M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Encore une fois, sur l’objectif à atteindre, il n’y a pas de difficulté.
En revanche, je constate toute l’énergie qui est mobilisée dans notre pays pour créer des systèmes de niveau 1, de niveau 2 ou de niveau 3 : AmeliPro, Sidep, etc. Certes, cela fait plaisir à tout le monde. Mais, comme nous le voyons régulièrement avec nos amis allemands, il y a ceux qui mettent en place des concepts et des systèmes et ceux qui sont dans la mise en œuvre pragmatique. Autant je comprends que le Gouvernement mène un combat pour installer des équipes épidémiologiques de terrain et de campagne – c’est notre vrai sujet –, autant un tel acharnement à monter des systèmes me laisse un peu plus sceptique.
Je distingue vraiment le travail de terrain, qui est indispensable et que nous encourageons pour sortir de la cloche de confinement évoquée par Bruno Retailleau, de ce besoin d’avoir des systèmes. C’est peut-être là que réside notre différence. (M. Loïc Hervé et Mme Esther Benbassa applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le rapporteur, parmi les trente maladies à déclaration obligatoire, il y a certes la peste, qui est de moins en moins fréquente, mais également le chikungunya, la dengue et surtout la tuberculose, dont nous savons qu’elle nécessite un traitement extrêmement complexe.
Je ne suis pas le seul à défendre la proposition que je vous soumets ; l’Académie nationale de médecine l’a aussi évoquée. D’ailleurs, cette dernière ne comprend pas pourquoi, alors que l’ajout d’une maladie relève d’un simple décret, le Gouvernement ne s’est pas donné ainsi les moyens très rapidement de pouvoir faire remonter toute une masse d’informations du terrain.
Enfin, je partage totalement le point de vue de mon collègue : soyons efficaces dans l’opérationnel et évitons de monter de nouvelles usines à gaz.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Je ne comptais plus intervenir, mais les observations de notre collègue Pierre Ouzoulias m’y contraignent.
Dimanche soir, au sein de la commission des affaires sociales, et en lien avec Philippe Bas, nous avons évoqué la possibilité d’intégrer le Covid-19 dans la liste des maladies à déclaration obligatoire. Nous n’avons pas retenu cette option, parce que nous pensons qu’il s’agit d’une maladie épidémique. Elle ne reviendra peut-être plus jamais si, à l’instar de la grippe, un vaccin est trouvé. Et nous considérons que le virus peut muter, même si les études ont plutôt tendance à montrer que tel n’est pas le cas. Les autres maladies visées sont des maladies chroniques, qui arrivent régulièrement, mais qui ne sont pas épidémiques comme la grippe ou l’affection liée au Covid-19.
En revanche, l’idée qu’a développée Philippe Bas est intéressante : autant l’affection due au Covid-19 ne peut pas figurer parmi les maladies à déclaration obligatoire parce que le virus peut très bien disparaître, autant ce régime est un peu obsolète. Il faudra le revoir dans le sens de ce que nous sommes en train de mettre en place pour le Covid-19.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 72, présenté par MM. Sueur, Kanner, Antiste et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Jomier, Lurel et Marie, Mmes Monier, Préville et de la Gontrie et MM. P. Joly, Lozach, Montaugé, Éblé et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et pour la durée strictement nécessaire à cet objectif ou, au plus tard, pour une durée d’un an à compter de la publication de la présente loi, les données relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles peuvent être partagées, sous réserve du recueil du consentement des personnes intéressées, dans le cadre d’un système d’information créé par décret en Conseil d’État et mis en œuvre par le ministre chargé de la santé.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le droit fil de ce qu’a indiqué Marie-Pierre de la Gontrie, notre groupe a énormément travaillé, comme chacun des groupes, afin de tenter de trouver les meilleures rédactions pour concilier l’impérieuse nécessité de protéger la santé publique et de lutter contre le fléau et l’impérieuse nécessité de respecter la vie privée et les libertés publiques. Chacun a au fond de lui ces différentes exigences. Nous ne sommes pas parvenus à un accord ; le mieux est de le dire. La langue de bois n’est jamais très utile.
J’ai donc l’honneur de présenter un amendement au nom de quinze collègues ; sans doute d’autres partagent-ils ce point de vue. Nous avons considéré que le consentement des personnes concernées ainsi, évidemment, que le respect du secret médical étaient nécessaires. Telle est notre position. Elle n’est pas majoritaire, mais nous avons tenu à en faire part au Sénat.
Un certain nombre de nos collègues ont fait valoir la position de la commission des lois et de la commission des affaires sociales dans leur majorité : exiger ce consentement serait contraire à l’objectif impérieux de santé publique.
Disons donc les choses comme elles sont : nous proposons cet amendement pour la clarté du débat, en sachant très bien que notre position est distincte de celle de la commission. Au demeurant, il y a de nombreux points sur lesquels notre groupe est d’accord avec cette dernière. Je pense en particulier aux six garanties – nous avons participé à leur rédaction, sur l’initiative et en accord avec Philippe Bas –, qui sont pour nous indispensables, au nom des libertés publiques.
Cet amendement est donc un amendement de clarification, afin de permettre à chacun d’être fidèle à ses positions. Je reconnais qu’il est peut-être inhabituel de présenter les choses ainsi, mais l’engagement politique n’a de sens que si l’on respecte le parler vrai.
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par MM. Sueur, Daudigny et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, au début
Supprimer les mots :
Par dérogation à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique,
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à maintenir le respect du secret médical.
M. le président. L’amendement n° 82, présenté par MM. Sueur, Daudigny et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après la première occurrence du mot :
aux
insérer le mot :
seules
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement tend à encadrer les finalités auxquelles sont destinées la création d’un système d’information et l’adaptation des systèmes d’information existants, conformément à l’intitulé du chapitre II du projet de loi.
M. le président. L’amendement n° 204, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19
par les mots :
strictement nécessaire à cet objectif ou, au plus tard, pour une durée d’un an à compter de la publication de la présente loi
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Cet amendement vise à permettre la mise en œuvre du système d’information pour la durée strictement nécessaire à l’objectif ou, au plus tard, pour une durée d’un an.
En effet, il est possible que la fin de l’état d’urgence sanitaire ne coïncide pas avec l’extinction totale de l’épidémie. Il nous faudrait alors continuer à casser des chaînes de contamination quand bien même nous aurions levé l’état d’urgence sanitaire.
M. le président. L’amendement n° 83, présenté par MM. Sueur, Daudigny et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
des données
par les mots :
les données
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par Mme Benbassa et M. Gontard, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées,
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Les données mentionnées au I et II ne peuvent être collectées qu’avec le consentement des personnes intéressées.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer, le dispositif proposé à l’article 6 me semble particulièrement intrusif et bureaucratique à la fois.
En plus, aucun encadrement n’est prévu pour limiter les effets pernicieux d’un tel système. En ne prévoyant qu’un simple rapport non astreignant de la CNIL comme garde-fou, le Gouvernement démontre sa volonté de légiférer en solitaire sans accepter que sa prise de décision soit pondérée par les experts. À cet égard, j’avoue qu’il y a eu quelques évolutions depuis deux jours.
La création d’un fichier recensant nos concitoyens n’a rien d’anodin ; l’histoire nous l’a bien démontré. Si un tel dispositif devait voir le jour, il semble impératif que de nouvelles précautions soient prises pour encadrer les atteintes disproportionnées aux données personnelles de nos concitoyens.
Nous proposons donc par cet amendement de faire en sorte que tout prélèvement de données ne soit réalisé qu’avec le consentement de la personne porteuse du virus. Il paraît évident qu’il faille consulter le citoyen avant que ces informations privées ne soient transférées aux autorités alors même qu’elles devraient relever du secret médical.
Bien que nous soyons opposés par principe à un système de prélèvement des données dans un objectif de fichage, il nous semble qu’un droit de regard préalable du malade concerné permettrait de tempérer un dispositif qui serait uniquement régulé par les autorités ; cela créerait une relation de confiance.
M. le président. L’amendement n° 177, présenté par M. Bonnecarrère et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées,
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Cet amendement, qui est présenté par l’ensemble de mon groupe, vise à obtenir le consentement des intéressés pour figurer dans ce que l’on nous a présenté tantôt comme un fichier, tantôt comme un système d’information ; tout le monde a bien compris que c’était la même idée.
Autant nous sommes favorables aux équipes épidémiologiques de terrain pour faire le travail tendant à casser les chaînes de contamination, autant nous considérons que les données médicales d’un individu lui sont personnelles et qu’il lui appartient de consentir, ou non, à ce qu’elles figurent dans un fichier national d’information.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Philippe Bonnecarrère. En règle générale, je n’aime pas évoquer des éléments personnels. Pourtant, je ferai une exception cette fois-ci. Voilà quasiment un an jour pour jour, je faisais campagne aux élections européennes – mes collègues ici présents connaissent ma passion pour l’idée européenne – pour une liste intitulée Renew Europe. Essayant de convaincre mes concitoyens, ce qui n’était pas forcément un exercice très facile, de l’importance de la construction européenne, je mettais notamment en avant l’argument suivant : si j’étais américain, les données personnelles me concernant appartiendraient à des sociétés commerciales ; si j’étais chinois, elles appartiendraient à mon État ; étant européen, elles m’appartiennent. Ce qui me contrarie véritablement ce soir, c’est de me rendre compte que ce que j’indiquais à mes concitoyens du Tarn ne sera bientôt plus vrai ; mes données personnelles appartiendront à l’État alors que je n’aurai pas donné mon accord.
Je comprends le combat pour la santé de mes concitoyens, et je répète que le combat épidémiologique de terrain doit être mené. Mais la manière de le conduire, par ce système centralisé d’information, est profondément perturbante. Je le dis en toute liberté, monsieur le ministre. J’ai voté en faveur du plan de déconfinement qui nous a été présenté par le Premier ministre hier. Vous constatez que ma position n’est pas motivée par des considérations de politique nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Les amendements nos 72 et 73 concernent tous deux le secret médical. Encore une fois, c’est précisément parce que nous ne pouvons pas compter sur les seuls médecins pour traiter des centaines de milliers de cas individuels par semaine qu’il faut déroger au secret médical et que nous sommes réunis ce soir. Si cette question n’était pas posée, le présent projet de loi n’existerait pas.
Ce soir, nous avons une responsabilité : soit nous acceptons que le secret médical soit partagé, moyennant quoi nous instituerons un système qui permettra de remonter les filières de contamination, soit nous renonçons à la mise en place d’un tel dispositif, et nous pourrons aller nous coucher en ayant la très grande satisfaction de nous dire que le secret médical est sauf. Pour ma part, je n’échangerais pas cette satisfaction contre celle que nous pourrions avoir en instituant un système efficace permettant de découvrir toutes les filières de contamination et de protéger nos concitoyens.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois, dont la position à cet égard est d’ailleurs partagée par la commission des affaires sociales, émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’amendement n° 82 est un amendement de précision, et la précision dont il s’agit nous paraît heureuse. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour saluer le sens de la précision de Jean-Pierre Sueur. L’avis de la commission est favorable.
J’en viens à l’amendement n° 204, présenté par le Gouvernement. Monsieur le ministre, vous préférez votre texte au nôtre ; je ne songe pas à vous en blâmer. Mais c’est tout de même un effort que vous sollicitez de notre part en nous demandant de déroger au secret médical et d’accepter un système d’information national. Dans un souci d’efficacité, vous ne pouvez pas nous demander en plus de faire survivre ce système à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Si, à cette date, notre pays a besoin de proroger le dispositif, cela signifiera que la crise n’est pas achevée, et vous pourrez alors compter alors sur notre bienveillance si vous revenez devant le Parlement.
Mais ne nous demandez pas aujourd’hui de prolonger la durée d’application du système alors que vous aurez vous-même décidé de ne pas prolonger l’état d’urgence ; ce ne serait pas cohérent. Nous sommes dans un régime juridique d’exception. Nous avons veillé dans la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 à faire en sorte qu’il s’éteigne de lui-même le 22 mars 2021. Si nous avons besoin de le renouveler à ce moment-là, nous en délibérerons ensemble. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
La précision que notre collègue Jean-Pierre Sueur nous propose d’ajouter à l’amendement n° 83 nous a semblé, cette fois, inutile. Avis défavorable.
Par ailleurs, le système que nous avons retenu nous semble plus efficace que celui qui est proposé par les auteurs des amendements nos 65 et 177. Il est déjà intégré au texte de la commission. C’est le système du droit d’opposition, qui est assez classique en matière de traitement informatisé des données. Il nous a paru nécessaire d’apporter cette garantie, que le Gouvernement n’avait pas prévue.
Retenir le principe du consentement préalable, c’est tout de même assumer le risque qu’un nombre vraiment trop important de personnes refusent de prêter leur concours à ce qui est de nécessité publique : remonter les filières de contamination pour protéger nos concitoyens.
C’est la raison pour laquelle l’avis des deux commissions – je me permets de le dire au nom de mon excellent collègue Alain Milon, mais il pourra le faire lui-même – est défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 72 et 73 et un avis favorable sur l’amendement n° 82.
Encore une fois, l’amendement du Gouvernement vise à prolonger l’utilisation d’un système d’information existant. Si le système Covid s’arrête en même temps que l’état d’urgence sanitaire, je ne suis pas sûr que l’épidémie s’arrête longtemps. S’il faut revenir devant le Parlement pour obtenir la prolongation du dispositif, nous le ferons évidemment, mais c’est du temps qui pourrait peut-être être utilisé différemment…
Enfin, le Gouvernement émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 83 et un avis défavorable sur les amendements nos 65 et 177.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. L’amendement n° 72 ne concerne pas simplement le secret médical. À cet égard, le président Bas a soutenu que ce secret pouvait ne pas être nécessairement respecté, à condition qu’existe un motif sérieux. Je ne parle pas là de respect de la législation, car ce n’est pas le sujet. Ce qui est en question ici, c’est le consentement des personnes.
Vous le savez, la législation française exige habituellement que l’on recueille le consentement des personnes faisant l’objet d’une collecte de données. Pourtant, dans le texte finalement adopté par la commission des lois – j’ai déjà évoqué l’avancée parfois insuffisante de nos travaux ! –, le principe du consentement n’a pas été conservé.
J’évoque ce point, car Philippe Bas, avec cette ironie mordante qui nous fait souvent sourire, n’avait peut-être pas pris suffisamment au sérieux les amendements nos 207 et 208 du Gouvernement, que je viens pour ma part de découvrir. Ces amendements prévoient que doivent être intégrés dans le fichier les résultats médicaux, y compris ceux qui ne sont pas positifs, alors même que nous sommes censés traquer une infection, et que peuvent avoir accès à certaines données les organismes qui assurent l’accompagnement social des personnes concernées dans la lutte contre l’épidémie ! En clair, nous retrouvons les acteurs visés par le Premier ministre voilà quelque temps : les collaborateurs des collectivités et de l’État dans les territoires et les associations. Du coup, le champ des personnes concernées devient considérable.
Mes chers collègues, avez-vous lu cet article du dernier Journal du dimanche, qui aura peut-être fait rêver certains d’entre vous ? (M. Bruno Retailleau rit.) Je constate que le président Retailleau voit très bien de quoi je parle… (Sourires.) Il y était question d’un aréopage qui participe d’ores et déjà à ce travail de recherche, notamment au sein de l’AP-HP, mais de manière un peu artisanale. On y trouve diverses catégories de personnes, par exemple des ingénieurs, mais aussi des hôtesses de l’air. Formidable !
Je le dis au président Bas, ne pas prenons pas cette question à la légère. Je vais conclure, car je ne dois pas abuser de la bienveillance dont fait toujours preuve le président Gérard Larcher. (Sourires.)
M. le président. Bienveillance maîtrisée ! (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Le secret médical et le consentement sont deux données fondamentales, deux sujets assez graves pour que nous décidions, à quelques-uns, de présenter l’amendement n° 72. Votre esprit vif vous aura en effet permis de noter qu’il n’a pas été signé par l’ensemble des membres du groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je n’abuserai pas de votre bienveillance, monsieur le président…
Mon groupe politique s’est non pas divisé, mais, disons-le, séparé à propos de la conception, que l’on pourrait qualifier de philosophique, de ce système d’information. Les signataires de l’amendement n° 72 souhaitent que celui-ci repose sur le consentement des personnes « fichées ».
Nous sommes parfaitement conscients que la frontière est fragile entre le respect des libertés individuelles et l’efficacité de la protection sanitaire, mais nous pensons qu’il ne faut pas mettre le doigt dans un engrenage qui, un jour ou l’autre, nous dépassera peut-être. Nous avons d’ailleurs cité, dans l’objet de l’amendement, les propos du Premier ministre prononcés mardi dernier à l’Assemblée nationale : « Notre politique repose, à cet égard, sur la responsabilité individuelle et sur la conscience que chacun doit avoir de ses devoirs à l’égard des autres. » C’est parce que nous partageons cette maxime que nous avons déposé cet amendement, tandis que la majorité de notre groupe suivait la position de la commission des lois.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Mme de la Gontrie a précisé précédemment quelle était notre position. Nous avons accepté d’examiner l’article 6, mais sans donner pour autant un blanc-seing au Gouvernement. La question de l’encadrement de cet article n’en devient que plus essentielle.
Je salue les avancées importantes de la commission. Nous y contribuons également au travers de nos amendements, qui ont permis d’ajouter de nombreux garde-fous au texte initial du Gouvernement. Je pense en particulier aux points relatifs à la durée du traitement, mais également au comité de suivi, qui sera primordial.
Il reste encore des zones d’ombre et beaucoup de flou. Au regard de la finalité des traitements et de l’ampleur des données collectées, notamment celles qui concernent la santé, on ne peut absolument pas laisser ces zones dans l’obscurité.
La question du consentement est essentielle. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) dispose ainsi que le consentement doit être donné par un acte positif clair par lequel la personne concernée manifeste de façon libre, spécifique, éclairée et univoque son accord au traitement des données à caractère personnel la concernant.
La prise en compte du consentement serait de nature, selon moi, non pas à complexifier les procédures, mais au contraire à expliquer la démarche et la finalité du dispositif.
Monsieur le rapporteur, vous avez présenté un amendement, qui a été adopté en commission et que je salue, visant à garantir et à préciser en aval les droits des tiers – droits d’information, de rectification, d’opposition – qui seront concernés par ces traitements de données. Cet arsenal est tout à fait positif, mais je regrette que rien ne soit prévu pour rechercher et recueillir en amont le consentement des individus.
En tant que législateurs garants des libertés publiques, nous devons faire apparaître dans la loi ce processus de recherche en amont, j’y insiste, du consentement. En effet, l’information portant sur la nature des données transmises, la finalité et l’opération de traitement sont essentielles pour le patient et responsabilisent les personnes. Elle participe de la transparence et de la confiance, deux facteurs qui conditionnent la réussite de ce système.
Oui, monsieur le ministre, nous faisons un pari. Mais cette démarche ne sera gagnante que si la stratégie sanitaire globale tient bon – les enquêteurs sanitaires, par exemple, devront être nombreux –,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Sylvie Robert. … et si l’encadrement de ce système est adopté par notre assemblée et maintenu, je l’espère, par la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Mes collègues Marie-Pierre de la Gontrie, Patrick Kanner et Sylvie Robert n’ont pas fait mystère du fait que nous avions eu au sein du groupe socialiste des discussions assez longues, intéressantes et sérieuses sur la manière d’aborder l’article 6.
Pour ma part, je ne suis pas signataire de l’amendement n° 72 et je ne le voterai pas. Je sais en effet que, malheureusement, à défaut de vaccin et de traitement hier, avant-hier et aujourd’hui en France, en Haïti ou en Centrafrique, il n’y a pas d’autre moyen pour éradiquer une épidémie que d’identifier les personnes atteintes et celles avec lesquelles elles ont été en contact, et de les isoler. Cela tient, hélas, à l’histoire de l’état sanitaire de la planète, qui est aussi la nôtre.
Plusieurs collègues ont dit que l’on faisait un pari. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez évaluer cette incertitude et le risque que nous prendrons en n’adoptant pas l’amendement qui tend à exiger le consentement et à rendre l’article 6 inopérant.
Si le climat dans lequel se déroule ce débat est cordial, le contexte, en revanche, n’inspire pas confiance. Nous apprenons, un jour, que des dispositifs sont déjà lancés, puis que vous avez subrepticement ajouté un amendement visant à étendre aux cas non positifs l’inclusion dans le fichier… Ce faisant, vous amendez vous-même votre texte initial, puisque votre amendement tend non pas à revenir sur le texte de la commission, mais à élargir votre système !
En votant l’article 6, qui exige que l’on passe outre le consentement et le secret médical, nous ferons preuve d’une grande responsabilité. De ce point de vue, il fut désagréable de lire, hier, que le chef de votre parti avait trouvé utile de qualifier le Sénat d’« irresponsable ». En effet, nous aurions eu le mauvais goût de ne pas cacher aux Français que nous ne sommes pas toujours d’accord avec votre méthode, la manière dont vous procédez et vos arrière-pensées, que nous découvrons au fur et à mesure !
Pour autant, je le répète, je ne voterai pas l’amendement n° 72.