M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRCE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 102 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 278 |
Contre | 29 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l’article 6
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par MM. P. Joly et Durain, Mmes Lepage, Grelet-Certenais et Préville, MM. Antiste, Joël Bigot et Devinaz, Mme Conway-Mouret, MM. Mazuir et Tissot, Mme Perol-Dumont, M. Duran et Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’établissement d’une carte de classification des départements selon leur état sanitaire épidémique est élaboré sur la base de critères comprenant le taux de circulation du virus, les capacités hospitalières en réanimation, la capacité locale de tests de détection des porteurs du virus mais aussi sur la base d’un dialogue à l’échelon départemental entre l’État, ses services sur le terrain, les professionnels et les élus locaux.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Il s’agit d’un amendement d’appel par lequel Patrice Joly souhaite interpeller le Gouvernement sur les erreurs qui ont été commises dans la classification des départements – la fameuse carte rouge et verte qui a suscité tant d’émoi.
Il vise, premièrement, l’absence de pertinence de certains critères retenus et, deuxièmement, l’absence de dialogue préalable à l’établissement de cette carte entre les différents acteurs d’un même territoire.
Plusieurs départements se sont étonnés, le 30 avril au soir, d’être classés en zone rouge alors que les critères objectifs ne laissaient pas apparaître de risques supérieurs à ceux de départements similaires. C’était notamment le cas du Lot, du Cher et de la Haute-Corse, mais aussi de la Nièvre. S’agissant de ce dernier département, la surprise fut importante, car les chiffres du groupement hospitalier de territoire faisaient état de quatre patients seulement en réanimation, pour une capacité de quinze respirateurs, avec la possibilité d’accroître le nombre de lits.
Patrice Joly estime aussi que le critère de saturation des équipements sanitaires n’est pas forcément pertinent pour un département qui se situe à l’extrémité d’une région et qui peut envoyer des malades dans les régions voisines. L’intérêt d’une approche strictement régionale paraît dès lors limité au regard des facilités offertes par les moyens numériques pour gérer les moyens disponibles sur des périmètres élargis.
En revanche, ce dernier critère permet de mesurer le sous-équipement hospitalier lié aux politiques de santé menées ces dernières années.
Au-delà des aspects sanitaires, la publication de cette carte a contribué à ternir l’image du département, celle d’une campagne aux espaces ouverts et à la densité faible qui protège sa population des conséquences, notamment sanitaires, auxquelles sont confrontées les populations vivant dans les zones de fortes concentrations humaines.
Patrice Joly souhaite donc un dialogue transparent, serein et constructif entre tous les acteurs du département autour de la question du zonage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Sur la carte publiée, le département du Lot formait en effet un nez rouge au milieu d’un océan de vert et d’orange ! Nous avons été quelque peu surpris. Nous avions certes eu des cas de Covid-19, mais le classement en rouge était lié à une erreur d’interprétation d’un médecin urgentiste qui, dans un petit centre hospitalier, a comptabilisé tous les patients qui étaient venus se faire tester. Le Lot enregistrant environ 100 passages par jour aux urgences, il aura suffi d’en ajouter une trentaine de plus pour faire exploser le baromètre. Ce classement a suscité un certain émoi, d’autant que notre département a aussi vocation à accueillir des touristes.
Le lendemain, le préfet, qui n’avait pas été averti par l’ARS, est monté au créneau. Le Lot est désormais en vert et j’espère qu’il le restera longtemps !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.
L’amendement n° 121, présenté par Mme Rossignol, MM. Sueur, Daudigny, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes définies à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles et les personnes en situation de fragilité financière définies au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et des facturations de frais et de services bancaires durant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face l’épidémie de covid-19.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement, s’il était adopté, permettrait que ce projet de loi ne soit pas simplement un texte d’urgence sanitaire, mais aussi un texte d’urgence sociale.
Je ne sais pas si nous disposons des mêmes remontées de terrain, mais il semblerait que toutes les banques n’aient pas encore compris quelle était la situation exacte des entreprises et des particuliers aujourd’hui.
Nous avons parlé des entreprises à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Cet amendement vise à indiquer de façon un peu directive aux banques que, pendant la durée de l’état d’urgence, les commissions perçues sur les personnes en situation de fragilité financière ne pouvaient être prélevées. Pour une famille durement frappée par l’état de la situation sociale, 500 euros, c’est beaucoup d’argent.
Le Président de la République et le Gouvernement ont à plusieurs reprises effectué des démarches pour inciter les banques à moduler les frais bancaires qu’elles perçoivent sur leurs clients les plus défavorisés, mais les banques n’ont pas totalement suivi ces incitations. Nous nous apprêtons à en discuter de nouveau au Sénat quand nous aurons repris le cours normal de nos travaux et que nous pourrons examiner une proposition de loi sur ce sujet.
Cet amendement se situe pour l’instant dans le cadre de l’urgence sanitaire et sociale. Il tend à préciser simplement que, durant cette période, aucuns frais ne peuvent être facturés par les services bancaires à l’égard des personnes en situation de fragilité financière, lesquelles sont par ailleurs déjà définies par le code monétaire et financier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Il est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. J’apporte mon soutien à cet amendement, comme, je l’espère, une partie de mes collègues. Nous sommes dans une situation extrêmement difficile. Nous avons déjà abordé la problématique de l’achat des masques. Ce serait un signe important, qui ne vaudrait de surcroît que pour une période relativement courte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je sais bien qu’il est tard, mais, chaque fois qu’un amendement à caractère social est proposé, les explications qui nous sont données sont extrêmement lapidaires.
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.
M. Dany Wattebled. Je voterai cet amendement à dimension sociale, sans problème.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.
Chapitre III
Dispositions relatives à l’outre-mer
Article 7
Le livre VIII de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 3821-11 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19 » est remplacée par la référence : « n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;
b) Au 3°, après la référence : « deuxième alinéa », est insérée la référence : « second alinéa du I » ;
c) Au 4°, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
2° Le chapitre Ier du titre IV est ainsi modifié :
a) L’article L. 3841-2 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « française », sont insérés les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;
– au premier alinéa du 2°, après la référence : « premier alinéa », est insérée la référence : « du I » ;
– au troisième alinéa du 2°, les références : « 1° à 9° » sont remplacées par les références : « 1°, 2° et 5° à 9° » ;
b) L’article L. 3841-3 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, la référence : « n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19 » est remplacée par la référence : « n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;
– au 3°, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Même si je ne veux pas allonger les débats, je veux rappeler que mon groupe avait déposé un amendement, écarté au titre de l’article 45 de la Constitution, sur lequel je n’épiloguerai pas à cette heure. Nous avons considéré que tout sujet traité dans la loi du 23 mars dernier pouvait faire l’objet d’amendements dans le cadre du présent projet de loi.
Nous avions pris des engagements devant les associations d’élus pour que l’élection des maires et des adjoints dans les communes ayant un conseil municipal complet ait lieu avant la fin du mois de mai. Tel était l’objet de l’amendement en question.
M. le président. L’amendement n° 201 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 199, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après la seconde occurrence de la référence :
9°
insérer la référence :
du I
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 210, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Par dérogation au troisième alinéa du II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le lieu où est effectuée la quarantaine par les personnes entrant dans l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution est décidé par le représentant de l’État.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Compte tenu de la situation spécifique des outre-mer, la lutte contre la propagation du virus passe de manière importante par les contrôles sanitaires aux frontières, en complément du confinement et de la montée en puissance des capacités sanitaires.
C’est pourquoi une quatorzaine stricte est mise en œuvre dans ces territoires en complément d’interdiction forte sur les mouvements de personnes vers ces territoires.
Dès lors, et afin de s’assurer de l’effectivité de la quatorzaine préventive, il est proposé que ce soit le représentant de l’État qui détermine le lieu de réalisation de la quarantaine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous avons souhaité laisser une possibilité de choix, par exemple passer la période de quarantaine à son domicile. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article additionnel après l’article 7
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Le bureau exécutif de La République En Marche s’est fendu hier d’une saillie peut-être habituelle dans cette formation politique en regrettant « la démarche irresponsable qui a conduit une majorité de sénateurs à ne pas voter en faveur de la déclaration du Premier ministre plaçant la logique politicienne avant l’intérêt supérieur du pays. »
Il est rare en politique de citer les propos de ses adversaires, mais c’est une telle caricature, tant sur le fond que sur la forme, à l’encontre de notre assemblée parlementaire que je voulais le faire.
En réalité, il est irresponsable dans notre démocratie, dans un État de droit, de considérer la contradiction démocratique comme un danger pour le bon fonctionnement de la Nation. Il s’agit d’une vision autoritaire d’un pouvoir qui un jour connaîtra l’opposition.
Oui, nous revendiquons nous être opposés hier en tant que lanceurs d’alerte sur la gestion globale de cette crise sanitaire et sur la stratégie de déconfinement. C’est notre droit, tout comme de déposer des amendements, dont certains ont obtenu des votes positifs, y compris encore ce soir, sur le texte initialement présenté par le Gouvernement.
Nous sommes globalement favorables à la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, en responsabilité. Monsieur le ministre, la délégation de pouvoir que nous lui avons donnée par la loi du 23 mars dernier a permis au Gouvernement de prendre 55 ordonnances dans des domaines relevant logiquement du champ de l’article 34 de la Constitution. C’est du jamais vu sous la Ve République ! Nous avons donc pris nos responsabilités en vous accordant ce pouvoir qui pourrait être considéré dans d’autres Républiques comme exorbitant du droit commun.
Mais nous avons mis un point d’arrêt ce soir à ce qui aurait pu devenir une véritable dérive institutionnelle si nous vous avions donné une nouvelle fois une habilitation pour prendre par ordonnances, dans le cadre de l’article 6, de nouvelles mesures.
Nous avons apprécié l’adoption de l’amendement de Mme Rossignol relatif aux violences familiales, l’encadrement du suivi épidémiologique, même si certains membres de mon groupe, dont je suis, l’auraient voulu encore plus fort, l’étanchéité du système d’information avec l’éventuel StopCovid, monstre du Loch Ness, mais qui en train de montrer de plus en plus sa tête au-dessus du lac.
Nous avons aussi apprécié la protection des employeurs du secteur public résultant des travaux de la commission des lois à l’égard de démarches judiciaires à leur encontre, lesquels vont être surexposés dans les semaines à venir et méritaient donc une prise en considération spécifique. Et ce n’est pas du corporatisme ; c’est simplement du bon sens.
Nous avons également apprécié le rejet de l’amendement n° 206, présenté subrepticement par le Gouvernement.
Mais nous regrettons l’absence totale, dans le projet de loi initial comme dans le texte issu des travaux du Sénat, d’anticipation de l’urgence sociale qui va malheureusement suivre l’urgence sanitaire et qui va marquer le déconfinement de milliers, de dizaines de milliers, voire de millions de Français. Cela va mettre en péril la confiance des Français dans le cadre de ce déconfinement.
En responsabilité et avant le probable recours que nous porterons devant le Conseil constitutionnel, dans son immense majorité, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur ce texte. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré l’urgence qui nous est dictée par le contexte sanitaire, mais aussi par le calendrier du Gouvernement, le Sénat a accompli son travail avec sérieux et a examiné ce projet de loi de manière rigoureuse et distanciée, ce qui est la marque de fabrique de la Haute Assemblée. Je veux saluer, au nom de l’ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe Les Républicains, les travaux de la commission des affaires sociales et de la commission des lois dirigés par leurs présidents, Alain Milon et Philippe Bas.
Durant ces deux jours, nous avons longuement débattu de la question de la responsabilité dans la mise en œuvre du déconfinement. Artisans, petits commerçants, chefs d’entreprise, notamment ceux des TPE et des PME, directeurs d’école, inspecteurs de l’éducation nationale, maires, en particulier ceux des petites communes, présidents de syndicat ou d’intercommunalité, tous ont et auront, avec le déconfinement, la lourde tâche de prendre des décisions capitales pour notre environnement sanitaire et ils doivent le faire dans l’urgence, urgence pour assimiler les normes et les protocoles, urgence pour les mettre en œuvre.
Chacun est prêt à prendre un risque, afin de permettre une reprise progressive et sécurisée de l’activité économique, scolaire, culturelle et sociale de notre pays – cette reprise est indispensable. Mais lorsque seront examinées devant le juge des plaintes de citoyens qui penseront que leur maire ou leur directeur d’école a pris un risque ayant entraîné leur contamination, quelle sera la protection de ceux-ci ?
Depuis deux jours, tout le monde dit que la confiance est la clé. Le Président de la République et le Gouvernement répètent quotidiennement qu’ils font confiance aux élus, aux maires en premier lieu, et à la société, mais faire confiance, c’est donner des garanties pour réassurer cette confiance. C’est pour cette raison que le Sénat a voulu clarifier le régime de responsabilité.
Il souhaite cette clarification, parce que dans une situation exceptionnelle c’est d’abord au législateur de dire le droit, de fixer la règle et de lever les incertitudes juridiques liées aux interprétations à venir des juges.
Il ne s’agit en aucun cas d’exonérer les maires, les directeurs d’école ou les chefs d’entreprise, puisqu’un régime de responsabilité demeure. Il s’agit encore moins d’exonérer le Gouvernement et la haute administration de leurs responsabilités.
Il s’agit, contrairement aux déclarations d’une cabale qui ne prospèrera pas, de protéger les petites mains opérationnelles du déconfinement, celles qui vont mettre en œuvre les protocoles qu’elles n’ont pas préparés, pour lesquels elles n’ont pas été consultées et qu’elles déclineront par sens du devoir.
Il ne s’agit pas de soustraire quelqu’un, quel qu’il soit, à ses responsabilités en cas de faute institutionnelle ou de violation manifestement délibérée des mesures prévues ou de l’obligation de prudence. Il s’agit de tenir compte d’une situation exceptionnelle et, dans un temps limité, d’encadrer et de préciser la responsabilité de chacun.
C’est la clé de l’engagement dans la confiance. Le texte consensuel de la commission, gravé dans le marbre par le vote unanime contre l’amendement de suppression, est un message fort du Sénat, toutes tendances politiques confondues.
Le deuxième apport essentiel de la commission concerne le dispositif de traçage. Nous l’avons dit sur ces travées, casser une chaîne de transmission au XXIe siècle passe par un dispositif de traçage de notre temps, mais sécurisé. C’est la clé d’une stratégie plus offensive pour casser les reins de cette épidémie. L’outil numérique est le plus simple et le plus efficace pour vaincre.
Monsieur le ministre, nous serons attentifs au sort qui sera réservé à l’ensemble des garanties apportées par la commission. Ces six garanties constituent le socle d’un subtil équilibre entre santé publique et libertés publiques, comme l’a dit Bruno Retailleau. Elles constituent des garde-fous essentiels.
En conclusion, le groupe Les Républicains votera pour ce texte largement amendé en première lecture. Nous demeurerons attentifs à ce que les apports du Sénat ne soient pas dénaturés lors de la navette parlementaire qui pourrait être source d’améliorations bienvenues, mais qui ne saurait être l’occasion de balayer les apports de notre assemblée. Notre bienveillance sera à la hauteur de la prise en compte de ce travail que nous avons voulu concret et précis et dont nous espérons que la navette parlementaire saura tirer le meilleur profit. Cela conditionnera la position future de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne sommes pas en guerre et, en fait, c’est peut-être pire, pour reprendre les mots de Régis Debray : « En fait, une catastrophe, c’est pire. Dans une guerre, on meurt pour quelque chose et il y a deux camps. Mais un virus est neutre et tout le monde est contre. Le Covid–19 n’a ni drapeau, ni haine, ni but de guerre. Le tragique, le douloureux, c’est l’absence de sens, et donc l’absurde. »
Nous avions bien conscience de la gravité de la situation et, avec le rejet hier dans cet hémicycle de votre plan de déconfinement, monsieur le ministre, le Sénat vous a adressé un message : bien sûr, nous ne pouvons pas rester confinés, mais le déconfinement annoncé, prévu ou improvisé, paraît – hélas – confus, et je dirais même incohérent.
Le désastre social et économique ne sera qu’aggravé – nous pouvons le craindre – dans les conditions qui nous sont proposées et qui seront de nouveau dictées par voie réglementaire. Ce qui nous était demandé au mois de mars et, plus encore, ce qui nous est demandé aujourd’hui est presque d’ordre anecdotique, tant le champ des décrets et des ordonnances ouvert au Gouvernement est large et tant les mesures réglementaires seront décisives dans la gestion de la crise.
Bien sûr, nous comprenons l’urgence à agir et les circonstances exceptionnelles dans lesquelles il nous est demandé de légiférer, mais comment ne pas s’interroger sur le peu de cas qui est fait du Parlement, sur nos conditions de travail et sur celles de nos collaboratrices et collaborateurs, ainsi que des fonctionnaires ces derniers jours ? Ces conditions sont – avouons-le ! – assez inédites, et en réalité inadmissibles.
Pour en revenir aux mesures concrètes proposées dans ce texte, elles peuvent se résumer à cette comparaison : alors que dans les transports espagnols les policiers distribuent des masques gratuitement, avec ce projet de loi, vous nous proposez d’étendre les pouvoirs de police aux agents des transports publics et vous retoquez notre proposition visant à rendre gratuits les masques qui seront pourtant obligatoires dans les transports.
D’autres mesures étaient possibles, mais les choix se sont portés sur une gestion de la crise sanitaire par des mesures de police administrative coercitive, les amendements déposés par le Gouvernement ayant confirmé nos craintes. Coercition à tout va, c’est donc une priorité du Gouvernement, alors que la vérité est ailleurs, oserais-je dire. Cette réalité, c’est le manque de masques, l’insuffisance de tests, l’impréparation des transports publics, les difficultés de l’école à reprendre après des années de disette budgétaire… La réalité, monsieur le ministre, c’est la crise sociale dramatique qui s’annonce, alors que déjà la faim gagne nombre de familles et que les files d’attente s’allongent devant les soupes populaires.
Nous avons fait un certain nombre de propositions, afin d’améliorer les conditions de vie largement dégradées de nos concitoyens : garantie du libre choix des parents pour ce qui concerne la reprise ou non de l’école par leurs enfants, interdiction des licenciements durant cette période de crise, interdiction des expulsions locatives, gratuité, je le répète, des masques dans les transports…
Nous avons également fait de nombreuses propositions pour rehausser le pouvoir de contrôle du Parlement dans cette situation d’exception et dans cet État de droit réduit à peau chagrin. Rien n’a été retenu !
S’agissant des autres mesures contenues dans ce texte de prorogation, le dispositif de mise en quarantaine n’est pas encadré dans le respect des droits fondamentaux ; il n’y a par exemple aucune précision concernant le lieu de placement en quarantaine ou à l’isolement. Tout ne peut pas être renvoyé au règlement, comme nous l’a indiqué le Défenseur des droits.
Il en est de même pour l’article 6 qui a été adopté. Il instaure, nous le redisons, un système d’information inédit pour enrayer la propagation de l’épidémie. Les apports de la commission, qui sont plutôt positifs, je le reconnais, seront largement insuffisants selon nous, car deux problèmes majeurs subsistent : d’abord, la notion de recueil volontaire des données, pourtant essentielle et exigée par le règlement européen de protection des données ; ensuite, l’anonymisation qui n’est pas garantie – au contraire, le fichier est nominatif.
Finalement, les garanties qui avaient été annoncées dans le cadre du projet StopCovid, projet bien contestable par d’autres aspects, sont donc absentes de ce projet final.
Enfin, sur les questions de responsabilité, nous l’affirmons clairement, les maires ne doivent pas subir les conséquences des défaillances graves de l’État dans la gestion de la crise sanitaire. Pour autant, nous refusons tout élargissement incontrôlé de la déresponsabilisation.
Nous l’avons expliqué, la lutte contre l’épidémie peut se poursuivre en dehors d’un état d’urgence ; cela permettrait de renforcer l’effort commun et la mobilisation générale. Le Parlement devrait voter son arrêt pour enfin permettre le déconfinement de la démocratie.
Pour toutes ces raisons, c’est nous aussi en toute responsabilité que nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)