M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je n’ai pas l’habitude de voir le mal partout, mais il faut parfois être vigilant. Il y a là un risque de contournement de la carte scolaire, comme l’a pointé Mme la sénatrice Cartron. Aussi, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 267.

En revanche, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 339 rectifié, pour les raisons avancées par le rapporteur. Le dispositif actuel prévoit déjà une consultation des équipes pédagogiques et un vote du conseil d’administration : ces garanties me semblent suffisantes.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Je maintiens que les dérogations à la politique nationale d’orientation apportées par ces nouvelles dispositions relatives aux expérimentations nous confortent dans nos craintes : dès l’enseignement secondaire, l’orientation pourra avoir lieu de façon dérogatoire sans aucune garantie quant au respect des vœux d’un élève et de sa famille.

C’est pourquoi nous souhaitons que la loi prévoie que les parents puissent refuser de faire participer leurs enfants à ces expérimentations sur l’orientation.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 267.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 339 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
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Article 8 bis

Article additionnel après l’article 8

M. le président. L’amendement n° 299 rectifié, présenté par Mmes Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2019, le Gouvernement dépose sur le bureau de chacune des deux assemblées un rapport procédant à l’évaluation de l’ensemble des expérimentations menées en faveur des rapprochements de collèges et d’écoles élémentaires. Ce rapport apprécie notamment la pertinence de la généralisation de ces expérimentations. Il donne lieu à un débat dans chacune des deux assemblées.

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Je connais le sort réservé aux demandes de rapport dans cette assemblée, même si quelques-unes ont été acceptées ces derniers jours…

Cependant, dans le droit fil de nos débats de ce matin, il me semble que les expérimentations en cours concernant l’école du socle et les rapprochements méritent vraiment d’être évaluées et de faire l’objet d’un rapport.

Cette question relève certes du travail de la mission d’information créée par la commission, mais un tel rapport d’évaluation sur les expérimentations en cours nous apporterait des éléments pour nourrir notre réflexion sur les établissements publics des savoirs fondamentaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. Après tout ce qu’a indiqué le ministre ce matin sur la concertation et le dialogue qu’il entend engager, je ne comprends pas cette demande de rapport sur les expérimentations sur le rapprochement entre le collège et les écoles. Le ministre nous a proposé précédemment une feuille de route beaucoup plus ambitieuse ! En conséquence, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Que cet amendement soit ambitieux ou pas, ce n’est pas le sujet. Il faut se donner les moyens d’une évaluation efficace de ces actions, en vue de faire progresser notre réflexion collective.

Je retire mon amendement, mais je n’apprécie pas du tout les propos du rapporteur !

M. le président. L’amendement n° 299 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 299 rectifié
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Article additionnel après l'article 8 bis - Amendement n° 252 rectifié

Article 8 bis

(Non modifié)

Le chapitre IV du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 314-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 314-3. – Les résultats des travaux de recherche en matière pédagogique et d’expérimentations sont aisément accessibles à des fins statistiques et de recherche dans le champ de l’éducation. Les données ainsi transmises sont anonymisées.

« Dans les établissements où ont lieu des expérimentations, un chercheur peut être invité à siéger au conseil d’école ou au conseil d’administration, sans bénéfice du droit de vote, pour la durée des expérimentations. » – (Adopté.)

Article 8 bis
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Article additionnel après l'article 8 bis - Amendement n° 253 rectifié

Articles additionnels après l’article 8 bis

M. le président. L’amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Lafon et Henno, Mmes Vullien et de la Provôté, M. Laugier, Mme Billon, MM. Kern, Capo-Canellas, Janssens et Mizzon, Mme Vermeillet, MM. Prince et Bonnecarrère, Mme Saint-Pé, M. Moga et Mme Perrot, est ainsi libellé :

Après l’article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 314-… ainsi rédigé :

« Art. L. 314-…. – Dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation peut déroger aux dispositions du présent code et de l’article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État afin de permettre une affectation équilibrée des personnels enseignants et d’éducation dans les écoles et établissements scolaires situés dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne. »

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 253 rectifié.

Article additionnel après l'article 8 bis - Amendement n° 252 rectifié
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Article 9

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 253 rectifié, présenté par MM. Lafon et Henno, Mmes Vullien et de la Provôté, M. Laugier, Mme Billon, MM. Kern, Capo-Canellas, Janssens et Mizzon, Mme Vermeillet, MM. Prince et Bonnecarrère et Mme Létard, et ainsi libellé :

Après l’article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 442-13-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 442-13-… ainsi rédigé :

« Art. L. 442-13-…. – Dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, l’État peut s’associer par convention avec les établissements d’enseignement privés liés avec l’État par l’un des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12 afin de les inciter à favoriser la mixité sociale dans leurs établissements à proximité ou dans les zones d’éducation prioritaire. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Laurent Lafon. Nous sommes très favorables à l’expérimentation, qui nous paraît être une bonne pratique en matière de politiques publiques.

Au travers de ces deux amendements, nous voulons étendre le champ de l’expérimentation au-delà des pratiques pédagogiques.

L’amendement n° 252 rectifié est forcément pertinent, puisqu’il s’inspire du rapport d’information de nos excellents collègues Max Brisson et Françoise Laborde : il vise à étendre la possibilité de recourir aux postes à profil dans les zones du territoire qui connaissent des difficultés en matière de recrutement ainsi que dans certaines disciplines.

L’amendement n° 253 rectifié, d’une autre nature, tend à inciter les établissements privés sous contrat à renforcer la mixité sociale, au travers d’un système de conventionnement avec l’État, dans leurs établissements situés à proximité ou à l’intérieur des zones d’éducation prioritaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. Ces deux amendements portent sur des sujets importants : d’une part, l’affectation des enseignants dans les territoires prioritaires et, d’autre part – on en a beaucoup parlé hier, et je vous renvoyais à cet amendement de M. Lafon –, l’incitation des établissements privés sous contrat à diversifier leur recrutement et à entrer dans une logique de mixité sociale, dans laquelle beaucoup d’entre eux s’inscrivent d’ailleurs déjà.

La commission émet donc un avis favorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Les postes à profil existent déjà, et nous avons d’ailleurs développé cette politique au cours des deux dernières années. Je pense par exemple au dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les établissements situés en réseau d’éducation prioritaire, REP, ou en réseau d’éducation prioritaire renforcé, REP+. Il ne s’agit pas à proprement parler de postes à profil, mais cela relève tout de même d’un travail, mené par les inspecteurs de l’éducation nationale, les IEN, de personnalisation des recrutements, afin que les professeurs de ces classes dédoublées soient déjà expérimentés.

Nous souhaitons particulièrement développer ces postes à profil dans le domaine de l’éducation prioritaire, dans un contexte où, en outre, nous revalorisons les primes en REP+.

Enfin, nous déployons en ce moment la GRH de proximité dans différentes académies de France. Cela signifie que l’on aura des dynamiques de gestion des ressources humaines au plus près du terrain.

Par conséquent, si je suis d’accord avec la philosophie de l’amendement n° 252 rectifié, j’estime qu’il est satisfait.

Il en va de même de l’amendement n° 253 rectifié. Nous avons eu, hier, un débat sur la mixité sociale dans les établissements privés. Celle-ci est déjà prévue dans le droit, puisque, à l’article L. 442-20 du code de l’éducation, il est précisé que l’article L. 111-1 du même code est applicable aux établissements d’enseignement privé qui sont associés au service public par contrat. Or ce dernier article définit les grands objectifs du service public de l’éducation, dont la mixité sociale. En outre, j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, ce sujet est au cœur des discussions que nous avons avec l’enseignement privé sous contrat.

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de ces deux amendements, qui sont satisfaits ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Je comprends les propos de M. le ministre sur l’amendement n° 252 rectifié, mais il y a actuellement une requalification des REP+, des REP-ceci et des REP-cela – il y a tant de sigles – et, par conséquent, certaines classes qui devraient être confiées à des postes à profil n’en bénéficient pas, parce qu’elles sont situées dans des zones rurales ou de montagne qui ne sont pas des REP. Je voterai donc pour cet amendement, s’il est maintenu.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 253 rectifié, relatif aux écoles privées, je ne suis pas une fan de ces écoles, vous le savez, mes chers collègues, mais, quand elles existent, elles doivent être soumises aux mêmes normes. Plus le pourcentage de mixité sociale sera élevé, plus je serai contente…

M. le président. Monsieur Lafon, les amendements nos 252 rectifié et 253 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Laurent Lafon. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 252 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 bis.

Je mets aux voix l’amendement n° 253 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 bis.

Chapitre III

L’évaluation au service de la communauté éducative

Article additionnel après l'article 8 bis - Amendement n° 253 rectifié
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Article additionnel après l'article 9 - Amendement n° 160

Article 9

I. – Le chapitre Ier bis du titre IV du livre II de la première partie du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER BIS

« Le conseil dévaluation de lécole

« Art. L. 241-12. – Le conseil d’évaluation de l’école, placé auprès du ministre chargé de l’éducation nationale, est chargé d’évaluer en toute indépendance l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire. À ce titre :

« 1° Il veille à la cohérence des évaluations conduites par le ministère chargé de l’éducation nationale portant sur les acquis des élèves, les dispositifs éducatifs, dont ceux en faveur de l’école inclusive, et les établissements d’enseignement scolaire. À ce titre, il établit une synthèse des différents travaux d’évaluation sur le système éducatif et a pour mission d’enrichir le débat public sur l’éducation en faisant réaliser des évaluations ;

« 2° Il définit le cadre méthodologique et les outils des autoévaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l’éducation nationale et analyse les résultats de ces évaluations ; pour ce faire, il s’appuie sur toutes les expertises scientifiques, françaises et internationales, qu’il estime nécessaires. Il s’assure de la fréquence régulière de ces évaluations d’établissements et définit les modalités de leur publicité.

« L’accès aux données utilisées pour ces évaluations à des fins de statistiques et de recherche est garanti, sous réserve du respect de la réglementation applicable en matière de protection des données à caractère personnel et du livre III du code des relations entre le public et l’administration ;

« 3° Il donne un avis sur les méthodologies, sur les outils et sur les résultats des évaluations du système éducatif organisées au niveau national par les services du ministre chargé de l’éducation nationale ou dans le cadre de programmes de coopération européens ou internationaux. Pour les évaluations conduites par le ministère chargé de l’éducation nationale, son avis préalable est obligatoire ;

« 4° Il propose des méthodologies de mesure des inégalités territoriales scolaires et formule toute recommandation utile pour les réduire.

« Il formule toute recommandation utile au regard des résultats des évaluations mentionnées au présent article.

« Il peut être saisi par les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat pour toute évaluation relevant de ses compétences.

« Il établit un programme de travail annuel, qu’il transmet aux ministres chargés de l’éducation nationale et de l’agriculture. Ce programme est rendu public.

« Art. L. 241-13. – Le conseil d’évaluation de l’école comprend, outre son président nommé par le Président de la République, treize membres, à parité de femmes et d’hommes pour chacun des collèges mentionnés aux 1° et 2° :

« 1° Six personnalités choisies pour leur compétence en matière d’évaluation ou dans le domaine éducatif :

« a) Deux personnalités désignées par le président de l’Assemblée nationale ;

« b) Deux personnalités désignées par le président du Sénat ;

« c) Deux personnalités désignées par le Premier ministre ;

« 2° Deux députés et deux sénateurs désignés, respectivement, par les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d’éducation ;

« 3° Trois représentants du ministre chargé de l’éducation nationale.

« La durée du mandat du président et des membres mentionnés au 1° est de six ans. Les modalités de renouvellement du mandat des membres mentionnés au même 1° sont fixées par décret. Les membres mentionnés au 2° sont désignés pour la durée de leur mandat parlementaire.

« Art. L. 241-14. – Les rapports, les avis et les recommandations du conseil d’évaluation de l’école sont rendus publics. »

II. – (Non modifié) À la fin de la troisième phrase du second alinéa de l’article L. 231-14 du code de l’éducation, les mots : « Conseil national d’évaluation du système scolaire » sont remplacés par les mots : « conseil d’évaluation de l’école ».

III et IV. – (Supprimés)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 56 est présenté par M. Karoutchi, Mme Berthet, M. Calvet, Mmes Chain-Larché, Thomas et N. Delattre, MM. Cuypers et Daubresse, Mmes Deromedi, Dumas, Eustache-Brinio et Garriaud-Maylam, M. Huré, Mme Imbert, MM. Laménie et Lefèvre, Mmes Malet et Micouleau et MM. Pemezec, Sido et Vogel.

L’amendement n° 154 est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 280 rectifié bis est présenté par Mmes Lepage, Blondin et Monier, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 56.

Mme Jacky Deromedi. Cet amendement vise à supprimer l’article 9, qui institue le conseil d’évaluation de l’école. Cet organisme, dont l’intérêt n’est pas démontré et dont les missions sont floues, n’apporte rien de plus que les actuels Conseil national d’évaluation du système scolaire, ou Cnesco, et Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, ou DEPP.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 154.

M. Pierre Ouzoulias. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais présenter, dans un même exposé général, les amendements nos 154, 155 et 156 rectifié, ce qui vaudra défense de ceux-ci.

Il est ici question de la suppression du Cnesco.

Avant que celui-ci ne disparaisse, ce qui va sans doute se produire, je veux lui rendre hommage. Ses travaux, qui sont d’un grand intérêt, ont nourri les réflexions des parlementaires, notamment au sein de la commission de la culture. Cet organisme a mis en place des méthodes de travail et développé des problématiques qui sont tout à fait intéressantes, et qui mériteraient d’être pérennisées. Je profite de mon intervention pour saluer sa présidente.

En commission, nous avons eu un débat sur la qualité de l’évaluation, indépendante ou non. Ce qui compte, me semble-t-il, est de déterminer le caractère interne ou externe de l’évaluation. Vous avez choisi de renforcer les capacités d’évaluation de votre ministère, monsieur le ministre ; c’est votre droit. Je trouve même légitime qu’un ministre se donne les moyens, en modifiant l’organisation de ses services, de renforcer certaines missions d’évaluation.

Ce que nous désirons – ce sera l’objet de notre amendement n° 45, tendant à insérer un article additionnel après l’article 9 –, c’est que l’évaluation externe ne soit pas abandonnée ; elle pourrait notamment être réalisée par le Parlement. Ce qui est intéressant, c’est la confrontation des points de vue, grâce à laquelle on s’approche d’une forme de vérité scientifique, et on pourrait parfaitement considérer qu’il n’y a pas de concurrence entre ce que vous allez mettre sur les rails et une évaluation externe.

Nous avons déposé quelques amendements, dont je résumerai ainsi l’esprit : nous souhaitons renforcer l’expertise externe parlementaire dans l’évaluation des politiques d’éducation. Du reste, dans bien des pays européens, il y a des organismes parlementaires d’évaluation. Cela va en outre dans le sens de la révision institutionnelle que vous promouvez.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 280 rectifié bis.

Mme Sylvie Robert. Mon propos ira dans le même sens que celui de M. Ouzoulias.

Ce débat sur l’évaluation, je l’évoquais en défendant mon amendement précédent, rejoint la question du regard des parlementaires sur une politique, au travers de leur mission de contrôle.

J’imagine que l’on va prendre acte de la suppression du Cnesco ; j’en suis extrêmement malheureuse. Les travaux menés en toute indépendance par ces scientifiques et ces chercheurs – il faut le souligner et le préciser – offraient un regard extérieur sur les politiques éducatives. Ces éléments et ces données nous sont extrêmement précieux pour évaluer ces sujets. Nous sommes très attristés que, au travers de l’article 9, on enterre un organisme qui a fait ses preuves, qui est reconnu, et dont le point de vue sur les politiques éducatives était de grande qualité.

Je comprends bien l’intérêt du conseil d’évaluation de l’école que vous voulez mettre en place, monsieur le ministre. Je comprends qu’il faille évaluer en interne, en lien avec les différents services de votre ministère, ces établissements et leur politique ; cela me paraît tout à fait légitime, et il ne m’appartient pas d’en juger.

Cela dit, le fait de garder un regard extérieur et indépendant sur les politiques éducatives, au travers d’un point de vue global sur les différents enjeux de ces politiques dans la société, est très précieux, y compris pour nous, parlementaires, car ces sujets nous tiennent tant à cœur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. Ce qui m’attristerait, pour ma part, serait la suppression de l’article 9, car cela reviendrait sur l’une des principales avancées de ce projet de loi. Cet article reprend une préconisation de longue date du Sénat : l’évaluation des établissements scolaires. Le conseil d’évaluation de l’école reprendra l’essentiel des attributions du Cnesco, tout en orientant davantage son travail sur les méthodologies de l’évaluation, champ que le Cnesco, quelles que soient ses nombreuses qualités, a peu investi.

En outre, la composition du conseil d’évaluation de l’école, telle qu’adoptée par la commission, donne à cet organisme des garanties d’indépendance supérieures à celles du Cnesco, dont les membres sont, dans leur majorité, nommés par le Gouvernement.

Quant à l’avenir du Cnesco, je laisse le ministre s’exprimer à ce sujet.

La commission demande donc le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, son avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, il s’agit de l’un des articles importants du projet de loi ; reconnaissons-le comme tel. Je prendrai donc quelques instants pour commenter ces amendements identiques.

D’abord, le débat ne se pose pas du tout en termes d’évaluation externe ou interne. Nous ne prétendons pas élaborer un système d’évaluation interne qui se substituerait à un système d’évaluation externe.

La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République confiait au Cnesco une mission d’évaluation du système scolaire. Selon moi, l’interprétation qui en a été faite a été particulière – intéressante, mais particulière –, et elle n’aboutit pas à une évaluation pleine et entière de notre système.

Est-ce que, en disant cela, je disqualifie ce que le Cnesco a fait ? Non, je pense comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que des choses intéressantes ont été réalisées par ce conseil. Je suis donc beaucoup moins sévère à son égard que le rapport Durand et la Cour des comptes.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Exact !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si je défendais cette position que l’on m’accuse d’avoir – vouloir en finir avec une institution pour en substituer une qui soit à ma main –, je vous dirais : « Mesdames, messieurs les sénateurs, lisez le rapport Durand et le rapport de la Cour des comptes, et finissez-en avec cette institution ! » D’ailleurs, je n’en créerais même pas une autre à la place, ce qui me permettrait de faire des économies.

Ces accusations sont totalement erronées. Je ne suis pas dans cette posture ; je le répète, si j’étais coupable des accusations que l’on m’adresse, c’est effectivement ce que je ferais, mais ce n’est pas le cas. En effet, je pense que le bilan du Cnesco est intéressant ; il repose sur une façon de concevoir l’évaluation des politiques publiques, sur une méthode « macro » se fondant sur une vision globale de ces politiques tout en mobilisant des expertises. Cela relève d’une logique académique, au meilleur sens du terme, qui consiste à faire appel à l’ensemble des secteurs de la recherche pour étudier certaines dimensions du problème, échanger ensemble et à en diffuser les résultats.

Cette façon de procéder est extrêmement utile, et c’est pourquoi le Cnesco ne va pas mourir ; n’employons pas de mots excessifs. Il n’y a pas de mort programmée du Cnesco, il y a au contraire une évolution académique, dont j’attends beaucoup, de cet organisme. Nous allons ainsi créer une chaire au Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, qui sera dotée de moyens importants. Cela permettra d’avoir une continuité avec ce que le Cnesco a fait et cela conduira, je l’espère, à un épanouissement de la recherche. Dans une logique académique, des cercles vertueux peuvent s’enclencher et les moyens croître ; ainsi, in fine, comme dans certaines universités étrangères, se développera une capacité d’analyse des pans entiers du système scolaire, de manière totalement indépendante puisqu’académique.

Il n’y a donc pas de mort ni de persécution du Cnesco, disais-je ; il s’agit d’une transmutation, d’une transformation, qui représente un potentiel très important pour que la France atteigne le niveau qui doit être le sien, c’est-à-dire l’excellence, en matière académique et d’évaluation des politiques publiques.

Ainsi, nous créons un véritable conseil d’évaluation, de manière fidèle, selon moi, à ce que visait la loi de 2013. Le rapporteur l’a dit, l’objectif est non pas seulement d’avoir une évaluation « macro » du système scolaire dans son ensemble, mais d’avoir une évaluation « micro » qui débouche sur une évaluation « macro ». Tel est le véritable enjeu. Autrement dit, il s’agit d’obtenir une évaluation de chaque école, de chaque collège, de chaque lycée de France, pour que, une fois agrégée, elle nous permette d’avoir une vision de notre pays.

Les systèmes scolaires du monde qui fonctionnent bien ont des mécanismes d’évaluation de ce type. Or on peut considérer que l’évaluation est la clef pour faire progresser un système, car elle donne des repères objectifs pour ce faire.

La philosophie du futur conseil supérieur de l’évaluation s’appuie sur l’autoévaluation, c’est-à-dire la responsabilisation des acteurs – ce point me paraît crucial – et sur un travail local d’équipe.

Voici, pour être très concret, quelle en est l’idée : un collège, par exemple, commence par s’autoévaluer. Cette autoévaluation débouche sur un constat de ses forces et de ses faiblesses, puis elle constitue le fondement de l’étude d’une équipe extérieure – il s’agit donc bien d’évaluation externe –, composée de membres des corps d’inspection et de personnalités autres, qui conduira un travail collectif d’évaluation. Ce travail d’équipe, tant dans l’autoévaluation que dans l’évaluation externe, me paraît déjà en soi un progrès très important.

Cette étude permettra ainsi d’obtenir un portrait de l’établissement, dans un sens très constructif, puisque l’objectif est que l’école élabore son projet éducatif, en se fondant sur l’identification de ses forces et de ses faiblesses. De cette manière, l’évaluation permettra de faire, tous les cinq ans, le point sur l’aboutissement du projet éducatif. Cela me semble très stimulant pour tout le monde, à commencer par les professeurs et le personnel de chaque établissement, au service des élèves et de leurs progrès.

Cette évaluation constituera en effet un levier de progrès pour l’ensemble des sujets dont nous avons discuté jusqu’à présent : les aspects pédagogiques, évidemment – le niveau scolaire des élèves –, mais aussi la vie scolaire – nous avons évoqué le harcèlement, la santé, notamment. Si chaque établissement établit un diagnostic de sa situation en matière de vie scolaire, cela changera des choses au quotidien.

Prenons l’exemple du harcèlement ; avoir, dans tout établissement de France, une évaluation régulière, commençant par une autoévaluation, de ce qui est fait en l’espèce est très différent d’avoir une étude d’un organisme extérieur décrivant ce qui se passe en matière de harcèlement en France. Je ne dis pas que la seconde étude n’est pas utile, mais la première est fondamentale, parce qu’elle a une incidence sur les acteurs ; et nous n’en disposons pas aujourd’hui. (Mme Sylvie Robert arbore une moue dubitative.) Je me permets d’insister parce que je vous vois douter, madame la sénatrice.

Revenons sur la différence entre la première et la seconde démarche. Dans le premier cas, on examine le collège x ; y a-t-il ou non du harcèlement dans son enceinte ? Qu’y fait-on contre ce phénomène ? Les équipes sont-elles mobilisées ? Ont-elles été aidées par le rectorat ? Il est important de se poser ces questions au sein de l’établissement, puis que la situation soit étudiée avec un œil externe. Ensuite, une fois les forces et les faiblesses identifiées, on établit les actions à mettre en place au cours des cinq années qui suivent, afin d’améliorer la situation.

Ce n’est tout de même pas la même chose que de lire un article dans le journal indiquant que, la veille, le Cnesco a décrit ce qui se faisait en matière de harcèlement en France ; il s’agit de deux choses complètement différentes. L’analyse du Cnesco n’a-t-elle aucun intérêt ? Je ne dis pas cela, mais il s’agit de tout autre chose et cela ne fait pas progresser autant un système éducatif que l’évaluation des établissements.

Il me semble très difficile de contester mes propos, et, encore une fois, la France n’est pas seule sur la planète. Il existe des systèmes scolaires qui sont évalués ainsi ; ils s’en trouvent bien et ils développent une culture de l’évaluation, utile et constructive pour leurs élèves.

Je ne traiterai pas tout de suite les autres sujets abordés. J’ai notamment entendu des questions relatives à l’indépendance et à la qualité de l’organisme ; nous allons y venir. Je suis d’ailleurs très ouvert à toute évolution.

À mes yeux, encore une fois, il n’est pas question de savoir s’il s’agit d’évaluation interne ou externe ; il s’agit d’une évaluation tant interne qu’externe à l’échelle de chaque établissement, et, à l’échelle du pays, d’une évaluation objectivée, avec des garanties. Celles-ci pourront inclure le Parlement, mais nous verrons cela ultérieurement.

Ce qui est important, c’est d’installer, au cœur du système français, un mécanisme d’évaluation qui concerne chaque école, chaque collège, chaque lycée, et qui soit un levier de progrès pour les établissements, sans détruire les aspects positifs du Cnesco. Nous devons faire évoluer cet organisme dans la direction académique qui correspond à la nature des travaux menés jusqu’à présent.

Pour toutes ces raisons, j’émets évidemment un avis défavorable sur ces amendements de suppression.