Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, je suis parfaitement d’accord avec votre introduction, le médecin doit s’efforcer d’obtenir l’accord de son patient. J’ajouterai toutefois : « Sauf en cas de danger immédiat et d’emprise »…
L’emprise, c’est une prise de possession du psychisme de l’autre, comme si un vampire venait aspirer sa volonté. Une personne sous emprise subit en permanence une influence abusive, possessive et négative sans pouvoir s’en dégager et sans même s’en rendre compte. Elle est comme possédée et reste sous emprise, même quand le bourreau n’est pas là. Si ce dernier lui a dit : « Tu n’es qu’un déchet ; quand je ne serai pas là, tu mangeras tes déchets », elle le fera même s’il n’est pas là, car elle n’existe plus par elle-même.
C’est quelque chose d’assez mystérieux, en effet. Le médecin doit diagnostiquer la patiente sous emprise et l’aider à s’en libérer. Il est intéressant aussi de comprendre comment l’emprise s’installe, avec d’abord une phase de séduction – « tu es la plus belle » –, puis de dénigrement – « tu es la plus moche » –, et un long chemin qui entraîne la victime vers les bas-fonds que chacun abrite à l’intérieur de soi-même.
Le diagnostic est complexe, mais la victime sous emprise ne pourra jamais donner son accord. Or, pour sauver ces patientes, il faut pouvoir les aider et les orienter vers une thérapie.
Je le redis, la rédaction de l’article 8 repose sur un équilibre, avec cette double condition d’un danger immédiat et d’une emprise. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de déroger au secret professionnel, une avancée qui forme le cœur de cet article 8.
J’en profite pour rappeler que les dérogations au secret médical existent déjà pour les mineurs et les personnes vulnérables. Il faut donc, dans le droit actuel, assimiler les femmes aux personnes vulnérables pour pouvoir déroger au secret.
C’est justement pour échapper à ce renvoi que le texte prévoit une troisième voie de dérogation, établie avec l’Ordre des médecins, qui permet tout à la fois de conserver la confiance du patient envers son médecin et de conférer cette protection supplémentaire, absolument nécessaire, aux victimes de violences.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous devons, me semble-t-il, présenter les choses de façon équilibrée.
L’emprise, ce n’est pas un envoûtement démoniaque, comme dans les films d’épouvante ! C’est un bourreau qui, petit à petit, dévalorise la personne avec qui il entretient une relation. En effet, pour que la violence physique soit possible, pour qu’une femme – les victimes sont majoritairement des femmes – se laisse frapper sans réagir, il faut que celle-ci soit sous emprise psychologique. À force d’avoir été dévalorisée, elle va finalement penser qu’elle mérite les coups qui lui sont portés.
Quand nous défendons nos amendements, il arrive que nous nous laissions emporter par la passion. Je suis tout de même très étonnée. En effet, si l’emprise est telle qu’elle vient d’être décrite – je partage ce point de vue, avec les nuances que je viens d’apporter –, je ne comprends pas pourquoi vous avez rejeté l’amendement n° 14 rectifié de ma collègue Esther Benbassa, dont l’objet était simplement que le médecin puisse signaler à sa patiente la possibilité de contacter des associations pour l’aider et l’accompagner.
Je relève tout de même quelques petites contradictions, madame la rapporteure. Vous acceptez certaines propositions qui vont dans le sens des travaux la commission, mais, pour d’autres amendements, vous semblez suivre une logique légèrement différente. Je sais que vous avez l’esprit de justice, et je vous appelle donc à un peu plus d’équité.
Quoi qu’il en soit, nous voterons l’amendement n° 21 rectifié bis, qui permet d’apporter au dispositif les nuances que ma collègue a fort habilement présentées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. En psychanalyse, l’emprise n’est pas diabolique ; c’est une relation perverse. Avant de diriger la personne vers un dépôt de plainte, le médecin doit déjà s’en rendre compte, ce qui nécessite un véritable travail. Parfois, les coups ne se voient pas.
Excusez-moi, mais il me semble difficile de décrire l’emprise comme vous l’avez fait ! L’emprise est diverse, et ses formes sont aussi variées que celles de la perversité. En outre, on peut aussi exercer une emprise sur son employé, ses enfants ou son voisin.
C’est une relation complexe et très difficile à dénouer. Et si elle n’est pas dénouée, vous pouvez bien envoyer le conjoint où vous voulez, l’accompagner, lui proposer un stage ou je ne sais quoi d’autre, cela ne servira à rien, parce que les pervers ne guérissent pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je vais également voter cet amendement, qui me semble mesuré par rapport au précédent.
En réalité, comme cela a été souligné, on note très peu de signalements de la part des médecins. On doit s’en étonner, et peut-être aussi prévoir des mécanismes plus incitatifs. Cet amendement tend à les y inciter, me semble-t-il, tout en préservant le secret médical, puisqu’ils le feront à condition de recueillir l’accord de la victime.
Je voterai donc bien entendu cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par Mmes Meunier et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Rossignol, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
…° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Aucune action en responsabilité civile, pénale, disciplinaire et administrative ne peut être intentée à l’encontre de tout professionnel ou toute personne qui a appliqué le présent article de bonne foi.
« Nul ne peut dévoiler ou être contraint de dévoiler l’identité ou tout autre élément permettant l’identification d’un professionnel ou de toute personne qui a appliqué le présent article sans son consentement. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement était le corollaire de l’amendement n° 48 sur l’obligation de signalement ; celui-ci ayant été rejeté, par cohérence, je vais retirer l’amendement n° 50.
Je donne toutefois raison à Mme la rapporteure sur un point : je suis tenace, et je reviendrai ! (Sourires.)
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 est retiré.
Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article additionnel après l’article 8
Mme la présidente. L’amendement n° 80, présenté par Mmes Cohen, Benbassa, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 515-9 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection à une victime dont le médecin ou tout autre professionnel de santé l’ayant pris en charge aurait porté à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement a pour objet de compléter ceux que nous avons déjà présentés et qui ont été rejetés et d’enrichir notre discussion. En effet, la majorité du Sénat estime qu’un médecin peut procéder à un signalement sans accord de la victime, dès lors que celle-ci en est informée. C’est donc l’information de la victime qui prévaut, pas son accord.
Dans un tel cas de non-consentement, il est encore plus important de garantir la mise en sécurité de la personne concernée par le signalement. C’est pourquoi nous proposons que le juge aux affaires familiales puisse délivrer en urgence une ordonnance de protection.
Comme le souligne Gilles Lazimi, médecin et militant associatif, « il faut qu’on soit sûr que tous les moyens de protection seront mis en œuvre ; or aujourd’hui, même quand l’alerte est donnée par la victime elle-même, il y a des ratés ». On peut imaginer a fortiori les ratés que pourrait susciter une alerte, lorsqu’elle ne vient pas de la victime elle-même ! Nous ne pouvons donc pas rester au milieu du gué.
C’est pourquoi nous proposons d’étoffer le dispositif et de garantir une aide effective aux victimes de violences conjugales. Si nous ne les accompagnons pas jusqu’au bout de la démarche, nous risquons de les mettre en porte à faux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Le présent amendement tend à permettre la délivrance d’une ordonnance de protection en cas de levée du secret professionnel par un médecin qui aurait porté à la connaissance du procureur de la République une suspicion de violences conjugales.
En fait, cet amendement est satisfait par les dispositions de l’article 515-10 du code civil, qui permettent déjà au procureur de la République de demander une ordonnance de protection avec l’accord de la victime.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 80 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Avant de me prononcer, je souhaite lever une incompréhension.
Nous nous plaçons ici dans la situation où la personne concernée ne souhaite pas déclarer qu’elle est victime de violences et où le médecin l’informe qu’il va passer outre le secret médical. Or Mme la rapporteure me répond que cet amendement est satisfait parce qu’une ordonnance de protection peut être délivrée « avec l’accord de la victime ». Je ne comprends donc pas bien en quoi mon amendement est satisfait…
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’accord de la victime est toujours recherché. Sans cet accord, c’est évidemment plus difficile.
Mme Laurence Cohen. Je maintiens mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 80.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8 bis
(Non modifié)
L’article 10-2 du code de procédure pénale est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° S’il s’agit de victimes de violences pour lesquelles un examen médical a été requis par un officier de police judiciaire ou un magistrat, de se voir remettre le certificat d’examen médical constatant leur état de santé. » – (Adopté.)
Article 8 ter
(Non modifié)
Après l’article 10-5 du code de procédure pénale, il est inséré un article 10-5-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-5-1. – Lorsque l’examen médical d’une victime de violences a été requis par un officier de police judiciaire ou un magistrat, le certificat d’examen médical constatant son état de santé est remis à la victime selon des modalités précisées par voie réglementaire. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 8 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par Mmes Benbassa, Cohen, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de violences, la victime qui se présente spontanément, avant toute déclaration aux autorités de police, dans un établissement médical doit systématiquement se voir remettre, par le personnel soignant qui l’a examinée, un certificat d’examen médical constatant son état de santé consécutif aux violences. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 8 ter de la présente proposition de loi prévoit la remise d’un certificat médical constatant les blessures d’une victime de violences, lorsque son examen par un médecin a été requis par un officier de police judiciaire ou un magistrat.
Cet amendement vise à compléter ce dispositif, en inscrivant dans la loi l’obligation pour le médecin qui reçoit la victime lors d’une première visite de lui remettre un certificat d’examen médical, constatant les blessures qui lui ont été infligées, même lorsque la victime ne s’est pas présentée au préalable aux autorités judiciaires.
Il semble évident que les victimes de violences, plus particulièrement en cas de brutalités dans le cadre conjugal, sont en droit d’être en possession, dès leur premier examen par le personnel soignant, d’un document constatant la nature et la gravité des coups qui leur ont été portés, notamment dans la perspective d’une éventuelle procédure d’indemnisation civile.
Dans les faits, cette pratique est déjà recommandée par la Haute Autorité de santé, mais elle ne trouve pour l’heure aucune consécration législative.
Cet amendement, qui vise à reprendre une mesure issue du Grenelle des violences conjugales, a donc pour objet de faire concorder la pratique et le droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Comme vous l’avez signalé, ma chère collègue, si une patiente, indépendamment de toute procédure judiciaire, demande un certificat lors d’un examen médical, le médecin, quelle que soit sa spécialité et même s’il n’est pas le médecin traitant, peut le rédiger et le remettre à la patiente pour faire valoir ce que de droit.
Cet amendement est satisfait. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, mais l’avis du Gouvernement sera défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, rien n’empêche, dans le droit actuel, que le professionnel remette à la victime le certificat médical initial. Vous l’avez dit, il s’agit d’une préconisation de la Haute Autorité de santé, mais celle-ci n’a pas vocation à figurer dans la loi et elle peut être d’ordre réglementaire.
Ensuite, et surtout, la rédaction de la fin de votre amendement laisse penser que le certificat médical préciserait que l’état de santé est le résultat de faits de violence. Or, vous le savez probablement, madame la sénatrice, la déontologie médicale précise que le médecin n’a pas à se prononcer sur les dires du patient, les liens de causalité ou la responsabilité d’un tiers. C’est à l’enquête de le faire, non au médecin.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre VI
Dispositions relatives aux armes
Mme la présidente. L’amendement n° 75, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Compléter l’intitulé du chapitre par les mots :
et aux interdictions de paraître ou de contact
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement de cohérence rédactionnelle vise à modifier l’intitulé du chapitre VI de la proposition de loi, afin de mieux prendre en compte le champ des dispositions dudit chapitre, en particulier celles de l’article 9 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ce complément est utile : la commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Cet ajout nous semble justifié à nous aussi. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé du chapitre VI est ainsi modifié.
Article 9
Le premier alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’enquête porte sur des infractions de violences, l’officier de police judiciaire peut, d’office ou sur instructions du procureur de la République, procéder à la saisie des armes qui sont détenues par la personne suspectée ou dont celle-ci a la libre disposition, quel que soit le lieu où se trouvent ces armes. »
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la délégation.
Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Les articles 9 et 9 bis de la proposition de loi concernent la saisie, dans le cadre d’une perquisition, des armes détenues par une personne suspecte.
Ces dispositions découlent du constat établi par le rapport de l’inspection générale de la justice publié en octobre 2019 sur les homicides conjugaux, selon lequel 68 % des agressions sont commises avec une arme, qu’il s’agisse d’une arme à feu ou d’une arme blanche – dans ce dernier cas, il s’agit le plus souvent d’un couteau. Toute évolution de la loi susceptible d’empêcher des agresseurs de détenir une arme est donc une avancée, vous l’avez d’ailleurs signalé, madame la secrétaire d’État, lors de votre intervention lors de la discussion générale.
Toutefois, la proposition de loi pose deux problèmes.
D’une part, l’article 56 du code de procédure pénale, que modifie l’article 9, concerne les personnes suspectées de crime.
Or, le plus souvent, les féminicides surviennent après une longue suite de violences, psychologiques et physiques, qui ne relèvent pas nécessairement d’agissements criminels. La mesure prévue par l’article 9 n’intervient-elle donc pas trop tard dans le parcours de l’auteur de violences ? Cette disposition est-elle vraiment aboutie ? Ne faudra-t-il pas poursuivre ce débat avec le texte suivant ? Ce ne serait jamais que le quatrième depuis la loi de 2018…
D’autre part, comme le rappelle la récente enquête publiée par le journal Le Monde et intitulée « Féminicides : mécanique d’un crime annoncé », on compte un certain nombre de féminicides par strangulation ou défenestration. Par ailleurs, le catalogue des armes par destination, auxquelles ont recours les criminels et les assassins, est sans limites. De nombreux hommes ont tué leur femme avec des objets du quotidien.
Ces remarques me conduisent à souligner, une nouvelle fois, que le texte dont nous débattons n’est pas l’alpha et l’oméga de la lutte contre les violences conjugales.
Si je me réfère à nouveau au récent rapport de l’inspection générale de la justice, les solutions relèvent aussi et surtout de la généralisation de projets de juridiction ambitieux, d’un suivi sans concession des auteurs des violences, de leur éviction systématique du logement, d’un contrôle strict des interdictions de contact avec la victime, d’une meilleure articulation entre les services de police et de gendarmerie et les parquets et d’un décloisonnement entre les différents services d’une même juridiction.
Les solutions relèvent d’un attirail préventif, plus que de la confiscation des armes. Ces articles représentent une avancée importante, mais qui n’est pas suffisante pour lutter contre les violences.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 9 bis
I. – (Non modifié) L’article 131-6 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place de ou en même temps que la peine d’emprisonnement, une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté prévues aux 6°, 7°, 10°, 12°, 13° et 14°. »
I bis (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 131-9 du code pénal, la référence : « à l’article 131-6 » est remplacée par les références : « aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 5° bis, 8°, 9°, 11° et 15° de l’article 131-6 ».
II. – (Non modifié) Le 11° de l’article 230-19 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« 11° L’interdiction de paraître dans certains lieux prononcée en application du 7° de l’article 41-1 et du 9° de l’article 41-2 du présent code ; ».
Mme la présidente. L’amendement n° 81, présenté par Mmes Cohen, Benbassa, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Mes chers collègues, cet amendement de suppression de l’article 9 bis ne vous étonnera pas, tant notre position sur ce sujet est cohérente au fil des débats : lutter contre les violences faites aux femmes et protéger les victimes ne peut se résumer à une surenchère répressive.
Certes, modifier notre code pénal, en alourdissant les peines, est aisé à mettre en œuvre, puisqu’aucun moyen supplémentaire n’a besoin d’être engagé. Mais cela ne va pas pour autant dissuader les hommes violents – ils ne cesseront sûrement pas de l’être, même s’ils encourent une peine doublée ou triplée…
Malgré l’échec flagrant d’une telle politique, menée depuis de nombreuses années déjà, nous ne comprenons pas pourquoi nos collègues de droite comme le Gouvernement continuent dans cette voie.
Alors que l’article 9 représente une véritable avancée, en permettant aux officiers de police judiciaire de saisir des armes détenues par des personnes suspectées de violence, l’article 9 bis permet aux juridictions de prononcer des interdictions relatives aux armes et aux contacts avec les victimes en plus d’une peine d’emprisonnement, et non pas à la place d’une telle peine.
Dans le contexte de surpopulation carcérale que chacun connaît et alors que la majorité de nos voisins européens est engagée sur la voie de la décroissance carcérale, en particulier ceux qui constatent une diminution de la délinquance et des violences en général, vous proposez par cet article de supprimer des peines alternatives à l’emprisonnement, ce qui paraît quand même assez aberrant.
Je le répète inlassablement, pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes, il faut mener une politique d’éducation et de prévention sur le long terme – je crois que nombre de nos collègues partagent cette idée – et non assembler des dispositions pénales répressives et répéter les erreurs commises par le passé.
Il nous semble, au contraire, que les meilleures réponses à apporter à cette problématique sont de nature préventive et éducative et qu’elles doivent être mises en œuvre dès le plus jeune âge. Il serait d’ailleurs intéressant de faire un bilan des dispositifs existants et des expérimentations qui ont eu lieu – je pense notamment aux ABCD de l’égalité – et de mettre en place de nouveaux outils pour améliorer les politiques publiques menées dans ce domaine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de prononcer des peines complémentaires à l’emprisonnement. Nos collègues insistent sur la nécessité d’une politique d’éducation et de prévention en matière de violence, et je suis d’accord sur ce point.
Pour autant, l’article 9 bis est une véritable avancée dans la protection des femmes : il ne supprime pas la possibilité de prononcer des peines alternatives – celles-ci sont maintenues –, il prévoit simplement que, en matière de saisie d’armes et d’interdiction de paraître ou de contact, de telles peines pourront être prononcées cumulativement à une peine de prison. En effet, il est important d’être capable de protéger les victimes pendant et après la détention.
Il s’agit donc non pas d’augmenter la population carcérale, mais, je le redis, de mieux protéger les victimes. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. De notre point de vue, l’article 9 bis présente un intérêt majeur pour la protection des victimes, puisque le tribunal pourra, en plus de l’emprisonnement, faire interdiction à un conjoint violent de rencontrer la victime pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois ans, sans pour autant avoir à assortir la peine d’emprisonnement d’un suivi judiciaire, comme le sursis probatoire.
Cette mesure se révélera particulièrement utile pour les condamnés absents, à l’encontre desquels le tribunal prononce en général peu de mesures de suivi. Or une mesure de suivi est nécessaire au prononcé de l’interdiction de contact.
Par ailleurs, la peine d’interdiction de contact autonome demeurera possible. Cet article ne supprime donc pas une peine alternative à l’emprisonnement ; il permet que les mesures qui sont aujourd’hui des mesures de substitution soient aussi prononcées en complément de l’emprisonnement.
En tout cas, l’ensemble de ces mesures n’empêche pas la mise en œuvre de politiques éducatives, et je partage votre préoccupation sur la nécessité de présenter le bilan de ces politiques.
Le ministre de l’éducation nationale s’était d’ailleurs engagé, juste avant le confinement, à présenter très rapidement les résultats de l’audit qui a été mené sur les trois séances d’éducation à la vie affective et sexuelle organisées l’an dernier – je le rappelle, ces séances ont désormais lieu chaque année. Cette présentation a été bloquée du fait du confinement, mais elle aura lieu, sans nul doute, dans les mois à venir.
Au total, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 81 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Les explications que vient de me fournir Mme la secrétaire d’État m’ont éclairée. Elles me laissent penser que, comme nous, elle est sensible à l’importance de réaliser l’évaluation des politiques qui sont menées. Par conséquent, j’imagine que, quand nous en reparlerons, nous aurons son soutien… (Mme la secrétaire d’État opine.)
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.