M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le ministre émet un avis défavorable… et il n’aura donc pas convaincu le rapporteur général. (Sourires.)
M. le président. Dans ces conditions, l’avis de la commission est défavorable ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. En effet !
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je ne veux pas alourdir le débat, j’apporterai simplement deux autres précisions.
Tout d’abord, comme je le soulignais voilà quelques instants, lorsqu’un expert-comptable a des doutes ou même constate de manière objective qu’il y a fraude fiscale dans la comptabilité du client qu’il doit superviser, il démissionne immédiatement et lui fait une lettre, il dégage sa responsabilité.
Pour les inspecteurs des impôts qui sont habitués à voir les bilans régulièrement présentés par tel expert-comptable, quand ils voient que, à tel exercice, d’un seul coup l’expert-comptable s’est retiré, automatiquement ça déclenche une suspicion et ça peut déclencher une vérification fiscale. C’est la première remarque.
Ensuite, un amendement tel que celui que présente notre collègue est extrêmement dangereux pour la profession d’expert-comptable. Supposons qu’un expert-comptable « dénonce » une présumée fraude fiscale auprès de l’administration ou auprès de la justice et que, in fine, cette fraude ne soit pas avérée, le client concerné pourra alors mettre en cause la responsabilité civile du professionnel pour une révélation non fondée.
En revanche, un commissaire aux comptes, qui a l’obligation de révéler toute infraction dont il a connaissance, est préservé contre une mise en cause de sa responsabilité civile professionnelle s’il révèle quelque chose qui, in fine, ne se justifie pas.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 111, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
sont satisfaites
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts, les mots : « ou clos » sont remplacés par les mots : « , clos ou détenus ».
II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2019.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Afin de lutter contre la fraude fiscale internationale, les personnes physiques, les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger au cours de l’année au titre de laquelle doit être déposée la déclaration.
Loin de nous l’idée de penser que ces associations ont pour vocation ou habitude de se conformer à des tâches d’optimisation fiscale au-delà de leur objet social ou de leur mission d’intérêt général ou d’utilité publique. Ces informations confirment en général ce qu’il convient de penser de ces associations.
En revanche, un doute subsiste sur l’application de ces dispositions aux comptes détenus, mais non mouvementés sur l’initiative du contribuable sur une année donnée, c’est-à-dire ceux sur lesquels il n’a effectué, lui-même, aucune opération de crédit ni de débit durant l’année.
L’administration ne pourrait, dans ces cas-là, sanctionner le défaut de déclaration ni mettre en œuvre la procédure de contrôle des comptes financiers et des contrats d’assurance vie détenus à l’étranger, alors même qu’elle a connaissance d’une telle détention.
Afin de clarifier la portée de l’obligation déclarative afférente aux comptes à l’étranger, il est donc proposé de viser l’ensemble des comptes détenus à l’étranger par le contribuable, qu’ils aient été mouvementés ou non durant la période de référence. Dans la plupart des cas, n’en doutons pas, il ne s’agira que d’une simple vérification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable. La clarification proposée par M. le sénateur Bocquet est tout à fait bienvenue.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-3 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 111-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-… – L’ensemble des dispositions du présent code sont soumises aux dispositions de l’article L. 114-12-3 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 24 rectifié bis et 25 rectifié bis, car ils ont à peu près le même objet.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, et ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 161-15-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , sauf en cas de fraude documentaire ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit de lutter contre la fraude documentaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, on recense environ 1,8 million de faux numéros INSEE. Ils constituent 1,8 million de fois un « Sésame, paie-moi » engendrant une fraude de plus de 15 milliards d’euros.
L’année dernière, j’avais posé une question d’actualité au ministre en charge qui m’avait expliqué que, grâce au logiciel SANDIA, 5 000 numéros frauduleux avaient été supprimés : 5 000 sur 1,8 million, vous en conviendrez avec moi, le compte n’y est pas.
L’amendement n° 24 rectifié bis vise à compléter les dispositions du code des relations entre le public et l’administration afin d’exclure le paiement en cas de fraude.
L’amendement n° 25 rectifié bis, quant à lui, tend à compléter le dispositif de l’article L. 161–15–1 du code de la sécurité sociale. Cet article, extrêmement important, voté en 2015 et 2016, interdit aux services de suspendre les prestations en cas de fraude.
Je propose, au contraire, avec le groupe Union Centriste, de ne pouvoir suspendre les prestations sociales qu’en cas de fraude documentaire. Sans ces restrictions, je ne vois pas bien comment nous arriverons à bout de cette fraude.
Ces deux articles, situés dans deux codes différents, sont en fait liés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’amendement n° 24 rectifié bis aurait pu être rédigé par M. de La Palice. Dire que l’article L. 114–12–3 du code de la sécurité sociale s’applique ne me paraît pas très utile…
L’avis est donc défavorable.
Les limites de l’amendement n° 25 rectifié bis n’ont pas échappé à la commission : il est parfois difficile de distinguer la fraude documentaire de l’erreur. Toutefois, la suppression des prestations en cas de fraude documentaire avérée, déjà adoptée par le Sénat, peut être utile.
La sanction minimale, mais aussi la plus efficace, en cas d’utilisation de faux documents, de fausses déclarations ou d’un faux numéro de sécurité sociale devrait être la suppression du droit à prestations.
Sans doute faudrait-il améliorer la rédaction de cet amendement, raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 24 rectifié bis, pour les mêmes raisons que le rapporteur.
Quant à l’amendement n° 25 rectifié bis, si nous sommes d’accord sur le principe, la mesure proposée existe déjà : le troisième alinéa de l’article L. 161–1–4 du code de la sécurité sociale dispose en effet que « Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l’absence réitérée de réponse aux convocations d’un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d’instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu’à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée. »
Pour une meilleure rédaction de la loi, mieux vaut ne pas répéter en termes différents les mêmes dispositions. Pour cette raison, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le ministre.
Je proposais de compléter l’article L. 161–15–1 du code de la sécurité sociale, qui indique que l’on ne peut pas suspendre les prestations.
Soit il faut le compléter, en précisant « , sauf en cas de fraude documentaire », soit il faut renvoyer à l’article précédent. Ou bien cela figure, ou bien cela ne figure pas. Entre 2015 et 2016, les services ont détourné ce dispositif, pour une raison assez simple, en continuant de verser des prestations, malgré la fraude documentaire.
Il faut envoyer un signal. Que cette disposition fasse double emploi n’est pas très grave : il s’agit de l’inscrire à deux endroits différents d’un code qui, reconnaissez-le, manque parfois un peu de clarté. Je ne crois pas que le code de la sécurité sociale soit beaucoup alourdi par l’ajout de la mention « sauf en cas de fraude documentaire »…
Je retire mon amendement n° 24 rectifié bis, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 243-7-6, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 15 % » ;
2° L’article L. 243-7-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;
b) Au deuxième alinéa, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 45 % ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai également les amendements nos 75 rectifié et 76 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion ces deux autres amendements.
L’amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 8224-5 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le remboursement de toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public durant les cinq derniers exercices clos.
L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 8243-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le remboursement de toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public durant les cinq derniers exercices clos.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. La fraude sociale est l’un des champs de la fraude tout court. Il importe, nous semble-t-il, de déployer une énergie particulière à combattre tout ce qui nuit au financement et à l’équilibre de ce bien commun que constitue la sécurité sociale.
Le pacte républicain dont nous évoquons régulièrement les contours et la nécessité passe aussi par les droits et les devoirs de chacun à l’endroit de la sécurité sociale, c’est-à-dire contribuer à son financement par le biais de cotisations en vue de disposer des prestations dues à raison des risques couverts.
La fraude sociale est le plus souvent, qu’on le veuille ou non, le complément – je n’ai pas trouvé de meilleur terme – de modes de production et d’échange d’entreprises parfois – certes ces cas sont minoritaires, mais ils n’en sont pas moins réels – en délicatesse avec le droit fiscal.
La fraude se fait en quelque sorte sur tous les maillons de la chaîne, ce qui donne, soit dit en passant, tout son sens à l’existence d’un réseau des URSSAF suffisamment dense et performant dans ses missions de recouvrement contentieux et à l’existence d’un outil fiscal de proximité digne de ce nom, au plus près du terrain.
Pour la commodité du débat, personne ne nous en voudra de procéder à la présentation commune des trois amendements que nous avons déposés à cet endroit du texte.
L’amendement n° 75 rectifié vise à augmenter le pourcentage des majorations dues pour les entreprises soumises à un redressement pour retard de paiement réitéré et plus encore pour celles qui ont développé certaines formes de travail illégal.
Pour le coup, il est important de se souvenir que la lutte contre la fraude sociale n’est pas aussi efficace qu’elle pourrait l’être, si tant est que les URSSAF, d’une part, et que les services de l’inspection du travail, d’autre part, disposaient de moyens plus importants. À moins que la société de concurrence libre et non faussée, ou libre et faussée, selon le point de vue de chacun, n’ait besoin d’un tiers-secteur ne respectant ni règles sociales ni règles fiscales pour continuer d’exister.
Les amendements nos 77 rectifié et 76 rectifié, quant à eux, tendent à procéder à l’émergence d’un nouveau type de pénalisation de la fraude sociale sous des modalités éventuellement transposables à la fraude fiscale, à savoir la déchéance pour les entreprises concernées du bénéfice des différentes aides publiques, de quelque origine et nature fussent-elles, perçues par l’entreprise pendant les cinq dernières années accomplies.
Il nous est en effet apparu que le maintien du bénéfice d’aides publiques pour des entreprises ne respectant pas les règles minimales de contribution aux charges communes ne pouvait se concevoir. On ne peut tricher d’un côté et continuer, de l’autre, de percevoir les subsides publics dont il est d’ailleurs à craindre qu’ils auront été, pour l’essentiel, détournés de leur objet.
Au bénéfice de ces observations, je ne peux que vous inviter, mes chers collègues, à voter en faveur de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission demande le retrait des amendements nos 75 rectifié et 76 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Le dispositif proposé risque en effet de poser un problème d’égalité entre les entreprises. Autant on peut interdire de percevoir des aides publiques à l’avenir, autant en demander le remboursement pourrait être assez compliqué.
Sur l’amendement n° 77 rectifié, une aggravation des sanctions de 5 %, pourquoi pas ? Cela enverrait un signal politique. La question est de savoir si les taux de 10 %, 25 %, 40 % communément appliqués en matière de fraude sociale ont un sens précis. Si le Gouvernement ne nous oppose aucun argument technique, je serais assez favorable à l’envoi de ce signal.
Cette augmentation ne va pas changer fondamentalement les choses. La sanction sera-t-elle plus dissuasive ? Toujours est-il qu’elle témoignera de notre volonté de lutter contre la fraude, notamment contre le travail dissimulé qui concerne notamment les personnes vulnérables et les mineurs, ou lorsque les faits sont commis en bande organisée.
À titre personnel, je suis plutôt favorable à cet amendement. À moins qu’il n’y ait une échelle de sanctions et qu’on aboutisse à des taux très différents des autres taux. Mais peut-être le Gouvernement va-t-il nous éclairer sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
En ce qui concerne l’augmentation des sanctions, monsieur le rapporteur général, nous partageons tous ici le désir de lutter contre la fraude et de sanctionner les fraudeurs, notamment pour préserver le bien commun qu’est la sécurité sociale.
Je ne suis toutefois pas certain qu’une hausse de 5 % dissuade les fraudeurs. Au-delà de cette question, il est important que la personne condamnée pour fraude puisse s’acquitter du montant de sa condamnation.
Par ailleurs, la sanction a également une vertu pédagogique. Il ne s’agit pas seulement de rembourser ce qui est dû, même si cet aspect est important.
Notre système doit permettre de lutter contre les fraudeurs et de tarir à la source le fait même que l’on puisse frauder, non d’aggraver encore les difficultés financières de fraudeurs qui, à part quelques exceptions de personnes qui participeraient profondément à un système d’enrichissement personnel par ce système, essaient de tirer quelque profit d’un système de solidarité nationale.
Par ailleurs, il me semble que la question de l’aggravation de sanctions déjà importantes aurait plus sa place dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La commission des affaires sociales et la ministre des solidarités et de la santé pourraient alors éclairer ce débat pour mieux comprendre ce qu’est une sanction pédagogique et à partir de quand elle aggrave la situation personnelle des fraudeurs.
Je ne suis pas certain que nous puissions répondre à ses questions au débotté – à moins que vous ne disposiez d’une expertise que je n’ai pas – et changer ces taux au risque d’aggraver encore les difficultés de fraudeurs qu’il ne nous appartient pas de juger, mais dont on peut penser qu’ils ont agi pour des raisons éminemment personnelles.
Je suis d’accord sur le principe : ouvrons le débat avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, mais ne le tranchons pas aujourd’hui.
Encore une fois, il ne faudrait pas que des sanctions aggravées rendent la vie des fraudeurs encore plus difficile. Je sais que votre sensibilité politique, monsieur le sénateur, peut vous permettre de comprendre les situations que j’évoque.
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote sur l’amendement n° 77 rectifié.
M. Jacques Genest. Si l’on instaure des sanctions, c’est que l’on pense que le redevable pourra les payer.
Aggraver des sanctions qui sont déjà de 10 %, 25 % et 40 % commence à faire beaucoup pour ceux qui vont s’en acquitter. En revanche, ceux qui ne paient pas et qui sont souvent insolvables, eux, ne seront pas pénalisés.
Je suis d’accord avec le ministre : il faut faire très attention aux sanctions. Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Si l’amendement n° 77 rectifié n’est pas retiré, je suivrai volontiers l’avis de sagesse du rapporteur.
Nous venons d’adopter un amendement qui vise à sanctionner la fraude documentaire. L’augmentation de ces sanctions permettrait d’envoyer un petit signal, ce qui ne me paraît pas stupide. Nous sommes en train de sanctionner et de combattre la fraude sociale, je pense qu’on peut envoyer un signal, même s’il faut revoir l’échelle des taux.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, je comprends votre réponse, tout comme celle de M. Genest.
J’aimerais toutefois que l’on m’explique pour qui se pose cette question de la solvabilité. Dans notre société, se préoccupe-t-on toujours de lier solvabilité et sanction ? La réponse est non.
Tous les jours, des personnes ne peuvent s’acquitter de décisions de justice dont les montants sont d’ailleurs très faibles. Ce raisonnement ne tient pas.
Je finirai par un petit clin d’œil : monsieur le ministre, vous avez dit à Éric Bocquet qu’il avait manqué un rendez- vous.
M. Pascal Savoldelli. Je m’adresse aussi à mes collègues de la précédente majorité présidentielle.
Nous parlons ici d’équité entre les entreprises au regard de la loi. Or les comptes de la Nation vont devoir s’acquitter de 3,4 milliards d’euros de plus au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, et cet argent public va aussi profiter à certaines entreprises qui licencient. Voilà un rendez-vous manqué il y a cinq ans, qui se poursuit encore aujourd’hui, et qui me semble bien plus important que les questions de personnalité ou d’étiquette politique de chacune et de chacun ici présents.
M. le président. Monsieur Savoldelli, les amendements nos 77 rectifié, 75 rectifié et 76 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Pascal Savoldelli. Oui, ils sont maintenus, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans les trois mois suivant le promulgation de la présente loi, et au plus tard lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, un rapport sur la situation de la fraude documentaire, des contrôles et des radiations effectuées par le service administratif national d’identification des assurés de la caisse nationale de l’assurance vieillesse des travailleurs salariés.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. J’ai dit il y a quelques instants que SANDIA était un logiciel. Or tel n’est pas le cas. C’est un service administratif national d’immatriculation des assurés, qui comporte donc 1,8 million de faux numéros INSEE.
À l’occasion de la question d’actualité au Gouvernement que j’avais posée en juillet 2016, le ministre m’avait répondu qu’une enquête des services était en cours pour améliorer le dispositif, qui ne l’est toujours pas !
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un amendement d’appel, sachant que le Sénat, et plus particulièrement la commission des finances, déteste les rapports. Toutefois, 14 milliards d’euros de fraude, c’est un vrai problème !
Je suis tout à fait prête, monsieur le ministre, à retirer cet amendement, si vous m’indiquez qu’il y aura une inspection des services en la matière, afin de réduire le taux de fraude documentaire ab initio. S’il n’y avait pas 1,8 million de faux numéros, il n’y aurait pas 1,8 million de fraudes. Si on veut réprimer la fraude, il faut la considérer dès le départ, à savoir les faux numéros INSEE. En tout cas c’est ainsi que je comprends les choses.
J’attends votre réponse sur ce sujet, monsieur le ministre. Si, d’ici au projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous nous indiquez qu’une inspection sera mise en place ou des précisions apportées, je retirerai volontiers cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cet amendement pourrait tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, dans la mesure où il aggrave les charges publiques : des fonctionnaires devront travailler la nuit pour rédiger le rapport, des photocopieuses seront mises à contribution, des envois seront effectués…
Blague à part, la commission n’est pas très favorable, par définition, à la multiplication des rapports. Nos collègues députés en ont prévu, et nous sommes là à la limite du domaine de compétence de la commission des affaires sociales.
Je préférerai que nous menions un travail de fond en auditionnant la Délégation nationale de lutte contre la fraude. Il serait intéressant de savoir ce qu’elle fait. Mène-t-elle un vrai travail ? Peut-être serait-il plus efficace de disposer d’un travail parlementaire plutôt que d’un rapport que nous n’obtiendrons pas avant un certain temps.
Je ne souhaite pas évacuer le sujet ! Je vous invite au contraire, mes chers collègues, à y retravailler. La commission des finances ou la commission des affaires sociales pourrait travailler un jour sur la fraude documentaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, je lève évidemment le gage de cet amendement ! (Sourires.)
La Délégation nationale de lutte contre la fraude mène un travail important, et je vous recommande, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’auditionner.
Sur le principe, madame la sénatrice, il y a un problème avec tous ces rapports. L’administration met beaucoup de temps à vous les remettre et je ne suis pas certain qu’ils soient tous lus de bout en bout.