M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° II-1096.
Mme Corinne Féret. Beaucoup d’arguments de fond ont déjà été avancés.
Nous sommes exactement dans la même configuration que l’an passé : l’Assemblée nationale a fait un premier pas que le Sénat entend approfondir.
Nous avons besoin de ces structures dans les territoires où elles existent encore. Entre l’Assemblée nationale et le Sénat, entre le PLF pour 2019 et le PLF pour 2020, notre message est clair et largement partagé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, mon ministère travaille quotidiennement avec les collectivités territoriales.
Dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, nous avons contractualisé avec les régions à hauteur de plus de 6 milliards d’euros sur des objectifs communs pour la formation des demandeurs d’emploi.
Le budget de mon ministère finance environ la moitié de celui des missions locales, l’autre moitié étant financée par les communes, les départements et les régions.
Nous sommes également présents dans des instances de gouvernance comme France compétences, où les régions sont représentées avec les partenaires sociaux et l’État. Le fait de travailler ensemble sur des sujets comme l’emploi, la formation et l’insertion me paraît une évidence.
Je pense aussi au « Tour de France des solutions » engagé par le Premier ministre, à la demande du Président de la République, à la suite du grand débat. Nous avons été plusieurs ministres à nous déployer partout sur le terrain, avec les préfets, les conseils régionaux et de nombreuses intercommunalités et communes pour trouver comment lever les freins périphériques à l’emploi. Je pense notamment à la garde d’enfants, à la mobilité et aux logements, qui sont souvent des freins à la reprise d’emploi.
M. François Bonhomme. Ce n’est pas la même chose !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Certes, mais c’est pour dire que, de façon générale, l’action de mon ministère se fait quotidiennement en lien avec les collectivités territoriales sur les sujets d’insertion ou de retour à l’emploi.
En 2009, le budget des maisons de l’emploi était de 90 millions d’euros. Compte tenu de la mise en place du service public de l’emploi, et donc de la fin de la labellisation, les gouvernements successifs de tous bords qui nous ont précédés ont tous diminué ce financement, considérant que l’essentiel des missions devait être dévolu au service public de l’emploi.
Comme moi, vous êtes attachés à la valeur de l’initiative locale. Nous avons reçu Alliance Villes Emploi, qui regroupe les maisons de l’emploi, et sommes tombés d’accord sur le fait qu’ils avaient besoin de continuer à faire évoluer leur réseau eu égard à tout ce qui avait déjà bougé dans le service public de l’emploi et dans les responsabilités des uns et des autres. C’est la raison pour laquelle, à l’Assemblée nationale, j’ai émis un avis favorable sur l’amendement visant à inscrire une ligne budgétaire de 5 millions d’euros, comme en 2019. Il s’agit donc d’une stabilité financière pour soutenir la poursuite de ce changement.
Par ailleurs, des financements plus importants sont accessibles, notamment en termes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sur les clauses sociales. Les maisons de l’emploi peuvent jouer un rôle d’ingénierie important sur ces questions. De même, elles peuvent répondre aux nombreux appels à projets lancés dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences. La maison de l’emploi du Grand Périgueux, par exemple, a répondu à l’appel à projets « Intégration professionnelle des réfugiés » et a été sélectionnée. Elle va recevoir 450 000 euros, ce qui lui permettra d’embaucher et de monter en puissance.
Entre les 5 millions d’euros, le plan d’investissement dans les compétences, les clauses sociales dans un grand projet, je pense que les maisons de l’emploi peuvent continuer de jouer leur rôle original.
Les pactes régionaux conclus entre l’État et les régions sont l’occasion de développer des actions de diagnostic des besoins en compétences des bassins d’emploi, ce que font souvent les maisons de l’emploi. Là aussi, État et régions doivent travailler ensemble pour leur permettre de mettre en place ces GPEC.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces cinq amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Quoi que dise le Parlement, les élus locaux ou les milliers de manifestants qui étaient hier dans la rue pour protester contre la réforme des retraites et celle, extrêmement mauvaise, de l’assurance chômage, vous n’entendez rien. Tout va toujours très bien quand on vous écoute. Tout est suffisant, selon vous, il faut juste faire un effort de pédagogie.
M. Julien Bargeton. Assez de caricatures ! C’est la gauche qui a baissé les budgets !
Mme Laurence Cohen. Le fond du problème, qui ne concerne pas cette seule mission, c’est que les enveloppes sont constantes et insuffisantes, ce qui nous oblige à faire des choix draconiens, à prendre dans une enveloppe pour en mettre dans une autre. C’est du bricolage, et ça ne règle aucun problème. Vous devez augmenter les crédits de ces missions indispensables.
Nous partageons ce qui a été dit sur les maisons de l’emploi, mais nous ne sommes pas d’accord avec cette façon de faire, raison pour laquelle nous ne voterons pas ces amendements.
Madame la ministre, prenez la peine d’écouter un peu celles et ceux qui sont sur le terrain et qui vous disent que ça ne va pas. À un moment donné, je ne sais pas comment les choses vont tourner… (MM. Julien Bargeton et Martin Lévrier protestent.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Madame la ministre, vous avez dit que les crédits avaient baissé uniformément sous tous les gouvernements. Ce n’est pas tout à fait vrai : il y a eu une montée en charge de 2005 à 2007, puis une stabilisation à 80 millions d’euros. C’est à partir de 2011 que les crédits ont baissé pour tomber à 65 millions d’euros. Contrairement à Michel Sapin et François Rebsamen, seule Mme El Khomri a semblé comprendre un peu le dispositif, mais nous sommes tout de même tombés de 57 millions à 21 millions d’euros.
C’est là qu’est le défaut majeur : l’État avait mis en place un outil qu’il a trop rapidement délaissé, de manière presque brutale. Vous évoquez les financements à prendre à travers les appels à projets, mais encore faut-il pouvoir y répondre. Après les licenciements massifs et la baisse du nombre de maisons de l’emploi – de 205 à 85 ! –, c’est forcément beaucoup plus compliqué.
Les maisons de l’emploi sont un outil territorial, avec des enjeux particulièrement importants en termes de mobilité et d’inclusion.
Vous parlez d’une logique inclusive et territorialisée, c’est bien ce à quoi participe une maison de l’emploi ! Même le réseau Alliance Villes Emploi, qui regroupe les maisons de l’emploi, est tout à fait prêt à entreprendre une telle démarche partenariale, afin d’engager de nouvelles politiques de soutien avec les collectivités locales.
Sans un minimum de crédits, vous nous priverez d’un outil permettant de traiter un certain nombre d’angles morts du service public de l’emploi local.
Ne mélangeons donc pas tout ! Considérons les choses sur une quinzaine d’années ou une vingtaine d’années, la loi Borloo remontant à 2005. Il s’agit de savoir si l’État veut être cohérent.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. J’aimerais lever un éventuel petit malentendu. Je dis « éventuel », car je pense que, compte tenu de votre réponse, madame la ministre, vous aviez compris que, quand j’ai employé le mot « expérimentation », qui est très souvent utilisé, je faisais un trait d’humour. Je vous souhaite bien évidemment un prompt rétablissement.
Les maisons de l’emploi mènent un vrai travail depuis longtemps. À une certaine époque, certains dispositifs, de dimension trop réduite, ne produisaient plus le minimum de résultats attendus. Comme François Bonhomme et d’autres intervenants, je reconnais à Mme El Khomri le mérite d’avoir quasiment sauvé le dispositif, juste après sa nomination.
Cette problématique sociale et sociétale s’inscrit, vous l’avez dit, dans un mouvement parfois de contestations, les relations s’avérant difficiles entre le pouvoir, parfois trop vertical, et la vie des territoires.
Au sud de la Meurthe-et-Moselle, nous avons un réseau de maisons de l’emploi. Trois maisons de l’emploi coopèrent en parfaite harmonie avec les services de l’État et l’ensemble des services publics. Il est important que l’État envoie des signaux témoignant de sa prise en compte de la situation, par le biais de quelques moyens financiers supplémentaires. Je le souligne, cet amendement est porté sur toutes les travées de l’hémicycle.
M. Martin Lévrier. Non !
M. Jean-François Husson. Si La République En Marche veut se distinguer sur un tel sujet, qu’elle s’efforce au moins d’être positive et de ne pas rester à la remorque ! Ce n’est pas dans son intérêt ! Pensons à l’intérêt de celles et ceux qui ont besoin de ces politiques et des collectivités qui se mobilisent pour mettre en place les dispositifs dans les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-34, II-412 rectifié, II-456, II-690 rectifié bis et II-1096.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 79, 80, 81 et 82, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 82, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».
Travail et emploi
Article 79
(Supprimé)
Article 80
I. – L’article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I sont celles qui :
« 1° Soit relèvent simultanément du dispositif mentionné à l’article L. 613-7 du présent code et de l’une des catégories mentionnées à l’article L. 5141-1 du code du travail ;
« 2° Soit ne relèvent pas des articles L. 613-7 et L. 642-4-2 du présent code. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Les deux dernières phrases du deuxième alinéa sont supprimées ;
b) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les personnes relevant du dispositif mentionné à l’article L. 613-7 du présent code formulent, lors de la création de leur activité, leur demande d’exonération auprès de l’organisme mentionné à l’article L. 213-1. » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les conjoints collaborateurs des travailleurs indépendants ne relevant pas du dispositif mentionné à l’article L. 613-7 du présent code et bénéficiant de l’exonération prévue au présent article, à l’exclusion des conjoints collaborateurs des assurés relevant du titre V du livre VI ayant opté pour le calcul de leurs cotisations selon les modalités prévues au 3° de l’article L. 662-1, peuvent bénéficier de cette exonération. Dans ce cas, le revenu pris en compte pour déterminer le montant de l’exonération accordée correspond à la fraction du revenu du chef d’entreprise attribuée au conjoint collaborateur. Cette fraction est alors déduite du revenu permettant de déterminer le montant d’exonération applicable aux cotisations du chef d’entreprise. »
II. – L’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa du I est complétée par les mots : « et des taux des cotisations de retraite complémentaire » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Le régime prévu au » sont remplacés par les mots : « Le » ;
b) À la seconde phrase, le mot : « cesse » est remplacé par le mot : « cessent ».
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2020 et s’applique aux créations et reprises intervenues à compter de cette même date.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-35 est présenté par M. Capus et Mme Taillé-Polian, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-457 est présenté par M. Forissier, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-35.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Permettez-moi de revenir sur le contexte dans lequel cet article s’insère.
Vous vous en souvenez sans doute, à la fin des années 1970, a été créée l’ACCRE, l’Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, ciblée sur les chômeurs les plus éloignés de l’emploi.
Pour les micro-entreprises, le Gouvernement a étendu le bénéfice de l’exonération de charges sociales de la première année d’activité aux deux années suivantes. En 2019, conformément aux promesses de campagne d’Emmanuel Macron, ce dispositif est devenu l’ACRE et a été étendu à tous les créateurs ou repreneurs d’entreprise.
Avec un an de recul, on s’aperçoit que le coût du dispositif a augmenté de façon importante, voire inquiétante, peut-être à la suite d’un effet d’aubaine. Avec l’article 80, le Gouvernement souhaite donc revenir au public cible antérieur, ce qui ne nous pose pas de difficulté, afin d’éviter une dérive financière à laquelle nous sommes bien évidemment hostiles. Le Gouvernement souhaite également supprimer la faculté laissée au décret de prolonger l’exonération sur trois ans. Ce point gêne la commission.
Cet amendement vise donc à maintenir l’exonération les deux années suivantes pour les personnes titulaires de l’aide qui sont déjà entrées dans le système. En effet, nous pensons que, au titre de la légitime espérance, il serait compliqué de revenir sur l’attente des bénéficiaires du dispositif cette année.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-457.
M. Michel Forissier, rapporteur pour avis. Encore une fois, la commission des affaires sociales est parfaitement en phase avec la commission des finances.
Je serais surpris, madame la ministre, que vous ne soyez pas favorable à cet amendement, dans la mesure où le Sénat vous donne un chèque en blanc pour décider de l’attribution des aides. Nous vous faisons donc une confiance totale sur ce sujet, sur lequel nous avons la même philosophie.
J’irai un peu plus loin que mon collègue rapporteur spécial, en vous disant que, de mon point de vue, il serait contraire au droit fondamental que de revenir sur une promesse faite par un gouvernement. Quand j’ai été élu maire à la suite d’une alternance démocratique entre la gauche et la droite, j’ai honoré toutes les promesses de mes prédécesseurs, même si je n’étais pas d’accord avec certaines d’entre elles. Je crois que ce gouvernement s’honorerait de donner ce signal, qui aide non pas les grosses multinationales, mais les micro-entreprises. La commission des affaires sociales estime d’ailleurs que le statut de micro-entrepreneur devrait être modifié ou, à tout le moins, précisé, dans le code du travail. En effet, certaines plateformes abusent de la situation. Je rappelle que ce sont souvent des travailleurs pauvres qui adoptent ce statut.
Achevons cette matinée en envoyant un signal aux entreprises ! Disons-leur, sans avoir peur des mots : « Entreprises de France, nous vous aimons, nous sommes avec vous, créez des emplois ! » (M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Quel plaidoyer !
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez très bien rappelé l’historique de l’ACRE. Effectivement, nous avions estimé souhaitable d’étendre le dispositif à tous, pour trois ans. Mais, dans la vie, il ne faut pas être rigide. Les effets d’une mesure ne sont pas toujours au rendez-vous à 100 %, vous le savez tous. Nous avons observé deux choses.
Tout d’abord, le dispositif entraîne de très nombreux effets d’aubaine et même des effets pervers, puisque certaines petites entreprises incitent leurs salariés à s’installer en tant qu’auto-entrepreneurs. Or le but du dispositif n’est pas de transformer des salariés en travailleurs indépendants.
Ensuite, le recours à cette aide a créé une distorsion de concurrence avec les autres travailleurs indépendants, qui ne bénéficient pas des trois années d’exonération. Il s’agit d’un sujet sensible, notamment dans le secteur de l’artisanat et du commerce.
Pour ces deux raisons, nous souhaitons de nouveau limiter à un an l’exonération, qui doit vraiment constituer une aide au démarrage. En revanche, ceux qui seront entrés dans le dispositif en 2019 en bénéficieront bien pendant trois années. Sinon, alors qu’ils ont bâti leur démarche en fonction de cette exonération, ils seraient confrontés à un problème de flux et de stock.
L’alinéa 7 de l’article 80 supprime notamment la possibilité d’extension de cette exonération par voie réglementaire. Une telle mesure de précaution vise à s’assurer de l’effectivité de la limitation. Au titre de l’impact financier d’une telle modulation, celle-ci devrait faire l’objet d’une approbation par le Parlement.
Du coup, je vous renvoie la balle, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, en vous demandant de bien vouloir retirer vos amendements, dans la mesure où nous sommes finalement d’accord sur le fond.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. Il y a là quelque chose que nous ne comprenons pas. En effet, malgré le débat qui devait avoir lieu ici, le Gouvernement a publié voilà quelques jours un décret sur cette question. Selon moi, il aurait été plus respectueux d’attendre la fin du débat parlementaire.
Ce décret aura pour effet de minorer les taux d’exonération initialement prévus pour 2020 et 2021 et dont auraient dû bénéficier les micro-entrepreneurs entrés dans le dispositif cette année. Je le rappelle, comme M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, la micro-entreprise, statut le plus simple, est celui des plus modestes et des plus précaires.
Certes, une telle décision relève du domaine réglementaire. Nous regrettons toutefois qu’elle ait été prise en plein milieu du débat parlementaire.
Quoi qu’il en soit, les personnes concernées ont vraisemblablement compté sur cette aide dans leur plan d’affaires, aux taux initialement prévus. Il est donc vraiment regrettable que l’État revienne sur sa parole. C’est également juridiquement risqué, puisque c’est contraire, selon nous, au principe d’espérance légitime.
Nous en convenons tous, l’élargissement de l’application du dispositif n’aurait pas dû avoir lieu. S’il est positif que le Gouvernement revienne sur une erreur d’analyse manifeste, dont les conséquences budgétaires sont importantes, il ne paraît pas souhaitable, en modifiant les taux, de supprimer ces aides aux micro-entrepreneurs, c’est-à-dire aux plus précaires.
Par conséquent, la commission maintient cet amendement et en appelle à votre sagesse, madame la ministre, notamment pour ce qui concerne la question des risques juridiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. J’exprimerai deux sujets d’étonnement.
Quand on lance un dispositif qui ne connaît pas beaucoup de succès, la tentation est grande de le supprimer ou, dans le meilleur des cas, de l’améliorer. Dans le cas présent, le dispositif marche du tonnerre. Il faut donc le supprimer… C’est mon premier sujet d’étonnement.
Je suis également surpris, madame la ministre, de la radicalité de vos positions. Vous avez laissé entendre, ce que je conteste depuis toujours, que certains chômeurs toucheraient plus qu’en travaillant. Partant de ce principe, qui est faux – c’est un sophisme que vous avez établi –, vous avez puni tous les chômeurs. Ainsi, 1,3 million d’entre eux vont se trouver en difficulté. Certains ne toucheront même plus d’allocations chômage. Leur famille, leurs enfants vont en pâtir.
Vous relevez un certain nombre d’effets d’aubaine. Sans doute avez-vous raison, je n’ai pas la qualification nécessaire ni les moyens de vous contredire. Seulement, vous nous dites : « Parce qu’il y a quelques abus, je supprime le dispositif. » Voilà qui est radical, injuste, inexplicable et intolérable pour ceux qui ont construit leur projet à partir des éléments dont ils disposaient, c’est-à-dire à partir de la parole de l’État, qui devrait être sacrée et exige de prendre un certain nombre de précautions avant de revenir dessus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-35 et II-457.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 80, modifié.
(L’article 80 est adopté.)
Article 81
I. – La sous-section 2 de la section 4 du chapitre Ier du titre III du livre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article L. 6331-48, les mots : « ainsi que les chefs d’entreprise immatriculés au répertoire des métiers et affiliés au régime général de sécurité sociale en application des 11°, 12° et 23° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, » sont supprimés ;
2° Le quatrième alinéa de l’article L. 6331-50 est supprimé ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 6331-51 est supprimé.
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2020. – (Adopté.)
Article 82
Avant le 1er septembre 2020, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le financement des contrats d’apprentissage dans le secteur public local et le coût de leur prise en charge par le Centre national de fonction publique territoriale et les collectivités territoriales. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 82
M. le président. L’amendement n° II-1095, présenté par Mme Féret, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 82
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er septembre 2020, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’activité, le financement et les moyens du Haut Conseil du dialogue social depuis sa création et le coût de sa mission en période de mesure de la représentativité syndicale et patronale.
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à alerter sur le rôle et les moyens du Haut Conseil du dialogue social et des défenseurs syndicaux.
Vous avez déjà été interpellée sur le sujet, madame la ministre, puisque cet amendement reprend celui du rapporteur pour avis de l’Assemblée nationale. Ce dernier relevait la suppression du Haut Conseil dans l’annexe budgétaire au projet de loi de finances pour 2020 : listes des commissions, instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres, sans que celles-ci soient parallèlement inscrites dans le projet annuel de performance de la mission « Travail et emploi ». Sur quelle évaluation se fonde donc cette disparition, apparemment programmée ?
Je vous ai moi-même interrogée lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, mais je n’ai pas été convaincue par votre réponse. Vous avez affirmé qu’il s’agissait de fusion et que les missions du Haut Conseil du dialogue social seraient reprises intégralement.
Notre amendement a donc pour objet une évaluation globale du Haut Conseil, afin de permettre au Parlement d’apprécier si cette fusion peut se justifier du fait de sa redondance supposée avec la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle et de jouer pleinement son rôle de contrôle, en s’assurant de la reprise effective et de la pérennité des missions concernées dans ce transfert.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Cet amendement vise à demander la remise d’un nouveau rapport au Gouvernement sur l’activité, le financement et les moyens du Haut Conseil du dialogue social, que le Gouvernement envisage de supprimer ou de fusionner.
Nous avons aujourd’hui l’occasion d’avoir directement l’avis du Gouvernement sur cette question. La commission n’estime donc pas utile de solliciter un nouveau rapport du Gouvernement. En conséquence, elle demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
J’ajoute, s’agissant de l’amendement n° II-35, qu’il serait extrêmement utile, monsieur le président, que Mme la ministre puisse répondre aux questions extrêmement précises qui lui ont été posées. Il semble en effet y avoir une incompréhension entre nous. Pourtant, nous sommes directement passés au vote.
Au nom de ma corapporteure, Sophie Taillé-Polian, et de toute la commission, je souhaite un prompt rétablissement à Mme la ministre, qui a été courageuse de venir jusqu’au banc, à côté duquel se trouve, fort heureusement, un tabouret pour poser sa jambe.
M. le président. Si nous sommes passés directement au vote, c’est parce que Mme la ministre n’a pas demandé la parole pour vous répondre. Elle a tout le loisir de le faire quand elle le souhaite.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-1095 ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Devant cette interpellation, vous me permettrez, monsieur le président, de donner une précision sur l’article 80. En effet, nous avons pu le constater au cours de nos débats, tout le monde n’a pas la même compréhension de nos intentions.
Pour les bénéficiaires de l’ACRE qui sont entrés dans le dispositif avant le 1er janvier 2020, notre volonté est de diminuer le montant des exonérations progressivement, pour éviter un effet de couperet au 1er janvier 2020 pour des personnes qui auraient commencé leur activité en octobre, par exemple.
Nous avons corrigé le taux d’exonération des micro-entrepreneurs, qui n’avait pas été adapté à l’évolution générale des taux de la CSG et de la CRDS. Ainsi, le taux passera de 75 % à 50 % la première année, de 50 % à 25 % la deuxième année et de 25 % à 10 % la troisième année, ce qui laisse aux micro-entrepreneurs le temps de s’organiser.
On a revu ces pourcentages pour que ceux qui concernent les travailleurs indépendants soient identiques à ceux qui concernent les micro-entrepreneurs. En effet, la concurrence entre les dispositifs n’a pas de sens. Il faut que tous ceux qui créent leur entreprise, que ce soit sous statut de micro-entrepreneur ou de travailleur indépendant, bénéficient d’une aide identique au démarrage.
La budgétisation en projet de loi de finances pour 2020 s’établit donc à 743,25 millions d’euros, après calcul de ces économies.
Pour ce qui est de l’amendement n° II-1095, j’en demande également le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Je le répète très fermement, il n’y a pas de suppression. Il s’agit bien de la fusion de trois instances, avec reprise intégrale de leurs missions. Les trois instances – le Haut Conseil du dialogue social, que je connais bien pour y avoir siégé l’année où il a été créé, la Commission des accords de retraite et de prévoyance et le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié – fusionneront au sein de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle. En lisant ces intitulés, on s’aperçoit immédiatement des interférences et des intersections entre ces différents sujets. Cette commission aura un rôle très important, grâce à la vue d’ensemble dont elle disposera.
Pour ce qui concerne votre demande de rapport, le « Jaune » 2020 regroupe déjà tous les éléments financiers. Le Haut Conseil du dialogue social a mobilisé un coût moyen annuel de 3 050 euros par an. Les années les plus chargées, c’est-à-dire les années où il y avait des arrêtés de représentativité, le coût moyen s’est élevé à 5 500 euros, pour une dizaine de réunions annuelles. Il est certain que les avis de la Commission nationale pèseront, à l’avenir, dans nos débats sur de nombreux sujets de fond.
Enfin, je remercie le Sénat de ses vœux de prompt rétablissement.