M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Avec toute son élégance et la détermination dont il fait preuve dans ce combat, notre collègue Thani Mohamed Soilihi a bien voulu s’en remettre à la commission des lois : c’est la réponse qu’il apporte à la demande de M. le ministre d’État de retrait de son amendement.
Le rapporteur de ce projet de loi, François-Noël Buffet, et moi-même allons donc reprendre cet amendement, ce qui lève toute ambiguïté et tout embarras pour son auteur. Par conséquent, notre assemblée peut, en tout état de cause, se prononcer sereinement sur ce problème, sans que notre collègue ait à en assumer seul la responsabilité.
Il me semble important que nous réglions dès à présent cette difficulté. J’ai beaucoup apprécié la réponse très mesurée que M. le ministre d’État nous a faite. J’interprète cette réponse comme un encouragement à faire aboutir cette réforme pour Mayotte : il ne se serait pas engagé à ce que, en cas d’échec du processus sur ce point dans le cadre de la loi sur l’immigration, le Gouvernement inscrive à son ordre du jour prioritaire la proposition de loi de notre collègue s’il n’avait pas le désir sincère qu’elle parvienne à son terme.
Si tel est bien votre désir, monsieur le ministre d’État – je n’ai pas de motifs d’en douter ; j’en ai au contraire de vous croire –, il n’y a aucune raison pour que vous n’obteniez pas de l’Assemblée nationale, dès maintenant, ce que vous êtes prêt à lui demander demain. Nous devons, par conséquent, tout en ne méconnaissant pas le geste que vous avez fait, poursuivre la discussion de ce texte en intégrant la réforme pour Mayotte.
Cette réforme nécessaire, que Thani Mohamed Soilihi a préparée avec le Conseil d’État, est une réforme constitutionnelle, qui pose des conditions très claires, très précises et, d’une certaine façon, assez restrictives.
Elle ne met pas en cause les grands principes, mais prévoit seulement des adaptations nécessaires pour un département en grande souffrance, que l’on ne peut pas laisser plus longtemps dans cette situation préjudiciable aux équilibres sociaux, à la qualité des services publics – l’école, l’hôpital, etc. – et à la sécurité des habitants.
Il y a urgence à agir. C’est la raison pour laquelle la commission des lois, qui a déjà apporté son plein soutien à cet amendement, le reprend afin qu’il puisse être définitivement adopté et qu’ensuite la commission mixte paritaire puisse suivre le vote du Sénat, lequel est le signe de la solidarité de la représentation nationale à l’égard de nos compatriotes mahorais. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Jérôme Bignon et Stéphane Artano applaudissent également.)
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 582, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
I. - Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2492-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 2492-1. – Pour un enfant né à Mayotte, le premier alinéa de l’article 21-7 et de l’article 21-11 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois. »
II. – En conséquence, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Titre…
Adaptation des règles de nationalité à Mayotte pour préserver les droits de l’enfant, l’ordre public et faire face au flux migratoire
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Le plus souvent, je trouve que les explications de vote ne sont pas forcément nécessaires, mais, en l’occurrence, la situation est très particulière.
Je connais bien la situation de la protection de l’enfance à Mayotte. Elle est indigne de la République, vraiment indigne ! Ce que vivent les enfants à Mayotte n’est, selon nous, pas tolérable. Et pourtant, nous le tolérons depuis tant d’années, en laissant les élus se débrouiller comme ils peuvent ! Je prends, vous le savez, ma part de responsabilité et de culpabilité dans cette affaire.
Pour autant, je comprends aussi l’appel au secours que nous lance notre ami, quand il nous dit de faire quelque chose, de ne pas laisser son territoire dans cette situation. Toutefois, je ne crois pas que ce soit en changeant le code de la nationalité que l’on va résoudre la question de la protection de l’enfance à Mayotte.
Que ces enfants soient destinés à être français ou non, ce sera pareil : il y aura toujours le même nombre d’enfants, la même insuffisance des services sociaux, le même manque de moyens, les mêmes difficultés. Tout ne se règle pas par la nationalité !
Par ailleurs, dans le contexte actuel, et comme l’attestent certaines interventions que je viens d’entendre, on sent bien que la question du code de la nationalité est instrumentalisée au-delà du cas de Mayotte.
Mme Laurence Cohen. Bien sûr !
Mme Laurence Rossignol. C’est pour cette raison qu’avec mes collègues, nous voterons contre l’amendement : je ne veux pas mettre le doigt dans une réforme du code de la nationalité instrumentalisant Mayotte.
Monsieur le ministre d’État, vous ne pouvez pas dire simplement à un sénateur de faire une proposition de loi, dont vous vous servirez ensuite. Vous, faites un projet de loi !
Que le Gouvernement prenne ses responsabilités à l’issue de ce débat pour apporter aux élus de Mayotte, à sa population et aux enfants la protection et la dignité auxquelles ils ont droit ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 113 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 407 rectifié ter.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 164 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 582.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission des lois, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 154 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 248 |
Contre | 94 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau ainsi que MM. Richard Yung, Thani Mohamed Soilihi et Jérôme Bignon applaudissent également.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 bis.
L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Navarro, Marchand et Amiel et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2492-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 2492-2. – Par dérogation à l’article 35, l’officier de l’état civil précise sur l’acte de naissance si l’un des parents, au jour de la naissance de l’enfant, résidait en France de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la procédure à suivre pour l’inscription de cette mention, les conditions dans lesquelles il est justifié de la résidence régulière et ininterrompue en France et les modalités de recours en cas de refus par l’officier de l’état civil de procéder à cette inscription. »
II. – En conséquence, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Titre…
Adaptation des règles de nationalité à Mayotte pour préserver les droits de l’enfant, l’ordre public et faire face au flux migratoire
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur cet amendement, l’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Cet amendement étant de conséquence par rapport au précédent, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je maintiens bien sûr cet amendement, qui est une conséquence de l’amendement qui vient d’être adopté. S’il n’était pas adopté, les situations potentiellement difficiles qui ont été décrites ici seraient encore aggravées. Il est donc nécessaire de voter en faveur de cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 bis.
TITRE II
RENFORCER L’EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Article additionnel avant l’article 10 AA
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 394 rectifié, présenté par Mme Puissat, MM. Allizard, Babary et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne, Dumas, Duranton et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, M. Guené, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, MM. Laufoaulu et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. de Legge, Le Gleut, Leleux et H. Leroy, Mmes Lherbier et Lopez, MM. Mandelli et Mayet, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paccaud, Paul, Pemezec, Pierre, Pointereau, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 211-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Une caution peut être exigée de tout étranger, hors ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, lors de l’attribution d’un visa ou d’un titre de séjour temporaire.
« Cette caution est retenue si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou après l’expiration de son titre de séjour.
« Cette caution est restituée lors du départ de l’étranger si celui-ci a respecté les obligations attachées à son titre ou visa.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
Cet amendement est retiré.
L’amendement n° 488 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 211-2. – La délivrance d’un visa peut, suivant les États et en vertu d’une liste établie annuellement par décret après avis des commissions parlementaires compétentes et mise en œuvre d’une procédure de consultation publique, être subordonnée au paiement d’une taxe ainsi qu’au dépôt d’une caution couvrant les frais de rapatriement, laquelle est restituée par l’autorité consulaire au retour dans l’État d’origine de la personne sollicitant le visa.
« Le montant des taxes susvisées en fonction des États est fixé par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. La délivrance d’un visa n’est pas un acte anodin.
Nous l’avons déjà affirmé, notre objectif est de réduire drastiquement les flux migratoires afin d’aboutir à un solde annuel de 10 000 entrées. Pour y parvenir, il est nécessaire de contrôler beaucoup plus strictement la délivrance des visas, lesquels permettent à certains étrangers entrés légalement de se maintenir clandestinement sur notre territoire une fois la validité du visa expirée. En effet, sur près de 135 000 personnes régularisées, quelque 68 000 seraient entrées via un visa de tourisme.
Alors oui, il est essentiel d’encadrer de façon beaucoup plus restrictive l’octroi des visas. C’est tout l’objet du présent amendement, qui prévoit la possibilité de subordonner leur délivrance au paiement d’une taxe, ainsi qu’au dépôt d’une caution couvrant les frais de rapatriement, caution restituée par l’autorité consulaire au retour de la personne sollicitant le visa dans l’état d’origine.
Ce dispositif ne serait évidemment pas automatique, mais applicable selon les États en vertu d’une liste établie annuellement par décret, après avis des commissions parlementaires compétentes et organisation d’une procédure de consultation publique.
M. le président. L’amendement n° 491 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 311-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 311-… ainsi rédigé :
« Art. L. 311-…. – La délivrance des titres de séjour est subordonnée au paiement d’une taxe ainsi qu’au dépôt d’une caution destinée à couvrir les frais de rapatriement dans le cas d’un dépassement de la durée du séjour autorisée en France.
« Les montants des taxes et des cautions par pays sont fixés par décret. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Comme nous l’avons déjà dit, ces dernières années, les différents gouvernements, de gauche comme de droite, n’ont cessé de mener une politique laxiste. Rappelons que, sous la mandature de Nicolas Sarkozy, il est entré plus d’étrangers en France que sous le gouvernement Jospin. Une prouesse qui mérite d’être rappelée !
Cela rend de plus en plus permissives les conditions du droit au séjour, qui ne tiennent compte ni des capacités d’accueil de notre pays ni des nécessités de son économie.
Vous savez très bien qu’un titre de séjour n’est, par définition, qu’une autorisation temporaire de demeurer sur le territoire national, une autorisation donnée par les Français à des étrangers.
Un étranger présent sur le sol français sans titre de séjour est en situation irrégulière. Il doit, s’il n’est pas éligible au droit d’asile, être reconduit dans son pays d’origine.
Le système actuel – votre système ! – favorise la fraude et pèse sur les finances publiques puisque les rapatriements sont à la charge de l’État, c’est-à-dire de nos compatriotes.
Nous proposons à travers cet amendement de subordonner l’obtention d’un titre de séjour au paiement d’une taxe, ainsi qu’au dépôt d’une caution visant à couvrir les frais de rapatriement. Il s’agit, là encore, d’une mesure de bon sens : il ne faut pas que l’éventuel rapatriement de ces étrangers soit uniquement financé par les contribuables français, ces contribuables de qui vous exigez beaucoup trop.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 491 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 10 AA (nouveau)
Le titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« Aide médicale d’urgence
« Art. L. 251-1. – Tout étranger résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l’article L. 861-1 du même code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge, à l’aide médicale d’urgence, sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge, d’un droit annuel dont le montant est fixé par décret.
« En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale, bénéficier de l’aide médicale d’urgence dans les conditions prévues par l’article L. 251-2.
« De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu’elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l’aide médicale d’urgence, dans des conditions définies par décret.
« Art. L. 251-2. – La prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais, concerne :
« 1° La prophylaxie et le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës ;
« 2° Les soins liés à la grossesse et ses suites ;
« 3° Les vaccinations réglementaires ;
« 4° Les examens de médecine préventive.
« La prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l’acceptation par les personnes mentionnées à l’article L. 251-1 du présent code d’un médicament générique, sauf :
« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Lorsqu’il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;
« 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique.
« Art. L. 251-3. – Sauf disposition contraire, les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Le chapitre II est abrogé ;
3° Le chapitre III est ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Dispositions financières
« Art. L. 253-1. – Les prestations prises en charge par l’aide médicale d’urgence peuvent être recouvrées auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard des bénéficiaires de cette aide. Les demandeurs de l’aide médicale d’urgence sont informés du recouvrement possible auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à leur égard des prestations prises en charge par l’aide médicale.
« Art. L. 253-2. – Les dépenses d’aide médicale sont prises en charge par l’État.
« Lorsque les prestations d’aide médicale ont pour objet la réparation d’un dommage ou d’une lésion imputable à un tiers, l’État peut poursuivre le tiers responsable pour le remboursement des prestations mises à sa charge.
« Art. L. 253-3. – Les demandes en paiement des prestations fournies au titre de l’aide médicale par les médecins, chirurgiens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, établissements de santé et autres collaborateurs de l’aide sociale doivent, sous peine de forclusion, être présentées dans un délai de deux ans à compter de l’acte générateur de la créance.
« Art. L. 253-4. – Sauf disposition contraire, les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 10 AA que nous allons examiner, qui supprime l’aide médicale de l’État, l’AME, pour la remplacer par une aide d’urgence, est particulièrement grave. C’est une atteinte aux acquis sociaux, aux droits des étrangères et des étrangers malades.
Ma collègue Christine Prunaud reviendra plus précisément sur ce sujet en présentant notre amendement de suppression, mais je souhaite apporter un premier éclairage sur les conséquences d’une telle remise en cause.
Toutes les associations membres de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, l’ODSE, sont unanimes : le respect des droits réservés aux étrangères et étrangers malades, droits notamment encadrés par la loi du 11 mai 1998 introduisant la régularisation pour raisons médicales, est mis à mal par le gouvernement actuel.
Régulièrement attaqués, ces droits ont déjà fait l’objet de nombreuses remises en cause. La plus récente, la loi de mars 2016, a transféré l’évaluation médicale faite par les agences régionales de santé, les ARS, qui sont sous tutelle du ministère de la santé, à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, lequel est sous l’autorité du ministère de l’intérieur.
Ce dernier étant davantage animé par des objectifs de contrôle des flux que par la préservation de la santé publique, nous nous étions fermement opposés à cette mesure absolument révélatrice de la logique comptable, déjà portée par le gouvernement précédent, en matière de politique migratoire.
Nos collègues socialistes ont regretté, dans leur motion tendant à opposer la question préalable, que les mesures de cette loi de 2016 n’aient pas encore pu produire leurs effets. Pourtant, sachez que les premiers chiffres disponibles sont éloquents : le nombre de titres de séjour délivrés pour soins a chuté de 37 % entre 2016 et 2017.
Le texte de 2016 a donc ouvert la brèche, et le gouvernement En Marche s’y engouffre.
Ainsi, par exemple, l’article 20 du texte que nous examinons prévoit qu’un ressortissant étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement fondée sur le rejet de sa demande d’asile ne pourrait plus solliciter un titre de séjour hors du délai fixé, sauf « circonstances nouvelles ». Cela vise de nombreux étrangers malades, car une part importante des déboutés du droit d’asile relèvent de la procédure du droit au séjour pour soins, comme le révèle le rapport sur l’admission au séjour des étrangers malades.
Un texte commun a été signé par 63 associations pour que ces dispositions soient supprimées. Que leur répondez-vous, monsieur le ministre d’État ? Et que leur répond votre collègue Mme Buzyn ?
Supprimer l’aide médicale de l’État fait aussi courir le risque d’une propagation de maladies pour cause de non-recours aux soins. Il s’agit donc d’une question de santé publique.
Cet article étant extrêmement grave, nous allons vous présenter un amendement visant à le supprimer.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Il s’agit là de dispositions que nous connaissons bien : nous les avons examinées à de nombreuses reprises – M. Karoutchi présente même, presque chaque année, un amendement de cette nature en commission des finances. C’est une vieille lune, si j’ose dire, une sorte de marotte…
Cette fois-ci, on nous propose d’instaurer un droit de timbre. C’est une mesure que je considère comme injuste, presque cynique, d’une certaine manière.
Monsieur Karoutchi, je vous rappelle que, entre 2010 et 2011, pas moins de trois lois avaient modifié le dispositif de l’aide médicale de l’État, l’AME. Le gouvernement Fillon avait subordonné l’attribution de cette aide au versement d’un droit annuel de 30 euros : vous voyez que ce n’est pas nouveau ! Il avait également soumis la prise en charge des frais hospitaliers lourds, au-delà de 15 000 euros, à une autorisation préalable de la caisse primaire d’assurance maladie.
Au fond, qu’ont donné toutes ces dispositions ? Elles ont complexifié le dispositif de l’AME et découragé un certain nombre de bénéficiaires.
Ce renchérissement a conduit des personnes en grande difficulté à renoncer à se faire soigner, ou à reporter leurs demandes de soins. Lors de diverses auditions, des praticiens, des médecins hospitaliers nous ont fait part de ce constat : ils voyaient arriver des patients présentant des pathologies lourdes. Ces derniers n’avaient pas été soignés. En définitive, on aboutissait évidemment à un surenchérissement des coûts.
D’ailleurs, vous vous souvenez sans doute qu’un rapport commun de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale des finances avait évalué – sauf erreur de ma part – à 20 millions d’euros le surenchérissement des coûts que ces dispositions entraînaient.
Heureusement, ces mesures ont été supprimées en 2012 par le gouvernement socialiste de Manuel Valls, gouvernement que je continue de soutenir.
M. Roger Karoutchi. Ah oui, M. Valls est en marche, lui aussi !
M. Richard Yung. Le dispositif actuel est déjà très encadré. Pour pouvoir bénéficier d’une prise en charge, les étrangers en situation irrégulière doivent résider sur notre territoire « de manière ininterrompue depuis plus de trois ans », et leurs ressources ne doivent pas dépasser un certain seuil.
Je ne comprends donc pas l’acharnement avec lequel vous souhaitez réintroduire cette disposition, que nous avons, heureusement, repoussée.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.
M. Roger Karoutchi. Je serai très bref, puisque M. le rapporteur exprimera, dans quelques instants, l’avis de la commission sur les amendements de suppression, et qu’il défendra ainsi notre proposition.
Monsieur Yung, je ne sais pas ce que vous appelez « vieille lune »… Mais, pardonnez-moi de vous le dire, lorsque le droit de timbre existait, j’ai entendu bien des ministres de gauche déclarer qu’ils ne trouvaient rien à y redire, voire affirmer que cette imposition était nécessaire et logique.
Je peux comprendre que les prises de position varient… Mais n’en faites pas une question fondamentale, alors que vos amis politiques ont longtemps défendu ce dispositif, avant de l’abandonner. (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain.)