M. le président. Je vous remercie de cette précision, monsieur le président.
Je mets aux voix, modifié, l’ensemble constitué de l’article d’équilibre et de l’état A annexé.
(L’article 37 et l’état A annexé sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi
M. le président. Avant de passer au vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2020, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
Je rappelle au Sénat que, conformément à l’article 42 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et à l’article 47 bis, alinéa 2, de notre règlement, lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie du projet de loi de finances, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe CRCE.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de donner la position du groupe CRCE sur la première partie du budget pour 2020 qui ne laisse, vous l’imaginez, aucun doute, je veux dénoncer solennellement les conditions inacceptables d’examen par le Sénat du projet de loi de finances. Ce n’est pas tant le nombre des amendements qui pose le plus grand problème, même si cette inflation devrait nous amener à réfléchir à nos méthodes de travail.
Mes chers collègues, avec ce débat, nous venons d’inaugurer la méthode d’examen d’un budget à la découpe. Nous pouvons comprendre l’examen en priorité de certains articles ; mais, quand cette méthode devient systématique, elle met à mal la qualité du travail législatif. Ajoutons à cela le dépôt inopiné de dizaines d’amendements par le Gouvernement, que la commission des finances n’a pas eu le temps d’examiner. Il nous faut dès lors statuer sur le fondement du seul avis du rapporteur général, qui subit, comme nous tous, cette anarchie ! Trop souvent, chacune et chacun d’entre nous a le sentiment que l’organisation des débats de notre assemblée dépend essentiellement de l’agenda des ministres.
Enfin, comment accepter cette interruption de nos travaux dimanche matin à zéro heure trente-cinq, quand nous avions collectivement décidé d’examiner les articles jusqu’à trois heures du matin ? Aucune explication officielle ne nous a été fournie à cette heure.
Mes chers collègues, il me semblerait salutaire que le Sénat, dans sa grande diversité, exprime sa désapprobation auprès du Gouvernement. Nous avons droit à plus de considération ! Il y va du respect des institutions de la République et de nos concitoyens. Au fil des ans, nous perdons le sens du débat budgétaire et nous constatons l’affaiblissement progressif de l’intervention du Parlement. Voilà un problème majeur de démocratie !
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Éric Bocquet. Sur le fond, le Gouvernement a mis en avant la baisse de l’impôt sur le revenu. Bien entendu, la TVA, impôt qui pèse quasiment deux fois plus lourd, 130 milliards d’euros, n’est pas remise en cause de près ou de loin. Sur ce point, la majorité sénatoriale est pleinement d’accord avec le Gouvernement. Notre proposition de réduire la TVA sur les produits de première nécessité et, parallèlement, de la renforcer sur les produits de luxe a été balayée d’un revers de main.
Le Gouvernement, bien entendu, a maintenu l’abrogation de l’ISF. Ainsi, il fait fi de l’exigence partagée par une immense majorité de nos concitoyens – plus de 70 % – d’une imposition des grandes fortunes, qui, elles, se portent on ne peut mieux. Nos compatriotes – c’est aussi un constat dans de nombreux pays en ébullition dans le monde – ne supportent plus ces inégalités croissantes, inacceptables, cette concentration de la richesse du monde dans les mains de quelques dizaines d’individus, dirigeants de ces super multinationales qui ont pour objectif ultime, ni plus ni moins, de diriger le monde.
Venons-en à l’impôt sur le revenu : une participation des plus riches à l’effort de solidarité nationale est un sujet tabou pour beaucoup d’entre vous. Il en va de même pour le refus de supprimer la flat tax, encore appelée prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou de rétablir pleinement l’exit tax.
L’austérité réduit les services publics à une portion congrue et les droits sociaux fondamentaux, comme les retraites, se rétrécissent. La taxe d’habitation est un bon exemple de la stratégie de ce gouvernement. En étranglant financièrement les communes, vous entendez les mettre au pas, les pousser à la contractualisation, qui débouchera fatalement sur la déchéance du service public et la perte d’autonomie financière des collectivités.
Sur le plan de l’écologie et de la transition énergétique, qui ont occupé une partie importante de nos débats, comment ne pas constater le décalage entre les intentions affichées et la faiblesse des moyens mobilisés ?
Vous l’avez compris, mes chers collègues, mon groupe votera contre cette première partie du PLF pour 2020. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter la première partie du projet de loi de finances pour 2020. Ce budget de mi-mandat doit lancer l’acte II du quinquennat. Comme cela a déjà été souligné lors de la discussion générale, ce PLF pour 2020 s’articule autour de quelques grands axes structurants, tout particulièrement la baisse des prélèvements obligatoires, le verdissement progressif de nos impôts et, bien évidemment, la réforme de la fiscalité locale.
Comme nous l’avons rappelé lors de l’ouverture des débats, ce budget présente des avancées significatives sur le plan macroéconomique. Le déficit public est désormais stabilisé sous la barre des 3 % du PIB et le taux des prélèvements obligatoires diminue tant pour les ménages que pour les entreprises. Cependant, la dette continue d’augmenter.
Le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat contenait déjà de nombreuses mesures demandées de longue date par notre assemblée. Je pense notamment à celles qui visent à simplifier le maquis des taxes inefficaces, ainsi qu’à la baisse de l’impôt sur le revenu pour les ménages les plus modestes. De même, les dispositions relatives à la fiscalité énergétique seront appliquées de façon plus progressive et moins brutale ; nous pouvons espérer qu’elles recevront un accueil plus chaleureux que celles qui ont été adoptées il y a un an.
Le Sénat a largement amendé le texte, en veillant toujours à préserver les intérêts des collectivités territoriales. Les ajustements apportés aux articles concernant la domiciliation fiscale des dirigeants d’entreprise ou la baisse de l’impôt sur le revenu me semblent ainsi limiter les effets de bord de ces mesures, qui vont dans le bon sens. D’autres dispositions, telles que la redéfinition de l’IFI ou la simplification du régime des donations aux petits-enfants, sont la preuve que notre assemblée ne se contente pas du texte qui lui est soumis, mais demeure au contraire force de proposition.
Le groupe Les Indépendants a pris sa part à ce travail d’amendement, que ce soit pour ajuster des propositions opérationnelles ou pour lancer des débats de fond. Je pense notamment aux améliorations apportées au régime fiscal des transmissions d’entreprise, ainsi qu’à notre proposition réitérée d’instaurer une TVA sociale, afin de faire basculer les prélèvements obligatoires du travail vers la consommation.
Lors de nos débats, c’est tout naturellement sur le volet de la fiscalité locale que l’attention s’est concentrée et que les divergences se sont cristallisées. Mais cette année, ce n’est pas tant le principe de la réforme qui a été discuté ; nos discussions ont surtout porté sur le calendrier d’exécution, donnant lieu à de nombreux débats techniques et à autant d’arbitrages paramétriques, dans un seul objectif : veiller à ce que les collectivités territoriales ne perdent pas au change dans ce grand bouleversement.
Le Sénat a donc entériné le report de la réforme. Cette décision me rappelle la fin du roman d’Alexandre Dumas. La chambre haute, tout comme le comte de Monte Cristo, semble convenir que toute la sagesse humaine se trouve dans ces deux mots : attendre et espérer. Attendre de voir quels pourraient être les effets de la réforme de la fiscalité locale avant de la mettre en œuvre, tout en en acceptant le principe. Espérer que ses résultats ne feront aucun perdant parmi les collectivités territoriales par le jeu des compensations, tout en exhortant l’État à réduire son déficit. C’est sans doute le rôle du Sénat que de faire montre de circonspection et de ne pas céder à la précipitation.
Le groupe Les Indépendants partage la volonté de compenser à l’euro près la suppression de la taxe d’habitation pour les communes : cette compensation nous paraît juste et nécessaire. Il veillera à ce que les départements ne se trouvent pas plus mal lotis après la réforme qu’avant. Mais rien ne nous oblige pour autant à repousser cette réforme fiscale, qui a déjà été largement annoncée et qu’une partie non négligeable de l’opinion publique attend. Dans ces conditions, il ne nous semble pas opportun de la renvoyer à un horizon qui, sur le plan politique, paraît bien lointain.
Compte tenu de cette réserve importante sur l’approbation de cette réforme, le groupe Les Indépendants s’abstiendra sur le vote de cette première partie du PLF. En tout état de cause, le Parlement continuera à veiller à ce que la compensation, quel que soit le mode de calcul qui sera finalement retenu, préserve effectivement l’autonomie financière de nos collectivités territoriales, singulièrement celle de nos communes. Il y va de la vitalité démocratique de notre pays.
Nous veillerons également, lors de l’examen de la deuxième partie du PLF, à ce que les dépenses n’aggravent pas le déficit public.
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour le groupe Union Centriste.
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans quelques instants, nous allons être amenés à nous prononcer sur la première partie du projet de loi de finances pour 2020. Nous sommes donc à mi-chemin de l’examen de ce texte.
Une fois encore, les votes ont transcendé les clivages sur un grand nombre de sujets : imposition des personnes et des sociétés, ressources des collectivités, verdissement de la fiscalité. C’est là la marque de fabrique du Sénat : travail de fond et intérêt général l’emportent sur les postures incantatoires.
Cependant, la contrainte d’un calendrier resserré nous a conduits à examiner cette première partie de budget à un rythme effréné, peu compatible avec la clarté du débat démocratique. La difficulté fut par ailleurs renforcée cette année par un ordre d’examen des articles pour le moins dispersé. Je n’y reviens pas.
Nous nous réjouissons néanmoins des progrès accomplis en termes d’évaluation de nos décisions. En matière d’impôt sur le revenu, le simulateur LexImpact nous a permis d’être force de proposition et d’animer le débat sur la nécessaire refonte de notre système fiscal. Gageons que cet instrument sera pérennisé et à l’avenir étendu à d’autres impositions que celle des revenus.
Au cours de la discussion générale, notre collègue Bernard Delcros vous indiquait que le groupe Union Centriste abordait positivement ce projet de loi de finances. Les débats ont confirmé notre satisfaction sur bon nombre de points.
Ainsi en va-t-il de la baisse de 5 milliards d’euros d’impôt sur le revenu au bénéfice des premiers déciles. Nous saluons également la poursuite de la diminution de l’impôt sur les sociétés, dont la trajectoire devra être tenue d’ici à la fin du quinquennat. Nous y veillerons.
Les débats ont aussi produit quelques fruits dans le domaine de la fiscalité des donations et des successions. Sur notre initiative et sur celle d’autres groupes, le Sénat a adopté un allégement des droits de mutation à titre gratuit visant à protéger les exploitations viticoles et agricoles familiales. L’enjeu est non seulement le dynamisme économique, mais aussi l’aménagement de nos provinces.
Je tiens également à saluer l’abaissement, sur l’initiative du groupe Union Centriste, du délai de rappel fiscal des donations. Il est plus que nécessaire d’adapter notre fiscalité au vieillissement de la population et au déploiement de nouvelles formes de solidarité.
J’en viens maintenant au point d’orgue de ce budget pour 2020 : la suppression entérinée de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables et le coup d’envoi de la réforme de la fiscalité locale.
Un travail positif a été accompli. Toutefois, nous ne comprenons pas l’utilité d’un décalage de l’entrée en vigueur de la réforme, alors que nous avons encore deux années devant nous. Parmi les avancées, je retiens la revalorisation des valeurs locatives dans les conditions du droit en vigueur, c’est-à-dire à hauteur de 1,2 %. Je signale aussi le renforcement du mécanisme de garantie du montant des fractions de TVA affectées aux départements. En tout cas, la réforme paraît bien calibrée pour ne pas répéter les erreurs du passé.
Enfin, je dirai un mot du verdissement de la fiscalité. Les élus du groupe Union Centriste sont favorables à une fiscalité écologique,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Une vraie !
Mme Sylvie Vermeillet. … non pas punitive, mais incitative. Ainsi, nous nous félicitons que le Sénat ait réintroduit les ménages des neuvième et dixième déciles dans le dispositif du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, pour toute rénovation globale.
Monsieur le secrétaire d’État, tout le monde s’accorde à dire que les comportements doivent évoluer, sans exclusive. En outre – Vincent Delahaye l’a rappelé –, bien d’autres impôts ont une vocation redistributive.
De même, nous nous interrogeons quant à la suppression progressive de l’avantage fiscal relatif au gazole non routier (GNR). Certes, il est louable de vouloir abroger les niches anti-écologiques, mais encore faut-il accompagner les secteurs visés par des dispositifs de suramortissement suffisamment solides. Or nous ne sommes pas totalement rassurés sur ce point.
Enfin, nous nous réjouissons de la hausse substantielle de la dotation élu local, adoptée cette après-midi. Cette mesure aidera les petites communes à voter la hausse des indemnités des élus.
Dans l’espoir que certains apports de la Haute Assemblée prospèrent à l’issue de la navette, les élus du groupe Union Centriste voteront la première partie du projet de loi de finances telle que nous l’avons enrichie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme Nadia Sollogoub. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je dirai un mot de la manière dont se sont déroulés nos débats, au titre de cette première partie. D’après le décompte effectué par Christine Lavarde, nous aurons siégé quarante-cinq à quarante-six heures : c’est beaucoup en quatre jours et demi !
Cette situation tient, bien entendu, au nombre d’amendements déposés – plus de 1 200, si mes souvenirs sont bons, avant l’écrémage par les services de la séance et de la commission des finances ; c’est 50 % de plus que l’année dernière et c’est objectivement beaucoup. Nous devons nous interroger à cet égard.
J’évoquerai également l’organisation de nos travaux. L’appel de certains articles en priorité me semblait a priori une bonne solution. Mais à présent que l’expérience en est faite, j’ai tendance à souscrire à l’analyse de nos collègues communistes : cette méthode revient à saucissonner le débat et, pour nos collègues qui n’assistent pas à l’ensemble des discussions, elle n’est pas forcément évidente. Nous devrons également nous interroger sur ce point.
Quant au dernier épisode, relatif à l’article d’équilibre, il me perturbe beaucoup. Monsieur le secrétaire d’État, je ne mets pas en cause le Gouvernement ; mais la proposition de M. le rapporteur général me paraît intéressante et, à mon sens, nous devrions la mettre en œuvre l’année prochaine.
Le Gouvernement nous a transmis à la dernière minute son estimation des surcoûts et des réductions engendrés par nos votes : les commissaires et les services de la commission des finances n’ont eu que très peu de temps pour se faire une opinion. Ce n’est pas une bonne manière de travailler.
L’année dernière, nous avions même adopté l’article d’équilibre tel qu’il était issu des débats de l’Assemblée nationale. Cet article ne correspondait absolument pas à nos travaux ! Franchement, nous devons trouver une autre méthode : en définitive, il y va de la crédibilité du Sénat. Le Gouvernement et le Sénat peuvent ne pas être d’accord ; mais, quoi qu’il en soit, nous devons avoir le temps de discuter pour tenter de trouver la meilleure solution.
Mes chers collègues, nous vous l’avons dit : les élus du groupe Les Républicains souhaitent discuter la deuxième partie du budget. Le Sénat l’a examinée en 2018, en 2017, mais pas en 2016, souvenez-vous-en.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. On s’en souvient très bien !
M. Philippe Dallier. Tel qu’il est présenté, ce budget nous paraît sincère, et nous souhaitons effectivement conduire le débat à son terme.
À ce stade, je n’évoquerai qu’un très petit nombre de sujets, en commençant par la réforme de la taxe d’habitation.
Monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a attiré votre attention sur la nécessité de renouer le lien de confiance avec les élus locaux. Beaucoup de mesures que nous avons adoptées vont dans ce sens : je forme le vœu que le Gouvernement retienne ces propositions. Si, faute d’accord en commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale les mettait en cause, le Gouvernement serait placé en mauvaise posture.
La Haute Assemblée a formulé des propositions raisonnables. Nous avons souhaité discuter de cette réforme : c’est pourquoi nous n’avons pas supprimé l’article en question. Nous voulons faire en sorte que le débat se poursuive dans les meilleures conditions.
Nous avons parlé de l’impact sur les dotations de péréquation ; nous avons parlé de la nécessité de prendre pour base l’année 2019, et non l’année 2017 : un certain nombre d’éléments ont été précisés. Surtout, le calendrier proposé par M. le rapporteur général doit nous donner le temps d’effectuer les simulations nécessaires…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Philippe Dallier. … pour aboutir à une réforme effective et opérationnelle du premier coup. Ce serait là un grand changement !
Enfin, je rappelle que, par le passé, nous avons, nous aussi, proposé des baisses de l’impôt sur le revenu, même si nous n’étions pas toujours d’accord sur la marche à suivre. En l’occurrence, nous avons apporté certaines corrections, notamment au titre du quotient familial. En effet, nous estimons que les familles sont les grandes oubliées de votre politique. Néanmoins, nous avons conservé cette mesure importante qu’est la baisse de l’impôt sur le revenu.
Nous allons voter la première partie du projet de loi de finances ; et, au cours de l’examen de la deuxième partie, nous essayerons de vous proposer des économies.
M. Pascal Savoldelli. Tout en minorant l’impôt sur les sociétés ?
M. Philippe Dallier. Si le projet de loi de finances pour 2020 pose problème, c’est bien de ce fait : les efforts structurels proposés par le Gouvernement sont nettement insuffisants pour permettre de redresser les finances de notre pays ! Pourtant, il y a urgence : les taux bas ne dureront pas éternellement, soyons-en certains. Il ne nous reste peut-être que très peu de temps pour accomplir l’effort nécessaire et, ainsi, repartir dans le bon sens. C’est ce que les membres du groupe Les Républicains souhaitent faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Philippe Adnot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’instar des orateurs précédents, je commencerai par déplorer les conditions d’examen de ce projet de loi de finances : délais raccourcis, amendements tardifs du Gouvernement, saucissonnage, etc.
Ce troisième projet de loi de finances du quinquennat s’inscrit parfaitement dans l’orientation libérale du Gouvernement de préservation des intérêts des plus aisés.
Certes, sur plus de soixante-dix articles de première partie, nous trouverons toujours des mesures sympathiques ou utiles : c’est indéniable et c’est heureux, aurait dit mon collègue Claude Raynal. (Sourires.) Mais la réalité, c’est que ni le Gouvernement ni la majorité sénatoriale ne souhaitent réellement réorienter la politique conduite aujourd’hui dans notre pays : nous ne pouvons que le regretter.
La présentation de notre contre-budget démontre qu’une autre politique est possible. Nous avons fait le choix d’axer nos propositions sur trois enjeux que nous jugeons prioritaires : la justice fiscale et sociale, la transition écologique et le renforcement de nos territoires. Or, à l’aune de ces trois priorités, nous ne pouvons qu’être déçus par le volet « recettes », tant dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale que dans la version soumise, en cet instant, au vote de la Haute Assemblée, après être passée au crible de la majorité sénatoriale.
Tout d’abord, chers collègues, sur le plan de la justice fiscale et sociale, vous avez refusé d’instaurer un impôt de solidarité sur la fortune 2.0, alors que, sous l’impulsion de M. le président de la commission des finances, nous vous avons proposé un mécanisme repensé répondant aux principales critiques adressées à l’ISF.
Vous n’avez pas non plus voulu d’un rééquilibrage de l’effort fiscal demandé à nos concitoyens ; vous avez fait le choix de protéger les plus aisés d’entre eux, contre toute logique, si ce n’est idéologique.
De même, vous avez refusé la suppression de la niche Copé qui, chaque année, coûte environ 5 milliards d’euros à nos finances publiques. Vous avez également écarté le rétablissement de l’exit tax.
Monsieur le secrétaire d’État, votre cible politique est très clairement identifiée. Votre proposition de réforme de l’impôt sur le revenu, si elle peut être positive, n’est clairement pas à la hauteur des enjeux sociaux et fiscaux. Nous vous avons proposé une logique moins coûteuse pour les finances publiques et plus redistributive : vous l’avez rejetée, et notre proposition de rééquilibrage des droits de succession n’a pas connu un sort plus heureux.
Ensuite, pour la transition écologique, les quelques mesures que vous nous proposez vont certes dans le bon sens ; elles seront sans doute utiles. Mais aucune de nos propositions, notamment pour ce qui concerne le CITE et la fiscalité des transports, n’a trouvé grâce à vos yeux, et nous le regrettons. De manière plus générale, nous avons beau regarder : malheureusement, nous ne voyons pas de logique d’ensemble, d’autant que la deuxième partie regorge d’effets d’annonce sans garantir les moyens permettant de répondre aux attentes environnementales. Vous nous annoncez un budget « vert » pour l’année prochaine ; nous jugerons sur pièces.
Enfin, pour ce qui est des territoires, nos propositions n’ont eu, elles aussi, qu’un succès d’estime : nous le regrettons.
Contrairement au Gouvernement, nous croyons en l’intelligence des territoires. Nous nous réjouissons de la position prise par le Sénat, à une très large majorité, concernant la taxe d’habitation. Elle permettra de mieux travailler la problématique de la compensation des collectivités – je pense notamment à l’impact de cette réforme sur les potentiels financiers et fiscaux.
Nous aurions souhaité aller plus loin : nous aurions voulu que le Sénat entende mieux la grogne des territoires et des élus, manifestée encore récemment, notamment lors du congrès des départements de France.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : nous ne sommes pas vraiment en phase avec ce volet « recettes ». Sur le fond, nous y sommes même clairement opposés. Toutefois, le droit parlementaire étant ce qu’il est, les élus du groupe socialiste et républicain s’abstiendront, afin que nous puissions débattre de la deuxième partie du projet de loi de finances.
Monsieur le secrétaire d’État, cette abstention doit être considérée comme très négative ; mais nous attendrons le vote final de ce projet de loi de finances pour nous manifester, si la logique du texte ne nous convainc pas davantage au terme de la navette ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Jeansannetas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la première partie du projet de loi de finances pour 2020 et notre marathon fiscal aura été particulièrement dense, avec plus de 1 000 amendements examinés. Pour la seconde année consécutive, nous battons ainsi le record du nombre d’amendements et, à l’instar de Philippe Dallier, je m’interroge : s’agit-il d’une preuve de la grande imagination sénatoriale ? Je ne saurais dire…
En outre, la discussion de cette première partie a été rendue plus ardue par un ordre d’examen des articles quelque peu chaotique. Cette méthode n’a pas toujours favorisé la clarté et la prévisibilité de la discussion, au grand dam de M. le rapporteur général.
Nous avons commencé vendredi dernier avec l’article 10, relatif à la TVA, avant de reprendre samedi avec les articles 2 à 5, appelant un débat à la fois classique et étayé sur l’imposition des revenus et sur celle du patrimoine. Puis, après une séance finalement écourtée samedi soir, nous avons repris hier à un rythme soutenu pour aborder les questions, sensibles, de fiscalité écologique.
Se trouve ainsi résumé, en quelques mots, ce que chacun a pu constater, à savoir la complexité du débat budgétaire – l’ensemble des orateurs l’ont rappelé. Cette manière de faire ne réconciliera pas le citoyen avec des débats pourtant essentiels.
De surcroît, comme chaque année, les amendements des parlementaires se sont vu appliquer de sévères règles de recevabilité. Je pense en particulier aux amendements ayant pour objet des ressources affectées, qui, bien qu’inscrites dans la partie « recettes » du budget, sont considérées comme ayant un effet sur la dépense. Ce raisonnement est parfois difficile à admettre ; mais, bien sûr, je ne mets nullement en cause M. le président de la commission.