M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier et Paul, Mme Primas, MM. Chatillon et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
pathologie
insérer le mot :
directement
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’alinéa 3 de l’article 1er.
Le fonds a pour objet d’indemniser les préjudices résultant d’une pathologie directement occasionnée par l’exposition aux produits phytosanitaires utilisés sur le territoire français. Aussi, cet amendement a pour objet d’ajouter le mot « directement » pour établir le lien de cause à effet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Personne ne songerait à prendre en compte un lien qui ne serait pas direct entre l’exposition et la pathologie. Cet amendement a recueilli un avis favorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Vous proposez d’amender un texte dont je n’approuve pas le principe, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
D’abord, les risques sur la santé des expositions environnementales ne sont malheureusement pas bien connus et sont insuffisamment documentés sur le plan scientifique. (Mme Laurence Cohen et M. Victorin Lurel s’exclament.)
Ensuite, un tel dispositif d’indemnisation serait déresponsabilisant, en particulier à l’égard des industriels. Même si je suis d’accord avec vous, les effets sur la santé des produits phytopharmaceutiques en général font l’objet d’un consensus scientifique concernant des expositions professionnelles. Il me semble plus pertinent de renforcer l’indemnisation dans le cadre du système préexistant des accidents du travail et des maladies professionnelles, et de donner la priorité absolue à la prévention des risques liés à ces produits.
C’est dans cette optique que le Gouvernement compte renforcer l’effort de recherche,…
Mme Laurence Cohen. Avec quels moyens ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. … afin de mieux connaître les liens entre pathologie et exposition, mais également de développer les actions de protection des travailleurs et des populations à risque.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je me rallie à cet amendement dont le mérite revient à ses cosignataires et auquel la commission a donné un avis favorable. Il s’agit d’un vrai problème de santé publique, comme en témoignent tous les arguments qu’ont développés nos collègues.
En vue de la reconnaissance de ces maladies professionnelles et accidents du travail par la branche AT-MP, il y a urgence à prendre des mesures en la matière. La situation dure depuis des années. Or on a trop tendance à banaliser ces maladies professionnelles. C’est pourquoi je salue tout le travail qui a été réalisé auparavant par la mission d’information et l’action de Mmes Bonnefoy, Primas et ceux de nos collègues qui se sont penchés sur ces différents enjeux de santé publique.
En conclusion, je soutiens cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier et Paul, Mme Primas, MM. Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Un arrêté des ministres chargés de la santé et de l’agriculture ne peut valablement établir une liste des pathologies mentionnées aux 2° et 3° du présent article sans un avis préalable d’experts médicaux compétents – vous êtes extrêmement compétente, madame la ministre, mais ce n’est pas toujours le cas de certains ministres, y compris de leur cabinet – sur le lien de causalité entre la pathologie et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques.
Il relève de la compétence exclusive de la commission médicale du fonds prévue à l’alinéa 5 de l’article 3, composée d’experts médicaux indépendants, de déterminer les pathologies directement occasionnées par l’exposition aux produits phytosanitaires au regard des demandes d’indemnisation.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Iacovelli, Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont, MM. Duran et Vaugrenard, Mmes Espagnac, Taillé-Polian, Artigalas, Lepage et Féret, M. Manable, Mmes Monier et Conconne, MM. Roux et Daunis, Mme Harribey et MM. Assouline, Magner, Cabanel, Antiste, Marie et Daudigny, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
santé
insérer les mots :
, des outre-mer
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Nous nous sommes retrouvés face au mur de l’irrecevabilité financière de l’article 40 de la Constitution, pour avoir simplement cité le chlordécone et le paraquat. Afin de bien montrer que l’ensemble du territoire est concerné, cet amendement prévoit d’associer le ministre des outre-mer à la définition, aux côtés de ses collègues ministres de la santé et de l’agriculture, de la liste des pathologies concernées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Ces deux amendements visent à préciser le mode d’entrée dans le dispositif. Il est prévu une commission médicale indépendante pour statuer, sur le modèle, là encore, des différents fonds qui existent actuellement, sur l’existence ou non d’un lien de causalité entre l’exposition et la pathologie. Il ne paraît pas cohérent que la commission médicale chargée de statuer en donnant un avis sur les dossiers individuels soit celle qui dresse la liste des pathologies concernées.
Nous avons renvoyé à un arrêté conjoint des ministres, qui devra évidemment s’appuyer sur les données existantes et incontestables figurant à l’un des quinze tableaux de maladies professionnelles du régime de la mutualité sociale agricole, la MSA. L’arrêté pourra également s’appuyer sur l’expertise collective de l’INSERM.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 9 rectifié.
Faut-il ajouter aux ministres de la santé et de l’agriculture, le ministre chargé des outre-mer ? Traditionnellement, la précision n’est pas apportée, car les premiers sont compétents sur l’ensemble du territoire de la République. Néanmoins, la commission a estimé que la situation des Antilles était particulière à l’égard de ce dossier, avec des expositions très importantes.
C’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse de notre assemblée sur l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, pour les mêmes raisons que précédemment.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. J’ai entendu les arguments de M. le rapporteur : je retire l’amendement n° 9 rectifié.
Mme Sophie Primas. Sur l’amendement n° 2 rectifié bis, pourquoi ne pas associer le ministre de la cohésion des territoires ? En effet, il représente tous les territoires français, qui sont touchés comme l’outre-mer par les mêmes problématiques.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Il est créé un « Fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques » géré par la caisse centrale de la mutualité sociale agricole mentionnée à l’article L. 723-11 du code rural et de la pêche maritime.
Ce fonds a pour mission de réparer les préjudices définis à l’article premier de la présente loi. Il comprend un conseil de gestion dont la composition est fixée par décret. Il est représenté à l’égard des tiers par le directeur de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Je profite de cette prise de parole pour continuer à répondre aux arguments de Mme la ministre. Selon elle, indemniser dans le format et l’économie que nous avons proposés reviendrait à déresponsabiliser les industriels, au travers d’une sorte de mutualisation du risque. Nous n’y croyons pas, car l’article 6 de la proposition de loi prévoit une subrogation dans les droits. Rien n’empêche au demandeur, au patient, de demander réparation au responsable, employeur, industriel. La question a sa réponse. Par conséquent, vos arguments ne tiennent pas, madame la ministre.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les outre-mer, vous remettez en cause les études épidémiologiques, qui sont fort peu nombreuses – quatre ou cinq –, je le reconnais avec vous, dont Karu-prostate. Ce sont les professeurs Blanchet et Multigner qui ont établi le lien de causalité, sauf si l’on remet en cause la scientificité de ces études, entre l’exposition au chlordécone et, notamment, le cancer de la prostate. Pour les enfants, je citerai les études Timoun, Kannari et Hibiscus.
Si vous affirmiez que la représentativité de l’échantillon et le nombre d’études épidémiologiques sont insuffisants, je le reconnaîtrais, mais cela signifierait que l’État n’a pas injecté assez de moyens. Ceux-ci sont passés de 36 millions à 30 millions d’euros, 10 millions par an, peut-être pas toujours consommés. De plus, l’information est lacunaire et parcellaire. Nous avons donc encore du travail.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. S’il semble logique de confier de manière formelle la gestion du fonds d’indemnisation à la MSA, il faudra être très vigilant sur la composition du conseil de gestion, afin que celui-ci soit impartial, transparent et compétent médicalement, et représente à la fois les riverains et les agriculteurs, les enfants des personnes exposées et les salariés.
Toutefois, la proposition de nos collègues du groupe Les Républicains d’intégrer par anticipation des représentants de l’industrie phytopharmaceutique au sein de ce conseil de gestion semble propice aux conflits d’intérêts, car, cela a été souligné, ceux-ci seront à la fois financeurs, pollueurs, « indemnisateurs » – cela fait un peu beaucoup –, c’est-à-dire juge et partie, cherchant à tout prix – on sait qu’ils fonctionnent ainsi – à empêcher la reconnaissance des pathologies dans l’espoir d’amoindrir leur contribution financière à ce fonds.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. Je tiens également à saluer l’amélioration de l’expertise pour la détermination des liens entre exposition et pathologie. La création de ce fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, assorti d’une commission médicale autonome, me semble très efficace.
Aujourd’hui, l’évaluation des risques est permanente, et c’est avec exactitude que l’on suit l’évolution entre exposition et effets potentiels sur la santé humaine. Cette commission aura pour effet concomitant de rassurer nos populations qui subissent encore et toujours les effets des fake news et de préjugés, aussi longtemps répandus dans nos mentalités que le chlordécone sur nos sols.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. J’étais venu apporter mon vote, je voudrais aussi faire entendre ma voix en tant qu’agriculteur en exercice ayant utilisé des produits phytosanitaires, car je trouve vos propos, madame la ministre, désespérants pour les victimes.
Je ne connais pas l’exemple du chlordécone, qui m’apparaît absolument scandaleux, mais la puissance publique a très largement incité à l’utilisation des produits phytosanitaires en métropole. J’ai le souvenir, lorsque j’étais enfant, de mon père écoutant un technicien lui vanter la qualité des produits qui étaient, selon lui, bon pour la santé, et l’inciter à les toucher sans protection. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être extrêmement sensible à ces produits et de m’être protégé très tôt. Mais on ne peut pas se protéger totalement.
J’ai régulièrement été affecté par des vomissements, des maux de tête, et j’ai connu nombre de victimes dans mon environnement. Un membre de l’association Phyto-Victimes est présent ici : Dominique Marshall, habitant de mon département, qui est le premier malade en France à avoir été reconnu comme tel par la MSA ; affaibli et souffrant, c’est grâce à la ténacité de son épouse qu’il a su apporter la preuve directe du lien de causalité, mais dans un combat infernal, insensé, démesuré, inhumain.
Madame la ministre, je voulais verser au débat un peu d’humanité pour qu’il soit empreint de plus de justice. Je vous demande de l’entendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Iacovelli, Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont, MM. Duran et Vaugrenard, Mmes Espagnac, Taillé-Polian, Artigalas, Lepage et Féret, M. Manable, Mmes Monier et Conconne, MM. Roux et Daunis, Mme Harribey et MM. Assouline, Magner, Cabanel, Antiste, Marie et Daudigny, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer le mot :
décret
par les mots :
arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, des outre-mer et de l’agriculture
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Cet amendement prévoit que la composition du conseil de gestion est fixée par un arrêté et non plus par un décret du Premier ministre. Il a donc pour objet d’abaisser le niveau réglementaire de la constitution dudit conseil, ce qui, aux yeux de la commission, n’est pas de bonne politique.
Nous souhaitons que la composition du conseil de gestion soit bien fixée par un décret du Premier ministre. Le décret pourra comprendre les signatures des ministres concernés et, pourquoi pas, du ministre des outre-mer, mais il ne pourra en aucun cas être remplacé par un simple arrêté interministériel.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Pour les mêmes raisons que précédemment, j’émets un avis défavorable, puisque, globalement, je ne suis pas favorable à cette proposition de loi.
Cela étant dit, je voudrais rassurer M. Lurel. Ayant présidé l’Institut national du cancer, j’ai eu à travailler sur le plan chlordécone et les difficultés à identifier des effets à moyen et à long terme, car les effets à court terme du chlordécone sont connus. Ayant aussi été vice-présidente du Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé…
M. Patrick Kanner. Vous êtes ministre, madame !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Oui, mais je voudrais répondre spécifiquement à M. Lurel sur la problématique du chlordécone, qui, pour l’instant, est classé par l’OMS comme un cancérogène possible, donc 2B. Cela signifie que le niveau de preuve des études que vous citez n’est pas suffisant aujourd’hui pour affirmer le lien entre le cancer et le chlordécone. C’est toute la difficulté, puisque l’OMS et le CIRC continuent de considérer qu’il s’agit d’un cancérogène du groupe 2B.
C’est pourquoi, sur le plan scientifique, nous avons de façon volontariste – et lorsque j’étais à l’INCa, j’ai voulu financer ces études – essayé d’aller plus loin dans la connaissance des effets secondaires du chlordécone sur le territoire antillais. Mes équipes et moi-même y avons aussi travaillé, parce que, sur le plan méthodologique, c’est excessivement compliqué, car il s’agit d’expositions très anciennes qui touchent l’ensemble de la population.
Aussi, c’est un problème scientifique qui persiste aujourd’hui, monsieur Lurel. Sachez à quel point j’ai été mobilisée et je continue de l’être en ma qualité de ministre pour essayer de mieux comprendre les effets à moyen et long termes du chlordécone sur vos populations.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.
M. Victorin Lurel. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, MM. Pellevat, Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Paul, Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau, n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article 2.
Mme Laurence Cohen. Ce débat est extrêmement important. J’entends les explications de Mme la ministre et je ne doute pas de son engagement. Je voudrais cependant exprimer un certain nombre de préoccupations, car, comme je l’ai dit lors de mon propos liminaire au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, cette prudence, ce désir d’obtenir la preuve scientifique, cette nécessité de développer une politique de prévention, tout le monde les partage.
Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 que nous avons voté récemment ne comprenait pas les moyens pour développer une telle politique dans quelque domaine que ce soit. Et comme l’a très bien souligné Mme Bonnefoy, nous nous trouvons face à des lobbies industriels qui ont non seulement des moyens financiers juridiques énormes, mais également des moyens financiers humains importants. De surcroît, le temps joue en faveur des gros industriels, car les personnes malades pour avoir été victimes d’exposition ont une durée d’action extrêmement limitée du fait de la progression de la maladie.
Par conséquent, les arguments que vous développez, madame la ministre, sont difficiles à entendre pour le législateur que nous sommes, dont la mission est justement d’élaborer la loi et de poser des cadres pour défendre les plus fragiles.
Personnellement, je ne doute pas que vous soyez sensible au témoignage de notre collègue ; il m’a beaucoup touchée, car il fait écho aux propos des uns et des autres. C’est du vécu. Selon vous, madame la ministre, il faut attendre, nous devons vous laisser du temps. Pour ma part, j’ai un peu de mal à signer des chèques en blanc, d’ailleurs, à quelque gouvernement que ce soit. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Madame la ministre, vos compétences ne sont nullement remises en question, car nous connaissons votre attachement au monde de la santé et aux organismes que vous avez dirigés.
Toutefois, nos populations ne comprendraient pas que, dans cet hémicycle, sur une question aussi importante, nous ne soyons pas des avocats déterminés et farouchement opposés à une nouvelle attente.
Je peux citer une multitude d’exemples, dont le diéthylstilbestrol et la dépakine – même si ce sont des médicaments. Vous êtes peut-être mieux placée que moi pour trouver une liste exhaustive ou non exhaustive de produits qui, au départ, laissaient perplexes et qui se sont révélés nocifs par la suite. Cette liste est, me semble-t-il, beaucoup plus longue que celle des produits pour lesquels, après vérification, aucune relation de cause à effet n’a été démontrée. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Le demandeur justifie de l’exposition à des produits phytopharmaceutiques et de l’atteinte à l’état de santé de la victime.
Il en informe le fonds des autres procédures relatives à l’indemnisation des préjudices définis à l’article premier éventuellement en cours. Si une action en justice est intentée, il informe le juge de la saisine du fonds.
Si la maladie est susceptible d’avoir une origine professionnelle et en l’absence de déclaration préalable par la victime, le fonds transmet sans délai le dossier à l’organisme concerné au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité. Cette transmission vaut déclaration de maladie professionnelle. Elle suspend le délai prévu à l’article 4 de la présente loi jusqu’à ce que l’organisme concerné communique au fonds les décisions prises. En tout état de cause, l’organisme saisi dispose pour prendre sa décision d’un délai de trois mois, renouvelable une fois si une enquête complémentaire est nécessaire. Faute de décision prise par l’organisme concerné dans ce délai, le fonds statue dans un délai de trois mois.
Le fonds examine si les conditions d’indemnisation sont réunies. Il recherche les circonstances de l’exposition aux produits phytopharmaceutiques et ses conséquences sur l’état de santé de la victime ; il procède ou fait procéder à toute investigation et expertise utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel.
Au sein du fonds, une commission médicale indépendante se prononce sur l’existence d’un lien entre l’exposition aux produits phytopharmaceutiques et la survenue de la pathologie. Sa composition est fixée par un arrêté des ministres chargés de la santé et de l’agriculture.
Vaut justification de l’exposition à des produits phytopharmaceutiques la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par ces produits au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité.
Vaut également justification du lien entre l’exposition à des produits phytopharmaceutiques et le décès la décision de prise en charge de ce décès au titre d’une maladie professionnelle occasionnée par des produits phytopharmaceutiques en application de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité.
Dans les cas valant justification de l’exposition aux produits phytopharmaceutiques mentionnés aux deux alinéas précédents, le fonds peut verser une provision si la demande lui en a été faite. Il est statué dans le délai d’un mois à compter de la demande de provision.
Le fonds peut requérir de tout service de l’État, collectivité publique, organisme assurant la gestion des prestations sociales, organisme assureur susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.
Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande faite au fonds d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds sont tenues au secret professionnel.
Le demandeur peut obtenir la communication de son dossier, sous réserve du respect du secret médical.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, il n’a jamais été question de remettre en cause votre expertise et votre engagement. Je vous remercie très sincèrement de cette réponse, empreinte d’émotion. Nous avons une chance de vous avoir, car vous êtes une professionnelle avertie.
Dans ma famille, je vis cette situation au quotidien et constate la psychose collective qui s’instaure aujourd’hui en Guadeloupe et en Martinique. Dire ici qu’il faut attendre, que nous avons le temps de voir, c’est adopter la même attitude que lors de l’affaire du sang contaminé, de l’amiante, de la dépakine, etc. Et si vous dites vous-même qu’il s’agit d’un cancérogène probable,…
M. Victorin Lurel. … possible, pourquoi alors avoir accepté de relever les LMR de 10 microgrammes à 20 microgrammes autorisés pour commercialiser et consommer le produit visé ?
Les populations entendent ces informations et parlent d’empoisonnement. Certains, excessifs, vont même jusqu’à évoquer un « génocide par empoisonnement ». Moi, je ne veux pas entendre ces mots. Mais par ce silence ou cette indifférence, on donne l’impression d’être éloigné des préoccupations de nos concitoyens.
La question n’est pas posée : pourquoi avoir augmenté les limites maximales de résidus dans les viandes rouges de 20 microgrammes à 100 microgrammes et dans les viandes blanches, les volailles et les œufs, de 20 microgrammes à 200 microgrammes, soit une multiplication par 10, alors que vous dites que les effets cancérogènes sont possibles ? Pourquoi prendre un tel risque ? Pourquoi l’État reste-t-il inerte ?
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Mon intervention ira dans le même sens. Je ne conteste nullement l’expertise de Mme la ministre, mais il y a lieu d’agir, car cela fait trop longtemps que l’on évoque le sujet et que des malades attendent. Certains vivent un véritable parcours du combattant et d’autres sont médiatisés à l’instar de Paul François. Deux Bretons sont victimes de la société Triskalial, Laurent Guillou et Stéphane Rouxel – je tiens à les nommer. Ils luttent avec force depuis longtemps et sont appuyés par un comité de soutien et par l’association Phyto-Victimes, mais ils ne parviennent pas à obtenir la reconnaissance de leur maladie. C’est humainement insupportable !
Le mécanisme de l’article 3 est essentiel pour faciliter le parcours des victimes, accélérer leur indemnisation, garantir le secret médical, voire, comme le prévoit un amendement de nos collègues du groupe Les Républicains, le secret industriel et commercial. Ce dernier peut en effet empêcher des victimes de prouver leur intoxication, car elles se voient refuser l’analyse même des substances présentes dans leur corps. En effet, pour analyser, il faut connaître la formule, or celle-ci est secrète.
Il faut donc un intermédiaire, la commission médicale prévue à cet article, qui aura pour mission de caractériser le lien entre les expositions et les pathologies, de garantir le secret médical ainsi que le secret industriel et commercial. Comme dans le cas du conseil de gestion du fonds, la composition de la commission médicale sera essentielle pour garantir son impartialité, sa transparence et sa compétence médicale. En effet, nous savons aujourd’hui les dégâts que peuvent engendrer les conflits d’intérêts dans les questions de santé publique. (M. Henri Cabanel applaudit.)