Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 352 rectifié bis, 708 rectifié bis et 933.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Delahaye, Laugier, Laurey et Cadic, Mmes Vermeillet et Vullien, MM. Cazabonne et Moga, Mme Guidez, MM. Prince et Maurey, Mmes Vérien, N. Goulet, Perrot et Férat et MM. Louault, Kern, D. Dubois, Médevielle et L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 3122-2 du code du travail, le mot : « neuf » est remplacé par le mot : « sept ».
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Avec cet amendement, nous proposons aussi de supprimer une sur-transposition au sujet de la période de nuit. La directive européenne, ainsi que les pratiques ayant cours en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie, retiennent sept heures, quand le droit français a sur-tranposé en fixant cette période à neuf heures. Nous proposons donc de retenir sept heures, conformément à la directive, sans remettre en cause le caractère exceptionnel du recours au travail de nuit, et en préservant le régime de protection des travailleurs de nuit prévu par le code du travail, ainsi que le principe du recours à un accord collectif pour pouvoir employer un travailleur de nuit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La commission a décidé d’assouplir les conditions de travail en soirée dans les commerces alimentaires. C’est d’ailleurs l’objet de l’article 8 bis. Cet amendement, s’il était adopté, aurait des conséquences beaucoup plus larges, puisqu’il permettrait, pour l’ensemble des activités économiques, de modifier la définition du travail de nuit en droit français.
J’en sollicite le retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Delahaye, l’amendement n° 12 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À l’article L. 3122-3, après les mots : « de discothèque », sont insérés les mots : « et dans les commerces de détail alimentaire » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 3122-4, la référence : « à l’article L. 3122-2 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3122-2 et L. 3122-3 » ;
3° Après l’article L. 3122-15, il est inséré un article L. 3122-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3122-15-1. – Dans les commerces de détail alimentaire, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche détermine les contreparties dont bénéficient les salariés qui travaillent entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit, notamment celles prévues aux 3° à 7° de l’article L. 3122-15. »
Mme la présidente. L’amendement n° 661, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Après avoir passé une heure et demie sur la loi ÉGALIM, revenons au projet de loi PACTE. (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.) Je me réjouis de pouvoir défendre un amendement qui a pu passer sous la mitraille de l’article 45.
Afin de protéger les salariés, le code du travail encadre strictement les possibilités de travailler la nuit. Pour la majorité des salariés, on considère que tout travail entre 21 heures et 7 heures du matin constitue du travail de nuit. Le code précité a prévu une exception : pour certaines catégories de métiers, l’intervalle est restreint, le travail de nuit n’étant pris en compte qu’entre minuit et 5 heures du matin. Cette exception est justifiée par la nécessité, pour certaines professions, de maintenir leur activité pendant la nuit. C’est le cas pour la presse, la radio, la télévision, le spectacle vivant, les discothèques, etc.
L’article 8 bis ajoute à cette liste l’activité des commerces de détail alimentaire. Si nous ouvrons ainsi la porte, demain, beaucoup d’autres catégories seront concernées. Or, en la matière, nous pensons que l’exception ne doit pas devenir la règle. Les exceptions sont déjà limitativement énumérées. À notre sens, nous ne devons pas ouvrir une brèche dans ce dispositif, d’autant que le projet de loi PACTE en ouvre déjà beaucoup d’autres dans le droit du travail, donnant de nombreux droits aux entreprises, au patronat, et peu aux salariés. Nous proposons donc de supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent de supprimer l’article 8 bis, qui permet de sécuriser l’ouverture en soirée de commerces alimentaires de détail, sans remettre en cause la nécessité de mettre en place des contreparties au profit des employés. L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Même avis. J’ajoute juste que des accords en ce sens ont été signés à deux reprises par les organisations syndicales. Il me semble qu’elles-mêmes voient l’intérêt d’une telle disposition.
M. Fabien Gay. Lesquelles ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je soutiens cet amendement. On sous-estime beaucoup les coûts induits par le travail de nuit, le travail de soirée et les horaires décalés. Il est démontré scientifiquement que ces formes de travail nuisent à la santé des salariés. Nous en paierons collectivement les conséquences, au travers des prestations sociales ; ces salariés les paieront individuellement.
M. Roger Karoutchi. Il faudrait supprimer les séances de nuit du Sénat !
Mme la présidente. L’amendement n° 662, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Le code du travail impose le respect d’une série de règles relatives au temps de travail et au repos. Ces règles sont souvent perçues comme des contraintes et des coûts supplémentaires pour les entreprises, alors qu’elles ont un but bien précis : protéger les salariés en leur assurant un droit au repos et en préservant leur santé et leur sécurité.
Pourtant, depuis plusieurs années, les mesures de dérégulation du travail se multiplient. Après la loi Rebsamen, la loi Macron, la loi El Khomri et les ordonnances du 22 septembre 2017, voici le projet de loi PACTE, qui s’inscrit lui aussi dans cette logique de dérégulation. Son article 8 bis porte une nouvelle atteinte aux droits des salariés, en ouvrant la porte au travail de soirée dans les commerces alimentaires.
Pour nous, et pour beaucoup d’autres, le travail de soirée, de nuit et du dimanche nuit à la santé des salariés, à leur vie familiale et à leur vie sociale.
C’est pour ces raisons, que nous défendons depuis toujours, que nous avons déposé le présent amendement. Il vise à réduire de douze à cinq le nombre de dimanches où le repos peut être supprimé. Pour certains, c’est un grand écart, mais nous ne comprenons pas pourquoi la suppression de ce repos devrait être obligatoire pour des commerces de détail alimentaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une réglementation assez restrictive par rapport aux évolutions récentes, qui favorisent l’ouverture des commerces de détail le dimanche, au bénéfice des consommateurs, tout en offrant aux salariés les garanties indispensables.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il est également défavorable. Une évaluation de ce dispositif a été faite par l’Assemblée nationale ; elle dresse un bilan satisfaisant de la mise en œuvre de ces douze jours de dérogation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8 bis.
(L’article 8 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 8 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 41 est présenté par Mme Primas.
L’amendement n° 69 rectifié quater est présenté par Mme Guidez, MM. Delahaye et Vanlerenberghe, Mmes Vullien, Perrot et Férat, MM. Mizzon, Moga, D. Dubois, Lafon et Détraigne, Mme Dindar, MM. Janssens, Dallier, Guerriau, Bonne, Lefèvre et Raison, Mme A.M. Bertrand, M. Rapin, Mme Kauffmann, MM. Laménie, Chasseing et Decool et Mme Renaud-Garabedian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3132-25-5 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° À la première phrase du second alinéa, la référence : « à l’article L. 3132-24 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 ».
La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter l’amendement n° 41.
Mme Sophie Primas. C’est la troisième fois que je présente un amendement identique à celui-ci. Le Sénat a d’ailleurs adopté ma proposition, notamment lors de l’examen de la loi El Khomri. Je recommence, parce que je suis têtue et, surtout, parce qu’il s’agit d’un amendement de bon sens, qui vise à régler une situation quelque peu ubuesque.
Il existe, dans notre pays, des zones touristiques internationales, ou ZTI, dans lesquelles l’ouverture dominicale des commerces est autorisée, dès lors que sont remplies certaines conditions assurant la protection des salariés. Néanmoins, à l’intérieur de ces zones, les commerces alimentaires ne sont pas autorisés à ouvrir après 13 heures le dimanche. Tous les autres magasins sont ouverts, mais les magasins alimentaires ne peuvent pas profiter de l’attractivité de la ZTI le dimanche après-midi. Cela entraîne pour eux un déficit important de chiffre d’affaires.
Cette ouverture peut être acquise, actuellement, par une dérogation, mais c’est extrêmement compliqué : le préfet doit s’en mêler, des enquêtes publiques doivent être menées, des accords conclus.
C’est pourquoi je demande que soit réglée cette situation assez ubuesque.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié quater.
Mme Michèle Vullien. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Le sujet abordé au travers de ces amendements est tout à fait de bon sens ; j’en conviens. Pour ma part, je ne veux pas me prononcer sur le fond, mais simplement faire savoir que nous n’avons pas souhaité rouvrir le débat, assez conflictuel, sur le travail du dimanche.
C’est pourquoi, mes chères collègues, la commission spéciale souhaite le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La question que vous soulevez, mesdames les sénatrices, est bien identifiée et parfaitement légitime.
Comme annoncé lors de l’examen de ce projet de loi par l’Assemblée nationale, où cette question a également été posée, une concertation a été engagée avec les commerçants sur ce sujet spécifique. Vous savez que les approches des commerçants sur ce sujet sont diversifiées ; c’est le moins que l’on puisse dire. La commission de concertation du commerce a été réunie au début du mois. Nous sommes tout à fait disposés à vous associer à ces travaux, dans l’objectif de déboucher sur des mesures concrètes qui seraient introduites dans un prochain projet de loi.
Le Gouvernement demande donc lui aussi le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Comme beaucoup de mes amendements ont été déclarés irrecevables, je défends logiquement ceux de mes collègues ! (Sourires.)
J’ai bien entendu vos réponses, madame la rapporteur, madame la secrétaire d’État, mais allez donc vous promener, le dimanche, dans le quartier des grands magasins à Paris ! Tous les commerces de détail alimentaires y sont fermés l’après-midi. En revanche, si vous vous rendez au sous-sol de l’un de ces grands magasins, ou au septième étage d’un autre, vous y trouverez tous les rayons alimentaires ouverts ! Tel est le résultat des courses : les commerces alimentaires ne peuvent pas vendre, mais vous pouvez acheter tous les produits que vous voulez dans les grandes surfaces !
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est incohérent !
M. Roger Karoutchi. Sincèrement, c’est absurde et incohérent ! Soit on interdit d’acheter des produits alimentaires le dimanche après-midi, auquel cas les grands magasins devraient être fermés, ou du moins fermer ces rayons, soit on le permet, et tout le monde doit alors avoir accès à la concurrence. Sinon, cela n’a pas de sens !
Je voterai donc en faveur de ces amendements. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je veux simplement poser deux questions à Mme la secrétaire d’État : le texte que nous examinons porte-t-il bien sûr la croissance des entreprises ? Vise-t-il bien à leur donner un peu de liberté ?
À chaque fois que nous proposons une mesure tendant à leur offrir un peu de liberté, on nous oppose toujours un refus. Ces amendements n’ont nullement pour objet d’obliger les magasins à ouvrir : il s’agit simplement de leur accorder cette possibilité.
On pourrait comparer cette situation à celle des entreprises productrices de produits phytosanitaires, dont nous avons débattu précédemment. On crée de la concurrence partout : à l’intérieur de l’Union européenne, entre les États membres, mais aussi, à l’intérieur de notre pays, entre les grandes surfaces et les petits commerces, auxquels l’on interdit toujours tout. Où est la liberté d’entreprendre ? (Mme Évelyne Renaud-Garabedian applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne retirerai évidemment pas mon amendement. Nous ne rouvrons pas le débat sur le travail du dimanche : dans les zones visées, il est déjà permis. Il s’agit simplement de mettre à égalité les commerces alimentaires et non alimentaires.
Nombre de brillants chefs d’entreprise entouraient le Président de la République lors du sommet Choose France, il y a une dizaine de jours. Aucun représentant du Sénat n’avait d’ailleurs été invité à cet événement, ce qui est plutôt vexant, quand il s’agit de développement économique. Toujours est-il que certains de ces chefs d’entreprise possèdent des commerces de ce type : ils sont obligés de faire des pieds et des mains pour obtenir des dérogations.
Alors, simplifions les choses ! S’il s’agit bien d’un texte de simplification de la vie des entreprises, allons-y !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je compte parmi les signataires de l’amendement n° 69 rectifié quater. Il s’agit d’amendements identiques de bon sens ! Essayons, tout simplement, de faire preuve de bon sens !
M. René-Paul Savary. C’est dur !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous avions déposé un amendement sur ce sujet, mais il a été jugé irrecevable.
Hier, en ouverture de la discussion générale, M. le ministre de l’économie et des finances déclarait que le présent projet de loi visait à libérer les entreprises. La finalité de cette libération serait la création d’emplois.
Or nous examinons à présent, juste après une mesure portant sur le travail de nuit, des amendements ayant pour objet le travail du dimanche, même si j’entends bien que, selon leurs auteurs, il s’agit non pas d’une extension du travail dominical, mais d’aménagements relatifs à certaines zones.
Cela dit, pouvons-nous évaluer les effets de l’ouverture dominicale des commerces ? Le travail du dimanche et le travail de nuit ont-ils permis la création d’emplois ? Non ! En réalité, ils ont simplement offert des heures supplémentaires à certains salariés. Je n’entends pas porter de jugement : aujourd’hui, comme le travail ne paie pas et qu’il n’y a pas de juste répartition de la richesse produite, un certain nombre de salariés se voient contraints de travailler le dimanche. Quant à d’autres, on le leur impose plus directement : celles et ceux qui connaissent la grande distribution savent bien que les salariés de ce secteur n’ont pas toujours le choix de travailler, ou non, le dimanche.
Pour notre part, nous voulons contribuer à enrichir le présent texte. C’est pourquoi nous avions déposé un amendement visant à libérer les entreprises et à créer des emplois. Il tendait à fixer comme objectif une durée hebdomadaire de travail de 32 heures. Notre ambition est le partage du temps de travail. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Paul Émorine. N’importe quoi !
M. Fabien Gay. À la droite de cet hémicycle, on me renverra en réponse les 35 heures. Eh bien, la dernière fois qu’un grand nombre d’emplois a été créé dans ce pays, c’est quand on a partagé le travail et qu’on est passé de 39 à 35 heures. Les chiffres le démontrent ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Chatillon. Mais non !
M. Fabien Gay. Ce sont 350 000 emplois qui ont été créés, même si vous refusez de l’admettre !
M. Jean-Paul Émorine. Ce n’est pas vrai !
M. Fabien Gay. Vous verrez que ce débat reviendra avec force : il faudra bien continuer de partager le temps de travail et, surtout, de partager la richesse produite par le travail ! Voilà les deux sujets, intimement liés, dont vous refusez aujourd’hui de débattre à l’occasion de l’examen de ce texte de plus de 200 articles, mais qui devraient pourtant animer nos débats. C’est seulement ainsi qu’on pourrait répondre à la question posée, hier, par M. le ministre de l’économie et des finances : comment créer de l’emploi en France ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens ces amendements, qui visent à permettre l’ouverture dominicale de ces commerces, et non à l’imposer. Il s’agit non pas d’obliger, mais d’offrir un peu de souplesse. Roger Karoutchi l’a très bien dit : le système actuel distord complètement la concurrence et est absolument incohérent. Il est grand temps d’apporter un peu de souplesse et de dynamisme à ces commerces, en particulier le dimanche. Je n’avais pas eu l’occasion de signer l’amendement n° 69 rectifié quater ; c’est pourquoi je tenais à lui apporter mon soutien en séance.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je soutiens bien évidemment ces amendements. À entendre les propos de M. Karoutchi, il me semble, madame la secrétaire d’État, que nous venons au secours du Gouvernement ! (Sourires.) Nous pouvons en effet démontrer que vous n’êtes pas la proie des lobbies des propriétaires de grands magasins, si vous autorisez les commerces alimentaires voisins à ouvrir ! Je vous incite donc à octroyer à ces amendements, à tout le moins, un avis de sagesse. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je n’avais pas compris que M. Karoutchi soutenait le Gouvernement. (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Mais si !
M. Richard Yung. Peut-être avais-je mal compris !
M. Roger Karoutchi. Oui ! Je m’étonne d’ailleurs de ne pas recevoir de sa part plus d’avis favorables !
M. Richard Yung. Alors, je vous présente mes excuses ! En revanche, monsieur Karoutchi, je ne suis pas tout à fait convaincu par votre argument. Certes, on peut se promener boulevard Haussmann le dimanche après-midi. Mais je peux vous assurer que, même à 500 mètres de ce boulevard, il n’y a pas de commerce alimentaire ouvert, sauf exception.
M. Roger Karoutchi. Il n’y a pas de grands magasins non plus.
M. Richard Yung. Dans ma région, hormis quelques boulangeries-pâtisseries, on ne trouve pas plus de commerces alimentaires ouverts le dimanche après-midi. Il n’y a pas de raison de s’aligner sur les Galeries Lafayette et le Printemps !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis tout à fait favorable à ces amendements ; j’ai d’ailleurs signé celui qu’a déposé Mme Guidez.
Il faut certainement essayer de donner de l’oxygène aux entreprises. Je ne reviens pas sur les 35 heures : elles ont entraîné des faillites d’entreprises et créé beaucoup de problèmes dans l’économie française. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Désormais, c’est par les entreprises qu’on développera notre pays. Il faut donc tout faire pour les aider à croître. Je rappelle enfin que les personnes qui travaillent le dimanche après-midi sont volontaires. (Rires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Fabien Gay. Ben voyons !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il me semble, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne devons pas être en contact avec les mêmes commerçants. Je peux vous assurer que bien des petits commerçants alimentaires refusent obstinément cette mesure. En effet, si une ZTI représente la possibilité d’une ouverture dominicale, cette ouverture ne peut se faire que dans les conditions de rémunération attachées à cette ZTI, lesquelles sont beaucoup plus exigeantes qu’ailleurs. Voilà ce qui remonte des territoires, quand on est en contact avec les commerçants.
M. Jean-Paul Émorine. Ce n’est pas libéral du tout !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. C’est même une mesure qui est extrêmement rejetée par les petits commerçants de bouche.
Mme Sophie Primas. Mais non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Par ailleurs, permettez-moi de vous rappeler que le boulevard Haussmann est bien une ZTI. Les commerçants alimentaires peuvent donc y ouvrir le dimanche.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas vrai ! Ils ne peuvent pas ouvrir l’après-midi !
M. Roger Karoutchi. Il faut une dérogation municipale !
Mme Sophie Primas. Sur dérogation !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je crains, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne parlions pas de la même chose. Ils peuvent ouvrir le dimanche après-midi s’ils en font la demande.
M. Jean-Paul Émorine. Donnons de la liberté aux entreprises !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Donner cette liberté, ce serait aller contre les intérêts des petits commerçants que vous affirmez défendre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Alors, je ne soutiens plus le Gouvernement ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 69 rectifié quater.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 bis.
L’amendement n° 385 rectifié sexies, présenté par M. Lafon, Mme N. Goulet, MM. Henno, Mizzon, Laugier et Guerriau, Mmes Saint-Pé et Vermeillet, M. Détraigne, Mme Loisier, MM. Fouché, L. Hervé et Chasseing, Mmes Joissains, Sollogoub, Vullien et Gatel, MM. Vanlerenberghe, Capo-Canellas et Longeot, Mme Morin-Desailly, MM. Médevielle, Luche, Kern et A. Marc, Mme Létard et MM. Delcros et D. Dubois, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 3132-29 du code du travail est complétée par les mots : « , après avis conforme du maire ».
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Par cet amendement, nous entendons rendre un hommage au symbole français que nous avons honoré aujourd’hui : la baguette. Je vous invite d’ailleurs, mes chers collègues, à signer la pétition visant à la faire inscrire par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Cette séquence publicitaire achevée, j’en viens, plus sérieusement, à cet amendement, qui procède quelque peu du même esprit.
À l’heure actuelle, dans les centres-villes de certains territoires, des boulangers artisanaux se trouvent sous les fourches caudines de l’inspection du travail parce qu’ils ouvrent sept jours sur sept, y compris donc le dimanche. Ils sont poursuivis alors même que, dans les territoires ruraux, les boulangeries réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaires le samedi et le dimanche, quand les résidents de ces communes viennent faire leurs achats.
Sans remettre en cause le dispositif d’ouverture des commerces, nous proposons, par cet amendement, de soumettre l’arrêté de fermeture à l’avis conforme du maire.
Il faut quand même qu’on nous explique comment il se fait que ces boulangeries, qui n’ont pas le droit d’ouvrir le septième jour, c’est-à-dire le dimanche, soient remplacées par des distributeurs automatiques, qui ont tout de même été remplis par un être humain qui a bien travaillé et manipulé du pain !