M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, je vous remercie.

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité auront lieu jeudi 14 février, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Articles 43 ter et 43 quater (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
Article 43 quinquies

Croissance et transformation des entreprises

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II, à l’article 43 quinquies.

Chapitre II (suite)

Des entreprises plus innovantes

Section 2 (suite)

Protéger les inventions et libérer l’expérimentation de nos entreprises

Sous-section 2 (suite)

Libérer les expérimentations de nos entreprises

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
Article 44

Article 43 quinquies

À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret prévu au second alinéa du présent article, l’accès aux ressources génétiques sur le territoire de la France métropolitaine n’est pas soumis au respect des exigences de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de l’environnement.

Un décret précise les informations requises des utilisateurs de ressources génétiques mentionnées au premier alinéa du présent article afin de suivre et évaluer l’expérimentation.

Mme la présidente. L’amendement n° 904 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après les mots :

l’accès aux ressources génétiques

insérer les mots :

prélevées sur des micro-organismes

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L’expérimentation prévue par le présent article n’est pas applicable aux ressources génétiques mentionnées au 3° de l’article L. 1413-8 du code de la santé publique.

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Cet amendement vise à limiter le champ d’application de l’expérimentation qui est prévue à l’article 43 quinquies en excluant le champ spécifique des ressources génétiques collectées par les laboratoires au titre de la prévention et la maîtrise des risques graves pour la santé humaine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 904 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 43 quinquies, modifié.

(Larticle 43 quinquies est adopté.)

Section 3

Faire évoluer le capital et la gouvernance des entreprises publiques et financer l’innovation de rupture

Sous-section 1

Aéroports de Paris

Article 43 quinquies
Dossier législatif : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
Rappel au règlement

Article 44

Après l’article L. 6323-2 du code des transports, il est inséré un article L. 6323-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6323-2-1. – I. – La mission dont est chargé Aéroports de Paris par l’article L. 6323-2 cesse, sous réserve des II et III du présent article, soixante-dix ans après l’entrée en vigueur du présent article.

« Les biens attribués à Aéroports de Paris en application de l’article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, de même que les biens meubles ou immeubles acquis ou réalisés par cette société et exploités en Île-de-France entre le 22 juillet 2005 et la date de fin d’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I sont transférés en pleine propriété à l’État à la date de la fin d’exploitation. Ces biens comprennent les titres de capital ou donnant accès au capital des entreprises détenues, directement ou indirectement, par Aéroports de Paris, à l’exception de celles dédiées à une activité exercée hors des plateformes mentionnées à l’article L. 6323-2. La valeur comptable de ces biens au bilan de la société n’est pas modifiée à la date d’entrée en vigueur du présent article.

« L’indemnité accordée à Aéroports de Paris au titre du transfert des biens mentionné au deuxième alinéa du présent I est composée des deux éléments suivants :

« 1° Un montant forfaitaire et non révisable, calculé à partir des données publiques disponibles, correspondant :

« a) À la somme des flux de trésorerie disponibles, pris après impôts, générés par les biens mentionnés au même deuxième alinéa pour la période débutant à la date de fin d’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I, actualisés au coût moyen pondéré du capital d’Aéroports de Paris tel que déterminé à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d’Aéroports de Paris selon le modèle d’évaluation des actifs financiers ;

« b) Déduction faite d’une estimation de la valeur nette comptable des mêmes biens à la fin de l’exploitation mentionnée au même premier alinéa actualisée au coût moyen pondéré du capital mentionné au a du présent 1°.

« Ce montant, calculé conformément aux a et b du présent 1°, est fixé par décret, sur avis conforme de la Commission des participations et des transferts, et dû et versé par l’État à Aéroports de Paris à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d’Aéroports de Paris. Ce décret est pris sur rapport du ministre chargé de l’économie. La Commission des participations et des transferts rend son avis dans un délai de quarante-cinq jours à compter de sa saisine par le ministre chargé de l’économie, après consultation d’une commission composée de trois personnalités désignées conjointement, en raison de leurs compétences en matière financière, par le premier président de la Cour des comptes, le président de l’Autorité des marchés financiers et le président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables. Cette commission rend un avis dans un délai de trente jours à compter de sa saisine par le ministre chargé de l’économie à la Commission des participations et des transferts sur le projet de décret qui lui est soumis par le ministre chargé de l’économie. Cet avis est rendu public à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d’Aéroports de Paris ;

« 2° Un montant égal à la valeur nette comptable des actifs mentionnés au deuxième alinéa du présent I figurant à la date de fin d’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I dans les comptes sociaux de la société, telle que définie par le règlement de l’Autorité des normes comptables n° 2014-03 dans sa version au 1er janvier 2017, exclusion faite de toute réévaluation libre, telle que mentionnée à l’article L. 123-18 du code de commerce, des éléments d’actifs immobilisés à laquelle la société aurait procédé à compter de la date de l’entrée en vigueur du présent article.

« Ce montant est fixé par décret, sur rapport du ministre chargé de l’économie, et versé par l’État à Aéroports de Paris au plus tard à la date de transfert de propriété des actifs à l’État.

« II. – L’État peut, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’aviation civile, de l’économie et du budget, mettre fin intégralement ou partiellement à la mission confiée à Aéroports de Paris par l’article L. 6323-2 du présent code si, en dehors d’un cas de force majeure, et après mise en demeure restée infructueuse, nonobstant l’application éventuelle des sanctions prévues à son cahier des charges :

« 1° Aéroports de Paris interrompt, de manière durable ou répétée, l’exploitation d’un aérodrome ;

« 2° Aéroports de Paris atteint, à deux reprises sur quatre exercices successifs, le plafond annuel de pénalités prévu à l’article L. 6323-4 ;

« 3° Aéroports de Paris commet tout autre manquement d’une particulière gravité à ses obligations légales et réglementaires ;

« 4° Aéroports de Paris est susceptible de ne plus pouvoir assurer la bonne exécution du service public du fait qu’elle ou son actionnaire de contrôle, au sens de l’article L. 233-3 dudit code de commerce, fait l’objet d’une procédure collective régie par le livre VI du même code ou de toute autre procédure équivalente ;

« 5° Une modification dans le contrôle, au sens de l’article L. 233-3 du même code, d’Aéroports de Paris intervient en méconnaissance des dispositions de son cahier des charges.

« Ces conditions ne sont pas cumulatives.

« Dans ce cas, et nonobstant toute disposition contraire du livre VI du même code, Aéroports de Paris perçoit pour seule indemnité, au titre du transfert consécutif de la propriété des actifs concernés à l’État, un montant forfaitaire et définitif égal à la valeur nette comptable, au sens du premier alinéa du 2° du I du présent article, des actifs concernés par la mesure de fin anticipée, mentionnés au deuxième alinéa du même I ; ce montant est déterminé et versé au plus tard à la date de la fin anticipée prévue au premier alinéa du présent II.

« III. – À la fin normale ou anticipée de l’exploitation, Aéroports de Paris remet à l’État les biens mentionnés au deuxième alinéa du I en bon état d’entretien. Les modalités de cette remise sont précisées par le cahier des charges d’Aéroports de Paris. Celui-ci précise également les modalités selon lesquelles l’État peut décider de ne pas reprendre, en fin d’exploitation normale ou anticipée, tout ou partie des biens qui ne seraient pas nécessaires ou utiles au fonctionnement du service public à cette date. Les biens sont remis libres de toute sûreté autre qu’une sûreté existant à la date d’entrée en vigueur du présent article prévue au II de l’article 50 de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises ou autorisée postérieurement par l’État en application de l’article L. 6323-6 du présent code. »

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant que ne commence le débat sur la privatisation d’Aéroports de Paris, je souhaite vous rappeler quelques données sur cette société qui constitue un actif stratégique unique pour le développement économique et touristique de la Nation et pour sa connectivité avec le reste du monde.

Créé en 1945 sous la forme d’un établissement public industriel et commercial, transformé en société anonyme en 2005, Aéroports de Paris a pour mission d’aménager, d’exploiter et de développer les plateformes franciliennes.

En 2017, les aéroports de Paris–Charles-de-Gaulle et Paris-Orly ont pour la première fois franchi, à eux deux, la barre des 100 millions de passagers accueillis, avec un total de 101,5 millions de passagers.

L’aéroport de Paris–Charles-de-Gaulle est à lui seul le dixième aéroport mondial en termes de trafic passagers et le deuxième aéroport d’Europe. Si l’on ajoute celui de Paris-Orly, le trafic passagers des aéroports gérés par Aéroport de Paris est quasiment aussi élevé que celui de l’aéroport d’Atlanta, premier aéroport du monde.

Les aéroports franciliens constituent la principale frontière de la France, elle-même première destination touristique mondiale, avec plus de 90 millions de visiteurs en 2018, et la voie d’accès privilégiée depuis l’étranger à Paris et à la région d’Île-de-France, première région économique française. En conséquence, la capacité d’Aéroports de Paris à fournir un service public de très haut niveau aux compagnies aériennes du monde entier ainsi qu’à leurs passagers est cruciale pour renforcer l’attractivité de notre pays.

Elle est également très importante pour l’avenir du pavillon français dans la mesure où la compagnie Air France-KLM représente à elle seule, avec ses partenaires, 50 % de l’activité de Paris-Orly et 62 % de celle de Paris–Charles-de-Gaulle, qui constitue son hub – chiffres de 2017.

Les aéroports parisiens ont naturellement un fort impact sur l’économie de la région d’Île-de-France. On estime ainsi que plus de 122 000 personnes travaillent sur les plateformes aéroportuaires franciliennes. Le nombre total d’emplois engendrés par le système aéroportuaire francilien est estimé à plus de 570 000, soit près de 8 % de l’emploi salarié francilien.

Le potentiel de développement de Paris–Charles-de-Gaulle est très important puisque ses quatre pistes pourraient lui permettre d’accueillir à terme entre 140 et 160 millions de passagers par an, ce qui correspondrait à un quasi-doublement de sa fréquentation actuelle.

Il s’agit là d’un atout majeur pour attirer le trafic aérien en correspondance, car plusieurs autres grands aéroports européens font aujourd’hui face à un phénomène de saturation.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est le cas notamment de l’aéroport de Heathrow, à Londres, et de l’aéroport de Francfort.

À l’issue de cette brève présentation, nous pouvons tous nous accorder sur ce point : que la privatisation d’ADP se fasse ou non, l’État devra impérativement être en mesure d’assurer un contrôle étroit sur cette entreprise…

M. Charles Revet. C’est indispensable !

M. Jean-François Husson, rapporteur. … et sur les infrastructures critiques dont elle assure la gestion. Il s’agit là ni plus ni moins d’un enjeu de souveraineté.

Quelques mots sur la situation économique et financière de l’entreprise. (MM. David Assouline et Martial Bourquin manifestent leur impatience.)

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur. Vous avez dépassé votre temps de parole d’une minute et dix-huit secondes !

M. Charles Revet. C’est très important, madame la présidente !

Mme la présidente. Certes, monsieur Revet, mais chacun doit respecter son temps de parole.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Je reprendrai la parole plus tard, madame la présidente. Je vous remercie.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous attendions avec impatience cet article 44 : le voici !

Cette prise de parole s’inscrit à la suite de la question préalable que nous avions déposée. Un certain nombre de nos arguments restent toujours valables, puisque vous ne les avez pas réfutés, monsieur le ministre. Sans compter ceux que développeront un certain nombre de nos collègues.

Je m’en tiendrai à l’un de vos principaux arguments, à savoir ce fonds destiné à financer l’innovation dans le domaine notamment du digital ou des algorithmes. C’est tout à fait valable. Vous attendez de la cession de ces actifs entre 8 et 10 milliards d’euros, chiffre qui n’a pas été réfuté. Il faut prendre en compte l’indemnisation des actionnaires minoritaires, pour 1 à 2 milliards d’euros – chiffre qui n’a jamais été réfuté –, dont Vinci, déjà actionnaire minoritaire à hauteur de 8 %. Il reste donc 6 à 8 milliards d’euros, que nous confierons, si nous adoptons cet article – en tout cas, c’est votre vœu ! – à Bpifrance, qui les placera sur les marchés financiers, à un taux de 2,5 % nous dit-on.

Monsieur le ministre, vous avez répondu à cet argument : aujourd’hui, ADP verse un peu moins de 180 millions d’euros de dividendes et vous attendez de ce fonds qu’il rapporte environ 200 millions d’euros. On sait qu’ADP va connaître une pleine croissance grâce au terminal 4. J’ai ici un article du Monde qui indique que les boutiques de luxe sont en plein essor, que c’est une poule aux œufs d’or, que le panier moyen, sur les trois prochaines années, progressera de plus 10 %. Et vous développez un argument ultime, selon lequel il vaudrait mieux vendre parce qu’on ne sait pas quelle sera la rémunération des dividendes. C’est le sens de la réponse que vous avez faite à M. Dominati, alors que lui vous expliquait que c’est l’État qui fixe aujourd’hui le montant de rémunérations. Vous sous-entendez qu’il serait en vérité plus sûr de placer cet argent sur les marchés financiers.

Alors, j’ai une question, monsieur le ministre : connaissez-vous un produit financier qui, de façon certaine, au cours des soixante-dix prochaines années, pourrait rapporter autant que les dividendes versés aujourd’hui par ADP (M. Roger Karoutchi rit.), indépendamment des krachs financiers et de la chute des courbes ? Franchement, si tel est le cas, je vous confie mon PEL ! (Sourires.) Je voudrais vraiment que vous nous répondiez sur cette question parce que cet argument économique ne tient absolument pas la route. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, après le désastre financier de la privatisation des autoroutes, vous nous proposez aujourd’hui de privatiser des actifs hautement sensibles, des actifs hautement stratégiques.

Après la privatisation ratée de l’aéroport de Toulouse, vous faites un peu plus fort en nous proposant de privatiser ADP, entreprise bien gérée, monopole d’État, rente assurée. Ne devrions-nous pas, sur toutes les travées, de gauche, de droite et du centre, mener une réflexion sur ces privatisations qui ne marchent pas ? Avec en tête une idée essentielle : qu’on fasse des erreurs, c’est une chose – et tout le monde en a fait –, mais qu’on les perpétue, c’en est une autre, c’est autrement plus grave ! On s’apprête, avec cet article, à perpétuer ces erreurs, mais là avec des conséquences incalculables pour trois grandes entreprises françaises.

Il y a quelques instants, M. le rapporteur a abordé la question d’ADP, une entreprise en situation de monopole qui verse des dividendes très importants. Ces mêmes dividendes pourraient, aujourd’hui et demain, entièrement financer le fonds d’innovation.

Puisqu’il s’agit de proposer la privatisation d’un monopole d’État, je vais vous indiquer un chiffre : en 2008, les entreprises du CAC 40 ont versé 43 milliards d’euros à leurs actionnaires ; dix ans plus tard, ces entreprises leur ont distribué 57,4 milliards d’euros ! La question importante pour nous est celle-ci : doit-on donner une entreprise aussi stratégique à des mannes financières ou à des profits purement financiers ?

ADP est un aménageur national et international, c’est la porte de la France sur le monde, de grands projets franciliens vont prendre corps grâce à lui : il faut donc le garder public.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Martial Bourquin. Il est absolument indispensable de garder ce grand monopole d’État. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Alain Fouché applaudit également.)

Mme la présidente. Étant donné le nombre considérable d’orateurs ayant demandé la parole sur cet article, je vous demande à tous, mes chers collègues, de faire preuve de discipline. Si chacun dépasse le temps imparti, ce qui est le cas pour le moment, nous n’allons pas nous en sortir.

La parole est à M. Michel Vaspart, sur l’article.

M. Michel Vaspart. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en ce qui me concerne, je suis résolument opposé à la privatisation d’ADP, comme je l’ai été à celle de la Française des jeux. Ce n’est pas un principe ou un dogme, puisque j’ai soutenu la privatisation d’Engie. Donc, pas de procès d’intention !

Je suis opposé au transfert d’un monopole d’État à un groupe privé. L’expérience catastrophique du transfert des autoroutes n’a fait que me conforter. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Alain Fouché et Dany Wattebled applaudissent également.) Voyez les conclusions de la commission d’enquête du Sénat !

ADP verse à l’État des dividendes, et il est donc étonnant de vendre au privé ce qui rapporte à l’État.

Sur le plan international, avec les ports, ce sont les principales portes d’entrée, c’est notre frontière.

Je ressens également un sentiment de malaise, entre la privatisation d’ADP et l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, qui fut pour le Grand Ouest une faute impardonnable.

En réponse à nos arguments, monsieur le ministre, vous nous dites : « Ce n’est pas à l’état de gérer des hôtels et des boutiques de luxe. » Enfin ! monsieur le ministre, l’État ne gère en rien ni les hôtels ni les boutiques de luxe : il gère les plateformes aéroportuaires.

M. Bruno Le Maire, ministre. Eh non !

M. Michel Vaspart. C’est une clientèle totalement captive, qui fait tourner l’ensemble de la plateforme commerciale, grâce aux investissements de l’État, donc grâce aux investissements des Français.

L’aéroport, c’est un tout, et c’est la raison pour laquelle il faut revoir le principe des deux caisses : cela permettra à ADP de fixer des redevances d’un montant beaucoup plus raisonnable pour nos compagnies aériennes.

Enfin, monsieur le ministre, la semaine dernière, vous nous avez fait un chantage, entre la position du Sénat sur ADP, son travail d’amélioration de la loi, et la mise en place d’un fonds pour l’innovation. Je vous le dis, je l’ai particulièrement mal reçu.

Monsieur le ministre, nous sommes favorables à la création de ce fonds, mais en l’alimentant avec les économies de fonctionnement sur la dépense publique et non en vendant les actifs rentables de l’État. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.

Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la série d’articles qui concernent la privatisation d’Aéroports de Paris. Permettez-moi de vous rappeler un précédent fâcheux, celui de la privatisation de l’aéroport de Toulouse. L’État avait alors vendu 49,99 % du capital de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse à Casil Europe. Région, département, métropole et chambre de commerce et d’industrie locale ne possèdent ensemble que 40 % et l’État 10,01 %.

La présence des collectivités locales au capital n’a pas empêché les dérives. En 2017, ces actionnaires publics locaux ont tenté en vain de s’opposer au groupe chinois et à sa volonté de maximiser le versement des dividendes au détriment des investissements.

Au début de l’année dernière, l’État, fort heureusement, a décidé de conserver le peu de capital qu’il possédait encore et sur lequel le groupe Casil Europe avait pris une option.

Un rapport de la Cour des comptes avait d’ailleurs critiqué en novembre 2018 un acquéreur dont le profil soulève des inquiétudes quant à son manque d’expérience en matière de gestion aéroportuaire, son manque de transparence financière et ses liens avec la puissance publique chinoise.

Finalement, les investisseurs chinois ont récemment décidé de revendre leur participation, mais les craintes de la Cour des comptes demeurent. Cette privatisation reste inaboutie, la situation, ambiguë et instable. Cette revente n’efface pas le risque de voir une entreprise au capital majoritairement public, mais dont le contrôle est assuré par un actionnaire privé.

Est-ce le sort qui attend Aéroports de Paris, entreprise capitale à la fois pour notre économie et pour notre souveraineté nationale ?

Monsieur le ministre, je voudrais vous rappeler les propos que vous avez tenus au Sénat le 8 mars 2018 devant la mission d’information sur l’avenir d’Alstom : « L’État actionnaire doit être présent dans des secteurs stratégiques où notre souveraineté est en jeu. […] Chacun peut comprendre que dans ces secteurs stratégiques, l’État a une place à occuper. Enfin, le rôle de l’État actionnaire, c’est aussi de garder une capacité d’intervention lorsque des déséquilibres sont manifestes et qu’il faut réagir face à des décisions du secteur privé qui seraient injustes ou iniques. »

Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi d’exprimer ma totale incompréhension : entre vos propos que je viens de citer et la volonté du Gouvernement de privatiser ADP, il y a une véritable contradiction. Pourquoi ne considérez-vous pas ADP comme une entreprise stratégique ? Aux États-Unis, la quasi-totalité des aéroports sont publics et il est particulièrement inquiétant que l’État se désengage d’ADP. Céder ce groupe à des intérêts privés serait une vraie perte pour notre économie : en France aussi, la puissance publique doit rester majoritaire dans de telles infrastructures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste – Mme Josiane Costes applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, lorsque j’ai entendu le motif que vous invoquiez pour justifier cette privatisation, à savoir la création de ce fonds pour l’innovation de rupture, sachant que vous estimez avoir besoin de 250 millions d’euros, je me suis dit, au vu de ce que rapporte Aéroports de Paris, qu’il vaudrait peut-être mieux renationaliser totalement le groupe et que l’État reprenne les 49 % de parts manquantes. Cela lui permettrait, à terme, de percevoir beaucoup plus que ces 250 millions d’euros. (M. Roger Karoutchi sourit.)

Permettez-moi cette petite provocation, parce que le motif que vous invoquez ne me paraît ni sérieux ni rationnel. Je vois deux raisons dans cette décision. Premièrement, vous avez besoin d’argent à très court terme compte tenu de votre politique et de vos choix budgétaires et fiscaux et vous êtes donc prêts à vendre des pépites, ce qu’on appelle les bijoux de famille. Deuxièmement, votre raisonnement procède d’un certain dogme libéral, mais il y a là quelque chose que je ne comprends pas – et je m’y entends un peu en économie – : comment un libéral peut-il envisager de privatiser un monopole ? Vous êtes censé être pour une économie de concurrence ; or, sur une plateforme aéroportuaire d’ADP, on ne peut pas construire une seconde piste à côté de celle qui existe pour la confier à la concurrence : cela s’appelle un monopole naturel. Vous allez donc constituer une rente privée, ce qui est le pire du capitalisme de rente, voire de copinage.