M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 78.
M. Didier Rambaud. Dans mon intervention lors de la discussion générale, j’ai exprimé fortement notre souhait de voir rétabli l’article 1er. Tel est l’objet de cet amendement.
J’ai aussi entendu les arguments de Mme la rapporteur contre la création d’un nouveau service composé d’officiers fiscaux judiciaires, au motif que la BNRDF suffirait. Je crois qu’il ne faut pas se tromper effectivement sur les missions de cette brigade : elle intervient sur un champ d’enquête bien plus large que les seuls dossiers de présomption caractérisée de fraude fiscale, c’est-à-dire des dossiers où la fraude fiscale n’est qu’un élément de l’affaire.
Ce que propose le Gouvernement, et qui vient d’être très bien expliqué par M. le ministre, c’est bien de créer un nouveau service spécialisé dans la fraude fiscale, face au nombre croissant de dossiers complexes. Voilà une proposition plus qu’utile !
Par ailleurs, mes chers collègues, soyons-en conscients : refuser la création de cette police fiscale ne se traduira pas par davantage de personnel au sein de la BNRDF.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Nathalie Delattre, rapporteur pour avis. La commission des lois, qui a été suivie sur ce point par la commission des finances, n’a pas du tout été convaincue par l’utilité de créer ce nouveau service d’enquêtes fiscales au sein du ministère du budget,…
M. Michel Savin. Bien sûr !
Mme Nathalie Delattre, rapporteur pour avis. … tout comme le Conseil d’État, qui a donné un avis défavorable. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il existe déjà au ministère de l’intérieur, on l’a dit, la BNRDF, qui est dirigée par un commissaire de police issu de ce ministère et qui est codirigée par un inspecteur des finances publiques issu de Bercy.
La BNRDF est compétente pour enquêter, à la demande du parquet ou d’un juge d’instruction, sur les affaires complexes qui nécessitent des investigations. Le nouveau service que le Gouvernement propose de créer aurait le même champ de compétences que la BNRDF et serait donc un service non pas complémentaire, mais concurrent.
Contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, la BNRDF n’a pas changé de priorité : comme cela est prévu par les textes, elle ne peut traiter que de fraude fiscale ou du blanchiment pour fraude. Elle n’a pas dévié de ses compétences, elle travaille uniquement dans ce champ d’action.
D’ailleurs, un tiers des dossiers qui lui sont confiés par le PNF concerne des affaires complexes. Dès lors que survient un aspect incident, pour reprendre les termes qu’ils utilisent, c’est-à-dire si l’on suspecte un trafic de drogue pendant une enquête sur de la fraude fiscale, cet incident est traité non pas par la BNRDF, mais par la police locale. La BNRDF est donc bien centrée sur sa mission de lutte contre la fraude fiscale.
Les chiffres que vous avez cités ne sont pas exacts : le nombre d’affaires en cours d’instruction, dont j’ai eu connaissance, s’établit à 250. Le traitement moyen des dossiers de la BNRDF est de vingt-quatre mois, sans compter – cela dépend de votre façon de calculer – le délai de la DGFiP avant la saisine et le délai du tribunal après.
On pourrait entrer dans une bataille de chiffres : 200 millions par les douanes contre 75 millions en 2017 par la BNRDF. Mais cela dépend complètement des dossiers, qui ne sont peut-être pas les mêmes, et dont les enjeux financiers sont certainement différents. Il est difficile de se prononcer par rapport à des chiffres donnés.
J’ajoute que la BNRDF a un grand atout qu’il faudrait conserver et que n’aurait pas le nouveau service que vous dites vouloir rétablir à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, à savoir la mixité des fonctions. Elle est composée d’officiers de police judiciaire formés à la contrainte, aux perquisitions et aux auditions, mais aussi d’officiers fiscaux judiciaires, qui, eux, sont d’excellents contrôleurs fiscaux, mais qui, même s’ils bénéficient d’une formation de police de seulement trois mois, n’ont pas les mêmes compétences. Le risque est qu’ils commettent des erreurs de procédure, comme cela a été dit précédemment. Il est donc très important de préserver cette mixité.
La guerre des polices aura bien lieu, dans le recrutement. Aujourd’hui, seuls 42 officiers fiscaux judiciaires ont été formés. Il est donc évident que vous allez déshabiller Paul pour habiller Pierre.
Je maintiens donc mon avis défavorable.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Monsieur le ministre, vous nous avez envoyé une étude d’impact très complète, très détaillée – un document de soixante-douze pages –, laquelle retrace notamment l’historique de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, qui a été créée en 2010 par la loi de finances rectificative pour 2009 et placée au sein du ministère de l’intérieur.
Si l’article 1er était rétabli, monsieur le ministre, la mise en place d’un nouveau département supposerait le redéploiement d’une trentaine d’effectifs au sein de la DGFiP. Les moyens humains sont très importants. Or, la DGFiP, dans nos départements respectifs, et nous pouvons tous en témoigner, a déjà été très affectée par des baisses de moyens humains.
Comme Mme la rapporteur pour avis de la commission des lois, je pense que la brigade nationale, qui a une histoire, joue un rôle réellement important. Nous nous interrogeons : pourquoi la concurrencer ?
Bien entendu, je me range à l’avis de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote.
M. Thierry Carcenac. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, la création d’une police fiscale est importante et intéressante.
Contrairement ce que dit le Conseil d’État dans son avis, il existe actuellement un service national de douane judiciaire et la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, et il n’y a pas de concurrence entre les polices pour le moment.
Par ailleurs, nous avons auditionné le 18 juin ici même les avocats généraux de la Cour de cassation, ainsi que Mme Solange Moracchini, qui a été chef du service national de douane judiciaire. L’organisation proposée ne les a pas choqués.
Ma seule réserve porte sur le fait que les 30 agents nécessaires à la création de cette police risquent d’être prélevés sur le contrôle fiscal. Autrement dit, on déshabille un peu le contrôle fiscal.
Pour le reste, ce service sera placé sous la présidence d’une magistrate, contrairement d’ailleurs à la brigade nationale, qui, elle, est dirigée par un commissaire. Le cadre, vous le voyez, est protecteur.
Notre groupe votera en faveur du rétablissement de l’article.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Je reprends à mon compte les arguments de mon ami Thierry Carcenac, qui a, je crois, posé les termes du débat et bien décrit l’enjeu auquel nous sommes confrontés.
Je me suis entendu dire au cours de ce débat que l’amendement du groupe La République En Marche serait un copier-coller de celui du Gouvernement. Mes chers collègues, je vous rappelle que notre groupe est celui qui, sur tous les textes que nous venons d’examiner – nous avons achevé fort tard hier l’examen du projet de loi Agriculture et alimentation –, a déposé le moins d’amendements,…
M. Antoine Lefèvre. Il faudrait travailler un peu ! (Sourires.)
M. François Patriat. … dont les membres ont le moins pris la parole…
M. Michel Savin. C’est normal, ils n’avaient rien à dire !
M. François Patriat. … et qui ont le moins fait durer les débats.
M. Jacques Genest. C’est proportionnel au nombre !
M. François Patriat. Si nous avons déposé cet amendement, c’est parce que nous pensons que le Gouvernement a raison de vouloir rétablir le texte initial.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais !
M. François Patriat. Non, cher président de la commission des finances : faites-vous communiquer le nombre d’interventions de notre groupe sur le texte que nous avons examiné durant quatre jours. Vous verrez alors que, si tout le monde avait fait comme nous, les débats auraient duré moins longtemps…
M. Michel Savin. Et alors ?
M. François Patriat. … et qu’il y aurait eu beaucoup moins d’interventions redondantes. Mais nous vous avons écoutés avec attention et avec respect, sans jamais vous interrompre.
Je pense que le Gouvernement a raison de déposer l’amendement que nous déposons aussi, car nous souhaitons tous, de façon unanime, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, lutter efficacement contre la fraude fiscale.
Une police fiscale qui vient non pas en concurrence, mais en complément me paraît utile pour lutter contre ce fléau que nous dénonçons tous.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Nous pensons qu’il ne faut pas rétablir l’article 1er. L’avis du Conseil d’État, auquel notre groupe se réfère rarement, évoque très clairement une concurrence entre ce nouveau service et les services existants. De la part du Conseil d’État, ce n’est pas rien !
Je rappelle que les effectifs du contrôle fiscal ont chuté de manière spectaculaire depuis vingt ans et qu’il a perdu 38 000 emplois. C’est tout de même extraordinaire ! Quelle entreprise, quelle autre administration aurait supporté un tel choc ?
Je rappelle également qu’il y six directions à compétence nationale sur le sujet : la direction des vérifications nationales et internationales, la direction nationale d’enquêtes fiscales, la direction nationale de vérification de situations fiscales, la direction des impôts des non-résidents, la direction des grandes entreprises et la direction nationale d’interventions domaniales. On y ajoutera la BNRDF et la police douanière. Cela fait franchement beaucoup de monde ! Il est nécessaire de mettre en place des coopérations, de rationaliser cette organisation et de renforcer les effectifs de manière importante.
Enfin, je suis un peu surpris d’entendre notre collègue Rambaud dire que si la police fiscale n’était pas créée, on ne retrouverait pas les moyens prévus pour cette police dans les services existants. C’est bien ce que vous avez dit, cher collègue ? Avez-vous sur ce point des informations de Bercy concernant le prochain projet de loi de finances ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Bocquet, je ne peux pas vous laisser dire ce que vous venez de dire.
D’abord, on n’a pas supprimé 38 000 postes dans le contrôle fiscal. Depuis deux quinquennats, le service du contrôle fiscal n’a connu aucune suppression de postes. (M. Éric Bocquet s’exclame.) D’ailleurs, si, en France, 38 000 personnes étaient affectées au contrôle fiscal, ce serait très important.
M. Éric Bocquet. La DGFiP !
M. Gérald Darmanin, ministre. La DGFiP compte 107 000 agents. Ce n’est pas à vous, monsieur le sénateur, que je vais apprendre qu’elle ne fait pas que du contrôle fiscal. Je le répète, cela fait dix ans, sous deux gouvernements successifs, de deux couleurs politiques différentes, que le nombre d’agents du contrôle fiscal n’a pas diminué.
On peut discuter de la modernisation des services publics si vous le souhaitez, mais il ne sert à rien d’utiliser des arguments de tribune qui ne sont pas conformes à la réalité.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que vous avez confondu les carottes avec un autre légume, en l’occurrence des services judiciaires, dirigés par des magistrats – c’est le cas notamment du service d’enquêtes douanières à Bercy – et des services de contrôles fiscaux. Le groupe CRCE doit être cohérent avec lui-même. Vous êtes ordinairement plutôt du genre à nous encourager à donner plus de moyens à la justice, mais là, alors que nous vous disons que nous allons créer un service de justice supplémentaire, vous nous répondez qu’on a déjà bien assez de services de contrôle administratif !
M. Éric Bocquet. Je dis qu’il faut renforcer leurs moyens !
M. Gérald Darmanin, ministre. Très franchement, monsieur le sénateur, dans un débat aussi sérieux que celui-ci, vous ne pouvez pas confondre les services de contrôle administratif, placés sous l’autorité du ministre, et les services judiciaires.
Je vous propose la création d’un nouveau service judiciaire, parce que, contrairement à ce que dit Mme la rapporteur pour avis, la BNRDF, qui réalise un travail très important, s’occupe surtout de blanchiment,…
Mme Nathalie Delattre, rapporteur pour avis. Ce n’est pas vrai. Le blanchiment ne représente qu’un tiers de son activité, c’est tout !
M. Gérald Darmanin, ministre. … ce qui est très différent de la fraude. Ce n’est pas le même métier.
Il me semble totalement contre-intuitif de vouloir lutter contre la fraude tout en demandant la suppression du service d’enquête supplémentaire que nous voulons créer. C’est un peu particulier…
Je remercie M. Patriat et M. Carcenac de leur soutien. M. Carcenac ayant longtemps travaillé à la DGFiP, il sait de quoi il parle.
Si vous confondez les services de contrôle administratif et les services judiciaires, vous ne pouvez pas porter un regard objectif sur le service dont nous proposons la création.
Très sincèrement, je ne comprends pas votre position, monsieur le sénateur Bocquet. Je peux à la limite comprendre celle de Mme la rapporteur, qui considère, de manière assez cohérente, qu’on doit être au sein du ministère de l’intérieur et que Bercy ne doit pas bénéficier de moyens supplémentaires en ce qui concerne les enquêtes. Pourquoi pas ? En revanche, monsieur Bocquet, vous êtes assez éloigné de ce qu’il faudrait faire en termes de service de justice pour lutter plus efficacement contre ceux qui se rendent coupables de fraude fiscale et dont les moyens sont beaucoup plus importants aujourd’hui que ceux de la DGFiP. C’est dommage. C’est un rendez-vous manqué pour vous.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Le groupe Union Centriste suivra les conclusions de la commission des lois et de la commission des finances et souhaite le maintien de la suppression de ce dispositif.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, vous avez le soutien du groupe socialiste sur cette question, mais il n’en demeure pas moins que nous nous interrogeons sur la façon dont ces différents services vont travailler ensemble.
Nous sommes ainsi très inquiets lorsque nous entendons dire que des agents seront prélevés sur le contrôle pour créer le nouveau service. Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. Il faudra, dans le projet de loi de finances pour 2019 et dans les suivants, augmenter le nombre d’agents affectés au contrôle fiscal. Le système ne peut être efficace si nous n’augmentons pas aussi le nombre de contrôles réalisés chaque année, lequel reste stable alors que le nombre d’entreprises, lui, progresse.
Nous soutenons la création de ce service de police certes supplémentaire, mais commun au service des douanes, nous sommes néanmoins plus que dubitatifs s’agissant des moyens qui lui seront octroyés. Nous serons donc vigilants.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 et 78.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 80 … ainsi rédigé :
« Art. L. 80 … – Le contribuable peut contester devant le juge administratif les décisions implicites ou explicites mentionnées à l’article L. 80 B.
« Tant que le juge administratif n’a pas statué définitivement, le contribuable peut appliquer l’interprétation des dispositions législatives et réglementaires qu’il a présentée à l’administration.
« Si le juge administratif rejette définitivement l’interprétation du contribuable, l’administration peut redresser les impositions sur l’ensemble de la période visée.
« Le contribuable ne peut pas faire l’objet d’une procédure d’abus de droit ni de poursuites pénales pour délits de fraude fiscale, de blanchiment ou de recel de fraude fiscale s’il a fait usage des dispositions des deux premiers alinéas du présent article. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Peut-être certains d’entre vous vont-ils s’étonner de voir notre groupe présenter un amendement sur le rescrit fiscal alors que nous n’en avons jamais été de très fervents partisans, contrairement aux contribuables, personnes physiques ou morales, qui ont quelques – bonnes ? – raisons de défendre leur position, mais il nous semble utile de procéder à quelques ajustements afin de sécuriser l’application de cette procédure et de permettre une explication franche et argumentée entre les différentes parties en présence.
Le recours au rescrit permettrait en effet de gérer au mieux les procédures précontentieuses, dans le droit fil de la disposition de contrôle préjudiciel que nous avons évoquée précédemment. C’est d’ailleurs de cette manière qu’une société de presse en ligne, bien connue du grand public pour son inclination à dénoncer les travers, voire les injustices, de notre société, a pu faire valoir ses droits et faire confirmer que le taux réduit de TVA était applicable à la fois à la presse papier et à la presse en ligne.
La mise en œuvre du rescrit serait associée à une démarche de bonne foi du contribuable et serait donc exempte, dans un premier temps, de toute pénalité pour retard de paiement.
Au bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 18 rectifié est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 106 rectifié est présenté par MM. Requier, Collin, Gabouty, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 80 … ainsi rédigé :
« Art. L. 80 … – Le contribuable peut contester devant le juge de l’impôt les décisions implicites ou explicites mentionnées au 1° de l’article L. 80 B. S’agissant des décisions résultant de l’application du 1° de l’article L. 80 B, le contribuable qui a eu recours à l’article L. 80 B peut saisir le juge administratif dans les mêmes conditions du présent article, le cas échéant.
« Tant que le juge de l’impôt n’a pas statué définitivement, le contribuable peut appliquer à sa situation, sous réserve qu’elle soit identique à celle présentée à l’administration, l’interprétation des dispositions législatives et réglementaires qu’il a soulevée préalablement devant l’administration.
« Si le juge de l’impôt rejette définitivement l’interprétation du contribuable, l’administration peut notifier ou recouvrer les impositions sur l’ensemble de la période visée, à l’exclusion de toute pénalité ou majoration hors intérêts annuels.
« Pour l’ensemble de la procédure mentionnée aux alinéas précédents, le délai de mise en recouvrement applicable est suspendu jusqu’à l’intervention de la décision définitive.
« Le contribuable ne peut pas faire l’objet d’une procédure d’abus de droit ni de poursuites pénales pour délits de fraude fiscale, de blanchiment ou de recel de fraude fiscale s’il a fait usage des dispositions des deuxième et troisième alinéas. Par exception, le juge de l’impôt, à la demande de l’administration, peut s’opposer à l’inapplication de la procédure d’abus de droit ou à l’absence d’engagements de poursuites pénales pour délits de fraude fiscale, s’il constate, par décision motivée, que le contribuable a usé, de mauvaise foi, de la procédure prévue au premier alinéa. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement fait partie de ceux que j’ai annoncés en discussion générale et visant à améliorer les relations et à coordonner les décisions. Le présent amendement tend à sécuriser la procédure de rescrit fiscal et à améliorer le dialogue entre l’administration et les contribuables.
L’interprétation de la loi fiscale, on le sait, est particulièrement complexe et source d’importantes divergences. La procédure de rescrit fiscal est là pour éclairer les contribuables en leur permettant de soumettre leur interprétation à l’administration.
Si un contribuable n’est pas d’accord avec l’administration, il ne peut pas, en l’état de la jurisprudence du Conseil d’État, contester l’interprétation du fisc devant le juge de l’impôt, car il doit attendre un éventuel contentieux sur le fond. Cela revient à insécuriser les contribuables qui peuvent, le cas échéant, relever de la procédure de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit, voire de poursuites pénales pour fraude fiscale, alors même qu’ils n’ont pas pu encore faire valoir leurs arguments devant le juge de l’impôt.
Il s’agit, à travers cet amendement, d’établir dans la loi un dispositif sécurisé pour l’ensemble des contribuables de bonne foi, qui permette d’améliorer significativement les relations entre l’administration et les usagers.
La rédaction est précisée par l’établissement d’une suspension de la prescription afin de garantir les possibilités de recouvrement par le Trésor public et d’éviter que des contribuables de mauvaise foi n’abusent de ce nouveau dispositif.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Comme on dit lors des inaugurations au cours des week-ends : tout a été dit et bien dit. Je n’ajouterai donc pas grand-chose au propos de notre collègue. Je précise juste que l’idée est évidemment non pas de protéger d’éventuels fraudeurs, mais de garantir les droits du contribuable proactif et de bonne foi face à l’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Ces trois amendements tendent à prévoir la possibilité de contester un rescrit devant le juge administratif. Une telle demande nous paraît tout à fait légitime, mais elle est satisfaite par le droit existant. Depuis l’arrêt Société Export-Presse, on peut former un recours devant le juge administratif pour excès de pouvoir contre un rescrit fiscal. M. le ministre me disait à l’instant qu’on pouvait même demander un second examen du rescrit, avec une collégialité différente.
Le premier alinéa, qui prévoit que le « contribuable peut contester devant le juge administratif les décisions implicites ou explicites mentionnées à l’article L. 80 B. », est d’ores et déjà satisfait. Je le répète, on peut former un recours pour excès de pouvoir contre un rescrit.
Aller plus loin en permettant concrètement de continuer à appliquer sa propre interprétation nous paraît dangereux et pourrait être à l’origine de manœuvres dilatoires. C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Brulin, l’amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?
Mme Céline Brulin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.
Madame Goulet, qu’en est-il de l’amendement n° 18 rectifié ?
Mme Nathalie Goulet. Je ne suis pas très convaincue, mais je retire quand même cet amendement, monsieur le président, parce que nous avons déposé d’autres amendements importants.
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.
Monsieur Requier, qu’advient-il de l’amendement n° 106 rectifié ?
M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié est retiré.
Article 2
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le paragraphe 2 de la section 3 du chapitre IV du titre II est complété par un article 65 quater ainsi rédigé :
« Art. 65 quater. – Les personnes qui conçoivent ou éditent des logiciels de gestion, de comptabilité, des systèmes de caisse ou interviennent techniquement sur les fonctionnalités de ces produits affectant directement ou indirectement la tenue des écritures, la conservation ou l’intégrité des documents originaux nécessaires aux contrôles de l’administration des douanes sont tenus de présenter aux agents de cette administration, sur leur demande, tous codes, données, traitements ou documentation qui s’y rattachent.
« Pour l’application du premier alinéa, les codes, données, traitements ainsi que la documentation doivent être conservés jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au cours de laquelle le logiciel ou le système de caisse a cessé d’être diffusé. » ;
2° La section 1 du chapitre VI du titre XII est ainsi modifiée :
a) Le E du paragraphe 2 est complété par un article 413 quater ainsi rédigé :
« Art. 413 quater. – Est passible d’une amende de 10 000 € par logiciel, application ou système de caisse vendu ou par client pour lequel une prestation a été réalisée dans l’année tout manquement aux obligations prévues par l’article 65 quater. » ;
b) Après l’article 416, il est inséré un article 416-1 ainsi rédigé :
« Art. 416-1. – I. – Les personnes mentionnées à l’article 65 quater qui mettent à disposition les logiciels ou les systèmes de caisse mentionnés au même article 65 quater sont passibles d’une amende lorsque ces logiciels, systèmes ou interventions techniques sont conçus pour permettre la commission de l’un des délits mentionnés aux articles 414, 415 et 459, en modifiant, supprimant ou altérant de toute autre manière un enregistrement stocké ou conservé au moyen d’un dispositif électronique, sans préserver les données originales.
« L’amende prévue au premier alinéa du présent I s’applique également aux distributeurs de ces produits qui savaient ou ne pouvaient ignorer qu’ils présentaient les caractéristiques mentionnées au même premier alinéa.
« L’amende encourue est de 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou systèmes de caisse ou des prestations réalisées, correspondant à l’année au cours de laquelle l’amende est prononcée et aux cinq années précédentes.
« L’application de l’amende prévue au présent I exclut celles prévues aux articles 1770 undecies et 1795 du code général des impôts à raison des mêmes logiciels, systèmes ou interventions et du même chiffre d’affaires.
« II. – Les personnes mentionnées au I sont solidairement responsables du paiement des droits rappelés correspondant à l’utilisation de ces logiciels et systèmes de caisse mis à la charge des entreprises ayant commis les délits mentionnés aux articles 414, 415 et 459 et qui se sont servis de ces produits dans le cadre de leur exploitation. »
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 80 O, après le mot : « fiscale », sont insérés les mots : « ou de l’administration des douanes » ;
2° (nouveau) L’article L. 96 J est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’avant-dernier alinéa est également applicable en cas de demande des agents des douanes portant sur des logiciels de gestion, de comptabilité ou des systèmes de caisse, affectant, directement ou indirectement, la conservation ou l’intégrité des documents originaux nécessaires aux contrôles de cette administration. »
III. – L’article 1795 du code général des impôts est ainsi rétabli :
« Art. 1795. – I. – Les personnes mentionnées à l’article L. 96 J du livre des procédures fiscales qui mettent à disposition les logiciels ou les systèmes de caisse mentionnés au même article L. 96 J sont passibles d’une amende lorsque ces logiciels, systèmes ou interventions techniques sont conçus pour permettre la réalisation de l’un des faits mentionnés au 1° de l’article 1743 du présent code, à l’article 1791 ter, aux 3° et 5° de l’article 1794, à l’article 1797 et aux 3°, 8° et 10° de l’article 1810 en modifiant, supprimant ou altérant de toute autre manière un enregistrement stocké ou conservé au moyen d’un dispositif électronique, sans préserver les données originales.
« L’amende prévue au premier alinéa du I s’applique également aux distributeurs de ces produits qui savaient ou ne pouvaient ignorer qu’ils présentaient les caractéristiques mentionnées au même premier alinéa.
« Cette amende est de 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou systèmes de caisse ou des prestations réalisées, correspondant à l’année au cours de laquelle l’amende est appliquée et aux cinq années précédentes.
« L’application de l’amende prévue au présent I exclut celles prévues à l’article 1770 undecies du présent code et à l’article 416-1 du code des douanes à raison des mêmes logiciels, systèmes ou interventions et du même chiffre d’affaires.
« II. – Les personnes mentionnées au I sont solidairement responsables du paiement des droits rappelés correspondant à l’utilisation de ces logiciels et systèmes de caisse mis à la charge des entreprises qui ont commis les faits mentionnés au même I qui se servent de ces produits dans le cadre de leur exploitation. »
IV. – 1° Le I est applicable dans les îles Wallis et Futuna ;
2° À Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie l’amende prévue à l’article 413 quater du code des douanes est prononcée en monnaie locale compte tenu de la contrevaleur dans cette monnaie de l’euro.
V. – 1° Le 1° du I et le 2° du II s’appliquent aux droits de communication exercés à compter du lendemain de la publication de la présente loi ;
2° L’amende et la solidarité de paiement prévues au 2° du I et au III s’appliquent au chiffre d’affaires réalisé et aux droits rappelés correspondant à l’utilisation des produits à compter du lendemain de la publication de la présente loi.
3° (nouveau) Le 1° du II s’applique à compter du 1er janvier 2019. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 2