M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. Si, si !
Par ailleurs, ce faisant, nous vous avons donné toute latitude pour faire en sorte que la compétitivité de nos entreprises ne soit pas bridée.
Enfin, et ce point a été évoqué par nos collègues de la façade Atlantique, nous devrons travailler sur le mécanisme pour l’interconnexion en Europe. La dernière proposition émise par la Commission européenne le 1er août dernier est littéralement inacceptable. Le Brexit a totalement changé la donne. C’est la raison pour laquelle, là encore, la commission des affaires européennes a créé un groupe de suivi composé de trois de nos collègues pour faire des propositions.
Nous aurons l’occasion de nous revoir, parce que le groupe de suivi du Sénat a vocation à surveiller ce qui va se passer pour l’ensemble de ces textes. Encore une fois, nous voudrions ici adresser un message à Bercy et à ses services, afin qu’ils soient, à l’instar de ce qui se passe aux Pays-Bas, extrêmement réactifs, attentifs et aux côtés des entreprises françaises.
M. le président. Mes chers collègues, je vais suspendre la séance ; elle sera reprise à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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Suppression de surtranspositions de directives européennes
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français (projet n° 10, texte de la commission n° 97, rapport n° 96).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur Cadic, madame la rapporteur de Cidrac, le Président de la République a fixé au Gouvernement l’objectif d’accentuer les efforts de simplification administrative et de maîtrise de la production normative afin de réduire les effets pénalisants pour la compétitivité des entreprises, pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat et pour l’efficacité des services publics.
Le Premier ministre s’est emparé de ce sujet dès le mois de juillet 2017 et a tenu, dès le début, à inclure dans ce champ de réflexion la façon dont nous transposons les directives européennes en droit français.
Le présent projet de loi s’inscrit pleinement dans une démarche de simplification, au service des citoyens et des entreprises. Mais je souligne ici, comme je l’ai fait devant votre commission, que la simplification que nous recherchons est entendue du point de vue du bénéficiaire final : si simplifier passe le plus souvent par la suppression de normes inutiles, cela nécessite parfois de compléter le droit existant à la condition que ces « ajouts » permettent d’alléger les contraintes pesant sur les entreprises, sur les personnes et sur les services publics.
Je sais que cet objectif général est amplement partagé par le Parlement, qui a publié deux rapports sur ce sujet au cours de cette dernière année. Je songe notamment au rapport d’information du président René Danesi, au nom de la commission des affaires européennes et de la délégation aux entreprises, et dont je tiens à saluer, devant cet hémicycle, le travail, qui est appelé à être poursuivi.
Ces rapports – et celui du sénateur Danesi en particulier – ont largement inspiré la philosophie générale de ce projet de loi.
Plus largement, je connais la vigilance du Sénat sur la question des surtranspositions, question sur laquelle votre commission des affaires européennes veille désormais avec un soin tout particulier.
À ce titre, et afin de saluer cet engagement, il me paraissait légitime que l’examen de ce projet de loi débute devant votre Haute Assemblée, ce dont je me réjouis.
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Je voudrais maintenant en venir à la méthodologie que nous avons adoptée. La circulaire du Premier ministre du 26 juillet 2017 a posé deux règles s’agissant des transpositions de directive.
Premièrement, l’arrêt de toute nouvelle surtransposition qui ne serait pas justifiée, c’est-à-dire qui ne refléterait pas un choix politique assumé. Une procédure spécifique, pilotée par Matignon, a été mise en place et une évaluation du stock de surtranspositions existantes a été lancée afin de corriger celles qui devaient l’être.
Cette démarche n’est pas inédite en Europe, puisque d’autres États membres nous ont précédés dans la lutte contre les surtranspositions.
C’est le cas du Royaume-Uni – nous en parlions, pour d’autres raisons, cet après-midi lors de l’examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne – qui a adopté en 2013 un guide de transposition intitulé Comment transposer efficacement les directives européennes, lequel prévoit que toute transposition est effectuée avec le souci de minimiser les charges et de ne pas créer de désavantage au détriment des entreprises britanniques.
C’est également le cas de l’Allemagne, où le Conseil fédéral de contrôle des normes rend un avis sur l’existence de risque de surtransposition dans chaque projet de texte.
Le Gouvernement a souhaité à dessein retenir une acception large de la surtransposition, notamment afin d’établir un inventaire aussi complet que possible des normes et formalités administratives susceptibles de créer des écarts normatifs désavantageux pour les entreprises et les citoyens français.
Dès lors, nous avons considéré qu’était constitutive d’une surtransposition toute mesure nationale de transposition instaurant une exigence plus contraignante que celle qui résulte de l’application d’une directive, que cette règle plus contraignante soit ou non permise, voire prévue par la directive.
Le Gouvernement a également considéré que le fait de ne pas utiliser des possibilités de dérogation ou d’exonération ou encore de mettre ou non en œuvre des options ouvertes par la directive pouvait constituer une surtransposition à partir du moment où cela conduisait, là encore, à soumettre les entreprises et les citoyens à des normes plus contraignantes en France que ce que le droit de l’Union européenne impose strictement.
Cette acception large de la notion de « surtransposition » est assumée, car elle est la seule qui permette de dresser l’inventaire de tous les écarts normatifs susceptibles de pénaliser la compétitivité et l’attractivité de la France par rapport aux autres États membres.
Je veux cependant souligner que, chaque fois qu’une surtransposition faisait l’objet d’un réel choix politique, en particulier lorsqu’elle avait pour objectif de fixer des standards internes plus ambitieux que les règles résultant du droit de l’Union européenne – par exemple en raison de priorités nationales en matière d’environnement, de sécurité ou encore de protection sanitaire ou sociale –, le choix a été fait de la maintenir.
Je souhaite bien faire comprendre les intentions du Gouvernement à travers ce texte : il ne s’agit nullement de renier de façon systématique la faculté des États membres d’user des marges de manœuvre offertes par une directive. Il s’agit même de la raison d’être des directives. S’il est important de supprimer les écarts qui sont pénalisants, il est tout aussi important de savoir jouer de ces marges de manœuvre pour atteindre des objectifs nationaux bien définis.
Le Gouvernement a également tenu compte des négociations en cours sur certains projets de directives.
Lorsqu’il était plausible que le standard européen à venir s’aligne sur le standard français plus contraignant ou plus ambitieux, la surtransposition a aussi été maintenue.
Ce choix s’inscrit avec cohérence dans notre démarche d’influence auprès des institutions européennes : faire valoir, lors de l’élaboration de nouveaux textes européens, les mécanismes et standards existant en droit national que le Gouvernement considère comme étant des modèles de référence et dont il souhaiterait que le législateur européen s’inspire.
Sur ces bases, un travail inédit d’identification et d’analyse de l’opportunité de l’ensemble des mesures nationales de transposition des directives européennes a été réalisé par une mission de six inspections.
Cette mission a consulté très largement les entreprises, les fédérations professionnelles, les associations d’élus locaux et les partenaires sociaux. Ce travail s’est concentré sur les mesures touchant directement les citoyens et les entreprises. Il devra très vraisemblablement être poursuivi, comme je comprends que le souhaite, très légitimement, le Sénat.
À l’issue de cet inventaire, 132 mesures législatives allant au-delà des exigences prescrites par les directives qu’elles transposent ont été identifiées.
Le Gouvernement a ensuite analysé l’ensemble des écarts constatés en vue de distinguer trois catégories de surtranspositions.
Dans certains cas, le Gouvernement a estimé que les mesures identifiées ne constituaient pas de vraies surtranspositions, à la lumière des critères retenus : soit parce qu’il s’agissait de normes françaises intervenant sur un point ne relevant pas du champ de la directive visée ; soit parce que le droit français n’était, en réalité, pas plus contraignant que le droit de l’Union.
Dans d’autres cas, il a été jugé préférable de maintenir une surtransposition afin d’atteindre, au plan national, des objectifs plus ambitieux que ceux qui sont fixés à l’échelle européenne dans le domaine concerné.
C’est souvent le cas dans le secteur de la santé : l’obligation de recourir à un « paquet neutre » pour les cigarettes va, par exemple, au-delà de ce que prévoit la directive sur la commercialisation du tabac.
C’est aussi le cas en matière environnementale : la France a ainsi interdit l’exploitation d’hydrocarbures et fixé des objectifs de recyclage plus ambitieux que ne le fait le droit de l’Union dans le cadre de la feuille de route sur l’économie circulaire.
Dans le domaine social, on peut encore citer le cas de la durée du congé maternité – 16 semaines en France contre 14 semaines minimum dans la directive.
Enfin, dans le domaine de la protection du consommateur, la France n’a pas supprimé le délai de rétractation de huit jours pour les crédits, comme le permettait la directive.
La dernière catégorie de surtranspositions concerne les mesures ayant permis d’élaborer ce projet de loi. Elle rassemble, comme je l’indiquais, les surtranspositions jugées injustifiées et/ou pénalisantes.
Le Gouvernement propose dans ce cas de les supprimer ou d’activer des possibilités de dérogation qui n’avaient pas été retenues lors de la transposition.
Toutes les surtranspositions injustifiées ne seront pas supprimées par le présent projet de loi. Certaines le seront dans le cadre de transpositions à venir de nouvelles directives.
Plusieurs mesures doivent être prises dans le cadre d’autres projets de loi, notamment le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, ou projet de loi PACTE, ou le projet de loi issu des États généraux de l’alimentation.
Une centaine de surtranspositions, enfin, relèvent du niveau réglementaire. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à votre commission spéciale, le Gouvernement va entamer un travail sur ce point dans les prochains mois.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’entrerai pas plus loin dans le détail des quelque trente mesures du projet de loi relevant de pas moins de neuf domaines distincts que je cite dans l’ordre : droit de la consommation, droit des sociétés, services financiers, commande publique, communications électroniques, environnement, transports, agriculture et culture. Je confie ce soin à vos rapporteurs qui en connaissent parfaitement le contenu et la portée : M. le sénateur Cadic pour le chapitre Ier du projet de loi et Mme la sénatrice de Cidrac pour le chapitre II, ainsi que pour les chapitres III et IV, sachant que nous avons déjà examiné ces deux derniers dans le cadre de la procédure de législation en commission souhaitée par le Sénat.
À cette occasion, je tiens à saluer devant vous la très grande qualité de leurs travaux et de leur rapport, ainsi que la justesse de leurs amendements, dont plusieurs sont venus fort opportunément enrichir le texte du Gouvernement. Qu’ils en soient remerciés ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Mme Josiane Costes et M. Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Cadic, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi visant à supprimer des surtranspositions de directives européennes en droit français.
Ces surtranspositions nuisent à la compétitivité de nos entreprises. Elles engendrent de manière très directe des coûts et des contraintes supplémentaires pour les entreprises françaises.
À l’heure où nous parlons de restaurer la compétitivité de notre industrie et de la place financière de Paris, de faciliter le financement des entreprises et d’encourager la consommation, il est absolument crucial de supprimer les obstacles que nous imposons à nos propres entreprises. C’est dans cet objectif que nous avons abordé, avec ma collègue rapporteur Marta de Cidrac et avec les membres de la commission spéciale, l’examen de ce projet de loi.
Tout d’abord, y a-t-il surtransposition ? Cette contrainte est-elle justifiée par un impératif qui ne peut être atteint par d’autres moyens ? Lorsque cela n’est pas le cas, il y a lieu d’aligner notre droit français avec le cadre européen, plus favorable au développement économique de nos entreprises.
Certaines de ces contraintes sont le résultat d’une transposition erronée, mais d’autres proviennent de l’empilement des normes françaises et européennes. D’autres encore sont le fait même du Parlement, qui a parfois fait des choix politiques sans prendre la mesure du profond ajustement qu’elles exigent de la part des entreprises françaises.
Le chapitre Ier du projet de loi identifie treize surtranspositions dans les domaines du droit des sociétés, du droit de la consommation et dans le secteur financier.
La commission spéciale a souhaité engager une démarche de dialogue constructif avec le Gouvernement – je vous remercie, madame la ministre, de l’avoir souligné.
Elle a ainsi approuvé les mesures de réduction de contraintes formelles pesant sur la publicité en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier – articles 1er et 2 –, la suppression des obligations des syndics en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme – article 7 –, la suppression de l’obligation de consultation des actionnaires d’établissements bancaires ou financiers sur la rémunération globale des preneurs de risque – article 8 –, ainsi que la suppression de l’obligation de déclaration des opérateurs de télécommunications électroniques auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – article 12.
Outre l’adoption d’amendements rédactionnels et de coordination juridique, la commission spéciale a également enrichi le texte de nouvelles mesures.
Elle a ainsi supprimé l’obligation de vérification triennale de solvabilité s’imposant aux prêteurs de crédit renouvelable à la consommation, exigence redondante et non prévue par le droit européen – article 1er bis.
À l’article 5, elle a relevé les seuils de définition de la catégorie des petites entreprises au niveau maximal autorisé par la directive européenne, levant une autre option prévue par la directive dite « comptable ».
Elle a également étendu aux micro-entreprises et aux petites entreprises soumises au contrôle légal des comptes, ou qui s’y soumettraient volontairement, le bénéfice des modalités de publication allégée du rapport des commissaires aux comptes. Le projet de loi ne le prévoyait que pour les moyennes entreprises, introduisant de ce fait une distorsion injustifiée entre ces différentes catégories d’entreprises.
Plusieurs articles ont également été examinés selon la procédure de législation en commission. C’est le cas de l’article 4 portant simplification des modalités de fusion et d’absorption des sociétés anonymes, dont les modalités ont été précisées par la commission spéciale afin d’assurer leur conformité au droit de l’Union européenne.
C’est également le cas de l’article 10 qui allège les obligations déclaratives auxquelles sont soumis les commerçants et producteurs utilisateurs d’alcools dénaturés, adopté conforme par votre commission et de l’article 13 qui supprime l’obligation de compatibilité des équipements radioélectriques avec la norme IPv6.
Je conclurai en vous disant, madame la ministre, mes chers collègues, que nous regrettons le caractère trop parcellaire du texte. En effet, son champ très restreint et les mesures parfois cosmétiques – comme sur le droit de la consommation – qu’il prévoit ne nous ont pas permis de réellement réduire le stock de surtranspositions.
Parmi les 132 surtranspositions identifiées par le rapport inter-inspections remis au Gouvernement et les 75 propositions du rapport de notre président René Danesi, les vingt-sept mesures que nous examinerons ce soir nous paraissent utiles, certes, mais bien limitées.
À titre d’exemple, le texte ne comprenait aucune mesure sociale, alors même que le droit français regorge de surtranspositions dans ce domaine.
Nous n’avons pas pu compléter le texte autant que nous l’aurions voulu, puisque nous avons scrupuleusement respecté les règles de recevabilité. Pourtant, plusieurs d’entre vous, en particulier Philippe Dominati et Daniel Dubois, avaient proposé des amendements utiles, notamment sur le travail de nuit qui représente un problème très concret pour nos entreprises.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.
M. Olivier Cadic, rapporteur. J’aurais volontiers souscrit à une telle démarche si le champ du texte l’avait permis.
Je ne saurai donc conclure sans vous demander, madame la ministre, de poursuivre cette démarche dans laquelle nous nous sommes engagés avec vous. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Marta de Cidrac, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici ce soir pour examiner un projet de loi de suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français.
Si de nombreux membres de notre commission spéciale partagent un sentiment de déception quant à la modestie du champ couvert par ce texte au regard de l’important travail d’identification réalisé au préalable, nous devons tout de même nous féliciter du fait que ce sujet avance.
En effet, quelques mois après le rapport d’information de notre président René Danesi, publié en juin dernier, et le travail inter-inspections mené par le Gouvernement, nous avons l’occasion d’examiner des mesures concrètes de suppression de surtranspositions.
En tant que corapporteur de ce projet de loi, je me suis fixé deux principes de travail : vérifier si les articles concernés relevaient bien de la « surtransposition » de directives européennes et veiller à la cohérence des mesures proposées avec les ambitions affichées. En effet, certains articles semblent davantage relever de choix politiques qui ne disent pas leur nom que de « dé-surtranspositions » purement techniques.
Si je ne suis pas forcément opposée sur le fond à ces mesures, je considère néanmoins qu’il n’est pas honnête de les présenter pour autre chose que ce qu’elles sont. Le Parlement doit en effet être le lieu par excellence d’un débat éclairé sur les enjeux, les objectifs et les impacts de la loi.
À cet égard, j’attire votre attention, madame la ministre, sur l’étude d’impact parfois très lacunaire quant aux enjeux réels de certaines des mesures proposées.
Au-delà de ce double principe, je me suis astreinte à la plus grande vigilance en ce qui concerne la préservation d’un équilibre entre allégement des contraintes inutiles et maintien de garde-fous indispensables en matière de protection de l’environnement et de la santé humaine.
C’est dans cet état d’esprit que j’en viens maintenant à la présentation rapide des travaux de notre commission spéciale sur les articles 14 à 23 du projet de loi qui portent sur l’environnement, l’eau et le transport ferroviaire.
Les articles 24 à 27 relatifs à l’agriculture et à la culture ont fait l’objet d’une procédure de législation en commission et ne seront donc pas examinés aujourd’hui en séance publique. Aussi, je n’y reviendrai pas.
Sur les deux articles relatifs à la gestion des déchets, notre commission spéciale a procédé à deux modifications : l’une de forme et l’autre de fond.
Elle a adopté un amendement rédactionnel à l’article 14 qui vise à exclure les sous-produits animaux et les carcasses d’animaux morts, ainsi que les explosifs déclassés de la réglementation relative aux déchets, comme le prévoit la directive européenne du 19 novembre 2008.
Elle a en revanche modifié sur le fond l’article 15, qui prévoyait de supprimer la condition d’être traité dans une installation classée pour la protection de l’environnement ou au titre de la loi sur l’eau pour qu’un déchet puisse cesser d’être un déchet.
La commission a en effet souhaité conserver l’ambition affichée par le Gouvernement de permettre à davantage d’entreprises de profiter de la procédure de sortie du statut de déchet, comme les entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, qui en sont aujourd’hui exclues de manière injustifiée.
En revanche, elle a également souhaité se prémunir contre de potentiels risques pour l’environnement et la santé, notamment dans le cas des déchets dangereux envoyés dans des installations de fabrication de produits – celles-ci ne sont pas forcément classées – en substitution de matières vierges.
La commission spéciale a donc maintenu le principe d’un traitement au sein d’une installation classée pour pouvoir sortir du statut de déchet, tout en l’assouplissant.
Ainsi, par dérogation, des installations non classées pourront mettre en œuvre une procédure de sortie du statut de déchet pour certains types de déchets non dangereux, dans des conditions fixées par décret.
L’article 16, qui ajoute une nouvelle dérogation à l’interdiction de chasser les oiseaux migrateurs pendant leur migration, a soulevé des débats au sein de la commission spéciale, laquelle n’a cependant pas adopté l’amendement de suppression qui avait été déposé. À cet égard, j’ai eu l’occasion d’exprimer mes réserves sur la présence de cet article au sein de ce texte, ainsi que sur sa plus-value. La commission a souhaité que le débat puisse avoir lieu en séance publique.
Les deux articles de la section Eau, qui suppriment des surtranspositions injustifiées, n’ont pas été modifiés par la commission spéciale.
Enfin, les articles 19 à 23, relatifs aux transports ferroviaires, complètent la transposition de la directive de 2012 établissant un espace unique européen.
Cette directive, qui constitue le socle de la régulation, vise à assurer, notamment par un certain nombre de règles relatives à la gestion de l’infrastructure, l’accès de toutes les entreprises ferroviaires au réseau dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires. Elle autorise les États membres à exclure certaines portions du réseau ou certaines entreprises de l’application de ces règles.
Toutefois, lorsque nous l’avons transposée en droit national, nous n’avons pas toujours été au bout des possibilités offertes en ce sens. Les articles 19 à 23 vont plus loin en permettant d’alléger les contraintes pesant sur les acteurs ferroviaires. La commission spéciale n’a adopté que des amendements rédactionnels ou de cohérence juridique.
Voilà, en quelques mots, les modifications auxquelles notre commission spéciale a procédé en matière de développement durable.
Je ne saurai toutefois conclure sans vous demander, madame la ministre, si d’autres projets de loi de cette nature sont envisagés pour poursuivre le travail de traitement du « stock » de surtranspositions et si des mesures réglementaires seront rapidement prises en ce qui concerne les surtranspositions ne relevant pas du domaine de la loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi entend lutter contre les surtranspositions de directives européennes, en supprimant un grand nombre de cas, dans des domaines variés.
Cette initiative est louable tant le problème de surtransposition est bien identifié. Certains de nos voisins européens – l’Allemagne, la Suède ou l’Italie – ont adopté le principe d’interdiction de toute surtransposition n’intervenant pas pour protéger les intérêts du pays d’un préjudice causé par la transposition à l’identique d’une norme européenne.
D’une part, ce phénomène est révélateur d’une apparente déconnexion entre la phase de négociations européennes et celle de transposition en droit national. D’autre part, il semble mettre en évidence un certain nombre d’insuffisances dans les études d’impact menées par nos institutions.
Aussi le présent projet de loi répond-il, de façon non exhaustive, à l’un des symptômes de l’inflation normative, pénalisante pour notre économie et pour le fonctionnement de nos institutions.
Dans un monde globalisé, le droit est un des éléments de notre compétitivité nationale. Les situations de surtransposition, lorsqu’elles ne sont pas justifiées par des raisons de sécurité ou de justices sociale ou environnementale, créent une force d’inertie dans le fonctionnement de notre économie et peuvent engendrer des distorsions de concurrence au sein du marché européen.
Il nous faut donc alléger, autant que faire se peut, le fardeau normatif, tout en préservant notre autonomie politique. Il ne s’agit pas d’appliquer le droit européen à la lettre, sans l’adapter, de façon pragmatique, aux réalités locales.
Nous nous devons également de veiller à limiter les situations dans lesquelles le droit européen entre en contradiction avec la volonté de nos concitoyens et entrave leurs libertés. Aussi la volonté de nombreux élus de favoriser les circuits alimentaires de proximité dans la restauration collective se heurte-t-elle avec les règles d’attribution des marchés publics issues du droit européen.
Par ailleurs, dans des situations où le droit européen serait moins protecteur que le droit national, il paraît essentiel de préserver notre liberté politique, notamment en matière de sécurité sanitaire.
Le principe de subsidiarité et l’adaptabilité du droit européen au droit national sont les premiers remparts contre l’euroscepticisme. La préservation de ces principes est une condition sine qua non de l’acceptabilité sociale de l’Union européenne.
En effet, dans bien des cas, la surtransposition d’une directive peut relever d’un choix politique conscient. Lorsque la France n’a pas su faire prévaloir ses intérêts au cours de négociations européennes, le temps de la transposition des directives est un des derniers leviers d’action dont nous disposons pour préserver nos intérêts.
À ce titre, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis consultatif, l’étude d’impact du présent texte ne nous permet pas de comprendre pleinement la logique des surtranspositions que nous souhaitons supprimer aujourd’hui ni leur impact, positif ou négatif, pour les contribuables, les entreprises ou les pouvoirs publics.
C’est bien là le seul bémol que nous pourrions apporter à ce texte. Si le groupe Les Indépendants le soutient, il appelle également de ses vœux une réponse plus systémique aux situations de surtranspositions du droit européen. Au cours des années à venir, il nous paraît essentiel de renforcer la stratégie d’influence de la France au sein des institutions européennes, notamment lors des négociations, en amont de l’adoption des textes. Plus la France sera présente et active au sein des institutions européennes, moins les directives transposées seront éloignées des intérêts nationaux et des réalités locales. Il y va de l’intérêt de la France et de l’Union européenne, car, pour reprendre les propos du général de Gaulle, « on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités ». (Applaudissements au banc des commissions. – MM. André Gattolin, Jean-Claude Requier et Vincent Segouin, ainsi que Mme Josiane Costes applaudissent également.)