M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me dois d’apporter une précision. Si un patient qui a été diagnostiqué porteur du virus, par exemple parce qu’il est malade, refuse de prêter son concours à la recherche des personnes qu’il a rencontrées et pu contaminer, c’est très grave ! C’est pourquoi le consentement est incompatible avec la mise en œuvre de l’objectif d’alerte de toute personne exposée au risque de l’épidémie.
Je préfère le consentement au non-consentement, mais si l’on veut faire du dépistage, indépendamment même de tout système d’information, il ne faut pas que la personne malade refuse de dire qui elle a rencontré les jours précédents. C’est tout simple !
C’est la raison pour laquelle il est absolument impossible de maintenir ce projet de système d’information et, en même temps, d’imposer le consentement. Le droit d’opposition, en revanche, est un autre sujet.
Il faut cependant apporter une garantie importante : la plateforme de l’assurance maladie qui téléphonera aux cas contacts, c’est-à-dire les personnes rencontrées par le malade, ne devra pas indiquer l’identité de celui-ci, qui pourrait apparaître comme un dénonciateur.
Il est important, pour protéger les cas contacts, de les alerter et de leur recommander de se faire dépister, mais aussi de ne pas donner à cette occasion l’identité de la personne malade.
Les représentants de l’assurance maladie qui étaient auditionnés ce matin à l’Assemblée nationale, car les deux chambres travaillent en même temps, ont indiqué qu’il n’était pas prévu dans le dispositif mis en place de dévoiler l’identité du patient zéro lorsque sont contactées les personnes qu’il a rencontrées.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Notre faiblesse face à ce virus tient à ce que nous connaissons très peu de choses sur sa propagation et sur le processus de contamination. Les systèmes épidémiologiques nous permettront d’y voir plus clair, de sortir de la nuit, même si c’est sans doute pour aller vers le brouillard… Si nous n’y recourons pas, nous ne disposerons d’aucune donnée.
Je souhaite relier différentes interventions, qui portaient notamment sur le RGPD et sur le régime d’appartenance des données.
Le RGPD est le régime le plus protecteur au niveau mondial dès lors qu’il n’y a pas de consentement – Philippe Bas vient très justement d’expliquer que la levée du consentement rendrait le système inutile. Ce règlement prévoit en effet que, s’il n’y a pas de consentement, une loi est nécessaire. Voilà pourquoi il ne sera peut-être pas utile de légiférer sur l’application StopCovid…
Ce régime est donc non seulement protecteur, mais aussi souple. Son article 15 est en effet très clair. Dans le cas d’une crise telle que celle que nous connaissons, il est possible de déroger à un certain nombre de règles. Nous ne nous écartons pas du RGPD.
Pour conclure, je veux essayer de rassurer Philippe Bonnecarrère, à moins que je ne parvienne qu’à l’inquiéter…
Le RGPD ne nous confie pas, pardonnez-moi de vous le révéler, la patrimonialisation de nos données personnelles. La preuve en est que nos données partent chez les Gafam et qu’il y a quelques semaines – vous pourrez nous le confirmer, monsieur le ministre – Google a révélé très exactement quelle était, dans 131 pays, la fréquentation des pharmacies, des parcs publics et d’un certain nombre de commerces alimentaires.
En clair, les Gafam en savent plus aujourd’hui que l’État français sur les mouvements de ses propres citoyens ! Telle est la situation dans laquelle nous sommes. Il faut rétablir l’équilibre, avancer pour mieux connaître l’épidémie et prévoir, comme l’a fait Philippe Bas, un maximum de garanties. C’est pourquoi nous ne pourrons pas, monsieur le ministre, accepter la demande d’extension que vous souhaitez. Nous vous l’avions indiqué dans notre requête. Je suis certain que vous apprécierez la perspective de venir nous voir plus souvent !
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par Mme Rossignol, MM. Daudigny, P. Joly et Kerrouche, Mmes Préville et Meunier, M. Assouline, Mme Féret, M. Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Gillé, Leconte et Manable, Mme Lepage, MM. Tourenne, M. Bourquin et Antiste et Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Après les mots :
en outre
insérer les mots :
, sous la direction d’un médecin,
2° Supprimer les mots :
être autorisés par décret en Conseil d’État à
3° Supprimer la seconde occurrence du mot :
à
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Nous évaluons depuis le début de nos travaux à quel point le système qui est en train de se mettre en place est dérogatoire, entre autres, d’un certain nombre de principes fondateurs du droit de la santé, en particulier le secret médical, lequel – je le rappelle – est non pas simplement une obligation déontologique pour les médecins, mais aussi, et avant tout, un droit des patients.
Il est nécessaire de lever le secret médical pour instaurer ce système. Pour autant, il nous semble utile de prévoir un certain nombre de contrôles, de verrous, et de conserver l’esprit du droit de la santé, en précisant qu’il doit être procédé au recueil des données et à leur exploitation sous l’autorité et la direction d’un médecin. C’est d’ailleurs déjà le cas au sein de la sécurité sociale ou des ARS, où des médecins inspecteurs pilotent ce type de dispositif. Cette précision nous paraît utile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 185 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 84, présenté par MM. Sueur, Daudigny et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
collectées
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ou partagées par ces systèmes d’information créés ou adaptés à ces fins ne peuvent être conservées à l’issue de la durée définie au premier alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le présent amendement vise à étendre la durée limite de conservation des données collectées dans le nouveau système d’information aux données partagées.
M. le président. L’amendement n° 48 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 188, présenté par Mme Joissains et M. Bonnecarrère, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces données ne peuvent en aucun cas être hébergées à l’extérieur de l’Union européenne.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Cette idée s’inscrit dans la perspective indiquée par le président Retailleau à propos des risques pesant sur la souveraineté numérique. Mme Morin-Desailly serait beaucoup plus apte que moi à développer ce sujet, qu’elle traite depuis longtemps.
L’amendement, rédigé par Mme Joissains, se justifie par son texte même.
M. le président. L’amendement n° 182 rectifié, présenté par MM. Gremillet et de Legge, Mme Deromedi, MM. Perrin et Raison, Mmes Deroche, Chauvin et Noël, M. Priou, Mme Malet, MM. Cuypers, Pellevat et Pierre, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Kennel, Bascher, Lefèvre, Charon et B. Fournier, Mme Lamure, MM. Houpert, Piednoir et Bonne, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Vogel et Vaspart, Mme Ramond, M. Danesi, Mme Canayer, MM. Joyandet, de Montgolfier, Grosdidier, Sido, Leleux et Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Lassarade, M. Bonhomme, Mme Morhet-Richaud, M. Brisson et Mme Dumas, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il fixe également les conditions de protection des données recueillies dès l’installation des brigades sanitaires jusqu’au terme de leur mission et les conditions de leur hébergement en open data dans un data center situé sur le territoire national.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement, proposé par Daniel Gremillet, prévoit qu’un décret fixe les conditions de protection des données recueillies dès l’installation des brigades sanitaires et jusqu’au terme de la mission de celles-ci, ainsi que les conditions de l’hébergement de ces données en open data dans un data center situé sur le territoire national.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable aux trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Max Brisson. Je retire l’amendement n° 182 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 182 rectifié est retiré.
L’amendement n° 190, présenté par MM. Malhuret, Wattebled et Capus, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans l’hypothèse où une exploitation statistique à des fins de recherche scientifique se révèle nécessaire, celle-ci est réalisée uniquement sur des données anonymisées.
La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. La protection de la vie privée et la confiance dans le système d’information impliquent qu’y soient supprimées toutes les données à caractère personnel, dès lors que leur utilité n’est plus avérée. De la même manière, la finalité spécifique de ce dispositif ne doit pas permettre d’enrichir les systèmes d’information existants.
Cet amendement, proposé par Claude Malhuret, est issu d’un échange avec l’Assemblée des départements de France (ADF) portant sur la protection des données personnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 205, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Cet amendement vise à supprimer la disposition, insérée par la commission, limitant le périmètre des données de santé qui pourront être renseignées dans les systèmes d’information mis en place.
Les catégories de données seront fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, et restreintes au strict nécessaire. Il n’est donc pas opportun d’inscrire cette disposition dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le ministre, nous ne voulons pas vous donner un blanc-seing pour rédiger votre décret comme vous l’entendrez !
Toute donnée étrangère à la contamination ou non par le Covid-19 doit être écartée. À défaut, seraient mentionnés dans le fichier de santé, à côté de l’identité de la personne, les occurrences de diabète, les maladies cardiovasculaires et respiratoires, les précédents de cancer… Et cela ne servira à rien pour retrouver des personnes ayant été en contact avec un malade ! Or telle est la seule finalité qu’il convient de poursuivre, outre la finalité épidémiologique.
S’il vous plaît, monsieur le ministre, renoncez à cet amendement ! Cela augurera d’un bon accord entre nous en vue de l’aboutissement de ce texte.
M. le président. Monsieur le ministre, accédez-vous à ce souhait du président de la commission des lois ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. L’amendement proposé par le Gouvernement est passionnant, car il nous conduit au point essentiel dont nous discutons depuis le début de cette séance.
Nous avons un problème, que nous pouvons régler de deux façons.
Première possibilité : nous respectons l’anonymat, et il n’y a aucune difficulté à ce que figurent dans le système d’information générale toutes les données possibles et imaginables permettant de mener un travail normal de recherche.
Seconde possibilité : nous acceptons le principe de l’identification. À ce moment-là, comme l’a indiqué le président Bas, il faut réduire le nombre des données en le limitant à celles qui sont relatives à la diffusion du virus.
J’ai dit précédemment qu’il fallait laisser travailler les équipes épidémiologiques et être très prudent quant à la mise en place de ce système national d’information.
Si vous nous laissez entendre, monsieur le ministre, qu’au bout du bout le Gouvernement veut maintenir l’inscription dans le fichier des éléments relatifs à l’identification, des données personnelles et, en même temps, de l’ensemble des autres données, alors vous nous mettez dans une situation impossible ! Il est vrai que nous raisonnons à la manière de la majorité de la commission des lois ou, comme nous l’avons fait sur le modèle des cadets de Gascogne, c’est-à-dire en connaissant le résultat, mais en essayant tout de même de faire passer notre message.
Sans reprendre le débat sur les libertés publiques, j’ajoute qu’une telle disposition déséquilibrerait excessivement le système.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Il ne s’agit certainement pas de disposer d’une liste non exhaustive de données de santé ! Cela n’aurait aucun intérêt dans le cadre de la gestion urgente d’une crise épidémique liée à un virus donné.
Vous demandez que soit mentionné dans le dossier de chaque personne le seul résultat, positif ou négatif, du test. Pour vous répondre, je vais mettre ma casquette de médecin – je le fais rarement –, et je crois que les professionnels de santé qui siègent dans cet hémicycle ne me contrediront pas.
La PCR est un test biologique dont le résultat peut être positif ou négatif. Imaginons qu’un patient ait subi, dans le cadre de la démarche diagnostique, un scanner pulmonaire. De nombreux médecins prescrivent cet examen, que l’on appelle scanner low dose, pour rechercher d’éventuelles lésions sous- jacentes qui, en l’absence de test PCR positif, pourrait fournir un argument radiographique attestant de la présence du virus. La rédaction adoptée en commission ne permet pas de faire mention de cet examen dans le dossier.
Imaginons, par ailleurs, que je présente un signe clinique pathognomonique, comme une agueusie ou une anosmie, que l’on retrouve fréquemment dans les affections dues à un coronavirus. En cas de fièvre et d’anosmie, même si le résultat de la PCR est négatif – je rappelle qu’il y a 20 % de « faux négatifs » –, on est très probablement en présence d’un coronavirus. Là encore, la rédaction proposée par la commission ne permet pas de mentionner ces données.
Je ne suis pas certain que le fait d’empêcher des médecins d’indiquer des données qui leur semblent essentielles pour le suivi des malades soit d’un grand appui pour le diagnostic !
Je ne me battrai davantage, car il est tard et je ne suis pas sûr de parvenir à vous convaincre. Je souhaite que vous compreniez au moins l’esprit qui est le nôtre au moment où nous vous présentons ce texte. Notre objectif est d’aider autant que possible les médecins à soigner leurs patients. Je rappelle, par ailleurs, que la CNIL pourra donner un avis sur toutes les données contenues dans ce dossier.
Si tout est inscrit dans la loi sans rien garder pour le décret, il sera encore plus simple d’obtenir l’avis conforme de la CNIL, puisqu’elle n’aura plus rien à dire !
M. le président. L’amendement n° 206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
garantit et
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Cet amendement vise à préciser la notion de droit d’opposition, sans supprimer celui-ci.
Je l’ai dit précédemment, on peut refuser d’apparaître en tant que cas contact initial ou patient zéro dans une chaîne de contamination. Il est impossible, en revanche, de refuser de figurer dans le système d’information, car cela entraînerait une perte de données essentielles empêchant de tracer la chaîne de contamination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. M. le président de la commission comme M. le ministre ont un esprit sans doute plus rapide et agile que le mien : j’avoue ne pas avoir compris l’objet de cet amendement. Je saurais gré à l’un ou l’autre de nous l’expliquer, faute de quoi nous devrions prendre parti sans comprendre l’enjeu de notre vote.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Votre commission a voulu inscrire dans le dur de la loi que toute personne disposerait d’un droit d’opposition vis-à-vis du Sidep. Si l’on conservait cette notion très large, chacun pourrait tout simplement refuser de participer à ce système d’information, ce qui nuirait à notre volonté de suivi épidémique sur les territoires. Le droit d’opposition, tel qu’il découle de la rédaction actuelle, permet à chacun de décider qu’il ne figurera pas dans le tracing ou la recherche des chaînes de contamination.
Nous proposons pour notre part de conserver dans le texte le concept de droit d’opposition tout en le précisant de manière qu’il s’applique à tout, sauf à la participation de base au tracing des chaînes de contamination. Sans cette précision, si vous êtes malade demain – je ne vous le souhaite pas ! –, qu’on vous appelle et que vous répondez : « Je n’ai pas envie », c’est terminé ! Auquel cas, non seulement on vous perd, mais on perd aussi toutes les personnes que vous avez potentiellement contaminées, ce qui fragilise tout le dispositif.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 71 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le dispositif proposé par le Gouvernement est flou ; la forme que ces « brigades » pourraient prendre n’est pour l’heure pas connue précisément.
Certaines caractéristiques se dégagent cependant. Afin de permettre la détection des chaînes sociales de contamination, le projet de loi prévoit la création d’un système d’information qui comporterait des données de santé et d’identification. La collecte de ces informations devrait ensuite servir à déterminer les personnes ayant été en contact avec les malades, afin de tuer dans l’œuf toute propagation du virus. Pour ce faire, ces données devront être accessibles à des agents agréés, notamment au sein des ministères.
À de nombreux égards, cet article 6 est problématique ; tout le monde l’a plus ou moins reconnu. Il l’est, tout d’abord, car il permet la collecte de données privées. La CNIL nous a d’ores et déjà alertés sur les dangers que pourrait entraîner la création d’une liste des personnes malades. Rien ne permet en effet de garantir que des mesures coercitives et discriminatoires ne seront pas prises à l’encontre de ces dernières dans le but de contenir la pandémie. De plus, le fait que ces données médicales soient transmises à des membres du personnel des ministères porte atteinte au principe général et absolu du secret médical, qui est un élément fondateur et primordial de notre droit de la santé. Enfin, rien dans la rédaction du projet de loi ne garantit l’anonymisation des personnes malades susceptibles de pâtir d’une utilisation ultérieure du fichier constitué.
Mes chers collègues, la santé publique est l’affaire de tous, elle est notre objectif commun, mais il ne saurait être atteint au prix de la diffusion de certaines de nos données personnelles, et certainement pas au détriment du secret médical.
Le présent amendement vise donc à expurger l’article 6 de sa substance la plus attentatoire à la vie privée de nos concitoyens.
M. le président. L’amendement n° 207, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
résultats
insérer les mots :
, y compris non positifs,
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Cet amendement, très important, vise à permettre la transmission de tous les résultats de tests, y compris non positifs, dans le cadre du Sidep, de manière que ce système puisse remplir son objectif. Si on laissait des cases vacantes, sans inscrire que le résultat du test n’est pas positif, on subirait de nouveau des pertes de données.
M. le président. L’amendement n° 85, présenté par MM. Sueur, Daudigny et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – Outre les autorités mentionnées au I, tout organisme peut participer à la mise en œuvre de ces systèmes d’information que dans la mesure où il répond strictement aux finalités et pour les seules données de santé définis au II. L’accès et la consultation de ces données sont exercés par ou sous le contrôle d’un professionnel de santé.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le but d’assurer le respect du secret médical, cet amendement vise à encadrer fortement la liste des organismes pouvant participer à la mise en œuvre des systèmes d’information, en soumettant leur participation aux finalités retenues ; leur accès aux données de santé devrait en outre être limité et la consultation de ces données ne pourrait être effectuée que par un professionnel de santé, ou sous son contrôle.
M. le président. L’amendement n° 208, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés dans le cadre de la lutte contre l’épidémie peuvent recevoir les données nécessaires à l’exercice de leur mission.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Cet amendement vise à permettre la transmission à certains organismes de données nécessaires à l’accompagnement social des personnes vulnérables, dans le cadre des mesures prises pour lutter contre l’épidémie du Covid-19. Ces organismes peuvent en particulier être les services des collectivités territoriales, ceux de l’État dans les territoires, ou encore des associations. Il ne s’agira que de ceux qui sont spécifiquement chargés du suivi des intéressés dans le cadre de la crise sanitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Sur l’amendement n° 71 rectifié, l’avis de la commission est défavorable. En effet, il tend à supprimer les finalités des systèmes d’information prévues dans le texte ; or, si cette précision n’était pas apportée, le dispositif pourrait être utilisé à n’importe quelle fin, ce qui, si je ne me trompe, irait à l’encontre des intentions des auteurs de cet amendement.
L’amendement n° 207 du Gouvernement reçoit pour sa part un avis favorable de la commission. Il est de fait important, dans le cadre du suivi des personnes qui ont été exposées à un risque de contamination, de savoir que leur premier test de dépistage a été négatif. Il faut cependant continuer de les suivre, parce que ce premier résultat pourrait être démenti par un second test ; pendant cette période, ces personnes sont invitées à rester en quatorzaine. Cet amendement vise à préciser expressément – cela était déjà implicitement prévu – que le fichier contiendra à la fois les résultats positifs et les résultats négatifs des tests. Nous sommes d’accord avec le Gouvernement sur ce point.
Sur l’amendement n° 85, la commission émet un avis défavorable. En effet, il tend à supprimer la liste des autorités qui pourront avoir accès aux données de santé et à exiger que cet accès soit soumis à un contrôle par un professionnel de santé. Or c’est précisément parce qu’on n’aura pas toujours sous la main un tel professionnel que ce projet de loi est nécessaire !
Enfin, sur l’amendement n° 208 du Gouvernement, je voudrais parvenir à une transaction avec M. le ministre : nous serions favorables à son adoption, à condition qu’il soit rectifié de manière à faire précéder le mot « nécessaires » du mot « strictement ». Il ne doit s’agir que des données strictement nécessaires. Le Gouvernement y consentirait-il ?