M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 4 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 415 du code des douanes, les mots : « deux à » sont supprimés.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à sécuriser le délit douanier de blanchiment à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité.
La Cour de cassation a en effet saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité le 19 juin 2018. Il s’agissait de faire éventuellement censurer la sanction du délit douanier de blanchiment prévue à l’article 415 du code des douanes.
En effet, ce texte, comme il était d’usage précédemment, vise à établir une sorte d’échelle des peines, en lieu et place d’une fixation précise de la peine encourue à raison de l’incrimination.
Depuis de nombreuses années, cette manière de légiférer en droit répressif a été abandonnée pour mettre notre droit en conformité avec le principe de nécessité des peines et de liberté du juge à fixer celles-ci.
Afin d’éviter une censure potentiellement préjudiciable à la lutte contre la criminalité organisée et la finance criminelle, notamment à vocation terroriste ou à des fins d’évasion fiscale, nous proposons de mettre le code des douanes en conformité avec les principes actuels en supprimant les seuls mots « deux à », ce qui revient à prévoir que le délit douanier de blanchiment est puni de dix ans d’emprisonnement. Cela ne changera rien au droit positif et aux sanctions encourues.
Au bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Si on devait aujourd’hui adopter l’article 415 du code des douanes, on ne le ferait pas en cette forme. On écrirait : « Seront punis d’un emprisonnement de dix ans… », ce qui signifie toujours de dix ans au maximum.
En application du principe de l’individualisation des peines, le juge peut fixer une peine allant de deux ans à dix ans de prison, mais on ne retiendrait pas aujourd’hui la rédaction « de deux à dix ans ».
C’est la raison pour laquelle une QPC a été transmise le 19 juin 2018 par la Cour de cassation. Il nous avait semblé utile d’attendre cette QPC, mais peut-être le Gouvernement est-il en mesure de nous apporter la précision ; c’est une matière technique : concrètement, un blanchiment douanier peut-il être réprimé d’un an de prison ? Ou la peine encourue doit-elle être comprise entre deux et dix ans d’emprisonnement, conformément à la rédaction actuelle du texte ? Telle est la question qui se pose.
M. Michel Savin. Très bonne question !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Nous n’avons pas disposé du temps nécessaire pour procéder à une expertise suffisante afin de pouvoir donner un avis définitif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 21 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 16, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du III de l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette information est également transmise, pour les entreprises concernées, à l’Agence des participations de l’État. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. C’est l’expérience récente de l’Agence des participations de l’État et du groupe Engie qui nous a inspiré cet amendement.
La Commission européenne juge illégaux les avantages fiscaux accordés au groupe énergétique français. L’addition totale devrait atteindre 300 millions d’euros à terme. Engie et le Luxembourg contestent.
La sanction était attendue depuis l’ouverture d’une enquête à la fin de 2016 contre les pratiques fiscales d’Engie au Luxembourg. Elle a fini par tomber mercredi, en plein rendez-vous – ironie de l’histoire – entre le Premier ministre français Édouard Philippe et le président luxembourgeois de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, a conclu que le Luxembourg devra récupérer 120 millions d’euros d’avantages fiscaux indus accordés depuis 2008 et 2010 à Engie, détenu à 24,1 % par l’État français.
C’est fort de cette expérience et de cette mésaventure que nous vous soumettons cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cet amendement paraît satisfait par le droit existant. Aujourd’hui, l’Agence des participations de l’État est un actionnaire. En tant que tel, l’Agence a droit à toutes les informations que tout actionnaire peut obtenir, y compris, concrètement, à la documentation relative au prix de transfert.
L’avis est donc défavorable
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – Le II de la section II du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales est complété par des articles L. 135 ZJ et L. 135 ZK ainsi rédigés :
« Art. L. 135 ZJ. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions, les assistants spécialisés détachés ou mis à disposition par l’administration fiscale en application de l’article 706 du code de procédure pénale disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application des articles 1649 A et 1649 ter du code général des impôts, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B du présent livre.
« Art. L. 135 ZK. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement portant sur les infractions prévues à l’article L. 8211-1 du code du travail, les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du même code, les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale, et ceux mentionnés à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application des articles 1649 A et 1649 ter du code général des impôts, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B du présent livre. »
I bis (nouveau). – Après l’article L. 83 A du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 83 A bis ainsi rédigé :
« Art. L. 83 A bis (nouveau). – Pour les besoins de l’application des deuxième à dernier alinéas du 2° du I de l’article 262 du code général des impôts, les agents de la direction générale des douanes et droits indirects disposent d’un droit d’accès direct aux informations détenues par la direction générale des finances publiques permettant de déterminer si les conditions prévues au a. du 2° du I de l’article 262 précité. »
II. – À l’article 59 octies du code des douanes, les mots : « et de contrôle des substances et produits chimiques, » sont remplacés par les mots : « , de contrôle des substances et produits chimiques et de lutte contre la fraude fiscale ».
III. – Après le 5° de l’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du code du travail, les officiers et agents de police judiciaire, dans la limite de leurs compétences respectives, pour la recherche et la constatation des infractions prévues aux articles L. 8211-1 du même code et à l’article L.114-16-2 du code de la sécurité sociale. »
M. le président. L’amendement n° 110, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 134 C, il est inséré un article L. 134 CA ainsi rédigé :
« Art. L. 134 CA. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement portant sur les infractions prévues à l’article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale :
« - les agents des organismes mentionnés aux articles L. 211-1, L. 212-1, L. 215-1, L. 752-4 du code de la sécurité sociale et ceux mentionnés à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les déclarations prévues à l’article 1649 ter du code général des impôts ;
« - les agents des organismes mentionnés aux articles L. 212-1, L. 752-4 du code de la sécurité sociale et ceux mentionnés à l’article L. 5312-1 du code du travail et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d’un droit d’accès direct aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B. » ;
…° L’article L. 135 ZC est complété par les mots : « , aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B. » ;
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 135 ZL. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement, les agents des douanes individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application de l’article 1649 ter du code général des impôts. »
III. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - À l’article 59 octies du code des douanes, les mots : « des transferts transfrontaliers de déchets et de contrôle des substances et produits chimiques » sont remplacés par les mots : « des conditions de traitement des déchets, de leurs transferts transfrontaliers, de contrôle des substances et produits chimiques, et de lutte contre la fraude fiscale ».
IV. – Après l’alinéa 6
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Le chapitre III du titre II du code des douanes est complété par des articles 59 terdecies et 59 quaterdecies ainsi rédigés :
« Art. 59 terdecies. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions, les assistants spécialisés détachés ou mis à disposition par l’administration des douanes et droits indirects en application de l’article 706 du code de procédure pénale disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application des réglementations européenne et nationale relatives aux obligations de déclaration de transfert de capitaux, ainsi qu’aux données relatives au droit annuel de francisation et de navigation.
« Art. 59 quaterdecies. – Les agents des douanes, les agents du ministère chargé de l’agriculture, les agents de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer et les agents de l’office de développement de l’économie agricole d’outre-mer, sont autorisés, pour les besoins de leurs missions de contrôle des produits de l’agriculture, à se communiquer, spontanément ou sur demande, tous les renseignements et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions respectives. »
V. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 6° Sous réserve d’être individuellement désignés et dûment habilités, dans le cadre de leurs missions, les agents de contrôle de l’inspection du travail, mentionnés à l’article L. 8112-1 du code du travail, les officiers et agents de police judiciaire, les agents des douanes et des services fiscaux, y compris ceux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application des articles 28-1 et 28-2 du code de procédure pénale, les agents du service à compétence nationale prévu à l’article L. 561-23 du code monétaire et financier. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Le présent amendement vise à ouvrir la possibilité pour un certain nombre d’agents d’accéder aux nombreuses bases de données de la DGFiP – PATRIM, FICOVIE, BNDP – afin de leur permettre de remplir leur mission très importante de lutte contre la fraude, particulièrement contre la fraude sociale.
Les contrôles réalisés par les caisses de sécurité sociale permettent de connecter uniquement les bases des ressources, mais pas celles qui contiennent le patrimoine des personnes qu’elles souhaitent contrôler. La quasi-totalité des prestations servies par les caisses d’allocation familiales le sont sous conditions de ressources. L’article L. 553–5 du code de la sécurité sociale prévoit une évaluation des éléments du patrimoine lorsqu’une disproportion manifeste existe entre le train de vie des allocataires et le montant des ressources qu’ils déclarent.
Or les agents de contrôle ne disposent pas des outils nécessaires pour procéder à cette évaluation. L’accès aux bases de la DGFiP rendrait ainsi opérationnel ce qui est prévu déjà par la loi.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Favorable.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié sexies, présenté par Mme Vermeillet, M. Moga, Mme Vullien, MM. Louault, Détraigne, Delahaye, Raison et Lefèvre, Mmes Garriaud-Maylam et Bonfanti-Dossat, M. Canevet, Mme Sollogoub, M. Delcros, Mmes Guidez et Gatel et MM. Lafon, Luche et Henno, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions, les agents assermentés de la direction générale des finances publiques peuvent auditionner les experts-comptables et leurs collaborateurs sur les dossiers de leurs clients afin de recueillir les informations permettant de prévenir, de rechercher ou de constater une fraude fiscale. L’expert-comptable est alors dispensé de son obligation de secret professionnel prévu à l’article 226-13 du code pénal et ses révélations entrent dans les exceptions de l’article 226-14 du même code.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Les experts-comptables et leurs collaborateurs sont souvent les premiers témoins de la fraude fiscale, mais ils sont liés à leurs clients par le secret professionnel, ce qui impose une grande discrétion, voire une réserve sur ces sujets.
Cet amendement vise à permettre à l’administration fiscale de recueillir en direct les informations auprès des experts-comptables et de leurs collaborateurs dans le but d’accroître l’efficience des contrôles.
Chaque mois au moins, lors des déclarations de TVA par exemple, les comptables savent très bien qui triche et qui ne triche pas. Ils le savent parce que ces opérations se répètent ou parce qu’elles sont très anormales. Cela ne signifie pas néanmoins que les comptables sont complices.
Il faut donc permettre d’exploiter la source de connaissances de la profession en la libérant du secret professionnel dans ce seul cas précis. Je ne vois pas pourquoi, d’ailleurs, on s’en priverait si on veut vraiment lutter contre la fraude fiscale.
Contrairement à ce que j’ai entendu ce matin en commission des finances, n’importe qui ne peut exercer le contrôle fiscal. Ce contrôle est effectué par des agents assermentés. Dans ce seul cas, les experts-comptables pourraient révéler les dysfonctionnements qu’ils constatent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Ces deux amendements portent sur la levée du secret fiscal pour les experts-comptables. Je ne nie pas que les experts-comptables puissent avoir accès à des informations, notamment à des faits constitutifs de fraude fiscale.
Un certain nombre de problèmes rédactionnels ont été évoqués : de quels agents s’agirait-il ?
Par ailleurs, des dispositions existent déjà. Sont-elles suffisantes ? Peut-être le Gouvernement va-t-il nous apporter son éclairage ? Je pense à l’article L. 86 du livre des procédures fiscales, qui donne aux agents de l’administration un droit de communication à l’égard des experts-comptables et prévoit une obligation de déclaration auprès de TRACFIN. Les experts-comptables font partie des professionnels qui, en cas de soupçon, ont l’obligation de les transmettre à TRACFIN, à l’instar des banques et d’autres professions.
Faut-il aller plus loin ?
En l’état, la commission est défavorable à cet amendement, le suivant, qui concerne les professionnels qui concourent à des montages, non seulement les avocats, mais également les experts-comptables, lui paraissant plus équilibré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. J’ai bien entendu l’avis de la commission et l’avis conforme du Gouvernement.
Il me semble que notre collègue confond le rôle de l’expert-comptable avec celui d’autres professionnels du chiffre.
L’expert-comptable a essentiellement une mission de présentation de comptes annuels. Il est lié contractuellement à son client, par un contrat qui peut être résilié à tout moment.
Quand un expert-comptable a des doutes sur l’honnêteté fiscale de son client ou qu’il constate des infractions en matière fiscale, il doit se retirer immédiatement de sa mission et en faire part par écrit pour dégager sa responsabilité auprès du client.
En revanche, et ce sera d’ailleurs l’objet de votre deuxième amendement, ma chère collègue, la loi a confié ce rôle à une autre profession : c’est le commissaire aux comptes.
Le commissaire aux comptes est nommé par une assemblée pour six ans. Parmi ses obligations légales figure celle de révéler au procureur de la République les infractions dont il a connaissance dans le cadre de l’exercice de sa mission.
Le deuxième amendement que vous présentez reprend donc la mission qui échoit au commissaire aux comptes depuis des années.
Or on sait déjà que le ministre de l’économie et des finances tient absolument, dans le cadre du futur projet de loi PACTE, à supprimer le rôle du commissaire aux comptes dans 80 % des PME avec, en toile de fond, les incidences fiscales que cela peut avoir.
Dans 30 % des cas, les bilans des PME sont rectifiés préventivement par le commissaire aux comptes, bien souvent en raison d’infractions fiscales qui sont rectifiées directement.
Par ailleurs, si une fraude fiscale est mise en évidence lors de la mission du commissaire aux comptes, il le révélera au procureur de la République et, bien évidemment, l’administration fiscale effectuera un redressement en conséquence.
Nous avons une profession qui répond aux objectifs recherchés par notre collègue. Avant de supprimer le commissariat aux comptes dans 80 % des sociétés, il serait bon, monsieur le ministre, de prendre un moment pour évaluer, avec la profession et avant que le projet de loi PACTE ne vienne en discussion, l’impact d’économie fiscale ou de prévention fiscale du rôle des commissaires aux comptes dans les PME.
M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour explication de vote.
M. Jean Pierre Vogel. Cet amendement et le suivant me semblent satisfaits par un certain nombre de dispositions relatives au secret professionnel de l’expert-comptable, qui permettent à l’administration fiscale de prendre connaissance d’un certain nombre de choses.
Ainsi, l’article L. 86 du livre des procédures fiscales octroie à l’administration fiscale un droit de communication à l’encontre de l’expert-comptable visant ses clients, lui permettant d’obtenir un grand nombre d’informations sur les activités de ses clients.
De même, le I et le II de l’article L. 561-15 du code monétaire et financier imposent à l’expert-comptable d’effectuer une déclaration auprès de TRACFIN dès lors qu’il sait, soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner que des sommes d’argent ou des opérations proviennent d’une fraude fiscale. Dans ce cas, l’expert-comptable livre spontanément aux autorités les informations dont il a connaissance.
Ces différentes dispositions, qui permettent de lever le secret professionnel, prévoient déjà que l’infraction en cause soit dénoncée le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.
M. Bernard Lalande. Cet amendement vise à permettre la « levée » du secret professionnel des experts-comptables vis-à-vis de leurs clients parce qu’ils auraient découvert une fraude fiscale.
Or toutes les personnes qui sont liées par le secret professionnel devraient être comprises dans cet amendement. En effet, les experts-comptables ne sont pas les seuls à intervenir auprès des entreprises, il y a aussi les avocats, il peut y avoir les notaires.
Ainsi, chaque fois que l’on aurait ne serait-ce qu’un soupçon, l’administration fiscale pourrait interroger un professionnel. Mais qui, au sein de l’administration fiscale ? Un agent ? Un inspecteur ? Un administrateur assermenté ?
Ce type d’amendement n’a aucun sens en tant que tel. Il existe des professions réglementées, qui se trouvent dans une situation où il y a un respect du secret professionnel. Les procédures pour lever le secret professionnel sont déjà définies. Pourquoi, du jour au lendemain, proposer un amendement ne visant que les experts-comptables et non les avocats d’affaires, par exemple, qui sont en général ceux qui élaborent les projets d’optimisation fiscale.
Il me semblerait préférable de retirer ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Pour notre part, nous allons soutenir ces amendements, tout simplement parce qu’il s’agit d’une bonne idée et que leur adoption pourrait enclencher un changement de culture.
Au-delà du droit existant, les responsabilités des experts-comptables, l’idée des premiers témoins de la fraude fiscale nous plaît bien. Ceux qui décèlent les choses à l’origine sont les mieux placés pour les dénoncer ensuite.
Toute la difficulté, pour un expert-comptable, est de savoir si l’on peut dénoncer celui qui nous rémunère, si l’on est libre de le faire. La question se pose : je ne dis pas que c’est toujours le cas, je ne veux pas faire de mauvais esprit, mais elle peut se poser.
Aussi, permettre aux experts-comptables de jouer ce rôle et, comme le suggère Bernard Lalande, élargir ce dispositif à l’ensemble de la chaîne de responsabilité, notamment aux avocats fiscalistes, qui ont le même niveau de responsabilité, me va bien.
Nous soutiendrons ces amendements qui ont le mérite d’enclencher quelque chose de nouveau.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié sexies, présenté par Mme Vermeillet, M. Moga, Mme Vullien, MM. Louault, Delahaye et Raison, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Bonfanti-Dossat, M. Delcros, Mmes Sollogoub et Guidez, M. Canevet, Mme Gatel et MM. Lafon, Luche et Henno, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout expert-comptable qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’une fraude fiscale en informe l’administration fiscale et lui transmet tous les renseignements et actes qui y sont relatifs. L’expert-comptable est alors dispensé de son obligation de secret professionnel prévu à l’article 226-13 du code pénal et ses révélations entrent dans les exceptions de l’article 226-14 du même code.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Dans la continuité de l’amendement précédent, il s’agit de permettre aux experts-comptables témoins de fraude fiscale dans l’exercice de leurs fonctions d’informer l’administration.
Cette disposition permettrait un gain de temps et d’efficience en matière de contrôle.
J’entends les arguments de mes collègues. Il n’en reste pas moins que les procédures en vigueur ne me semblent pas forcément très efficaces. J’imagine que, comme moi, ils savent ce qui se passe dans les cabinets comptables : certains contrôles très automatiques ou très périodiques sur certains dossiers bien cadrés sont inutiles et font perdre un temps précieux à l’administration et aux comptables.
L’adoption de cet amendement permettrait une synergie simple avec la DGFiP, tout du moins beaucoup plus simple que la procédure TRACFIN. À l’évidence, des fraudes s’opèrent tous les mois qui ne sont pas révélées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Nous venons d’avoir un petit débat interne à l’ordre des experts-comptables. Nous en avons déjà eu un ce matin en commission.
Les experts-comptables peuvent en effet être témoins de fraude et, dans un certain nombre de cas, ils sont justement déliés de l’obligation du secret professionnel. C’est notamment le cas à l’égard de l’Autorité des marchés financiers, à l’égard du juge commissaire lors d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou à l’égard des juridictions répressives.
Faut-il étendre cette obligation, ce droit d’alerte, en quelque sorte ? L’ensemble des dispositifs existants nous a paru suffisant. Peut-être le Gouvernement a-t-il un avis différent ? Nous avions souhaité l’entendre. À l’expérience du contrôle fiscal, peut-être serait-il utile d’étendre la liste des cas dans lesquels l’expert-comptable est délié du secret professionnel ?
Peut-être le Gouvernement va-t-il nous convaincre en avançant un argument plus convaincant qui pourrait nous conduire à émettre un avis favorable ? Pour l’instant, nous sommes assez réservés.