déroulement de celle-ci.
Mme le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
État et des
insérer les mots :
départements concernés ainsi que des autres
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Il paraîtrait effectivement incompréhensible que les départements, qui ont la responsabilité de l’insertion, ne soient pas associés au financement d’une telle expérimentation. Cela reviendrait à dénier leur compétence en la matière. Voilà pourquoi il est nécessaire de réintroduire le caractère obligatoire de la contribution des départements.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est nécessairement défavorable sur ces trois amendements, qui répondent au même objectif, celui présenté par Mme Meunier tendant en outre à repréciser que les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution sont également concernées.
Aux termes de l’article 5 de la loi de 2016, votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat, qui prévoyait le financement du dispositif, le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est financé « par l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les groupes de collectivités territoriales et les organismes publics ». Il n’est pas fait mention des départements : pour autant, en 2016, personne n’a songé les exclure du dispositif.
Ici, vous proposez de prévoir un financement obligatoire par les départements. Sur ce point, nous avons des divergences d’appréciation avec le Gouvernement et un certain nombre de nos collègues. Je rappelle que ma première audition a été consacrée à l’Assemblée des départements de France, l’ADF, qui a souligné qu’elle n’avait pas été associée à l’élaboration du bilan de l’expérimentation mais que les départements n’envisageaient nullement de ne pas contribuer au financement du dispositif. Cela étant, les départements ont leur propre plan départemental d’insertion par l’activité économique et ils entendent être souverains dans la gouvernance de ces dispositifs. Ils peuvent choisir d’intervenir ou pas à l’échelon des structures d’insertion par l’activité économique : il y va de la libre administration des collectivités territoriales. S’ils le peuvent, ils participeront au financement de l’expérimentation, m’a indiqué l’ADF, tout en rappelant qu’il existait, à l’échelle nationale, entre le RSA versé et sa compensation, un différentiel de 5 milliards d’euros… Elle a également insisté sur les très fortes inquiétudes des départements quant à l’évolution de la fiscalité, notamment dans le projet de loi de finances pour 2021, et sur le risque d’accroissement du nombre de personnes en situation de pauvreté et d’allocataires du RSA. Dans mon département de l’Isère, on constate effectivement une augmentation du nombre de ces derniers.
Les départements sont donc très prudents sur les dépenses qu’ils peuvent engager et ils entendent être souverains dans le pilotage de leur plan départemental d’insertion par l’économie. En aucun cas ils ne se sentent exclus du dispositif. Ils ne refusent nullement de contribuer, mais ils s’opposent à l’inscription d’une obligation de financement dans ce texte. En tout état de cause, cela relève d’un décret et on ne sait pas à quelle hauteur serait fixée une telle obligation de financement pour les départements ni ce que ces derniers financeraient.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 49 rectifié et 8 ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.
Pour ce qui est de l’amendement n° 99 du Gouvernement, je souhaite apporter quelques précisions.
L’insertion, vous le savez tous, est l’une des missions de cœur des départements. C’est une compétence pour laquelle ils sont chefs de file. À l’heure où l’on regrette souvent que les départements soient fragilisés dans l’exercice de leurs missions de proximité, il me semble que cet amendement viendra les renforcer.
Nous ne souhaitons pas exclure les départements de l’expérimentation. Le département est un acteur essentiel de la bataille de l’emploi, et nous voulons, je le répète, conforter sa place.
D’ailleurs, pour ce qui est de l’expérimentation qui a été menée jusqu’à présent, n’ont été retenus que des territoires relevant de départements qui étaient partants. La participation financière sera définie par les textes d’application, en concertation, évidemment, avec les conseils départementaux et l’ADF. Aujourd’hui, pour les territoires expérimentateurs, les conseils départementaux contribuent, en moyenne, à hauteur de 1 500 euros par demandeur d’emploi – avec des écarts importants d’un département à l’autre –, contre environ 20 000 euros pour l’État.
Concernant les charges liées au RSA, je rappelle que l’expérimentation est menée sur la base du volontariat. Nous ne proposons en aucun cas d’instaurer une charge supplémentaire obligatoire. Les personnes concernées par le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » peuvent d’ailleurs être des bénéficiaires du RSA. Dans ce cas, les gains attendus de l’expérimentation doivent être largement supérieurs à la charge induite, le coût lié au RSA pour les départements étant réduit d’autant. C’est en quelque sorte une stratégie d’économie par l’efficacité de l’action publique, un investissement gagnant-gagnant : gagnant pour le citoyen qui retourne vers l’emploi ; gagnant pour la collectivité qui réduit ses dépenses d’allocation.
Pour avoir été présidente de conseil départemental, je sais, comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il faut faire confiance aux territoires, aux élus locaux pour définir la politique la plus pertinente pour atteindre leurs objectifs. Ce texte vise à offrir un outil supplémentaire, efficace et collectif, en laissant à chaque département le libre choix et le dernier mot.