M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Merci ! C’est la Constitution !
M. Éric Jeansannetas. Plus généralement, ce budget se situe exactement à la moitié du quinquennat. De ce fait, il comporte des mesures s’inscrivant dans la continuité des deux lois de finances précédentes. L’article 5 en offre un bon exemple, avec la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale pour 80 % des ménages, comme annoncé au début du mandat.
La Haute Assemblée a jugé nécessaire de reporter la réforme du financement des collectivités territoriales, trop peu satisfaisante et trop peu lisible. Il est vrai que les transferts et compensations prévus, bien qu’étant à l’euro près, ne sont pas sans susciter des inquiétudes chez les élus locaux, surtout à quelques mois des élections municipales.
En revanche, le Sénat a entériné l’abaissement à 11 % de la deuxième tranche d’impôt sur le revenu. Fait intéressant, cette baisse d’impôt s’accompagne en réalité de recettes supplémentaires, qui seraient à mettre au crédit de la réforme du prélèvement à la source.
L’impôt sur le revenu et la fiscalité du patrimoine suscitent toujours d’importants débats. Les élus du RDSE sont traditionnellement attachés à l’idée d’impôt citoyen qu’incarnait à l’origine l’impôt sur le revenu. Aujourd’hui, les formes d’imposition sont multiples – impôt sur le revenu, TVA, CSG, CRDS, etc. – et le lien entre impôt et citoyenneté s’est malheureusement abîmé. Par le biais de nos amendements, nous donnons l’alerte et nous tentons de remédier à cette situation, alors que nous constatons, aujourd’hui, une réelle crise du consentement à l’impôt.
Cet effort passe également par une plus grande attention portée à la fiscalité du numérique. Aujourd’hui, des acteurs majeurs de ce secteur peuvent s’acquitter d’impôts très faibles, alors qu’ils dégagent d’importants profits. Ce projet de loi de finances comporte des mesures permettant de lutter contre l’optimisation et la fraude à la TVA des plateformes, notamment par la transposition de textes européens.
Je salue également l’adoption de l’amendement de mon collègue Yvon Collin, tendant à ce que les « pure players » du commerce de détail, c’est-à-dire les entreprises opérant uniquement via des commandes en ligne, s’acquittent de la taxe sur les surfaces commerciales.
M. Jean-Claude Requier. Oui !
M. Éric Jeansannetas. Dans le domaine de la fiscalité des entreprises, si les gros acteurs tirent leur épingle du jeu, les petits rencontrent davantage de difficultés, en particulier du fait de la diversité des régimes applicables.
Ainsi, l’on peut regretter que n’aient pas été adoptés certains amendements tendant à harmoniser les régimes d’imposition des bénéfices pour les microentreprises, en particulier les micro-exploitations agricoles.
Au dossier de la fiscalité énergétique, de nombreuses modifications ont été adoptées, compte tenu de la très grande diversité des activités et des produits concernés. Le Sénat s’est efforcé de préciser le texte, bien que les défis soient immenses.
La hausse de la taxe sur les billets d’avion a une forte charge symbolique. Toutefois, cette mesure peut avoir de grandes conséquences dans certains territoires mal desservis. L’amendement de notre collègue Josiane Costes, tendant à aménager l’entrée en vigueur de cette hausse sans la supprimer, permettra ainsi de protéger les petites lignes aériennes, indispensables au désenclavement de divers territoires ruraux.
En conclusion au sujet de cette première partie, les élus du RDSE sont partagés. Bien sûr, un certain nombre de modifications vont dans le bon sens – je viens de le dire. Mais nous regrettons que certaines de nos propositions n’aient pas été prises en compte. Afin de permettre au Sénat de poursuivre l’examen du budget, la majorité des membres du RDSE s’abstiendra donc. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche.
M. Julien Bargeton. Mes chers collègues, les précédents orateurs ont fait, à juste titre, certaines remarques quant à l’organisation de nos débats. Mais nous devons également regarder nos propres comportements : les demandes de priorité, c’est le Sénat qui les formule et, les amendements, c’est nous qui les déposons. Nous sommes donc également face à une question d’autorégulation. (M. Philippe Dallier désigne le banc des ministres.) En tout cas, la responsabilité est partagée avec le Gouvernement !
M. Philippe Dallier. D’accord, disons-le ainsi !
M. Julien Bargeton. Cette première partie, relative aux recettes, a permis de baisser les impôts, essentiellement en faveur des ménages. Avec 5 milliards d’euros de réduction de l’impôt sur le revenu, 3,6 milliards d’euros de réduction de la taxe d’habitation et 1 milliard d’euros de défiscalisation des heures supplémentaires, on atteint quelque 10 milliards d’euros de baisse d’impôts pour les ménages !
À la gauche de cet hémicycle, j’ai entendu diverses propositions revenant en réalité à augmenter les impôts et les prélèvements obligatoires. Que les choses soient bien claires : nous, nous ne le souhaitons pas. Cette baisse d’impôts au profit des ménages fait suite à d’autres réformes, en faveur des entreprises. Nous avons débattu de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ou encore du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Pour nous – vous le savez –, ces mesures commencent à porter leurs fruits. En tout cas, nous ne souhaitons pas que les prélèvements obligatoires repartent à la hausse.
Or, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés, de la taxe d’habitation ou de la fiscalité écologique – ce sont là quatre gros morceaux ! –, aucune mesure adoptée n’a remis en cause le texte du Gouvernement. En réalité, la majorité sénatoriale n’a pas été en situation de proposer un contre-budget visible ou, du moins, crédible. (M. Philippe Dallier proteste.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. N’oubliez pas la LOLF !
M. Julien Bargeton. Certes, quelques modifications ont été apportées : le financement de la réforme de la taxe d’habitation a été décalé d’un an ; le nouveau CITE, à défaut d’être supprimé, a été modifié.
M. Pascal Savoldelli. Et l’impôt sur les sociétés ?
M. Julien Bargeton. En outre, l’affectation des recettes a donné lieu à un débat. Mais l’amendement Dominati-Retailleau, qui tendait à accélérer la baisse de l’impôt sur les sociétés, n’a pas été adopté.
En réalité, si l’on récapitule nos débats, des amendements ont été adoptés, des remarques ponctuelles ont été énoncées, mais – pardonnez-moi de le souligner – elles relevaient plus du pointillisme que de l’art de la fresque !
Chers collègues de la majorité sénatoriale, pour la première fois, les élus du groupe La République En Marche seraient presque en situation de voter la première partie du projet de loi de finances : vous l’avez si peu modifiée !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Chiche ! (M. Philippe Dallier rit.)
M. Julien Bargeton. Monsieur le rapporteur général, ne me provoquez pas ! Vous le savez bien, cette situation résulte de votre difficulté à modifier substantiellement le budget proposé par le Gouvernement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oh là là !
M. Philippe Dallier. Quelle mauvaise foi !
M. Julien Bargeton. Monsieur Dallier, je vous ai écouté, j’ai entendu M. Bascher, j’ai entendu M. de Montgolfier, j’ai entendu M. Retailleau : au cours de la discussion générale, vous avez tous déploré le fait que le déficit ne se réduisait pas assez vite.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Attendez la deuxième partie !
M. Philippe Dallier. Exactement !
M. Julien Bargeton. Mais supprimer des crédits des missions, ce n’est pas réduire le déficit ! Et, avec vos amendements, vous aggravez même le déficit de 2 milliards à 4 milliards d’euros. Vous affirmez que les CumEx Files représentent 1 milliard d’euros ; vous auriez pu prévoir 2,5 milliards d’euros et, ce faisant, équilibrer vos propositions.
Aujourd’hui, l’enjeu est-il avant tout de savoir si, à l’issue des débats du Sénat, notre déficit est de 2 milliards ou de 4 milliards d’euros ? Par une pirouette, vous masquez le fait qu’en réalité, sur les principaux points de cette première partie, vous n’avez pas eu d’axe fort.
Comme le disait Leibniz, parfois, dans l’effort vers la forme, la matière se perd. En l’occurrence, vous avez fait un effort de forme, monsieur le rapporteur général : en déposant votre sous-amendement, vous avez souligné que vous n’étiez pas tout à fait d’accord avec le chiffrage proposé par le Gouvernement – comme si l’essentiel du débat était là !
J’y insiste : je n’ai pas vu, de votre part, de remise en cause substantielle de cette première partie, peut-être parce que vous êtes gênés aux entournures.
M. Pascal Savoldelli. Dites-le : c’est un projet de loi de finances de droite !
M. Julien Bargeton. Les propositions du Gouvernement vont dans le sens de la réduction d’impôts. En deux ans, les prélèvements obligatoires ont reculé d’un point : voilà la réalité du débat auquel j’ai assisté !
M. Philippe Dallier. Cela devient comique ! Tournez-vous donc un peu vers la gauche !
M. Julien Bargeton. Nous verrons la suite : en tout cas, ce que nous avons vu nous conduit à nous abstenir, parce que vous aggravez le déficit. Ne me dites pas que vous avez été en situation de modifier substantiellement, et de manière crédible, cette première partie du projet de loi de finances ! (M. Didier Rambaud applaudit.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Très belle démonstration de la convergence entre la droite et les macronistes !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2020.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 214 |
Pour l’adoption | 195 |
Contre | 19 |
Le Sénat a adopté.
4
Projet de loi de finances rectificative pour 2019
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2019 (texte de la commission n° 135, rapport n° 134).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2019.
Je serai bref : peu de temps s’est écoulé depuis la première lecture, qui est donc encore toute fraîche dans nos mémoires. En outre – vous le savez –, le texte initial ne comportait que dix articles, dont l’article liminaire, et seuls les articles 4 et 5 restaient en discussion à l’issue de la première lecture par les deux assemblées.
Pour la seconde année consécutive, le projet de loi de finances rectificative se réduit à des ajustements principalement budgétaires ayant un impact sur l’année en cours.
En première lecture, l’Assemblée nationale ne l’a pas modifié. En revanche, le Sénat a voté quatre amendements à l’article 5 et à l’état B annexé, tendant à revenir sur diverses annulations de crédits. En conséquence, il a adopté l’amendement de coordination présenté par le Gouvernement à l’article 4, tirant les conséquences des votes de la Haute Assemblée sur l’article d’équilibre.
Nous achevons à l’instant l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Aussi, je ne reviendrai pas longuement sur les critiques que l’on pourrait formuler sur ce texte. Je me contenterai d’opérer quelques constats.
Le Gouvernement renonce à redresser les comptes publics, en particulier avec un déficit qui s’établit à 3,1 %. L’État ne parvient pas à résorber son déficit budgétaire, qui atteint 97,6 milliards d’euros – presque 100 milliards d’euros ! Certes, ce déficit est moins élevé que prévu dans le projet de loi de finances initiale : mais c’est grâce à des recettes plus élevées, notamment via la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), via la fiscalité du patrimoine, et du fait d’une charge de la dette plus modérée que prévu. De surcroît, le Gouvernement a clairement réduit ses ambitions quant à l’évolution des emplois de l’État.
Quoi qu’il en soit, reconnaissons-le : ce projet de loi de finances rectificative n’est pas trop éloigné de la sincérité budgétaire, même si les mouvements opérés sont assez importants. Les annulations de crédits s’élèvent à 2,4 milliards d’euros, hors remboursements et dégrèvements, dont 1,7 milliard d’euros de crédits mis en réserve.
Pour ces raisons, en première lecture, le Sénat a décidé d’adopter ce texte, après avoir voté quatre amendements, et sans obérer le fait que nous n’approuvions pas certains choix, budgétaires et fiscaux, opérés dans le budget initial.
Les quatre amendements adoptés tendaient à revenir sur des annulations de crédits que nous avions identifiées et qui nous paraissaient particulièrement contestables : elles remettaient en cause un engagement fort du Gouvernement ou, du moins, risquaient d’entacher l’action ministérielle. Étaient concernés des crédits des missions « Culture », « Défense » et « Recherche et enseignement supérieur ».
Réunie ici même, au Sénat, le mardi 19 novembre dernier, la commission mixte paritaire est finalement parvenue à un accord : le Sénat a pu maintenir deux des quatre mesures qu’il avait adoptées en première lecture.
D’une part, au titre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », nous avons obtenu le rétablissement de 13 millions d’euros en faveur du projet de recherche ITER – International Thermonuclear Experimental Reactor. À cet égard, nous sommes tenus par un engagement international. Bien entendu, il était inenvisageable que la France ne respecte pas sa parole.
D’autre part, au titre de la mission « Culture », le rétablissement des crédits mis en réserve sur le programme « Patrimoines » a été conservé par la commission mixte paritaire, au motif que l’annulation initialement prévue par le Gouvernement priverait de nombreux projets de financements. Au cours des années récentes, notamment l’an dernier, la quasi-totalité des crédits de ce programme était consommée. En outre, cette annulation aurait constitué un très mauvais signal, alors que, en participant au loto du patrimoine ou en s’engageant pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les Français ont manifesté leur attachement au patrimoine. J’ajoute que ces sommes – notamment le produit du loto du patrimoine – ne doivent pas se substituer aux crédits budgétaires du ministère de la culture.
En revanche – je tiens à être tout à fait complet –, la commission mixte paritaire n’a pas conservé le rétablissement des crédits relatifs au programme « Vie étudiante » et à la mission « Défense ». Elle a considéré que les montants annulés ne pourraient pas être pleinement utilisés d’ici au 31 décembre prochain.
Mes chers collègues, les choix retenus n’épuisent en rien ces questions. Dès demain, nous commencerons l’examen des missions du projet de loi de finances, et je vous invite à revenir, dans ce cadre, sur ces différents sujets.
Souvenons-nous que ce travail est le fruit d’un compromis avec nos collègues députés, c’est le principe d’une commission mixte paritaire.
Nous nous réjouissons donc que nos collègues députés aient été convaincus par nos arguments et aient accepté de conserver ces rétablissements de crédits relatifs au projet ITER et au programme « Patrimoines ». Les montants en jeu ne sont pas très importants, au regard de la masse financière de l’État, avec 38 millions d’euros en autorisations d’engagement et 34 millions d’euros en crédits de paiement, mais ils constituent une part importante des budgets concernés, en particulier pour le programme « Patrimoines ».
Les députés ont su écouter le Sénat et permettre cet accord. À ce titre, je remercie vivement le rapporteur général Joël Giraud, avec qui j’ai pu dialoguer pour préparer cette CMP, qui a su réagir en quelques heures à la suite de nos travaux et nous a rejoints sur ces points.
Le texte issu de la réunion de la CMP a été adopté hier sans modification par l’Assemblée nationale. Je vous propose de faire de même aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, s’agissant de textes budgétaires, les CMP conclusives sont un événement rare. La réussite de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi de finances rectificative est donc particulièrement notable, puisque la dernière CMP conclusive en la matière remonte à 2010.
Sur le fond, la commission mixte paritaire s’est entendue pour que le projet de loi de finances rectificative présenté par le Gouvernement soit modifié sur deux points : le rétablissement de 13 millions d’euros de crédits de la mission « Recherche », d’une part, et le rétablissement de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 21 millions d’euros en crédits de paiement sur le programme « Patrimoines ». Au total, cela représente 38 millions d’euros de moindres annulations en autorisations d’engagement et 34 millions d’euros en crédits de paiement.
Le Parlement a donc ainsi exprimé son avis et fait valoir ses positions sur le schéma de fin de gestion proposé dans le projet de loi de finances rectificative.
Ce PLFR contribue pour partie au financement des mesures d’urgence économiques et sociales, conformément aux annonces du Premier ministre au mois de décembre 2018. Il met en œuvre cet engagement en dégageant 1 milliard d’euros d’économies sur le champ des dépenses pilotables de l’État de l’exercice 2019.
La réussite de cette commission mixte paritaire nous offre l’occasion de saluer la qualité du travail parlementaire pour parvenir à un texte de compromis entre les deux chambres.
C’est aussi, ne boudons pas notre plaisir, l’occasion de démontrer que les efforts que nous avons collectivement fournis portent leur fruit.
Depuis plus de deux ans, le Gouvernement poursuit ainsi une démarche de sincérisation des comptes publics. Gérald Darmanin et moi-même avons l’occasion de le dire, à chaque présentation du projet de loi de finances ou du projet de loi de finances rectificative, nous nous efforçons de rétablir la sincérité du budget par l’ensemble des moyens dont nous disposons, y compris la diminution de la réserve de précaution.
Nous construisons nos projets de textes financiers sur des hypothèses crédibles et réalistes ; nous procédons à une budgétisation qui tient compte des besoins réels et nous ne recourons plus à aucun décret d’avance, c’est à souligner.
Nous avons souhaité et permis que la portée de l’autorisation parlementaire en matière budgétaire soit réellement revalorisée. La réussite de cette commission mixte paritaire montre que nous avons eu raison et qu’il faut continuer dans cette voie.
Un projet de loi de finances rectificative sans aucune mesure fiscale est une amélioration incontestable pour la clarté des débats, ainsi que pour la prévisibilité de la norme fiscale pour les particuliers et les entreprises. Je me réjouis d’ailleurs que ce point ait été unanimement salué au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Au-delà de ces avantages qui ont séduit la représentation nationale, c’est grâce à vous, parlementaires, que la méthode proposée par le Gouvernement et qui implique, nous en sommes conscients, des délais contraints d’examen semble validée.
Je suis intimement convaincu que l’autorisation parlementaire reprend d’autant mieux sa signification et sa portée que les débats se concentrent sur un nombre raisonnable de dispositions, que le PLFR ne comprend pas de mesures fiscales nouvelles et que l’exécution budgétaire se réalise sans décret d’avance.
Je vous remercie d’avoir joué le jeu en ne déposant aucun amendement fiscal. Je forme le vœu que cette méthode prospère et je me réjouis, au nom du Gouvernement, de la réussite de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2020 est caractérisé par son insincérité patente, non pas comptable ou financière, mais bien politique.
M. Philippe Dallier. C’est un peu différent : il s’agit seulement d’un désaccord ! (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. Vous avez déjà la majorité, monsieur Dallier, n’amputez pas mon temps de parole ! (Nouveaux sourires.)
Ce projet de loi de finances rectificative, quant à lui, souligne l’absence d’ambition du Gouvernement pour nos politiques publiques et pour le mieux-vivre de nos concitoyens.
Le Gouvernement se contente en effet de jouer assez habilement le comptable zélé, en récupérant les excédents de fin d’année, au lieu de les laisser à disposition pour développer ou rénover des infrastructures, pour créer de nouveaux services, bref, pour améliorer la vie des gens.
Le Gouvernement s’est largement félicité de ce collectif budgétaire, constatant en particulier un déficit réduit par rapport aux prévisions de début d’année et un nombre limité d’annulations de crédits.
Un amendement avait été adopté – mon groupe en avait déposé un presque identique – qui visait à reverser 35 millions d’euros au programme « Vie étudiante », des crédits maintenant annulés par ce projet de loi.
Monsieur le rapporteur général, j’ai pris connaissance de votre avis personnel, il est très intéressant, mais, lorsque vous siégez en commission mixte paritaire, vous devez donner l’avis du Sénat, et non le vôtre ! En commission mixte paritaire, donc, main dans la main, la majorité sénatoriale et la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ont justifié cette annulation.
Mme Frédérique Vidal a même déclaré : « on est sorti de l’époque où l’on faisait tourner les camions pour brûler l’essence et consommer l’ensemble de son budget ». Monsieur Dussopt, je vous charge de transmettre ce message à votre collègue : avec votre gouvernement, on est entré dans l’époque où l’on descend du camion pour le pousser, faute d’essence pour le faire avancer !
Derrière ces 35 millions d’euros, se cachent des hausses du prix des repas dans les restaurants universitaires, le durcissement des conditions d’attribution des bourses, le report de rénovations de résidences étudiantes, dont un nombre important est insalubre, et je vous invite à aller les visiter, mes chers collègues ! Combien de repas en moins pour les étudiants ? Combien de nuits passées à grelotter dans une chambre étudiante ? Derrière cette somme se cachent tant de dures réalités, que le Gouvernement fait passer après une bonne gestion de façade ! C’est le comble du cynisme !
Pourquoi ne pas avoir restitué ces 35 millions d’euros à ceux qui ont fait les frais de ces économies et qui doivent prendre des jobs pour améliorer, même à la marge, leurs conditions de vie et d’études ?
Si les conditions de vie des étudiants intéressent peu le Gouvernement, l’écologie semble bien le préoccuper : à ce sujet, que de mots, que de com’, que de postures !
Pourtant, dans ce collectif budgétaire, plus de 500 millions d’euros ont été récupérés du compte d’affectation spécial « Transition énergétique », grâce au durcissement des critères d’attribution consécutif à la réforme du CITE. Conscient de l’impérieuse nécessité d’entamer une transition écologique et de son coût nécessaire, le Gouvernement se livre, en la matière, à un véritable tour de passe-passe en budgétant davantage, tout en sachant pertinemment que, grâce au durcissement des dispositifs, il dépensera moins.
Alors que les étudiants crient leur mal-être en raison de leurs conditions de vie, alors que les citoyens aspirent à respirer un air non vicié sur une planète vivable, le Gouvernement fait des pirouettes et vient vanter sa prétendue bonne gestion comptable. Il y en a marre !
Le Gouvernement s’est vanté d’avoir amélioré a posteriori le solde du budget l’État de 10 milliards d’euros. Nous pourrions nous en réjouir. Pourtant, cette amélioration a été rendue possible, en partie, par la surbudgétisation de nombre de missions, comme je viens de le démontrer. Somme toute, l’amélioration est limitée.
Loin de moi l’envie de casser l’enthousiasme du Gouvernement dans sa campagne d’autopromotion, mais, même avec 10 milliards d’euros supplémentaires, le compte n’y est pas : le solde du budget de l’État s’est dégradé de 21,6 milliards d’euros par rapport à 2018. À quoi donc correspond cette somme ? Au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi !
Ce qui plombe le budget de l’État, ce ne sont pas des investissements d’avenir synonymes d’une bonne santé économique et d’une société qui se projette dans le futur, non, c’est le maintien dogmatique d’un dispositif totalement inefficace, si ce n’est pour accroître un peu plus la rente d’une pincée de milliardaires qui parasitent notre économie.
Ne vous inquiétez pourtant pas, mes chers collègues, mes chers concitoyens : le Gouvernement a trouvé la parade comptable pour l’an prochain en transférant le coût de ce dispositif inefficace sur le budget de la sécurité sociale.
Pour subventionner la rente de quelques milliardaires, le Gouvernement va davantage creuser le budget de la sécurité sociale et viendra ensuite expliquer aux chômeurs qu’ils ne doivent plus abuser des droits qui leur permettent de vivre entre deux emplois, aux futurs retraités qu’on vit plus longtemps et qu’ils devront donc travailler toujours plus ou vivre dans la pauvreté ; il comparera avec le reste de l’Europe et nous devrons vivre comme en Allemagne, où sept millions de retraités sont obligés de travailler en raison de la faiblesse de leur pension.
Vous comprendrez donc que nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative dénué d’options comme d’ambition et marqué par le cynisme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)