M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. La situation à Mayotte est particulièrement grave, nous l’avons déjà évoquée hier ; d’autres amendements l’aborderont aussi. Les dispositions spécifiques et restrictives de circulation des étrangers à Mayotte par rapport à l’Hexagone renforcent encore la difficulté de la situation.
Quoi qu’il en soit, l’immigration à Mayotte, ce n’est pas seulement une motivation de nationalité, c’est aussi une motivation sanitaire. Une telle disposition ouvre trois boîtes de Pandore.
La première boîte de Pandore est effectivement l’idée qu’il suffit d’être né en France pour avoir la nationalité française. En instillant ainsi encore plus cette idée, nous rencontrerons dans d’autres territoires le problème que nous avons à Mayotte.
La deuxième boîte de Pandore – j’en parle en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France ayant à connaître nombre de situations de nationalité, liées en particulier au statut civil de droit local en Algérie – est que le droit de la nationalité est particulièrement compliqué dès lors que, sur l’ensemble du territoire de la France, on commence à établir des différences. Aujourd’hui, on est obligé, pour des gens qui, depuis trois générations, ont des cartes d’identité, des passeports, d’aller chercher un décret en Conseil d’État, rédigé par Napoléon, par la grâce de Dieu, pour vérifier l’ascendant sur N générations, pour s’assurer qu’ils ont bien eu la nationalité française autrement que grâce au statut civil de droit local, tout ça parce qu’ils demandent un certificat de nationalité pour un enfant de cinq ans !
Allons-nous aujourd’hui prendre la responsabilité de créer des situations de cette nature pour les Mahorais dans dix, vingt ou trente ans ? Je ne le crois pas.
Enfin, la troisième boîte de Pandore est la résolution des Nations unies de 1975 sur la souveraineté de Mayotte puisque l’on ferait évoluer le droit de la nationalité à Mayotte vers un droit de la nationalité qui est plus proche d’un droit pour les Français qui s’établissent hors de France que d’un droit pour des personnes qui vivent sur le territoire national. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’ai pris attentivement connaissance des amendements de notre collègue Thani Mohamed Soilihi. Je pense sincèrement qu’il se trompe, car ils ouvrent une brèche pour toutes celles et tous ceux qui veulent remettre en cause le droit du sol. Ce sont des amendements qui enfreignent le principe fondamental de l’intérêt de l’enfant. Ils ouvrent aussi une brèche dans l’unicité de notre République.
Je connais Mayotte pour m’y être rendue il y a quelque temps, et je sais que les Mahoraises et les Mahorais vivent une situation très difficile, que personne ne doit ignorer. Toutefois, je ne pense pas que l’on puisse régler la situation par voie d’amendements. À mon sens, les solutions résident davantage dans des initiatives, sans doute complexes, notamment au travers des relations entre Mayotte et les Comores, c’est-à-dire entre la France et les Comores.
Je veux bien comprendre que, devant les difficultés de vie à Mayotte – nous nous souvenons tous ici des grandes mobilisations contre la vie chère qui ont eu lieu à Mayotte il y a quelque temps –, la population mahoraise essaie de trouver des solutions. Nos compatriotes mahorais se retrouvent d’ailleurs parfois bien seuls face à toutes leurs difficultés. On ne peut donc rien leur reprocher. Néanmoins, ce qui est proposé aujourd’hui ne constitue pas une bonne réponse. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même avons écouté à plusieurs reprises M. Mohamed Soilihi intervenir sur les problématiques spécifiques de Mayotte. Nous suivons, bien sûr, les éléments d’actualité. Je ne vous cache pas, cher collègue, que nous avons tous été impressionnés par vos explications, par leur caractère, semble-t-il, adapté aux problèmes rencontrés à Mayotte. Nous tenons donc à vous exprimer un soutien très marqué à la proposition de loi que vous aviez déposée et à vos deux amendements.
Nous avons aussi écouté les explications de nos collègues. M. Jacques Bigot a parlé de chimère quand les Comoriennes font le choix de venir accoucher à Mayotte pour des raisons considérées comme erronées. Or nous ne sommes pas face à des chimères, nous sommes face à une réalité : les trois quarts des jeunes entre dix-huit et vingt-quatre ans à Mayotte sont des enfants nés de parents comoriens et en situation irrégulière !
Par ailleurs, en ce qui concerne le Conseil d’État, il se serait substitué, selon vous, monsieur Leconte, au Conseil constitutionnel. Or il n’a pas cette prétention. Il a en effet pris soin de citer deux décisions du Conseil constitutionnel montrant qu’une adaptation était possible.
J’en viens à l’essentiel. Pour nous, cet amendement doit être maintenu, monsieur Mohamed Soilihi, et, pour notre part, nous le soutiendrons.
J’ai entendu les observations M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur. Il serait bon que le Gouvernement prenne l’engagement d’inscrire votre proposition de loi, cher collègue, à l’ordre du jour, dont le Gouvernement a la maîtrise, à la fois au Sénat et à l’Assemblée nationale. Tout doute serait levé si nous obtenions de sa part cette double garantie concernant l’inscription de ce texte à l’ordre du jour des assemblées.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je vous donne cette double garantie : nous voulons dissocier cette question de l’examen du présent projet de loi, mais la proposition de loi sera bien examinée et au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis naturalisée et très fière de l’être. Je crois que j’ai servi la France comme je l’ai pu. J’ai grandi dans une ambiance où l’on me disait que la France était le pays universel.
M. Stéphane Ravier. C’est le passé !
Mme Esther Benbassa. L’universalité française, c’est la dignité des êtres qui habitent ce pays. J’ai grandi avec ce slogan, loin, à 5 000 kilomètres d’ici. C’est ouvrir une brèche que de faire une République qui n’est plus universelle, mais qui est à plusieurs vitesses. La France, la République, doit rester ce qu’elle est. Même si la situation des Mahorais est très compliquée, même si les choses sont fort complexes à Mayotte, restons la Nation que nous sommes, qui fait l’honneur de la France.
Monsieur le ministre d’État, je ne partage pas souvent vos idées, vous ne l’ignorez pas, mais je vous remercie aujourd’hui d’avoir mis l’accent sur un danger qui nous guette. (Mme Laurence Cohen et M. Pierre Ouzoulias applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Nous allons peut-être nous diriger vers un retrait, dans les conditions évoquées par M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, des amendements de M. Mohamed Soilihi. Quoi qu’il en soit, malgré toute l’amitié que je porte au vice-président du Sénat, nous ne les voterions pas s’ils étaient maintenus. Ils constituent en quelque sorte un appel au secours. La départementalisation qui a été voulue par le gouvernement de l’époque, en 2011, est un échec.
Mme Éliane Assassi. Vous l’avez votée !
M. Patrick Kanner. C’est un échec parce que la République n’a pas été à la hauteur des besoins de ce territoire. Je tiens à le dire, si aujourd’hui la plus grande maternité française est Mamoudzou, c’est parce que des femmes, notamment de la Grande Comore, estiment que, quoi qu’il arrive, il vaut peut-être mieux venir accoucher sur le territoire national. Rien n’est réglé par cette départementalisation.
Si notre collègue Thani Mohamed Soilihi porte un bon diagnostic sur cette situation dramatique, la solution qu’il propose n’est pas une bonne réponse. Nous souhaitons naturellement que le droit de la nationalité ne soit pas touché par les amendements que nous examinons sur ce texte.
Si ces amendements étaient adoptés, que pourrions-nous dire à propos d’amendements identiques sur la Guyane, en lien avec le Surinam ? Quelle autre boîte de Pandore, pour reprendre l’expression de notre collègue Leconte, ce serait pour nous dans les semaines et les mois à venir !
Par conséquent, nous approuvons la proposition de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur d’avoir un débat spécifique sur le sujet, qui ouvrira très largement la question sur la situation économique et sociale de Mayotte, ainsi que des villes et des territoires des îles de la Grande Comore et de l’archipel comorien. À ce stade, je le dis au nom du groupe socialiste et républicain, nous ne pourrions pas voter ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Je passerai volontiers sur les élucubrations des derniers représentants de ce cadavre politique qu’est le communisme (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), qui empeste encore la société française, en particulier cet hémicycle !
Mme Éliane Assassi. Un peu de respect ! Vous êtes tout seul !
M. Stéphane Ravier. Je sais que vous regrettez le bon vieux temps du pacte germano-soviétique…
Mme Esther Benbassa. Il faut arrêter avec ça !
M. Stéphane Ravier. … et de ce gouvernement ou de cet État français composé essentiellement de ministres issus de la gauche et de l’extrême gauche ! (Vives exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Fabien Gay. C’est lamentable ! On nous insulte !
M. le président. S’il vous plaît, la parole est à M. Ravier pour explication de vote sur les amendements. Restons-en à la discussion des amendements !
M. Stéphane Ravier. Ce bon vieux temps, disais-je, où vous négociiez avec les autorités allemandes la parution de l’Humanité !
Mme Esther Benbassa. Ce sont des attaques personnelles, pas des explications de vote !
Mme Éliane Assassi. Rappel au règlement ! (Mme Esther Benbassa frappe sur son pupitre.)
M. Stéphane Ravier. J’ai du mal à m’exprimer dans ces conditions, monsieur le président.
M. le président. Restez-en à votre explication de vote, je vous prie.
M. Stéphane Ravier. En revanche, j’abonde dans votre sens pour que ces étrangers qui ont combattu pour que la France reste française et pour qu’elle demeure libre puissent devenir français. Honneur à eux ! Je pense, bien sûr, à ceux de 1940, de 1945, mais aussi à ceux que vous avez politiquement poignardés dans le dos et lâchement abandonnés, à savoir nos compatriotes harkis à la fin des années 1950 !
Mme Éliane Assassi. Vous parlez de choses que vous ne connaissez pas !
M. Stéphane Ravier. Je veux répondre à notre collègue M. Thani Mohamed Soilihi dont je ne comprends pas la réaction. J’ai mis l’accent sur une situation dramatique, qui fut rappelée en son temps par notre ancien collègue M. Baroin, qui, encore une fois, s’était libéré de ses dogmes et ses lectures pour prendre conscience de ce qui se passait là-bas, parce qu’il s’y était rendu. De la même manière, lorsqu’on se rend en Guyane, on ne peut qu’être atterré par le processus de submersion. J’ai même entendu dans cet hémicycle parler de « génocide par substitution » – ce n’est pas moi qui l’ai dit le premier !
Quand on réussit à se libérer de ses dogmes, quand on réussit à voir la réalité en face, quand on habite la planète Terre, eh bien on fait comme les Mahorais : on vote à plus de 43 % pour la candidate nationale Marine Le Pen à l’occasion de l’élection présidentielle de l’année dernière ! Voilà quelle est la meilleure réponse !
Mme Catherine Troendlé. Ce n’est pas une explication de vote !
M. Stéphane Ravier. Les Mahorais soutiennent notre politique parce qu’ils savent très bien que nous sommes avec eux. C’est la seule réponse que je puisse vous apporter, monsieur Mohamed Soilihi.
M. le président. Merci, cher collègue !
M. Stéphane Ravier. Soyez en phase avec nos compatriotes de Mayotte (M. Patrick Kanner frappe sur son pupitre.), ils vous en seront reconnaissants !
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. À sujet tabou, problème insoluble ! Ces questions sont essentielles, mais il faudrait les diviser : asile, immigration, intégration sont trois sujets différents. Comme l’a dit mon collègue Patrick Kanner, ouvrir cette proposition sur Mayotte, c’est évidemment parler de la Guyane et remettre en cause l’acquisition de la nationalité.
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Sébastien Meurant. Ces problèmes sont fondamentaux puisqu’ils concernent l’avenir du pays et de la Nation. Il faut vraiment être aveugle et sourd pour ne pas comprendre que partout en France l’immigration, l’asile, l’intégration sont des sujets cruciaux. De plus, c’est un déni de démocratie. En démocratie, je pense que nous sommes tous d’accord, c’est au peuple de décider qui entre en France,…
M. Stéphane Ravier. Absolument !
M. Sébastien Meurant. … qui a le droit de devenir français.
M. Stéphane Ravier. Tout à fait !
M. Sébastien Meurant. Si c’est au peuple de décider et si nous sommes en démocratie, nous devrions pouvoir examiner sans tabou, calmement, ces phénomènes d’immigration.
La Guyane comptait 40 000 habitants en 1975, elle en compte plus de 400 000 à l’heure actuelle. Évidemment qu’il y a des problèmes ! On comprend tout à fait que l’on veuille les résoudre. Or que nous dit-on aujourd’hui ? Qu’il faut attendre que M. le ministre de l’intérieur travaille sur cette question éminemment complexe !
Être français, madame Benbassa, c’est reconnaître que les lois de la République s’appliquent partout sur le territoire. Pour quelles raisons le communautarisme gagne-t-il du terrain dans certains territoires ?
Mme Esther Benbassa. Qu’est-ce que cela a à voir avec le communautarisme ?
M. Sébastien Meurant. C’est une réalité ! Cher collègue du Val-d’Oise, il y a quarante ans, on en était loin, bien sûr, mais aujourd’hui quid du droit des femmes, du droit au blasphème, du droit à l’apostasie ? Il faut dire haut et fort que la France, c’est la loi de la République ! C’est des usages, des coutumes, c’est la transmission d’une civilisation. Or la transmission de cette civilisation est bafouée dans bon nombre de territoires !
M. Stéphane Ravier. Bienvenue au Rassemblement national !
Mme Esther Benbassa. Qu’ai-je à voir avec ça ? Je bafoue quoi ?
M. Sébastien Meurant. Ce ne sont pas des personnes d’extrême droite qui disaient il y a quelques années que le seuil de tolérance était dépassé.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
Mme Éliane Assassi. C’est la fin de la logorrhée !
M. Sébastien Meurant. Qui a dit que le Front national posait les bonnes questions, mais apportait les mauvaises réponses ?
Mme Éliane Assassi. C’est fini !
M. Sébastien Meurant. Qui disait cela, messieurs les socialistes ? (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Reconnaissez-le !
M. le président. Chers collègues, je vous appelle au calme. Tenez-vous-en aux amendements et évitez les débats trop généraux, faute de quoi nous n’avancerons pas.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons tous beaucoup d’amitié pour Thani Mohamed Soilihi et nous comprenons la situation très difficile dans laquelle se trouve Mayotte. Il y a six ans, M. Cointat, M. Desplan et moi-même avons remis, au nom de la commission des lois, un rapport comportant des propositions très précises. Depuis, M. Christnacht – je tiens à le citer – a réalisé un travail très approfondi.
Monsieur le ministre d’État, nous savons quel est le problème. Le problème, c’est que tous les jours des bateaux appelés kwassa-kwassa transportent des gens, au péril de leur vie, pour arriver de manière illégale. Il s’agit de passeurs qui œuvrent dans l’illégalité la plus complète grâce à des connivences et à de la corruption. Il faut l’empêcher, ce qui ne pourra se faire que si la République française passe un accord avec les Comores : il n’y a pas d’autre solution, quels que soient les contentieux qui existent, monsieur le ministre d’État. Cette coopération devra être douanière et policière.
On ne peut pas continuer ce système infernal et qui n’en finit pas où des gens arrivent, sont interceptés par la gendarmerie, vont dans un centre de rétention – qui a d’ailleurs été rénové –, en partent deux jours après, retournent chez eux, puis reviennent à Mayotte quelques jours après, etc.
Il n’y a pas d’autre solution que de garantir un État de droit. J’ai vu, monsieur le ministre d’État, que le préfet de Mayotte a lancé cette semaine un groupe de réflexion sur l’immigration clandestine. C’est très bien, mais l’heure n’est plus tellement aux groupes de réflexion, il est plutôt temps de trouver des solutions et de les mettre en œuvre. C’est une question de sécurité publique et de respect des règles !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je soutenais l’amendement qu’a retiré Roger Karoutchi. Je comprends ce que dit M. Mohamed Soilihi. Lui, il vit à Mayotte ! Nous connaissons tous sa modération et ses talents de juriste. S’il maintient son amendement, je le voterai ! (MM. Philippe Bas et Stéphane Artano, ainsi que Mme Catherine Troendlé applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je voudrais, sur un mode républicain, essayer d’argumenter pour dire que cet amendement de Thani Mohamed Soilihi est nécessaire.
M. Stéphane Artano. Très bien !
M. Alain Richard. Il n’est pas superflu, il n’est pas hors sujet. L’article 73 de la Constitution permet qu’une législation différente s’applique suivant les territoires ultramarins.
Je fais observer à certains collègues que, depuis vingt ans, sous un gouvernement auquel j’avais l’honneur d’appartenir, il a été décidé que le droit du suffrage serait différent en Nouvelle-Calédonie de ce qu’il est dans le reste du pays : c’est en vigueur et c’est constitutionnel !
Donc, il y a un motif d’intérêt général, que le Conseil d’État a parfaitement résumé, pour empêcher l’acquisition de la nationalité française dans des conditions désordonnées sur ce territoire.
Je veux aussi souligner que l’idée, gentille, de la coopération avec les Comores est un non-sens. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Les Comores contestent depuis quarante ans la souveraineté de la France sur Mayotte, en s’appuyant d’ailleurs sur des arguments de droit qui ont leur poids. Par conséquent, il est hors de portée d’obtenir des autorités comoriennes la moindre coopération sur ce sujet. Nous le savons tous, elles encouragent les trafics.
C’est une erreur de droit, monsieur Jacques Bigot, de penser qu’aujourd’hui un jeune né à Mayotte et qui y a séjourné pendant au moins treize ans ne remplit pas toutes les conditions pour devenir français. Il a bien cette capacité. Et c’est le cas de milliers d’entre eux !
Il y a donc bien là un sujet de droit et, dussè-je, pour une fois, contrarier le ministre d’État, je pense qu’il faut le traiter maintenant. En effet, nous connaissons tous l’état d’encombrement du travail législatif jusqu’à la fin de l’année. Le problème ne fait que s’aggraver à Mayotte.
Nous avons une opportunité et nous avons, constitutionnellement un lien avec l’objet du texte, pour amender maintenant dans ce sens. C’est licite, légitime, nécessaire et équitable ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Jérôme Bignon et Alain Schmitz applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’aimerais d’autant plus expliquer mon vote que j’ai retiré mon amendement au profit de celui de Thani Mohamed Soilihi. Je ne veux absolument pas qu’il retire le sien ! Sinon, qu’aurais-je fait ?…Vous n’allez pas me faire cela, mon cher collègue ? Il vous faut maintenir votre amendement, car nous allons le voter et il sera adopté.
Monsieur le ministre d’État, vous avez sûrement raison : une proposition de loi examinée au Sénat et à l’Assemblée nationale serait plus sûre qu’un texte adopté ici par voie d’amendement et qui pourrait être supprimé lors d’une commission mixte paritaire. C’est vrai !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mais on garde cette possibilité !
M. Roger Karoutchi. Mais, « en même temps » (Sourires.) – ce qu’Alain Richard a dit est vrai –, tout en étant d’accord avec le texte, tout en disant que son auteur a raison et qu’il y a bien un problème, on ne le vote pas !
Monsieur le ministre d’État, acceptez l’amendement afin qu’il soit voté, puisque vous êtes d’accord sur le fond ! Le problème est simplement de procédure parlementaire : fait-on passer la mesure par voie d’amendement ou via une proposition de loi ?
Si l’amendement subsiste à l’issue de la commission mixte paritaire, les choses avanceront ; à défaut, Thani Mohamed Soilihi déposera, avec notre soutien, une proposition de loi qui sera votée au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Il faut laisser le Sénat, dans sa respiration démocratique et parlementaire,…
M. Jérôme Bignon. Très bien !
M. Roger Karoutchi. … voter sur du fond quand il est d’accord ! Sinon, ça ne peut plus fonctionner.
Je comprends l’argument de l’efficacité, monsieur le ministre d’État, mais, sur le principe, on ne peut à la fois dire à nos collègues de Mayotte que l’on est d’accord avec leur proposition et la remettre à plus tard.
Il faut la voter, la soutenir, et ensuite le Gouvernement et le Parlement se débrouilleront pour que les choses se passent mieux à Mayotte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je maintiens ce que j’ai dit précédemment. Sur ce problème dramatique de Mayotte, il convient d’avoir les plus grandes convergences.
J’y insiste, le Gouvernement vous demande de ne pas adopter ce texte à l’occasion de la présente discussion, pour les raisons que j’ai déjà indiquées. Mais il s’engage à ce que la proposition de loi sur ce sujet soit examinée au Sénat et à l’Assemblée nationale. La position gouvernementale consistera, à ce moment-là, à faire adopter cette proposition de loi avec les modifications indiquées par le Conseil d’État.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Je déplore profondément la tournure que prend le débat depuis quelques minutes, du fait d’une minorité qui se sert de nos territoires comme d’un fonds de commerce. C’est inacceptable ! Je me demande même s’ils savent où se trouvent la Guyane et Mayotte, parce qu’ils sont souvent fâchés avec la géographie… (M. Stéphane Ravier s’exclame.) Très bien ! Au moins, vous avez appris quelque chose. (M. Stéphane Ravier s’exclame de nouveau.) S’il vous plaît, laissez-moi continuer !
Je ne veux pas non plus que l’on fasse l’amalgame entre ces deux territoires : la Guyane se trouve en Amérique du Sud, Mayotte dans l’océan Indien. (M. Stéphane Ravier s’exclame de nouveau.) S’il vous plaît, je ne vous ai pas interrompu !
Mon collègue Thani Mohamed Soilihi prend ses responsabilités et nous respectons ses amendements. Nous ne les avons pas signés, parce que nous ne sommes pas dans la même situation. Nous sommes une nation arc-en-ciel. Je suis, quant à moi, le pur produit de cette nation arc-en-ciel.
Respectons ce que souhaite notre collègue ! Cela a été dit, on ne peut refaire ni le match ni l’histoire, mais si l’approche avait été meilleure en 1979, Mayotte n’en serait pas là aujourd’hui. (MM. Richard Yung, Jérôme Bignon, David Assouline et Stéphane Artano, ainsi que plusieurs sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste applaudissent.)
M. le président. Monsieur Mohamed Soilihi, l’amendement n° 30 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Thani Mohamed Soilihi. Je remercie tous les intervenants qui ont apporté leur contribution, leur pierre à l’édifice. Je ne demande pas que l’on nous manifeste de l’amitié ou de la compassion. Je suis très heureux des liens amicaux qui nous unissent, mes chers collègues, mais c’est de la situation de Mayotte qu’il s’agit. Je demande de l’efficacité, car cette situation a trop duré.
Cher Jacques Bigot, cher ami, voici ce que ces dispositions vont changer : aujourd’hui, les clandestins se disent qu’ils peuvent partir pour tenter leur chance à Mayotte ; ils y restent un mois, ou dix ans ; ils donnent naissance à un enfant… Et lorsqu’ils sont reconduits à la frontière, ils montrent l’acte de naissance de leur enfant et disent qu’ils sont inexpulsables parce que l’enfant est né sur le sol français. Il faut casser cette logique et conditionner le maintien sur le territoire à la situation régulière de l’un des parents. Cela changera énormément de choses !
Je ne demande pas que cette mesure soit prise pour l’ensemble du territoire national. C’est pourquoi je me suis insurgé contre vos propos, cher collègue Ravier : seule la situation de Mayotte justifie ce dispositif.
Monsieur le ministre d’État, vous vous êtes engagé à plusieurs reprises. Vous ne me facilitez pas la tâche, alors même que tous ici, à quelques exceptions près, acceptent d’aller dans la direction de ce qui est bon pour Mayotte.
J’ai écouté vos propos et je suis, à titre personnel, tenté de vous suivre. Mais j’ai le plus profond respect pour le travail qui se fait ici, au Sénat. Et si j’en suis arrivé là, c’est parce que son président, Gérard Larcher, a accepté de transmettre ma proposition de loi au Conseil d’État.
Ce ne serait respecter ni le président du Sénat, ni la commission des lois, ni notre collègue Roger Karoutchi, qui a retiré son amendement au profit du mien, que de retirer cet amendement. Je m’en remets donc, même si cela ne se fait pas souvent, à la commission, qui a travaillé avec moi et m’a accompagné dans cette tâche depuis deux ans.
Encore une fois, je suis tenté, dans un souci d’efficacité, de suivre M. le ministre d’État. Mais au vu du travail effectué durant ces deux années, je préfère m’en remettre à la commission, ce qui ne signifie pas que je botte en touche ou que je refuse d’assumer mes responsabilités. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M Jérôme Bignon applaudit également.)