M. Éric Bocquet. Avec cet amendement relatif à la taxation des grands groupes du numérique, nous sommes au cœur de l’actualité. En effet, chacun sait que, cette semaine, le Tribunal de l’Union européenne a annulé l’obligation faite à Apple de rembourser 13 milliards d’euros d’impôts à la République d’Irlande. Treize milliards d’euros, c’est quand même 20 % des recettes budgétaires de la République d’Irlande ! Plus concrètement, cette somme permettrait de financer vingt hôpitaux dans ce pays de 4,5 millions d’habitants.
Nous avons débattu très souvent de ce sujet et de la nécessité d’imposer le juste impôt aux grands groupes du numérique. Un bras de fer s’est engagé, on le sait, et la bataille doit être menée sans relâche.
Nous proposons avec cet amendement d’y remédier afin que chacun apporte sa nécessaire contribution au redressement des économies mondiales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le sujet est archiconnu, et, par souci de constance, je regrette beaucoup de devoir émettre un avis défavorable.
Je serais très favorable à la mise en place de cette taxe numérique, qui nous épargnerait des arrêts comme ceux qu’a rendus par exemple le Conseil d’État, devant lequel l’administration fiscale a perdu à plusieurs reprises. De fait, si créer une telle taxe était si simple, elle l’aurait déjà fait. Simplement, il est nécessaire pour ce faire de renégocier les conventions fiscales, ce qui est un peu compliqué.
C’est la raison pour laquelle, à mon grand regret, je le répète, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.
En outre, M. Bocquet sait parfaitement, parce que nous avons eu l’occasion d’en débattre lors de l’examen des dernières lois de finances, que la France est un des pays pionniers en matière de taxation des géants du numérique avec la taxe sur les GAFA, qui rapporte 350 millions d’euros.
J’ajoute que la Commission européenne a déclaré le 15 juillet dernier qu’elle examinerait la décision rendue dans l’affaire Apple et se réservait la possibilité de faire appel, dans la mesure où elle ne l’accepte visiblement pas.
Au-delà, nous considérons que la question des conventions fiscales se pose, dans les termes rappelés par le rapporteur général, et que seule une harmonisation des législations permettrait d’agir efficacement en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Puisque nous avons si souvent répété qu’il faudrait revoir les conventions fiscales, seul moyen de parvenir à nos fins, eh bien, revoyons-les !
Nous avions présenté un amendement par lequel nous demandions la remise d’un rapport sur cette question de la révision des conventions fiscales – laquelle d’entre elles réviser en premier et selon quelle méthode ?
Il va falloir véritablement s’y mettre et cesser de valider ces conventions ou de les laisser perdurer, alors qu’elles nous entravent. Agissons !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et SOCR.)
L’amendement n° 956 rectifié, présenté par Mmes Estrosi Sassone, Guillemot, Primas, Lienemann et Lavarde, M. Decool, Mme Renaud-Garabedian, MM. Mayet et Gremillet, Mme Chauvin, M. Babary et Mme Artigalas, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Aux première et seconde phrases du premier alinéa du II de l’article 210 F du code général des impôts, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement déposé par Dominique Estrosi Sassone vise à soutenir le secteur du logement en favorisant la transformation de bureaux en logements. Ce sera d’autant plus pertinent si jamais les mouvements qui ont été observés dans le secteur de l’immobilier d’entreprise se confirment lorsque l’activité reprendra normalement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Plusieurs dispositifs déjà en vigueur – je pense notamment à l’ordonnance de report des délais pendant la période d’état d’urgence sanitaire ou encore à la jurisprudence sur la force majeure – permettent de couvrir des situations de retard de chantier quand des délais sont imposés pour des raisons fiscales. Le report de deux ans du délai d’achèvement proposé par les auteurs de cet amendement ne nous paraît pas opportun dans le cadre des dispositifs que nous examinons.
Le mécanisme arrivant à échéance à la fin de l’année, il ne s’agit que de couvrir des projets déjà lancés du fait des retards liés à la crise, non pas d’assouplir le dispositif pour de futurs projets.
Ce sont les deux raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 741 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, Courteau, D. Dubois, Husson, Cuypers et Duplomb, Mmes Lavarde et Lamure, MM. Calvet et Babary, Mme Artigalas, M. D. Laurent, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Brisson, Raison, Perrin et Vogel, Mmes Berthet, Chauvin, Deroche, Billon et Bruguière, MM. Mouiller et Labbé, Mme Létard, MM. Sido, Savary, Chaize et Cabanel, Mme Noël, MM. Louault, Duran, Daunis et Tissot et Mme Schoeller, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section III du chapitre II du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article 217 … ainsi rédigé :
« Art. 217 … – I. – Les fournisseurs d’électricité titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 333-1 du code de l’énergie, les fournisseurs de gaz titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 443-1 du même code alimentant plus de 100 000 clients, les fournisseurs d’électricité qui interviennent dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les entreprises locales de distribution définies à l’article L. 111-54 du même code ainsi que les fournisseurs et services distribuant l’eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales peuvent déduire du résultat de l’exercice une somme égale au montant des factures d’électricité, de gaz ou d’eau non acquittées par les microentreprises.
« II. – Ouvre droit à la déduction d’impôt prévue au I le montant des factures mentionnées au même I, exigibles entre le 12 mars et le 12 juillet 2020, et non acquittées à l’issue du report du paiement visé au g du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dans la limite d’un plafond de 30 %.
« III. – Un arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l’énergie détermine les modalités d’application du présent article.
« IV. – Le bénéfice de la déduction est subordonné au respect du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. Cet amendement vise à instituer une déduction fiscale sur l’impôt sur les sociétés pour compenser aux énergéticiens une partie du montant des factures d’énergie non acquittées par les microentreprises à l’issue du report de paiement permis par la loi d’urgence sanitaire.
À la chute massive des prix de l’énergie, que ce soit le pétrole, l’électricité ou le gaz, s’ajoutent les faillites de certaines entreprises, dont des microentreprises, qui seront donc dans l’incapacité de rémunérer les énergéticiens.
En conséquence, à court terme, l’urgence doit être de soutenir la trésorerie de ces entreprises. Il serait a minima nécessaire qu’une partie des factures non acquittées par les microentreprises, à l’issue du report de paiement prévu par la loi d’urgence sanitaire, soient prises en charge par l’État au titre de la solidarité nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour expertiser cet amendement, mais on ne voit pas très bien en quoi les énergéticiens ne pourraient pas pallier les difficultés économiques des microentreprises. Cet amendement ne nous paraît donc pas particulièrement opportun et nous en demandons donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Même avis. Par ailleurs, il existe des dispositifs de prise en charge des pertes probables lorsqu’elles sont identifiées.
M. le président. Monsieur Cuypers, l’amendement n° 741 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Pierre Cuypers. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 741 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 732, présenté par M. Cadic, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les deuxième à dernière phrases du deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Lors de sa campagne électorale, Emmanuel Macron s’était engagé à réduire progressivement le taux de l’impôt sur les sociétés à 25 %.
Bienvenue, cette baisse du taux de l’IS devait permettre de combler partiellement un écart qui s’est creusé avec les pays concurrents, plaçant la France au tout premier rang pour la hauteur des taux.
Sa mise en œuvre, étalée sur plusieurs années, avait semblé hésitante. Mes doutes n’ont pas manqué de se confirmer : compte tenu du coût budgétaire des mesures prises en réaction au mouvement des « gilets jaunes », le Gouvernement a décidé en 2019 de reporter la baisse de l’IS pour les grandes entreprises, c’est-à-dire celles dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 250 millions d’euros.
Rappelons pourtant qu’avec un taux normal d’IS abaissé à 25 % à l’issue du quinquennat, la France continuerait à avoir un taux supérieur à la moyenne européenne, qui s’établit à 23 %.
À situation inchangée dans les autres États membres de l’Union européenne, dix-neuf d’entre eux auront même en 2022 un taux inférieur à 25 %.
On a reporté la baisse uniquement sur les grosses entreprises, laissant une fois de plus entendre que les gros pouvaient payer. Mais c’est oublier que l’impôt payé par ces grandes entreprises est toujours supporté au bout du compte par les consommateurs, les salariés ou encore les fournisseurs.
Ce sont les lois de l’incidence fiscale : celui qui paie l’impôt n’est pas toujours celui qui en supporte la charge, et c’est particulièrement vrai s’agissant des impôts sur les entreprises.
Cet amendement vise ni plus ni moins à en revenir à la trajectoire de baisse initialement prévue. Il tend en quelque sorte à inviter le Gouvernement à respecter son engagement et la parole donnée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il est tout à fait exact, et notre collègue Cadic a raison, que, d’une part, le taux nominal de l’impôt sur les sociétés en France est plus élevé que la moyenne, et que, d’autre part, le Gouvernement a renoncé à sa trajectoire de baisse telle qu’elle était annoncée, même si l’on nous avait expliqué que l’objectif était de parvenir à un taux de 25 %. De fait, on ne sait plus très bien ce qu’il en est de cette trajectoire.
Néanmoins, même si nous partageons votre intention, nous ne vous suivons pas complètement, et ce pour deux raisons.
D’une part, cette question me semble davantage relever d’un projet de loi de finances ; d’autre part, et surtout, ce n’est pas forcément la bonne année pour mettre en place la mesure que vous proposez tant le produit de l’impôt sur les sociétés s’est effondré.
Je vous invite à consulter, dans le rapport, les magnifiques graphiques sur le produit des impositions. Le projet de loi de finances rectificative table sur une baisse de 67,4 % du produit de l’impôt sur les sociétés par rapport à ce qui était prévu par la loi de finances initiale. Un effondrement de deux tiers, soit la plus forte chute de tous les impôts !
Cette année, peu d’entreprises seront bénéficiaires, et le rendement de l’impôt sur les sociétés sera bien maigre. Je disais en introduction de ce débat que nous connaîtrions cette année un déficit totalement délirant, dû essentiellement non pas aux dépenses nouvelles, mais à l’effondrement de nos recettes. Par conséquent, il nous faut bien préserver quelques recettes fiscales.
C’est ce problème d’opportunité qui motive notre demande de retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable pour les mêmes raisons que celles qu’a invoquées le rapporteur général.
J’ajoute que les entreprises visées par M. Cadic dans son amendement ne sont pas celles qu’a ciblées le Gouvernement dans les différents dispositifs qu’il a mis en place.
M. le président. Monsieur Cadic, rendez-vous en projet de loi de finances ? (Sourires.)
M. Olivier Cadic. À force de reporter, j’ai peur que nous ne devions prendre rendez-vous à chaque examen de projet de loi de finances !
Ce qui est intéressant, c’est que nous faisons la même analyse. À un moment, il faudra s’interroger sur la cohérence de nos pratiques : en effet, plus on augmente le taux, plus les rentrées fiscales diminuent. C’est magique ! De fait, si l’on réduit les taux, on peut prévoir que celles-ci augmenteront.
J’en appelle à votre sens de la logique et à une forme de cohérence. Si vous voulez que l’argent rentre dans les caisses de l’État, il faut réduire les taux. C’est cela, la logique.
Toujours est-il que je tiens absolument à maintenir mon amendement, au moins pour avoir le sentiment d’être cohérent avec ce que je vis et ce que je constate au niveau européen. Nous, nous augmentons les taux et provoquons de ce fait une réduction des rentrées fiscales, alors que nous devrions faire l’inverse.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. En toute amitié, je voudrais demander à notre collègue Olivier Cadic à quel niveau il fixe le seuil d’imposition ? On parlait d’Apple. Cette entreprise s’est installée à Dublin, en Irlande, pour la raison qu’on lui proposait un taux de 1 % en 2003. Or le taux effectif constaté en 2014 est de 0,005 % ! Soit 13 milliards de moins dans les caisses de l’Irlande !
Aux États-Unis, l’excellent Donald Trump, en arrivant aux affaires, a fait passer le taux de l’impôt sur les sociétés de 39 % à 15 %. Est-ce votre modèle ?
M. le président. Eh bien nous ne le saurons pas, car M. Cadic n’a pas le droit de reprendre la parole ! (Rires.)
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Il va répondre pour lui ! (Mêmes mouvements.)
M. Pascal Savoldelli. Je ne répondrai pas à la place de mon collègue, car mon propos différerait du sien ! (Sourires.)
Je suis d’accord avec le rapporteur général : cette question relève d’un projet de loi de finances initiale.
Moi qui ai été élu en 2017, ces échanges m’ont donné à réfléchir : quand ce débat aura lieu, je vous présenterai les chiffres contenus dans le rapport spécial que je présente sur la mission « Remboursements et dégrèvements ». Il ne faut pas s’en tenir aux taux ; il faut également prendre en considération l’ensemble des niches existantes, qui correspondent à autant d’exonérations et de dégrèvements. C’est à cette aune qu’on peut réellement mesurer la contribution des grands groupes.
Je ne voterai donc pas cet amendement, qui, je le répète, relève de la loi de finances initiale.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Vous parlez des États-Unis, mais moi, je veux vous parler de mon expérience en tant que maire rurale.
Il n’y a pas de quoi rire, parce que l’idée de baisser les taux et d’élargir la base, c’est ce à quoi nous réfléchissons régulièrement dans nos communes.
M. Vincent Segouin. Exactement !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 40 est présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Antiste, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy, Cabaret et Conconne, MM. Duran, Durain et Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier, Préville, S. Robert et Schoeller, M. Sueur, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 902 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° 40.
M. Claude Raynal. M. Savoldelli a abordé la question des niches. Je vais le suivre dans cette voie. Comme d’habitude, que ce soit en projet de loi de finances ou en projet de loi de finances rectificative, je cherche des ressources. Et pour en trouver, rien de tel que de supprimer des niches ! Il en existe une excellente : la niche Copé, qu’on évoque régulièrement. Quel est son rôle, sa fonction, à quoi sert-elle ? Je vais être très clair : elle ne sert à rien ! On peut donc gagner 5 milliards d’euros assez facilement ! Je vous y encourage. Et la pédagogie étant l’art de la répétition, nous proposons à nouveau la suppression de la niche Copé.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 902.
M. Fabien Gay. Notre collègue Raynal a tout dit, mais j’ajoute juste un mot.
Cinq milliards d’euros, c’est le montant de cette exonération sur les cessions de filiales. Lors de l’examen de la deuxième loi de finances rectificative, nous avions eu un débat sur un dispositif de contrôle des aides publiques versées à des entreprises ayant des filiales basées dans les paradis fiscaux. Ce dispositif a été supprimé par la commission mixte paritaire, alors même que Bruno Le Maire, le matin même, à la radio, s’y était déclaré favorable.
Je sais que ce n’est jamais le moment de parler de ces questions d’optimisation fiscale, d’évasion fiscale. Mais rappelons que 63 grands groupes, malgré votre appel à la modération, ont versé des dividendes alors qu’ils ont touché de l’argent public ou cours de la période que nous venons de traverser. Et nombre de ces groupes possèdent des filiales dans des paradis fiscaux.
En plus de supprimer la niche Copé, nous vous invitons à réfléchir à ces questions de la modération des dividendes et des filiales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La pédagogie étant en effet l’art de la répétition, je vais donc répéter ce que j’ai dit lors de l’examen de la loi de finances.
La niche dite communément « Copé » n’est pas un avantage fiscal particulier ; elle vise simplement à assurer la neutralité fiscale notamment d’opérations de fusion au sein d’un groupe, ces opérations participant de la vie économique normale. Ce dispositif fiscal se justifie donc pleinement.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Lors de l’examen du projet de loi de finances, le Gouvernement avait en effet souligné que la France était devenue le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers.
Le dispositif Copé participe de cette attractivité, raison pour laquelle nous y sommes attachés.
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. La niche Copé, c’était 4,4 milliards d’euros en 2017, 7 milliards en 2018, et 5 milliards en 2019. Et l’on nous dit que ce n’est pas le moment d’y toucher ! Mais c’est bien dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative que le Gouvernement – là, ce n’est pas le Sénat, et chacun se déterminera – a prévu de prolonger la CRDS !
Ainsi, d’un côté, on décide de conserver ces niches qui profitent à une partie de nos concitoyens qui ne sont pas les plus en difficulté, tandis que, d’un autre côté, on proroge jusqu’en 2042 une taxation à 0,5 % de tous les revenus, quel que soit leur niveau. Vous croyez que c’est bien ? Est-ce là votre conception de la justice fiscale et sociale, de la juste répartition ? S’agit-il là de ce ruissellement dont vous parlez ?
C’est un débat de société : que met-on en commun ? que met-on en partage ? quels efforts doivent fournir les uns et les autres ?
On ne peut pas nous dire, d’un côté, qu’il ne faut pas toucher à la niche Copé – je vous ai cité les chiffres –, et, d’un autre côté, proroger tranquillement la CRDS jusqu’en 2042 !
Mes chers collègues, je vous l’ai dit hier, et je vous le redis aujourd’hui, sans esprit polémique : d’ici à 2042, cette prorogation représentera 165 milliards d’euros, soit exactement 7,5 milliards par an.
C’est un choix politique assumé. Mais, comme l’on dit, « la preuve du pudding, c’est qu’on le mange ». Or la niche Copé n’a aucune efficacité et ne nous singularise aucunement par rapport aux autres pays.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Ce débat est intéressant, et nous l’aurons de nouveau lors de l’examen des nouvelles baisses prévues d’impôt sur les sociétés, puisqu’on nous a dit que les impôts de production étaient stupides. Or c’est quand même grâce à eux qu’on finance les infrastructures, et sans infrastructures – routes, écoles, etc. –, il n’y a pas d’activité économique !
Évidemment, on peut faire sienne la logique selon laquelle plus on baisse l’impôt sur les sociétés, plus celles-ci seront nombreuses à venir s’installer chez nous. Mais là, c’est une logique de dumping fiscal ! Que faut-il faire ? Devenir un paradis fiscal pour attirer l’activité économique ? On ne peut pas adopter ce modèle. Aujourd’hui, ce qui fait l’attractivité de la France, ce sont aussi ses services publics, ce sont aussi ses infrastructures, et il faut que les entreprises participent à leur financement.
Moins on fera payer d’impôt aux entreprises, plus on réduira les services publics et les infrastructures et moins, en définitive, nous les attirerons. Cette vision à court terme est totalement contraire à la justice sociale, indispensable pour assurer la stabilité politique dans notre pays.
Entendons ce qui se passe et ayons conscience de ce sentiment d’injustice terrible qui ne cesse de monter, de plus en plus fort.
Certainement, si l’on baisse l’impôt sur les entreprises, nous en accueillerons quelques-unes supplémentaires. Mais aurons-nous encore la France, la France que nous connaissons avec le contrat social qui est le nôtre ?
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je voudrais introduire un peu de cohérence dans nos votes. Tout à l’heure, sur les différentes travées, il me semble que nous avons appelé à attribuer une prime à l’ensemble des salariés, notamment des Ehpad, quel que soit leur statut, même pour ceux qui travaillent pour des sous-traitants d’entreprises.
Quel est l’objet de la niche Copé ? Elle permet juste à une entreprise de s’organiser comme elle veut, de pouvoir céder ses filiales, en toute liberté. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRCE.)
Par conséquent, on ne peut pas, d’un côté, appeler à voter une mesure s’appliquant aux salariés de toutes les entreprises, quel que soit leur mode d’organisation, et, d’un autre côté, demander la suppression d’un dispositif qui respecte la liberté d’organisation des entreprises.
C’est une question de cohérence, d’autant qu’il ne s’est écoulé que quatre heures entre ces deux discussions.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 902.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 92 |
Contre | 233 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 380, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 220 quinquies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception aux premier et troisième alinéas, pour les options exercées au titre d’un exercice clos entre le 15 juillet 2020 inclus et le 31 décembre 2021 inclus, le déficit constaté peut, sans limite de montant, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l’avant-dernier exercice et, le cas échéant, de l’exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ce bénéfice et à l’exclusion du bénéfice exonéré en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 terdecies, 44 quaterdecies, 44 quindecies, 44 sexdecies, 44 septdecies et 207 à 208 sexies ou qui a bénéficié des dispositions du premier alinéa du f du I de l’article 219 ou qui a ouvert droit au crédit d’impôt prévu aux articles 220 quater et 220 quater A ou qui a donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d’impôts. » ;
2° À la première phrase du sixième alinéa, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État de l’élargissement temporaire des capacités de report en arrière des déficits est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.