M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Claude Carle. Pourtant, chacun sait que l’avenir scolaire d’un enfant est déjà largement engagé lorsqu’il fête son septième anniversaire.
N’attendons donc pas le baccalauréat pour aborder l’orientation et la réussite des étudiants. Ce ne serait qu’un palliatif. L’orientation, au sens premier et noble du terme, commence dès le plus jeune âge.
L’honneur de l’éducation nationale et de notre République n’est pas de nier cette réalité en faisant la politique de l’autruche, mais de tout mettre en œuvre pour corriger ces maux.
Hervé Bazin a écrit : « Pour que la démocratie soit, nous devons vivre ce paradoxe : tous égaux, tous non pareils. » Une orientation réussie passe par le respect de ce paradoxe, en donnant plus à ceux qui en ont le plus besoin et pas seulement à ceux qui « savent » ou à ceux qui « ont », comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’importance de ce texte et son objectif de refonte de notre système d’enseignement supérieur, le président de notre groupe, Claude Malhuret, l’a largement exposé avant moi.
À l’heure de la globalisation des savoirs et d’une concurrence accrue entre les grandes universités françaises et étrangères, il importe de guider nos lycéens vers le bon établissement supérieur : celui où ils s’épanouiront, celui où ils perfectionneront leurs savoirs et celui, surtout, où ils pourront apprendre leur métier et s’engager, dès leurs études, dans la bonne voie professionnelle.
En commission de la culture, nous avons d’ailleurs souhaité mettre l’accent sur cette question des débouchés professionnels. C’est la raison pour laquelle nous avons, sur avis du rapporteur, conditionné l’ouverture de places supplémentaires dans une formation à deux critères : un fort taux de réussite de cette formation et une insertion professionnelle reconnue. Cette mesure de bon sens devait être inscrite dans la loi et nous avons donc adopté une position relativement unanime sur cette question.
Néanmoins, d’autres interrogations demeurent.
La question des algorithmes utilisés pour évaluer les dossiers des lycéens semble mériter que l’on s’y attarde, compte tenu de son importance pour l’avenir des jeunes. Sur la nouvelle plateforme Parcoursup, le logiciel permet en effet de hiérarchiser les élèves selon un système de points agrégeant les notes, la motivation et d’autres compétences non précisées. Notre groupe présentera une série d’amendements visant, dans le cas où il faudra départager deux élèves de niveau égal, à faire primer l’engagement bénévole au sein d’une association de vie citoyenne ou encore d’une instance de vie lycéenne.
De manière plus générale, la commission de la culture a demandé au Gouvernement la remise d’un rapport sur la mise en place de Parcoursup. Toute temporaire que soit cette plateforme, nous devons tirer les leçons de ses réussites et de ses échecs.
Quant au sujet du numérique, sur lequel nos collègues de l’Assemblée nationale sont déjà intervenus en demandant la publication du code source de cette nouvelle plateforme, il convient de saisir l’opportunité de ce projet de loi pour résoudre quelques situations pour le moins étranges, comme l’impossibilité pour un étudiant en formation à distance d’effectuer un stage. Alors que le Gouvernement promeut l’e-éducation, cette mesure nous paraît essentielle et fera, je l’espère, l’objet d’une large approbation dans cet hémicycle.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue l’initiative de ce texte de loi, essentiel pour refonder notre système d’enseignement supérieur. Il soumettra à votre examen une vingtaine d’amendements pour le parfaire, assurer une représentation équilibrée de tous les acteurs afin que l’enseignement supérieur de demain puisse s’adapter aux grandes transformations du XXIe siècle.
M. Charles Revet. Il y a du travail à faire !
Mme Colette Mélot. N’oublions pas que, d’après une étude parue voilà un an, 85 % des emplois à l’horizon de 2030 n’existent pas aujourd’hui. Des mutations s’imposent donc à nous si nous voulons donner à notre pays les moyens de rivaliser sur la scène internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, très honnêtement, je ne sais pas s’il faut nous féliciter de l’examen de ce texte, ici, aujourd’hui, et je veux commencer en relayant une forme de frustration collective.
Le calendrier choisi par le Gouvernement néglige incontestablement la représentation nationale et nous prive ainsi d’un véritable débat démocratique et éclairé sur l’importante question de la formation et de l’orientation de nos jeunes.
La plateforme Parcoursup est lancée, les universités se préparent d’ores et déjà à la mise en place des parcours de formation personnalisés et certaines ont même déjà publié leurs attendus. Ce projet de loi est donc déjà, en grande partie, mis en application, avant toute consultation de notre assemblée.
Je vais vous faire une confidence, madame la ministre. J’ai croisé dans un colloque un député de la majorité présidentielle, qui a balayé d’un revers de main toute modification de ce texte, ici, au Sénat. Face à cette forme d’arrogance, j’ose croire néanmoins que certains amendements qui seront proposés tout à l’heure pourront obtenir un avis favorable du Gouvernement.
Bien sûr, nous gardons à l’esprit que le point de départ de la réforme est la crise du tirage au sort, dont le recours lors de la campagne d’affectation l’année précédente a été particulièrement injuste, contraire aux valeurs de la République, et par-dessus tout illégal.
C’est une certitude, il fallait trouver une solution pour éviter que cela ne se reproduise de nouveau cette année, et tout le monde, ici, est d’accord sur ce point.
Cependant, je regrette que ce texte ne soit pas présenté pour ce qu’il est en réalité, c’est-à-dire une solution d’urgence, un pansement pour arrêter l’hémorragie et permettre aux quelque 850 000 futurs bacheliers de cette année d’être affectés, sans tirage au sort, dans les formations du premier cycle de l’enseignement supérieur.
Il s’agit, en définitive, de pallier l’absence totale d’anticipation du gouvernement précédent sur les augmentations d’effectifs. J’ai la faiblesse de croire qu’il faut moins de dix-huit ans pour construire une politique publique. Or, vous le savez, c’est le temps que met un nouveau-né pour arriver au niveau bac.
Cette précipitation nous contraint par ailleurs à prendre, me semble-t-il, le problème à l’envers, en travaillant sur l’affectation des lycéens et leur accès à l’enseignement supérieur avant de plancher sur la réforme du baccalauréat, en cours de préparation et sur laquelle nous aurons, je l’espère, l’occasion de débattre dans cette assemblée.
De manière tout à fait paradoxale, nous voulons établir un continuum bac-3/bac+3, en introduisant une vraie cohérence dans le parcours des jeunes et dans leur processus d’orientation, mais nous manquons nous-mêmes de cohérence dans la mise en place des dispositifs légaux et réglementaires.
Ainsi, comme un certain nombre de mes collègues l’ont dit précédemment, je crains que nous ne nous apprêtions à voter des dispositions qui devront de nouveau être modifiées avant 2021, première année d’obtention du bac réformé.
Sur le fond, la réforme aborde timidement la sélection implicite permise dans les formations dites en tension, où le nombre de candidatures excède la capacité d’accueil. Mais elle aurait pu nous permettre d’en finir avec le sacro-saint droit à l’université pour tous. Sur ce point, le projet de loi manque d’ambition et de responsabilité.
Je ne le nie pas, il y a des parcours scolaires atypiques, il faut laisser la place au droit à l’erreur d’aiguillage, au travers des passerelles mises en place, mais arrêtons de nier l’évidence des inscriptions fantaisistes dans certains cursus de nos universités. Vous avez fait un premier pas en mettant en place les attendus. Le vrai courage politique aurait été d’établir des prérequis.
En l’état, le texte ne corrige pas l’inadéquation entre l’offre de formation et les demandes, ne prépare pas les étudiants aux métiers d’avenir et ne renforce pas non plus l’autonomie des universités.
En ce qui concerne l’orientation, la mise en place de deux semaines dédiées et la nomination de deux professeurs principaux en classe de terminale représentent un premier pas intéressant, mais qui ne sera pas suffisant. Plus de 13 000 offres seront recensées dans Parcoursup. Pour digérer ce flot d’informations, il n’est pas raisonnable de préparer les élèves uniquement dans le cadre de leur dernière année de lycée. Cela doit intervenir bien plus tôt, dès la seconde probablement. De la même manière, on ne peut attendre des professeurs un accompagnement efficient s’ils ne sont pas formés aux problématiques de l’orientation. Cette question reste en suspens.
Une autre mesure ne me paraît pas satisfaisante et ne va pas, à mon sens, dans l’intérêt des lycéens : la non-hiérarchisation des vœux, et j’aurai l’occasion d’y revenir au travers d’un amendement d’appel.
Madame la ministre, vous comprendrez que, de notre point de vue, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux, mais nous serons extrêmement vigilants et attentifs à la considération qui sera portée à nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est la seconde fois que j’ai le plaisir de monter à cette tribune après qu’une proposition de loi que j’ai déposée et qui a été votée au Sénat se trouve concrétisée dans un projet de loi.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Tout à fait !
Mme Catherine Procaccia. Après le contrôle des comptes des comités d’entreprise, aujourd’hui, c’est la mise en place d’un système simple d’accès aux soins pour les étudiants qui va mettre fin aux incohérences et au système kafkaïen ayant prévalu jusqu’à présent.
J’avoue qu’il y a trois ans, en novembre 2014, j’avais seulement l’espoir que le Gouvernement impose des mesures pour que le régime social étudiant fonctionne un peu mieux. J’avais, hélas ! pu mesurer l’efficacité du lobbying de la LMDE et des mutuelles régionales pour enterrer mon projet, efficacité telle que les ministres répondaient à mes questions en utilisant mot pour mot les argumentaires que les mutuelles nous envoyaient pour défendre leur existence.
M. François Bonhomme. On n’ose le croire !
Mme Catherine Procaccia. Si seulement elles s’étaient autant impliquées pour apporter des réponses aux étudiants dont le dossier était perdu, qui avaient besoin d’un appareillage ou qui n’avaient pas reçu après quatre mois leur carte vitale !
La sécurité sociale étudiante est une vieille dame de soixante-dix ans, qui n’a pas su s’adapter à la massification du nombre d’étudiants et qui, coûte que coûte, n’a cherché qu’à survivre. Depuis des décennies, étudiants, parents, parlementaires, associations de consommateurs, Cour des comptes dénonçaient la mauvaise qualité du service rendu. La transformation de la MNEF en LMDE, l’ouverture à la concurrence avec la création des mutuelles régionales ont été inefficaces. Les cadres d’un des partis dominant la politique en France ont su se montrer très reconnaissants envers la LMDE de les avoir formés et financés.
Pourtant, le rapport que mon ex-collègue socialiste Ronan Kerdraon et moi-même avions rendu à la demande de la commission des affaires sociales et qui avait eu un important écho médiatique, s’il analysait les dysfonctionnements, proposait surtout des améliorations qui auraient pu sauver le système.
Faute d’une quelconque avancée, j’ai donc déposé une proposition de loi pour mettre fin à ce système d’assurance si spécifique qu’il n’existe nulle part ailleurs en Europe, qui ne s’appliquait qu’aux étudiants et non aux autres jeunes ; comme si leurs besoins étaient si différents de ceux des apprentis, des étudiants salariés ou des jeunes déscolarisés ! Je n’ai jamais eu qu’un seul but : permettre aux étudiants d’être enfin correctement couverts.
Il a tout de même fallu l’intervention de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et le refus par la Mutuelle générale de l’éducation nationale d’un nouvel adossement de la LMDE pour que la gestion de cette dernière soit assurée par l’assurance maladie, qui, en 2014, m’avait assuré qu’elle était bien prête à le faire.
Frédérique Gerbaud a été très claire et je la remercie de son intervention. Je ne reviendrai pas sur ses propos et me permettrai de rappeler une seule des aberrations constatées : la couverture maladie des étudiants débutait au 1er octobre, alors que l’année universitaire commençait, elle, en septembre. Il a fallu se battre pendant des années – n’est-ce pas, madame la ministre ? –, et ce n’est que depuis peu que les deux périodes coïncident. (Mme la ministre opine.)
En revanche, je demeure convaincue de l’inefficacité des actions de prévention menées par les mutuelles. Si la lutte contre le binge drinking, l’alcoolisme et les autres addictions était efficace, cela se saurait : ces méthodes auraient été généralisées à tous les jeunes ; or tel n’est pas le cas. Il faut bien que les mutuelles demeurent de simples façades, qu’elles reçoivent encore des subventions pour que nous puissions faire avancer le dossier et pour que les étudiants puissent, enfin, être bien assurés.
Je vous avais écrit, madame la ministre, pour vous indiquer que vous pouviez compter sur mon soutien pour cette réforme et je vous remercie de m’avoir citée. Je me réjouis que les étudiants soient correctement pris en charge, sans tous ces allers et retours inter-régimes, sources de complexité. Je ne regrette qu’une chose : la gratuité. La santé a un prix, et ne pas l’expliquer aux jeunes en leur faisant payer une cotisation, même faible, c’est mal les préparer au choc de leur future feuille de paie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission de la culture applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie beaucoup de ces échanges et de ces premières réactions, qui vont me permettre, en quelques mots, de replacer en perspective un certain nombre de messages portés par ce projet politique.
Vous avez longuement abordé la question, essentielle, de l’orientation, qui, à l’évidence, ne démarre pas uniquement à l’année de terminale. C’est bien dans cet esprit que Jean-Michel Blanquer et moi-même comptons la construire depuis la troisième, de manière à faire de ce que l’on appelle depuis des années le « bac-3/bac+3 » une réalité et non plus seulement une façon de parler. Il faut, bien sûr, que l’orientation puisse se poursuivre après l’entrée dans l’enseignement supérieur.
C’est pourquoi, effectivement, nous avons opté pour un droit d’inscription à l’unité d’enseignement, avec une capitalisation possible, ce qui permet d’assurer une modularité bien plus grande, d’inclure les périodes de stages, donc de garantir une meilleure professionnalisation.
Cette professionnalisation, comprenons-le bien, va jusqu’à bac+8. Être enseignant-chercheur, c’est aussi un métier. Dans la mesure où les différents niveaux forment en la matière une pyramide extrêmement pointue, nous avons à nous occuper à la fois d’une insertion professionnelle précoce, pour ceux qui le souhaitent, au bout de trois ans ; d’une insertion professionnelle médiane, pour les niveaux ingénieur et master ; et d’une insertion professionnelle académique, pour le niveau bac+8, ou, d’ailleurs, dirais-je, d’une insertion professionnelle au sein du monde socio-économique, celui de l’entreprise, puisque nous souhaitons que le doctorat y soit beaucoup mieux reconnu.
C’est donc bien de toutes ces formes d’insertion professionnelle qu’il nous faut parler. En fonction de celle qui sera visée en première intention, il convient de proposer des chemins différents. D’où l’idée de cette modularité et de ces unités d’enseignement auxquelles il sera possible de s’inscrire en fonction de ce que l’on souhaite.
Nous entendons faire en sorte que les chemins ne s’interrompent pas de manière définitive à la sortie de l’enseignement supérieur. Je suis en train de travailler avec Muriel Pénicaud, notamment, pour permettre, après l’obtention d’un premier diplôme suivie d’une expérience dans la vie active, de revenir acquérir des compétences et des connaissances nouvelles. L’accès à l’enseignement supérieur doit pouvoir être facilité tout au long de la vie et ne pas rester, comme aujourd’hui, d’une grande complexité pour ceux qui souhaitent reprendre des études ou obtenir des compétences et des qualifications complémentaires.
C’est pourquoi il importe vraiment d’appréhender l’insertion professionnelle dans toutes ses dimensions. J’ai entendu tout à l’heure parler d’« adéquationnisme ». Voilà une voie qu’il nous faut éviter d’emprunter, car ce serait une véritable erreur de ne tabler que sur les métiers déjà connus, déjà existants, quand on sait qu’il va y en avoir de nouveaux. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)
Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’un véritable sujet, qui ne relève probablement pas de la loi, mais dont j’aurai plaisir à parler avec vous. Les acteurs du monde socio-économique nous le disent, ils ont besoin de recruter des bac+2, des bac+3, mais ils n’en trouvent plus. Il y a une raison à cela : les BTS et les DUT obtenus dans les IUT mènent de plus en plus à des poursuites d’études jusqu’à bac+5. Au lieu d’accueillir principalement les publics pour lesquels ils ont été initialement pensés, d’où des formations beaucoup plus axées sur le concret, la pratique, le lien et la prise directe avec le monde professionnel, avec un encadrement resserré, car destiné à des étudiants ayant besoin d’être mieux accompagnés, les BTS et les DUT accueillent désormais des bacheliers généraux, souvent avec mention. Le système a donc été complètement dévoyé. (M. Robert del Picchia approuve.)
Il est donc très important de retravailler la question, y compris au niveau des programmes. Ces derniers, en effet, notamment en DUT, dont 85 % des titulaires continuent leurs études – cela pose d’ailleurs un autre problème –, doivent être accessibles. Or ils ont été élaborés avec l’idée, finalement, de faire des DUT des sortes de classes préparatoires parallèles.
Si j’insiste sur la nécessité d’appréhender le dispositif dans toute sa complétude, dirais-je, c’est que nous avons aussi besoin d’ingénieurs. Il ne s’agit donc pas de « tarir » la population de jeunes susceptible d’aller jusqu’à bac+5. C’est dire l’importance de la modularité et des passerelles envisagées. Quelle que soit la façon dont un jeune est entré dans l’enseignement supérieur, il doit pouvoir être réorienté, au sein des différents établissements, vers le cursus qui va le mieux lui convenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai que brièvement sur la question des places et des moyens.
Certes, il est toujours possible d’en vouloir davantage, et j’entends cette demande. Je rappellerai tout de même que nous allons avoir 28 000 bacheliers supplémentaires en 2018 par rapport à 2017. Nous avons débloqué des moyens pour ouvrir, dans les BTS, les DUT et les filières en tension, 22 000 places. Sachant que 80 % des bacheliers continuent leurs études dans l’enseignement supérieur, un rapide calcul permet de vous rendre compte qu’avec ces 22 000 places nous sommes globalement en phase avec la réalité. Non seulement nous sommes d’ores et déjà en train de travailler avec l’ensemble des établissements pour savoir où ouvrir ces places et comment, mais nous avons aussi conservé, si je puis dire, une réserve de secours pour qu’il soit possible, si, par hasard, les vœux de cette année ne sont pas ceux de l’an dernier, de réorienter correctement les étudiants concernés.
L’année dernière, les bacheliers qui se sont retrouvés sur le carreau étaient des bacheliers professionnels et technologiques. Pourtant, il restait plus de 3 500 places dans les BTS. Autrement dit, il convient de travailler de manière beaucoup plus fine, pour avoir, bien plus tôt, une visibilité sur les places réellement disponibles. Je ne vous parle pas des places libres, dans les BTS comme dans les IUT, à la rentrée de janvier. Nous devons aussi réfléchir à la possibilité de rentrées décalées, à l’issue de semestres d’orientation, pour que les étudiants retrouvent des places qui leur conviennent.
L’organisation du premier cycle sera profondément repensée. Si je fais le tour de l’ensemble des universités et que je vais voir tous ceux qui étaient encore mes collègues il y a peu, c’est parce que je sais pertinemment que, partout, des dispositifs sont déjà mis en place pour accompagner, en termes de méthodologie, la réussite des étudiants.
Le problème, c’est que nous devons changer d’échelle. Là aussi se pose la question des moyens. Non seulement je vais à la rencontre des présidents d’université, mais je fais en sorte qu’ils puissent partager leurs expériences, parce que ce n’est pas non plus la peine de réinventer, chacun de son côté, un système, qui, par ailleurs, a fait ses preuves et est évalué depuis plusieurs années pour accompagner la réussite des étudiants, notamment celle des bacheliers professionnels et technologiques désireux d’intégrer un cycle licence. Certaines régions, d’ailleurs, apportent à ces derniers une aide substantielle pour ce faire, car elles souhaitent mettre à profit ces nouvelles compétences pour répondre justement au besoin du monde socio-économique de recruter des techniciens spécialisés, c’est-à-dire des bac+2, des bac+3.
Il ne reste que six académies à n’être pas entrées cette année dans le processus permettant aux bacheliers professionnels d’être prioritaires dans l’accueil en BTS au lycée. Nous allons procéder à une première évaluation de ce processus, ce qui aboutira sans doute à le faire progresser.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’évoquerai maintenant la prévention et la santé des étudiants.
C’est un sujet effectivement très particulier : ces derniers étant nombreux à estimer qu’il ne va jamais rien leur arriver, ils en viennent à négliger un certain nombre de données de fond, si je puis dire. Nous voyons ainsi remonter à la surface la problématique des maladies sexuellement transmissibles et une très faible prise en charge des problèmes dentaires ou de vue. Beaucoup d’entre eux abîment leur capital santé alors qu’ils sont jeunes.
Sur ce sujet, qui doit effectivement être pris en main par des professionnels de santé, nous allons soutenir l’ouverture de centres de soins et de santé, dans lesquels ceux-ci pourront venir à la rencontre des étudiants, une après-midi par semaine, avec un système de prise en charge complète par le régime général de sécurité sociale. Il ne sera donc pas nécessaire de faire l’avance des frais.
Un certain nombre de villes, dont une que je connais extrêmement bien, ont justement travaillé avec leur université pour être capable de porter de tels projets, au bénéfice de l’ensemble des étudiants, pas seulement ceux des universités, même si, évidemment, le centre de santé est mis en place au sein de l’université, en liaison avec le CHU.
L’importance de l’accompagnement par les pairs est essentielle. Bien que leur rôle ne soit pas d’être prescriptifs, ceux-ci peuvent nous aider pour savoir par quel chemin, par quel moyen d’information et de communication atteindre véritablement les étudiants.
Puisque Condorcet a été cité, je terminerai par lui. Je connais parfaitement l’ambition qu’il a énoncée : elle a été rappelée, c’est l’égalité des faits, c’est ce que j’avais moi-même la faiblesse d’appeler l’équité. Il s’agit de faire en sorte non pas simplement que les jeunes aient une carte d’étudiant, ce qui n’est pas très compliqué, mais aussi qu’ils entrent dans l’enseignement supérieur pour y obtenir des diplômes, des compétences, des connaissances, qu’ils puissent s’insérer professionnellement, quel que soit le niveau auquel ils aspirent, quel que soit le moment de leur vie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, je sollicite une courte suspension de séance, le temps de permettre à la commission d’examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants
Article 1er
I. – L’article L. 612-3 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Les trois premiers alinéas sont remplacés par des I à VII ter ainsi rédigés :
« I. – Le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat et à ceux qui ont obtenu l’équivalence ou la dispense de ce grade en justifiant d’une qualification ou d’une expérience jugées suffisantes conformément au premier alinéa de l’article L. 613-5. Afin de favoriser la réussite de tous les étudiants, des dispositifs d’accompagnement pédagogique et des parcours de formation personnalisés tenant compte de la diversité et des spécificités des publics étudiants accueillis sont mis en place au cours du premier cycle par les établissements dispensant une formation d’enseignement supérieur.
« L’inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d’une procédure nationale de préinscription qui permet aux candidats de bénéficier d’un dispositif d’information et d’orientation qui, dans le prolongement de celui proposé au cours de la scolarité du second degré, est mis en place par les établissements d’enseignement supérieur. Au cours de cette procédure, les caractéristiques de chaque formation sont portées à la connaissance des candidats ; elles font l’objet d’un cadrage national fixé par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur. L’inscription est prononcée par le président ou le directeur de l’établissement ou, dans le cas prévu au VII du présent article, par l’autorité académique.
« L’inscription peut, compte tenu, d’une part, des caractéristiques de la formation et, d’autre part, de l’appréciation portée sur les acquis de la formation antérieure du candidat ainsi que sur ses compétences, être subordonnée à l’acceptation, par ce dernier, du bénéfice des dispositifs d’accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l’établissement pour favoriser sa réussite.
« Le silence gardé par un établissement sur une candidature présentée dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du présent I ne fait naître aucune décision implicite avant le terme de cette procédure.
« I bis. – La communication, en application des dispositions du code des relations entre le public et l’administration, du code source des traitements automatisés utilisés pour le fonctionnement de la plateforme mise en place dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au I s’accompagne de la communication du cahier des charges présenté de manière synthétique et de l’algorithme du traitement.
« II. – Les capacités d’accueil des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur des établissements relevant des ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur sont arrêtées chaque année par l’autorité académique après dialogue avec chaque établissement. La modification des capacités d’accueil prend en compte les taux de réussite et d’insertion professionnelle observés pour chacune des formations.
« III. – Pour l’accès aux formations autres que celles prévues au V, lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil d’une formation, les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de l’établissement dans la limite des capacités d’accueil, au regard de la cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, d’autre part, les caractéristiques de la formation.
« IV. – Pour l’accès aux formations autres que celles mentionnées au V, lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil d’une formation, l’autorité académique fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée, en fonction du rapport entre le nombre de ces bacheliers boursiers candidats à l’accès à cette formation et le nombre total de demandes d’inscription dans cette formation enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription prévue au deuxième alinéa du I.
« Pour l’accès à ces mêmes formations et compte tenu du nombre de candidats à ces formations résidant dans l’académie, l’autorité académique fixe également, afin de faciliter l’accès des bacheliers qui le souhaitent aux formations d’enseignement supérieur situées dans l’académie où ils résident, un pourcentage maximal de bacheliers retenus résidant dans une académie autre que celle dans laquelle est situé l’établissement. Pour l’application du présent alinéa, les candidats ressortissants français ou ressortissants d’un État membre de l’Union européenne qui sont établis hors de France, les candidats préparant ou ayant obtenu le baccalauréat français dans un centre d’examen à l’étranger et les candidats qui souhaitent accéder à une formation ou à une première année commune aux études de santé qui n’est pas dispensée dans leur académie de résidence sont assimilés à des candidats résidant dans l’académie où se situe la formation à laquelle ils présentent leur candidature.
« Les pourcentages prévus aux premier et deuxième alinéas du présent IV sont fixés en concertation avec les présidents d’université concernés. Seule l’obligation de respecter le pourcentage minimal de bacheliers boursiers retenus peut conduire à déroger au pourcentage maximal de bacheliers retenus résidant dans une autre académie.
« Pour les formations dont le bassin de recrutement diffère de l’académie, le ministre chargé de l’enseignement supérieur détermine par arrêté la zone géographique de résidence des candidats prise en compte en lieu et place de l’académie pour la mise en œuvre des dispositions du deuxième alinéa du présent IV.
« V. – Une sélection peut être opérée, selon des modalités fixées par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, pour l’accès aux sections de techniciens supérieurs, instituts, écoles et préparations à celles-ci, grands établissements au sens du titre Ier du livre VII et tous établissements où l’admission est subordonnée à un concours national ou à un concours de recrutement de la fonction publique, ainsi que pour l’accès aux formations de l’enseignement supérieur dispensées dans les lycées, aux formations préparant au diplôme de comptabilité et de gestion ou aux diplômes d’études universitaires scientifiques et techniques et aux formations de l’enseignement supérieur conduisant à la délivrance d’un double diplôme.
« Pour l’accès aux formations mentionnées au présent V, l’autorité académique fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée.
« VI. – En tenant compte de la spécialité du diplôme préparé et des demandes enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription prévue au deuxième alinéa du I, l’autorité académique prévoit, pour l’accès aux sections de techniciens supérieurs et aux instituts universitaires de technologie, respectivement un pourcentage minimal de bacheliers professionnels retenus et un pourcentage minimal de bacheliers technologiques retenus ainsi que les modalités permettant de garantir la cohérence entre les acquis de la formation antérieure du candidat et les caractéristiques de la formation demandée. Ces pourcentages et ces modalités sont fixés en concertation avec les présidents d’université, les directeurs des instituts universitaires de technologie, les directeurs des centres de formation d’apprentis et les proviseurs des lycées ayant des sections de techniciens supérieurs, chacun pour ce qui le concerne.
« VII. – L’autorité académique propose aux candidats domiciliés dans la région académique auxquels aucune proposition d’admission n’a été faite dans le cadre de la procédure nationale de préinscription une inscription dans une formation en tenant compte, d’une part, des caractéristiques de cette dernière et, d’autre part, des acquis de leur formation antérieure et de leurs compétences. Cette proposition fait l’objet d’un dialogue préalable avec le candidat et le président ou le directeur de l’établissement concerné. Avec l’accord de ces derniers, l’autorité académique prononce son inscription dans la formation proposée.
« VII bis. – Lorsque la situation d’un candidat justifie, eu égard à des circonstances exceptionnelles tenant à son état de santé, à son handicap ou à ses charges de famille, son inscription dans un établissement situé dans une zone géographique déterminée, l’autorité académique, saisie par ce candidat, peut procéder au réexamen de sa candidature. En tenant compte de la situation particulière que l’intéressé fait valoir, des acquis de sa formation antérieure et de ses compétences ainsi que des caractéristiques des formations, l’autorité académique prononce, avec son accord et celui du président ou du directeur de l’établissement concerné, son inscription dans une formation du premier cycle.
« VII ter. – Au mois de décembre de chaque année, le ministre chargé de l’enseignement supérieur rend public un bilan détaillé par académie de la procédure nationale de préinscription dans le premier cycle de l’enseignement supérieur. » ;
2° bis Au début du quatrième alinéa, est ajoutée la mention : « VIII. – » ;
3° Le dernier alinéa est supprimé.
I bis A. – (Non modifié) Le I bis de l’article L. 612-3 du code de l’éducation entre en vigueur au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.
I bis. – (Non modifié) Après l’article L. 612-3-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 612-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 612-3-2. – L’inscription dans une formation du premier cycle de l’enseignement supérieur dispensée par un établissement privé sous contrat d’association ou par un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général ou l’inscription dans toute formation conduisant à la délivrance d’un diplôme national de l’enseignement supérieur ou d’un titre ou diplôme de l’enseignement supérieur délivré au nom de l’État dans les conditions prévues à l’article L. 335-6 est précédée de la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du I de l’article L. 612-3. L’établissement définit, dans le respect du cadrage national arrêté par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, les caractéristiques de chaque formation, qui sont portées à la connaissance des candidats au cours de cette procédure.
« Lorsqu’un contrat conclu entre l’État et un établissement d’enseignement privé dispensant des formations initiales d’enseignement supérieur prévoit l’application, à ces formations, de certaines des dispositions du même article L. 612-3, le chef d’établissement est associé, le cas échéant, aux dispositifs de concertation que ces dispositions prévoient. »
I ter. – Les établissements mentionnés au I de l’article L. 612-3 et à l’article L. 612-3-2 du code de l’éducation dont les formations du premier cycle de l’enseignement supérieur n’étaient pas répertoriées dans la procédure de préinscription en première année d’une formation postbaccalauréat à la date de promulgation de la présente loi inscrivent ces formations dans la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du I de l’article L. 612-3 du même code au plus tard le 1er janvier 2019.
II. – (Non modifié) À la première phrase de l’article L. 621-3 et du premier alinéa de l’article L. 650-1 du code de l’éducation, la référence : « troisième alinéa » est remplacée par la référence : « V ».
III. – (nouveau) Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 octobre 2020, un rapport présentant le bilan de l’application du présent article.