Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Je vous ai bien entendues, madame la ministre déléguée, madame la rapporteure, mais permettez-moi tout de même d’insister.
Les modifications apportées à ce texte mettent en danger la territorialité de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Notre volonté est de revenir à l’esprit initial de la loi. J’insisterai particulièrement sur la suppression de l’obligation de financement des départements concernés par le dispositif. Cette expérimentation constitue pourtant une vraie réponse face à la crise sociale. Rappelons que l’on attend 300 000 chômeurs supplémentaires d’ici à la fin de l’année.
Les collectivités territoriales, particulièrement les départements, acteurs centraux de l’action sociale, doivent soutenir ces projets. La philosophie de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » implique que les collectivités susceptibles de tirer un bénéfice financier des embauches contribuent effectivement au financement du dispositif. La suppression de l’obligation de financement, ainsi que la volonté de contrôle et de surencadrement qui se manifeste, vont nuire à l’émergence de nouveaux projets et fragiliser la viabilité de l’expérimentation.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Il ne s’agit nullement de nier l’importance du rôle des départements en matière d’insertion ou d’emploi. Mme la rapporteure a été claire, il ne s’agit pas non plus de nier la possibilité, pour les départements, de participer à ce dispositif.
Au fond, la question est plus importante que cela : il y va de la libre administration des collectivités territoriales et du principe de décentralisation. Si, pour chaque politique publique, on oblige les départements ou d’autres collectivités à participer ou on le leur interdit, ces principes se trouvent remis en cause.
Depuis un certain nombre d’années et de textes, nous sommes passés d’une décentralisation de décision, comme elle l’était à l’origine, à une décentralisation d’exécution. C’est la raison pour laquelle nous partageons l’argumentation de Mme la rapporteure.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Les départements étant les têtes de pont de l’insertion, je ne vois pas en quoi il serait gênant de leur demander de participer au financement, dès lors qu’ils accueillent des « territoires zéro chômeur de longue durée ». Si le dispositif est bien conçu, il n’y aura pas de dépense nouvelle, puisqu’il s’agit de transformer une dépense dite passive en dépense active. En additionnant le coût du RSA et de toutes les aides et prestations diverses, y compris non pécuniaires, comme l’accompagnement, je pense que les départements ne doivent pas être perdants. Cette obstination à refuser que les départements contribuent de manière obligatoire, dès lors qu’ils sont concernés, me surprend donc.
En disant ceci, je vais peut-être fâcher quelques-uns de mes collègues, mais nous savons bien que la politique d’insertion a été menée de façon très variable selon les départements. En ce qui concerne le RMI, le revenu minimum était versé dans tous les départements, car la loi l’imposait, mais on ne souciait pas partout de l’insertion…
Aujourd’hui, bien évidemment, les choses ont un peu évolué, mais ne pas prévoir d’obligation de financement créera une distorsion entre les départements qui feront un effort et ceux qui en seront exemptés. J’avoue ne pas très bien comprendre…
Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. J’ai moi aussi été président d’un département et je m’occupe des affaires sociales depuis assez longtemps. Certes, aucun département ne refusera de participer à cette action en faveur des chômeurs, mais c’est le caractère obligatoire d’une telle participation qui gêne. Les départements contribueront de toute façon, compte tenu des économies qu’ils pourront réaliser au titre du RSA. Néanmoins, j’y insiste, ce caractère obligatoire est insupportable. Comment peut-on continuer à dire aux départements qu’ils doivent faire des économies et à les priver de ressources fiscales, tout en les obligeant à assumer de nouvelles dépenses ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je suis très favorable à la participation des départements, mais pas par obligation. Je pense qu’il faut les inciter, tout faire pour qu’ils aient envie de participer, mais non les contraindre. Ce caractère obligatoire va complètement à l’encontre du principe de libre administration des collectivités. N’oublions pas que les départements rencontrent aujourd’hui beaucoup de difficultés dans tous les domaines, notamment en matière sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. J’abonderai dans le même sens.
Il me semble qu’il y a une dissonance entre la notion d’expérimentation, d’initiative, qui, en l’espèce, émane de l’échelon communal, et sa transformation en une contrainte pour les conseils départementaux.
Le conseil départemental accompagne l’insertion au travers d’un plan départemental ad hoc. Si une initiative locale se met en place dans le département sur l’initiative d’une collectivité locale, devra-t-elle obligatoirement être intégrée à ce plan ?
Bien évidemment, le conseil départemental est le chef de file en matière d’insertion ; bien évidemment, il accompagne les bénéficiaires du RSA ; bien évidemment, il aura à cœur d’ajouter cette expérimentation à son arsenal d’insertion, mais on ne peut pas à la fois parler d’expérimentation et transformer le dispositif en obligation – ou alors, c’est à n’y plus rien comprendre ! Le département est compétent en matière d’insertion, mais il n’y a pas de contradiction à ne pas l’obliger à participer à l’expérimentation.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, l’obligation en question procède de l’idée que toutes les collectivités locales, y compris les départements, doivent prendre leur part dans l’exigence d’égalité et de solidarité républicaines. Cela ne peut être à la tête du client : je rappelle que le RSA est versé dans tous les départements. Il s’agit de garantir l’unité, l’égalité et la solidarité républicaines. L’expérimentation ne signifie pas que chacun fait ce qu’il veut chez soi. Elle a vocation à éclairer la manière dont, à terme, nous pourrions élargir notre arsenal pour développer l’emploi et favoriser l’insertion des chômeurs de longue durée. Dans cette logique, chacun doit prendre sa part à l’effort de solidarité ; cela ne doit pas reposer sur le volontariat, l’exigence de solidarité s’impose à tous. On invoque sans cesse la responsabilité des élus et des territoires, mais si tout le monde faisait preuve de responsabilité en matière de solidarité, il n’y aurait pas besoin d’État, et il n’y aurait pas de communes qui n’appliquent pas la loi SRU ! (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
Je le répète, chaque collectivité doit prendre sa part à l’effort national, selon ses spécificités et ses capacités, pour permettre la réussite de cette expérimentation. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et SER – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet. Pour moi, ce débat sur le caractère obligatoire ou non de la participation des départements devait venir plus tard, à l’article 6.
Il n’est pas question, à nos yeux, de contester que la contribution financière des départements à l’ingénierie des projets doive rester facultative. En revanche, le caractère obligatoire de leur participation financière au financement des emplois supplémentaires doit, à notre avis, être préservé.
En effet, la philosophie du projet implique que les collectivités territoriales susceptibles de tirer indirectement ou directement un bénéfice financier des embauches contribuent effectivement au financement de l’expérimentation.
Ce caractère obligatoire de la participation des départements laisse néanmoins libres les départements de contribuer selon des modalités et des montants qu’ils décideront : le principe de la libre administration des collectivités locales demeure.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de mon territoire, Villeurbanne, qui est l’un des dix expérimentateurs actuels. En l’espèce, la métropole de Lyon a choisi de reverser à l’euro près le montant de l’économie qu’elle réalise sur le RSA. D’autres départements ont opté pour une approche forfaitaire.
Les départements sont donc libres de déterminer les modalités et le montant de leur participation, mais ils sont parmi les premiers bénéficiaires du retour à l’emploi des personnes, notamment grâce à l’économie réalisée au titre du RSA, mais aussi, plus largement, grâce aux incidences positives en termes de prise en charge du handicap ou même de protection de l’enfance.
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet. L’activation de ces dépenses passives du département ne peut être qualifiée, à notre avis, d’entorse à la libre administration des collectivités locales, sauf à méconnaître le fait que cette expérimentation est massivement soutenue aujourd’hui par les départements concernés.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il ne s’agit en aucun cas d’imposer une dépense à un département, puisque l’on se situe dans le cadre d’une expérimentation reposant sur le volontariat. Cela étant, il serait tout de même paradoxal qu’une telle expérimentation soit menée dans un territoire sans que le département, chef de file en matière d’insertion, y soit partie prenante. Dès lors, la meilleure façon de signifier l’association du département à la démarche est d’entériner dans le texte le principe de sa participation financière. Alors que tout le monde nous dit qu’il faut clarifier les compétences, il serait paradoxal, je le répète, qu’une telle expérimentation soit menée par un conseil régional et une intercommunalité, par exemple, sans que le département y participe. Je ne suis pas sûre que cela contribuerait à clarifier les rôles des différentes collectivités.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’exemple du Rhône évoqué par Mme Poncet constitue une bonne illustration de la problématique : des départements ont fait des choix différents, en cohérence avec leurs propres plans d’insertion.
Madame la ministre, je tiens à le rappeler, ce sont non pas les départements qui sont volontaires pour mener l’expérimentation, mais les territoires, ce qui est complètement différent, à moins que vous ne nous disiez que les territoires candidats ne seront retenus que si le département participe à l’expérimentation. Mais, pour l’heure, nous ne disposons pas du cahier des charges de l’expérimentation, qui est encore en cours de négociation. Aujourd’hui, ce sont bien les seuls territoires qui font acte de volontariat, sans avoir forcément demandé au préalable au département s’il souhaitait financer ou pas. C’est une petite nuance d’importance !
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mme C. Fournier, M. Canevet, Mmes Sollogoub et Vermeillet, M. Détraigne, Mme Perrot, M. Louault, Mme Létard, M. Levi, Mmes Billon, de La Provôté, Dindar, Férat et Guidez et MM. Henno, Kern, Lafon, Moga, Delcros, P. Martin et Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment en analysant les dossiers non retenus et en formulant des recommandations afin d’accompagner les candidats non éligibles
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Il convient de s’assurer que le bilan de l’expérimentation dressé par le fonds comporte une analyse des dossiers non retenus, afin de pouvoir accompagner les territoires candidats déboutés dans leur démarche.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. À mon vif regret, je dois émettre un avis défavorable ; opposer un refus à Catherine Fournier m’ennuie beaucoup ! (Sourires.)
On peut considérer que, en réalité, le fonds accompagne déjà les territoires non retenus. Le préciser dans la loi serait, à mon avis, un peu superfétatoire.
En outre, il y a un problème de temporalité, puisqu’il s’agit d’un rapport devant être publié dix-huit mois avant la fin de l’expérimentation : cela semble un peu tard pour accompagner les territoires déboutés…
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je crois important que le fonds puisse trouver des voies de sortie pour les territoires qui ne seraient pas retenus. Pour autant, une telle disposition ne me semble pas relever du niveau de la loi. Les textes d’application pourront préciser, le moment venu, comment seront accompagnés les territoires non retenus. Je suggère à Mme Fournier de retirer cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme le président. Madame Fournier, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?
Mme Catherine Fournier. Je fais confiance à Mme la ministre, et plus encore à Mme Puissat. (Sourires.) Je retire l’amendement.
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mmes Poncet et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 60 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 69 rectifié bis est présenté par M. Henno, Mmes Perrot et Létard, MM. Delahaye, Levi, Mizzon, Louault et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Kern et P. Martin, Mme Morin-Desailly, M. Cigolotti, Mme de La Provôté, MM. Chauvet et Moga et Mme Férat.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique réalise l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle pérennisation. Il tient compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.
La parole est à Mme Raymonde Poncet, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
Mme Raymonde Poncet. Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale concernant l’objectif visé au travers de l’évaluation du comité scientifique.
En limitant l’objectif des travaux qui devront être menés par le comité scientifique à la détermination des suites qu’il convient de donner au projet, la commission des affaires sociales du Sénat me semble avoir considérablement dévoyé l’esprit initial du texte.
L’évaluation réalisée par le comité scientifique doit surtout permettre d’analyser les conditions de pérennisation du projet d’expérimentation.
Il est également nécessaire de rétablir la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse pour l’évaluation du projet d’expérimentation. L’impact sur l’empreinte carbone, la contribution à la lutte contre la pauvreté et pour de meilleures conditions de vie : beaucoup de critères et d’indicateurs nécessitent de faire l’objet d’une évaluation à moyen terme pour bien mesurer les incidences positives, qui doivent peser dans la décision publique, laquelle ne saurait être régie par le seul coût financier à court terme ou une comparaison avec d’autres dispositifs, telle l’insertion par l’activité économique.
Cette expérimentation du XXIe siècle ne peut être étudiée avec une loupe des années 1970. Il est indispensable de pouvoir prendre en compte l’ensemble des externalités du projet.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a été très bien défendu par Mme Poncet. Je n’ai rien à ajouter.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Analyser les conditions de pérennisation du projet me paraît plus fort que déterminer les suites qu’il convient de donner à celui-ci…
Mme le président. L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par Mme C. Fournier, M. Canevet, Mme Doineau, MM. Delahaye et Détraigne, Mmes Billon, de La Provôté, Dindar, Férat et Guidez, MM. Henno, Kern et Lafon, Mme Létard, MM. Levi, Louault et Moga, Mmes Perrot et Sollogoub et MM. Delcros, P. Martin et Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
scientifique
insérer les mots :
, notamment composé d’élus locaux,
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Par cet amendement, il est proposé de s’assurer que le comité scientifique chargé de déterminer les conditions appropriées pour l’éventuelle pérennisation de l’expérimentation soit bien composé d’élus locaux. Il est indispensable que les élus locaux puissent participer à l’élaboration des travaux du comité scientifique.
Mme le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Deuxième phrase
Supprimer les mots :
et ses résultats comparés à ceux des structures d’insertion par l’activité économique
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et en tenant compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Au travers de cet amendement, nous souhaitons insister sur le fait que l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » constitue un projet innovant, qui est en train de s’affirmer comme un modèle économique d’utilité sociale. C’est une démarche différente de celle qui sous-tend l’IAE : l’évaluation de l’expérimentation ne peut donc être établie par comparaison avec cette dernière.
En outre, l’innovation porte également sur les externalités positives. Comment toutes les prendre en compte dans l’évaluation du comité scientifique ? Comment établir une évaluation autant qualitative que quantitative ? La prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans les critères de cette évaluation scientifique nous apparaît être une réponse pertinente à ces questions.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les amendements identiques nos 28 rectifié, 60 rectifié bis et 69 rectifié bis ont trait au rôle du conseil scientifique. Ils visent à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui se bornait, si j’ose dire, à prévoir que l’évaluation du dispositif devait « déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle pérennisation ».
Ce principe me semble réducteur, mais loin de moi, pour autant, l’idée de remettre en cause l’expérimentation. Je rappelle que nous validons son extension à cinquante nouveaux territoires, voire davantage. Cependant, il se pourrait que l’évaluation faite par le comité scientifique conduise à conclure qu’il n’est pas pertinent de pérenniser l’expérimentation, par exemple parce que cela ne serait pas soutenable financièrement. Il ne faut pas exclure cette éventualité.
Par ailleurs, ce dispositif pourrait aussi s’avérer moins performant que d’autres. On pourrait aussi en venir à estimer que ce dispositif doit être recentré sur certains territoires ou qu’il correspond davantage à un certain type de public. J’ai le sentiment que les territoires candidats à l’expérimentation attendent aussi d’être orientés en la matière : certains m’ont interrogée à ce sujet.
Cet article vise à ouvrir le champ des possibles quant à l’évaluation par le conseil scientifique. Nous sommes tout à fait disposés à travailler ultérieurement, le cas échéant, sur un autre texte de loi visant soit à prolonger l’expérimentation, soit à pérenniser le dispositif. Ce sera alors notre rôle de législateur de trancher. Pour l’heure, la commission est défavorable aux trois amendements identiques.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié ter, qui vise à intégrer des élus locaux au sein du conseil scientifique. Je rappelle que celui-ci est composé aujourd’hui de techniciens, c’est-à-dire de statisticiens, de chercheurs, d’économistes. Les élus locaux siègent plutôt dans les comités locaux pour l’emploi.
L’amendement n° 52 rectifié est un peu différent des autres. Il vise à écarter une comparaison du dispositif avec les structures d’insertion par l’activité économique. Par ailleurs, ses auteurs souhaitent que l’on tienne compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi de 2015. Il s’agit non pas d’opposer les outils, mais de considérer qu’il peut y avoir des conflits d’usage, des personnes ou des emplois pouvant relever des deux types de structures. Dès lors, il n’est pas inintéressant que le conseil scientifique puisse se pencher sur ce point.
En qui concerne les nouveaux indicateurs de richesse, le texte de la loi de 2015 est assez compliqué. Le champ est tellement large que je ne suis pas persuadée que le conseil scientifique ait les compétences requises pour porter une appréciation sur le dispositif à l’aune de ces indicateurs. L’avis est plutôt défavorable sur l’amendement n° 52 rectifié.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. L’objet de ces différents amendements est, plus ou moins, de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, avec l’avis favorable du Gouvernement. À titre personnel, je ne vois pas bien quelle est la différence, puisque, dans les deux cas, un conseil scientifique est chargé d’évaluer l’expérimentation pour déterminer si elle doit être « pérennisée », selon la rédaction de l’Assemblée nationale, ou « prolongée, élargie ou pérennisée », selon la rédaction de la commission du Sénat. Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’ensemble des amendements en discussion commune, les deux rédactions ne me semblant pas très différentes.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 rectifié, 60 rectifié bis et 69 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol, Monier et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans un objectif de développement socio-économique du territoire, s’appuie sur des indicateurs permettant de mesurer l’ensemble des dynamiques de l’économie et de l’emploi du territoire concerné afin de s’assurer de la complémentarité et de l’efficience du dispositif
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Les activités développées dans le cadre de la première phase de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » présentent des spécificités intrinsèques à la philosophie même de ce projet, mais qui ne se retrouvent plus du tout dans la rédaction que nous propose Mme la rapporteure pour les alinéas détaillant les missions du comité local. C’est toute l’originalité de l’expérimentation, son adaptation locale et son impact social qui se trouvent ainsi fragilisés.
Notre amendement vise donc à garantir que les besoins sociaux, l’utilité sociale et donc l’impact social global du dispositif restent bien au cœur de cette démarche. En effet, il s’agit bien de répondre à une demande sociale locale qui n’est pas remplie, parce qu’elle n’est pas assez lucrative pour le secteur marchand : tel est le fondement des EBE.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est vrai que la commission a quelque peu modifié la rédaction de cet article, de manière à recentrer les objectifs du comité local pour l’emploi. Pour autant, nous n’avons nullement voulu déposséder ce comité de certaines de ses prérogatives, bien au contraire.
Votre proposition de rédaction me semble un peu compliquée ; elle n’ajouterait pas grand-chose au rôle du CLE. C’est pourquoi la commission a décidé de ne pas la retenir. Très honnêtement, le CLE joue un rôle effectif sur les territoires et ne pose aucune difficulté. Il est bien intégré dans le texte de la proposition de loi, car, je le répète, nous n’avons pas voulu le déposséder de ses prérogatives, bien au contraire.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Effectivement, le rôle du comité local pour l’emploi est bien maintenu dans le texte issu des travaux de votre commission. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la notion de « complémentarité », qui me semble être source de contentieux. Le type de rédaction proposé dans cet amendement peut donc fragiliser certaines expérimentations : c’est pourquoi je suggère à Mme la sénatrice de le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.