M. Antoine Lefèvre. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié bis.
M. Stéphane Artano. Cet amendement était à l’origine assorti d’un autre, déclaré irrecevable en commission des lois au titre de l’article 41 de la Constitution.
Le présent article met en place une obligation pour les entreprises recourant au démarchage téléphonique de se tenir à jour de la liste d’opposition et de respecter des normes déontologiques. Toutefois, dans la mesure où la fixation de ces normes déontologiques est renvoyée à l’adoption d’un décret, il est utile de préciser qu’elles doivent comprendre, sans s’y limiter, des dispositions encadrant les jours et les horaires où les appels sont autorisés, ainsi que leur fréquence. Il est important de respecter les rythmes de la vie privée et de la vie familiale, en évitant le démarchage le dimanche et les jours fériés, ainsi qu’aux heures des repas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. L’amendement n° 26 rectifié tend à rétablir une mesure adoptée par l’Assemblée nationale, à savoir l’instauration d’une charte de bonnes pratiques que les professionnels du démarchage téléphonique devraient respecter sous peine de sanction administrative. Or le dispositif proposé par la commission des lois me semble plus opérationnel et rigoureux que celui adopté par l’Assemblée nationale. Il paraît donc mieux répondre à vos attentes, ma chère collègue. Je m’explique.
Le texte de la commission prévoit la définition de normes déontologiques par un décret qui serait pris après consultation du Conseil national de la consommation. L’idée est d’associer professionnels et consommateurs pour déterminer ces normes, qui seront in fine fixées par le pouvoir réglementaire.
À mon sens, la charte proposée par l’Assemblée nationale prête à confusion. Il s’agit d’un instrument non juridiquement contraignant ; inscrire son respect dans la loi pourrait donc être, à tout le moins, source de contentieux.
Vous avez argué du retard que pourraient induire, pour l’entrée en vigueur de ces principes, la consultation du CNC et la prise du décret. Je répondrai qu’il est important, sur ce sujet, d’associer consommateurs et professionnels et que ledit retard peut naturellement être jugulé.
De surcroît, s’agissant de la charte dont l’Assemblée nationale avait prévu la création, la proposition de loi ne précise pas l’organe qui l’établirait, ce qui, selon moi, augure mal de son élaboration.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 30 rectifié bis visent à renvoyer au pouvoir réglementaire l’encadrement des jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels le démarchage téléphonique est autorisé.
Après réflexion, la commission a estimé qu’il était utile de traiter cette question en précisant que le décret établissant les normes déontologiques, tel qu’il est prévu à l’article 1er bis, fixerait ces jours, horaires et fréquence. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 26 rectifié. De telles chartes existent ; d’ailleurs, les travaux du CNC le rappellent. Je mentionnerai, par exemple, la charte suivie par le SP2C, qui se conforme à la norme Afnor NF 345.
Il me semble plus approprié que chaque démarcheur téléphonique se réfère à la charte propre au type de métier auquel il se rattache, plutôt que de confier au pouvoir réglementaire le soin de créer de nouvelles normes et contraintes.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement rédactionnel n° 36 et défavorable aux amendements identiques nos 5 rectifié bis et 30 rectifié bis : c’est précisément par le dispositif des chartes que nous souhaitons traiter ce sujet.
Dès lors que les acteurs professionnels se sont engagés dans une démarche mature de concertation avec les consommateurs, je m’étonne que cette assemblée propose de confier à l’administration, dont on dit parfois que, en la matière, elle va trop loin, le soin d’imposer de nouvelles normes aux entreprises.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 30 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mme Vermeillet, M. Moga, Mme Guidez, MM. Bonnecarrère et Louault, Mme Goy-Chavent, MM. Henno, Panunzi et Pemezec, Mmes Bruguière, A.M. Bertrand et Lherbier, M. Lefèvre, Mme Vullien, MM. Lafon, Chatillon, Kern et Cigolotti, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, Pellevat, Canevet, Longeot, Détraigne, Revet et Chaize, Mme Dumas, MM. Bouchet et Kennel, Mmes Loisier et Procaccia, MM. Magras, Bazin, Daubresse et Bascher, Mme Gruny, MM. Cuypers, Bonne, Janssens et Luche, Mme de Cidrac, MM. Danesi, Marseille, Perrin, Raison et Laménie, Mme Férat, MM. Dufaut, Huré, Capo-Canellas, Vogel et Savary, Mmes L. Darcos, Doineau et Renaud-Garabedian et MM. Duplomb, J.M. Boyer, Pierre, Médevielle, Houpert et Rapin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est en tout état de cause interdit à un professionnel, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers agissant pour son compte, de démarcher un consommateur en le contactant sur un téléphone cellulaire. »
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Le démarchage à des fins commerciales sur les téléphones cellulaires est de plus en plus fréquent. Or, contrairement aux numéros des téléphones fixes, qui sont publics ou à la portée de tous dans différents annuaires, les numéros des téléphones cellulaires restent privés. Lorsque le démarchage à des fins commerciales s’effectue sur des téléphones cellulaires, c’est à l’insu et sans le consentement de leurs détenteurs. Cet amendement vise donc à interdire le démarchage sur les téléphones cellulaires.
L’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée. Or je ne pense pas qu’on puisse, ici, au Sénat, contre quelques emplois, monnayer la vie privée et la tranquillité de nos concitoyens. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement, cosigné par soixante de mes collègues.
La publicité est partout, à l’extérieur et à l’intérieur des foyers ; elle passe par tous les réseaux. Le téléphone cellulaire est l’un des derniers espaces de vie privée qu’il nous appartient de protéger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Comme l’a dit Mme Vermeillet, le présent amendement vise à interdire le démarchage téléphonique sur les téléphones cellulaires.
Je commencerai – je ne sais si cette précision rassurera vraiment les auteurs de l’amendement – par rappeler que l’ensemble de la législation relative au démarchage téléphonique, que la proposition de loi tend à renforcer, s’applique tant aux téléphones fixes qu’aux téléphones mobiles ou cellulaires. Il y a là des protections que nous sommes précisément en train de confirmer, de conforter même, pour les consommateurs.
En outre, il existe sur les téléphones mobiles des dispositifs plus protecteurs que sur les téléphones fixes, une option permettant notamment de « bloquer » tout appel jugé indésirable. Une telle option me paraît de nature à améliorer la situation.
Par ailleurs, adopter cet amendement reviendrait à changer de logique et à retenir un principe plus dur encore que l’opt in que le Sénat a rejeté précédemment, puisqu’il s’agirait d’interdire purement et simplement tout appel de prospection commerciale sur un téléphone mobile, quand bien même le consommateur y aurait consenti. Cela pourrait même soulever la question du respect du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, ce qui me paraît assez grave.
Enfin, le démarchage sur les téléphones mobiles représente une très forte proportion de l’activité de prospection commerciale, car, vous le savez bien, de moins en moins de personnes ont une ligne fixe. En témoignent les dernières données de l’observatoire de l’Arcep s’agissant du trafic de téléphonie au troisième trimestre de 2018 : 13 000 minutes pour les téléphones fixes, contre 54 000 minutes pour les téléphones mobiles.
Pour l’ensemble de ces raisons, madame Vermeillet, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement – je le répète : la disposition proposée est encore plus sévère que l’opt in. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis est défavorable, pour toutes les raisons que M. le rapporteur a mentionnées, auxquelles j’ajoute un argument complémentaire.
Comme vous l’avez très bien dit, les numéros de téléphone portable sont des numéros privés. Lorsque vous communiquez ce numéro, vous entrez dans le champ du RGPD ; c’est alors que vous manifestez un consentement – c’est d’ailleurs là, probablement, la façon la plus appropriée de manifester son consentement.
Quant à ceux qui exploitent des listes de numéros en 06, ils le font illégalement ; ils contreviennent à une règle et peuvent être condamnés pour cela.
Il me semble que les utilisateurs de téléphones portables sont donc davantage protégés que les utilisateurs de téléphones fixes. Je fais partie de la génération, même si je ne suis malheureusement pas si jeune que cela, qui n’a plus de ligne fixe.
L’adoption de cet amendement conduirait à mettre un terme au démarchage téléphonique et à mettre en péril 240 000 emplois, même si les salariés en question ne passent certainement pas l’intégralité de leur temps à faire du démarchage téléphonique ciblé.
M. le président. Madame Vermeillet, l’amendement n° 2 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. J’avais cosigné cet amendement, mais, compte tenu des explications données par M. le rapporteur, je voterai contre.
M. le président. C’est à ça que servent les débats.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il existe, pour les numéros de téléphone fixe, une liste rouge. Vous pouvez, certes, régler votre téléphone portable de telle sorte que certains numéros d’appel soient bloqués. Mais avez-vous la possibilité de déclarer, en remplissant le formulaire d’abonnement, que vous refusez la communication de votre numéro ? Le cas échéant, la question serait réglée. J’ai eu beaucoup de téléphones portables et, jamais, je n’ai vu un tel dispositif.
L’idée serait que vous puissiez déclarer, au moment de souscrire un abonnement, dans une boutique SFR, Orange ou Bouygues par exemple, que votre numéro n’a pas à être communiqué à des fins commerciales. Si une telle solution n’existe pas, on gagnerait à l’envisager.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Sauf erreur de ma part – j’ai géré de telles situations dans d’autres mondes –, les opérateurs téléphoniques n’ont pas le droit de communiquer un numéro de portable, de même que les entreprises qui recueillent un numéro de téléphone dans le cadre d’une transaction doivent mettre en place un opt in, c’est-à-dire obtenir expressément l’accord de l’utilisateur, avant de pouvoir utiliser les données personnelles à des fins commerciales. De telles règles relèvent, plus largement, du RGPD.
Théoriquement, donc, les règles applicables aux numéros de portable sont plus protectrices que ne l’est la liste rouge pour les numéros de fixe.
M. le président. Essayez de faire en sorte que le texte puisse être voté avant l’heure où je serai obligé de lever la séance. Peut-être que, lorsque les arguments sont les mêmes, notamment les avis du Gouvernement et de la commission, on peut restreindre un peu plus les explications de vote… C’est un conseil, pas un ordre.
Article 2
L’article L. 223-4 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’organisme mentionné au premier alinéa rend accessible, sous un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, les données essentielles de son activité, dans le respect des articles L. 311-5 à L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration. Ces données sont également transmises au Conseil national de la consommation. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Le mot : « et » est remplacé par le signe : « , » ;
b) Après le mot : « gestionnaire », sont insérés les mots : « et la nature de ses données essentielles » ;
c) Après le mot : « avis », sont insérés les mots : « motivé et publié ».
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la délégation de service public attribuée pour la gestion de la liste d’opposition au démarchage téléphonique BLOCTEL.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite renforcer le dispositif d’opposition au démarchage téléphonique en vigueur et entend s’assurer du strict respect par son gestionnaire, la société Opposetel, des obligations légales et contractuelles qui lui incombent à travers l’action de contrôle de la DGCCRF. Il convient en conséquence de privilégier la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport d’évaluation de la gestion de la liste d’opposition au démarchage téléphonique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Le présent amendement tend à supprimer l’obligation, introduite par la commission des lois, faite à l’organisme gestionnaire de la liste d’opposition au démarchage téléphonique de rendre accessibles, sous un format ouvert et aisément réutilisable, les données essentielles de son activité.
Nous avons souhaité créer un régime ad hoc de publication en open data, afin notamment de permettre au Gouvernement, au Parlement, au Conseil national de la consommation et aux associations de consommateurs de mieux contrôler l’action de l’organisme gérant la liste d’opposition au démarchage téléphonique. Nous avons rejoint nos collègues députés ainsi que les associations de consommateurs sur la nécessité de disposer de davantage d’informations sur l’activité de l’organisme gérant la liste d’opposition au démarchage téléphonique, notamment pour s’assurer de son efficacité et pour mieux définir ses priorités.
Vous n’avez pas besoin de la loi, madame la secrétaire d’État, pour évaluer la mise en œuvre de la délégation de service public confiée à Opposetel.
Par ailleurs, vous connaissez la position de la commission des lois sur les demandes de rapport au Gouvernement : telle n’est pas, selon nous, la façon la plus efficace pour le Parlement d’effectuer son travail de contrôle. De manière générale, de telles mesures procèdent le plus souvent d’une simple volonté d’affichage, et ces rapports ne permettent que très rarement de résoudre les problèmes identifiés.
J’émets donc, à regret, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, je voudrais vous remercier pour cet amendement, dont nous nous souviendrons comme d’un modèle du genre, pour toutes les fois où le Gouvernement nous refuse des rapports. Cette fois, grande nouvelle, c’est lui qui demande un rapport !
La jurisprudence du Sénat consiste à refuser les demandes de rapport, mais, en l’occurrence, c’est le Gouvernement qui se demande à lui-même un rapport. Nous vivons donc un grand moment !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Je vais m’efforcer de suivre votre conseil, monsieur le président…
Mes chers collègues, le Gouvernement est habituellement hostile aux demandes de rapport. On peut le comprendre : il s’agit de ne pas surcharger le travail des administrations. Habituellement, nous y sommes nous aussi hostiles, pour différentes raisons. Toutefois, il peut y avoir des exceptions.
J’entends bien que le délégant, à savoir le Gouvernement, peut déjà obtenir un certain nombre d’informations de son délégataire, à savoir Opposetel, mais pourquoi se priver de la remise au Parlement d’un compte rendu des services accomplis, comprenant des renseignements directs ? Une telle exigence aurait le mérite de mettre en tension ou de motiver fortement Opposetel. Ce dispositif n’est d’ailleurs pas exclusif d’une communication publique, et je regrette que nous soyons mis en position de devoir choisir entre l’un, la mise des données à disposition du public, et l’autre, la remise d’un rapport, qui, en mettant le délégataire en tension, nous serait utile. Il y a là, me semble-t-il, une opportunité à saisir.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je m’interroge sur l’opportunité d’un tel rapport, pour la raison suivante : nous parlons d’une relation de délégant à délégataire, comme cela a été dit. Il me semble que le ministère a tout moyen d’exercer son simple rôle de délégant et tout moyen, donc, de demander à son délégataire toute information utile permettant de vérifier la bonne exécution de la mission qui lui a été confiée.
M. André Reichardt, rapporteur. Je l’ai dit !
M. François Bonhomme. Je suis donc vraiment étonné : il s’agit presque d’une affaire interne à l’État ; c’est à lui d’exercer, tout simplement, son rôle de contrôle sur la mission qu’il a déléguée.
M. André Reichardt, rapporteur. Absolument !
M. le président. J’aurais mieux fait de me taire. Mon intervention de tout à l’heure semble avoir provoqué un surcroît d’interventions. (Sourires.)
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ce qui importe, dans le texte de cet amendement, ce sont les termes « remet au Parlement ». Cette demande de rapport émane de l’Assemblée nationale ; vos collègues députés ont souhaité, au nom d’une transparence accrue, avoir directement accès à une information utile servant leur compréhension du bon ou du mauvais fonctionnement de Bloctel. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 ter
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 242-12 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le montant : « 3 000 euros » est remplacé par le montant : « 75 000 € » ;
2° Le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 375 000 € ». – (Adopté.)
Article 2 quater
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 242-14 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le montant : « 3 000 euros » est remplacé par le montant : « 75 000 € » ;
2° Le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 375 000 € ». – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 242-16 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 75 000 € » ;
2° Le montant : « 75 000 euros » est remplacé par le montant : « 375 000 € ». – (Adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
Le chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation est ainsi modifié :
1° À l’article L. 522-7, après le mot : « cumulativement », sont insérés les mots : « , dans la limite du maximum légal le plus élevé » ;
2° Après l’article L. 522-7, il est inséré un article L. 522-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 522-7-1. – Lorsqu’une amende administrative est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé. »
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement vise à supprimer l’article 3 bis, qui a introduit pour des manquements en concours un plafonnement pour l’exécution cumulative des amendes administratives prévues par le code de la consommation, ainsi qu’en cas de cumul de sanctions administratives et pénales.
Le plafonnement pour l’exécution cumulative des amendes administratives prévu par l’article 3 bis ne se limite pas – c’est un point important – aux seules sanctions applicables en cas de manquement aux règles relatives à l’opposition au démarchage téléphonique. Il s’applique également à la mise en œuvre de l’ensemble des sanctions administratives prévues par le code de la consommation. Autrement dit, le plafond qui est introduit ici empêchera de sanctionner cumulativement non seulement un problème lié au démarchage téléphonique, mais d’autres infractions au code de la consommation qui pourraient être bien plus graves et bien plus préoccupantes pour le consommateur.
On ne comprend pas très bien la place de cet article dans un texte qui modifie des dispositions particulières du code de la consommation et qui est centré sur le démarchage téléphonique. Pourquoi, tout d’un coup, viser l’ensemble du code de la consommation ? Cet article nous paraît extrêmement dangereux pour les droits du consommateur. Si la DGCCRF était privée des moyens d’intervenir auprès d’entreprises voyous, je ne suis pas sûre que cela servirait les droits du consommateur.
Je précise également que la disposition prévue s’agissant du cumul des sanctions administratives et pénales n’est en fait pas opérante, aucun manquement au code de la consommation passible d’une amende administrative n’étant aujourd’hui punissable d’une sanction pénale. En fait, un tel cumul n’existe pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer les règles de plafonnement introduites par la commission des lois en cas de cumul de sanctions. C’est un sujet sur lequel, madame la secrétaire d’État, nous ne partageons pas la même analyse. La commission a souhaité encadrer le régime des sanctions administratives à deux égards.
En premier lieu, nous avons rétabli la règle de plafonnement des sanctions administratives en cas de manquement en concours, c’est-à-dire lorsqu’ils sont poursuivis en même temps, lors d’une même procédure ou de procédures séparées.
Le droit en vigueur depuis la loi Sapin II du 9 décembre 2016 prévoit que les amendes s’exécutent cumulativement. Cela pose question au regard du respect des principes de nécessité et de proportionnalité des peines, compte tenu en particulier de l’augmentation du montant des amendes susceptibles d’être prononcées, qui pourrait atteindre, je l’ai dit, 375 000 euros.
De plus, par nature, la consommation est un domaine dans lequel la question du cumul de sanctions est susceptible de se poser de manière récurrente. En matière de démarchage téléphonique, le manquement peut se répéter autant de fois que le professionnel appelle en numéro masqué ou méconnaît l’interdiction de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique.
Si l’administration est bien sûr tenue, dans son pouvoir d’appréciation, de respecter le principe de proportionnalité, je rappelle que l’exigence de proportionnalité s’impose tant à l’auteur d’un texte édictant une sanction – en l’occurrence, le législateur – qu’à celui qui inflige une sanction pour réprimer un manquement particulier.
Le texte de la commission, dans son 1°, prévoit donc que les sanctions s’exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé.
En second lieu, le texte de la commission, dans son 2°, rétablit la règle plafonnant le cumul d’une amende administrative et d’une sanction pénale, en cas de sanctions infligées à raison des mêmes faits, qui ne figure plus dans le droit en vigueur. Il prévoit donc, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, que le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.
À titre d’illustration, la question du cumul des sanctions administratives et pénales pourrait éventuellement se poser lorsqu’un professionnel méconnaît l’interdiction de contacter un consommateur inscrit sur la liste Bloctel, ce comportement pouvant aussi être incriminé au titre de l’infraction délictuelle punie, à l’article 226-18-1 du code pénal, de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, réprimant le « fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l’opposition de cette personne, lorsque ce traitement répond à des fins de prospection, notamment commerciale ».
Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis est défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je suis désolée de devoir apporter une ultime précision.
On parle bien de sanctions s’appliquant à l’ensemble des sanctions prévues par le code de la consommation. Cela signifie que cette assemblée accepte de ne pas poursuivre des entreprises voyous. J’en prends bonne note !
M. le président. Vous ne savez pas ce que cette assemblée va décider, puisqu’elle n’a pas encore voté.
Je mets aux voix l’amendement n° 34.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)